M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Rossignol, nous ne voulons pas poursuivre les parents. C’est une caricature que de le dire ainsi. J’ai d’ailleurs moi-même déclaré qu’il n’était pas question de supprimer des allocations. Je pense en particulier aux femmes qui travaillent, qui sont seules pour élever leurs enfants et qui le font avec beaucoup de dignité, dans la difficulté.

Toutefois, je pense également à des parents qui pourraient faire quelque chose vis-à-vis de leurs enfants pour assurer l’autorité parentale, mais qui ne le font pas. Les nuits courtes que nous avons vécues, les uns et les autres, ont été émaillées de mauvaises nouvelles, mais aussi de vidéos.

Or l’une de ces vidéos m’a particulièrement plu : on y voit un père attraper son gamin par le colback et lui dire de rentrer à la maison. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC. – Murmures sur les travées des groupes SER et GEST.)

En effet, à 11 ans, on ne traîne pas dans les rues ! À cet égard, ceux d’entre nous qui se sont mariés ont le souvenir des dispositions de l’article 212 du code civil – « Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance » –, mais d’aucuns oublient parfois le reste : les parents ont une obligation morale à l’égard de leurs enfants. Ce n’est pas plus compliqué que cela. Alors oui, ceux qui peuvent répondre à cette obligation, mais qui ne le font pas, méritent d’être sanctionnés !

Par ailleurs, la responsabilité civile est très simple : lorsque les enfants cassent, les parents payent. Cela existe depuis toujours, et il convient de le rappeler. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Enfin, une autre responsabilité pénale des parents consiste, lorsque leur enfant est convoqué, à l’accompagner devant la justice. S’ils ne le font pas, ils encourent une amende importante. J’ai rappelé ces dispositions et demandé aux procureurs de les mettre en application.

De plus, je viens de rédiger à l’attention des parents un flyer qui explique en termes simples leurs obligations à ceux qui, madame la sénatrice, les auraient oubliées. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.

Mme Laurence Rossignol. Monsieur le garde des sceaux, je prends acte du fait que, pour vous, la loi actuelle suffit à protéger les enfants et poursuivre les parents.

Mes chers collègues, j’observe depuis quelques années le monde politique, les hommes et les femmes qui le composent, y compris dans leur intimité et dans les difficultés qu’ils rencontrent en tant que parents. Certains de nos enfants sont également arrêtés, placés en garde à vue, mis en examen et condamnés. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) Nos enfants ne sont ni meilleurs ni pires que ceux des autres !

Aussi, je vous invite à regarder les autres parents avec un peu plus d’empathie et de bienveillance. Comme nous, ils font au mieux, c’est-à-dire comme ils peuvent ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

violences envers les élus

M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Arnaud Bazin. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la France entière a appris avec effroi la tentative d’assassinat commise à l’encontre de la famille de M. le maire de L’Haÿ-les-Roses, Vincent Jeanbrun.

Les Français savent peut-être moins que Stéphanie Von Euw, Mme le maire de Pontoise, n’a réchappé à un traquenard que d’extrême justesse, grâce à son sang-froid et à la solidité de son véhicule. Tir de mortier dans l’habitacle, jets de projectile, tentatives de la capturer… Bilan : un tympan détruit, des brûlures à la jambe et l’inévitable choc psychologique, même si elle y fait face avec un grand courage.

En revanche, la France ignore que vingt-quatre heures après l’incendie de ma mairie de cœur, à Persan, dans le Val-d’Oise, le premier adjoint, déjà menacé par les flammes dans ce bâtiment la veille, a été réveillé à son domicile par des coups dans ses volets, aux cris de : « On est là ! On est là ! ».

Je demande pardon aux élus qui en ont subi autant de ne pouvoir tous les citer ici, mais je sais que, sur ces travées, nous pensons tous à eux.

Désormais, le maire, représentant de sa population et de l’État, est partout menacé. Déjà, depuis des années, le moindre refus du maire de quelque village que ce soit pouvait déboucher sur des cris, des insultes, des menaces et même des agressions physiques. L’édile n’est plus protégé par l’aura de sa fonction, car il représente l’État, dont trop de nos compatriotes récusent l’autorité. L’enfant roi est devenu un adulte tyran.

Aussi, madame la Première ministre, au-delà des quelques mesures que vous avez déjà en magasin – protection juridique et physique, statut des élus… –, que comptez-vous faire pour rétablir, à tout moment et en tout lieu, l’autorité de l’État, donc celle des maires ?

Au moment où la population a tant besoin d’eux, cette autorité est la seule vraie garante de leur sécurité. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme Martine Berthet. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Bazin, les violences de ces derniers jours n’ont pas manqué d’exposer de nouveau nombre de nos élus locaux et de nos maires.

Je tiens à souligner le courage dont ils ont fait preuve pour défendre leur commune. Je rends hommage à celles et à ceux qui ont été agressés, très souvent violemment, par les émeutiers. J’ai notamment une pensée pour le maire de L’Haÿ-les-Roses, M. Vincent Jeanbrun.

M. Christian Cambon. Et pour son épouse !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Et pour son épouse, bien entendu, mais aussi pour la maire de Pontoise, Stéphanie Von Euw, ou encore pour Boris Ravignon, le maire de Charleville-Mézières.

Ces agressions sont tout simplement ignobles. Je mesure, aux côtés de Mme la Première ministre, leur gravité.

La première façon d’assurer la sécurité des élus au cours de cette crise a été de déployer 45 000 policiers nationaux et gendarmes pour ramener l’ordre. Les hommages que les élus leur ont rendus ces derniers jours témoignent de l’importance de leur travail. Je salue également le courage de nos forces de sécurité intérieure, de nos pompiers, de nos forces de secours et de nos policiers municipaux.

Au préalable, nous avions voulu répondre aux violences du quotidien. Dès le 17 mai dernier, au moment de la démission de Yannick Morez, le maire de Saint-Brevin-les-Pins, nous avons protégé nos élus. Depuis deux mois, pas moins de 3 400 gendarmes et policiers référents se consacrent aux violences faites aux élus, vont à la rencontre de ces derniers et les écoutent, évaluent la situation, protègent et enquêtent.

De plus, quelque 1 800 élus se sont inscrits, depuis deux mois, au dispositif « Alarme élu », et pas moins de trois sites internet ont été déréférencés pour cause de cyberviolences grâce à la plateforme Pharos – plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements –, dont je vous vantais les mérites il y a quelques semaines.

Une circulaire du ministre de l’intérieur, du garde des sceaux et de moi-même est venue rappeler aux préfets et aux procureurs que cette cause était une priorité absolue et qu’elle appelait une action résolue de leur part.

Nous voulons aller plus loin : Mme la Première ministre a annoncé un plan national de prévention et de lutte contre les violences, qui s’inspire, mesdames, messieurs les sénateurs, de vos travaux et que je vous présenterai dans trois jours, le vendredi 7 juillet prochain. (MM. François Patriat et Thani Mohamed Soilihi applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour la réplique.

M. Arnaud Bazin. Madame la ministre, comme Roger Karoutchi, j’espérais que vous me répondriez : décentralisation, pouvoir des communes, pouvoir des maires… (M. Roger Karoutchi lève les bras au ciel.) Je suis un peu déçu.

J’attire tout de même votre attention sur un point : ce samedi, le 8 juillet, nous risquons de connaître un nouveau désastre, car Mme Mathilde Panot vient d’appeler la terre entière à manifester entre Persan et Beaumont-sur-Oise à l’occasion de l’anniversaire du décès d’Adama Traoré. Je vous engage à réfléchir à l’interdiction de cette manifestation ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP. – M. le ministre de lintérieur et des outre-mer opine.)

situation en nouvelle-calédonie

M. le président. La parole est à M. Gérard Poadja, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Gérard Poadja. Ma question s’adresse à Mme la Première ministre.

Madame la Première ministre, lors de sa prochaine visite en Nouvelle-Calédonie annoncée à la fin de ce mois, le Président de la République pourra voir par lui-même comment a grandi le cocotier dénommé « arbre de l’avenir » qu’il a planté à Ouvéa, avec Ginette, une petite fille kanake de l’île, le 4 mai 2018. Le Gouvernement s’est employé à faire pousser cet arbre de l’avenir, sous votre autorité et celle du ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Vous avez tracé le cadre – celui d’un « accord global et ambitieux » –, la perspective – la poursuite de l’« émancipation du pays, y compris en ce qui concerne certaines compétences régaliennes » –, les fondamentaux – un « peuple calédonien » qui prend ses racines dans « une citoyenneté calédonienne irréversible », une Nouvelle-Calédonie « une et indivisible », ce qui exclut toute partition du pays, un « référendum d’autodétermination de rassemblement » ou « de projet » au lieu de référendums binaires, comme je le défendais déjà devant notre assemblée le 4 mai 2021.

Madame la Première ministre, je suis Kanak, Calédonien et Français.

Je crois plus que jamais au destin commun entre la France et la Nouvelle-Calédonie, un destin commun nourri par une histoire, une langue, une école et des valeurs, mais aussi par une « souveraineté partagée ».

C’est pourquoi le prochain accord devra nous conduire à fusionner ce qui nous a toujours opposés jusqu’à présent : la souveraineté et la République.

Madame la Première ministre, confirmez-vous à la Haute Assemblée que vous êtes prête à vous inscrire dans cette perspective, dans le respect du résultat des trois référendums, pour que vive le peuple calédonien, que vive la Nouvelle-Calédonie et que vive la France ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI et Les Républicains. – M. Patrick Kanner applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le sénateur Gérard Poadja, les accords de Matignon en 1988 ont manifesté la volonté des Calédoniens de mettre fin au cycle des violences.

Dix ans plus tard, l’accord de Nouméa a marqué une nouvelle étape, en renforçant la prise en compte de l’identité kanake, en fondant de nouvelles institutions, en organisant le transfert des compétences et en définissant le calendrier du processus d’exercice du droit à l’autodétermination.

Dans le respect des engagements pris en 1998 et sous l’autorité du Président de la République, les trois consultations référendaires prévues par l’accord de Nouméa ont été organisées en 2018, 2020 et 2021. À trois reprises, les Calédoniens ont fait la même réponse et, au soir de la troisième consultation, le 12 décembre 2021, le Président de la République a pris acte de la volonté de la majorité des Calédoniens de rester dans la République et dans la nation française.

Comme vous le savez, monsieur le sénateur, mon gouvernement est pleinement mobilisé pour accompagner les discussions sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie au sein de la République, dans le respect des acquis de l’accord de Nouméa.

Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer, a confirmé dans un récent courrier adressé aux partenaires politiques que les transferts de compétences réalisés depuis 1998, tout comme le principe d’une citoyenneté calédonienne, n’avaient pas vocation à être remis en cause. Pour autant, les conditions d’accès à cette citoyenneté font d’ores et déjà l’objet d’échanges avec l’ensemble des partenaires politiques.

Monsieur le sénateur, je vous confirme que le prochain accord respectera la volonté exprimée par la majorité des Calédoniens.

Je vous confirme que le prochain accord ne remettra pas en cause le principe du partage de souveraineté qui est mentionné dans le préambule de l’accord de Nouméa.

Je forme le vœu que le prochain accord ne soit pas que juridique et institutionnel, mais poursuive l’ambition d’un destin commun calédonien.

Je suis prête à inviter l’ensemble des partenaires à la fin du mois d’août prochain pour un cycle de réunions trilatérales, qui doit nous permettre de conclure l’accord que les Calédoniens attendent. C’est bien évidemment en lien avec Gérald Darmanin, Jean-François Carenco et Sonia Backès que je prépare cette rencontre. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

violences urbaines et réponse judiciaire

M. le président. La parole est à Mme Muriel Jourda, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Muriel Jourda. Ma question s’adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le garde des sceaux, il y a quelques semaines, vous avez adressé aux magistrats une circulaire qui faisait état de la conduite à tenir lorsque des infractions étaient commises au cours de manifestations. Immédiatement, le Syndicat de la magistrature, plus connu du grand public depuis une dizaine d’années grâce au tristement célèbre « mur des cons », adressait une contre-circulaire. Celle-ci expliquait en substance comment ne pas appliquer vos consignes.

Plus récemment, à la suite des événements qui ont animé toute cette séance de questions d’actualité au Gouvernement, le Syndicat de la magistrature a publié un communiqué de presse intitulé « Mort de Nahel : ce n’est pas à la justice d’éteindre une révolte ». Il y explique, dans ce qui peut s’apparenter à une diatribe, de quelle façon il s’oppose au Gouvernement et aux syndicats policiers, et il y évoque des « violences policières ».

Je tiens à rappeler le principe suivant : si la liberté syndicale est forte dans sa liberté d’expression, elle s’arrête là où le statut du magistrat l’arrête, c’est-à-dire à l’impossibilité de faire de la politique.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Oui !

Mme Muriel Jourda. Monsieur le garde des sceaux, comment comptez-vous rappeler ce principe et le faire appliquer ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Thani Mohamed Soilihi applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice, je vous remercie de me poser cette question.

Je vous dirai d’abord sans ambages et de façon très claire que je partage totalement vos inquiétudes. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Le « mur des cons » contenait la photographie de M. Escarfail, qui a pour tort d’avoir une fille qui a été assassinée.

Entre les deux tours de l’élection présidentielle, le Syndicat de la magistrature, a affirmé qu’il s’agissait d’un deuxième tour de cauchemar.

Par ailleurs, le Syndicat de la magistrature souhaite choisir son ministre. (M. Bernard Jomier sexclame.)

Le Syndicat de la magistrature souhaite même qu’il n’y ait plus de ministère de la justice. (Oui ! sur des travées du groupe Les Républicains.)

J’aurais pu rappeler tout cela, mais je ne le ferai pas. (Exclamations amusées sur les travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains. – M. Jean-Michel Arnaud applaudit.)

Je m’arrêterai sur cette fausse circulaire – une circulaire Canada Dry, car elle ressemble à une circulaire que prend le garde des sceaux. Oui, elle incite même les magistrats à violer les textes de loi.

En ce qui me concerne, j’y vois une forme d’humour, madame la sénatrice, et je ne veux pas aller plus loin.

Pour ma part, je me bats au quotidien, non pour le Syndicat de la magistrature, mais pour les magistrats et pour améliorer leurs conditions de travail. À ce propos, je remercie le Sénat d’avoir voté le texte que j’ai défendu devant lui.

Une toute dernière chose : je suis le seul à pouvoir prendre une circulaire de politique pénale, parce que je suis le garde des sceaux et que, démocratiquement, je vous dois des comptes, mesdames, messieurs les sénateurs – ce qui n’est pas le cas du Syndicat de la magistrature ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Muriel Jourda, pour la réplique.

Mme Muriel Jourda. Monsieur le garde des sceaux, je crois que notre indignation commune doit sortir de cet hémicycle et se propager.

Je pense que, dans les temps troublés que nous connaissons, il faut que chaque institution qui a la charge de l’État de droit le rappelle et joue son rôle.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Et le syndicat Alliance ?

Mme Muriel Jourda. Le pilier de l’État de droit qu’est la justice ne peut pas critiquer impunément un autre pilier que sont les forces de l’ordre.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Et réciproquement !

Mme Muriel Jourda. L’autorité judiciaire ne peut pas se transformer en pouvoir politique.

Nous ne ramènerons pas l’ordre dans le pays si nous n’avons pas d’ordre dans nos institutions. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

urgences médicales cet été

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Annie Le Houerou. Ma question s’adresse à M. le ministre de la santé et de la prévention.

« La nuit dernière, j’ai eu quinze patients qui ont fait plus de soixante kilomètres pour venir aux urgences de Rennes. Chaque matin, on compte vingt à quarante patients qui ont passé la nuit sur des brancards avec un risque de surmortalité de 50 %, faute de lits aval disponibles.

« La solution serait de laisser les patients attendre dans les ambulances plus sécurisées.

« Mais alors qui va aller chercher les patients ? Les transports sanitaires sont aussi saturés. »

Telles sont les paroles d’un urgentiste.

Monsieur le ministre, à Carhaix, les services d’urgence seront fermés en juillet et août prochain, alors que le festival des Vieilles Charrues accueillera 280 000 festivaliers. L’hôpital le plus proche est à quatre-vingt-dix kilomètres et une heure quinze de route.

La maternité de Guingamp n’accueille plus les femmes pour accoucher. Cette suspension est reconduite quatre mois faute de personnels, épuisés d’avoir tenu à bout de bras ces services. « On a l’impression d’être abandonnés », entend-on dans les cortèges de manifestants.

Monsieur le ministre, vous suspendez les activités des petits hôpitaux. Elles sont reportées sur les hôpitaux de référence, sur les centres hospitaliers universitaires (CHU) eux-mêmes exsangues.

À Pontivy, Avranches, Les Sables-d’Olonne, dans tous les centres hospitaliers de France, ce sont des cris d’alarme des médecins, lesquels étaient en grève hier.

Les agences régionales de santé (ARS) rassurent : appel aux soignants, éducation des patients, régulation – « Appelez les 15 avant de vous déplacer ! » –, mais, au 15, les équipes n’en peuvent plus. Elles ne sont pas assez nombreuses.

Les urgentistes quittent l’hôpital pour des conditions de travail moins contraignantes.

La médecine de ville ne va pas mieux. Les cabines de consultation remplacent les médecins de proximité.

Monsieur le ministre, la situation s’aggrave. Elle n’inquiète plus nos concitoyens ou les élus locaux : elle les angoisse ! Quelles réponses concrètes comptez-vous apporter à cette crise aiguë de l’hôpital public et des urgences dès cet été, c’est-à-dire aujourd’hui ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice Annie Le Houerou, oui, nous manquons de professionnels de santé, le diagnostic n’est malheureusement pas nouveau.

Oui, ce gouvernement agit en formant plus de médecins – mais il va falloir attendre dix ans (Murmures sur les travées du groupe SER.) –, en formant encore plus d’infirmiers – plus 6 000 –, plus d’aides-soignants – plus 3 000.

Les fermetures ne concernent pas les services d’urgence – il s’agit simplement d’accès régulés – que vous évoquez et ne sont pas le fait d’une décision économique : elles s’expliquent par le manque de professionnels de santé.

La solution viendra en redonnant plus de temps à ces professionnels, ce que nous avons commencé à faire, et en en formant plus, ce que nous faisons également.

Madame la sénatrice, vous le savez, les urgences sont une priorité majeure, encore renforcée cet été. Vous avez évoqué un certain nombre de solutions qui ont été mises en place, mais elles l’ont déjà été l’été dernier et elles fonctionnent.

Ainsi, l’été dernier, nous avons diminué de 5 % la fréquentation de nos services d’urgence, ce qui n’avait pas été le cas depuis plus de vingt ans.

Ces solutions s’articulent autour de trois axes.

Le premier axe concerne l’information du citoyen sur le bon usage du système de santé, en particulier le bon usage des urgences. Si son médecin n’est pas disponible, oui, avant de se déplacer, il faut qu’il appelle le 15. C’est ainsi que l’on trouvera la meilleure solution, adaptée en fonction du territoire où il se trouve.

Dans ce cadre-là, nous renforçons la régulation médicale. Nous accélérons le déploiement de ce service d’accès aux soins qui intègre des médecins généralistes à la régulation. Nous renforçons leur rémunération. Grâce aux mesures votées par le Parlement, nous avons transformé les assistants de régulation médicale en professionnels de santé, ce qui a permis de valoriser leur exercice.

Il faut également des effecteurs sur le terrain.

C’est le cas en ville, avec une augmentation de 15 euros pour les actes qui sont réalisés à la demande de cette régulation.

C’est également le cas pour ce qui concerne les transports sanitaires, ce que vous avez mentionné, madame la sénatrice : on facilite le transport vers les médecins généralistes.

Le deuxième axe, c’est le renforcement des communautés professionnelles territoriales de santé. À l’hôpital, nous avons pris en compte la pénibilité en doublant l’indemnité de nuit pour le personnel paramédical et en la multipliant par 1,5 pour les médecins.

Le troisième axe, c’est le développement d’une logique territoriale, non seulement pour les gardes, en associant public et privé, mais également pour la gestion des lits. Celle-ci se fait désormais à l’échelle du territoire et non plus seulement à celle d’un établissement.

Oui, les solutions sont mises en place. Certaines fonctionnent déjà, on le sait, les autres commencent à montrer leur efficacité. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour la réplique.

Mme Annie Le Houerou. Monsieur le ministre, il y a urgence aux urgences et vous n’y répondez pas.

L’accès aux soins pour tous, partout, fait partie de la promesse républicaine. On en est loin !

La défaillance de la médecine de ville conduit à l’engorgement des urgences, alors que les lits manquent en aval… Le système est embolisé. Où vont exercer les médecins qui quittent l’hôpital ?

Une remise à plat du service public de la santé s’impose, car ce ne sont pas vos propositions qui régleront le problème. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

aides aux entreprises à la suite des violences urbaines

M. le président. La parole est à M. Michel Bonnus, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Michel Bonnus. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Plus de 1 000 commerces pillés, 250 bureaux de tabac détruits, plus de 1 milliard d’euros de dégâts pour les entreprises : ces chiffres sont édifiants. Ils auraient pu être encore plus importants sans le travail de nos forces de l’ordre, que nous remercions.

La mort d’un jeune ne justifie pas les vagues de violences et de pillages auxquelles nous avons assisté. Aucun commerce n’est à l’abri.

Je ne vous cache pas notre inquiétude et je suis certain que vous la partagez, madame la ministre.

Ces événements affectent durement les commerçants, ces professionnels qui, aux quatre coins du pays, vivent une situation de triple insécurité.

L’insécurité est d’abord matérielle, puisqu’ils ne sont pas certains de retrouver intact leur outil de travail au petit matin, alors qu’ils se battent depuis des années pour le construire.

L’insécurité est ensuite physique et psychologique. Imaginez leur angoisse lorsqu’ils doivent faire face à des situations hors de contrôle.

L’insécurité est enfin économique. En effet, ils ne sont pas certains de pouvoir compter sur la solidarité des banques et des assurances en cas de pillage.

Cette triple insécurité, les commerçants la vivent depuis maintenant trop longtemps : plus de cinquante samedis de blocage dans les centres-villes lors du mouvement des « gilets jaunes », trois mois de manifestations contre la réforme des retraites, une semaine d’émeutes maintenant. Tout cela est évidemment conjugué aux autres difficultés : l’inflation, la crise de l’énergie et, bien sûr, la crise du covid-19 et le remboursement des prêts garantis par l’État (PGE), qui constituent un endettement supplémentaire.

Victimes collatérales de ces événements, les commerçants sont systématiquement parmi les premiers à en pâtir.

Madame la ministre, vous ne pouvez pas fermer les yeux sur la situation de cette France qui travaille, qui se bat, qui crée pour maintenir de l’emploi. Elle mérite plus que jamais le soutien de l’État auquel il revient d’assurer sa fonction régalienne première, la sécurité.

Des annulations de charges au cas par cas pour les seuls commerces les plus touchés, ce n’est pas suffisant. Ils sont tous touchés, directement ou indirectement, et ils ont besoin de mesures fortes !

Madame la ministre, quelles mesures durables envisagez-vous pour soutenir les commerçants dans ces épreuves ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)