M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Monsieur le président, monsieur le président de la commission de la culture, cher Laurent Lafon, monsieur le rapporteur, cher Jean-Jacques Lozach, monsieur l’auteur de la proposition de loi, cher Sebastien Pla, mesdames, messieurs les sénateurs, un enfant sur sept est victime de violences dans le sport. Derrière ce chiffre effrayant, combien d’enfants en souffrance, dont l’existence a été abîmée et la vie parfois brisée ?

Voilà pourquoi notre premier devoir, en tant que responsables publics, est de regarder ces violences avec lucidité.

Oui, elles prennent des formes diverses, qu’il faut dénoncer clairement pour en faire prendre conscience : violences physiques, violences psychologiques, harcèlement, agression, emprise ou encore viol.

Oui, elles s’observent du sport amateur jusqu’au plus haut niveau de performance, avec, dans plus de 80 % des cas, des victimes mineures, filles et garçons.

Non, elles ne sont pas l’exception d’un sport, mais un mal transversal à éradiquer dans toutes les disciplines.

Si cette lucidité a d’abord demandé une prise de conscience collective, malheureusement toujours trop lente, elle a permis depuis d’engager une lutte sans merci pour éradiquer ces violences.

Une boussole très claire ma guide chaque jour : tolérance zéro. Voilà pourquoi, ces trois dernières années, nous avons considérablement renforcé notre arsenal. Il s’agit tout d’abord de ne plus laisser passer ces violences, avec la création de la cellule Signal-sports, qui a déjà permis de traiter plus de 900 dossiers depuis le mois de mars 2020 pour des faits de violences, dont 90 % à caractère sexuel.

Nous mobilisons l’ensemble des leviers à notre disposition.

Ces leviers sont d’abord d’ordre judiciaire, au travers d’un signalement systématique au procureur de la République, comme l’impose l’article 40 du code de procédure pénale, afin que des investigations soient menées, y compris en l’absence de dépôt de plainte.

Ils sont également administratifs, par le biais non seulement d’inspections et d’enquêtes que je n’hésite pas à diligenter à chaque fois, mais aussi par des mesures d’interdiction d’exercer ou des fermetures d’établissements sportifs, y compris en urgence, pour faire cesser les maltraitances et prévenir tout risque de réitération.

Ils sont enfin disciplinaires, puisque nous nous assurons que toutes les fédérations, notamment celles qui ont failli en la matière, parfois dans un passé récent, prennent à bras-le-corps leurs obligations de lutte contre ces violences.

Notre action collective, soulignons-le, commence à porter ses fruits auprès, d’une part, des victimes, grâce à l’allongement des délais de prescription, en 2018 puis en 2021, et, d’autre part, des bourreaux, puisque plus de 400 mesures d’interdiction d’exercer ont été prononcées et plus de 1 000 personnes ont été mises en cause.

Pourtant, des faits extrêmement graves sont encore régulièrement révélés, autant grâce aux médias qu’aux enquêtes que nous diligentons. Cela signifie que nous pouvons et devons faire mieux encore. Aujourd’hui, je veux donc remercier M. le sénateur Sebastien Pla de cette proposition de loi fondée sur la volonté de renforcer encore davantage notre cadre législatif. Elle est le fruit – je tiens à le souligner – d’un engagement exemplaire et de longue date de sa part pour lutter contre ces violences.

À travers vous, monsieur le sénateur, je veux également rendre hommage à Sarah Abitbol. Chacun sait l’impact, et même le choc, qu’a représenté sa prise de parole pour le monde du sport : le début d’un véritable #MeToo sportif.

En lui remettant l’Ordre national du mérite au mois de janvier dernier, je lui ai dit ceci : « Nous ne lâcherons rien, notamment pour que la libération de la parole s’accompagne, ce qui est au moins aussi important, d’une vraie libération de l’écoute. »

Je tiens aussi à saluer le travail conduit par M. le rapporteur Jean-Jacques Lozach, dont je sais l’expertise et l’engagement sur les politiques publiques du sport, notamment quand il s’agit du respect de l’éthique et de l’intégrité. Plus largement, je me réjouis de l’esprit constructif ayant prévalu dans le cadre de la rédaction de cette proposition de loi.

Car, pour lutter contre ces violences, je suis persuadée que le renforcement du volet répressif doit s’accompagner de la plus haute exigence en matière de prévention. Même si, chacun le sait, le risque zéro n’existe pas, d’autant qu’un casier judiciaire vierge n’empêche pas de commettre parfois des actes terribles.

En la matière, ces dernières années, nous sommes déjà montés en puissance, en renforçant nos exigences et nos moyens, notamment au travers du contrôle d’honorabilité, c’est-à-dire la vérification des antécédents judiciaires visant à s’assurer qu’une personne ne fait pas l’objet d’une condamnation pénale incapacitante prévue par la loi.

Ce contrôle était auparavant limité aux 250 000 éducateurs titulaires d’une carte professionnelle. À la suite de l’adoption de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, il concerne désormais deux millions de personnes, dont les éducateurs bénévoles, les juges et arbitres, les maîtres-nageurs titulaires du brevet national de sécurité et de sauvetage aquatique (BNSSA), ainsi que tous les intervenants auprès de mineurs.

Depuis près d’un an, mes services se sont fortement investis aux côtés des fédérations pour traduire concrètement cette mesure sur le terrain.

Nous avons déployé un dispositif efficace, largement automatisé, qui repose sur la remontée des données d’identité par les clubs et sur un système d’information dédié à l’honorabilité, développé par mon ministère.

En complément, les services de l’État réalisent régulièrement des contrôles ponctuels, sans jamais – je tiens à le signaler – pénaliser l’engouement pour le bénévolat sportif ni faire peser sur les clubs locaux de trop fortes exigences.

Là encore, les résultats sont au rendez-vous : les 40 000 nouvelles cartes professionnelles délivrées en moyenne chaque année aux éducateurs sportifs font désormais l’objet d’un contrôle systématique. Pour les bénévoles, les fédérations, qui sont très attendues, se mettent en ordre de marche, comme en témoigne la multiplication par plus de deux, depuis un an, des contrôles réalisés, par exemple par la fédération française de football, de boxe ou de handball.

Au total, au 31 mai 2023, ce sont ainsi près d’un million de personnes qui ont d’ores et déjà été contrôlées et plus de 130 incapacités et mesures de polices administratives qui ont été prononcées.

Pour autant, sur ce volet préventif, nous disposons encore d’une marge de progression. Le texte que nous examinons aujourd’hui permet – c’est à mon sens toute sa force – d’identifier des axes d’amélioration aussi concrets qu’immédiats. Sur ce point, je salue une fois encore le travail réalisé par le sénateur Pla et le rapporteur Lozach. Il s’agit notamment de consolider encore l’équilibre entre le renforcement du rôle régalien de l’État dans son contrôle des personnes intervenant auprès des pratiquants et la responsabilisation accrue, que nous souhaitons assurer, des instances sportives, pour signaler l’ensemble des faits de violences.

Parmi ces propositions d’amélioration, il convient à mon sens de signaler la consécration, au niveau législatif, des modalités concrètes de réalisation du contrôle d’honorabilité, qui prend la forme d’une interrogation annuelle du bulletin n° 2 du casier judiciaire et du Fijais, qui relèvent tous deux du ministère de la justice.

Autre amélioration, la possibilité de déclarer l’incapacité, même en cas d’effacement du B2, dès lors que la condamnation concernée figure encore au Fijais.

Par ailleurs, le préfet pourra interdire l’exercice des responsables des établissements d’activités physiques et sportives (EAPS), et non plus seulement de toutes les autres catégories de personnes intervenant dans ces établissements, ce qui vient combler opportunément un vide juridique.

En outre, et surtout, une obligation de signalement à l’autorité administrative est instaurée en cas de comportement d’un encadrant ou de toute personne intervenant auprès de mineurs présentant un risque pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants. C’est sans doute l’apport majeur du texte. Cela permettra de systématiser les remontées de faits inquiétants. Le préfet pourra ainsi prendre, chaque fois que c’est nécessaire, des mesures administratives d’interdiction d’exercer.

Enfin, monsieur le rapporteur, vous vous apprêtez à proposer par amendement l’intégration d’une dimension nationale à ce dispositif de signalement. Il s’agit de créer l’obligation, pour toute fédération agréée, de faire remonter les signalements de violences dont elle a connaissance aux services du ministère, ce qui permettra de « boucler la boucle ».

Mesdames, messieurs les sénateurs, si le sport est devenu un véritable « fait social total », pour reprendre les mots de Marcel Mauss, c’est bien sûr en raison des performances des sportives et des sportifs, mais aussi parce qu’il repose sur des valeurs essentielles : l’émancipation, le respect des règles et le vivre-ensemble.

Si nos sportifs travaillent dur pour être au meilleur de leurs performances, à nous de nous mobiliser sans relâche pour être les gardiens du temple de ces valeurs, à un moment critique de l’agenda sportif de notre pays.

Pour avancer sur cette meilleure protection de nos pratiquants, j’ai demandé à Marie-George Buffet et Stéphane Diagana d’intégrer cette dimension dans les travaux du Comité national pour renforcer l’éthique et la vie démocratique dans le sport, qu’ils coprésident à ma demande.

Voilà pourquoi, dès aujourd’hui, je me réjouis du renforcement du dispositif global envisagé dans le cadre de cette proposition de loi, dont je souhaite qu’elle puisse aboutir rapidement à l’Assemblée nationale. Je serai extrêmement attentive à sa bonne application par l’ensemble des services de l’État et du mouvement sportif. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et SER.)

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’actualité récente nous montre que les violences sexuelles n’épargnent pas le milieu sportif.

Depuis 2020, un tournant dans la lutte contre ces violences a été opéré par le mouvement sportif lui-même. Il convient de continuer à doter le mouvement sportif, comme la société tout entière, d’outils pour lutter toujours plus efficacement contre de tels phénomènes.

Je veux d’abord saluer celles et ceux qui ont pris la parole pour dénoncer publiquement ce dont ils ont été victimes. On le sait, c’est très difficile.

Mais il faut malheureusement souvent le retentissement de certaines « affaires » pour créer des prises de conscience qui doivent être suivies d’actes forts.

La cellule de signalement des violences sexuelles et sexistes, créée par votre prédécesseur, madame la ministre, a ainsi permis de recueillir 907 signalements conduisant à 424 interdictions d’exercer. Vous poursuivez cette politique en instaurant le Comité national pour renforcer l’éthique et la vie démocratique dans le sport, coprésidé par Marie-George Buffet et Stéphane Diagana.

Au-delà des chiffres, il y a des femmes, des hommes, et, dans la très large majorité des cas, des mineurs, c’est-à-dire des enfants et des jeunes venus chercher dans le sport une source d’épanouissement, ce que le sport ne devrait jamais cesser d’être.

Cette proposition de loi, les améliorations pertinentes apportées par le rapporteur, comme les amendements que nous allons examiner, permettront notamment de donner une base légale à cette cellule Signal-sports, afin de la conforter. Il convient aussi d’en renforcer les moyens.

Le contrôle systématique d’honorabilité, qui s’applique aux encadrants professionnels, sera élargi aux éducateurs bénévoles, qui représentent 90 % des éducateurs sportifs.

Il prend modèle sur celui qui s’applique dans le secteur social et médico-social. Nous considérons que les modifications apportées à la version initiale de la proposition de loi et faisant peser la responsabilité du contrôle sur les services de l’État sont particulièrement bienvenues.

Il est en effet inutile, et même contre-productif de faire contrôler le casier judiciaire d’un intervenant par les dirigeants sportifs, eux aussi essentiellement bénévoles, en particulier dans le contexte de crise du bénévolat que nous connaissons.

Sans compter que l’application de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, dont nous avions souligné combien les conséquences pourraient être redoutables, vient aujourd’hui renforcer nos interrogations.

Je pense tout particulièrement à la disposition selon laquelle l’agrément en qualité de dirigeant ou d’associé ne peut être délivré qu’aux demandeurs dont le bulletin n° 2 du casier judiciaire est vierge, la nature des infractions visées surpassant largement l’« honorabilité », sur laquelle nous légiférons aujourd’hui.

Le sport a souvent montré à quel point il peut être une source de réhabilitation, par les valeurs qu’il promeut, l’effort qu’il exige, et la satisfaction qu’il peut engendrer. Ne lui retirons pas une telle dimension !

C’est la raison pour laquelle le Fijais nous semble le bon outil. Il est utile de le conforter, comme le fait la proposition de loi.

Oui, les clubs, les fédérations et les ligues ont un rôle à jouer dans la lutte contre toutes les violences, et particulièrement les violences sexuelles.

Mais ce rôle doit davantage tendre à favoriser un environnement serein et protecteur, à effectuer les signalements nécessaires, à accompagner les éventuelles victimes qu’à exercer des contrôles incombant aux services de l’État.

De ce point de vue, la formation des dirigeants et bénévoles sportifs est indispensable à la prévention. Là encore, des moyens doivent être déployés pour soutenir le mouvement sportif dans cet effort.

Nous soutenons cette proposition de loi et nous souhaitons qu’elle permette de gagner en efficacité face aux insupportables violences, en particulier sexuelles.

Loin de jeter l’opprobre sur les millions d’acteurs qui font vivre avec dévouement le mouvement sportif, nous pensons que ce texte les aidera à se protéger et à protéger tous les pratiquants, notamment les enfants. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi quau banc de la commission.)

M. Pierre-Antoine Levi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner la proposition de loi déposée par Sebastien Pla, que je tiens à remercier de son engagement dans la lutte contre les violences sexuelles sur les enfants.

Ces actes abominables, aux conséquences dévastatrices, persistent malheureusement encore aujourd’hui. Il est donc essentiel d’améliorer et de compléter la législation existante pour intensifier le combat.

Le sport, comme nous le savons tous, est un élément fondamental de l’épanouissement et du développement des jeunes. Il leur permet de cultiver des valeurs telles que l’esprit d’équipe, la discipline, la persévérance et le dépassement de soi.

Cependant, certains individus mal intentionnés profitent d’une proximité avec les jeunes athlètes pour commettre des actes inqualifiables et abjects. En tant que législateurs, il est de notre devoir de prendre des mesures fermes pour éradiquer ce fléau.

Dans sa forme actuelle, le contrôle exercé par les clubs sportifs est souvent insuffisant. Les procédures de vérification des antécédents des encadrants peuvent être lacunaires, permettant ainsi à des individus dangereux de se glisser dans des postes à responsabilité.

Il est donc primordial que l’État joue un rôle actif dans ce processus de contrôle, en mettant en place des protocoles clairs et rigoureux pour s’assurer de l’honorabilité des adultes intervenant auprès des mineurs dans le sport.

Ainsi, toute personne souhaitant travailler avec des mineurs dans le cadre sportif serait tenue de se soumettre à une vérification approfondie de ses antécédents.

En renforçant le contrôle exercé par l’État, nous enverrons un message fort à l’ensemble de la société : la protection des mineurs est une priorité absolue.

Nous ne pouvons plus permettre que des individus mal intentionnés exploitent leur position d’autorité pour commettre des actes odieux. Les jeunes athlètes doivent pouvoir s’épanouir dans un environnement sain, sécurisé et bienveillant.

Les statistiques sont alarmantes. Selon une étude de l’Institut national d’études démographiques, plus de 15 % des adultes déclarent avoir subi des violences sexuelles pendant leur enfance.

Dans un cas sur deux, ces violences engendrent des épisodes dépressifs, des troubles de l’anxiété et phobiques qui rendent difficile la libération de la parole. Plus d’un tiers de ces victimes développent aussi des troubles du comportement alimentaire, et un quart d’entre elles tentent de mettre fin à leurs vies.

Des années après la ou les agressions, une victime sur six souffre encore d’état de stress post-traumatique ou de troubles psychosomatiques. Pour plus de 5 % de ces victimes, le long processus de désocialisation peut aussi conduire à la rue ou à la prostitution.

Les témoignages courageux de personnalités comme Andréa Bescond et Sarah Abitbol et bien d’autres encore ont permis de sensibiliser le grand public à cette réalité insoutenable.

Nous ne pouvons pas rester les bras croisés face aux violences sexuelles dans le sport. Les chiffres sont alarmants : 610 affaires ont été signalées à la cellule qui traite le problème des violences sexuelles dans le sport depuis sa mise en place en 2020. Dans le cadre de ces affaires, 84 % des victimes sont des mineurs.

D’après les données publiées par le ministère des sports, 73 % des dossiers concernent des faits commis au cours des dix dernières années et 107 affaires portent sur la seule saison sportive 2020-2021.

Au total, 655 personnes sont mises en cause, dont 97 % d’hommes. Actuellement, 449 dossiers sont clos, et 206 enquêtes sont en cours. La majorité des fédérations sportives sont concernées.

La présente proposition de loi vise à renforcer le dispositif de contrôle de l’honorabilité des adultes intervenant auprès de mineurs dans les établissements sportifs. Nous devons exiger un double contrôle, à la fois des clubs sportifs et des services de l’État, pour nous assurer de la sécurité de nos enfants.

J’en suis conscient, certains pourraient évoquer des considérations relatives à la protection de la vie privée. Toutefois, il est crucial de souligner que la protection des mineurs doit prévaloir sur toute autre considération.

Les encadrants sportifs ont une responsabilité particulière vis-à-vis des jeunes dont ils ont la charge, et il est de notre devoir de nous assurer qu’ils soient dignes de cette confiance.

Cette proposition de loi prévoit notamment la délivrance annuelle du bulletin n° 2 du casier judiciaire et l’accès aux informations contenues dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes. Elle prévoit également des mesures pour les personnes condamnées par une juridiction étrangère pour une infraction constituant, selon la loi française, un crime ou l’un des délits mentionnés.

Dans le cadre des amendements proposés par le rapporteur, je souhaite souligner l’importance de l’amendement n° 4, qui vise à donner une base légale à la cellule Signal-sports mise en place par le ministère. Cet amendement vise à assurer une circulation de l’information à tous les niveaux, permettant ainsi aux fédérations d’être informées sans délai lorsqu’elles ont connaissance du comportement d’une personne dont le maintien en activité constituerait un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants.

De plus, l’amendement n° 5 tend à prévoir de sanctionner administrativement un président de club qui emploierait un éducateur sportif interdit d’exercer par le préfet, parce qu’il présente un risque pour les pratiquants. Il s’agit d’une mesure essentielle pour garantir la sécurité de nos jeunes athlètes.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe Union Centriste votera avec conviction cette proposition de loi. Je remercie de nouveau notre collègue Sebastien Pla de l’avoir déposée. J’espère qu’elle pourra aboutir rapidement pour être appliquée. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les violences sexuelles dans le milieu sportif concernent tout le monde et tous les sports, du patinage, comme Sarah Abitbol, au rugby, comme Sébastien Boueilh. Phénomène social longtemps considéré comme tabou, il sort aujourd’hui peu à peu du silence sacré des vestiaires, grâce à une libéralisation de la parole, qui doit permettre à la honte de changer de camp.

Je rappelle que, chaque année, 160 000 mineurs seraient victimes de violences sexuelles, selon la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants. Le milieu du sport, amateur comme professionnel, ne fait pas exception et alimente grandement la liste des victimes.

Si, au nom de la sacralisation de la personne de l’entraîneur et de la recherche de la performance, une omerta y a trop longtemps régné, la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui doit accélérer les prises de conscience et contribuer au tournant s’opérant depuis quelques années dans la lutte contre les violences sexuelles dans le sport.

Le sport a le pouvoir d’offrir un cadre universel pour l’apprentissage de valeurs telles que la discipline, l’inclusion, la persévérance et le respect. Il contribue au développement des compétences personnelles nécessaires pour une citoyenneté responsable. Il ne doit pas être à l’inverse le lieu d’expression privilégié de prédateurs sexuels où le silence et l’impunité font foi.

L’auteur de la proposition de loi met aussi le doigt sur une problématique majeure : l’encadrement du sport français repose principalement sur les bénévoles. Or, s’il existe une obligation d’honorabilité pour les éducateurs sportifs professionnels comme bénévoles, seuls les éducateurs professionnels font l’objet d’un contrôle systématique et annuel.

Répondant aux révélations d’affaires de violences sexuelles qui ont mis en évidence la demande des fédérations sportives et des pratiquants quant à la nécessité d’un contrôle de l’honorabilité des éducateurs sportifs et des exploitants d’établissement d’activités physiques et sportives bénévoles, le groupe RDSE, qui s’est toujours voulu le relais éclairé des besoins de nos concitoyens, se félicite de cette initiative parlementaire dont Jean-Jacques Lozach est le rapporteur.

Certes, le cadre législatif s’est dernièrement renforcé avec l’apparition d’une obligation du recueil de l’identité complète de toute personne susceptible de devenir éducateur sportif ou d’intervenir auprès de mineurs. Parallèlement, l’apparition depuis 2020 d’une cellule de signalement de faits de violences ou de violences sexuelles a permis le contrôle de l’honorabilité de la moitié des bénévoles placés au contact des mineurs dans le milieu sportif. Néanmoins, cela reste insuffisant.

Je rappelle que, si les éducateurs sportifs titulaires d’une carte professionnelle font l’objet de contrôles systématiques réalisés annuellement par une consultation automatisée de leur bulletin n° 2 du casier judiciaire et de leur Fijais, les éducateurs sportifs bénévoles, les arbitres et les exploitants d’établissement d’activités physiques et sportives ne sont pas légalement soumis à un contrôle systématique de leur honorabilité.

C’est pourquoi, par la prise en compte dans le champ sportif des améliorations apportées à la protection des mineurs et issues de la loi Taquet, cette proposition de loi met enfin un terme à l’anomalie dont souffre ce milieu, qui repose à 90 % sur des bénévoles. Nous ne pouvons ainsi que nous satisfaire de l’inscription dans la loi du principe d’une annualité du contrôle de l’honorabilité pour tous les intervenants, à titre rémunéré ou bénévole, auprès de mineurs en milieu sportif. De même, l’inscription d’une condamnation au Fijais, même si celle-ci n’est plus inscrite sur le B2, entraînera désormais l’interdiction d’exercer.

Enfin, la mise en place d’une obligation de signalement par les dirigeants de clubs des comportements présentant un danger pour la sécurité et la santé physique ou morale des sportifs, et sa sanction en cas de non-exécution, accélérera la responsabilisation de l’ensemble des acteurs du milieu sportif face à ces phénomènes.

Ainsi, le groupe RDSE votera logiquement cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Jacques Grosperrin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais féliciter Sebastien Pla, auteur de cette proposition de loi, et Jean-Jacques Lozach, qui a procédé à une réécriture globale. En effet, la vérification de l’honorabilité, qui signifie « mériter estime et considération d’autrui », constitue un élément important.

Je suis heureux de cette prise de conscience, sans doute tardive, de ce que subissent certains enfants. Il fallait et il faut contrôler tous les bénévoles.

Si le contrôle de l’honorabilité est une prérogative de l’État, l’inscription dans le champ sportif de mesures du secteur social et médico-social relatives à la protection de l’enfant est une nécessité. Les présidents de club qui fermaient les yeux auront désormais l’obligation de signaler.

Les exemples sont nombreux, qu’il s’agisse du silence des présidents de club ou de leur implication dans des violences sexuelles sur des enfants.

Je voterai donc sans état d’âme cette proposition de loi. Pour autant, cela sera-t-il suffisant pour protéger notre jeunesse et nos sportifs ? La France souffre du syndrome de Vichy. Nous avons confondu la délation, qui consiste à dénoncer de manière méprisable et intéressée, avec la dénonciation, qui consiste à désigner un coupable à une autorité ou à la justice. Les Anglo-Saxons n’ont jamais eu ces difficultés ! La dénonciation est obligatoire dès qu’il y a violence sur un mineur.

Madame la ministre, vous êtes la vingt-cinquième ministre des sports de plein exercice. Auparavant, nous avons connu des hauts-commissaires, comme Maurice Herzog : ce n’était pas l’Everest, mais l’Annapurna ! Certains ministres des sports ont été sous la tutelle du Premier ministre, du ministre du temps libre, du ministre de la santé, du ministre de ville – je me tourne vers notre collègue Patrick Kanner – ou bien du ministre de l’éducation nationale.

Je regrette que le dernier ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports n’ait pas pu s’emparer de ce problème, qui concerne la jeunesse.

Je comprends fort bien que vous soyez ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Toutefois, j’aurais souhaité que vous soyez également ministre de la jeunesse, pour pouvoir vous emparer du sujet que nous évoquons aujourd’hui.

Car si cette proposition de loi est indispensable pour clarifier la situation et responsabiliser chacun, il faut aller plus loin. « Trop de lois tue la loi », disait Pompidou. Pouvons-nous contrôler tout le monde ? N’y aura-t-il pas des trous dans la raquette ? Quid des sports qui ne sont pas pratiqués dans les fédérations officielles ? Quid des écoles de dessin, de musique et de théâtre ?

Les lois étant trop nombreuses, il nous faut inverser notre mode opératoire et agir sur l’enfant, sa construction, son devenir et ses représentations.

L’école est le lieu de la sensibilisation et de la prévention. J’ai entendu qu’on pouvait faire des cours d’éducation sexuelle et créer des « ambassadeurs », les enfants se confiant beaucoup plus à leurs camarades qu’à un adulte.

Il existe au sein de l’éducation nationale le socle commun des compétences, qui s’acquiert au cours du cycle obligatoire, de 3 ans à 16 ans, et conduit au diplôme national du brevet. Il s’agit d’un ensemble de valeurs et d’attitudes nécessaires pour réussir sa vie et, surtout, son avenir de futur citoyen.

Saisissez cette occasion avec votre collègue de l’éducation nationale, madame la ministre, pour créer un pilier de plus. À ce jour, le socle commun de compétences compte huit piliers. Le domaine 3, qui concerne la formation de la personne et du citoyen, comprend le respect des choix personnels – c’est indispensable – et surtout des responsabilités individuelles.

Les cours d’éducation physique participent à ces apprentissages, mais ils ne sont pas les seuls. Les cours de mathématiques, les cours de sciences de la vie et de la terre, ainsi que l’ensemble des cours d’enseignement obligatoire, ont également un rôle à jouer.

Il faudra donc prévoir – mais peut-être est-ce d’ordre réglementaire ? – un neuvième pilier majeur consacré à l’apprentissage de l’appartenance de son corps et à la liberté. L’école doit rester un lieu d’échanges. L’école doit être un lieu de libération de la parole.

Je m’interroge. Nous examinons aujourd’hui une proposition de loi, mais d’autres textes pourraient servir de vecteur. Je suis judoka : sur la douleur, sur les chutes, sur les étranglements, sur les clés de bras, sur la souffrance dans le sport, faisons attention à ne pas légiférer toujours plus. Cela finirait par nuire aux pratiques sportives, pourtant si importantes.

Nous espérons que vous serez la ministre qui verra la France, contrairement à l’été 1960, où notre pays n’avait gagné aucune médaille d’or, réaliser une belle moisson aux jeux Olympiques ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Sebastien Pla applaudit également.)