M. Pierre Laurent. Cet amendement vise à supprimer la référence aux 2 % du PIB pour la défense.

Un tel objectif n’a pas été défini à partir du recensement des besoins de notre armée : il s’agit d’une norme instaurée par l’Otan, qui est imposée à tous les pays membres comme objectif d’accroissement des dépenses militaires, indépendamment de la situation économique de chacun d’entre eux ou de leur capacité à l’atteindre.

Cette norme vise à accroître le volume global des dépenses militaires de l’Otan, alimentant ainsi les industries d’armement, notamment américaines, lesquelles absorbent approximativement 80 % à 90 % de ces dépenses.

Tout cela ne part pas d’une définition de nos propres besoins. Nous proposons donc de remplacer cette référence aux 2 % par une formule politique affirmant notre objectif de porter l’effort national de défense à la hauteur des besoins vitaux de nos armées et de la Nation.

D’ailleurs, nul n’a jamais pu démontrer que nous répondions mieux à ces besoins en dépensant précisément 1,8 %, 1,9 %, 2 %, 2,1 % ou 2,3 % du PIB pour la défense, et pour cause : cet objectif résulte non pas d’une évaluation de nos besoins, mais bien, je le répète, d’une norme imposée par l’Otan visant à tirer vers le haut toutes les dépenses militaires !

M. le président. L’amendement n° 127, présenté par M. P. Laurent, Mmes Gréaume, Apourceau-Poly et Assassi, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay, Lahellec, Ouzoulias et Savoldelli et Mme Varaillas, et ainsi libellé :

Après les mots :

national de défense

insérer les mots :

, incluant les charges de pensions, les surcoûts des opérations extérieures et missions intérieures allant au-delà de la dotation budgétaire, les opérations de maintien de la paix, les missions militaires de la gendarmerie, les pensions militaires d’invalidité et le financement de recherche et développement au bénéfice du secteur militaire,

La parole est à M. Pierre Laurent.

M. Pierre Laurent. Un problème se pose quant à la définition des 2 % : tous les pays qui y font référence n’y incluent pas les mêmes éléments, ce qui explique le débat qui a eu lieu à l’Assemblée nationale sur l’inclusion ou non des pensions militaires, que certains pays intègrent.

Nous proposons, dans l’éventualité où l’objectif des 2 % serait maintenu, d’y inclure d’autres dépenses qui ne sont pas prises en compte actuellement. Les différents pays ont en effet tendance à manipuler le calcul des 2 % pour être en deçà ou s’en rapprocher selon qu’ils souhaitent augmenter ou non leurs dépenses.

Les chiffres rapportés ne sont dès lors pas vraiment comparables, ce qui pose un problème à la fois politique et comptable quant à l’utilisation de cette norme.

C’est pourquoi, alors que l’amendement n° 126 vise à remplacer l’objectif de 2 % par une définition plus politique, l’amendement n° 127 tend à inclure dans le calcul de la part du PIB consacrée à la défense l’ensemble de nos dépenses liées aux armées, afin de disposer d’une appréciation exacte de l’effort national de défense.

M. le président. L’amendement n° 236, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Remplacer les mots :

à compter de 2025

par les mots :

entre 2025 et 2027

La parole est à M. le ministre.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je vais défendre cet amendement, car il y va de la crédibilité du texte qui sortira du Sénat.

Ce débat est lié aux discussions que nous avons eues hier sur les trajectoires. Je partage en partie l’opinion exprimée par le sénateur Laurent, sans pour autant parvenir à la même conclusion : son argumentation présente des éléments intéressants, qui, en substance, font partie intégrante du gaullisme militaire depuis les années 1960. (M. Rachid Temal sexclame.)

De fait, le général de Gaulle a inventé les lois de programmation en la matière.

L’objectif de 2 % du PIB, pensions incluses, voulu par l’Otan depuis plus de quarante ans, est une prescription qui oblige les différents membres de l’Alliance à faire un effort significatif pour se prendre en main.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Cela permet, bien sûr, d’acquérir du matériel, dont il serait excessif d’affirmer qu’il est exclusivement américain, même s’il contribue bien à l’effort d’achat sur étagère aux États-Unis.

Premièrement, la France présente une particularité : notre BITD est souveraine. Par conséquent, l’argent que nous investissons circule principalement au sein d’un système français.

Deuxièmement, nous discutons actuellement d’une loi de programmation. Or nous la construisons non pas en fonction des 2 %, pas plus que les gouvernements de gauche ou de droite qui nous ont précédés, mais plutôt au regard de nos besoins militaires. C’est une réalité.

Ces besoins militaires sont particuliers : on ne peut pas comparer une puissance dotée d’armes nucléaires à une autre qui ne l’est pas ; une puissance disposant de territoires d’outre-mer sur lesquels elle doit exercer sa souveraineté à une autre qui n’en a pas ; des pays dont l’armée est employée, avec des soldats blessés ou tués, à d’autres, parfois voisins et alliés, qui ne subissent pas de telles contraintes.

Vous avez intellectuellement raison sur un point : comparer les 2 % du PIB entre tous les pays est un exercice qui a ses limites, au regard des modèles militaires. C’est un fait que nous pouvons collectivement admettre.

Vous me demanderez peut-être, dès lors, après vos collègues communistes à l’Assemblée, pourquoi nous faisons figurer les 2 % dans la loi. Tout simplement parce que les autres pays de l’Otan, ainsi que les membres de l’Union européenne, sont attentifs à ce critère. En tant que ministre des armées depuis un an, je constate que, qu’il soit ou non bienvenu, cet indicateur permet de savoir si nous atteignons nos objectifs.

Or, quelle que soit la trajectoire finale retenue, avec cette loi de programmation militaire, nous atteindrons 2 % du PIB, pensions incluses, à l’instar de tous les pays de l’Otan. Vous avez raison de préciser ce périmètre : cela implique d’ajouter 10 milliards d’euros au budget militaire annuel.

Troisièmement, pourquoi le Gouvernement a-t-il modifié l’année cible pour l’atteinte de l’objectif lors du passage en commission à l’Assemblée ?

Sur ce point, j’invite le Parlement à exercer son jugement pour garantir la cohérence globale du texte final : il se trouve que 2 % du PIB représentent non pas seulement la dépense militaire, mais aussi une proportion de l’ensemble de la richesse que notre pays va créer.

Or entre le moment où j’ai présenté la loi de programmation militaire en conseil des ministres et son arrivée à l’Assemblée nationale, le programme de stabilité (PStab) a été mis à jour : le volume de richesse projeté, selon les estimations de Bercy, va augmenter dans les années à venir, ce qui est une bonne nouvelle.

Cela a toutefois pour conséquence de diluer l’effort militaire global et cela nous contraint, par honnêteté et sincérité, à réviser notre rendez-vous initialement fixé en 2025, pour le reporter à 2026 ou 2027, en fonction des projections de croissance.

Il serait tentant de dire : « Ce sera 2025, et puis c’est tout ». Ainsi, on se ferait plaisir, mais ce serait moins précis, donc moins crédible : nos partenaires observeraient notre situation et comprendraient, en fonction de notre croissance, que cette proportion sera atteinte entre 2025 et 2027.

C’est sur ce point que réside le choix du mode de construction de la programmation. Nous pourrions opter pour une programmation comprenant des marches, au gré desquelles nous satisferions un besoin militaire qui a émergé ; c’est l’objet de l’article 2 et du rapport annexé dont nous allons débattre cette après-midi, ce soir et peut-être demain. En procédant ainsi, nous atteindrions les 2 % à un certain moment.

L’autre option serait de mettre un terme à tout cela et de supprimer complètement l’article 2.

M. Christian Cambon, rapporteur. Mais non !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Il faut être cohérent !

Nous déclarerions alors que nous atteindrons les 2 % à une date spécifique, puis nous élaborerions la trajectoire en conséquence.

Le modèle français consiste à ne pas partir de cet objectif. Pour autant, sachant que nous allons y arriver, il serait contre-productif de ne pas adresser le signal approprié. C’est pourquoi le Gouvernement avait modifié le texte pour inscrire « entre 2025 et 2027 ».

La commission est revenue à une autre rédaction, laquelle, toutefois, ne correspond pas à la trajectoire que le Sénat lui-même a adoptée. Or en fixant une date, nous fixons également la trajectoire. Nous pourrions choisir d’ignorer ce point, mais je demeure convaincu que cette question est prise au sérieux, non seulement par nos alliés, mais aussi par nos concurrents.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement propose de revenir à une formulation qui reflète la vérité : nous atteindrons cet objectif entre 2025 et 2027.

Ainsi, je tiens à le dire clairement, car il me semble important de prendre rendez-vous avec ceux qui s’intéressent à la défense et qui suivent nos débats : laisser le texte en l’état ne serait pas un signal de sérieux dans l’élaboration de la loi de programmation militaire, je le répète. (MM. François Patriat et Ludovic Haye applaudissent.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. L’amendement n° 126, qui vise à supprimer l’objectif de consacrer 2 % du PIB à l’effort de défense n’est pas compatible avec la position de notre commission, exprimée dès 2017 dans un rapport d’information de Jean-Pierre Raffarin et Daniel Reiner intitulé 2 % du PIB : les moyens de la défense nationale, non plus qu’avec la nécessité d’être un allié fiable, en particulier dans le contexte du conflit actuel en Ukraine. Cette proposition, si elle devait être adoptée, enverrait un mauvais signal.

Monsieur le ministre, je siège à l’Assemblée parlementaire de l’Otan, et, à chaque réunion, nous entendons que tous les pays devraient augmenter leurs dépenses de défense à 2 % du PIB. (Mme Joëlle Garriaud-Maylam le confirme.) Il ne faudrait donc pas que nous envoyions un message contradictoire en ne respectant pas nous-mêmes cette directive. C’est cela qui motive la position et la réflexion de la commission.

L’avis de la commission est donc défavorable sur l’amendement n° 126.

Il en va de même en ce qui concerne l’amendement de repli n° 127, qui tend à aligner les modalités de déclaration des dépenses de défense sur le périmètre le plus large défini par l’Otan, en y incluant certaines dépenses supplémentaires.

Selon les auteurs de l’amendement, une telle inclusion permettrait de constater que les dépenses de défense atteignent déjà 2 %. Or vous venez de nous expliquer que ce n’était pas le cas, monsieur le ministre.

Par conséquent, l’avis de la commission est également défavorable sur l’amendement n° 127.

S’agissant de l’amendement n° 236 du Gouvernement, il vise à réintroduire dans le texte la possibilité de n’atteindre l’objectif en débat qu’en 2027, plutôt qu’en 2025 ; une telle modification avait été votée à l’Assemblée nationale pour prendre en compte le cadrage du PStab 2023-2027, lequel a révisé la prévision d’évolution du PIB, rendant caduque la date de 2025.

Cependant, nous savons tous que les prévisions économiques sont un domaine incertain, voire capricieux. Notre préoccupation principale réside dans l’affichage d’un objectif politique : cela emporte des conséquences immédiates, auprès de nos alliés comme de nos adversaires.

Si nous commençons à retarder cet objectif à 2027, alors que nous sommes en pleine délibération sur une loi importante et scrutée par nos alliés, l’interprétation de notre détermination risque d’être nuancée.

Il ne s’agit pas d’entraver sa réalisation, bien au contraire : nous aspirons vivement à atteindre ces 2 % le plus rapidement possible. Nous restons en outre cohérents avec nous-mêmes, puisque nous avons augmenté notre cadencement en matière de dépenses militaires pour atteindre au plus vite cet objectif.

C’est pourquoi nous émettons un avis défavorable sur l’amendement n° 236.

Nous savons parfaitement que les objectifs valent également en matière d’aide au développement, et cela fait l’objet de discussions éternelles. Que va-t-il se passer en la matière d’ici à 2027 ?

Quoi qu’il en soit, nous souhaitons maintenir les 2 % en 2025, en cohérence avec ce que nous avons voté hier, c’est-à-dire l’accroissement des dépenses militaires dans les premières années, pour essayer d’y parvenir le plus vite possible.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Tout d’abord, je ne veux pas laisser croire que nous ne serions pas un allié fiable !

Si la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat se focalise sur l’objectif des 2 % du PIB comme unique critère de fiabilité dans notre partenariat avec les autres pays, nous pourrions tout aussi bien atteindre ces 2 % et ne déployer aucun soldat en Roumanie, ne pas défendre notre statut de nation-cadre ou ne pas mener d’opérations maritimes risquées en Méditerranée.

Pardonnez-moi, mais même si nous jouissons d’une autonomie totale en matière de dissuasion nucléaire au sein de l’Otan, nos intérêts vitaux ont une dimension européenne.

Si je porte mon regard sur le nombre de soldats français tombés ces dernières années, je constate que, lorsque nos alliés ont besoin de nous, y compris pour lutter contre le terrorisme en Afrique, hors du périmètre de l’Otan, nous répondons présents.

Je souhaite non pas agiter les ambassades présentes à Paris, mais simplement souligner que l’armée française a démontré sa fiabilité par bien d’autres aspects, et depuis plusieurs décennies. C’est un fait positif, que l’on ne saurait résumer au seul critère du niveau de dépenses.

Si j’étais un peu cruel, je dirais que même lorsque les fameux dividendes de la paix ont entraîné une réduction des crédits militaires par certaines majorités, la France n’est pas devenue un allié non fiable pour autant.

Ensuite, vous parlez de signal politique, mais il nous faut nous accorder sur un point : à qui entendons-nous l’envoyer ?

Si nous voulons faire de la politique, inscrivons 2025, voire 2024, première année de la loi de programmation militaire. Voulez-vous introduire dans la loi ce que vous aimeriez voir se produire ou ce qui est susceptible de se réaliser ? Cette question est suivie de très près par nos alliés et par nos concurrents.

Le Gouvernement ne propose pas de reporter l’objectif à 2027 ; ce n’est pas l’objet de notre amendement. Je maintiens que l’objectif est réalisable en 2025, mais il n’y aura pas de nouvelle loi de programmation militaire d’ici là.

Pour des raisons de crédibilité et de responsabilité, je considère qu’il est préférable d’écrire dans la loi que nous ne pouvons pas prévoir avec certitude les projections macroéconomiques et que, par conséquent, l’atteinte de l’objectif de 2 % du PIB se situera entre 2025 et 2027.

Il s’agit non pas de remplacer 2025 par 2027, mais simplement de faire preuve d’honnêteté – j’emploie ce mot à dessein ! Là est le véritable signal politique que nous devons envoyer : en fonction de l’évolution du PIB, l’objectif sera atteint entre 2025 et 2027.

Nous avons déjà atteint les 2 % du PIB durant la crise de la covid-19, lorsque le PIB s’est considérablement contracté. Cela illustre bien le fait que ce critère a ses limites, ce qui apporte de l’eau au moulin de M. Laurent : le moment où nous avons atteint les 2 % du PIB correspond à une situation dans laquelle il y avait moins d’argent pour les crédits militaires qu’aujourd’hui. Cela montre bien les limites de l’exercice.

S’il ne s’agit que de faire de la politique, cela me dépasse. Nous sommes en train de discuter d’une loi de programmation militaire, de son volet normatif – nous n’avons pas encore abordé le rapport annexé. Il n’y aura pas de révision en la matière avant 2025 ou 2026. Par conséquent, si nous savons déjà, au moment du vote, que l’objectif sera atteint entre 2025 et 2027, je considère que l’honnêteté commande d’inscrire ces dates dans la loi.

Je suis disponible pour réfléchir avec le Sénat sur de nombreux sujets, mais je considère que nous ne pouvons pas nous payer de mots sur cette question : il est préférable de revenir à la rédaction du Gouvernement, non pas parce qu’elle vient de celui-ci, mais parce qu’elle correspond aux chiffres et à la réalité. Nombre de gens observent notre débat, et je pense qu’il est utile d’être sérieux et fiables.

Si nous envisageons une autre trajectoire, alors nous pourrions rouvrir le débat d’hier, voire suspendre ce projet de loi de programmation militaire, car cela affecterait non seulement la trajectoire, mais aussi tout le besoin militaire, qu’il faudrait documenter à nouveau.

Nous partirions alors des 2 %, sans tenir compte des autres aspects : peu importe que nous exercions notre souveraineté sur des territoires d’outre-mer ou que nous maintenions notre dissuasion nucléaire.

Je suis un défenseur du modèle français : nous atteindrons les 2 % du PIB. C’est un argument supplémentaire, mais cela ne saurait être le point de départ de l’élaboration de ce texte.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Cambon, rapporteur. J’aimerais apporter une précision, monsieur le ministre. Gardons-nous de faire un procès d’intention au Sénat : celui-ci est animé de la volonté de vous aider à atteindre ces objectifs.

Il se trouve que j’ai ici votre projet de loi initial, qui nous a été transmis le 4 avril dernier. L’article 2 de ce texte est ainsi rédigé : le rapport annexé « précise les orientations en matière d’équipement des armées à l’horizon 2035 et les traduit en besoins programmés […] en maintenant l’objectif de porter l’effort national de défense à hauteur de 2 % du PIB à compter de 2025. »

On ne saurait mieux faire que de se conformer à l’orientation figurant dans votre propre texte ! Il est possible que l’Assemblée nationale ait porté une appréciation différente, mais nous nous sommes fondés sur la rédaction que vous nous avez transmise.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Comme je l’ai démontré, je suis à la disposition du Parlement. Nous prendrons donc le temps nécessaire.

Je m’explique à nouveau, pour le président Cambon : entre le moment où nous avons présenté ce projet en Conseil des ministres et aujourd’hui, le PStab a été révisé à la fin du mois d’avril. Devons-nous faire comme si cela n’avait pas eu lieu ? Dans ce cas, consciemment, nous ne tiendrions pas compte des nouvelles prévisions de croissance. Je commence à comprendre pourquoi nous peinons à nous mettre d’accord sur un chiffre entre 413 et 420 milliards d’euros : nous sommes face à une difficulté majeure…

Si nous avions procédé ainsi, vous nous auriez accusés de tricherie en affirmant que l’objectif ne serait pas atteint en 2025 ou 2026, parce que nous n’aurions pas intégré les nouvelles projections de croissance.

La date dont nous débattons découle d’un équilibre entre les dépenses militaires d’un côté et la création de richesse de l’autre. Vos souhaits sont déjà exaucés sur un point : la programmation militaire fixe l’effort de défense ; c’est déjà réglé politiquement.

Cependant, ni vous ni moi ne pouvons déterminer les projections de croissance. Par définition, les crédits militaires fluctuent en fonction du PIB constaté. L’objectif de 2 % sera donc atteint entre 2025, 2026 et 2027. L’honnêteté commande d’en tenir compte.

Nous pourrions garder 2025, mais, si le pays créait plus de richesses, on pourrait nous accuser d’avoir manqué notre objectif, quand bien même nous aurions maintenu nos efforts militaires et alors que, accessoirement, la croissance aura été au rendez-vous. Reconnaissez que l’affaire est complexe !

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour explication de vote.

M. Philippe Folliot. Les 2 % du PIB alloués à la défense découlent d’une décision prise en 2014 à Cardiff lors du sommet de l’Otan. Il s’agit d’un curseur.

Monsieur le ministre, vous avez bien fait de rappeler que cet effort de défense devait être contextualisé : il ne se réduit pas uniquement à des aspects financiers ; il convient d’y ajouter la nature et la structure de l’engagement.

La France occupe une position particulière, étant l’une des puissances nucléaires reconnues. Elle a montré, en outre, à de multiples reprises ces dernières décennies, sa capacité à intervenir. Cela mérite d’être souligné et rappelé.

L’objectif des 2 % a été fixé en partie parce que de nombreux pays européens, se sentant protégés par le parapluie américain, ont choisi d’attendre et de laisser les autres réaliser les efforts de défense à leur place. Il s’agissait donc de définir un cadre de responsabilité collective, décliné pour chaque pays membre.

Cependant, vous l’avez justement souligné, monsieur le ministre, l’aspect technique doit être dépassé : durant la période de la covid-19, l’effondrement du PIB a ainsi fait mécaniquement passer nombre de pays européens au-dessus des 2 %, sans pour autant améliorer leur situation de défense.

C’est pour cette raison que je considère qu’il est essentiel de continuer à travailler sur une base qui ne soit pas figée. En ce sens, votre amendement me convient.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !

M. Philippe Folliot. Il me semble donc important de maintenir cette trajectoire.

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Concernant cet amendement, il est vrai que vous avez fait preuve de pédagogie, monsieur le ministre, mais M. le rapporteur a également exposé avec force les arguments issus du travail effectué et du rapport de la commission.

Cet article, comme de nombreux autres, est important : il définit un objectif de 2 % du PIB, soit 400 milliards d’euros, pour le projet de loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030. C’est un engagement financier très significatif.

Cependant, nous nous trouvons face à un dilemme : l’amendement du Gouvernement a pour objet une mise en œuvre entre 2025 et 2027, alors que la commission propose 2025. Les arguments sont pertinents des deux côtés et nous conduisent à hésiter quant à la position à adopter.

Il est possible de trouver une solution : l’enjeu est financier, mais il concerne aussi les moyens humains, comme nous l’avons longuement évoqué hier. Et nous savons bien que la programmation financière est très complexe.

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le ministre, j’ai bien entendu vos arguments et je conviens que ce critère de 2 % est en lui-même artificiel. Il a cependant le mérite d’exister. (Marques dironie sur les travées du groupe SER.)

Il a été inventé lors du sommet du Pays de Galles en 2014, et permettez-moi de rappeler que l’initiative en revient à un Français, le général Paloméros, à l’époque chef d’état-major de l’armée de l’air et commandant suprême allié des forces de l’Otan pour la transformation, notre plus haut responsable au sein de l’Alliance.

La conception de ce critère varie toutefois d’un pays à l’autre. J’ai récemment rencontré le responsable d’un petit pays très critique envers cet objectif.

M. Rachid Temal. Qui donc ? (Sourires sur les travées du groupe SER.)

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je vous le dirai en privé ! (Ah ! sur les travées du groupe SER.)

Ce pays consacre 1 % de son PIB à l’aide humanitaire et souhaite inclure ce chiffre dans les 2 %.

M. Cambon a très bien expliqué l’enjeu : nous nous trouvons dans un contexte international, nous faisons partie d’un système d’alliances, nous sommes un membre de la zone euro-atlantique. Ces 2 % sont très importants vis-à-vis de nos alliés, car nous cherchons à les inciter à accroître leurs efforts.

Il est difficile d’annoncer des dates en fonction de perspectives de croissance, alors que nous savons que ces dernières peuvent fluctuer et qu’elles ne relèvent pas d’une science exacte.

M. le président. Il faut conclure.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. J’ai été interrompue, monsieur le président ! (MM. Rachid Temal, Jean-Marc Todeschini et Jean-Noël Guérini manifestent leur ironie.)

Ce sera la question centrale du sommet de l’Otan ; M. Stoltenberg rencontre le président Macron cette après-midi et va lui en parler.

M. le président. Madame Garriaud-Maylam, vous avez largement dépassé votre temps de parole.

Monsieur Temal, je n’accepterai plus que vous interrompiez les orateurs. La discussion doit rester calme et sereine.

La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.

M. Pierre Laurent. Je trouve ce débat très instructif. Comment construisons-nous nos objectifs de défense ? À partir des besoins de la Nation et de la part de la richesse nationale que nous sommes prêts à y consacrer à l’issue d’un débat national. Et ce débat évolue naturellement en fonction de ces deux facteurs, qui diffèrent selon les pays. C’est ce que nous vous proposons d’inscrire dans le projet de loi.

En écoutant les différents orateurs, on comprend que la discussion sur les 2 % sert non pas à construire nos objectifs de défense, mais à envoyer un signal politique à l’Otan. Allons-nous nous afficher comme de bons élèves de l’Alliance en imposant le respect permanent de cet objectif de 2 % à notre pays et à tous les autres États européens, quelles que soient leurs capacités à l’atteindre ? Un jour, cela explosera. Car je me rappelle des débats sur les 3 % de déficit : quand le covid-19 est arrivé, tout a volé en éclats. Il peut se passer exactement la même chose, dans un sens ou dans l’autre d’ailleurs.

J’y insiste, plutôt que de nous imposer un objectif pour envoyer un signal – je sais que nous ne sommes pas d’accord sur ce point –, nous devrions nous en tenir à une définition politique. On a beaucoup invoqué le général de Gaulle ; s’il y en a un qui n’allait pas demander à l’Otan quelle part de la richesse nationale consacrer à la défense, c’était bien le général de Gaulle !

M. Sébastien Lecornu, ministre. C’est vrai !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Pour que le Sénat soit parfaitement éclairé, dans l’ancien PStab, le PIB pour 2025 était fixé à 2 977 milliards d’euros. Le nouveau PStab, modifié en avril 2023, soit après la présentation de la loi de programmation militaire (LPM) en conseil des ministres, est de 3 038 milliards d’euros.

La question est non pas de savoir si le taux de 2 % est important, madame Garriaud-Maylam, mais si l’on fait figurer dans la loi la bonne année et les bons chiffres. La crédibilité de la France repose-t-elle sur des chiffres faux qui font bonne impression ou sur des chiffres correspondant à une réalité qui va se produire avant 2027 ? C’est aussi une question de sérieux.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.