M. le président. Mes chers collègues, je vous informe qu’en accord avec le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, nous irons au terme de l’examen de cette proposition de loi, quitte à dépasser treize heures.

La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Jean-Pierre Grand. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la pratique d’un sport est fondamentale pour l’épanouissement des enfants : c’est l’école des valeurs de la vie.

Néanmoins le sport peut engendrer des situations à risque et constituer un terreau favorable à l’apparition de violences sexuelles sur des mineurs, notamment en raison du contexte d’emprise des entraîneurs sur les enfants.

Les chiffres sont malheureusement là pour nous le rappeler : un sportif sur dix assure avoir été victime d’agressions sexuelles durant sa carrière.

Depuis plusieurs années, la question des violences sexuelles sur mineurs fait l’objet de travaux par le Sénat, qui se montre ainsi à l’avant-garde, et je m’en réjouis.

En 2019, la mission commune d’information sénatoriale menée par notre collègue Catherine Deroche avait déjà mis en avant la nécessité de renforcer le contrôle de l’honorabilité des adultes en contact avec les enfants.

Par ailleurs, en 2021, la loi confortant le respect des principes de la République a instauré un contrat d’engagement républicain pour les associations, renforçant ainsi l’obligation d’honorabilité dans le milieu sportif.

Notre devoir en tant que législateurs est de veiller à faire en sorte que plus aucun intervenant en milieu sportif placé au contact des mineurs n’ait fait l’objet d’une inscription contraire au contact des enfants, ou d’une condamnation qu’il aurait omis de déclarer.

Tout, absolument tout, doit être mis en œuvre pour lutter contre ce fléau que sont les violences sexuelles dans le milieu du sport.

Ainsi, le texte que nous examinons aujourd’hui est le bienvenu, car il est essentiel d’améliorer la législation existante pour intensifier ce combat. En effet, le contrôle exercé par les clubs sportifs est souvent malheureusement insuffisant.

Il est donc primordial que l’État joue un rôle actif dans le processus de contrôle en mettant en place des protocoles clairs pour s’assurer de l’honorabilité des adultes intervenant auprès des mineurs dans le sport.

Je salue l’excellent travail effectué en commission, qui a conduit à réécrire l’article initialement unique, en consolidant le cadre juridique de la proposition de loi et en renforçant le contrôle de l’honorabilité des éducateurs sportifs professionnels ou bénévoles. Les modalités de ce contrôle sont alignées sur celles des personnes intervenant auprès de publics fragiles.

Je partage également la position de la commission, qui a souhaité expliciter l’incapacité d’exercer en raison d’une condamnation par une juridiction étrangère.

Enfin, je suis favorable à l’article 2, qui vise à prévoir la création d’une mesure administrative et d’une sanction pénale pour les dirigeants de club dont la conduite serait contraire à l’objectif éthique.

Madame la ministre, chers collègues, les modifications apportées par le rapporteur sont très opportunes pour sécuriser et améliorer le dispositif initialement proposé.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera cette proposition de loi améliorée et consolidée juridiquement par la commission.

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Thomas Dossus. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens d’abord à saluer ce travail crucial dans le contexte actuel de libération de la parole, qui percute tous les secteurs et, pour ce qui nous concerne aujourd’hui, toutes les fédérations sportives.

Devant la gravité des faits, le caractère parfois insupportable des témoignages et la douleur des victimes, souvent très jeunes à l’époque des faits, nous sommes quelquefois frappés d’un état de sidération qui peut nous tétaniser.

Mais le silence qui règne sur le sujet est vécu souvent comme une violence supplémentaire et constante par les victimes. Par conséquent, chaque occasion de parler des violences commises contre les enfants est d’utilité publique.

Le sport peut être un lieu d’emprise d’entraîneurs, d’encadrants ou de coaches au comportement criminel. Par conséquent, les entraînements peuvent devenir un enfer pour les enfants.

Depuis le témoignage de la patineuse Sarah Abitbol, la parole se libère et aucune fédération ne semble épargnée. Notre rôle de législateurs est donc d’agir pour que la pratique du sport soit protégée en amont des prédateurs.

Pour protéger les enfants, il faut que la peur change de camp. Et pour qu’elle change de camp, la transparence sur le parcours des encadrants doit devenir la norme. C’est l’objet de cette proposition de loi.

Après son passage en commission, et grâce au travail de notre rapporteur, Jean-Jacques Lozach, le texte prévoit un panel de mesures concrètes pour contrôler en amont l’honorabilité des acteurs du sport.

L’interdiction pour certaines personnes condamnées de travailler auprès d’enfants dans le sport est en effet déjà codifiée au sein de l’article 212-9 du code du sport. Aujourd’hui, il s’agit de le faire respecter.

Pour ce faire, il est prévu que l’administration contrôle le bulletin n° 2 du casier judiciaire contenant la plupart des condamnations judiciaires et des sanctions administratives. Il est également prévu d’appliquer l’incapacité en cas de condamnation à l’étranger et d’ouvrir la possibilité d’une procédure de relèvement, c’est-à-dire d’effacement des conséquences d’une condamnation, sans que celle-ci disparaisse. Par ailleurs, il sera précisé que toute condamnation définitive figurant dans le Fijais entraîne l’incapacité d’exercer même si celle-ci n’est plus mentionnée dans le casier judiciaire.

Le texte vise également à prévoir une mesure administrative d’interdiction temporaire ou définitive de diriger un club sportif pour tout dirigeant qui mettrait en danger des enfants, couvrirait un de ses encadrants ou manquerait d’informer l’administration sur des comportements problématiques au sein du club. Il tend aussi à prévoir une sanction pénale en cas de manquement.

Ce panel de mesures nous semble important, mesuré et efficace. Il constitue un premier pas indispensable pour protéger les enfants pratiquants dans tous les clubs.

Au-delà de cette proposition de loi importante, il nous faudra aller plus loin pour la protection des mineurs. Il nous faudra développer l’accompagnement des clubs pour la prévention des actes de violence contre les jeunes sportifs. Cela passera par la formation et ne se fera pas en un jour.

À ce titre, il nous faudra former toute la chaîne des fédérations pour que l’ensemble des cadres, souvent bénévoles, mettent la parole des enfants et leur protection au-dessus des éventuels corporatismes. Ce problème n’est pas spécifique au sport, mais cette libération de la parole doit percer une chape de plomb qui a trop longtemps pesé sur ce milieu.

Pour que cet accompagnement, cette formation et cette libération de la parole aient lieu, il nous faut naturellement des moyens financiers.

Je connais votre engagement, madame la ministre, vous l’avez d’ailleurs rappelé. Je profite néanmoins de l’occasion qui m’est offerte aujourd’hui à cette tribune pour formuler un vœu : que le prochain projet de loi de finances voie une augmentation significative des budgets dédiés. Peut-être pourriez-vous vous inspirer de ce qu’a fait lors du précédent projet de loi de finances votre collègue ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, en doublant les crédits de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles ?

M. Jacques Grosperrin. Ce n’est pas gagné !

M. Thomas Dossus. Une telle initiative ne sera certainement pas suffisante, mais elle permettrait dans les faits et les projets de passer un palier dans la lutte contre ces violences.

Nous voterons pour la présente proposition de loi dans sa version réécrite par les amendements du rapporteur. Celle-ci est une première étape indispensable avant d’aller plus loin par la suite. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Samantha Cazebonne.

Mme Samantha Cazebonne. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en 2022, 60 % des Français de 15 ans et plus pratiquaient une activité physique et sportive régulière. En 2018, 40 % des pratiquants sportifs étaient des enfants.

La pratique d’un sport est fondamentale pour le développement des enfants, bien évidemment du point de vue de la santé, mais également en tant que vecteur de lien social, de vivre-ensemble et d’épanouissement.

En Europe, près d’un enfant sur cinq est victime de violences sexuelles. Le monde du sport n’est malheureusement pas en reste et près d’un sportif sur dix déclare avoir subi des violences sexuelles.

L’enfance a été placée par le Président de la République au nombre des priorités du nouveau quinquennat, et la protection des droits des enfants est au cœur de la feuille de route du Gouvernement, qui en a fait un engagement fort et prioritaire.

Par ailleurs, je tiens à souligner l’engagement du ministère des sports, qui a fait de la lutte contre les violences sexuelles une priorité de son action.

Au mois de janvier 2020, Sarah Abitbol, championne de patinage artistique, dénonce dans son livre Un si long silence avoir été violée, agressée et harcelée par son ex-entraîneur.

Cette prise de parole a déclenché le #MeToo du sport et une cellule a été créée par le ministère des sports en février 2020, afin de recueillir la parole des victimes de violences dans le sport.

Trois ans après l’ouverture de cette cellule, près de 1 000 signalements de violences sexuelles dans le sport ont été effectués selon les travaux de la commission de lutte contre les violences sexuelles et les discriminations dans le sport, créée par le Comité national olympique et sportif français. Néanmoins, selon la coprésidente de cette commission, il faudrait multiplier le chiffre par dix pour être fidèle à la réalité.

En effet, toutes les statistiques sur les violences sexuelles sont à prendre avec beaucoup précautions compte tenu de la difficulté pour certaines victimes de révéler ce qu’elles ont subi.

La libération de la parole sur les violences sexuelles dans le sport a été suivie par la mise en place de dispositifs permettant de lutter contre ce fléau. Ainsi, plusieurs arrêtés sont venus renforcer le contrôle de l’honorabilité des éducateurs sportifs et exploitants d’EAPS bénévoles, via notamment le système d’information automatisé du contrôle d’honorabilité.

Jusqu’à présent, seuls les éducateurs professionnels faisaient l’objet d’un contrôle systématique annuel. Or le sport français repose à 90 % environ sur des éducateurs sportifs bénévoles.

Ainsi, l’objectif de cette proposition de loi est de s’assurer que tous les éducateurs et intervenants en milieu sportif, qu’ils soient bénévoles ou professionnels, placés au contact des mineurs ne font pas l’objet d’une inscription au fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes ou d’une condamnation qui leur interdit d’exercer au contact de ces derniers.

Les travaux de la commission, que nous saluons, ont ajouté une obligation pour les dirigeants de clubs sportifs de signaler tout comportement à risque des bénévoles employés et des mesures administratives d’interdiction d’exercer pour tout dirigeant de club qui emploierait un éducateur sportif au mépris du contrôle d’honorabilité, refuserait de signaler des comportements à risques dans son club ou qui présenterait lui-même un danger pour la sécurité et la santé morale et physique des pratiquants.

Par ailleurs, la commission a laissé à la responsabilité de l’État la mission d’effectuer les contrôles d’honorabilité annuels, estimant que ces contrôles ne pouvaient relever de la prérogative unique des clubs sportifs.

Le texte que nous examinons aujourd’hui renforcera effectivement la protection des mineurs dans le sport par des contrôles d’honorabilité effectifs et annuels.

Afin de protéger les mineurs au mieux dans leur pratique sportive, le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants votera en faveur de ce texte, qui vise à prolonger et à renforcer l’indispensable combat contre les violences sexuelles dans le sport. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées des groupes SER et UC. – M. le rapporteur applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Sabine Van Heghe. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Sabine Van Heghe. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.) Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord rendre hommage à l’auteur de cette proposition de loi, notre collègue Sebastien Pla. Il a travaillé avec l’ex-sportive de haut niveau et patineuse artistique Sarah Abitbol, qui a dénoncé en 2020 les viols qu’elle a subis de la part de son entraîneur.

D’autres courageux athlètes isolés, comme la tenniswoman Isabelle Demongeot, le rugbyman Sébastien Boueilh, l’athlète Emma Oudiou, ont permis, grâce à leurs révélations, que se brise la loi du silence qui régnait dans le monde du sport.

Il était en effet particulièrement difficile pour les jeunes de parler d’actes subis par une personne de confiance, et nous savons qu’un enfant sur sept serait victime de violences dans le monde du sport.

Depuis 2020, il y a eu une véritable prise de conscience de la nécessité de lutter contre les violences sexuelles dans le sport avec la création de la cellule de signalement des faits de violences et de violences sexuelles, qui a conduit, à la fin de l’année 2022, à 904 signalements et à 424 interdictions d’exercer.

Je rappelle que 90 % des éducateurs sportifs sont des bénévoles et que, jusqu’en 2022, ceux-ci n’étaient pas contrôlés systématiquement : seuls les éducateurs professionnels l’étaient une fois par an.

Je me félicite ainsi qu’à la fin du mois de mai 2023, plus de 1 million de bénévoles aient été contrôlés. C’est une nouvelle orientation plus que souhaitable et nécessaire !

Notre proposition de loi vise à s’inscrire dans ce vaste mouvement de prise de conscience de la nécessité de lutter contre les violences et les violences sexuelles dans le sport. Elle tend donc à entourer de davantage de garanties le recrutement des personnels enseignant, animant et encadrant des activités physiques et sportives, en renforçant leur contrôle d’honorabilité. L’objectif du texte est d’éviter qu’un seul encadrant sportif ne passe à travers les mailles du filet en raison du caractère insuffisamment systématique ou incomplet des contrôles.

Cette proposition de loi, qui vise à renforcer l’éthique dans le sport, est particulièrement bienvenue au moment où la France va accueillir la Coupe du monde de rugby, puis les jeux Olympiques et Paralympiques.

Le dispositif originel de notre proposition de loi prévoyait l’obligation pour les dirigeants des clubs de sport de procéder à un contrôle de l’honorabilité des éducateurs sportifs et des intervenants auprès des mineurs avec la présentation du bulletin n° 3 du casier judiciaire avant toute prise de fonction. Il appartenait aux dirigeants sportifs de vérifier l’absence de condamnations entraînant une incapacité d’exercer.

Sous l’impulsion de notre rapporteur, M. Jean-Jacques Lozach, dont je salue la qualité du travail, nous avons adopté en commission un amendement de réécriture du dispositif.

Ainsi, le contrôle de l’honorabilité demeure une prérogative de l’État, cette lourde responsabilité ne devant pas peser sur les épaules de dirigeants sportifs très souvent bénévoles. Le contrôle du bulletin n° 3 du casier judiciaire par les dirigeants de clubs est donc supprimé, d’autant que sa consultation ne garantit pas l’honorabilité du futur éducateur sportif.

Cette réécriture a aligné les modalités de contrôle des éducateurs sportifs sur celles qui sont applicables au secteur médico-social.

Ainsi, l’inscription d’une condamnation au Fijais entraîne une interdiction d’exercer même si cette condamnation ne figure pas sur le bulletin n° 2 du casier judiciaire, d’autant que certaines condamnations peuvent d’ailleurs en être effacées au bout de six mois.

Cette réécriture tend à renforcer incontestablement la protection des mineurs, tout comme la nouvelle disposition introduite sur l’interdiction d’exercer en cas de condamnation à l’étranger pour des faits qui, en France, entraînent l’incapacité d’exercer.

L’amélioration du dispositif de lutte contre les violences sexuelles se confirme encore avec l’adoption en commission d’un autre amendement de notre rapporteur créant un article additionnel.

Cet article vise à introduire une mesure administrative d’interdiction temporaire ou définitive de diriger un club lorsque le comportement du dirigeant est à risque pour les pratiquants, lorsque celui-ci maintient dans l’emploi un éducateur ne respectant pas les critères d’honorabilité ou ne signale pas à l’État un éducateur sportif ou un intervenant présentant un danger pour les jeunes pratiquants.

Actuellement, les préfets peuvent seulement fermer administrativement les clubs sportifs, mais rien n’empêche les dirigeants d’ouvrir un autre club.

Je me félicite de ces améliorations votées à l’unanimité en commission, qui illustrent notre volonté commune d’être à l’écoute de l’ensemble des acteurs, tous mobilisés pour lutter contre les fléaux des violences et des violences sexuelles dans le sport, avec des solutions concrètes, au plus près du terrain.

Je serais attentive, madame la ministre, dans le cadre des prochaines discussions budgétaires, à l’engagement que vous avez pris de doubler les effectifs dédiés de votre ministère afin d’assurer le contrôle d’honorabilité.

Notre groupe votera cette proposition de loi améliorée et consolidée juridiquement par notre travail pragmatique commun. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et UC, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Michel Savin.

M. Michel Savin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi de nos collègues socialistes sur laquelle toutes les tendances politiques pourront se retrouver, puisqu’il s’agit de renforcer la protection des mineurs, en l’occurrence dans le cadre des activités physiques et sportives.

Le Parlement réaffirme à cette occasion son soutien plein et entier aux victimes de violences sexuelles. À ces victimes, nous disons qu’elles ne sont ni responsables ni coupables. C’est pourquoi il est de notre rôle de traduire ce soutien dans la loi à chaque fois que nous le pouvons : en facilitant le signalement, en punissant plus durement les auteurs de violences, en consolidant la prévention et en permettant aux acteurs de terrain d’agir le plus tôt possible.

La libéralisation de la parole a été une onde de choc qui a débouché sur une prise de conscience irréversible. Ce mouvement a ouvert les yeux à beaucoup de personnes. Il a surtout permis aux victimes de mettre des mots sur leur expérience et sur leur douleur.

De nombreux sportives et sportifs ont pris la parole pour témoigner de faits d’agressions sexuelles à des époques différentes, dans des disciplines très éloignées, avec à chaque fois des mécanismes de domination et des spirales de violence que l’on retrouve très souvent, voire trop souvent.

Certes, du chemin reste à parcourir. Mais le Sénat avance avec détermination vers plus de justice et de sécurité pour tous.

Au mois de mai 2019, une mission d’information sénatoriale présidée par notre collègue Catherine Deroche avait formulé trente-huit propositions pour mieux protéger les enfants contre le risque d’agression par des adultes dans le cadre de leur métier.

Au-delà de la sensibilisation effectuée auprès des mineurs ou de leurs parents et des actions de formation des encadrants, l’un des principaux leviers pour protéger les jeunes pratiquants est le contrôle d’honorabilité des personnes qui les entourent dans le cadre des activités sportives auxquels ils participent.

Cette proposition de loi vise donc à étendre ce contrôle automatisé de l’honorabilité des licenciés exerçant des fonctions d’éducateurs sportifs à tous les adultes, encadrants ou non, qui sont au contact des mineurs au sein des établissements dans lesquels sont pratiquées des activités physiques ou sportives.

Par ailleurs, ce texte tend à obliger les présidents de club à signaler aux services de l’État les comportements d’éducateurs, de bénévoles ou de licenciés qui pourraient présenter un danger pour les mineurs.

Enfin, cette proposition de loi vise à créer une mesure administrative d’interdiction temporaire ou définitive d’exercer pour un dirigeant de club qui passerait outre les obligations de vérification d’honorabilité pour l’emploi de ses éducateurs sportifs, l’idée étant de sanctionner ceux qui ne respecteraient pas ce contrôle d’honorabilité et qui mettraient leurs licenciés mineurs en danger. Cette mesure permet également d’éviter toute fermeture administrative du club et devrait, par ailleurs, sécuriser juridiquement le représentant de l’État dans sa prise de décisions d’interdiction d’exercer.

Je souhaite saluer la réécriture de cette proposition de loi en commission par notre rapporteur.

Dans sa version initiale, le texte faisait peser un poids trop important sur les dirigeants de clubs et de fédérations en leur imposant de demander aux éducateurs et bénévoles qui interviennent auprès de mineurs leur bulletin n° 3 du casier judiciaire. Il s’agissait d’une responsabilité supplémentaire pour les dirigeants de clubs sportifs, qui comptent dans leurs rangs un grand nombre de bénévoles faisant vivre les clubs partout sur le territoire. Comme nous l’avons aussi évoqué en commission, une telle charge supplémentaire présentait un risque, à terme, pour la survie des clubs, qui peinent à trouver des personnes pour les animer.

Reste en suspens, madame la ministre, la question des bénévoles non licenciés dans les clubs qui interviennent de façon régulière ou ponctuelle auprès des enfants ; ils peuvent passer au travers des mailles du filet.

Dernier point, je souhaite à titre personnel exprimer mon désaccord s’agissant d’un amendement que nous examinerons dans quelques instants.

En effet, je ne suis pas favorable au fait d’exclure de la liste des infractions fixées par le I de l’article L. 212-9 du code du sport une personne ayant participé à un attroupement après sommation et ayant l’objet d’une condamnation par un juge ; je rappelle qu’il s’agit de faits pour lesquels le code pénal prévoit une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Je souhaite connaître l’avis du Gouvernement à cet égard.

Pour conclure, avec mes collègues du groupe Les Républicains, nous partageons donc les ambitions de ce texte et saisissons l’occasion qui nous est offerte pour protéger les plus fragiles, plus particulièrement ici les mineurs. C’est pourquoi nous voterons en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi quau banc des commissions. – M. Sebastien Pla applaudit également.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à renforcer la protection des mineurs et l’honorabilité dans le sport

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer la protection des mineurs et l'honorabilité dans le sport
Article 2 (nouveau)

Article 1er

L’article L. 212-9 du code du sport est ainsi modifié :

1° (nouveau) Après le I, il est inséré un I bis ainsi rédigé :

« I bis. – Le contrôle annuel des incapacités mentionnées au I du présent article est assuré par la délivrance du bulletin n° 2 du casier judiciaire dans les conditions prévues à l’article 776 du code de procédure pénale et par l’accès aux informations contenues dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes dans les conditions prévues à l’article 706-53-7 du même code.

« En cas de condamnation, prononcée par une juridiction étrangère et passée en force de chose jugée, pour une infraction constituant, selon la loi française, un crime ou l’un des délits mentionnés au I du présent article, le tribunal judiciaire du domicile du condamné, statuant en matière correctionnelle, déclare, à la requête du ministère public, qu’il y a lieu à l’application de l’incapacité d’exercice prévue au présent article, après constatation de la régularité et de la légalité de la condamnation et l’intéressé dûment appelé en chambre du conseil.

« Les personnes faisant l’objet d’une incapacité d’exercice peuvent demander à en être relevées dans les conditions prévues à l’article 132-21 du code pénal ainsi qu’aux articles 702-1 et 703 du code de procédure pénale. Cette requête est portée devant la chambre des appels correctionnels de la cour d’appel dans le ressort de laquelle le requérant réside lorsque la condamnation résulte d’une condamnation étrangère et qu’il a été fait application du deuxième alinéa du présent I bis.

« Par dérogation à l’article 133-16 du code pénal, les incapacités prévues au présent article sont applicables en cas de condamnation définitive figurant au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes même si cette condamnation n’est plus inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire. » ;

2° (Supprimé)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, sur l’article.

M. Jean-Claude Requier. Chaque année, près de 50 000 personnes, le plus souvent des jeunes, forment au brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur (Bafa) ou au brevet d’aptitude aux fonctions de directeur (BAFD). Ces diplômes sont, dans une certaine mesure, indispensables pour pouvoir intervenir dans des accueils collectifs de mineurs.

En effet, l’encadrement de jeunes en colonies de vacances, centres de loisirs ou classes vertes répond à des normes strictes : 50 % de titulaires du Bafa ou équivalent, 30 % de stagiaires Bafa ou équivalent et 20 % de personnes non qualifiées.

Actuellement, les organismes de formation habilités à former au Bafa et au BAFD doivent respecter un cahier des charges comprenant dix critères, où figurent notamment la formalisation d’un projet éducatif qui promeut la liberté de conscience et la non-discrimination.

Or ce sont chaque année plusieurs centaines de mineurs qui sont victimes d’agressions sexuelles de la part des encadrants titulaires ou stagiaires d’un Bafa ou d’un BAFD. Dans ce milieu, où une omerta reste très présente, la hiérarchie use bien trop souvent de la politique de l’autruche.

Face à ce constat, alors que ces dix critères sont codifiés à l’article 5 de l’arrêté du 15 juillet 2015 relatif aux brevets d’aptitude aux fonctions d’animateur et de directeur en accueils collectifs de mineurs, notre collègue Nathalie Delattre appelle le Gouvernement à porter attention à cette problématique et à compléter cette liste, afin de conditionner l’habilitation délivrée à un onzième critère, relatif à la formation des futurs animateurs et directeurs à un plan de prévention des violences sexuelles.

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Dossus, Mme de Marco, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Le 6° du I est complété par les mots : « à l’exception de l’article 431-4 » ;

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Mon collègue Michel Savin a déjà évoqué cet amendement voilà quelques instants.

Comme je l’ai souligné dans la discussion générale, la présente proposition de loi vise bien au contrôle de l’honorabilité plus qu’à l’honorabilité elle-même.

En effet, selon l’article L. 212-9 du code du sport, il est déjà interdit aux personnes condamnées pour une liste longue d’infractions de travailler dans le monde du sport auprès d’enfants. La plupart de ces infractions n’appellent pas de commentaires particuliers, car il s’agit de crimes et de délits très graves.

En revanche, lorsqu’on regarde en détail, notamment le livre IV du code pénal, on s’aperçoit qu’il y a là des infractions assez éloignées de l’objectif initial de cette proposition de loi, à savoir la protection des mineurs. Je pense, notamment, au fait de participer à un attroupement après sommation.

Certes, la liste des infractions visées n’est le fait ni de l’auteur de la proposition de loi ni du rapporteur, elle préexistait déjà à la proposition de loi au sein de l’article L. 212-9 du code du sport. Mais nous souhaitons symboliquement retirer au moins de la liste des infractions le fait de participer à un attroupement après sommation.