Sommaire

Présidence de M. Roger Karoutchi

Secrétaires :

Mme Esther Benbassa, M. Daniel Gremillet.

1. Procès-verbal

2. Reconnaissance biométrique dans l’espace public. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale :

M. Marc-Philippe Daubresse, auteur de la proposition de loi

M. Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

M. Arnaud de Belenet

M. Jean-Claude Requier

M. Stéphane Le Rudulier

M. Pierre-Jean Verzelen

M. Thomas Dossus

Mme Nicole Duranton

M. Jérôme Durain

Mme Éliane Assassi

M. Gilbert Favreau

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Amendement n° 2 de M. Thomas Dossus. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 1er bis (nouveau)

Amendement n° 3 de M. Thomas Dossus. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 1er ter (nouveau)

Amendement n° 1 rectifié bis de M. André Reichardt. – Adoption.

Amendement n° 4 de M. Thomas Dossus. – Rejet.

Amendement n° 12 de M. Thomas Dossus. – Rejet.

Amendement n° 5 de M. Thomas Dossus. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Article 1er quater (nouveau) – Adoption.

Article 2

Amendements identiques nos 6 de M. Thomas Dossus et 13 de Mme Éliane Assassi. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l’article.

Article 3

Amendements identiques nos 7 de M. Thomas Dossus et 14 de Mme Éliane Assassi. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 18 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 4 A (nouveau)

Amendement n° 8 de M. Thomas Dossus. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 4

Amendement n° 9 de M. Thomas Dossus. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 5

Amendements identiques nos 10 de M. Thomas Dossus et 15 de Mme Éliane Assassi. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l’article.

Article 6

Amendements identiques nos 11 de M. Thomas Dossus et 16 de Mme Éliane Assassi. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 19 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Articles 7 et 8 (supprimés)

Article 9 – Adoption.

Vote sur l’ensemble

Adoption, par scrutin public n° 299, de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

Suspension et reprise de la séance

3. Communication relative à une commission mixte paritaire

4. Réforme de l’audiovisuel public. – Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale :

M. Laurent Lafon, auteur de la proposition de loi

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur de la commission de la culture

Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture

PRÉSIDENCE DE M. Pierre Laurent

Organisation des travaux

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture

Discussion générale (suite)

M. Bernard Fialaire

M. Roger Karoutchi

Mme Monique de Marco

PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi

M. Julien Bargeton

M. David Assouline

M. Jérémy Bacchi

Mme Catherine Morin-Desailly

Mme Céline Boulay-Espéronnier

M. Pierre-Jean Verzelen

Clôture de la discussion générale.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Pierre Laurent

Avant l’article 1er

Amendement n° 26 de M. David Assouline. – Rejet.

Amendement n° 99 de Mme Monique de Marco. – Rejet.

Article 1er

Amendements identiques nos 3 de M. Julien Bargeton, 12 de M. David Assouline, 58 de M. Jérémy Bacchi et 83 de Mme Monique de Marco. – Rejet des quatre amendements.

Adoption de l’article.

Article 1er bis (nouveau)

Amendement n° 84 de Mme Monique de Marco. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 2

Amendements identiques nos 4 de M. Julien Bargeton, 13 de M. David Assouline, 59 de M. Jérémy Bacchi et 85 de Mme Monique de Marco. – Rejet des quatre amendements.

Adoption de l’article.

Article 3

Amendements identiques nos 5 de M. Julien Bargeton, 14 de M. David Assouline, 60 de M. Jérémy Bacchi et 86 de Mme Monique de Marco. – Rejet des quatre amendements.

Amendement n° 27 de M. David Assouline. – Adoption.

Amendement n° 30 de M. David Assouline. – Rejet.

Amendement n° 100 de la commission et sous-amendement n° 102 de M. David Assouline. – Rejet du sous-amendement et adoption de l’amendement.

Amendement n° 28 de M. David Assouline. – Devenu sans objet.

Amendement n° 29 rectifié de M. David Assouline. – Adoption.

Amendement n° 55 rectifié de M. David Assouline. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 4

Amendement n° 6 de M. Julien Bargeton, 15 de M. David Assouline, 61 de M. Jérémy Bacchi et 87 de Mme Monique de Marco. – Rejet des quatre amendements.

Adoption de l’article.

Article 5

Mme Hélène Conway-Mouret

M. David Assouline

Amendements identiques nos 7 de M. Julien Bargeton, 16 de M. David Assouline et 89 de Mme Monique de Marco. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° 31 de M. David Assouline. – Adoption.

Amendement n° 32 de M. David Assouline. – Rejet.

Amendement n° 33 de M. David Assouline. – Rejet.

Amendement n° 34 de M. David Assouline. – Rejet.

Amendements identiques nos 35 de M. David Assouline, 62 de M. Jérémy Bacchi et 68 rectifié bis de M. Thomas Dossus. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° 37 de M. David Assouline. – Rejet.

Amendement n° 1 rectifié de M. Roger Karoutchi. – Retrait.

Amendement n° 39 de M. David Assouline. – Rejet.

Amendement n° 78 rectifié de M. Bernard Fialaire. – Rejet.

Amendement n° 76 rectifié de M. Bernard Fialaire. – Retrait.

Adoption de l’article modifié.

Après l’article 5

Amendement n° 97 de Mme Monique de Marco. – Rejet.

Article 6

Amendements identiques nos 8 de M. Julien Bargeton, 17 de M. David Assouline et 90 de Mme Monique de Marco. – Rejet des trois amendements.

Adoption de l’article.

Article 7

Amendements identiques nos 9 de M. Julien Bargeton, 18 de M. David Assouline, 63 de M. Jérémy Bacchi et 91 de Mme Monique de Marco. – Rejet des quatre amendements.

Adoption de l’article.

Article 8

Amendements identiques nos 10 de M. Julien Bargeton, 19 de M. David Assouline, 64 de M. Jérémy Bacchi et 92 de Mme Monique de Marco. – Rejet des quatre amendements.

Amendement n° 101 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 9

Amendements identiques nos 11 de M. Julien Bargeton, 20 de M. David Assouline, 65 de M. Jérémy Bacchi et 93 de Mme Monique de Marco. – Rejet des quatre amendements.

Adoption de l’article.

Avant l’article 10

Amendement n° 81 rectifié bis de Mme Toine Bourrat. – Retrait.

Article 10

Amendement n° 41 de M. David Assouline. – Retrait.

Amendement n° 94 rectifié de Mme Monique de Marco. – Rejet.

Amendement n° 42 de M. David Assouline. – Retrait.

Amendement n° 40 de M. David Assouline. – Adoption.

Amendement n° 43 de M. David Assouline. – Rejet.

Amendement n° 44 rectifié de M. David Assouline. – Rejet.

Amendement n° 45 de M. David Assouline. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Renvoi de la suite de la discussion.

5. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Roger Karoutchi

vice-président

Secrétaires :

Mme Esther Benbassa,

M. Daniel Gremillet.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

 
Dossier législatif : proposition de loi relative à la reconnaissance biométrique dans l'espace public
Discussion générale (suite)

Reconnaissance biométrique dans l’espace public

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la reconnaissance biométrique dans l'espace public
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi relative à la reconnaissance biométrique dans l’espace public, présentée par MM. Marc-Philippe Daubresse, Arnaud de Belenet et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 505, texte de la commission n° 664, rapport n° 663).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, auteur de la proposition de loi.

M. Marc-Philippe Daubresse, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en octobre 2020, la commission des lois du Sénat a créé, sur l’initiative de son président François-Noël Buffet, une mission d’information sur la reconnaissance faciale et ses risques au regard de la protection des libertés individuelles.

Cette technologie, qui se développe rapidement grâce aux algorithmes d’apprentissage, polarise l’opinion publique entre, d’une part, les tenants d’un moratoire sur toutes les technologies biométriques – y compris la reconnaissance faciale –, lesquelles seraient par nature attentatoires aux libertés, et, d’autre part, ceux qui mettent en exergue leurs importants bénéfices potentiels pour garantir notre sécurité.

Le rapport de cette mission d’information, confié à Arnaud de Belenet, Jérôme Durain et moi-même et adopté à l’unanimité avait un double objectif.

D’abord, celui de combler le vide juridique actuel qui nous rend totalement dépendants du règlement général sur la protection des données (RGPD) et de la future directive européenne. Nous n’avons pu inscrire dans une loi la spécificité française qui écarte, par principe, tout recours à la technique de la reconnaissance faciale en temps réel dans l’espace public, ce qui nous permet d’éviter tout risque d’une société de surveillance.

Ensuite, et par exception, en raisonnant cas d’usage par cas d’usage, celui de garantir la sécurité des grands événements au cours desquels le risque terroriste est avéré.

De fait, les multiples facettes des technologies biométriques soulèvent de nombreux enjeux éthiques en matière de liberté, de sécurité et de souveraineté.

Parmi ces techniques, la reconnaissance faciale vise à reconnaître une personne sur la base des données de son visage. Les cas d’usage sont potentiellement illimités. Les deux premières entreprises mondiales spécialistes de cette technique sont françaises et leurs algorithmes sont désormais fiables à plus de 99 %.

La reconnaissance faciale peut notamment permettre de contrôler l’accès et le parcours des personnes lors d’épisodes sensibles, comme le passage des frontières – on parle alors d’authentification – ou d’assurer la sécurité et le bon déroulement d’événements suscitant une forte affluence, en repérant dans une foule les personnes présentant un risque – on parle alors d’identification.

Deux facteurs permettent de distinguer les techniques d’identification : leur modalité d’utilisation – en temps réel ou a posteriori, par exemple dans le cadre d’une enquête – et le cadre dans lequel elles sont utilisées – police administrative ou police judiciaire.

En France, les usages pérennes dans les espaces accessibles au public sont extrêmement limités. Il s’agit pour l’essentiel de rapprochement par photographie opéré dans le traitement des antécédents judiciaires et du système Parafe (passage automatisé rapide aux frontières extérieures) permettant, dans les aéroports, une authentification sur la base des données contenues dans le passeport.

Considérées comme des données « sensibles » au sens du RGPD, les données biométriques font l’objet d’une interdiction de traitement, lequel ne peut être mis en œuvre que par exception, dans des cas très particuliers : avec le consentement exprès des personnes, pour protéger leurs intérêts vitaux ou sur la base d’un intérêt public important, comme le prévoit la directive relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la décision-cadre 2008/977/JAI du Conseil, dite directive Police-Justice.

Mon collègue Arnaud de Belenet et moi-même, nous avons voulu que soit fixé collectivement un cadre permettant d’éviter de tomber dans une société de surveillance. Ont donc été définis des lignes rouges, une méthodologie et un régime de contrôle.

Comme en matière de bioéthique, il s’agit de fixer dans la loi de grands interdits applicables à tous, en particulier aux acteurs publics : interdiction de la notation sociale ; interdiction de la catégorisation d’individus en fonction de l’origine ethnique, du sexe ou de l’orientation sexuelle, sauf dans le cadre de la recherche scientifique ; interdiction de l’analyse d’émotions, sauf à des fins de santé ou de recherche ; et, comme je viens de le dire, interdiction de la surveillance biométrique à distance en temps réel dans l’espace public, sauf exceptions très limitées et encadrées par d’importantes garanties.

Pour cela, nous avions prévu dans le rapport trois principes généraux : le principe de subsidiarité, afin que la reconnaissance biométrique ne soit utilisée que lorsqu’elle est vraiment nécessaire ; le principe d’un contrôle humain systématique, pour que ces technologies de reconnaissance biométrique ne soient qu’une aide à la décision ; le principe de transparence, pour que leur usage ne se fasse pas à l’insu des personnes concernées et pour qu’il soit évalué de manière indépendante.

Pour ces exceptions, nous avons choisi une méthodologie claire sur laquelle je reviendrai : la voie expérimentale.

La proposition de loi que nous vous présentons, traduisant en cela parfaitement l’esprit et la lettre du rapport d’information, prévoit qu’une fois les lignes rouges définies et garanties, certains cas d’usage exceptionnels peuvent légitimement être expérimentés – j’y insiste – dans le cadre d’un régime de contrôle extrêmement renforcé.

D’où la proposition d’une loi d’expérimentation sur le modèle de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite loi Silt, que connaît bien notre rapporteur pour en avoir été l’un des artisans, afin de déterminer les usages très restreints de la reconnaissance biométrique à la fois pertinents et efficaces. L’expérimentation pourrait être autorisée pour trois ans, ce qui obligerait le Gouvernement et le Parlement à réévaluer le besoin et à recadrer éventuellement le dispositif en fonction des résultats obtenus, voire à le supprimer totalement.

Afin que cette phase d’expérimentation soit utile serait mise en place, outre le contrôle parlementaire, une évaluation publique, conduite par un comité composé de scientifiques et de spécialistes de l’éthique indépendants dont les rapports seraient bien évidemment rendus publics.

Nous souhaitons que les usages soient autorisés a priori. En cas d’utilisation par les forces de sécurité intérieure, l’autorisation relèverait soit d’un magistrat, soit du préfet, selon le cadre – judiciaire ou administratif – dans lequel ces technologies sont employées.

Enfin, le pouvoir de contrôle de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) serait réaffirmé afin qu’elle exerce son rôle de gendarme de la reconnaissance biométrique, dans le cadre de consultations pour avis a priori s’agissant des analyses d’impact et de contrôles a posteriori du bon usage des dispositifs et des éventuels détournements de finalité.

La première partie de la présente proposition de loi que nous avons déposée à la fin du mois d’avril dernier vise à prévoir dans la loi des lignes rouges clairement identifiées. Une fois celles-ci définies, nous déterminons limitativement les quatre cas d’usage de l’identification biométrique qui pourraient, par exception, être expérimentés.

En premier lieu, pour permettre de manière subsidiaire, et uniquement pour la recherche d’auteurs ou de victimes potentielles des infractions les plus graves, l’exploitation a posteriori d’images se rapportant à un périmètre spatio-temporel limité, sous le contrôle du magistrat chargé de l’enquête ou de l’instruction.

En deuxième lieu, pour instituer une nouvelle technique de renseignement afin que les services du premier cercle puissent traiter a posteriori les images issues de la voie publique à l’aide de systèmes de reconnaissance, uniquement à des fins de protection de l’indépendance nationale et de l’intégrité du territoire, de défense nationale et de prévention du terrorisme.

En troisième lieu, pour créer un cadre juridique permettant, de manière subsidiaire et par exception, le recours ciblé et limité dans le temps à des systèmes de reconnaissance biométrique sur la voie publique en temps réel – c’est ce point qui fait débat – sur la base d’une menace préalablement identifiée, en vue de la sécurisation des grands événements face à un risque terroriste ou d’atteinte grave à la sécurité des personnes.

De nombreuses garanties entourent ce dispositif, qu’il s’agisse de la formation spécifique des agents utilisateurs ou de l’encadrement des modalités de développement et de déploiement du dispositif : nombre limité de caméras dédiées, distinctes de celles des systèmes de vidéoprotection, ce qui permet de circonscrire fortement le périmètre géographique et temporel.

En dernier lieu, pour permettre aux autorités judiciaires de recourir à ces systèmes de reconnaissance en temps réel dans le cadre d’enquêtes judiciaires relatives aux infractions les plus graves.

En ce qui concerne la gouvernance de ces expérimentations, nous avons proposé le système de contrôle que je viens d’évoquer et un encadrement pendant une durée limitée à trois ans à compter de la promulgation de la loi. Un rapport annuel serait adressé au Parlement, comme dans la loi Silt, texte dont j’ai été le rapporteur. Enfin, le rapport final d’évaluation peut aboutir à la pérennisation, à la modification ou à la suppression des expérimentations.

Notre rapporteur Philippe Bas a voulu rendre plus lisible la proposition de loi en répartissant différemment les dispositions du texte, afin de créer un bloc précisant les garanties apportées et les interdits posés.

Il a également souhaité interdire l’identification à distance sans consentement : avec le texte modifié, l’utilisation de la reconnaissance faciale devrait être exclusivement prévue par des dispositions législatives, et non réglementaires. Chaque logiciel d’intelligence artificielle permettant de procéder à une reconnaissance faciale devra être calibré par décret, précédé d’un avis de la Cnil ou de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) et, comme l’a souhaité le rapporteur – il reviendra certainement sur ce point –, passer devant le Conseil d’État.

Succédant à ce socle très important de garanties, un autre bloc définit le régime de contrôle et d’autorisation, le rôle du Parlement, qui doit être central, et les usages possibles de ces technologies. Sur le modèle de la loi Silt, l’expérimentation peut permettre à chacun de mesurer l’utilité d’un tel dispositif dans la lutte contre le terrorisme.

Enfin, un bloc très intéressant, sur lequel reviendra le rapporteur, qui en a pris l’initiative, concerne le renseignement.

Avec Arnaud de Belenet, nous nous réjouissons de tous ces ajouts votés en commission sur l’initiative de notre rapporteur, car ils démontrent avec davantage de lisibilité que la rédaction initiale du texte respectait bien les principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Mes chers collègues, pour conclure, je veux dire que mon souvenir le plus douloureux en tant que maire – je l’ai été pendant près de trente ans (Mme Éliane Assassi sexclame.) – est celui de l’annonce que j’ai dû faire à une famille comptant parmi mes administrés de l’assassinat au Bataclan de leur fils de 27 ans par des barbares terroristes islamistes. À l’époque, je m’étais juré que, comme parlementaire, je ferai tout pour garantir que cela n’arrive plus. Bien sûr, en matière de terrorisme, le risque zéro n’existe pas, mais nous devons donner aux forces de l’ordre le maximum d’outils pour arriver à nos fins.

C’est bien dans ce sens que nous avons voté la loi Silt, qui a été respectée et dont tout le monde constate désormais l’utilité. Nous souhaitons aujourd’hui mettre en place de nouveaux outils, avec des garanties extrêmement renforcées, en respectant bien évidemment le rôle historique du Sénat de protecteur des libertés. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la tâche de votre rapporteur a été facilitée par la qualité du travail accompli par les deux auteurs de cette proposition de loi, MM. Daubresse et de Belenet, lesquels se sont directement inspirés du rapport d’information qu’ils avaient présenté avec notre collègue Jérôme Durain à la commission des lois voilà un an, et que celle-ci avait adopté à l’unanimité.

Je souligne ce consensus parce que l’extrême sensibilité de la question traitée ne garantissait pas à l’avance un tel résultat. Si les recommandations de nos collègues se sont ainsi imposées à nous, c’est grâce au discernement, à la prudence, aux interrogations, aux scrupules et même aux doutes qui les ont inspirés.

Avec eux, notre ambition est simple : protéger efficacement la vie privée des Français et garantir leurs libertés, sans pour autant renoncer totalement aux possibilités ouvertes par l’intelligence artificielle dans le traitement de données biométriques pour sauver des vies menacées par le terrorisme ou la grande criminalité.

À l’évidence, la voie était étroite, mais nos collègues ont su l’explorer avec sagesse ; dès lors, votre commission des lois n’avait plus qu’à l’emprunter et à la prolonger pour renforcer encore les garanties imaginées dans leur proposition de loi, en précisant les interdits posés, puis en resserrant le cadre juridique imaginé pour la mise en œuvre d’exceptions fortement restreintes et drastiquement contrôlées.

De quoi s’agit-il ? De l’utilisation d’une technologie permettant de reconnaître une personne photographiée ou filmée dans l’espace public au travers de la mise en équations numériques de son visage et le rapprochement des données ainsi obtenues avec les données déjà détenues sur la même personne. Il est ainsi possible de savoir si une personne se prévaut d’une fausse identité ou si une personne est présente parmi d’autres individus dans un lieu public donné. Et l’on peut procéder soit dans l’instant pour une action de prévention ou de poursuite immédiate, soit a posteriori dans le cadre d’une enquête judiciaire ou d’une opération de renseignement.

Le parti susceptible d’être tiré de cette technologie est immense, comme sont immenses les risques qu’elle comporte du fait de son caractère extraordinairement intrusif.

Tombée entre les mains de la police d’un régime dictatorial, elle peut devenir l’instrument d’un contrôle social généralisé. Utilisée à titre exceptionnel et de manière restrictive dans un régime démocratique respectueux de l’État de droit, elle peut ponctuellement présenter un intérêt réel pour la protection des citoyens, à condition que les principes et les règles encadrant son utilisation soient à la hauteur des libertés que nous, législateurs, en particulier le Sénat de la République, devons absolument faire prévaloir.

J’ai abordé ces questions avec à l’esprit quelques références communément partagées : nous savons bien que la marche de la science conduit depuis toujours à des découvertes ambivalentes, le meilleur côtoyant le pire. De la maîtrise du feu jusqu’à celle de l’atome, nous avons constamment été confrontés à ces interrogations auxquelles nul n’a jamais mieux répondu que Rabelais, avec qui nous disons désormais que « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».

Mes chers collègues, c’est à nous d’apporter la conscience nécessaire à la maîtrise et au contrôle des usages de l’intelligence artificielle, aujourd’hui pour la reconnaissance faciale biométrique.

L’Union européenne travaille sur le même sujet. Un règlement européen est en gestation. Il s’inspire de principes largement communs aux nôtres, ce qui n’est pas surprenant, car la France conserve une place déterminante dans le processus législatif européen. Il pourrait aboutir en 2025. Nous vous proposons de ne pas attendre cette échéance pour agir.

La France, comme elle l’a fait avec Bernard Kouchner et Simone Veil voilà trente ans dans un autre domaine où science et éthique se confrontaient – la bioéthique –, peut et donc doit être précurseur. C’est en effet pour nous une vocation sans cesse renouvelée que d’affirmer des principes fondamentaux en matière de libertés, dont d’autres pourront ensuite s’inspirer. Et cela nous mettra en position de force dans la négociation européenne en cours.

Nous avons bien évidemment tenu compte du travail accompli à Bruxelles et à Strasbourg et des réflexions engagées par la Cnil dès 2019, ainsi que des conclusions de nombreux rapports, le plus récent, très riche, étant celui de nos collègues députés Philippe Gosselin – de la Manche ! (Sourires.) – et Philippe Latombe. Nous pensons maintenant être en mesure d’engager un processus législatif fécond, susceptible d’aboutir à l’Assemblée nationale.

Les principes que nous vous proposons d’adopter sont relativement simples.

Il y a d’abord un principe absolu, très clair, qui ne peut donc souffrir aucune exception : il s’agit de l’interdiction de toute exploitation d’images issues de la vidéosurveillance dans le cadre d’un contrôle social à la chinoise, avec classement des individus en fonction de leur comportement dans l’espace public en vue de les avantager ou, au contraire, de les pénaliser.

Il y a ensuite des principes auxquels seul le législateur pourra déroger, dans des conditions strictement limitées et contrôlées : interdiction de la reconnaissance faciale en temps réel à distance sans consentement, par exemple dans le cadre de la vidéosurveillance ; interdiction aussi de l’exploitation a posteriori par reconnaissance faciale d’images déjà détenues par la justice ou la police, sauf exception qui serait alors décidée par la loi et non par décret, comme dans certains cas aujourd’hui.

Ces principes étant établis, le texte prévoit ensuite les possibilités de dérogations, ainsi que les finalités et le régime de celles-ci.

Les dérogations devront être prévues directement par le Parlement. Elles seront expérimentales, d’une durée de trois ans, placées sous le contrôle du Parlement, obéissant aux principes de proportionnalité, de nécessité et de subsidiarité, et devront utiliser des logiciels de traitement configurés sous la responsabilité de l’État et individuellement autorisés, mis en œuvre par des personnels habilités, faisant apparaître le degré de probabilité de l’identification, afin d’éviter des risques d’erreur amenant un préjudice lourd pour les personnes concernées. Le Conseil d’État et la Cnil seront étroitement associés à l’élaboration des textes d’application.

La Cnil, justement, comme l’ont proposé Philippe Gosselin et Philippe Latombe, sera consacrée comme autorité régulatrice des usages de l’intelligence artificielle. Sa composition sera complétée pour associer les autorités de régulation de l’audiovisuel et des télécommunications à ses missions.

Le contrôle d’accès par la reconnaissance faciale pourra être utilisé lors de grands événements, comme nous souhaitons le faire pour les jeux Olympiques et Paralympiques, mais de manière limitée à certaines catégories d’intervenants professionnels ou bénévoles, à certains lieux, avec une information préalable des intéressés, sans possibilité d’intégrer les riverains à ces modalités d’accès s’ils n’ont pas donné leur consentement, et seulement en cas de menace particulièrement grave pour la sécurité.

La reconnaissance faciale pourra être aussi utilisée pour le besoin d’enquêtes judiciaires.

D’abord, par la validation législative de la possibilité d’utiliser la reconnaissance biométrique pour identifier des personnes inscrites dans le fichier des antécédents judiciaires.

Ensuite, pour l’exploitation d’images de vidéosurveillance déjà recueillies, et cela en vue de réprimer le terrorisme, les trafics d’armes et les atteintes aux personnes punies de plus de cinq années d’emprisonnement, ainsi que pour la recherche de criminels en fuite ou de personnes disparues.

Par ailleurs, dans des conditions tout à fait exceptionnelles, limitées aux crimes les plus graves, à la disparition de mineurs, à la lutte contre le terrorisme et à la défense des intérêts fondamentaux de la Nation, la justice pourra recueillir des images grâce à des caméras dédiées et les exploiter en temps réel via la reconnaissance faciale en vue d’assurer le succès de l’enquête, au lieu de devoir utiliser seulement des images préexistantes. Dans ce cas, il faudra l’autorisation d’un magistrat, qui ne pourra être renouvelée au-delà de quarante-huit heures qu’avec l’accord du juge des libertés et de la détention. Seuls des officiers de police judiciaire, qui plus est spécialement habilités, pourront mettre en œuvre le traitement.

Enfin, l’utilisation de la reconnaissance faciale dans des activités de police administrative, c’est-à-dire de police préventive, sous l’autorité du Gouvernement, se fera, sur ma proposition, dans des conditions centralisées et non sur simple décision du préfet. Il reviendra au Premier ministre, après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement et sous le contrôle du Conseil d’État, de prendre la décision – c’est le système robuste de la loi de 2015 relative au renseignement, qui a fait ses preuves.

Mes chers collègues, les questions que nous avons à traiter aujourd’hui sont en apparence techniques et juridiques ; pourtant elles sont plus encore d’essence politique et éthique. L’approche de la commission des lois conforte, je le crois, les intentions équilibrées des auteurs de ce texte, tout en étendant les garanties qu’ils y avaient déjà inscrites.

Le caractère expérimental de la proposition de loi, comme nous l’avions déjà décidé en matière de terrorisme, présente l’intérêt de suivre l’évolution d’une technologie que l’on dit mature, mais qui n’est pas à l’abri d’erreurs. Il nous permettra aussi d’évaluer les éventuelles difficultés de mise en œuvre, de nous appuyer sur une jurisprudence et, finalement, de vérifier que nous avons trouvé le bon équilibre.

Puisque nous avons l’audace de cette première étape, ayons aussi l’humilité d’accepter que notre œuvre ne soit pas pleinement aboutie et de prévoir qu’elle puisse être encore améliorée à la lumière de l’expérience. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Arnaud de Belenet et Jean-Claude Requier applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la reconnaissance biométrique constitue à l’évidence une technologie aussi puissante par les opportunités qu’elle ouvre que sensible par les questions qu’elle soulève.

La sensibilité de ce sujet nous impose donc prudence et mesure dans les évolutions que nous pouvons opérer.

Vous savez combien le Gouvernement est déterminé à faire avancer vite les sujets qui l’exigent, comme la transformation écologique ou la formation des jeunes, en passant par la souveraineté énergétique. Mais il est des sujets dont la complexité justifie peut-être que nous différions quelque peu les décisions définitives, même lorsque l’on pense disposer de propositions judicieuses. La reconnaissance biométrique en fait partie.

Je rappelle que vous venez de voter le cadre juridique de l’expérimentation du recours à l’intelligence artificielle (IA) pour concourir à la sécurisation des jeux Olympiques et Paralympiques en 2024. Dans ce cadre, le Gouvernement et le Sénat ont fait preuve de prudence et de mesure.

Le Gouvernement, d’abord, qui a proposé un texte extrêmement encadré, avec des garanties nombreuses, une durée très limitée, des finalités de recours à l’IA réduites et l’exclusion de la reconnaissance faciale.

Votre assemblée, ensuite, qui, après avoir envisagé l’élargissement du périmètre de cette expérimentation à la reconnaissance faciale, a finalement jugé plus opportun, sur proposition du sénateur Daubresse, de renvoyer ce sujet à une discussion de fond.

Certes, un important travail transpartisan avait été mené sous la férule des sénateurs Marc-Philippe Daubresse, Arnaud de Belenet et Jérôme Durain, dont je salue l’implication et la hauteur de vue. Mais le Gouvernement est d’avis que l’équation n’a pas fondamentalement changé par rapport à l’examen de la loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions, voilà quelques mois, et que les objections qui y ont été formulées demeurent.

En effet, il nous semble important de nous interroger sur la temporalité de cette proposition de loi d’un point de vue politique, juridique et opérationnel.

D’un point de vue politique, d’abord. Légiférer maintenant sur la reconnaissance biométrique, précisément alors que va s’engager la négociation entre le Conseil et le Parlement européen sur le projet de règlement sur l’intelligence artificielle (RIA), dont le périmètre est encore assez mouvant, risquerait d’affaiblir notre position de négociation. En effet, il pourrait exister un décalage inévitable entre nos positions à Bruxelles et le texte voté à Paris.

Du point de vue de la cohérence et de la lisibilité de notre droit, ensuite. Cette concomitance de calendriers nous obligera en tout état de cause à revenir sur une législation nationale à peine votée, le règlement devant être adopté à l’échelon européen d’ici à la fin de l’année et traduit en droit interne en 2025 au plus tard. Cette configuration est loin d’être optimale en termes de prévisibilité de la norme, a fortiori pour une expérimentation dont la durée est fixée à trois ans, vous en conviendrez.

Je sais combien votre assemblée a été sensible à la nécessité d’offrir à nos acteurs industriels un cadre juridique stabilisé et clair, permettant à la France de disposer de solutions souveraines. Légiférer maintenant reviendrait cependant à rater la cible, car les entreprises se montreront réticentes à investir dans une exigeante démarche de compliance si elles craignent que le cadre puisse encore beaucoup évoluer un ou deux ans après.

D’un point de vue opérationnel, enfin. Le tempo de la proposition ne nous paraît en effet pas le plus opportun. Toutes nos forces sont mobilisées vers la sécurisation des jeux Olympiques et Paralympiques. Depuis que vous avez donné mandat au Gouvernement pour expérimenter l’IA, le ministère de l’intérieur travaille jour et nuit, d’ailleurs en très bonne intelligence avec la Cnil, afin d’être au rendez-vous de cette expérimentation.

Celle-ci est complexe et soulève des questions opérationnelles importantes avec des défis de coordination entre tous les acteurs de la sécurité des futurs grands événements – État, communes, RATP, SNCF. Il ne paraît ni opportun ni possible de distraire les forces de sécurité de ce chantier majeur pour s’investir dans la reconnaissance faciale, dont je rappelle que le Gouvernement n’avait, de son propre chef, pas proposé l’utilisation à l’occasion des jeux Olympiques et Paralympiques.

L’expérimentation proposée dans ce texte serait nécessairement décevante : sur les trois années dont il disposerait, le Gouvernement n’aurait en réalité ni le temps ni les ressources pour s’y engager pleinement. D’autant qu’il aurait un peu le même raisonnement que les entreprises nationales dans ce domaine : entre un RIA en fin de négociation, appelé à devenir rapidement la référence européenne, et un cadre français dont l’extinction est prévue à court terme, les deux ne disant pas exactement la même chose, le bon sens commandera de faire plutôt application des règles européennes.

En outre, en cette matière, le recours à la biométrie à des fins de police administrative et judiciaire ne peut se prendre de manière isolée en ce qu’il s’inscrit dans une stratégie plus large de politique de sécurité. La biométrie ne constitue qu’une brique devant s’intégrer dans une doctrine opérationnelle et dans un cadre juridique d’action des forces de sécurité intérieure.

Je crois que les auditions que vous avez menées, dans le cadre tant de votre rapport d’information de l’an dernier que de l’examen de ce texte par votre commission sous la conduite du rapporteur, vous l’ont très probablement confirmé : il est difficile, voire impossible, de se prononcer dans l’absolu sur le recours à la biométrie sans avoir une vision claire de toute la chaîne stratégique et de l’ensemble du cadre technique.

Ainsi, s’il est en théorie intéressant d’appliquer la reconnaissance faciale via des caméras pour vérifier si un individu dangereux se trouve dans un lieu où il n’est pas censé être, cela soulève en pratique des questions extrêmement lourdes. Les réponses à y apporter doivent conditionner la conception de la norme et non l’inverse : qui décide de la liste des gens dangereux ? Quelles caméras dans un contexte où les communes et les acteurs privés disposent de 98 % du parc dans notre pays ? Quels services peuvent mettre en œuvre cette technologie ?

Un cadre juridique qui serait trop en décalage avec la « vraie vie » des services de sécurité et d’enquête risque de rater sa cible, car les possibilités qu’il offrira ne répondront pas aux besoins de terrain. À cet égard, si je salue le travail du rapporteur, il me semble que l’État est le mieux à même de déterminer les éléments de doctrine opérationnelle, ce qui permettrait en outre de bénéficier du regard du Conseil d’État et de la Cnil.

M. Marc-Philippe Daubresse. C’est le Parlement qui doit prévoir cela !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. De façon générale, les auteurs de la proposition de loi partent du présupposé que les usages de la biométrie dans l’espace public soulèvent tous les mêmes questions, alors que les problématiques opérationnelles et les besoins de légiférer ne nous semblent pas correspondre.

Ainsi, nous regrettons que les auteurs ne distinguent pas plus nettement l’usage priori le plus complexe, à savoir la reconnaissance faciale en temps réel à des fins de police administrative, d’autres usages beaucoup moins attentatoires comme la recherche d’un individu dans le cadre d’une enquête.

Ce faisant, votre commission a voulu que relève de la loi tout traitement recourant à la biométrie, ce qui rigidifiera considérablement le droit des traitements de données. Cette idée est à rebours des exigences européennes dans ce domaine, qui nous font de plus en plus obligation de recueillir et d’inscrire de la donnée biométrique pour assurer l’interopérabilité et la fiabilisation des fichiers.

De plus, cette approche est frontalement contraire à la recommandation n° 18 de votre rapport d’information, qui visait à « mettre en place, par la prise de décrets en Conseil d’État, la possibilité pour les forces de sécurité nationale d’interroger à l’occasion d’une enquête judiciaire ou dans un cadre de renseignement certains fichiers de police par le biais d’éléments biométriques ».

Vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, si le Gouvernement salue la volonté de votre assemblée de traiter ces sujets – je salue particulièrement le sénateur Daubresse, dont nous connaissons l’engagement sur les sujets régaliens et de sécurité et son souci de garantir au ministère de l’intérieur les moyens de son action – et partage l’utilité de les traiter, nous ne sommes pas pleinement convaincus de l’opportunité de légiférer maintenant.

Il paraîtrait plus pertinent au ministre de l’intérieur et à moi-même de renvoyer à un projet de loi en capitalisant bien évidemment sur vos travaux. Néanmoins, malgré toutes ces réserves et pour souligner la qualité de votre œuvre, le Gouvernement émettra un avis de sagesse sur votre texte.

M. Philippe Bas, rapporteur. Très bien !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Seulement un avis de sagesse ?

M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet.

M. Arnaud de Belenet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « Houla » ! (Sourires.)

M. Philippe Bas, rapporteur. Houlala !

M. Arnaud de Belenet. C’est souvent la réaction que suscite l’évocation de la reconnaissance biométrique et d’un débat sur le sujet.

Est-ce en raison de cette crainte d’entraîner des réactions irrationnelles et des jeux de posture que cet enjeu n’a pas été intégré à la loi du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions ? Cela me fait souvent penser au personnage d’Élisa, dans une pièce de Léonore Confino, qui appelle à brûler la langue de bois et à avoir le courage d’affronter les débats irrationnels. C’est ce que nous faisons collectivement.

Je vous remercie, madame la ministre, d’envisager de faire évoluer ce texte en un projet de loi. Je vous ferai observer qu’il arrive aussi que certaines initiatives gouvernementales prennent la forme de propositions de loi.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Souvent !

M. Arnaud de Belenet. Il arrive encore que certaines propositions de loi soient amendées et améliorées par le Gouvernement dans le cadre d’un échange avec le Parlement. (Sourires.) J’espère que c’est ce que nous sommes en train de commencer à faire.

Le développement rapide des technologies de reconnaissance biométrique nécessite à présent leur appropriation par les pouvoirs publics pour ne pas les laisser à la main des seuls opérateurs privés. Ces mêmes technologies impliquent un débat public, que beaucoup demandaient : il s’agit non pas de subir, mais de choisir collectivement la société dans laquelle nous voulons vivre.

Je remercie le président de la commission des lois, François-Noël Buffet, d’avoir pris d’initiative de nous confier cette mission d’information ; je remercie également Marc-Philippe Daubresse et Jérôme Durain du travail que nous avons mené ensemble dans un souci constant d’équilibre.

C’est cette même préoccupation d’équilibre qui a conduit un très grand nombre de nos collègues des groupes Les Républicains et Union Centriste à cosigner ce texte. Je peux vous assurer que mon groupe soutient cette proposition de loi.

Je salue aussi la position très rationnelle, pondérée et unanime de la commission des lois lors de la remise de notre rapport d’information.

Je remercie enfin notre rapporteur de son expertise, son exigence et son travail. Je lui exprime, comme à l’accoutumée, une reconnaissance qui n’est pas seulement faciale… (Sourires.)

La présente proposition de loi tend à transcrire les conclusions des travaux de la mission d’information précitée et vise à ce titre deux objectifs principaux : d’une part, répondre aux besoins de régulation de ce système de surveillance, d’autre part, permettre aux pouvoirs publics d’utiliser à titre exceptionnel ces technologies, de les comprendre, de les maîtriser, d’en tester l’utilité. Le principe est l’interdiction, l’expérimentation l’exception.

Remanié par la commission des lois, l’article 1er tend à poser clairement l’interdit du traitement des données biométriques aux fins d’identifier une personne à distance dans l’espace public et dans les espaces accessibles au public, sauf évidemment à y consentir.

Fixer cet interdit de manière durable en le crantant dans la loi n’est pas seulement nécessaire, c’est un marqueur civilisationnel. Il n’est pas de bon ou de mauvais moment pour faire ce choix politique, un choix de société comme nous en faisons assez rarement. Habituellement, nous excellons dans la technique juridique ; là, nous prenons une décision politique très claire : nous refusons une société de surveillance – mieux, selon les mots choisis par Philippe Bas, nous lui faisons obstacle – et garantissons les libertés publiques.

L’interdit corollaire de la catégorisation et de la notation à partir de données biométriques est également inscrit dans la proposition de loi.

Les expérimentations, quant à elles, sont très encadrées : limitées à trois ans, elles sont régulièrement évaluées et dans le cadre d’un rapport public et par le Parlement. Elles sont soumises à un régime de contrôle : les usages de la reconnaissance biométrique dans l’espace public répondent à une procédure d’autorisation spécifique, de la part des magistrats pour les usages judiciaires et de celle de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement pour les usages administratifs.

Pour ce qui concerne les usages judiciaires, la commission a estimé que le recours à la reconnaissance biométrique ne devait être expérimenté que dans le cadre des enquêtes et des instructions portant sur des infractions d’une exceptionnelle gravité. En conséquence, elle a très fortement resserré le périmètre de l’expérimentation.

La reconnaissance biométrique a posteriori ne pourrait être utilisée que dans le cadre des enquêtes portant sur des faits de terrorisme, de trafic d’armes, d’atteintes aux personnes punies d’au moins cinq ans de prison ou de procédures de recherche de personnes disparues ou en fuite.

La reconnaissance biométrique en temps réel, comme l’a considéré la commission, ne concernerait que les cas extrêmes : enquêtes portant sur des faits de terrorisme ou d’atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation, sur des infractions relatives à la criminalité organisée ou sur des disparitions de personnes mineures.

De plus, la commission a entendu renforcer au maximum le régime de contrôle de cette expérimentation ainsi que les garanties associées. Elle a ainsi soumis l’usage posteriori à une autorisation expresse de l’autorité judiciaire qui devra préciser l’origine et la nature des données exploitées. Elle a également confié au seul juge des libertés et de la détention le soin de procéder au renouvellement de l’autorisation de recourir aux traitements biométriques en question.

Pour ce qui est des usages administratifs, la commission a restreint le champ de l’expérimentation en prévoyant que le système d’authentification biométrique obligatoire ne pourrait concerner les habitants des zones concernées.

Elle a aussi précisé que seul l’État pourrait mettre en œuvre les traitements de données biométriques utilisés dans le cadre de cette expérimentation. C’est important à souligner, car il s’agit bien de notre souveraineté : il ne faudrait pas que toute une série de technologies, faute de législation dédiée, partent à l’étranger. Il faut plus précisément que l’État maîtrise lesdites technologies pour pouvoir exercer son contrôle légitime et protéger nos libertés publiques.

Avec Marc-Philippe Daubresse et ceux qui nous ont accompagnés, nous nous sommes efforcés d’être particulièrement restrictifs et exigeants sur les conditions de l’expérimentation.

La commission, grâce aux initiatives de notre rapporteur, a réussi à aller plus loin. J’y vois là un gage considérable donné à ceux qui pourraient s’inquiéter pour nos libertés. J’y vois aussi une bonne façon d’entamer ce nécessaire débat et le parcours de ce texte, tout aussi nécessaire. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vous l’annonce d’emblée : j’ai eu un priori mitigé en découvrant cette proposition de loi.

M. Philippe Bas, rapporteur. Ah !

M. Jean-Claude Requier. Voilà quelques semaines, lors de l’examen de la loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions, nous avions admis l’expérimentation de l’utilisation de la vidéoprotection dite ou augmentée au travers du traitement par algorithme des images. D’ailleurs, cette nouveauté juridique suivait les recommandations formulées par nos collègues Marc-Philippe Daubresse, Arnaud de Belenet et Jérôme Durain dans leur rapport d’information intitulé La reconnaissance biométrique dans lespace public : 30 propositions pour écarter le risque dune société de surveillance.

Il m’avait alors semblé qu’une limite avait été fixée, celle de ne pas aller jusqu’à la biométrie, et qu’il s’agissait d’une bonne limite. Je m’étais même permis d’exprimer, au cours de la discussion générale, mon « sentiment profond que le fait de présenter l’innovation technologique comme une solution évidente demeure une chimère potentiellement dangereuse ».

Et voilà que vous proposez dans ce nouveau texte d’expérimenter le recours à la biométrie. Pourquoi ne pas laisser vivre l’expérimentation des algorithmes avant de nous engager dans une nouvelle voie ?

Si la technologie peut aider, nous en convenons, elle est aussi facteur de dérives. Nous pouvons d’ailleurs déjà en observer certaines. Je pense en particulier à ce que la Chine développe depuis plusieurs années, à savoir un système étatique de « crédit social » qui consiste en l’attribution d’une note aux citoyens en fonction de leur comportement. Ce dispositif repose sur une collecte de données des personnes sur leur comportement dans la rue ou dans les transports. Tout cela donne une note qui permet d’identifier la qualité du citoyen et d’en déduire le périmètre de ses droits. Pour y parvenir, l’usage de la biométrie est essentiel aux autorités.

Nous sommes déjà dans ce que les scénarios d’anticipation les plus préoccupants pouvaient proposer voilà à peine quelques années. Aussi, j’aime à répéter à cette tribune combien le groupe RDSE est fermement attaché aux libertés.

À cet égard, les limites fixées tant par les auteurs de la proposition de loi que par notre rapporteur sont évidemment à saluer, d’autant qu’il est inenvisageable de ne pas les inscrire dans la loi. Elles tiennent compte des inquiétudes et des risques encourus par notre société. Je pense à l’interdiction de catégoriser des personnes sur la base de leurs données biométriques, à l’interdiction de noter des personnes, toujours sur la base de ces données, ou encore à l’interdiction des systèmes de reconnaissance biométrique en temps réel ou posteriori dans l’espace public.

Seulement, tout le monde sait bien que le législateur peut défaire ce qu’il a fait. Ces garde-fous sont certes indispensables, mais ils seront insuffisants le jour où il sera question de les faire sauter.

J’en viens maintenant à la série d’expérimentations que proposent les auteurs du texte. Chacun s’accordera autour de la nécessité de sécuriser les événements particulièrement exposés à des risques d’actes de terrorisme ou d’atteintes graves à la sécurité des personnes. Je pense bien évidemment aux jeux Olympiques et Paralympiques. Chacun s’accordera également à vouloir faciliter la constatation des infractions à la loi pénale, le rassemblement des preuves de ces mêmes infractions et la recherche de leurs auteurs.

En quelques mots, les expérimentations proposées visent toutes des buts légitimes dont la gravité justifie certaines innovations en matière de surveillance ou d’investigation.

Si ces dispositifs devaient être institués, il faudrait en effet les accompagner, comme le proposent les auteurs du texte, d’un comité scientifique et éthique chargé d’évaluer régulièrement l’application des mesures. Le fait que la Cnil soit associée à ce dispositif comme chef de file de la régulation des systèmes d’intelligence artificielle est aussi de nature à me rassurer.

Ce texte traduit donc une recherche d’équilibre. Il tend à instituer des garde-fous, ce qui ne m’empêche pas de plaider pour une forme de prudence. Aussi, malgré des réserves assez importantes quant au développement de la biométrie, et même si la position de notre groupe n’est pas unanime – c’est souvent le cas –, une partie majoritaire d’entre nous votera en faveur de cette proposition de loi. (M. le rapporteur et M. Marc-Philippe Daubresse applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Le Rudulier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi de nos collègues Marc-Philippe Daubresse et Arnaud de Belenet est une initiative inédite en matière de technologie biométrique et une première traduction législative d’un encadrement de son utilisation qui manquait cruellement à notre arsenal juridique.

Ce texte traduit une réelle ambition : celle de garantir le juste équilibre entre outils technologiques de sécurité collective et respect de l’État de droit et des libertés fondamentales, dans l’intérêt de nos concitoyens. Les auteurs de cette proposition de loi viennent poser un principe d’interdiction qui fera l’objet d’une liste d’exceptions strictement encadrées par des procédures et des garanties de surveillance collectives et transparentes.

Ce texte est le résultat d’une réflexion parlementaire qui a fait l’objet de trois rapports ces dernières années. Par son travail remarquable, notre rapporteur, le questeur Philippe Bas, est venu renforcer et parfaire l’esprit de cette initiative législative. Le Sénat a ainsi l’occasion de faire entrer la France dans le nouveau millénaire en matière de sécurité.

J’entends les doutes et les interrogations légitimes de certains devant un prétendu État policier qui s’introduirait, grâce à la technologie, dans l’intimité de chacun pour espionner et, pourquoi pas, punir. Après les vaccins qui inoculeraient des puces brevetées par Bill Gates, la vidéoprotection avec reconnaissance faciale dans l’espace public violerait notre intimité… C’est une possibilité, d’où un encadrement strict de son utilisation.

Pourtant, avouons-le, il y a là un paradoxe insensé : nous acceptons chaque jour de céder à des multinationales étrangères la moindre donnée personnelle récoltée au travers de nos téléphones, de nos téléviseurs et de nos enceintes connectées, ou encore, désormais, de nos voitures intelligentes, mais nous refusons que l’État régalien assure notre sécurité par tout moyen technologique, comme la vidéoprotection avec reconnaissance faciale, alors même que telle est sa mission. On donne à des start-up californiennes nos empreintes digitales et les moyens d’identifier nos visages, on leur accorde un accès à notre intimité depuis notre salon au travers d’enceintes connectées et l’on refuserait à l’État d’assurer notre protection dans l’espace public sous contrôle de la Cnil et du Parlement.

Mes chers collègues, la reconnaissance faciale et biométrique n’est qu’une goutte d’eau et un balbutiement dans les avancées de l’intelligence artificielle.

M. Thomas Dossus. Nous voilà rassurés !

M. Stéphane Le Rudulier. Nous le voyons bien avec ChatGPT : l’IA est la révolution du millénaire. Nous ne pouvons rester spectateurs impuissants, rétifs au progrès,…

M. Thomas Dossus. Quel progrès !

M. Stéphane Le Rudulier. … sans même essayer d’encadrer l’utilisation de ces technologies.

La France doit être au rendez-vous de l’histoire. De nombreux pays comme Israël, le Royaume-Uni, l’Allemagne et les États-Unis protègent leur population face à l’explosion de la criminalité organisée et au terrorisme. Nous avons le devoir d’offrir aussi cette protection aux citoyens français.

Permettez-moi d’être très inquiet quand je constate le sous-équipement des principales grandes villes françaises en matière de vidéoprotection. Pourtant, c’est dans ces métropoles que se concentrent la criminalité, la violence et le terrorisme. Rendez-vous compte : seulement 19 caméras pour 10 000 habitants à Marseille ou à Paris, 11 caméras pour la troisième ville de France, Lyon, et 9 pour Toulouse. Dans le même temps, deux capitales européennes majeures, Londres et Berlin, en dénombrent respectivement 180 et 110, toujours pour 10 000 habitants. Nous sommes clairement en retard par rapport à nos voisins.

Comment imaginer que Paris et Marseille, qui accueilleront dans les prochains mois la Coupe du monde de rugby, une messe du pape ou encore les jeux Olympiques, soient quasiment nues en matière de vidéoprotection ? Au-delà de ces grands événements, rappelons tout de même que la France est le pays le plus touristique du monde avec 89 millions de visiteurs par an. La gare du Nord est la plus fréquentée d’Europe avec 700 000 voyageurs quotidiens. Nous devons garantir une protection dans l’espace public à la mesure de notre attractivité.

La France doit s’adapter à son époque : on ne peut lutter contre les délinquants et contre les terroristes du XXIe siècle avec les outils désuets et obsolètes du milieu du XXsiècle.

Pour conclure, je citerai Clemenceau, qui fit tant pour notre sécurité collective : « Il faut savoir ce que l’on veut. Quand on le sait, il faut avoir le courage de le dire ; quand on le dit, il faut avoir le courage de le faire. » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Arnaud de Belenet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen.

M. Pierre-Jean Verzelen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les évolutions récentes nous mettent devant le fait accompli : nous devons réguler et encadrer de manière adaptée et spécifique la reconnaissance biométrique. Cet outil permet d’identifier un individu grâce à un panel de caractéristiques qui lui sont propres.

L’intelligence artificielle connaît un essor fulgurant. Notre rôle de législateur prend tout son sens dans ce domaine où tout va très vite. Nous avons besoin d’un droit solide et protecteur qui saura s’adapter aux évolutions technologiques. C’est indispensable pour protéger nos droits fondamentaux et nos libertés individuelles. Dans notre pays, la reconnaissance biométrique est très limitée et le droit n’est pas du tout adapté.

Ce sujet revient souvent sur nos travées, comme en atteste la mission d’information à l’origine de cette proposition de loi ou, plus récemment, la loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions. Encadrer cette pratique au travers d’un texte qui lui soit propre est nécessaire.

Inévitablement, ce débat rappelle celui d’il y a quelques années sur la vidéosurveillance. La reconnaissance biométrique est là, elle existe ; elle peut être utile pour améliorer la sécurité dans l’espace public et lors de grands événements. Dès lors, pourquoi s’en priver ? Développons intelligemment ce nouvel outil, faisons-le de manière sécurisée, avec un modèle qui nous convient. Fixons nous-mêmes les règles et les limites que nous souhaitons nous imposer.

C’est aussi un enjeu industriel majeur. Le matériel et les logiciels devront être français ou européens : nous savons que nous devons rester souverains en la matière.

Comme cela a été souligné, ce débat représente également un enjeu de gestion des données. Google, Facebook, TikTok : ces plateformes américaines ou chinoises captent à longueur de journée des données relatives à nos populations. Nous peinons à voir émerger des outils européens en la matière. Ne prenons pas le même retard sur la reconnaissance biométrique !

Nous saluons la Commission européenne, qui s’est saisie de la question de l’intelligence artificielle avec l’AI Act. Je rejoins l’avis du rapporteur : nous ne pouvons attendre 2025 et l’entrée en vigueur de ce futur règlement européen. Tout va très vite : beaucoup de nos voisins ont déjà recours à la reconnaissance biométrique. Nous ne sommes pas les États-Unis, où la pratique est encadrée de manière plutôt vague ; nous ne sommes certainement pas non plus la Chine,…

M. Thomas Dossus. Pas encore !

M. Pierre-Jean Verzelen. … où des millions de caméras intelligentes sévissent chaque jour et notent les individus. Nous refusons la société de surveillance qu’impose ce pays à ces habitants.

Cette proposition de loi est donc essentielle. Ses auteurs nous poussent à nous interroger ensemble sur le cadre que nous souhaitons développer ; ils ont le mérite d’ouvrir le débat et de mettre, si je puis dire, le pied dans la porte. (M. Thomas Dossus le déplore.) Nous saluons le travail effectué en commission des lois, sur l’initiative du rapporteur, qui a permis de renforcer les mécanismes initialement proposés.

L’article 1er vise à donner un cadre strict aux interdictions des différentes formes d’identification – à distance, sans le consentement des personnes physiques, ou posteriori, pour ne citer que ces exemples.

L’expérimentation sur une durée de trois ans va dans le bon sens. Nous devons évaluer ces mécanismes avant une potentielle pérennisation.

La subsidiarité introduite dans les mécanismes est gage de préservation des libertés. La limitation des expérimentations à des cas très précis, à caractère exceptionnel, est centrale. Ces mécanismes sont cruciaux dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée et dans la défense des intérêts de la Nation. L’expérimentation prévue concernant les grands événements sportifs et ses conditions de mise en œuvre sont des pistes de réflexion intéressantes pour l’avenir.

Trouver l’équilibre entre la sécurité des Français et le respect de leurs libertés est la ligne de crête sur laquelle nous devons en permanence avancer. La proposition de loi qui nous est soumise est une première étape ; il y en aura, à mon avis, bien d’autres. Nous commençons à aborder le sujet, le débat est lancé. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutient les grandes orientations de ce texte. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Arnaud de Belenet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « créer un cadre juridique expérimental permettant, par exception et de manière strictement subsidiaire, le recours ciblé et limité dans le temps à des systèmes de reconnaissance biométrique sur la voie publique, en temps réel, sur la base d’une menace préalablement identifiée et à des fins de sécurisation de grands événements ».

Ces mots sont ceux de l’auteur de la présente proposition de loi, M. Marc-Philippe Daubresse, qu’il a prononcés lors de l’examen de la loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions. Il définissait déjà les contours du texte actuel puisque, selon lui, ladite loi n’allait pas assez loin dans les innovations en matière de surveillance.

Notons les précautions, les circonlocutions et les périphrases : elles ne sont pas anodines et résument en réalité les faux-semblants qui sous-tendent le présent texte.

En vérité, le procédé est toujours le même lorsqu’il s’agit de technologies de fichage et de surveillance de masse : à la prudence initiale se substituent la généralisation et la fin des garde-fous.

Les prélèvements ADN, par exemple, ont été introduits dans notre droit en 1998 à la suite de l’affaire Guy Georges et concernaient à l’époque uniquement les condamnés définitifs pour agression sexuelle. Vingt-cinq ans plus tard, le fichier national automatisé des empreintes génétiques répertorie 3 millions d’individus, avec une écrasante majorité de personnes non condamnées. Nous ne comptons plus les prises d’empreintes génétiques pour des participations à des manifestations, par exemple ; refuser de s’y soumettre constitue désormais un délit, passible d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende. Ficher l’ADN des militants politiques est devenu coutumier !

La vidéosurveillance a connu le même essor au travers d’un usage exponentiel, qui en a rendu la pratique massive. Depuis la loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions, il est possible de confier l’analyse des images à des algorithmes, encore une fois dans le cadre d’une expérimentation… Ne doutons pas qu’elle sera, elle aussi, généralisée !

En effet, à chaque fois, tout commence par des expérimentations, des dispositifs réduits, des initiatives que l’on nous jure strictement encadrées, pour aboutir invariablement à des généralisations. Nos libertés publiques deviennent secondaires pour les apprentis sorciers de la société de surveillance.

Nous sortons à peine de l’examen d’une loi d’exception qui a donné un cadre légal à la surveillance algorithmique durant les jeux Olympiques et Paralympiques que les fanatiques du flicage nous proposent déjà d’aller plus loin. Le risque antiterroriste sert, comme à chaque fois, de faux nez de la surveillance globale.

Qu’importe que la rapporteure spéciale de l’ONU sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste ait dénoncé l’utilisation du terrorisme comme justification politique pour adopter des technologies à haut risque.

Qu’importe que la Défenseure des droits souligne un « risque inhérent d’atteinte au droit au respect de la vie privée et à la protection des données ».

Qu’importe que le Massachusetts Institute of Technology (MIT) révèle que les technologies de surveillance automatisées présentent des préjugés liés au sexe et à la couleur de peau.

Il nous faudrait innover dans la société de contrôle, toujours plus loin, toujours plus fort, sans jamais réfléchir au modèle de société que cela induit.

Que contient ce texte ? Une forte dose d’hypocrisie. En effet, son article 1er tend à poser un cadre très strict d’interdictions pour empêcher la catégorisation, la notation ou la reconnaissance des personnes par les technologies de biométrie, le tout assorti d’un contrôle sérieux du Parlement, de la Cnil ou de la CNCTR. On aurait pu s’arrêter là, avec quelques sanctions pour des usages illégaux.

Pourtant, que contient le reste du texte ? Une liste d’exceptions à cette interdiction générale. La biométrie ? Jamais, sauf pour contrôler l’accès aux grands événements, pour permettre l’exploitation d’images posteriori afin de retrouver des auteurs ou des victimes d’infractions, pour surveiller des foules en direct lors d’événements dits à risque ou encore pour aider aux investigations des services de renseignement dans la lutte contre le terrorisme.

La liste est déjà longue, mais elle sera trop courte pour un prochain gouvernement qui pourra introduire à souhait des exceptions supplémentaires. À partir du moment où vous acceptez, avec ce texte, la dissémination, la prolifération de ces technologies, vous devrez assumer un usage qui deviendra général, n’en doutez pas. Ce texte est un cadeau de bienvenue à un prochain gouvernement plus autoritaire qui n’aura qu’à pérenniser l’usage de la biométrie en rallongeant la liste des usages possibles.

Celles et ceux qui sont attachés à la devise républicaine, notamment au premier terme gravé au fronton de nos mairies, celui de « liberté », devraient être horrifiés par ce texte. Les garde-fous n’y changeront rien : l’autorisation, même partielle, de ces technologies ne fera qu’en multiplier le développement et l’usage. La société de surveillance mettra à mal notre démocratie.

L’usage politique de ces technologies ne sera pas entravé par les garde-fous. Les dérives politiques de la surveillance policière sont déjà très concrètes. La Lettre A se faisait encore l’écho la semaine dernière d’un bras de fer entre Matignon et Beauvau quant à la surveillance et la mise sur écoute de militants écologistes.

L’enjeu n’est pas seulement sécuritaire, il est aussi économique. Beaucoup appellent – de telles ambitions ont été énoncées très clairement durant les débats sur la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) – à promouvoir, soutenir et développer des champions français de la technosécurité.

Au nom de la défense des libertés publiques, nous refusons le projet de société que vous défendez avec ce texte : une société du fichage, du flicage, de l’abolition du privé et de l’intime ; un continuum de sécurité, qui considère tout comme une donnée à traiter, jusqu’au phénotype même des individus ; un carcan indépassable, qui n’a qu’une visée, le contrôle, partout et tout le temps.

C’est pourquoi nous vous proposerons la suppression de la plupart des articles de cette proposition de loi, à laquelle nous nous opposerons.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Nicole Duranton. Comme l’ont souligné les précédents orateurs, nous sommes conduits à nous prononcer aujourd’hui sur une proposition de loi de nos collègues Marc-Philippe Daubresse et Arnaud de Belenet portant sur la reconnaissance biométrique dans l’espace public.

Issu des propositions formulées par une mission d’information de la commission des lois, ce texte vise, d’une part, à fixer des lignes rouges pour faire obstacle à une société de surveillance, d’autre part, à expérimenter de nouveaux cas d’usage de cette technologie, qui croît exponentiellement grâce aux algorithmes d’apprentissage.

Nous le savons, l’opinion publique est polarisée entre ceux qui craignent l’usage poussé des technologies biométriques en raison de leur nature attentatoire aux libertés et ceux qui soulignent davantage ses bénéfices potentiels pour la sécurité de tous.

La reconnaissance biométrique dans l’espace public n’est effectivement pas un dispositif anodin. Elle fait partie de ces outils qui relèvent d’un choix de société et qui requièrent donc une attention et une évaluation toutes particulières.

En effet, ses applications possibles sont illimitées : elles peuvent dépasser le seul prisme sécuritaire pour rythmer un simple acte de la vie courante ou une activité commerciale.

Dès lors, permettre l’usage de telles technologies sans instaurer de garde-fous est dangereux.

Des exemples au-delà de nos frontières nous montrent comment cet usage comporte une part de risque, notamment lorsqu’il est utilisé par un régime totalitaire contre ses propres citoyens.

Nous avons tous en tête l’exemple de la Chine, où la reconnaissance faciale rythme le moindre acte de la vie quotidienne – obtenir une ligne de téléphone portable, faciliter l’enregistrement dans un hôtel, identifier des élèves qui sèchent les cours – et est devenue une arme politique à Hong Kong, par exemple, ou dans la région du Xinjiang contre la minorité ouïghoure.

Pour en revenir au texte, nous souscrivons à l’ambition de fixer des lignes rouges. En revanche, l’ouverture d’expérimentations de nouveaux cas d’usage nous alerte.

À cet égard, l’analyse des services de la Cnil, qui a été présentée à la commission des lois par son secrétaire général, Louis Dutheillet de Lamothe, est aussi éclairante qu’alarmante.

Selon ce dernier, alors que l’expérimentation des technologies biométriques ne devrait être réalisée qu’« avec une extrême prudence et de manière progressive », la proposition de loi que nous examinons « élargit de manière considérable et d’un seul coup les cas d’usage ». Comme il le rappelle, choisir d’expérimenter, c’est déjà choisir de créer.

Contrairement aux recommandations des services de la Cnil, la commission des lois a fait le choix de maintenir les dispositions relatives à la reconnaissance biométrique en temps réel, ce que nous regrettons vivement.

Selon M. Dutheillet de Lamothe, l’identification en temps réel dans l’espace public à titre expérimental marquerait « une rupture fondamentale pour l’exercice de nos libertés publiques, alors que nous n’avons pas encore de recul sur l’efficacité et l’utilité de la biométrie dans les autres cas d’usage ».

Et je n’évoque pas les risques avérés d’erreurs d’identification, les biais discriminatoires, le risque d’inhibition dans l’exercice des droits ou libertés fondamentales ou encore le risque de sécurité informatique.

Par conséquent, avant d’étudier la possibilité de recourir à cette technologie, nous estimons préférable de prendre le temps de tester l’emploi des caméras augmentées, sans reconnaissance faciale, dont l’expérimentation est prévue par l’article 10 de la très récente loi du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions.

Il convient donc de faire le bilan de cette expérimentation qui se déroulera au cours des jeux Olympiques et Paralympiques, à partir du 26 juillet 2024, avant d’aller plus loin quant au développement de la reconnaissance faciale.

Pour toutes ces raisons, et parce qu’il nous faut légiférer avec une prudence accrue en la matière, le groupe RDPI votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jérôme Durain. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici réunis pour l’examen, dans une niche, un lundi, au soleil,…

M. Philippe Bas, rapporteur. Un mardi sous la pluie !

M. Jérôme Durain. … d’un texte qui mériterait une meilleure visibilité médiatique.

L’intelligence artificielle et son application aux images, animées ou non, ont suscité quelques débats ces derniers mois, dans le sillage du succès de ChatGPT et des dispositions sur la vidéoprotection algorithmique examinées dans le cadre du projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions.

Je crains cependant que le format de notre discussion de cet après-midi ne nous permette pas de rencontrer le même succès. C’est compréhensible, dans la mesure où ce texte est examiné dans le cadre d’une niche – je le dis avec tout le respect que j’ai pour l’initiative parlementaire. De ce fait, nous ne disposons pas d’étude d’impact et la position de Mme la ministre témoigne du fait que ce texte n’est pas porté à bras-le-corps par le Gouvernement.

Surtout, l’agenda législatif prête à confusion : notre débat intervient en effet quelques semaines seulement après la promulgation du projet de loi sur les jeux Olympiques que j’ai déjà évoqué. Voilà quelques semaines, nous avons été nombreux, et je m’inclus dans ce « nous », à débattre des mesures concernant la vidéoprotection algorithmique lors des jeux Olympiques et à répéter, souvent avec sincérité : « non, il n’y aura pas de reconnaissance faciale aux JO ».

Cela était dit avec sincérité pour plusieurs raisons : nous étions nombreux à penser qu’il était trop tôt, que les critiques exprimées dans la société à l’égard de l’utilisation des algorithmes sans données biométriques créaient suffisamment de réticences et qu’il convenait d’éviter d’aller encore plus loin avec la reconnaissance faciale.

De manière plus pragmatique, de nombreux acteurs nous disent qu’il est trop tard, que mettre en place les systèmes de reconnaissance faciale prend du temps et que rien ne serait de toute façon opérationnel pour les JO. Je pense que ces messages, que nous avons nous-mêmes répétés, ont été entendus.

Permettez-moi d’en rappeler quelques-uns. « Nous nous félicitons de ce que la ligne rouge de la reconnaissance faciale n’ait pas été franchie dans le projet de loi déposé par le Gouvernement », déclarait la rapporteure de la commission des lois sur le récent projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques. « Je suis opposé à la reconnaissance faciale », affirmait Gérald Darmanin, auditionné par notre commission. « Nous ne voulons pas de la reconnaissance faciale ni de l’utilisation de données et de systèmes d’identification biométrique pour ces Jeux. Non seulement ces procédés ne nous semblent pas nécessaires sur le plan opérationnel, mais, surtout, les autres dispositifs prévus permettront, à eux seuls, un saut qualitatif en matière de prévention et de lutte contre les troubles à l’ordre public », déclarait Amélie Oudéa-Castéra à l’Assemblée nationale.

Je l’ai bien compris, certaines de ces citations sont soumises à interprétation, voire à une date limite de validité. Je comprends ces subtilités. Après tout, j’ai moi-même signé le rapport de la commission des lois sur la reconnaissance faciale, avant de refuser de signer la proposition de loi qui en découlait.

Permettez-moi de vous expliquer mon raisonnement personnel avant de vous confier la position de mon groupe sur cette proposition de loi.

Je ne crois pas que la reconnaissance faciale, telle qu’elle est perçue par les auteurs du texte, dont je connais les intentions, la qualité du travail et le souci de prendre de grandes précautions, comme par notre rapporteur, constitue un danger en soi. C’est une technologie qui commence à être efficace, même si elle conserve quelques faiblesses. Elle est déjà utilisée par nos citoyens pour certains de leurs actes quotidiens – je pense notamment au déverrouillage des téléphones.

Encadrer cette technologie semble très important. On peut le noter, un cadre global sur l’intelligence artificielle nous sera bientôt donné par l’Union européenne. Si l’on prend en considération le succès du RGPD, on peut imaginer que l’échelon européen est le plus adapté à la régulation du numérique.

M. le rapporteur estime que cela interviendra trop tardivement. Je pense au contraire qu’il ne sert à rien de se précipiter sur un sujet éthique qui aura des conséquences sur plusieurs décennies. Je considère que ce sujet mériterait un débat national d’envergure, oserais-je dire une convention citoyenne ? Je ne crois pas que nos compatriotes soient par nature opposants ou partisans de cette technologie et je ne préjuge pas des conclusions qui pourraient en sortir.

Je suis un fervent défenseur de la démocratie parlementaire, mais je crois que, sur certains sujets pour lesquels l’acceptabilité est essentielle, il importe de mettre en place des processus de décision associant le plus grand nombre possible de citoyens. Pour le dire autrement, je ne crois pas que cela passe par un projet de loi ou une proposition de loi ordinaire.

Vous l’aurez compris, l’ensemble de ces arguments conduit mon groupe à s’opposer à l’adoption de cette proposition de loi. La réécriture opérée par M. Bas a ses vertus, la volonté d’encadrer cette technologie étant louable. Toutefois, nous pensons que l’heure n’est pas venue.

Par ailleurs, en matière technologique, l’effet cliquet n’est jamais loin, une intervenante précédente ayant évoqué l’audition du secrétaire général de la Cnil. Aujourd’hui, nous repoussons le modèle chinois de reconnaissance faciale, comme nous repoussions hier l’internet à la chinoise, protégé derrière son grand firewall. Pourtant, de plus en plus de voix jalousent les possibilités offertes par l’internet chinois pour protéger les mineurs ou censurer des contenus dangereux.

Sommes-nous certains, mes chers collègues, que le modèle chinois de reconnaissance faciale constituera toujours un repoussoir dans dix ans ? Notre réponse est-elle dépendante des changements de majorité politique que pourrait connaître notre pays ? Vous hésiterez peut-être à me répondre. C’est ce qui détermine nos réflexions.

Par ailleurs, méfions-nous du solutionnisme technologique. Pour avoir débattu de l’utilité de cette technologie avec des dizaines de personnes ces dernières années, je retiens quelques limites qui nous permettront de relativiser l’urgence de notre débat.

Premièrement, la reconnaissance faciale n’est pas une recette miracle. Oui, elle sera utile dans certains cas : enlèvements de personnes, menace terroriste identifiée – j’insiste sur le terme « identifiée » –, recherche de personnes dangereuses précises. Elle ne fera pas disparaître l’ensemble des menaces.

Certes, elle sera utile dans la résolution d’enquêtes, mais il faut garder à l’esprit que la vidéoprotection elle-même n’a pas fait disparaître la criminalité dans notre pays. Même si elle est utile, elle a ses limites, et la Cour des comptes ne s’est pas privée de le rappeler à de multiples reprises.

La vidéoprotection et la reconnaissance faciale ne vont pas sans intervention humaine. Dans des exemples dramatiques, encore très récents, ce sont bien des interventions humaines qui ont permis de mettre fin au drame qui se déroulait. Aucune caméra, avec ou sans reconnaissance faciale, n’aurait pu empêcher ce qui s’est passé. Un acteur du renseignement me disait, de façon un peu triviale, « ce n’est pas parce que j’identifie celui qui a rayé ma voiture sur le parking que ma voiture est réparée ».

Il n’y aura pas de miracle, sauf exceptionnellement. Et ces technologies nous coûteront pourtant très cher ! Un autre expert me disait : « Vous avez aimé les milliards dépensés pour la vidéoprotection ? Vous adorerez le coût de la reconnaissance faciale ! » Il rappelait par ailleurs que « l’adéquation de l’utilité de la reconnaissance faciale avec une doctrine sécuritaire plus large est déterminante ». Le coût de cette technologie est loin d’être anodin par rapport aux autres moyens mis en œuvre. Il reviendra à l’État d’articuler un ensemble de solutions.

Mes chers collègues, le texte qui est soumis à notre sagacité aujourd’hui n’est pas, selon moi, un mauvais texte. L’initiative de MM. Daubresse et de Belenet a ses vertus et les enrichissements apportés par M. le rapporteur Philippe Bas sont indéniables.

Toutefois, le groupe socialiste considère que ce débat, qui intervient après que nous avons tous répété urbi et orbi que la reconnaissance faciale ne serait pas en place aux JO, est prématuré. Face aux bouleversements de l’intelligence artificielle croisée avec les données biométriques, il nous semble prudent d’avancer conjointement avec l’Europe. Vous le comprendrez, et le regretterez peut-être, nous ne soutiendrons pas ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si la pratique de la surveillance des populations par l’État est ancienne, sa massification, sa sophistication et sa banalisation interrogent.

Fichage massif de nos concitoyens, des organisations syndicales, des syndicalistes et des militants, déploiement incontrôlé de la vidéosurveillance, qu’elle soit traditionnelle ou algorithmique, usage de drones, marquage des manifestants, activation à distance des téléphones portables dans un but de géolocalisation, mais aussi activation à distance de la caméra et du micro de ces mêmes téléphones, scanners corporels… La panoplie des mesures de surveillance, sous couvert de justification sécuritaire, s’enrichit de manière inquiétante, pour ne pas dire glaçante, et ce dans l’apathie générale.

Ce qui, hier, relevait de la dystopie se concrétise pas à pas, sous nos yeux, sans aucun débat public. Pire, sous couvert d’écarter le risque d’une société de surveillance, le texte dont nous débattons aujourd’hui tend à instaurer le principe d’une telle surveillance, en se cachant derrière l’impératif de « préserver nos intérêts économiques en développant des outils techniques français qui améliorent la sécurité sans nuire aux libertés ».

Et les jeux Olympiques ou autres « méga-événements » sont autant de chevaux de Troie « pour faire progresser des politiques qu’il aurait été difficile, voire impossible, de mettre en place en temps normal », comme le rappellent très justement de nombreuses ONG.

C’est ainsi que ce texte vise, sous couvert d’expérimentation, dans une logique de prévention des risques, de lutte contre des menaces, supposées ou avérées, ou d’efficacité des enquêtes, de banaliser la vidéosurveillance automatisée. Cette surveillance massive de l’espace public a pour objet de détecter des comportements prétendument anormaux, via l’identification par reconnaissance faciale en temps réel.

Comme pour d’autres systèmes de surveillance par le passé, tout en reconnaissant le caractère intrusif des technologies biométriques, l’argument avancé pour les mettre est place est l’impossibilité « de se priver de la reconnaissance faciale dans des cas particulièrement graves, afin de garantir la sécurité de nos concitoyens, à condition que son déploiement, exceptionnel, soit entouré des garanties nécessaires ».

Selon M. le rapporteur, il ne fallait pas « nous attarder sur les dangers réels de cette technologie en matière d’atteinte à la vie privée, sur les risques de développement d’une société de surveillance à la chinoise ou encore sur les erreurs possibles d’identification. Car cette technologie présente des avantages dont il serait dommage de se priver définitivement. Elle permet notamment de prévenir des attentats ou encore de retrouver des criminels. »

Notons-le, cette technologie est aussi la source de juteux revenus pour de nombreux acteurs privés. Nous parlons d’un marché en pleine expansion, qui pèsera près de 76 milliards de dollars dans le monde à l’horizon 2025.

Pour notre part, c’est au contraire des risques que font courir ces technologies et de la société que nous voulons qu’il faut débattre avant toute chose. Nous savons que ces dispositifs comportent des risques de discrimination, d’erreur, d’atteinte aux libertés fondamentales que nous ne pouvons balayer d’un revers de la main !

C’est ce que nous confirme la Cnil, en pointant le fait que « les bases de données utilisées pour le calibrage des algorithmes – les femmes, les gens de couleur, les personnes différentes – sont moins bien identifiées par les intelligences artificielles, faisant peser le risque de leur occasionner plus de contrôles, moins de libertés. »

De plus, comme le souligne La Quadrature du Net, « les comportements dits “suspects” ne sont que la matérialisation de choix politiques, subjectifs et discriminatoires, qui se focalisent sur les personnes passant le plus de temps dans la rue. Qu’elle soit humaine ou algorithmique, l’interprétation des images est toujours dictée par des critères sociaux et moraux, et l’ajout d’une couche logicielle n’y change rien. »

Enfin, ne nous y trompons pas, ces dix dernières années, toutes les mesures d’exception expérimentales ont fini, d’une manière ou d’une autre, par entrer dans le droit commun et par s’étendre à l’ensemble de la population et à toutes les situations.

Depuis près de vingt ans, avec une accélération certaine ces dernières années, nous sommes enfermés dans des politiques sécuritaires dont l’efficacité n’a pas été prouvée. Les outils de surveillance se renforcent et les lois se durcissent sans aucun débat public.

Permettez-moi de reprendre les propos de Mme Mireille Delmas-Marty, qui s’interrogeait, voilà plusieurs années, sur l’État autoritaire : « L’État autoritaire n’est pas nouveau, ce qui est nouveau, peut-être, c’est sa façon d’être autoritaire, d’une autorité grise et pénétrante qui envahit chaque repli de la vie, autorité indolore et invisible et pourtant confusément acceptée. » Ne laissons pas l’exigence de sécurité briser le rêve de liberté ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Favreau.

M. Gilbert Favreau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le philosophe grec Ésope a dit, voilà à peu près vingt-six siècles, « la langue est la meilleure ou la pire des choses ».

Cette citation peut s’appliquer à la technique d’authentification biométrique, qui peut être un outil précieux pour identifier une personne recherchée, mais également servir la politique de répression d’un régime totalitaire.

Son usage fait la une de l’actualité à quelques mois de la Coupe du monde de rugby en septembre prochain et des jeux Olympiques et Paralympiques en juillet 2024. Ne faut-il pas avoir peur de cette technologie potentiellement redoutable ?

Rappelez-vous, le 16 avril dernier, la République islamique d’Iran a annoncé la mise en place d’une politique répressive pour lutter contre le non-port du voile. Pour arriver à ses fins, le régime des mollahs a annoncé l’introduction du système de reconnaissance faciale pour traquer ces femmes, militantes de la liberté.

En Chine populaire, dans un pays qui maîtrise parfaitement cette technologie, la reconnaissance faciale a été généralisée au point que les autorités sont en mesure d’identifier dans la rue chaque individu, de connaître le solde de son compte bancaire, de procéder à la filature et à l’arrestation de celui ou de celle n’ayant pas payé son reliquat d’impôts ou une amende reçue dans le train ou le métro.

Plus récemment encore est apparu un programme informatique américain, ChatGPT, qui bouleversera sans doute notre rapport à la compétence.

C’est dans ce contexte que, lors de l’examen au Sénat, en janvier dernier, du projet de loi relatif à l’organisation des jeux Olympiques de Paris, la question de la reconnaissance biométrique s’est posée à la représentation nationale.

En effet, 2024 sera une année où la France accueillera des sportifs et supporters du monde entier. Il serait terrible pour notre image que la menace terroriste ou la criminalité organisée viennent ternir cette période.

Cela nous a permis de prendre conscience du vide juridique existant en droit français sur ce sujet. Il était donc urgent de légiférer et cette proposition de loi vient donner un cadre légal à l’usage de cette pratique. Pour cela, je remercie vivement mes collègues Marc-Philippe Daubresse, Arnaud de Belenet et Bruno Retailleau de nous présenter aujourd’hui ce texte.

Un rapport d’information publié le 30 mars 2023 par quatre sénateurs de la commission des affaires européennes du Sénat a pour autant qualifié de « pratique à haut risque » la mise en place de la reconnaissance biométrique dans l’espace public, invitant le législateur à l’interdire totalement, sauf raison très exceptionnelle.

Le texte qui vient aujourd’hui devant le Sénat tient compte de toutes ces préoccupations.

Sur le fond, il précise, dès son article 1er, que la reconnaissance biométrique est limitée par plusieurs lignes rouges. Il vise à interdire formellement la catégorisation, la notation et la reconnaissance biométrique des personnes physiques dans l’espace public.

Je salue également le travail de la commission des lois et de son rapporteur Philippe Bas, qui a ajouté l’interdiction de l’identification a posteriori dans l’espace public. Ces interdictions posent les bases d’une garantie de maintien des libertés, empêchant notre pays de sombrer dans une société de surveillance généralisée.

Cela étant, il est nécessaire de se doter de tous les moyens que la technologie nous offre pour protéger les Français des attaques terroristes ou de la criminalité grandissante.

Ainsi, il est proposé d’expérimenter pour trois ans un système de reconnaissance biométrique. Les différentes exceptions au principe d’interdiction seraient obligatoirement autorisées par la loi et l’application réglementaire se ferait après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ou de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

En ce qui concerne l’utilisation d’images en temps réel, cette pratique serait limitée aux actions antiterroristes, afin d’éviter une attaque sur des civils innocents. Ainsi, à titre expérimental, les services du premier cercle, notamment la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et Tracfin, pourront utiliser la reconnaissance faciale sur la voie publique, lorsqu’une action concernera, par exemple, la défense nationale ou la prévention d’un attentat terroriste.

L’utilisation d’images pour des enquêtes judiciaires, quant à elle, ne pourra se faire qu’après autorisation de l’autorité judiciaire afin de lutter contre la grande criminalité ou de rechercher des fugitifs ou des victimes d’enlèvement.

Enfin, pour des événements particuliers ayant lieu sur la voie publique comme les jeux Olympiques, par exemple, ce système pourra être mis en place pour des actions de police administrative, donc préventive, lorsqu’une menace grave planera sur ledit événement.

Même si je n’évoquerai pas en détail tous les points de la proposition de loi, celle-ci arrive à point nommé. Elle me semble constituer un bon équilibre entre la nécessaire garantie des droits fondamentaux d’une démocratie comme la France et le défi d’une protection efficace de nos concitoyens.

Ce texte, je l’espère, servira de base et d’exemple pour nos homologues européens en matière d’utilisation de la reconnaissance biométrique.

Il était donc logique, dans ces conditions, que la commission des lois tienne compte des craintes exprimées sur les dangers potentiels de la mise en œuvre d’une telle technologie dans l’espace public.

Le texte issu des travaux de la commission, qui sera soumis au vote du Sénat, exprime de façon très didactique la prise en compte des interrogations légitimes de certains élus sur les possibles dérives de la reconnaissance biométrique dans l’espace public et organise un dispositif légal garant de la sécurité des citoyens et des libertés publiques. Il a d’ailleurs été approuvé à l’unanimité par la commission des lois, ce dont je me félicite.

Telles sont les raisons pour lesquelles je voterai ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Arnaud de Belenet applaudit également.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi relative à la reconnaissance biométrique dans l’espace public

Chapitre Ier

Faire obstacle à une société de surveillance

(Division nouvelle)

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la reconnaissance biométrique dans l'espace public
Article 1er bis (nouveau)

Article 1er

Après l’article 6 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, il est inséré un article 6 bis ainsi rédigé :

« Art. 6 bis. – Sauf si la personne a donné son consentement explicite, libre et éclairé, le traitement de données biométriques aux fins d’identifier une personne à distance dans l’espace public et dans les espaces accessibles au public est interdit. Le II de l’article 31 et l’article 88 ne sont pas applicables.

« Il ne peut être dérogé au premier alinéa du présent article que pour des motifs d’une exceptionnelle gravité, dans les conditions expérimentales prévues par la loi n° … du … relative à la reconnaissance biométrique dans l’espace public, pour des finalités limitativement énumérées et selon un régime d’autorisations préalables dont l’exécution est assortie de contrôles exercés par des autorités indépendantes du service habilité à mettre en œuvre ces exceptions.

« Le recours à ces dérogations obéit aux principes de nécessité et de proportionnalité, appréciés notamment au regard de la finalité qu’elles poursuivent et des circonstances dans lesquelles elles sont mises en œuvre, du caractère limité des images traitées et de leur durée de conservation.

« Toute catégorisation et notation des personnes physiques sur la base de leurs données biométriques sont interdites. »

M. le président. L’amendement n° 2, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 5

Après le mot :

biométriques

insérer les mots :

, notamment sur le fondement de leur origine, de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur comportement social, de leurs convictions philosophiques ou religieuses, de leur capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion déterminée

II. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Tout système de reconnaissance biométrique permettant la reconnaissance ou la déduction des émotions ou des intentions de personnes physiques sur la base de leurs données biométriques est interdit. »

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Parce qu’elles ciblent le plus souvent les caractéristiques des individus qui les exposent à des discriminations, les technologies biométriques et la généralisation de leur usage sont susceptibles d’amplifier, pour certains groupes sociaux, les discriminations systémiques opérant au sein de la société. En d’autres termes, ces technologies sont biaisées.

Lorsqu’elles sont déployées, elles ciblent en priorité les personnes pauvres, car la surveillance est basée sur des critères sociaux, en visant prioritairement les personnes se trouvant souvent dans la rue par manque de ressources.

Outre les risques d’abus policiers, de tels biais contribuent aussi à engendrer un contrôle au faciès automatisé.

Nous demandons donc d’interdire clairement la catégorisation et la notation d’individus sur la base de leur origine ethnique, de leur orientation sexuelle, de leur sexe, de leur comportement social, de certaines de leurs convictions. Nous demandons également d’interdire l’analyse d’émotions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.

La religion ou le sexe ne constituent pas des données biométriques. Il n’est donc pas utile de préciser que celles-ci ne doivent pas donner d’informations sur de telles caractéristiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Comme la commission, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

En effet, seules les données permettant d’identifier de manière unique les individus sont biométriques. Il s’agit des empreintes digitales, de l’ADN ou de photographies.

La reconnaissance des émotions ne repose pas sur des données biométriques. Aucune des informations dont vous dressez la liste ne permet d’identifier de manière unique une personne.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi relative à la reconnaissance biométrique dans l'espace public
Article 1er ter (nouveau)

Article 1er bis (nouveau)

I. – Les articles 1er ter, 5 et 6 de la présente loi, ainsi que le 4° bis de l’article 44 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, le chapitre III bis du titre IV du livre Ier du code de procédure pénale, le 7° de l’article L. 821-2 du code de la sécurité intérieure et le chapitre VI du titre V du livre VIII du même code, dans leur rédaction résultant de la présente loi, sont applicables pour une durée de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi.

II. – L’Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures prises ou mises en œuvre par les autorités administratives en application du 4° bis de l’article 44 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Ces autorités administratives leur transmettent sans délai copie de tous les actes qu’elles prennent en application de ces dispositions.

Pendant la durée de l’expérimentation prévue au I, le rapport public de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement prévu à l’article L. 833-9 du code de la sécurité intérieure comporte, dans le respect du secret de la défense nationale et sans révéler des procédures ou des méthodes opérationnelles, une évaluation des mesures mises en œuvre en application du 7° de l’article L. 821-2 du même code, du chapitre VI du titre V du livre VIII dudit code et de l’article 5 de la présente loi.

III. – Au plus tard six mois avant la fin de la durée mentionnée au I, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport évaluant l’application des mesures prévues par la présente loi et l’opportunité de les pérenniser ou de les modifier, notamment au vu de l’évolution du droit de l’Union européenne en la matière.

M. le président. L’amendement n° 3, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Cette expérimentation ne saurait en aucun cas préjuger d’une pérennisation de ces traitements.

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Nous considérons, et nous ne sommes pas les seuls, que chaque expérimentation, chaque renforcement de nos politiques sécuritaires par la technologie se fait sans retour en arrière, bien au contraire. Les usages et les autorisations ont même plutôt tendance à s’étendre.

Cela a été le cas, je l’ai dit au cours de la discussion générale, pour les prélèvements d’ADN. Au début, on nous jurait que leur usage serait circonscrit aux actes de terrorisme. Or force est de constater que tel n’est pas le cas. Ainsi, en janvier de cette année, un manifestant contre la réforme des retraites est passé en comparution pour avoir refusé de donner ses empreintes génétiques lors de son arrestation. Qui peut s’habituer à ce qu’on fiche l’ADN des militants politiques ou syndicaux ?

Qu’est-ce qui nous garantit que la surveillance biométrique ne suivra pas ce même chemin ? Rien ! Certainement pas l’expérience que nous avons des évolutions législatives analogues !

C’est pourquoi nous souhaitons inscrire en toutes lettres dans la loi que la pérennisation ne va pas de soi et que le débat sur ces technologies a besoin de contradictoire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. C’est le sens même d’une expérimentation que la pérennisation n’aille pas de soi !

Au demeurant, si cet amendement ne fait pas de bien, il ne fait pas de mal non plus. C’est la raison pour laquelle la commission y est favorable, afin de rassurer ses auteurs.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Quand le législateur autorise une expérimentation, monsieur le sénateur, il va de soi qu’il ne préjuge pas de sa pérennisation : une intervention législative est, par construction, indispensable pour ce faire.

Je rappelle que nous avons déjà eu ce débat à l’occasion de l’examen de la loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Il ne pourra pas davantage y avoir pérennisation par principe. Le dernier mot reviendra au Parlement.

Cet amendement étant satisfait, j’invite le Sénat à le rejeter.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Cet amendement est plus important qu’il n’en a l’air. Il s’agit surtout d’un message, peut-être un peu appuyé, en direction du Gouvernement.

Je suis parlementaire depuis maintenant quelques années. Nous ne cessons d’examiner des textes visant à instaurer des expérimentations, lesquelles ne font pas l’objet d’évaluations, y compris lorsque celles-ci sont prévues, et qui sont ensuite pérennisées. On a pu le constater dans des moments particuliers, comme pendant la crise de la covid-19, mais on le constate aussi régulièrement – je siège à la commission des lois – sur de nombreux sujets.

M. le rapporteur a parlé sagement, comme à l’accoutumée. Il est vrai que, stricto sensu, une telle précision ne devrait pas être nécessaire. Mais l’expérience nous invite à nous montrer prudents. Nous voterons donc cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er bis, modifié.

(Larticle 1er bis est adopté.)

Article 1er bis (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la reconnaissance biométrique dans l'espace public
Article 1er quater (nouveau)

Article 1er ter (nouveau)

I. – Les traitements de données biométriques autorisés dans le cadre de la présente loi ont pour objet d’indiquer le degré de probabilité qu’une personne apparaissant sur les images exploitées corresponde effectivement à la personne dont la présence est recherchée. Le degré de probabilité ne peut apparaître qu’une fois les opérations de rapprochement effectuées par ces traitements, et uniquement pour celles de ces données qui sont entrées en concordance entre elles ou avec d’autres informations exploitées par le logiciel.

Ces traitements ne peuvent fonder, par eux-mêmes, aucune décision individuelle ou aucun acte de poursuite. Le contrôle de la mise en œuvre des traitements dans le respect des finalités définies est assuré en permanence par les agents chargés de son application. Les signalements générés par ces traitements donnent lieu à une analyse par des agents qualifiés, individuellement désignés et habilités. Cette habilitation précise la nature des données auxquelles elle donne accès.

Ces traitements ne peuvent procéder à aucun rapprochement, interconnexion ou mise en relation automatisés avec d’autres traitements de données à caractère personnel.

II. – L’État assure le développement des logiciels de traitement de données biométriques autorisés dans le cadre de la présente loi. Il peut également en confier le développement à un tiers ou les acquérir. Ces traitements sont développés dans les conditions prévues au VI de l’article 10 de la loi n° 2023-380 du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions.

III. – Les logiciels de traitement de données biométriques déployés dans le cadre de la présente loi sont autorisés par décrets en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ou, pour les logiciels utilisés en application des articles 4 et 5 de la présente loi, de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

Ces décrets fixent les caractéristiques essentielles du traitement. Ils indiquent notamment les conditions d’habilitation et de formation des agents pouvant accéder aux signalements du traitement et, le cas échéant, les spécificités des situations justifiant l’emploi du traitement. Ils désignent l’autorité chargée d’établir l’attestation de conformité mentionnée au dernier alinéa du VI de l’article 10 de la loi n° 2023-380 du 19 mai 2023 précitée.

Ces décrets sont accompagnés d’une analyse d’impact relative à la protection des données personnelles qui expose :

1° Le bénéfice escompté de l’emploi du traitement au service de la finalité qu’il poursuit ;

2° L’ensemble des risques éventuellement créés par le système et les mesures envisagées afin de les minimiser et de les rendre acceptables au cours de son fonctionnement.

IV. – Afin d’améliorer la performance des traitements, un échantillon d’images collectées, dans des conditions analogues à celles prévues pour l’emploi de ces traitements, au moyen de caméras dédiées et distinctes de celles des systèmes de vidéoprotection et sélectionnées, sous la responsabilité de l’État, conformément aux exigences de pertinence, d’adéquation et de représentativité mentionnées au 1° du V de l’article 10 de la loi n° 2023-380 du 19 mai 2023 précitée peut être utilisé comme données d’apprentissage pendant une durée strictement nécessaire et maximale de quatre mois à compter de l’enregistrement des images. Ces images sont détruites, en tout état de cause, à la fin de la durée prévue au I de l’article 1er bis de la présente loi.

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. Reichardt et Frassa, Mme Muller-Bronn, MM. Bazin et Cardoux, Mme de La Provôté, M. Brisson, Mme Goy-Chavent, M. Milon, Mme Schalck, M. Longeot, Mme Guidez, M. Anglars, Mmes Imbert et Micouleau, M. Genet, Mme Thomas et MM. Chatillon et Calvet, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Lorsque l’État confie le développement du logiciel de traitement algorithmique à un tiers, l’autorité administrative compétente apprécie la compatibilité des fonctions envisagées avec les intérêts détenus et les fonctions exercées au cours des cinq dernières années par ce tiers, sur la base de la déclaration prévue à la seconde phrase du septième alinéa du même VI. En cas de doute sérieux sur la compatibilité de ces fonctions, l’autorité administrative compétente peut saisir pour avis la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique dans les conditions fixées par la section 4 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

La parole est à Mme Elsa Schalck.

Mme Elsa Schalck. Cet amendement vise à réintroduire dans la loi un principe de transparence relatif au développement des logiciels de traitement. En effet, il faut regretter que des garanties relatives à leur développement et à l’organisation du traitement des données biométriques, prévues dans la version initiale de cette proposition de loi, aient été supprimées au profit d’un simple renvoi à un décret en Conseil d’État.

Pourtant, le législateur ne saurait consentir à cet abandon de compétence au profit du pouvoir réglementaire, par ailleurs susceptible de censure constitutionnelle.

L’intervention du législateur est nécessaire dans ce domaine, car la reconnaissance biométrique résulte d’indissociables aspects immatériels et matériels. Cet abandon de compétence serait d’autant plus dommageable que des exigences européennes seront directement applicables sans que le législateur français se saisisse de ce sujet et fixe ses propres garanties.

De manière concrète, enfin, il est nécessaire d’aider les autorités administratives compétentes dans l’exercice de leur pouvoir de contrôle déontologique.

Le présent amendement tend donc à prévoir la possibilité de saisir pour avis et à titre subsidiaire la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. La commission a émis un avis de sagesse. À titre personnel, je voterai cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Même avis que M. le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.

M. Jérôme Durain. Cet amendement est particulièrement important. Avec mes collègues, nous avons pu observer que les conditions de développement des outils algorithmiques, qu’il s’agisse de l’origine des données ou de la nature des opérateurs, étaient essentielles. Il est donc très important de pouvoir s’assurer du pedigree, du passé professionnel et des intentions du tiers auquel l’État confie le développement d’un logiciel de traitement algorithmique.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 4, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Le dernier alinéa de l’article 1er ter introduit en commission par notre rapporteur tend à prévoir qu’un échantillon d’images collectées au moyen de caméras dédiées puisse être utilisé comme données d’apprentissage pendant une durée de quatre mois à compter de l’enregistrement des images.

Il est par ailleurs prévu dans cet alinéa que ces images soient détruites au bout de trois ans après la promulgation de la loi.

Les algorithmes, pour fonctionner correctement, ont besoin de données d’apprentissage. En l’espèce, pour la biométrie, ils ont besoin de voir et d’analyser des personnes afin de s’entraîner. Ce seront donc des personnes présentes dans l’espace public qui seront, sans leur consentement, des cobayes pour cet apprentissage. Ce n’est pas acceptable. Les libertés publiques n’ont pas à être un terrain d’entraînement ou d’expérimentation.

Par ailleurs, le texte vise à prévoir que des entreprises privées puissent être chargées de développer des traitements biométriques. Cela signifie que leur activité et leurs revenus seraient donc assurés par des personnes non consentantes dans l’espace public. Même si des garde-fous sont érigés, même si la destruction des données est prévue, il y a là un glissement démocratique peu acceptable.

Cet alinéa, avec ses dangers et ses dérives, est à l’opposé de nos convictions. C’est pourquoi nous proposons de le supprimer.

M. le président. L’amendement n° 12, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Rédiger ainsi cet alinéa :

IV. – Les critères sur lesquels se fondent les traitements biométriques sont rendus accessibles au public sous un format ouvert et librement réutilisable. Les images sur lesquelles s’opèrent ces traitements ne peuvent être ni cédées ni vendues à un tiers.

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. L’alinéa 10 de l’article 1er ter vise à améliorer la performance des traitements de données biométriques. Mais de quelle performance et de quelle amélioration parle-t-on exactement ?

D’après la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), les technologies biométriques nuisent à la possibilité protégée par le droit d’aller et de venir sans être reconnu, en bénéficiant d’une forme d’anonymat. Elles comportent un risque d’erreur important, qui entraîne parfois l’arrestation de personnes non recherchées.

Ces technologies comportent également des biais discriminatoires majeurs. Une étude du Massachusetts Institute of Technology (MIT) révèle que les technologies d’intelligence artificielle présentent des préjugés liés au genre ou au type de couleur de peau. En analysant un logiciel de reconnaissance faciale, les chercheurs ont découvert un taux d’erreur de 0,8 % pour des hommes à la peau claire et de 34,7 % pour des femmes à la peau foncée.

Par ailleurs, comme je l’ai déjà souligné, ce texte vise à prévoir que des entreprises privées puissent être chargées de développer des traitements biométriques. C’est une aubaine pour ces entreprises, puisque le marché de la vidéosurveillance automatisée au niveau mondial représentait, en 2020, plus de 11 milliards de dollars.

Nous ne voulons certainement pas rendre ces technologies plus performantes et permettre aux entreprises de s’enrichir en exploitant la vie privée des personnes.

C’est la raison pour laquelle nous proposons au contraire de remplacer le dispositif d’amélioration en trompe-l’œil par un alinéa visant à indiquer que les critères sur lesquels se fondent ces traitements biométriques devront être disponibles en open source et que les données utilisées dans le cadre de ces traitements ne pourront être cédées ni vendues.

M. le président. L’amendement n° 5, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Lorsque les enregistrements sont transmis à des fins pédagogiques ou de formation, les données figurant dans les enregistrements sont anonymisées préalablement à leur utilisation.

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Comme je n’ai eu de cesse de le rappeler dans cet hémicycle, les technologies biométriques comportent des risques unanimement dénoncés par les autorités indépendantes, comme la Défenseure des droits ou la Cnil.

Selon le rapport de 2021 de la Défenseure des droits sur les technologies biométriques, l’utilisation de la reconnaissance biométrique comporte un risque inhérent d’atteinte au droit et au respect de la vie privée, ainsi qu’à la protection des données. Elle peut entraîner des discriminations, voire les amplifier.

Pour la Cnil, la reconnaissance biométrique est particulièrement intrusive et comporte un certain nombre de risques pour la protection des données et de la vie privée.

Face à ces risques indéniables dans la vie privée des personnes, nous proposons a minima de renforcer les garanties pour les enregistrements utilisés à des fins pédagogiques en assurant l’anonymat des personnes figurant dans ces échantillons.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. L’amendement n° 4 vise à prévoir la suppression de la collecte d’un échantillon permettant d’améliorer la maîtrise de la technologie de la reconnaissance faciale.

Si l’on ne fiabilise pas les traitements par l’expérimentation, alors les risques d’erreurs qu’il s’agit justement d’éviter seront maintenus, au lieu d’être réduits. J’émets donc un avis défavorable.

L’amendement n° 12 est assez voisin du précédent. En réalité, il est contraire à l’objectif de protection affiché, puisqu’il postule que les traitements biométriques pourraient être réutilisables. Or notre texte vise justement à éviter qu’ils ne le soient. J’émets donc un avis défavorable.

Enfin, l’amendement n° 5 vise à prévoir que, avant d’utiliser les données issues de traitement biométrique par reconnaissance faciale pour des formations, il faudrait anonymiser les images recueillies. Mais notre texte interdit précisément d’utiliser ces données à des fins de formation. Nous n’avons donc pas à prévoir l’anonymisation en cas de formation, puisque nous sommes opposés à une utilisation à visée pédagogique.

Notre texte étant plus restrictif que ce que semblent postuler les auteurs de l’amendement n° 5, j’émets également un avis défavorable sur ce dernier.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. En ce qui concerne l’amendement n° 4, comme l’a souligné M. le sénateur Dossus, le Gouvernement est assez circonspect sur l’opportunité de cette proposition de loi.

Sur le fond, je ne suis pas convaincue que la rédaction de l’article 10 de la loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions, conçue pour la détection d’événements génériques et modélisables, soit parfaitement transposable à la reconnaissance faciale. Ce point mériterait d’être examiné plus avant, en lien avec les experts de cette technologie. J’émets donc un avis défavorable.

En ce qui concerne l’amendement n° 12, rendre publics des codes sources des outils des forces de sécurité intérieure est incompatible avec l’exigence de sécurité. La confidentialité de leur fonctionnement technique est la condition sine qua non de leur efficacité. À défaut, les délinquants et criminels s’en serviront à l’insu des forces de sécurité intérieure. Nous ne pouvons donc qu’être défavorables à cet amendement.

Sur l’amendement n° 5, pour les mêmes raisons que M. le rapporteur, j’émets un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 12.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er ter modifié.

(Larticle 1er ter est adopté.)

Article 1er ter (nouveau)
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Article 2

Article 1er quater (nouveau)

I. – Le I de l’article 9 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, le mot : « dix-huit » est remplacé par le mot : « vingt » ;

2° Après le 8°, sont insérés des 9 et 10° ainsi rédigés :

« 9° Le président de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique ou son représentant ;

« 10° Le président de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse ou son représentant. »

II. – Le titre Ier de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi modifié :

1° L’article 4 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa du I, le mot : « neuf » est remplacé par le mot : « dix » ;

b) Le même I est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, ou l’un de ses représentants, est membre de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique. » ;

c) Au dernier alinéa du III et à la première phrase du premier alinéa du IV, les mots : « du dernier » sont remplacés par les mots : « de l’avant-dernier » ;

2° La première phrase du premier alinéa de l’article 5 est complétée par les mots : « , à l’exception du président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ou de son représentant ».

III. – Le titre II du livre III du code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :

1° L’article L. 130 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi modifié :

– à la première phrase, le mot : « sept » est remplacé par le mot : « huit » ;

– avant la dernière phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Le président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, ou l’un de ses représentants, est membre de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse. » ;

b) Le quatrième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante. » ;

c) La deuxième phrase du cinquième alinéa est complétée par les mots : « et du président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ou de son représentant » ;

d) À la première phrase du septième alinéa, après le mot : « restreinte », sont insérés les mots : « et du président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ou de son représentant » ;

2° La première phrase du premier alinéa de l’article L. 131 est complétée par les mots : « , à l’exception du président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ou de son représentant ». – (Adopté.)

Chapitre II

Expérimentation de dispositifs d’authentification biométrique sans consentement pour l’accès à certains grands événements

(Division nouvelle)

Article 1er quater (nouveau)
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Article 3

Article 2

Après le 4° de l’article 44 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, il est inséré un 4° bis ainsi rédigé :

« 4° bis À la seule fin d’assurer la sécurité d’un grand événement au sens de l’article L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure qui, par son ampleur ou par les circonstances particulières de son déroulement, est particulièrement exposé à des risques d’actes de terrorisme ou à des risques d’atteinte grave à la sécurité des personnes, les traitements conformes aux règlements types mentionnés au c du 2° du I de l’article 8 de la présente loi mis en œuvre par l’État, qui portent sur des données biométriques strictement nécessaires au contrôle de l’accès, à un autre titre que celui de spectateur, de participant ou de personne ayant son domicile dans la zone concernée sauf consentement explicite, libre et éclairé, à tout ou partie des établissements et des installations désignés par le décret mentionné au premier alinéa de l’article L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure, pour lesquels l’État a démontré un impératif particulier d’assurer un haut niveau de fiabilité de l’identification des personnes, dès lors qu’ils font l’objet d’une restriction de circulation et d’accès. Une information préalable des personnes dont les données biométriques sont traitées est réalisée par l’organisateur de l’événement ; ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 6 est présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

L’amendement n° 13 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Thomas Dossus, pour présenter l’amendement n° 6.

M. Thomas Dossus. L’article 2 tend à déroger, à titre expérimental, à l’interdiction de l’usage de l’authentification biométrique pour de grands événements, afin de permettre de contrôler l’accès aux zones.

On arrive ici au cœur de la présente proposition de loi, au cœur de son hypocrisie, si j’ose dire. En effet, si les articles précédents visaient à établir un régime général d’interdiction, d’encadrement et de contrôle, nous entrons désormais dans une série d’articles d’exception, d’autorisation et d’expérimentation qui sont en réalité le but premier de cette proposition de loi, avec un objectif clair : étendre peu à peu l’usage de la biométrie dans l’espace public.

L’expérimentation est une stratégie utilisée pour permettre un premier contact entre les pouvoirs publics et ces méthodes de surveillance biométriques. L’enjeu, in fine, est d’ancrer ces technologies dans les territoires et de les normaliser dans notre environnement.

Leur existence physique permet de les pérenniser et de les légaliser. Le passage automatisé rapide des frontières extérieures (Parafe) dans les aéroports est un exemple de déploiement visant à banaliser ces technologies. C’est précisément l’objet de cet article 2, à savoir créer un phénomène d’accoutumance pour l’accès dans les stades ou les concerts. La pratique entrera ainsi plus facilement dans les mœurs.

C’est ce que nous souhaitons éviter. Voilà pourquoi nous proposons la suppression de cet article attentatoire aux libertés publiques.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 13.

Mme Éliane Assassi. Cet amendement est défendu. Je souhaite néanmoins poser une question.

Après l’examen du texte en commission, il nous a été dit que les dispositifs d’authentification biométrique obligatoire ne pourront s’appliquer aux habitants des zones concernées par la mise en place de ce système. Ceux-ci devront donc disposer d’un moyen de substitution pour rejoindre leur domicile. Pourriez-vous nous apporter davantage de précisions sur ce point ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Nous avons consacré beaucoup de temps à fixer un certain nombre de garanties communes pour l’usage dérogatoire de la reconnaissance faciale dans l’espace public. Et voilà que, au moment d’examiner la possibilité de ces dérogations, nous sommes saisis d’amendements de suppression. À quoi sert donc le travail que nous venons de réaliser ?

Pour répondre à la question de Mme Assassi, fort pertinente, comme toujours, nous avons prévu que les riverains d’un grand événement ne seraient pas assujettis à cette expérimentation de la reconnaissance faciale pour l’accès à certains lieux – il pourrait s’agir, par exemple, d’une rue –, excepté s’ils y consentaient.

S’ils n’y consentent pas et que la sécurité exige qu’ils prouvent qu’ils sont bien résidents de cette rue, on contrôlera alors leur identité, comme on le fait depuis toujours pour assurer la sécurité d’un lieu public en cas de menaces criminelles ou terroristes.

En tout état de cause, après mûre délibération, la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Je rappelle l’avis de sagesse du Gouvernement sur cette proposition de loi. Comme l’a souligné M. le rapporteur, il ne me paraît pas pertinent, après tout le travail accompli et tous les débats conduits, de supprimer cet article.

Je suis donc défavorable à ces amendements identiques.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6 et 13.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2.

(Larticle 2 est adopté.)

Chapitre III

Expérimentation de traitements de données biométriques a posteriori dans le cadre d’enquêtes judiciaires ou en matière de renseignement

(Division nouvelle)

Article 2
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Article 4 A (nouveau)

Article 3

Après le chapitre III du titre IV du livre Ier du code de procédure pénale, il est inséré un chapitre III bis ainsi rédigé :

« CHAPITRE III BIS

« Des logiciels de traitement de données biométriques

« Art. 230-27-1. – Afin de faciliter le rassemblement des preuves des infractions et l’identification de leurs auteurs ou la recherche d’une personne disparue ou en fuite, les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale chargés d’une mission de police judiciaire, ainsi que le service placé sous l’autorité du ministre chargé du budget chargé d’effectuer des enquêtes judiciaires, peuvent mettre en œuvre, sur autorisation préalable de l’autorité judiciaire et sous son contrôle, des logiciels de traitement de données biométriques répondant aux conditions définies à l’article 1er ter de la loi n° … du … relative à la reconnaissance biométrique dans l’espace public pour faciliter l’exploitation a posteriori des images recueillies dans le cadre des investigations en cours :

« 1° D’une enquête ou d’une instruction portant sur :

« a) Un acte de terrorisme mentionné aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal ;

« b) Une infraction en matière de prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs mentionnée aux 1° et 2° du I de l’article L. 1333-9, à l’article L. 1333-11, au II des articles L. 1333-13-3 et L. 1333-13-4 et aux articles L. 1333-13-5, L. 2339-14, L. 2339-15, L. 2341-1, L. 2341-2, L. 2341-4, L. 2342-59 et L. 2342-60 du code de la défense ;

« c) Une infraction en matière d’armes mentionnée à l’article 222-54 du code pénal et à l’article L. 317-8 du code de la sécurité intérieure ;

« d) Une infraction en matière d’explosifs mentionnée à l’article 322-11-1 du code pénal et à l’article L. 2353-4 du code de la défense ;

« e) Une infraction relative à une atteinte à l’intégrité des personnes punies de cinq ans d’emprisonnement ou plus ;

« 2° D’une procédure d’enquête ou d’instruction de recherche des causes de la mort ou de la disparition prévue aux articles 74, 74-1 et 80-4 ;

« 3° D’une procédure de recherche d’une personne en fuite prévue à l’article 74-2.

« Art. 230-27-2. – Les données exploitées par les logiciels faisant l’objet du présent chapitre ne peuvent provenir que des pièces et des documents de procédure judiciaire déjà détenus par les services mentionnés à l’article 230-27-1.

« Les logiciels faisant l’objet du présent chapitre ne peuvent conduire qu’à la mise en œuvre de traitements de données à caractère personnel particuliers, dans le cadre d’une enquête ou d’une procédure déterminée portant sur un fait ou une série de faits et pour les seuls besoins de ces investigations.

« Art. 230-27-3. – Les données à caractère personnel révélées par l’exploitation des enquêtes et des investigations mentionnées au 1° de l’article 230-27-1 sont effacées à la clôture de l’enquête et, en tout état de cause, à l’expiration d’un délai de trois ans à compter de leur révélation.

« Les données à caractère personnel révélées par l’exploitation des enquêtes mentionnées au 2° du même article 230-27-1 sont effacées dès que l’enquête a permis de retrouver la personne disparue ou, en tout état de cause, à l’expiration d’un délai de vingt ans à compter de leur révélation.

« Art. 230-27-4. – Sans préjudice des pouvoirs de contrôle attribués à la Commission nationale de l’informatique et des libertés par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, le traitement des données à caractère personnel est opéré sous le contrôle du procureur de la République compétent, qui peut demander qu’elles soient effacées, complétées ou rectifiées, notamment en cas de requalification judiciaire. La rectification pour requalification judiciaire est de droit lorsque la personne concernée la demande.

« Le procureur de la République chargé de l’enquête dispose, pour l’exercice de ses fonctions, d’un accès direct à ces logiciels.

« Art. 230-27-5. – Un magistrat, chargé de contrôler la mise en œuvre des logiciels faisant l’objet du présent chapitre et de s’assurer de la mise à jour des données, désigné à cet effet par le ministre de la justice, concourt à l’application de l’article 230-27-4.

« Ce magistrat peut agir d’office ou sur requête des particuliers.

« Il dispose, pour l’exercice de ses fonctions, d’un accès direct à ces logiciels.

« Art. 230-27-6. – L’autorisation écrite du procureur de la République ou du juge d’instruction précise l’origine et la nature des données exploitées. Elle est mentionnée ou versée au dossier de la procédure. Elle n’a pas de caractère juridictionnel et n’est susceptible d’aucun recours.

« Art. 230-27-7. – Peuvent seuls utiliser les logiciels faisant l’objet du présent chapitre :

« 1° Les agents qualifiés des services mentionnés à l’article 230-27-1, individuellement désignés et habilités, pour les seuls besoins des enquêtes dont ils sont saisis ;

« 2° Les magistrats du parquet et les magistrats instructeurs, pour les recherches relatives aux infractions dont ils sont saisis ;

« 3° Le procureur de la République compétent, aux fins du contrôle qu’il exerce en vertu de l’article 230-27-4 ;

« 4° Le magistrat mentionné à l’article 230-27-5.

« L’habilitation mentionnée au 1° du présent article précise la nature des données auxquelles elle donne accès.

« Art. 230-27-8. – Les logiciels faisant l’objet du présent chapitre ne peuvent en aucun cas être utilisés pour les besoins d’enquêtes administratives, ni à une autre fin que celle définie à l’article 230-27-1. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 7 est présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

L’amendement n° 14 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Thomas Dossus, pour présenter l’amendement n° 7.

M. Thomas Dossus. L’article 3 de la présente proposition de loi vise à prévoir la mise en œuvre de logiciels de traitement automatisé de données biométriques pour rassembler des preuves et retrouver l’auteur ou la victime d’une infraction sur les images recueillies dans le cadre d’investigations.

Malgré les garanties supplémentaires ajoutées en commission, notre groupe s’oppose par principe à l’utilisation automatisée des données biométriques.

Les garde-fous issus de la commission ne tiendront pas longtemps ; les antécédents de généralisation de ce genre de pratiques sont connus. Aujourd’hui, on met le doigt dans un engrenage sur lequel il sera difficile de revenir.

Pour éviter l’effet de cliquet évoqué par mon collègue Durain, nous proposons donc la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 14.

Mme Éliane Assassi. Concrètement, il s’agit ici de permettre l’usage de logiciels de reconnaissance faciale sur les données contenues dans le traitement des antécédents judiciaires (TAJ).

Or ce fichier, dont nous avions d’ailleurs dénoncé la création, est tentaculaire : près de 19 millions de fiches sont présentes dans ce mégafichier, qui contient des informations à la fois sur les personnes mises en cause – peu importe qu’elles aient été condamnées ou non –, sur les témoins et sur les victimes impliquées dans les enquêtes.

On se retrouve ainsi dans une situation où le recours à des logiciels d’analyse d’images automatisée serait rendu nécessaire, car le TAJ est devenu gigantesque, au point qu’il ne peut plus être exploité à son plein potentiel par des humains. Une surveillance de masse – le fichage généralisé – rend nécessaire une autre surveillance de masse – la reconnaissance faciale généralisée –, selon La Quadrature du Net.

C’est la raison pour laquelle nous sommes opposés à cet article, qui justifie toutes les fuites en avant.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Chers collègues, nous ne pouvons pas accepter vos amendements, car nous avons vraiment pris ici des précautions considérables.

On ne pourra utiliser la reconnaissance faciale a posteriori, c’est-à-dire avec des images qui sont déjà enregistrées, que pour des crimes d’atteintes aux personnes punis de plus de cinq ans de prison, pour des agressions terroristes, pour la recherche de disparus, pour la recherche de criminels. Les conditions sont donc très restrictives.

L’usage de la reconnaissance faciale a posteriori ne pourra être décidé que par un magistrat. Ce n’est pas un simple agent de police qui exécutera la procédure, mais un officier de police judiciaire.

Par conséquent, toutes les garanties sont réunies afin que cette technologie soit mise au service de la justice et de la sécurité de nos concitoyens, sans courir de risques pour la protection de nos libertés.

J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. En ce qui concerne cet article, le Gouvernement émet un avis de sagesse. Il est donc défavorable à ces amendements identiques de suppression.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 7 et 14.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 18, présenté par M. Bas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 15

Remplacer les mots :

enquêtes et des

par les mots :

données mentionnées au premier alinéa de l’article 230-27-2 sont, pour les enquêtes et les

et le mot :

sont

par le signe :

II. – Alinéa 16

1° Après le mot :

des

insérer les mots :

données mentionnées au premier alinéa de l’article 230-27-2 sont, pour les

2° Remplacer le mot :

sont

par le signe :

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Bas, rapporteur. Cet amendement rédactionnel se justifie par son texte même.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 18.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 3, modifié.

(Larticle 3 est adopté.)

Article 3
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Article 4

Article 4 A (nouveau)

Après l’article 230-10 du code de procédure pénale, il est inséré un article 230-10-1 ainsi rédigé :

« Art. 230-10-1. – Dans le cadre de la recherche des auteurs d’infractions à la loi pénale, les informations recueillies en application des premier et dernier alinéas de l’article 230-7 peuvent faire l’objet de traitements de données biométriques répondant aux conditions définies à l’article 1er ter de la loi n° … du … relative à la reconnaissance biométrique dans l’espace public et destinés à faciliter l’identification a posteriori des personnes concernées. »

M. le président. L’amendement n° 8, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Nous avons pris des précautions qui n’existaient pas jusqu’à présent, puisque la consultation des antécédents judiciaires se fait sur la base d’un décret. Nous avons décidé qu’elle ne pourrait se faire que sur la base de la loi, mais encore faut-il le prévoir explicitement, et c’est ce que nous faisons.

Nous sommes donc opposés à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Même avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 8.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 4 A.

(Larticle 4 A est adopté.)

Article 4 A (nouveau)
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Article 5

Article 4

Le livre VIII du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° (nouveau) Après le 6° de l’article L. 821-2, il est inséré un 7° ainsi rédigé :

« 7° Le cas échéant, les logiciels de traitement de données biométriques répondant aux conditions définies à l’article 1er ter de la loi n° … du … relative à la reconnaissance biométrique dans l’espace public dont l’utilisation est envisagée pour l’exploitation des renseignements collectés. » ;

2° Le titre V est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :

« CHAPITRE VI

« De lutilisation de traitements de données biométriques a posteriori

« Art. L. 855-1 D. – I. – Dans les conditions prévues au chapitre Ier du titre II du présent livre et pour la seule finalité prévue au 4° de l’article L. 811-3, peut être autorisée l’utilisation, par les services spécialisés de renseignement mentionnés à l’article L. 811-2, de logiciels de traitement de données biométriques répondant aux conditions définies à l’article 1er ter de la loi n° … du … relative à la reconnaissance biométrique dans l’espace public pour faciliter l’exploitation a posteriori des images issues des systèmes de vidéoprotection autorisés sur le fondement de l’article L. 252-1 déjà détenues par lesdits services, afin de retrouver une personne préalablement identifiée susceptible d’être en lien avec une menace. Lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’une ou plusieurs personnes appartenant à l’entourage de la personne concernée par l’autorisation sont susceptibles de fournir des informations au titre de la finalité qui motive l’autorisation, celle-ci peut être également accordée individuellement pour chacune de ces personnes.

« II. – Par dérogation à l’article L. 821-4, l’autorisation de mise en œuvre de la technique mentionnée au I du présent article est délivrée pour une durée maximale d’un mois. L’autorisation est renouvelable dans les mêmes conditions de durée.

« III. – Le service autorisé à recourir à la technique mentionnée au I rend compte de sa mise en œuvre à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. La commission dispose d’un accès permanent, complet, direct et immédiat aux informations ou aux documents collectés. Elle peut à tout moment adresser une recommandation tendant à ce que cette opération soit interrompue et que les renseignements collectés soient détruits.

« IV. – (Supprimé)

« V. – Le nombre maximal des autorisations délivrées en application du présent article en vigueur simultanément est arrêté par le Premier ministre, après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. La décision fixant ce contingent et sa répartition entre les ministres mentionnés au premier alinéa de l’article L. 821-2 ainsi que le nombre d’autorisations d’identification délivrées sont portés à la connaissance de la commission.

« VI. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés et de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. »

M. le président. L’amendement n° 9, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 4.

(Larticle 4 est adopté.)

Chapitre IV

Expérimentation de traitements de données biométriques en temps réel pour lutter contre le terrorisme et la grande criminalité

(Division nouvelle)

Article 4
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Article 6

Article 5

I. – À titre expérimental et à la seule fin d’assurer la sécurité de grands événements sportifs, récréatifs ou culturels qui, par leur ampleur ou les circonstances de leur déroulement sont particulièrement exposés à des risques d’actes de terrorisme, les services spécialisés de renseignement mentionnés à l’article L. 811-2 du code de la sécurité intérieure en charge de la recherche, la collecte, l’exploitation et la mise à disposition du Gouvernement des renseignements relatifs à la sécurité intérieure de la Nation peuvent être autorisés à utiliser, dans les conditions prévues au chapitre Ier du titre II du livre VIII du même code et pour la seule finalité prévue au 4° de l’article L. 811-3 dudit code, des logiciels de traitement de données biométriques répondant aux conditions définies à l’article 1er ter de la présente loi destinés à identifier, sur la base de leurs caractéristiques biométriques, des personnes limitativement et préalablement énumérées faisant peser une menace grave et immédiate sur l’ordre public, sur les images collectées au moyen de caméras dédiées et distinctes de celles des systèmes de vidéoprotection, déployés dans et aux abords des lieux accueillant ces événements ou dans les véhicules et les emprises de transport public ainsi que sur les voies les desservant directement.

L’autorisation ne peut être accordée que si le service ne peut employer d’autres moyens moins intrusifs ou si l’utilisation de ces autres moyens serait susceptible d’entraîner des menaces graves pour l’intégrité physique des agents.

II à VI. – (Supprimés)

VII. – Par dérogation à l’article L. 821-4, l’autorisation de mise en œuvre de la technique mentionnée au I du présent article est délivrée pour une durée maximale de quarante-huit heures. L’autorisation est renouvelable dans les mêmes conditions de durée. Un tel renouvellement ne peut être décidé que lorsqu’il est établi que le recours à ce traitement demeure le seul moyen d’atteindre la finalité poursuivie.

VII bis (nouveau). – Le nombre maximal des autorisations délivrées en application du présent article en vigueur simultanément est arrêté par le Premier ministre, après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. La décision fixant ce contingent et sa répartition entre les ministres mentionnés au premier alinéa de l’article L. 821-2 ainsi que le nombre d’autorisations d’identification délivrées sont portés à la connaissance de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

VIII. – Le service autorisé à recourir aux logiciels mentionnés au I tient un registre des signalements générés par ces traitements, des suites qui y sont apportées ainsi que des personnes ayant accès aux signalements.

Le service autorisé à recourir aux logiciels mentionnés au I rend compte de leur mise en œuvre à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. Celle-ci dispose d’un accès permanent, complet, direct et immédiat aux informations ou aux documents collectés ainsi qu’aux signalements générés par ces traitements. Elle peut à tout moment adresser une recommandation tendant à ce que l’opération soit interrompue et que les renseignements collectés soient détruits.

IX et X. – (Supprimés)

XI (nouveau). – Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés et de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 10 est présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

L’amendement n° 15 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Thomas Dossus, pour présenter l’amendement n° 10.

M. Thomas Dossus. On en arrive ici à l’utilisation en temps réel de la reconnaissance faciale… C’est le grand bond en avant dans la société de surveillance !

La protection de nos concitoyens et des intérêts de la Nation est l’affaire de tous. En l’état, les réponses apportées par ce texte pour y parvenir font fi des erreurs et des biais des technologies biométriques, qui sont mal conçues et peuvent entraîner l’aggravation des maux qu’elles prétendent combattre.

Le développement expérimental de cette société de surveillance se fait au mépris des droits et des libertés collectives. Placée en garde-fou, la consultation pour avis de la Cnil ne constitue pas une garantie suffisante.

En effet, en poussant la Cnil à accompagner les entreprises dans le développement de technologies biométriques, les auteurs de cette proposition de loi laissent à penser qu’une société de surveillance vertueuse est possible. Nous pensons exactement l’inverse : chaque pouce de terrain perdu pour nos libertés publiques nous rapproche des régimes autoritaires.

Dès lors, nous vous proposons de supprimer l’article 6, qui permettra, s’il est adopté, aux services de renseignement du premier cercle de mettre en œuvre, en temps réel, un traitement algorithmique et biométrique sur les images collectées en temps réel, au détriment de nos libertés publiques.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 15.

Mme Éliane Assassi. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Aux termes de la proposition de loi initiale, la décision d’autorisation devait être délivrée par le préfet et exécutée par un officier de police judiciaire, sous le contrôle du tribunal administratif.

Le texte de la commission prévoit une décision du Premier ministre après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, sous le contrôle du Conseil d’État. Les garanties sont donc maximales !

Par ailleurs, il s’agit uniquement de la lutte contre le terrorisme. Seuls les services chargés de la sécurité intérieure pourront mobiliser l’instrument de la reconnaissance faciale.

C’est la raison pour laquelle la commission a considéré que ces amendements n’étaient plus justifiés, compte tenu de l’importance des garanties offertes, lesquelles reposent sur l’expérience acquise dans l’application de la loi de 2015 relative au renseignement.

J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. L’examen de ces amendements de suppression me donne l’occasion de dire que j’ai non pas, comme vous, une opposition de principe sur cet article, mais de lourdes réserves sur le dispositif envisagé.

La technique de renseignement créée par cet article ne répond, à mon avis, à aucun besoin clairement défini. Soit l’objectif est de sécuriser un grand événement en empêchant l’accès aux individus suivis par les services de renseignement, et dans ce cas le recours à une technique de renseignement semble en pratique très compliqué. Soit l’objectif est de localiser en urgence un individu présentant une menace imminente pour l’ordre public, et, là encore, le dispositif ne paraît pas adapté.

Il serait plus opportun d’autoriser l’exploitation des caméras de vidéoprotection, plutôt que de s’appuyer sur des caméras dédiées, dont le déploiement serait complexe dans une situation d’urgence et la couverture géographique probablement peu pertinente.

Par ailleurs, pour être réellement efficace, il paraît plus intéressant de permettre aux forces de sécurité intérieure, et non pas aux seuls services de renseignement, d’y avoir accès.

Je suis donc défavorable à ces amendements identiques, tout en rappelant mon avis de sagesse sur cette proposition de loi.

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.

M. Thomas Dossus. Je l’ai rappelé dans la discussion générale, il existe actuellement un conflit entre Beauvau et Matignon sur la notion de terrorisme.

Matignon, pour l’instant, bloque les demandes d’écoutes d’un certain nombre de militants écologistes, qui sont visiblement considérés comme terroristes par le ministre de l’intérieur. Cette notion fait donc parfois l’objet d’une conception extensive, ce qui pose problème.

Selon nous, les garde-fous prévus par cet article ne sont pas suffisants.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.

M. Jérôme Durain. Nous sommes là au cœur des difficultés, dans un contexte d’inquiétude de la société eu égard aux techniques de renseignement.

L’actualité récente nous l’a montré, une autorisation a été accordée il y a quelques semaines par Matignon sans aucun contrôle, alors que ces techniques de renseignement sont censées être particulièrement contrôlées. Malgré des garde-fous très puissants, il est donc toujours possible de passer outre.

Il me semble donc que le recours à ces techniques d’identification en temps réel, malgré les précautions qui ont été proposées, est prématuré au vu de ce que j’indiquais tout à l’heure dans mon propos liminaire, dans le droit fil des remarques formulées par Mme la ministre.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 10 et 15.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 5.

(Larticle 5 est adopté.)

Article 5
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Article 7

Article 6

I. – À titre expérimental et aux seules fins de faciliter le rassemblement des preuves des infractions et l’identification de leurs auteurs ou la recherche d’une personne mineure disparue, les officiers de police judiciaire peuvent mettre en œuvre un traitement algorithmique répondant aux conditions définies à l’article 1er ter de la loi n° … du … relative à la reconnaissance biométrique dans l’espace public destiné à identifier, sur la base de leurs caractéristiques biométriques, des personnes limitativement et préalablement énumérées sur les images collectées au moyen de caméras dédiées et distinctes de celles des systèmes de vidéoprotection si cette opération est exigée par les nécessités :

1° D’une enquête ou d’une instruction portant sur :

a) Un acte de terrorisme mentionné aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal ;

b) Une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation au sens de l’article 410-1 du code pénal ;

c) Un crime ou un délit mentionné au quatrième alinéa de l’article 706-75 du code de procédure pénale ;

d et e) (Supprimés)

2° D’une procédure d’enquête ou d’instruction de recherche des causes de la disparition prévue aux premier et deuxième alinéas de l’article 74-1 et à l’article 80-4 du code de procédure pénale ou portant sur les faits d’enlèvement et de séquestration d’une personne mineure mentionnés aux articles 224-1 à 224-5-2 du code pénal, de soustraction d’une personne mineure par ascendant mentionnés à l’article 227-7 du même code ou de soustraction d’une personne mineure sans fraude ni violence mentionnés à l’article 227-8 dudit code ;

3° (Supprimé)

II. – (Supprimé)

III. – Le recours à ces traitements est autorisé :

1° Dans le cadre d’une enquête de flagrance, d’une enquête préliminaire ou de la procédure prévue aux premier et deuxième alinéas de l’article 74-1 du code de procédure pénale, par le procureur de la République, pour une durée maximale de vingt-quatre heures sur décision expresse et motivée. L’autorisation peut être renouvelée par le juge des libertés et de la détention dans les mêmes conditions ;

2° Dans le cadre d’une instruction ou d’une information pour recherche des causes de la disparition mentionnée aux premier et deuxième alinéas de l’article 74-1 et à l’article 80-4 du même code, par le juge d’instruction, pour une durée maximale de quarante-huit heures sur décision expresse et motivée. L’autorisation peut être renouvelée par le juge des libertés et de la détention dans les mêmes conditions.

IV. – L’autorisation de recourir à ces traitements ne peut être accordée par le procureur de la République ou le juge d’instruction que s’il n’est pas possible d’employer d’autres moyens moins intrusifs ou que l’utilisation de ces autres moyens serait susceptible d’entraîner des menaces graves pour l’intégrité physique des agents chargés de l’enquête ou de l’instruction. La décision autorisant le recours à ces traitements comporte tous les éléments permettant d’identifier les lieux et les personnes concernées et précise sa durée.

L’autorisation écrite du procureur de la République ou du juge d’instruction est mentionnée ou versée au dossier de la procédure. Elle n’a pas de caractère juridictionnel et n’est susceptible d’aucun recours.

V. – Les opérations prévues au présent article se déroulent sous l’autorité et le contrôle du magistrat qui les a autorisées. Ce magistrat peut ordonner à tout moment leur interruption.

Les opérations ne peuvent, à peine de nullité, avoir un autre objet que celui pour lequel elles ont été autorisées. Le fait que ces opérations révèlent d’autres infractions ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.

VI. – Le procureur de la République, le juge d’instruction ou l’officier de police judiciaire commis par lui ou requis par le procureur de la République dresse procès-verbal des traitements mis en œuvre, des signalements générés et des suites qui y sont apportées. Ce procès-verbal mentionne la date et l’heure du début et de la fin des opérations.

Les enregistrements sont placés sous scellés fermés.

L’officier de police judiciaire, ou l’agent de police judiciaire agissant sous sa responsabilité, décrit, dans un procès-verbal versé au dossier, les données enregistrées qui sont utiles à la manifestation de la vérité. Aucune séquence relative à la vie privée étrangère à l’objet pour lequel les opérations ont été autorisées ne peut être conservée dans le dossier de la procédure.

VII. – Les données à caractère personnel révélées par l’exploitation des enquêtes et des investigations mentionnées aux 1° et 3° du I sont effacées à la clôture de l’enquête et, en tout état de cause, à l’expiration d’un délai de trois ans à compter de leur révélation.

Les données à caractère personnel révélées par l’exploitation des enquêtes mentionnées au 2° du même I sont effacées dès que l’enquête a permis de retrouver la personne disparue ou, en tout état de cause, à l’expiration d’un délai de vingt ans à compter de leur révélation.

Il est dressé procès-verbal de l’opération de destruction.

VIII et IX. – (Supprimés)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 11 est présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

L’amendement n° 16 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Thomas Dossus, pour présenter l’amendement n° 11.

M. Thomas Dossus. Il n’y a pas de retour en arrière possible si nous commençons à autoriser l’utilisation en temps réel de technologies de reconnaissance faciale. Il ne peut y avoir qu’un glissement continu vers la surveillance globale. Nous ne voyons pas ce qui pourrait l’arrêter.

Ce n’est pas notre modèle de société. Nos libertés publiques sont menacées par la dissémination et la prolifération de technologies de surveillance. Leur interdiction doit être un principe absolu.

La reconnaissance biométrique, imparfaite, peut entraîner des erreurs de raisonnement aux conséquences multiples et potentiellement graves, telles que des arrestations erronées par les forces de l’ordre.

En s’intéressant aux profils des personnes victimes de ces erreurs, la Défenseure des droits a bien insisté sur ces risques : il s’agissait majoritairement de personnes issues de groupes discriminés ou vulnérables, en raison des biais discriminatoires des algorithmes sur lesquels reposent ces technologies.

J’insiste sur ce point : les enquêteurs ont suffisamment de moyens de surveillance à leur disposition pour ne pas avoir recours à un énième outil qui n’a pas fait ses preuves et qui comporte une grande marge d’erreur d’appréciation.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 16.

Mme Éliane Assassi. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Les auteurs de ces amendements ont raison sur un point : nous arrivons ici à la pointe extrême de ce que nous pouvons envisager.

Il s’agit non plus d’utiliser des images préexistantes dans le cadre d’une enquête judiciaire, c’est-à-dire sous l’autorité de magistrats, mais de créer l’image par une surveillance qui doit permettre d’identifier les auteurs d’un crime particulièrement grave.

Je veux préciser que si cette possibilité d’emploi de la technologie de la reconnaissance faciale ne doit en aucun cas se généraliser, il nous paraît possible de l’expérimenter, à condition de le faire de manière extrêmement restrictive.

C’est la raison pour laquelle les finalités de l’expérimentation ne pourront être que des enquêtes portant sur des actes de terrorisme, des atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, des infractions relatives à la grande criminalité organisée et la disparition d’enfants qui auraient été enlevés.

Bien sûr, si l’on veut prolonger au-delà de quarante-huit heures cette surveillance exercée sous le contrôle d’un juge, il faudra le demander à un juge des libertés et de la détention (JLD). Ce dernier vérifiera évidemment que l’enjeu est tel que se priver du recours à la reconnaissance faciale serait une perte de chance pour la justice dans la lutte contre la grande criminalité.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Faire de la reconnaissance faciale pour des finalités judiciaires répond en réalité à un vrai besoin.

Pour autant, le dispositif envisagé ne nous paraît pas suffisamment opérationnel. La commission des lois a notamment supprimé la possibilité d’avoir recours à cette technologie afin d’identifier une personne en fuite, alors qu’il s’agit là de l’un des intérêts majeurs et suffisamment légitimes de ce dispositif.

De plus, les conditions de mise en œuvre du dispositif ne semblent pas compatibles avec la nature et la gravité des infractions contre lesquelles il vise à lutter.

Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement est défavorable à l’article en l’état, mais il n’est pas pour autant favorable à la suppression de cet article 6, pour les raisons que je viens d’évoquer.

J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 11 et 16.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 19, présenté par M. Bas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 20

Remplacer les mots :

enquêtes et des investigations mentionnées aux 1° et 3° du I

par les mots :

images mentionnées au premier alinéa du I sont, pour les enquêtes et les investigations mentionnées au 1° du même I,

II. – Alinéa 21

1° Après le mot :

des

insérer les mots :

images mentionnées au premier alinéa du I sont, pour les

2° Remplacer le mot :

sont

par le signe :

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Bas, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 19.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 6, modifié.

(Larticle 6 est adopté.)

Article 6
Dossier législatif : proposition de loi relative à la reconnaissance biométrique dans l'espace public
Article 9
Article 6
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Article 9

Articles 7 et 8

(Supprimés)

Chapitre V

Dispositions relatives à l’outre-mer

(Division nouvelle)

Article 8
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 9

I. – L’article 125 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés est ainsi rédigé :

« Art. 125. – La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises, dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … relative à la reconnaissance biométrique dans l’espace public. »

II. – Au premier alinéa des articles L. 895-1, L. 896-1, L. 897-1 et L. 898-1 du code de la sécurité intérieure, la référence : « n° 2021-998 du 30 juillet 2021 relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement » est remplacée par la référence : « n° … du … relative à la reconnaissance biométrique dans l’espace public ».

III. – Le premier alinéa de l’article 804 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Le présent code est applicable, dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … relative à la reconnaissance biométrique dans l’espace public, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, sous réserve des adaptations prévues au présent titre et aux seules exceptions : ».

IV. – La présente loi est applicable sur l’ensemble du territoire national. – (Adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article 9
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi tendant à la reconnaissance biométrique dans l’espace public.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 299 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l’adoption 226
Contre 117

Le Sénat a adopté.

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Bravo !

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
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3

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.

4

 
Dossier législatif : proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle
Discussion générale (suite)

Réforme de l’audiovisuel public

Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle
Article additionnel avant l'article 1er - Amendement n° 26

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, de la proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle, présentée par M. Laurent Lafon et plusieurs de ses collègues (proposition n° 545, texte de la commission n° 694, rapport n° 693).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Laurent Lafon, auteur de la proposition de loi.

M. Laurent Lafon, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous commençons cet après-midi l’examen de la proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle.

Permettez-moi tout d’abord de revenir sur le titre de cette proposition de loi. Oui, nous pensons que la réforme de l’audiovisuel public est une condition de la préservation de notre souveraineté audiovisuelle, dont chacun perçoit bien qu’elle est menacée, ou tout au moins questionnée.

La réaffirmation de notre souveraineté audiovisuelle est également une condition de la préservation de notre audiovisuel public, qui réclame une profonde révision de la loi de 1986, pour que les nombreux verrous qui le pénalisent par rapport aux plateformes soient supprimés.

Nous pensons qu’il est urgent d’agir, non pas pour renforcer les contraintes sur les acteurs français, comme cela a souvent été le cas au cours des dernières années, mais, au contraire, pour libérer leur capacité à transformer leur modèle et à proposer des offres de programmes sur tous les supports.

Le paysage a beaucoup changé depuis l’arrivée de Netflix en 2014. Les services de vidéo à la demande et les services proposant un accès illimité à la musique ont profondément modifié les usages de chacun d’entre nous.

Il ne faut pas oublier certaines applications de partage de vidéos, comme YouTube et TikTok, qui sont devenues les univers préférentiels de la jeunesse. Selon des données qui nous ont été transmises au cours des auditions, il apparaît déjà que, en soirée, l’audience de ces sites de partage de vidéos est supérieure à l’audience de la télévision pour les jeunes.

La télévision et la radio sont-elles condamnées à s’adresser aux générations les plus anciennes, donc, à terme, à disparaître ? C’est l’analyse de certains acteurs du secteur, qui se gardent bien pour autant de l’affirmer en public. Pour notre part, nous ne le pensons pas, pour autant que nous soyons capables de prendre les bonnes décisions. Mais le voulons-nous vraiment ? À quand remonte la dernière grande réforme audiovisuelle ?

Alors même que les révolutions technologiques et d’usage s’enchaînent à un rythme inédit, nous sommes encore en train de nous interroger sur la réponse à apporter aux premières évolutions que, déjà, les suivantes arrivent.

Ainsi, l’apparition des nouveaux acteurs et la numérisation de l’audiovisuel sont encore en train de produire leurs effets, en percutant notre modèle, que l’intelligence artificielle apparaît, suscitant de nouvelles questions et fragilisant encore nos organisations. Combien de temps faudra-t-il avant que les pouvoirs publics ne donnent un cap et n’apportent enfin les réponses aux attentes des acteurs du secteur, eux qui subissent de plein fouet ces évolutions ?

Depuis une quinzaine d’années, plusieurs gouvernements ont annoncé la mise en chantier d’une grande réforme de la loi du 30 septembre 1986, mais tous ont renoncé devant l’obstacle, face aux pressions des groupes d’intérêts et aux corporatismes, mais aussi, il faut bien en convenir, faute d’avoir une vision claire du chemin à suivre.

Réformer la loi de 1986, ce n’est pas remettre en cause les principes fondamentaux de cette loi, auxquels nous sommes tous attachés. Il s’agit de permettre aux acteurs, publics comme privés, de faire face à de nouveaux concurrents, à la puissance financière incomparable et qui, pour de nombreux aspects, ne sont pas soumis à la législation française ou européenne. C’est tout le sens des propositions que je formule dans le chapitre II de ce texte, afin de lutter contre les asymétries de concurrence.

Cette vision sur l’avenir de l’audiovisuel, en particulier public, nous y travaillons ici, au Sénat, depuis de nombreuses années.

Dois-je rappeler les travaux de notre commission de la culture menés en partenariat avec la commission des finances en 2015, qui ont donné lieu au fameux rapport d’information de nos collègues Jean-Pierre Leleux et André Gattolin, puis au rapport d’information de nos collègues Jean-Raymond Hugonet et Roger Karoutchi, publié l’année dernière ? J’y insiste, ces rapports d’information portaient à chaque fois sur le financement des sociétés de l’audiovisuel public et concluaient qu’il était impossible de séparer le financement de l’organisation et de la gouvernance. Nous pensons toujours que ces trois aspects sont inséparables.

Je n’oublie pas la dimension européenne de notre réflexion, qui s’est appuyée sur un colloque organisé en 2018 au Sénat, sur l’initiative de Catherine Morin-Desailly, avec la participation des présidents de la BBC, de la RAI, de la RTBF et de la RTS.

Tous ces travaux nous ont convaincus qu’il était indispensable de donner plus de force à notre audiovisuel public, en regroupant ses talents dans une même structure, en confiant le soin de la piloter à une personnalité ayant une grande expérience des médias et en prévoyant des moyens suffisants dans la durée, afin de garantir son indépendance.

Le rapport de nos collègues députés Jean-Jacques Gaultier et Quentin Bataillon n’aboutit pas à d’autres conclusions. Ils ont indiqué qu’ils étaient d’accord à 95 % avec notre proposition de loi. J’ajouterai que les 5 % qui manquent ne nous semblent pas des obstacles insurmontables.

Comme la plupart de vos prédécesseurs, à l’exception de Franck Riester, vous avez choisi, madame la ministre, de compter sur la bonne volonté des dirigeants de l’audiovisuel public pour mener des coopérations « par le bas ».

M. Julien Bargeton. C’est bien !

M. Laurent Lafon. Notre vieille expérience des contrats d’objectifs et de moyens (COM) nous a malheureusement instruits quant à la sincérité des engagements qui peuvent être pris par les uns et par les autres.

Je me permets de partager avec vous, madame la ministre, le fruit de cette expérience : la volonté de travailler ensemble exprimée par les dirigeants de l’audiovisuel public n’est jamais aussi aiguë que lorsque se profile le renouvellement de leur mandat ou la définition de la trajectoire budgétaire…

Hélas, en cette matière également, « les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent », comme aurait dit un grand acteur et connaisseur de notre vie démocratique. Nous aurons l’occasion d’y revenir au cours des débats, mais les engagements pris dans les COM sont souvent peu suivis d’effets.

Nous partageons, pour notre part, le constat du président de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), Roch-Olivier Maistre, pour qui, si les entreprises de l’audiovisuel public sont livrées à elles-mêmes, les convergences s’effectueront avec lenteur. C’est pourquoi, selon lui, on ne peut se reposer sur la volonté des parties.

Il est inhabituel qu’une initiative parlementaire propose de modifier significativement la loi du 30 septembre 1986. C’est, je le crois, une chance pour le Gouvernement, qui ne saurait être accusé de poursuivre quelques desseins politiques.

Sachez par ailleurs, madame la ministre, que nous sommes ouverts pour faire évoluer ce texte. Nous l’avons déjà fait concernant les modalités de nomination du président de France Médias. Nous pourrions le faire également concernant d’autres dispositions. Je pense, en particulier, à la vente des droits de retransmission audiovisuelle des compétitions sportives ou au soutien au développement du DAB+, c’est-à-dire du système de radiodiffusion numérique.

Ce texte n’aborde pas, si ce n’est subrepticement, la question du financement. Néanmoins, nous en débattrons durant les jours qui viennent, à la faveur de la discussion d’amendements déposés par différents groupes.

Vous constaterez à cette occasion, madame la ministre, que le prolongement par modification de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) du système actuel reposant sur l’attribution d’une partie de la TVA ne sera pas une évidence au Sénat. Et il le sera d’autant moins si le Gouvernement n’entend pas intégrer la question du financement dans une vision plus globale, qui porterait également sur l’organisation et la gouvernance.

Il y a aujourd’hui un chemin pour préserver notre souveraineté audiovisuelle, et nous souhaiterions l’emprunter ensemble, madame la ministre.

Au moment où Mme la Première ministre appelle de ses vœux la recherche de majorités de projets, nous répondons favorablement à cet appel en vous tendant la main à notre tour. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur de la commission de la culture, de léducation et de la communication. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite de nouveau remercier le président de notre commission, Laurent Lafon, d’avoir pris l’initiative de déposer cette proposition de loi.

C’est une proposition de loi sénatoriale, ce qui veut dire qu’elle est très équilibrée. (Sourires.) Le caractère limité du temps imparti à la discussion des propositions de loi imposait de faire des choix, en ce qui concerne tant les sujets traités que le nombre de dispositions retenues.

Comme nous l’a dit un acteur reconnu du monde des médias, le Sénat a montré qu’une réforme très ambitieuse pouvait être conduite au moyen d’un texte ne comportant qu’un nombre restreint d’articles.

Le débat pour savoir si une réforme de la loi de 1986 est possible ou non est clos. Non seulement cette réforme est possible, mais elle est indispensable, et le plus tôt sera le mieux !

Si notre texte a reçu un si bon accueil de la part des grands acteurs français de l’audiovisuel, c’est aussi, madame la ministre, parce qu’il a pu bénéficier du travail réalisé par votre collègue Franck Riester voilà trois ans. Ce texte est donc aussi un peu le vôtre…

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Cela se discute ! (Sourires.)

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Pourquoi sommes-nous tant attachés à ce texte ? Parce qu’il permet d’abattre quelques mythes et de rappeler certaines réalités, sur lesquelles je souhaiterais maintenant revenir.

Premier mythe, nous entendrons encore ce soir, je n’en doute pas, de la part de ceux qui ont fait si peu pour accompagner les transformations de l’audiovisuel public, que nous serions opposés au service public et que notre projet aurait pour objectif d’en réduire les moyens.

La réalité est très différente, comme le démontre la proposition de loi. Nous sommes, au contraire, très attachés à l’existence d’un audiovisuel public fort, indépendant et s’adressant à tous les Français.

S’il nous arrive de formuler des regrets, voire quelques critiques, c’est que nous considérons, comme le Président de la République en son temps, que l’audiovisuel public n’est pas exemplaire, ou tout du moins qu’il conserve des marges de progression pour développer des programmes plus originaux, pour veiller à l’impartialité de son information et pour s’astreindre à une gestion économe des deniers publics.

Nous sommes également opposés, c’est un fait, à la politique du « quoi qu’il en coûte », y compris en matière d’audiovisuel public.

Pour autant, nous ne sommes pas hostiles à la préservation des moyens de l’audiovisuel public, à condition, cependant, que ceux-ci soient utilisés au mieux. Cela signifie que l’audiovisuel public doit continuer à se réformer, en allant plus loin sur les évolutions de structures et en renouvelant profondément son offre de programmes.

L’objectif de cette proposition de loi est de permettre l’émergence de trois ou quatre grands groupes français des médias, qui pourront tenir leur rang en Europe. L’audiovisuel public doit faire partie de ces champions.

Deuxième mythe, les mutualisations entre les sociétés de l’audiovisuel public donneraient satisfaction et il ne faudrait surtout rien changer.

Ce deuxième mythe a peu de partisans parmi ceux qui connaissent la réalité des coopérations menées par les sociétés de l’audiovisuel public. Lors de son audition, le président de l’Arcom, Roch-Olivier Maistre, a ainsi déploré l’absence de coopérations éditoriales entre les équipes de France 3 et celles de France Bleu dans les matinales communes. Il a aussi regretté la persistance de programmes distincts pour la radio et la télévision s’agissant de France Info.

J’ajouterai, pour ma part, qu’il est de plus en plus incompréhensible de maintenir autant de rédactions distinctes au sein de Radio France et de France Médias Monde. De même, on peine à comprendre pourquoi, à une exception près, les équipes de France 3 et de France Bleu en région n’ont toujours pas été regroupées dans des locaux communs.

Les mutualisations ne peuvent continuer à avancer à ce rythme. Or, pour changer de tempo, rien de tel que de nommer un chef d’orchestre.

J’en viens donc au troisième mythe : le regroupement de l’audiovisuel public serait inutile, coûteux et chronophage.

Ce troisième mythe est évidemment le plus facile à démonter. L’éparpillement de l’audiovisuel français est un fait unique en Europe. Il montre chaque jour ses limites. Pourtant, certains n’ont de cesse de trouver cela formidable. Il est vrai que cette structuration n’a pas que des défauts, puisqu’elle permet la multiplication des présidences, des directeurs, des rédactions, des correspondants à l’étranger, des sites internet, des directions régionales et locales. Abondance de biens ne nuit pas, dit le proverbe…

Toutefois, qui peut croire, à un moment où on leur demande autant d’efforts, que les Français vont accepter éternellement un tel laisser-aller ?

Les appels à la privatisation se multiplient, il n’est plus possible de le nier. Pourtant, aucun compte n’est demandé à France Télévisions pour l’échec de Salto, qui a coûté au moins 80 millions d’euros, ni pour l’audience dérisoire de la chaîne France Info, qui coûte également des dizaines de millions d’euros chaque année.

Nous reviendrons sur le prétendu coût de la holding. J’observe cependant que les partisans du statu quo surestiment ce coût, sans jamais le chiffrer, tandis qu’ils oublient toujours d’évoquer les économies considérables qu’elle permettrait de réaliser. (Exclamations sur les travées des groupes SER et RDPI.)

M. David Assouline. Lesquelles ?

M. Julien Bargeton. Dites-nous en plus !

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Je terminerai en évoquant un quatrième mythe : les éditeurs de programmes français seraient très satisfaits de leur situation actuelle et ne demanderaient aucune réforme.

Pour les avoir tous rencontrés de nombreuses fois au cours des derniers mois, je puis vous assurer qu’il n’en est rien. (M. David Assouline sexclame.)

Qu’il s’agisse de la réglementation concernant la visibilité appropriée, les événements d’importance majeure, la production indépendante, la publicité ou le développement du DAB+, l’impatience a depuis longtemps cédé la place à l’exaspération, quand ce n’est pas à la colère pour les plus exposés à la concurrence des plateformes.

Le Sénat ne peut se résigner à voir un secteur d’excellence français sombrer dans l’indifférence avec la complicité de tous ceux qui trouvent intérêt à s’allier avec les plateformes.

Nous croyons, au contraire, à l’action publique et nous formons le vœu, madame la ministre, que l’élan réformateur porté par le Président de la République pourra également atteindre les rivages de l’audiovisuel français. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Laurent Lafon applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre. (M. Julien Bargeton applaudit.)

Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture. Monsieur le président, monsieur le président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication – cher Laurent Lafon –, monsieur le rapporteur – cher Jean-Raymond Hugonet –, mesdames, messieurs les sénateurs, l’audiovisuel public et la souveraineté audiovisuelle sont deux enjeux majeurs.

Aussi, je suis ravie que cette initiative nous donne l’occasion d’en débattre aujourd’hui. Il s’agit, j’y insiste, de deux fortes priorités du Gouvernement, sur lesquelles nous œuvrons avec détermination depuis six ans.

Cette proposition de loi témoigne, je le crois, de notre attachement commun à un audiovisuel public fort. Il est important de le rappeler à l’heure où certains remettent en cause son existence et plaident pour sa privatisation.

Rappelons tout d’abord que, à l’issue de l’ambitieux plan de transformation mis en œuvre ces dernières années, les résultats de l’audiovisuel public sont meilleurs que jamais. Celui-ci s’impose en effet comme le premier média des Français, en radio comme en télévision : 50 millions de téléspectateurs regardent les programmes de France Télévisions chaque semaine ; Radio France est écoutée chaque jour par plus de 15 millions d’auditeurs ; la part d’audience d’Arte a atteint un niveau historique ; chaque semaine, à travers le monde, Radio France internationale (RFI), France 24 et Monte-Carlo Doualiya rassemblent 260 millions de personnes.

Bien sûr, il est toujours possible de faire mieux, et nous ne manquons pas d’ambition à cet égard.

Le développement numérique de l’audiovisuel public s’est aussi accéléré, avec des résultats remarquables, qui s’appuient notamment sur le développement des coopérations. J’y reviendrai.

En 2020, c’est vrai, le Gouvernement avait présenté un projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique. Avec ce texte, il entendait favoriser les coopérations entre France Télévisions, Radio France, France Médias Monde (FMM) et l’Institut national de l’audiovisuel (INA) au travers de la création d’une holding.

La crise sanitaire a interrompu ce projet, mais pas l’accélération des coopérations. Cette démarche a porté ses fruits. Le média global France Info, qui est devenu le premier site d’information en ligne en France, est le fruit de la coopération entre toutes ces entreprises. Sa couverture quotidienne a doublé en cinq ans.

En ce qui concerne la proximité, France Bleu et France 3 ont lancé une plateforme commune sous la marque « Ici » et ont groupé leurs forces.

Depuis 2020, la plateforme Radio France rassemble toute l’offre de podcasts du service public. Elle est passée voilà un an devant Apple Podcasts. Un podcast sur deux qui est écouté aujourd’hui en France est un podcast de l’audiovisuel public.

Les entreprises ont créé ensemble Culture Prime, offre culturelle commune sur les réseaux sociaux, et l’offre d’éducation Lumni. Il y a aussi des coopérations moins visibles, dites de gestion, mais qui n’en sont pas moins très importantes, par exemple la mise en place d’un club pour des achats groupés ou la coopération en matière de cybersécurité.

Ces projets communs reposent sur une gouvernance souple et agile, qui permet aux équipes de définir ensemble les modalités les plus pertinentes de coopération, projet par projet. Cette agilité est un atout pour répondre aux nouveaux défis, devenus plus pressants. En effet, comme vous l’avez vous-même rappelé, depuis l’examen du projet de loi porté par Franck Riester, le contexte a beaucoup changé.

Je pense tout d’abord à la crise de l’information, face à la multiplication des fausses nouvelles et des manipulations. Ce « chaos informationnel », pour reprendre les mots de Christophe Deloire, de Reporters sans frontières, s’est accéléré depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Je pense aussi à la place prise par les plateformes, qui ont encore gagné du terrain depuis la crise sanitaire. Il y a donc urgence à accélérer également sur le numérique.

Dès mon arrivée au ministère de la culture, en mai dernier, j’ai souhaité poursuivre et amplifier une dynamique qui porte ses fruits, en engageant rapidement les travaux de préparation des nouveaux contrats d’objectifs et de moyens. J’ai fait part de ma volonté de signer des contrats synchronisés entre eux et sur la durée de la mandature, à savoir cinq ans, de 2024 à 2028, au lieu de trois ans précédemment, afin de garantir aux sociétés la visibilité dont elles ont besoin pour faire face à ces défis.

J’ai souhaité bâtir ces contrats en m’appuyant sur des concertations approfondies avec l’ensemble des acteurs : les dirigeants de l’audiovisuel public français et européen et les organisations professionnelles, mais aussi vous, mesdames, messieurs les sénateurs, vos collègues de l’Assemblée nationale et l’Arcom.

J’ai relevé un large consensus sur cinq enjeux prioritaires : information, proximité, création, jeunesse et numérique. J’ai aussi pu constater l’engagement et la disponibilité totale des entreprises pour coopérer au service de ces priorités. L’approfondissement des coopérations sera donc un axe majeur des nouveaux contrats.

Les parties prenantes que j’ai consultées ont formulé énormément de propositions très précises sur la détection des fausses informations, les investissements technologiques, la recherche et le développement, la mutualisation de la formation, etc.

Pour la première fois, un contrat spécifique signé par toutes les entreprises sera consacré aux coopérations dans les COM, avec un calendrier de mise en œuvre, des objectifs précis et des indicateurs.

Des leviers pour renforcer le pilotage peuvent être identifiés. Un conseil stratégique des présidents de l’audiovisuel public pourrait se réunir mensuellement et se décliner avec des réunions des membres des comités exécutifs sur les sujets majeurs. La part variable de la rémunération des dirigeants pourrait par ailleurs davantage dépendre de leur capacité à mener à bien les chantiers de coopération.

Voilà, concrètement, comment encourager les coopérations entre les entreprises au service d’une ambition forte pour lutter contre la désinformation, pour rapprocher les offres numériques, pour développer l’offre de proximité et pour toucher de nouveaux publics, notamment les jeunes.

Les coopérations ne sont pas une fin en soi, et leur succès dépend avant tout de la clarté des objectifs. Un grand meccano institutionnel ne m’apparaît ni nécessaire ni prioritaire. Je suis convaincue qu’une véritable ambition pour l’audiovisuel public peut reposer sur des coopérations par projet et sur la confiance dans les dirigeants nommés par l’Arcom et dans leurs équipes, sans accroître les rigidités ni courir le risque de perdre en souplesse organisationnelle.

Les travaux avancent très bien, et mon souhait est que ces contrats d’objectifs et de moyens 2024-2028 soient soumis pour avis au Parlement et au régulateur à l’automne prochain, pour les finaliser avant la fin de cette année.

Monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, vous esquissez un changement de méthode par la création d’une holding, dont je comprends qu’il s’agirait d’une première étape vers la fusion.

À mon sens, cela reviendrait à retarder des projets indispensables en mobilisant l’énergie des entreprises sur des réorganisations de structure au détriment des priorités urgentes. Bref, c’est « une machine à perdre son temps », pour reprendre les mots de Pascal Rogard, directeur général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD).

Dans le rapport que vous avez publié en juin 2022, lequel préconisait une fusion, monsieur le rapporteur, vous indiquiez vous-même avoir « entendu les avis de nombreux experts auditionnés, qui s’interrogeaient sur l’intérêt de créer une holding compte tenu de la complexité de ce type de structure, qui ajoute une couche supplémentaire, avec le risque de multiplier le nombre des décideurs au lieu de le réduire. »

Voilà qui est très clair ! Vous l’avez très bien dit vous-même, la création d’une holding induirait très certainement une complexification des processus et des coûts supplémentaires. J’ai moi aussi échangé avec de nombreux experts, et tous étaient plutôt sceptiques sur la holding, craignant que cette couche supplémentaire ne ralentisse finalement l’élan engagé en matière de coopération, qui s’approfondit et s’accélère.

Monsieur le sénateur Hugonet, votre rapport évoquait la nécessité de « changer de cap », mais j’ai l’impression que c’est vous qui avez changé de cap depuis lors. (Sourires.)

Pour ma part, je ne serai pas favorable aux dispositions qui créent une société holding, car, si je partage l’ambition que vous nourrissez pour l’audiovisuel public, je ne partage pas le chemin que vous proposez pour servir cette ambition.

La proposition de loi comporte un second volet relatif à la souveraineté audiovisuelle. C’est une priorité de notre action, et je veux rappeler ici quelques-unes des avancées majeures enregistrées depuis six ans dans ce domaine.

Remportant une victoire historique pour la souveraineté audiovisuelle, nous avons tout d’abord intégré les plateformes étrangères dans notre modèle de financement de la création. Nous avons ainsi étendu, en 2017, la taxe sur la vidéo qui alimente le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) à toutes les plateformes numériques.

Par ailleurs, depuis juillet 2021, les plateformes américaines, comme Netflix, Disney + Amazon Prime Video, doivent financer la création française et européenne à hauteur de 20 % du chiffre d’affaires qu’elles réalisent en France.

Leur investissement devrait représenter, chaque année, un surcroît de financement de l’ordre de 300 millions d’euros, qui viendra s’ajouter à la contribution, encore majoritaire et, bien sûr, déterminante, des chaînes historiques.

Puisque c’est l’un des objectifs de ce texte, je rappelle que nous avons également donné plus de marges de manœuvre aux chaînes traditionnelles : en les autorisant à faire de la publicité segmentée, ainsi que, à titre expérimental, de la publicité pour le cinéma ; en assouplissant l’encadrement de la diffusion de cinéma à la télévision ; en leur donnant les moyens de mieux rentabiliser leurs investissements dans la création.

Vous le savez, monsieur le rapporteur, notre réforme des obligations de financement de la production audiovisuelle et cinématographique résulte d’un accord politique récent sur la définition de la production indépendante.

Cet équilibre est issu de la loi relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique, dont vous étiez également rapporteur, monsieur Hugonet. De nombreux acteurs ont signé des accords en se fondant sur cet équilibre. Nous ne souhaitons pas le remettre en cause.

Nous avons apporté des réponses à de nouveaux défis qui menacent la souveraineté audiovisuelle.

Vous le savez, les grandes plateformes étrangères concluent des contrats avec les constructeurs d’équipements pour être mises en avant, que ce soit sur l’écran d’accueil des téléviseurs connectés ou sur la télécommande. Notre service public et nos acteurs nationaux, qui contribuent au pluralisme et à la diversité culturelle, sont de moins en moins visibles et accessibles dans ces nouveaux environnements.

C’est pourquoi nous avons introduit des obligations de mise en avant des services audiovisuels d’intérêt général dans ces environnements.

La mise en œuvre de ces obligations par l’Arcom, notamment la définition des services d’intérêt général, est en cours, dans la concertation. Vous proposez de figer les choses dans ce texte. Je ne suis pas certaine que ce soit la meilleure voie.

Comment ne pas évoquer aussi rapidement la modernisation de la régulation et la création de l’Arcom, le renforcement de la lutte contre le piratage des œuvres et programmes audiovisuels, la protection des catalogues cinématographiques et audiovisuels en cas de cession à un acteur étranger, ou encore le droit voisin des éditeurs de presse, combat que la France a porté avec beaucoup de force ?

Enfin, j’ai annoncé récemment, à Cannes, l’identité des lauréats de l’appel à projets « La grande fabrique de l’image », dans le cadre du plan d’investissement France 2030. Cette initiative inédite, dotée de 350 millions d’euros, doit faire de la France un leader des tournages, de la production de films, séries et jeux vidéo, de la postproduction, des effets visuels et de la formation aux métiers du cinéma et de l’audiovisuel. Il s’agit, là encore, de défendre pleinement notre souveraineté audiovisuelle et culturelle.

C’est donc une action d’une ambition sans précédent que nous avons menée et que nous continuons de mener en faveur de notre souveraineté audiovisuelle.

D’autres réformes sont en cours. Ainsi, le Gouvernement a engagé une révision de la liste des événements d’importance majeure, pour garantir l’accès du plus grand nombre de téléspectateurs aux manifestations sportives, en particulier féminines. Je salue, sur ce sujet, l’engagement de David Assouline.

Nous devons aller plus loin, et je partage pleinement avec vous l’objectif de soumettre les plateformes numériques aux mêmes obligations que les services de télévision. Comme vous le savez, cela nécessite une révision de la directive européenne sur les services de médias audiovisuels (SMA), mais plusieurs États membres semblent disposés à l’appuyer. En attendant, le texte adopté en commission apporte une première réponse intéressante, que le Gouvernement soutient.

Je partage aussi certaines propositions en faveur de la modernisation de la télévision numérique terrestre (TNT). La diffusion hertzienne demeure le seul mode de diffusion gratuit, souverain et anonyme, et les chaînes de la TNT portent encore l’essentiel du financement de la création.

C’est pourquoi je soutiens les dispositions adoptées en commission, sur l’initiative de Mme Morin-Desailly, sur l’ultra-haute définition. J’ai moi-même récemment saisi l’Arcom pour permettre à France Télévisions d’offrir à nos concitoyens une diffusion des jeux Olympiques de 2024 en ultra-haute définition.

Je soutiens aussi, en matière de radio, le déploiement du DAB+, cette norme de diffusion souveraine plus économe en ressources.

Le texte qui vous est soumis nous paraît soulever quelques difficultés juridiques, mais le sénateur Julien Bargeton a proposé une rédaction de substitution qui permettrait de les surmonter. Nous aurons l’occasion de reparler de ces articles, ainsi que de ceux que je n’ai pas mentionnés.

Je veux conclure en vous remerciant toutes et tous, mesdames, messieurs les sénateurs, de votre mobilisation constante – pour certains d’entre vous, depuis de nombreuses années – sur ces enjeux : vos travaux, votre expertise et votre engagement ont apporté une contribution précieuse et déterminante à l’évolution de l’audiovisuel, et ils continuent de le faire.

Je me réjouis d’en débattre avec vous ce soir. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

(M. Pierre Laurent remplace M. Roger Karoutchi au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Pierre Laurent

vice-président

Organisation des travaux

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de léducation et de la communication. Mes chers collègues, la discussion générale ayant commencé plus tôt que prévu, je propose aux membres de la commission que nous nous retrouvions, à son issue, en salle 245, pour examiner l’ensemble des amendements de séance déposés sur cette proposition de loi.

Discussion générale (suite)

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Bernard Fialaire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Bernard Fialaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, jamais notre société n’a eu autant besoin de repères clairs et innovants dans la diffusion d’informations, de culture et de divertissement.

L’audiovisuel public a cette lourde tâche de fournir une information indépendante, indispensable à la vie démocratique, ainsi que des divertissements qui doivent permettre la diffusion de contenus culturels, sportifs et éducatifs vers une population qui en serait éloignée. Il doit prolonger l’enseignement public dans l’élévation des individus au rang de citoyens éclairés.

Depuis la loi Léotard de 1986, s’il y a eu quelques évolutions, il n’y a pas eu de grande réforme qui aurait permis à l’audiovisuel public de mieux répondre à la révolution numérique et aux offensives des grands groupes privés étrangers, qui ont su bien mieux exploiter les nouvelles technologies numériques.

Dès 2015, le rapport sénatorial d’information Leleux-Gattolin appelait à une réforme des missions, de l’organisation et du financement de l’audiovisuel public.

En 2019, Franck Riester, alors ministre de la culture, proposait une réforme ambitieuse. Cette dernière aurait été victime du covid – un covid long, semble-t-il, puisqu’elle ne s’en est pas relevée… (Sourires.)

Enfin, voilà un an, nos collègues Jean-Raymond Hugonet et Roger Karoutchi ont rendu un rapport d’information « pour renforcer la spécificité, l’efficacité et la puissance de l’audiovisuel public. »

Aussi cette proposition de loi de Laurent Lafon propose-t-elle une réforme attendue et nécessaire de l’audiovisuel public et de sa souveraineté.

Elle soulève les inquiétudes et les oppositions de tous les conservatismes du secteur, qui devrait, au contraire, avoir l’ambition de s’adapter au contexte d’avancées technologiques et de concurrence qu’imposent les nouveaux modes de « consommation culturelle », comme on les appelle, et de recherche d’intégrité des informations.

L’ambition du texte est grande. Il s’agit de retrouver une stratégie et une capacité d’innovation depuis longtemps perdues. En rassemblant les quatre entreprises nationales de l’audiovisuel public dans une même structure, nous obligerons les différentes grammaires à se rencontrer et à apprendre à faire sens commun.

Sensibles à un développement structurel de l’audiovisuel public, les auteurs de la présente proposition de loi entendent supprimer les contrats d’objectifs et de moyens pour créer des conventions pluriannuelles stratégiques.

En assumant le choix de détenir la totalité du capital de ce groupement, l’État réaffirme son engagement pour la pérennité et son souci de sécurité pour nos médias publics.

Il est certain qu’une telle proposition bousculera les habitudes et les méthodes de travail. L’enjeu est alors de respecter la subsidiarité et de faire confiance. La diversité de la composition du conseil d’administration permet d’y veiller.

Enfin, faire œuvre pour l’audiovisuel ne peut se faire sans un travail collaboratif avec le secteur privé. En demandant aux chaînes payantes de laisser une place à l’audiovisuel public, notamment lors des événements sportifs, cette proposition fait place au commun et amorce la fin de l’égoïsme concurrentiel.

Pour ma part, si j’ai applaudi à la suppression de la contribution à l’audiovisuel public, qui était injuste et insuffisante, j’estime qu’il faut clairement définir la ressource pérenne et rassurante promise pour ce secteur, qui doit être soutenu, même si c’est avec vigilance, et à tout le moins sécurisé, afin qu’il affronte avec confiance les nouveaux défis qu’il doit relever.

Parce que cette proposition de loi reconnaît, dans l’audiovisuel public, un vecteur de connaissances, de créativité, de critiques, de divertissements et d’enseignements, le groupe RDSE ne se prononcera qu’à l’issue des débats sur ce texte que, pour ma part, je soutiens. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Claude Kern applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voterai cette proposition de loi.

Cependant, dire que je le ferai avec un enthousiasme délirant serait excessif (Sourires.), d’autant plus, madame la ministre, que vous allez à mon avis soigneusement veiller à ce que son parcours parlementaire s’arrête au Sénat. Au demeurant, cela nous fournit l’occasion de vous pousser dans vos retranchements et, ainsi, d’obtenir un certain nombre d’informations, ce qui est intéressant pour nous.

Dans le même temps, nous ne ferons que constater l’échec du Gouvernement. En 2017, le Président de la République nous avait promis le Grand Soir en matière d’audiovisuel. Cela allait être la révolution ; on allait voir ce qu’on allait voir ; on avait l’audiovisuel public, non pas le plus détestable, mais le moins abouti ! Par conséquent, il fallait tout changer.

Un certain nombre de choses ont été réalisées. À cet égard, le texte du ministre Franck Riester n’était pas négligeable, tant s’en faut, puisqu’il comportait quelques évolutions, même si l’on pouvait ne pas être d’accord avec tout. D’ailleurs, son abandon n’a rien à voir avec la covid-19 : c’est un peu avant la pandémie qu’il a sombré dans les sables mouvants… En réalité, je pense que la détermination élyséenne à faire une réforme de l’audiovisuel public avait disparu en 2019.

Dès lors, la situation devenait extrêmement difficile. Madame la ministre, ce n’est pas du tout votre propre action qui est en cause : les ministres de la culture précédents ne pouvaient faire plus. Dans un domaine aussi sensible que l’audiovisuel public, à partir du moment où l’Élysée n’est pas totalement déterminé, il ne peut y avoir de réforme.

Dans les faits, que se passe-t-il ? La plupart des acteurs de l’audiovisuel public et, désormais, les membres du Gouvernement, au moins en partie, appellent à corriger à la marge, à chercher ici ou là des rapprochements et de petites évolutions, sans toucher au système, ni à l’ensemble des chaînes, ni au périmètre, ni à l’organisation et à la structure même de l’audiovisuel public.

Or, quand Jean-Raymond Hugonet et moi-même les avons reçus, tous les acteurs de l’audiovisuel public, même ceux qui ne voulaient pas de réforme, ont reconnu que non seulement le système actuel présentait des imperfections, mais qu’il ne permettrait plus, à un moment ou à autre, d’assurer le service public.

En réalité, ce que nous demandons dans ce texte, et je remercie infiniment le président Laurent Lafon de l’avoir dit, c’est un débat sur les missions d’un service public en France. Il n’est tout de même pas surréaliste de s’interroger sur ce que doit être la mission de l’audiovisuel public dans notre pays !

Par ailleurs, quid de la structure ? Depuis la réforme de 1986, soit depuis trente-sept ans, on aménage à la marge, mais on n’a pas voulu regarder les choses en face. Or le paysage a changé, en Europe, dans le monde, avec les plateformes, avec la concurrence du privé. Tout a changé ! Et nous, nous continuons de penser que l’on va aménager à la marge. Cela ne suffira pas. Cela ne suffira plus !

Je voterai en faveur de la holding. Dans le rapport d’information que j’ai cosigné avec Jean-Raymond Hugonet, j’étais favorable à la fusion, mais, si la holding peut être une étape, j’y souscris.

De fait, rien n’est pire que l’immobilisme.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Très bien !

M. Roger Karoutchi. Rien n’est pire que de dire : on ne bouge pas, on ne change rien, on verra bien ce qui se passe, après nous le déluge… La vérité est que cela ne pourra pas tenir, comme le montrent, déjà, un certain nombre d’éléments : les débats sur la publicité, les événements récents concernant les plateformes, l’échec de la fusion entre TF1 et M6 et ses conséquences sur l’audiovisuel public, ou encore certaines critiques ou demandes.

Dès lors, que faire ? Comme Jean-Raymond Hugonet le rappelait tout à l’heure, on nous a dit, voilà déjà plusieurs années, qu’il n’était pas nécessaire d’engager des réformes fortes et que les rapprochements se feraient presque de manière automatique.

Cependant, le rapprochement entre France 3 et France Bleu ne suscite pas mon admiration de chaque jour ! (M. André Gattolin sourit.) Le moins que l’on puisse dire est qu’il ne réussit que moyennement, alors qu’il date déjà de plusieurs années.

On peut faire des réunions supplémentaires, des colloques et des conventions, mais, dans la pratique, si la loi ne fixe pas un certain nombre d’éléments, les rapprochements ne se font pas.

Pardon de le dire ainsi, mais c’est la logique du système : on a créé un certain nombre de chaînes, avec des présidents et des responsables qui assurent leurs fonctions et qui ne comprennent pas pourquoi l’on voudrait remettre en question ce qu’ils considèrent, eux, comme un passage abouti.

Or le passage n’est pas abouti ! Je le dis tranquillement : dans les années qui viennent, le système ne tiendra pas. Sans une réforme globale menée avec les acteurs de l’audiovisuel – pour notre part, nous considérons qu’il n’est pas possible de bouger sans eux –, il s’écroulera face à la concurrence des plateformes et du système privé.

Quant à réformer la Lolf, la loi organique relative aux lois de finances, pour mettre l’audiovisuel public au niveau de l’Europe ou des collectivités locales, j’ai envie de dire, madame la ministre : pas tout de suite ! Le président Lafon m’en excusera, mais, franchement, personne n’y croit. Cela ne se fera pas, et vous le savez.

Lorsque le Président de la République, dans sa campagne, a annoncé la suppression de la redevance sans contrepartie, il n’avait prévu aucune ressource de substitution. C’est cela, le vrai sujet ! Nous voilà donc tous en train de chercher désespérément les 3,5 milliards d’euros nécessaires pour l’audiovisuel public – budget, taxes nouvelles ? Cette dernière solution n’est pas envisageable.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Roger Karoutchi. J’en termine, monsieur le président.

Vous ne pouvez pas annoncer que vous allez créer une autre taxe : les gens ne comprendraient pas pourquoi vous avez supprimé la redevance.

Quoi qu’il en soit, madame la ministre, je vous souhaite bon courage ! (Sourires. – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Monique de Marco. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires ». Cette initiative non concertée de notre collègue Laurent Lafon en est, malheureusement, une nouvelle illustration.

Le 31 mai dernier, à la suite de l’adoption d’une loi pour la préservation du journalisme par l’assemblée de Californie, le directeur de la communication politique de Facebook-Meta a menacé de supprimer le fil d’actualité de Facebook, « plutôt que de payer pour une caisse noire », comme il l’a écrit sur Twitter.

Depuis une dizaine d’années, nous sommes devenus les spectateurs de la transformation du paysage médiatique international, avec l’essor des plateformes de service de vidéo à la demande, le développement des réseaux sociaux et la croissance du marché publicitaire comme source de financement, notamment des compétitions sportives.

Il en résulte une très forte concentration médiatique, dominée par quelques géants dont les règles internes ont presque force de loi.

En 2025, le marché mondial de la publicité pourrait franchir le cap de 1 000 milliards de dollars, soit le PIB des Pays-Bas. Les trois sociétés Google, Facebook et Amazon détiennent désormais plus de 50 % de ce marché. Cette position ultradominante leur permet d’exercer un chantage sur les parlements à travers le monde.

En France, la commission d’enquête sénatoriale conduite par notre collègue David Assouline a mis en lumière la concentration médiatique également à l’œuvre dans notre pays, ainsi que ses conséquences sur la liberté de la presse. Certes, on n’y découpe pas les journalistes à la tronçonneuse, comme en Arabie Saoudite, pas plus qu’on ne les détient arbitrairement pour motif d’espionnage, comme en Russie, mais on les licencie, on les démet de leurs fonctions.

Cette situation alimente la défiance populaire à l’encontre de ceux qui nous informent : 62 % des Français ne feraient pas confiance aux journalistes et 41 % d’entre eux s’informeraient dorénavant prioritairement via les réseaux sociaux, où les contenus journalistiques côtoient les commentaires dépourvus de fondements factuels, noyés dans une masse d’informations anecdotiques et personnelles.

Dans ce contexte, notre collègue Laurent Lafon nous propose une « stratégie ambitieuse et globale », rédigée sur sa seule initiative.

En fait de stratégie et d’urgence, ce texte propose de renforcer les positions dominantes, à l’opposé des recommandations de la commission d’enquête que j’ai citée, pour offrir une nouvelle fenêtre de fusion entre TF1 et M6 et pour adapter les règles de droits de diffusion des événements sportifs majeurs, qui favorisent Canal+.

Pis, après la suppression de la redevance l’été dernier, la création d’une holding réunissant quatre acteurs de l’audiovisuel public constitue l’autre pilier de cette stratégie. Cet étage supplémentaire nous promet des années d’immobilisme, à l’heure où l’évolution du secteur nécessite de la souplesse, de l’adaptation et de la rapidité décisionnelle. Cela va évidemment affecter les moyens destinés à la réalisation de missions de service public.

Les auteurs-réalisateurs et les cinéastes pourraient en être fragilisés. Aujourd’hui encore, France Télévisions est le deuxième diffuseur de films après Canal+, et près de 40 % des droits perçus par les auteurs proviennent de sociétés publiques…

À quoi bon renforcer notre souveraineté audiovisuelle si cela fragilise l’exception culturelle française ? Et je ne parle pas du mode de désignation du président de la holding par décret présidentiel, absolument contraire au projet de directive sur la liberté des médias présenté par la Commission européenne en septembre 2022… Nous y sommes fortement opposés.

L’information n’est pas un bien comme les autres. Les entreprises de médias devraient être soumises non pas au droit de la concurrence, mais à des règles spécifiques, destinées à garantir le pluralisme et l’indépendance des rédactions.

L’urgence, bien sûr, c’est de réviser la loi de 1986, qui est devenue obsolète.

L’urgence, ce n’est pas d’ajouter une strate supplémentaire, non budgétisée, qui « ne coûterait rien », selon notre rapporteur, mais qui viendrait, de fait, amputer le financement de l’audiovisuel public.

L’urgence, ce serait d’allonger les contrats d’objectifs et de moyens et de renforcer les synergies, mais ce serait aussi et surtout de garantir des mesures pérennes pour l’audiovisuel public. La Lolf doit prévoir un financement, comme le recommandent également les auteurs du rapport d’information publié le 7 juin dernier par l’Assemblée nationale.

Du côté de la publicité, des gisements fiscaux existent pour financer l’audiovisuel public. La Californie nous en montre le chemin.

L’urgence est au renforcement des moyens d’informer, non à la restriction budgétaire. Le journalisme de qualité a un coût, mais celui-ci est inférieur au prix démocratique de la désinformation.

Considérant que cette proposition de loi ne sert pas l’audiovisuel public,…

M. le président. Merci de conclure, ma chère collègue !

Mme Monique de Marco. … mais vise plutôt à l’affaiblir, nous ne la voterons pas. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

(M. Roger Karoutchi remplace M. Pierre Laurent au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi

vice-président

M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton. (M. François Patriat applaudit.)

M. Julien Bargeton. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous partageons tous un objectif commun : avoir dans le paysage audiovisuel français un service public fort et qui puisse rayonner à l’international, c’est-à-dire s’exporter.

Par conséquent, nous sommes en phase sur l’idée de consolider notre audiovisuel public. Cependant, nous divergeons fortement sur la façon d’atteindre cet objectif, c’est-à-dire sur les moyens.

Le texte propose essentiellement de créer une holding. Cette mesure n’est pas dénuée d’ambiguïté, d’abord parce que l’on ne comprend pas bien si c’est d’une étape avant une fusion qui n’ose pas dire son nom, ou s’il s’agit de s’arrêter là. Sans doute existe-t-il une forme d’entente pour ne pas trancher… On sort toujours de l’ambiguïté à son détriment !

La seconde ambiguïté porte sur la façon dont la proposition de loi va prospérer. On a compris que le Gouvernement et la majorité présidentielle y étaient défavorables. Dès lors, il appartient à ses initiateurs de nous expliquer comment elle pourra recueillir l’assentiment de l’Assemblée nationale… Mais nous pouvons toujours débattre !

Certes, la création d’une holding avait déjà été proposée en son temps, mais, depuis 2020, le contexte a profondément changé.

Ainsi, l’éventualité de la mise en place d’une contrainte a peut-être fait bouger les acteurs eux-mêmes. En février 2023, Delphine Ernotte et Sibyle Veil se sont prononcées pour un document stratégique unique de l’audiovisuel. Depuis lors, les coopérations se sont renforcées.

D’aucuns citent l’exemple du rapprochement entre France 3 et France Bleu, en estimant qu’il pourrait aller plus loin et plus vite. Certainement, mais on parle de directions régionales uniques ! On parle de contenus éditoriaux qui doivent se rapprocher. Ce n’est pas parce que nous ne sommes pas parvenus à le faire d’un coup qu’il faut renoncer à cette ambition. Il faut donner une chance aux éléments de coopération qui sont installés aujourd’hui.

La question se pose : en quoi une holding, c’est-à-dire un meccano institutionnel, répond-elle aux grands enjeux de l’audiovisuel actuel ? Ces derniers sont le rajeunissement du public – ceux qui regardent la télévision de flux sont de plus en plus âgés –, le numérique, la concentration de grands acteurs privés et, avec l’arrivée de concurrences étrangères, l’existence de plateformes disposant d’énormément de moyens d’investissement. On pourrait en relever d’autres.

Ces défis sont qualitatifs. Ce qu’il faut, surtout, c’est que les acteurs sachent que l’on a, à l’intérieur de nos chaînes, des personnes de qualité, qui savent formuler des propositions. Ce n’est pas une strate supplémentaire ou un meccano institutionnel qui répondra à des défis qualitatifs.

Au reste, quand on crée une strate, on a parfois du mal, en France, à faire des économies. La Cour des comptes a produit maints rapports montrant que l’ajout d’un niveau n’avait rien retiré au niveau inférieur. Au contraire, et je le dis sans vouloir critiquer telle ou telle collectivité, on trouve de nombreux exemples d’ajouts de strates qui se sont traduits par des dépenses supplémentaires. En créant une zone intermédiaire, on risque, finalement, de déposséder l’ensemble des acteurs : à la fois les chaînes qui sont « en dessous », si j’ose dire, et l’État actionnaire, qui est au-dessus.

La contrainte passe aujourd’hui par les contrats d’objectifs et de moyens. Sans doute faut-il les consolider. On peut réfléchir à la façon de les rendre plus contraignants, de les évaluer davantage, d’en tirer les conséquences et d’en faire un outil équivalent à la holding. En effet, partager une ambition similaire n’empêche pas de réfléchir à des outils différents pour y parvenir, par exemple en allant plus loin sur la première étape, celle d’un socle commun aux contrats d’objectifs et de moyens.

C’est notamment dans ce sens qu’il faut avancer pour faire face aux nouveaux enjeux, comme la lutte contre la désinformation et les fausses nouvelles – le fact checking. Il est certain que, dans cette perspective, il faut aller plus loin dans la mutualisation, en rassemblant les moyens de l’audiovisuel consacrés à la lutte contre la désinformation numérique.

Bref, pour aboutir à des résultats, il faut avancer concrètement, de façon pragmatique, sujet par sujet, plutôt que de chercher à concevoir une structure qui, en elle-même, répondrait, on ne sait trop comment, à l’ensemble de ces problèmes.

Je crains que, avec l’idée de holding, on ne donne finalement raison à l’adage selon lequel le mieux est l’ennemi du bien. Le bien, ce serait d’avancer concrètement, ensemble, pour faire bouger l’audiovisuel public. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l’heure où les grandes plateformes étrangères, les Gafam – Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft – étendent leur pouvoir et leur influence gigantesques, accroissant sans cesse leur domination financière, qui les fait rivaliser avec les États les plus puissants du monde, au point de s’émanciper des règles et du droit, la droite sénatoriale a décidé de légiférer sur le service public de l’audiovisuel – en l’affaiblissant.

À l’heure où se poursuit dans notre pays la concentration des médias, qui sont pour l’essentiel détenus par neuf milliardaires, à l’heure où le groupe Bolloré franchit un nouveau cap dans sa prédation et la mise au pas des médias, avec la touche finale mise à l’acquisition du groupe Lagardère – l’édition, Paris Match, Le Journal du dimanche (JDD) et Europe 1, restructurés pour servir une ligne idéologique trumpiste à la française –, vous, la droite sénatoriale, avez décidé de montrer du doigt le service public de l’audiovisuel !

Pourquoi ? Parce que, dans la droite ligne des pressions que vous avez exercées, monsieur le rapporteur, à l’intérieur et à l’extérieur de la commission d’enquête Concentration des médias en France, dont j’étais le rapporteur, vous vous faites de nouveau le relais de ce lobbying.

Vous avez d’ailleurs annoncé cette proposition de loi au moment où tous les groupes privés de télévision faisaient une déclaration commune pour demander de réduire les financements et les « avantages » du service public. Par ce texte, vous accédez à leur demande en mettant en cause les revenus du parrainage après vingt heures, alors même que le financement de l’audiovisuel public n’est plus assuré sur le moyen et le long terme du fait de la suppression de la redevance.

Vous autorisez la troisième coupure publicitaire des fictions après vingt heures, pour satisfaire le privé.

Vous ramenez à deux ans le délai de revente d’une fréquence après son acquisition, alors que c’est le Sénat, sur ma proposition, soutenue par Catherine Morin-Desailly, qui l’avait porté à cinq ans pour éviter les reventes spéculatives.

Vous attaquez de nouveau la diversité de la production indépendante. Vous ouvrez le label Sieg (services d’intérêt économique général) aux sociétés privées pour une visibilité égale à celle des sociétés publiques, alors qu’elles ne remplissent aucune mission de service public.

Tout cela vient s’ajouter aux petits cadeaux offerts par le Gouvernement à l’audiovisuel privé au travers de la loi du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique, laquelle assouplissait, à la demande des groupes privés, des dispositions anti-concentration potentiellement dangereuses au regard de l’exigence constitutionnelle de pluralisme dans le secteur. Et j’en passe…

Ce texte ne contient pas grand-chose en termes de défense de l’audiovisuel public, mais accorde ici et là des faveurs au privé, comme autant de petits cavaliers à la demande.

Pourquoi légiférer sur ce sujet maintenant, à la veille de l’été, tandis que la situation est urgente dans bien des domaines – pouvoir d’achat, sécheresse, démocratie en danger… – et que personne ne vous le demande, ni nos compatriotes ni les principaux concernés, c’est-à-dire les directions et les personnels de l’audiovisuel public ?

La situation de ces sociétés l’exigerait-elle ? Le service public de l’audiovisuel irait-il mal et aurait-il besoin, tout de suite, d’une loi improvisée ? Ou ses résultats seraient-ils mauvais ou inquiétants ?

Au contraire, le service public de l’audiovisuel va plutôt bien, et même bien mieux qu’auparavant en termes d’audience et de qualité des programmes, de complémentarité des offres sur les différents supports, de synergies réalisées par les chaînes de télévision ou de radio, à l’intérieur de chaque entreprise ou à l’extérieur, entre les entreprises – je pense à celles qui existent entre France Télévisions, l’INA, France Médias Monde, Radio France et même Arte.

Et à quel prix, déjà payé par les salariés ! On compte 900 emplois supprimés à France Télévisions, plus de 4 200 équivalents temps plein (ETP) à Radio France ces dernières années et des baisses budgétaires régulièrement imposées par les gouvernements du président Macron, soit 193 millions d’euros pour la période 2018-2022.

Vous proposez donc – quelle nouveauté, quelle innovation, quelle audace ! – de créer… une holding. Et vous osez dire que c’est pour mieux faire face aux plateformes étrangères et à la concurrence. J’imagine déjà la frayeur au sein des boards d’Amazon, de Netflix, d’Apple ou de Google ! Ils doivent encore être en cellule de crise pour élaborer la riposte, la peur au ventre… (Sourires sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

J’imagine le vent de panique des propriétaires des fournisseurs d’accès du numérique – Patrick Drahi chez SFR, Martin Bouygues et Xavier Niel chez Free, lesquels, soit dit en passant, sont aussi fournisseurs d’accès au service public –, qui détiennent une part grandissante des médias privés français et contrôlent de façon verticale toute la chaîne de production de la valeur ! (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.)

J’imagine même l’effroi de M. Bolloré, demandant conseil à son confesseur qui, paraît-il, ne le quitte plus ! Je les imagine tous tourner en rond, en se demandant : « Comment riposter à la holding qui vient ? » (Mêmes mouvements.)

Soyons sérieux ! Je sais qu’ils sont au contraire très satisfaits que vous fassiez porter l’attention et la pression sur le service public et que vous accédiez, au passage, à leurs demandes dans quelques domaines.

Non seulement la holding n’est pas un sujet aujourd’hui pour l’audiovisuel public, puisque ses directions et ses personnels n’en veulent pas, mais, en outre, elle ne servirait à rien pour faire face à la concurrence des Gafam et du privé. Pis, elle créerait une nouvelle strate bureaucratique, une structure de plus coûtant des dizaines de millions d’euros de dépenses supplémentaires pour payer des super-chefs qui dirigeront des chefs, lesquels dirigent eux-mêmes d’ores et déjà des sous-chefs. (Mme la ministre samuse.)

Cette holding désorganiserait ce qui a mis du temps à se stabiliser. Elle concentrerait l’énergie de ces sociétés sur une réorganisation administrative interne, au moment où ladite énergie devrait être tout entière dirigée vers l’action, pour consolider l’offre créative dans les domaines de la fiction comme du documentaire, de l’information et du sport, qui sont les valeurs ajoutées de l’offre en continu et en direct, pour investir dans la révolution numérique, s’y former et se préparer à ses prochains bouleversements induits par l’intelligence artificielle (IA).

Au sein de cette holding, les directeurs des quatre sociétés seraient sous la tutelle d’un président tout-puissant, de nouveau nommé par décret en conseil des ministres, ce qui mettrait en danger l’indépendance du secteur par rapport aux pouvoirs publics. Un parfum de retour à l’ORTF (Office de radiodiffusion-télévision française), en somme… Quelle modernité !

L’actualité du service public de l’audiovisuel, c’est d’assurer son financement universel, pérenne et socialement juste via une taxe progressive sur l’impôt sur le revenu, directement affectée, comme mon groupe l’avait proposé.

Il faut en effet lui donner les moyens de résister à la concurrence des Gafam et des grands groupes privés qui détiennent les médias dans notre pays, en légiférant et en décidant de règles et de régulations nouvelles, dont certaines figurent parmi les 32 propositions votées à l’unanimité par notre commission d’enquête.

Il convient aussi d’engager une grande réflexion, très attendue, pour penser globalement une nouvelle loi qui remplacerait celle de 1986, percluse de rustines. Il s’agira certes de réaffirmer ses grands principes, notamment la liberté de la communication, mais il faudra repenser les moyens, devenus caducs, que le législateur avait prévus pour remplir ces objectifs et réguler notre paysage audiovisuel, aujourd’hui complètement bouleversé par la révolution numérique.

Il s’agira de protéger et de permettre le développement non pas du seul service public, mais bien de l’ensemble de l’écosystème des éditeurs, producteurs, créateurs et salariés de l’audiovisuel français, privé comme public, qui doivent faire face ensemble à ces défis majeurs. Il faut les défendre face aux Gafam, qui ne font pas le tri et qui risquent de mettre tout le monde d’accord… dans le cimetière de l’audiovisuel français ! Il y va de la démocratie.

Avec mes camarades du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, je lance un appel urgent à cette prise de conscience.

Une grande illusion produit ses effets, car il y a un paradoxe : la multitude des offres, des titres et des chaînes numériques cache la réalité de la concentration de la propriété au profit d’un nombre réduit d’individus et de groupes industriels et financiers, lesquels ont d’ailleurs peu à voir avec le monde des médias. Cette diversité n’est, je le répète, qu’une illusion, puisque les contenus sont de plus en plus uniformisés.

Outre l’information, la culture aussi est en danger. Notre résistance doit se traduire tout d’abord par l’affirmation d’un service public fort et divers du fait de ses moyens et de sa créativité, de ses valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité, ainsi que d’une multitude de médias indépendants, qui doivent enfin être soutenus et favorisés.

C’est ce paysage de l’audiovisuel que nous appelons à défendre avec constance et combativité, face à celui, hyperconcentré et vertical, dont les valeurs sont indexées sur la bourse et les clics.

C’est pourquoi, tout en saisissant l’occasion qui nous est offerte par ce débat de formuler quelques propositions sous forme d’amendements, nous voterons contre cette proposition de loi qui est, au pire, dangereuse, au mieux, inutile. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi.

M. Jérémy Bacchi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à dire tout d’abord que cette proposition de loi part d’une bonne intention : défendre l’audiovisuel public et réaffirmer sa spécificité. Il me semble important de le souligner, à l’heure où ce service public est attaqué de toutes parts.

L’enjeu des inégalités sociales liées à la multiplicité des services payants par abonnement, celui de la concentration des médias ou encore de la désinformation croissante rendent d’autant plus essentiel et urgent l’objectif de doter notre pays d’un service public audiovisuel fort, disposant des moyens nécessaires à son action, et de programmes spécifiques.

Nous avons la conviction profonde qu’un tel service public est le signe d’une démocratie qui fonctionne, d’un accès à la culture et au savoir pour tous et toutes.

C’est à ce titre que nous accueillons positivement la proposition concernant les droits de diffusion audiovisuelle des manifestations sportives, visant à obliger les plateformes à céder certains droits à des services de télévision en accès libre diffusés sur la TNT (télévision numérique terrestre), et ainsi à permettre un meilleur accès de nos concitoyens au visionnage d’événements sportifs.

Toutefois, nous sommes en désaccord avec le cœur de la proposition de loi, laquelle prévoit de placer les médias publics sous la coupe d’une holding.

Alors que l’audiovisuel public n’a été que rarement autant plébiscité – France Inter est depuis 2018 la radio la plus écoutée de France, et France 2 a enregistré au cours des derniers mois ses meilleures audiences depuis plus de dix ans –, ce texte risque de ne susciter qu’une nouvelle inertie des institutions publiques.

Par ailleurs, les coopérations entre les différentes entreprises de l’audiovisuel, que ce projet de holding vise à amplifier, produisent d’ores et déjà des effets marquants au travers de la création de plateformes, comme France Info ou encore « Ici », émanant de collaborations concrètes entre France Télévisions et Radio France.

Si cette holding nous semble inutile, elle pourrait aussi se révéler dangereuse.

Tout d’abord, si d’éventuelles nominations directes par l’exécutif n’y sont pas évoquées, la proposition de loi prévoit trop peu de garanties pour que l’indépendance effective du service public soit assurée à l’issue des procédures de désignation.

Ensuite, la répartition du budget entre les différentes sociétés de cette hypothétique holding sera soumise à la discrétion du directeur général. Sachant que la possibilité de concurrencer les plateformes est l’un des principaux arguments invoqués pour justifier cette réforme, il est fort à craindre que la radio ne soit le parent pauvre de ce nouveau paysage audiovisuel.

Comme vous, nous soutenons le principe d’une nécessaire mesure fiscale affectée, dont nous considérons qu’elle sera le mieux à même de garantir l’indépendance des organismes de l’audiovisuel et la prévisibilité de leurs ressources.

En revanche, rien dans l’exposé des motifs ne permet de savoir quelle serait la nature de cette mesure. S’il s’agit de pérenniser l’attribution d’une fraction de la TVA à l’audiovisuel public, permettez-moi, mes chers collègues, d’exprimer mon désaccord. Celle-ci est en effet moins protectrice que l’attribution d’une véritable taxe affectée : son montant étant fixé en loi de programmation des finances publiques, elle ne permet en aucun cas de garantir le respect des engagements pluriannuels de l’État.

En outre, la TVA constitue la mesure fiscale la plus anti-redistributive, en ce qu’elle fait peser l’effort sur la propension de consommation plutôt que sur l’épargne, désavantageant, de fait, les foyers les plus modestes.

Pourtant, le retour d’une contribution à l’audiovisuel public, payée par tous les Français en fonction de leurs revenus, serait totalement justifié pour maintenir un lien fort avec les citoyens et garantir la plus grande indépendance possible de l’audiovisuel public vis-à-vis du pouvoir politique et économique. Nous appelons celle-ci de nos vœux et continuerons de la défendre dans l’hémicycle du Sénat.

Pour ce qui concerne les revenus de l’audiovisuel public, je souhaite appeler votre attention sur le plafonnement des recettes publicitaires.

Cette proposition, adoptée en commission, fut notamment justifiée par l’idée que les recettes issues de la publicité dont bénéficie l’audiovisuel public « nuiraient » aux entreprises du secteur privé, dont la publicité constitue l’unique ressource. Nous déplorons ce choix réalisé en faveur des chaînes privées, qui cherchent toujours à obtenir une plus grosse part du gâteau publicitaire. Sans compensation financière garantie, une telle disposition fragiliserait encore davantage l’audiovisuel public.

À nos yeux, bien que cette proposition de loi soit inspirée par un bon sentiment et que nous approuvions certaines de ses dispositions, nous nous opposons fermement à ce projet de holding. Ce dont l’audiovisuel public a besoin, c’est d’une hausse résolue de son budget, qui est passé de 0,20 % à 0,16 % du PIB. À titre de comparaison, il représente 0,28 % au Royaume-Uni.

Ce service public a besoin non pas d’une réforme de sa gouvernance, mais de nouveaux moyens. Nous voterons donc contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – M. Daniel Breuiller applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pourquoi mettons-nous autant de temps dans notre pays pour réaliser les réformes structurelles nécessaires et nous adapter à un monde en perpétuelle évolution ? Je pense ainsi au temps qu’il aura fallu pour imposer un cadre régulant et sécurisant l’espace numérique.

Dans ce contexte peu allant, je salue la mobilisation de nos ministres de la culture successifs, qui ont mené à Bruxelles le combat de la directive sur les services de médias audiovisuels et de la directive sur le droit d’auteur et les droits voisins.

Toutefois, à l’échelle de notre pays, les changements et risques systémiques induits par les nouvelles technologies et l’accélération des innovations lors des quinze dernières années auraient dû inciter les gouvernements successifs à réagir rapidement et, à défaut, à écouter davantage le Parlement, en particulier les propositions du Sénat sur l’audiovisuel.

Ce n’est pas comme si rien n’avait été fait ! Notre commission de la culture et ses rapporteurs successifs, dont j’ai eu l’honneur de faire partie, ont demandé sans relâche la réforme de la redevance qui s’imposait – les pays voisins l’avaient réalisée ! –, ainsi que l’indispensable évolution du cadre législatif et réglementaire, conçu pour un monde hertzien en voie de disparition.

Depuis 2009, date de la dernière grande loi relative à l’audiovisuel, pas moins de trois rapports conjoints de la commission de la culture et de la commission des finances ont été rédigés – en 2011, 2015 et 2021 –, qui ont pointé les nécessaires évolutions pour adapter notre audiovisuel à l’heure du tout-digital.

On le sait, il y a belle lurette que la loi de 1986 est obsolète et que nos règles de concurrence sont dépassées. Le récent échec de la fusion entre TF1 et M6 en est la dernière et consternante illustration.

Face à la toute-puissance des Gafam, il faut pour assurer notre modèle de création un pôle audiovisuel privé fort, tout comme un pôle audiovisuel public fort.

Sur ce point, j’ai toujours dit que la réforme de 2009 était restée au milieu du gué. Il y avait pourtant alors une véritable vision et une juste ambition, celle de s’attaquer, à la fois, à la gouvernance, au modèle économique et aux missions de l’audiovisuel public. Aussi, je remercie le président Laurent Lafon de faire en sorte, en reprenant le flambeau de nos combats, que France Médias, un projet énoncé dans le rapport d’information Leleux-Gattolin de 2015, aboutisse au moins en partie.

Néanmoins, que de temps perdu, alors que Franck Riester avait enfin pu – non sans mal, lui aussi – faire inscrire à l’ordre du jour le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique ! L’abandon de ce texte, acté en 2020, est coupable, car il nous a encore affaiblis.

J’en viens à la présente proposition de loi, qui se concentre sur les questions de gouvernance : la création d’une holding regroupant France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA, l’Institut national de l’audiovisuel.

Cet outil important, nous le voulons souple – nous n’étions pas favorables à la fusion, pensant qu’elle cannibaliserait les énergies et ferait perdre du temps. Il permettra de regrouper les forces et les énergies de l’audiovisuel public, avec des équipes engagées dans des coopérations encore plus nombreuses, pour réaliser ensemble les investissements nécessaires.

Ces investissements serviront à aller chercher les publics, notamment les jeunes, face à la concurrence, à développer des outils tels qu’une grande plateforme de l’audiovisuel public – je l’ai régulièrement évoquée en tant que membre du conseil d’administration de France Télévisions. J’ai toujours alerté, d’ailleurs, sur l’échec annoncé de Salto. L’idée de départ de Delphine Ernotte était bonne, mais, face aux géants, cette plateforme regroupant des financeurs publics et privés de la création ne pouvait se réduire à trois acteurs.

En ce qui concerne ce projet de holding, je tiens cependant à insister sur trois points de vigilance.

Le premier point porte sur la part accordée à la création, avec un juste équilibre entre la part réservée aux producteurs et celle des éditeurs de programmes.

Le deuxième point concerne la radio, qu’il convient de toujours considérer comme un média spécifique.

Le troisième point est relatif à notre audiovisuel extérieur – radio comme télévision –, qui doit être conforté. Pour porter la voix de la France dans le monde, il doit être une référence et une marque. C’est crucial pour lutter contre la désinformation et les tentatives de déstabilisation que subissent nos démocraties face à des technologies toujours plus pointues ; je pense à ce que permet déjà l’intelligence artificielle.

J’évoquais précédemment France Médias Monde. C’est une bonne chose qu’Arte et TV5 demeurent des entreprises différenciées, du fait de la structuration de leur capital.

Pour s’assurer de la réussite de la holding, il faut que le projet capitalise sur les dynamiques déjà à l’œuvre entre ces quatre entreprises. J’ai beaucoup de respect pour chaque présidente et chaque président, qui ont accompli des efforts importants en vue d’assurer la transformation des métiers, de mutualiser et optimiser les dépenses, de réaliser des gains de productivité.

L’autre volet de la proposition de loi vise à réduire les asymétries qui pénalisent les médias historiques. Je n’ai pas le temps de développer ce sujet, mais je me réjouis notamment du rétablissement de l’équité en matière de règles de diffusion des événements sportifs majeurs. J’avais d’ailleurs eu l’occasion de vous interpeller, madame la ministre, par le biais d’une question écrite, sur les menaces pesant sur Roland-Garros.

Ayant toujours milité pour la modernisation de la TNT, qui a encore quelques années devant elle, je suis sensible aux avancées que comporte le texte à cet égard.

Je remercie aussi le rapporteur d’avoir prévu un article 14 bis qui impose progressivement la compatibilité des nouveaux téléviseurs avec l’ultra-haute définition (UHD). Cette disposition, que j’avais fait adopter en 2021, avait malheureusement été censurée de manière incompréhensible par le Conseil constitutionnel, pour des raisons de procédure.

Je regrette, en revanche, que mes amendements relatifs à l’accès des chaînes de télévision aux données de consommation de leurs programmes aient été frappés par l’article 45 du règlement du Sénat. L’entreprise doit avoir le retour de ce qui la concerne en premier lieu !

Ce partage de données s’inscrit complètement dans le projet souhaité par l’Union européenne, via l’adoption prochaine du Data Act. Nous sommes donc à contre-courant, monsieur le rapporteur !

Pour conclure, j’insisterai sur la question clé du modèle économique et du financement, abordée à l’article 5, qui fixe le principe d’une ressource publique de nature fiscale, pérenne, suffisante et prévisible pour l’audiovisuel public. Encore faut-il que cela se traduise dans les faits en loi de finances, ainsi qu’au travers d’une loi organique.

En l’absence de certitudes, je suis assez réservée sur le plafonnement de la publicité ; pourtant, je rêve d’un modèle totalement libéré.

Le problème est que le mode de financement de l’audiovisuel public a été fragilisé par la suppression progressive et insidieuse par Bercy de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (Toce), votée par le Parlement en 2019 pour compenser la suppression de la publicité après vingt heures. On comprendra donc que, pour le moment, le financement de l’audiovisuel demeure aléatoire et périlleux.

Cette question est loin d’être anecdotique à l’heure où le projet de règlement européen relatif à la liberté des médias est en débat. Après le constat de certaines dérives en Pologne, en Hongrie ou ailleurs, que nous autres, Français, nous sommes empressés de dénoncer, le Media Freedom Act a été élaboré. Il vise à conforter l’indépendance et le pluralisme des médias dans l’Union européenne.

Il serait tout de même paradoxal que la France ne montre pas l’exemple en assurant à son audiovisuel la ressource permettant sa pérennité et, surtout, son indépendance. Car il y a une vraie différence entre une dotation publique et une dotation d’État, entre une ressource affectée et une ligne budgétaire calibrée selon le bon vouloir de Bercy !

Cette différence, nos partenaires allemands d’Arte n’ont pas manqué de la souligner lorsque nous avons supprimé la redevance. Pour eux et pour nombre d’observateurs extérieurs, France Médias Monde est également devenue une télévision d’État ! Donnons-leur tort, madame la ministre, en engageant de véritables réformes du modèle économique et de financement.

Je conclurai en rappelant que lors du fameux colloque de 2018, intitulé Comment réenchanter laudiovisuel public à lheure du numérique ?, les représentants des audiovisuels publics européens, qui s’étaient tous réformés, s’étonnaient que la France, pays de l’exception culturelle, soit toujours à la traîne… (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. le rapporteur applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Céline Boulay-Espéronnier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis trente ans, le paysage audiovisuel français ne cesse de se transformer.

Notre pays est caractérisé par une grande diversité et une longue tradition de production cinématographique et télévisuelle. Nous ne pouvons que nous en féliciter. Néanmoins, les nouveaux usages apparus tendent à privilégier les vidéos en ligne plutôt que les chaînes traditionnelles.

Nous accordons tous une grande importance à notre service public audiovisuel. Des chaînes de télévision publiques, telles que France Télévisions et Arte France, fournissent un service de qualité, pluraliste et accessible à tous les citoyens. Elles ont un rôle clé dans la promotion de la culture, de l’éducation, de l’information et de la diversité.

Cependant, l’évolution des habitudes de consommation des médias a eu un impact sur l’audiovisuel en France et a entraîné une baisse de la durée d’écoute des chaînes de télévision traditionnelles.

Ensuite, avec l’essor de la concurrence internationale des plateformes de streaming en ligne, comme Netflix, Amazon Prime Video et Disney+, les téléspectateurs français ont désormais accès à un large éventail de contenus étrangers. Ces plateformes ont rassemblé 9,4 millions d’utilisateurs quotidiens en 2022. Cela crée une concurrence et un défi pour l’industrie audiovisuelle française, qui doit rivaliser pour attirer et fidéliser son public.

Face à ces évolutions, la puissance publique est demeurée jusqu’à présent en retrait, peinant à réformer un cadre législatif posé en 1986 pour réguler un univers strictement national à une époque où internet n’existait pas.

Il est clair que nous devons renforcer l’audiovisuel public et notre souveraineté audiovisuelle par une stratégie ambitieuse et globale.

Pour cela, deux piliers ont été ciblés : le regroupement de l’audiovisuel public, respectant l’identité de ses différentes composantes, et une révision significative de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Tel est l’objectif de la proposition de loi de notre collègue Laurent Lafon ; un objectif que nous partageons amplement. Je souhaite remercier également le rapporteur, Jean-Raymond Hugonet, de l’ensemble du travail réalisé.

Mes chers collègues, en regroupant France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA au travers de la création d’une société holding, France Médias, nous assurons leur compétitivité et leur développement stratégique au niveau européen et international, tout en veillant à la cohérence et à la complémentarité de leurs offres de programmes.

L’ambition de cette proposition de loi, très attendue depuis le rapport de nos collègues Leleux et Gattolin – et, plus récemment, depuis celui, en 2022, de Roger Karoutchi et Jean-Raymond Hugonet –, est d’appréhender l’évolution clé du secteur audiovisuel à l’ère du numérique.

Ce texte a un objectif clair : renforcer la qualité de la mission de service public de l’audiovisuel français, ainsi que sa souveraineté.

Dans le contexte géopolitique actuel, l’enjeu est de garantir à nos concitoyens une information de qualité, tout en luttant contre les fake news, ce qui est un véritable enjeu.

Mutualiser les forces de ces entreprises sera donc synonyme de richesse médiatique et culturelle, mais aussi source de gains économiques. Il paraît cohérent de vouloir rassembler des entreprises qui, au nom de leur mission de service public, partagent les mêmes ambitions et ont des projets industriels similaires.

Toutefois, prenons garde, cette mutualisation n’est pas synonyme de concurrence interne ; elle a bien pour objectif de mutualiser les logistiques et les investissements, afin de garantir un contenu gratuit et qualitatif. Ce point est fondamental.

Prenons l’exemple de l’INA. Cette grande institution est freinée dans ses relations avec les autres entreprises à cause de son statut juridique. Au sein de la holding France Médias, elle gagnera en flexibilité et en efficacité. De plus, elle pourra prendre en charge la conservation des archives audiovisuelles diffusées de manière délinéarisée par les autres sociétés et les futures filiales de la holding.

Pour ce qui concerne France Médias Monde, dont les journalistes et le réseau de correspondants offrent, en vingt et une langues, une information essentielle d’ouverture sur le monde et sur la diversité des cultures et des points de vue – je souhaite le souligner dans le contexte géopolitique actuel –, l’adoption de la proposition de loi permettra d’augmenter les synergies avec les autres chaînes publiques et, ainsi, d’accroître ses compétences à l’international.

Cette proposition de loi permet également de reconnaître l’importance de l’innovation et des nouvelles technologies dans le paysage audiovisuel. Elle encourage la coopération entre les acteurs publics et privés, pour favoriser l’émergence de nouveaux formats et de nouvelles expériences pour les téléspectateurs. Elle permet à l’audiovisuel public de rester pertinent et attractif dans un environnement médiatique en constante évolution.

Enfin, elle a le mérite d’aborder la question cruciale du financement, surtout après la suppression de la redevance audiovisuelle en 2022.

En réformant la contribution à l’audiovisuel public (CAP), nous garantissons un financement pérenne et équitable, sans faire peser une charge excessive sur les contribuables. Il est essentiel que chaque euro investi dans nos médias publics serve réellement à la promotion de notre culture, de notre histoire et de nos valeurs.

En outre, ce texte garantit que les ressources nécessaires seront disponibles pour soutenir la production de contenus de qualité, la modernisation des infrastructures et le développement de nouveaux formats. En donnant davantage d’autonomie financière à nos médias publics, il garantit donc une information objective et équilibrée.

Cependant, la proposition de loi ne s’arrête pas à la création d’une holding. Elle prévoit aussi d’encadrer la concurrence étrangère, qui, du fait d’un manquement législatif, ne prenait pas en compte les évolutions concurrentielles audiovisuelles et numériques. Ce manquement s’est transformé en concurrence déloyale pour les entreprises publiques et privées françaises, en imposant des règles qui ne s’appliquaient pas à leurs concurrents étrangers.

Les asymétries entre les chaînes et les plateformes numériques seront drastiquement réduites. C’est un point capital. L’industrie audiovisuelle française ne sera plus injustement pénalisée et pourra pleinement investir les marchés émergents.

Pour conclure, mes chers collègues, cette proposition de loi est l’occasion de réaffirmer notre attachement à la souveraineté audiovisuelle française ; de renforcer la mission de l’audiovisuel public français face à la désinformation et au contexte géopolitique mondial perturbé ; enfin, de définir une véritable vision pour l’audiovisuel public à partir d’orientations stratégiques claires, tout en veillant à la cohérence et à la complémentarité des offres de programmes au service des Français – en bref, de réformer ce service public.

Pour toutes ces raisons, notre groupe votera la proposition de loi de Laurent Lafon. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen.

M. Pierre-Jean Verzelen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’audiovisuel français est organisé par la loi, dite Léotard, du 30 septembre 1986. Depuis lors, il s’est passé des choses… De nouveaux concurrents sont apparus : les grandes plateformes ont complètement changé les règles du jeu. De nouveaux modèles de consommation se sont développés ; les tablettes sont arrivées, par exemple. Du fait de tous ces bouleversements, notre cadre juridique et législatif est totalement dépassé.

Nous remercions l’auteur et le rapporteur de cette proposition de loi, dont je veux saluer l’intitulé, puisqu’il s’agit de réformer l’audiovisuel public et de garantir la souveraineté audiovisuelle.

La télévision et la radio font partie de la vie quotidienne des Françaises et des Français. Elles participent à créer un socle commun – j’ose le mot – et sont un puissant vecteur culturel.

Délivrer une information de qualité coûte cher, peut être copié instantanément et ne s’accompagne pas de droits d’auteur rémunérés.

La souveraineté audiovisuelle doit permettre aux médias nationaux de délivrer une information de qualité, vérifiée, fiable et objective. La souveraineté en la matière, c’est aussi protéger, soutenir et encourager la production culturelle française.

Nous en sommes tous convaincus, il y a urgence à réformer la loi de 1986. Nous nous appuyons aujourd’hui sur les travaux d’André Gattolin et Jean-Pierre Leleux. Dans leur rapport sénatorial d’information, ils avaient précisé les contours de la société faîtière. L’ancien ministre de la culture Franck Riester s’en était inspiré par la suite. Malheureusement, le projet de loi annoncé a fait les frais de la crise de la covid-19.

La création d’une société de tête proposée par ce texte va dans le bon sens. Il s’agit de regrouper les forces de l’audiovisuel public en une entité visible, cohérente et identifiée, qui regroupera France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA. Cette structure doit être la plus souple, la plus complémentaire, la plus réactive et la plus mutualisée possible… Le moins que l’on puisse dire est que le défi est de taille.

Bâtir une nouvelle entité sera très utile, certes, mais pour en faire quoi ? Évidemment, ce n’est pas au politique de décider de la grille des programmes, mais c’est au législateur de poser un cadre pour garantir la qualité de l’information, la diversité et la créativité culturelle, ainsi que pour permettre la diffusion des grands événements sportifs.

L’audiovisuel public doit représenter toutes les sensibilités et toutes les opinions – j’y insiste. Chaque Français doit pouvoir s’y reconnaître.

Dans ce texte, si la question de la publicité est abordée, nous n’en sommes qu’au début d’un long débat. Comme beaucoup, je comprends l’argument consistant à expliquer que l’audiovisuel public ne peut fonctionner selon le même modèle économique que les chaînes privées, avec les mêmes enjeux et les mêmes priorités.

Pour autant, restons pragmatiques. Si c’est pour que les annonceurs se détournent vers d’autres formes de médias et que l’on finisse par demander une participation supplémentaire à l’État, il n’est pas certain que, ce faisant, nous nous rendions un grand service ! Sur ce point, le débat aura sans doute lieu.

J’en viens à l’article 13. Les producteurs indépendants français comptent parmi les tout meilleurs au monde. Veillons à ne pas remettre en cause leur dynamisme et leur développement en touchant à la relation entre diffuseurs et éditeurs.

Les élus du groupe Les Indépendants – République et Territoires sont très attachés au maintien et au renforcement des émissions locales et régionales. Celles-ci représentent autant de relais d’information qui font le quotidien des territoires et de leurs habitants. Les journalistes doivent continuer à décrypter les actualités de terrain. De la même manière, notre audiovisuel public doit être le relais des territoires d’outre-mer.

L’audiovisuel public doit être un repère, un modèle et un exemple. Il doit continuer d’être une ouverture sur le monde, sur la culture et sur la société. Notre rôle est de garantir sa singularité sur le long terme en proposant un cadre juridique stable et pérenne, qui permette de réduire les asymétries pénalisant nos acteurs de l’audiovisuel, qu’ils soient publics ou privés d’ailleurs.

Ce texte est un bon signal. Il démontre notre attachement et notre préoccupation concernant l’audiovisuel français. Pour ces raisons, le groupe INDEP votera cette proposition de loi. (Applaudissements au banc des commissions. – M. Claude Kern applaudit également.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Monsieur le président, comme prévu, la commission va se réunir pour examiner les amendements déposés sur ce texte. Cela prendra environ une heure.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons donc maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Pierre Laurent.)

PRÉSIDENCE DE M. Pierre Laurent

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle.

Je rappelle que la discussion générale a été close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle

Chapitre Ier

Réforme de l’audiovisuel public

Avant l’article 1er

Discussion générale (suite)
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Explications de vote sur l'ensemble

M. le président. L’amendement n° 26, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après le deuxième alinéa de l’article 43-11 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’un des services de la société mentionnée au I et la société mentionnée au III de l’article 44 constituent les services référents en matière de sport et diffusent des images, des captures sonores et des commentaires des compétitions, des manifestations et des pratiques sportives et physiques qui se déroulent dans les différentes régions. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Cet amendement vise à consolider une chaîne et une radio du service public en tant que référentes en matière de sport.

Nous reprenons ainsi une proposition qui a déjà été débattue lors de l’examen du projet de loi de 2021 relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique. Elle émanait du rapport intitulé Le Sport à la télévision en France : pour laccès du plus grand nombre, pour la diversité des pratiques et des disciplines exposées, que j’avais remis au Gouvernement au mois de septembre 2016.

À cette occasion, j’avais émis le souhait de conforter le rôle du service public dans la mise en valeur du sport à la télévision et dégagé plusieurs pistes pour atteindre cet objectif, en particulier l’institution d’une chaîne référente en la matière au sein du groupe France Télévisions.

Les chiffres présentés dans ce rapport sont éloquents. En 2015, France Télévisions a diffusé un peu plus de 1 000 heures de sport.

Il s’agit de la seule société capable d’offrir au public une telle quantité d’émissions et de retransmissions – seule la chaîne L’Équipe, qui est uniquement consacrée au sport, assume également ce type de retransmissions. En outre, sa couverture multichaînes de grands événements sportifs – Tour de France, Roland-Garros, jeux Olympiques, etc. – constitue un atout supplémentaire.

Compte tenu des contraintes et des spécificités des différentes chaînes du groupe France Télévisions, j’avais à l’époque évoqué plusieurs pistes.

À mes yeux, un positionnement spécifique ne remettrait pas en cause la stratégie globale et transversale de diffusion de contenus sportifs mise en place par France Télévisions et n’aurait pas pour effet de désinvestir France 2 et France 3 de la couverture des grands événements. De plus, il serait complémentaire avec le développement de France.tv Sport.

J’espère donc que le Sénat aura à cœur d’assurer une meilleure exposition du sport dans les médias publics en clair et gratuits. Il conforterait ainsi le rôle du service public.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. On ne peut que partager l’objectif de maintenir une présence importante du sport sur les antennes du service public.

Toutefois, il ne paraît pas judicieux de préciser dans la loi la programmation de chacun des services du groupe public, car cela reviendrait en réalité à établir un conventionnement par chaîne, comme cela existe déjà pour les chaînes privées. Il semble au contraire préférable de laisser la plus grande souplesse possible aux dirigeants des chaînes, afin de définir l’identité de chaque canal et de le faire évoluer en fonction des attentes des publics.

La commission émet par conséquent un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Pourquoi vouloir créer en quelque sorte des chaînes spécialisées pour tel ou tel sport, alors que la souplesse permet une complémentarité des chaînes, comme on a pu le voir pour le Tour de France ou Roland-Garros ?

Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.

Article additionnel avant l'article 1er - Amendement n° 26
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Article additionnel avant l'article 1er - Amendement n° 99

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Pour qu’il n’y ait pas de confusion, je précise qu’il ne s’agit ni de créer une chaîne spécifique ni de remettre en cause la dimension transversale qui a été décidée.

Ma proposition consiste à désigner une chaîne référente. On sait bien ce qu’est un référent dans une équipe : il a un rôle de pilotage et de distribution des rôles. Cela permettrait de fidéliser le téléspectateur, puisque chaque événement sportif serait associé à une chaîne et ne se trouverait nulle part ailleurs.

Ce sujet reviendra dans nos débats. On ne pourra pas esquiver la discussion : le service public, qui remplit la mission de diffuser des sports qui ne sont pris en charge par aucune chaîne privée, se trouve évincé des sports de grande audience en raison du montant beaucoup trop important des droits de transmission.

Bien plus, lorsque ces manifestations ont lieu après vingt heures, France Télévisions se retrouve complètement out du fait de l’interdiction de la publicité, qui pourrait pourtant l’aider à s’acquitter de tels droits. Ainsi, les chaînes du service public risquent de ne pas pouvoir diffuser la Coupe du monde de football féminin, alors que c’est leur vocation, même si une offre conjointe avec M6 est en passe d’être formulée, semble-t-il.

Quoi qu’il en soit, cette position ne sera pas tenable longtemps. Nous avancerons d’autres propositions pour que le service public, au travers de France Télévisions, se positionne afin de diffuser les manifestations sportives à grand public.

En effet, comme nous venons de le voir, Amazon a déjà grignoté une partie de la diffusion du tournoi de Roland-Garros, laquelle revenait habituellement au service public. Il faut faire cesser ces dérives.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 26.

(Lamendement nest pas adopté.)

Explications de vote sur l'ensemble
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Article 1er

M. le président. L’amendement n° 99, présenté par Mme de Marco, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l’article 200 sexdecies du code général des impôts, il est inséré un article 200… ainsi rédigé :

« Art. 200…. – Lorsqu’elles n’entrent pas en compte pour l’évaluation des revenus des différentes catégories, ouvrent droit à un crédit d’impôt sur le revenu les sommes versées par un contribuable domicilié en France au sens de l’article 4 B, pour une durée d’un an, sous le nom de « bons pour l’indépendance de l’audiovisuel public » au titre de l’acquisition de bons émis par une société ou un établissement de l’audiovisuel public.

« Le crédit d’impôt est égal au montant un montant total des dépenses effectivement supportées par le contribuable, dans la limite de 150 euros par foyer fiscal.

« Le crédit d’impôt est imputé sur l’impôt sur le revenu après imputation des réductions d’impôt mentionnées aux articles 199 quater B à 200 bis, des crédits d’impôt et des prélèvements ou retenues non libératoires. S’il excède l’impôt dû, l’excédent est restitué.

« Les sommes mentionnées au présent article ouvrent droit au bénéfice du crédit d’impôt, sous réserve que le contribuable soit en mesure de présenter, à la demande de l’administration fiscale, un reçu répondant à un modèle fixé par l’administration établi par l’organisme auprès duquel est souscrit le premier abonnement. Le reçu mentionne le montant et la date des versements effectués ainsi que l’identité et l’adresse des bénéficiaires et de l’organisme émetteur du reçu. Il atteste que le journal, la publication périodique ou le service de presse en ligne répond à la définition prévue au premier alinéa du même présent article et que l’abonnement respecte les conditions prévues audit présent article.

« En cas de non-respect de l’une des conditions fixées au présent article ou lorsqu’il est mis fin à l’abonnement mentionné au présent article avant une durée minimale de douze mois, le crédit d’impôt obtenu fait l’objet d’une reprise au titre de l’année de réalisation de l’un de ces événements. »

II. – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.

III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. Après la suppression de la contribution à l’audiovisuel public dans la loi de finances rectificative pour 2022, le Conseil constitutionnel a émis des réserves d’interprétation destinées à garantir l’affectation des ressources suffisantes pour les sociétés publiques, afin qu’elles puissent contribuer à poursuivre leurs missions de service public.

Dans le souci de garantir des ressources pérennes pour l’audiovisuel public, j’ai repris une proposition de la commission d’enquête relative à la concentration des médias en France.

Ainsi, cet amendement vise à instaurer un crédit d’impôt pour l’acquisition de bons émis par une société audiovisuelle publique.

Il s’agit également d’une proposition de l’économiste Julia Cagé, qui a inspiré en 2022 la proposition de loi des députés Paula Forteza et Matthieu Orphelin relative à l’indépendance des médias. Cela correspond à la volonté de rendre le citoyen plus actif dans son soutien aux médias publics, afin de renforcer l’indépendance de ces derniers.

Le montant maximal, établi à 150 euros, se situe entre le montant de l’ancienne contribution à l’audiovisuel public, soit 138 euros, et le prix d’un abonnement à la plateforme Netflix, à 14 euros par mois environ.

Pour le contribuable, il s’agit d’un mécanisme fiscal plus acceptable que ne l’était la contribution à l’audiovisuel public, faute de progressivité. Il renforce le consentement à l’impôt dans une période où l’inflation pèse sur le pouvoir d’achat. Il peut s’agir d’une voie de réaffectation, comme d’une piste en faveur d’une contribution progressive.

Cette idée devrait être explorée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Cet amendement vise à créer un crédit d’impôt pour inciter les Français à financer l’audiovisuel public. Ses auteurs ne fixent cependant aucun objectif en termes de crédits attendus et ne proposent aucune évaluation du coût du dispositif pour les finances publiques.

Il paraît plus urgent de clarifier le financement de l’audiovisuel public, de son organisation et de sa gouvernance avant d’imaginer un autre dispositif, qui ne pourrait jouer qu’un rôle marginal dans le financement de l’audiovisuel public.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Je comprends l’esprit de cet amendement, qui vise à permettre une adhésion encore plus forte des citoyens à l’audiovisuel public.

Reste que l’indépendance de l’audiovisuel public est déjà garantie : nomination des dirigeants par l’Arcom et non par le Gouvernement, totale indépendance éditoriale. En outre, je ne suis pas sûre que ce soit réellement le but de cette proposition de loi…

Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 99.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel avant l'article 1er - Amendement n° 99
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Explications de vote sur l'ensemble

Article 1er

La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi modifiée :

1° Avant l’article 44, il est inséré un article 44 A ainsi rédigé :

« Art. 44 A. – La société France Médias est chargée de définir les orientations stratégiques des sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l’audiovisuel, dont elle détient directement la totalité du capital, et de veiller à la cohérence et à la complémentarité de leurs offres de programmes au service des missions définies à l’article 43-11. Pour l’accomplissement de ses missions, elle conduit des actions communes et définit des projets de développement intégrant les nouvelles techniques de diffusion et de production. Dans les conditions prévues à l’article 53, elle répartit entre ces sociétés les ressources dont elle est affectataire. » ;

2° Après le IV du même article 44, il est inséré un IV bis ainsi rédigé :

« IV bis. – A. – La société Institut national de l’audiovisuel est chargée de conserver, de mettre en valeur et d’enrichir le patrimoine audiovisuel national.

« B. – La société assure la conservation des archives audiovisuelles des sociétés nationales de programme, y compris celles des programmes qu’elles diffusent sur des services non linéaires, et contribue à leur exploitation. Elle assure la mise à disposition de ces archives auprès de ces sociétés. Elle procède également à la conservation de l’ensemble des archives audiovisuelles des filiales des sociétés mentionnées à l’article 44 A et au présent article 44 créées en application du premier alinéa de l’article 44-1 lorsqu’elles ont une activité d’édition de services ou une activité de production de programmes. La nature, les tarifs, les conditions financières des prestations documentaires et les modalités d’exploitation de ces archives sont fixés par convention entre la société et chacune des sociétés nationales de programme concernées.

« C. – La société exploite les extraits des archives audiovisuelles des sociétés nationales de programme et des filiales des sociétés mentionnées à l’article 44 A et au présent article 44 créées en application du premier alinéa de l’article 44-1 lorsqu’elles ont une activité d’édition de services ou une activité de production de programmes, dans les conditions prévues par les cahiers des charges mentionnés à l’article 48. À ce titre, elle bénéficie des droits d’exploitation de ces extraits à l’expiration d’un délai d’un an à compter de leur première diffusion, à titre exclusif vis-à-vis de ces sociétés, chacune d’elles conservant toutefois, pour ce qui la concerne, un droit de réutilisation de ses archives dans les conditions prévues par les conventions qu’elle conclut avec la société.

« La société demeure propriétaire des supports et matériels techniques et détentrice des droits d’exploitation des archives audiovisuelles des sociétés nationales de programme et de la société mentionnée à l’article 58 de la présente loi, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2020-1642 du 21 décembre 2020 portant transposition de la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels, compte tenu de l’évolution des réalités du marché, et modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le code du cinéma et de l’image animée, ainsi que les délais relatifs à l’exploitation des œuvres cinématographiques, qui lui ont été transférés avant la publication de la loi n° 2000-719 du 1er août 2000 précitée.

« La société exerce les droits d’exploitation mentionnés au présent IV bis dans le respect des droits moraux et patrimoniaux des titulaires de droits d’auteur ou de droits voisins du droit d’auteur et de leurs ayants droit. Toutefois, par dérogation aux articles L. 212-3 et L. 212-4 du code de la propriété intellectuelle, les conditions d’exploitation des prestations des artistes-interprètes des archives mentionnées au présent IV bis et les rémunérations auxquelles cette exploitation donne lieu sont régies par des accords conclus entre les artistes-interprètes eux-mêmes, ou les organisations de salariés représentatives des artistes-interprètes, et la société. Ces accords précisent notamment le barème des rémunérations et les modalités de versement de ces rémunérations.

« D. – La société peut passer des conventions avec toute personne morale pour la conservation et l’exploitation des archives audiovisuelles de cette dernière. Elle peut acquérir des droits d’exploitation de documents audiovisuels et recevoir des legs et donations.

« E. – En application des articles L. 131-2 et L. 132-3 du code du patrimoine, la société est seule responsable de la collecte, au titre du dépôt légal, des documents sonores et audiovisuels radiodiffusés ou télédiffusés ; elle participe, avec la Bibliothèque nationale de France, à la collecte, au titre du dépôt légal, des signes, signaux, écrits, images, sons ou messages de toute nature faisant l’objet d’une communication publique en ligne. La société gère le dépôt légal dont elle a la charge, conformément aux objectifs et dans les conditions définis à l’article L. 131-1 du même code.

« F. – La société contribue à l’innovation et à la recherche dans le domaine de la production et de la communication audiovisuelle. Dans le cadre de ses missions, elle procède à des études et des expérimentations et, à ce titre, produit des œuvres et des documents audiovisuels pour les réseaux actuels et futurs.

« G. – La société contribue à la formation continue et initiale et à toutes les formes d’enseignement dans les métiers de la communication audiovisuelle. Elle assure ou fait assurer la formation continue des personnels des sociétés mentionnées aux articles 44 A, 44, 45 A, 45 et 45-2 de la présente loi. » ;

3° L’article 44-1 est ainsi rédigé :

« Art. 44-1. – Pour l’exercice des missions qui leur sont assignées par le présent titre, les sociétés mentionnées aux articles 44 A, 44 et 45 peuvent créer des filiales dont le capital est détenu directement ou indirectement par des personnes publiques.

« Afin de poursuivre des missions différentes de celles prévues par le présent titre, ces sociétés peuvent également créer des filiales dont les activités sont conformes à leur objet social. »

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 3 est présenté par M. Bargeton.

L’amendement n° 12 est présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 58 est présenté par M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 83 est présenté par Mme de Marco, MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Julien Bargeton, pour présenter l’amendement n° 3.

M. Julien Bargeton. Nous entrons dans le vif du sujet, à savoir la holding…

Je présenterai cet amendement de façon détaillée, mais serai plus bref par la suite, puisque, par cohérence, j’ai déposé des amendements de suppression sur chaque article de cette proposition de loi.

Le seul avantage d’une holding, c’est de faire travailler des cabinets privés ! Pourtant, j’avais cru comprendre qu’il fallait en finir avec ces pratiques… (Sourires.) Pour la mettre en place, en effet, il va falloir mouliner et mobiliser des ressources, parce qu’une telle structure ne se crée pas du jour au lendemain.

Mes chers collègues de la majorité sénatoriale, allez donc au bout de votre logique : la fusion ! On a l’impression que vous vous arrêtez au milieu du gué, et il y a une forme d’ambiguïté à ne pas avoir choisi cette solution qui, au regard de vos préoccupations, présenterait les avantages de la holding sans en avoir les inconvénients.

En effet, on le sait, une holding coûte beaucoup d’argent, puisque l’on ajoute une strate sans rien supprimer en retour – les exemples de ce genre abondent dans notre pays, tout comme les rapports sur le sujet et les critiques envers telle ou telle réforme.

Cela se traduit par des coûts et de la bureaucratie supplémentaires.

Cela prend beaucoup d’énergie et de temps, au détriment de l’action des dirigeants au service de l’objectif qui leur est assigné.

Cela pourrait retarder les contrats d’objectifs et de moyens, qui doivent être renouvelés pour la période 2024-2028. Par conséquent, cela freinera, voire retardera des mutualisations qui sont en cours et en voie d’approfondissement.

Enfin, cela ne répond pas aux enjeux qualitatifs que sont le rajeunissement de l’audience ou l’accélération de la transition numérique.

Au fond, il aurait fallu avoir le courage d’assumer votre radicalité jusqu’au bout.

M. Max Brisson. Vous le direz à André Gattolin ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour présenter l’amendement n° 12.

M. David Assouline. Nous aurons l’occasion d’y revenir, mais, très franchement, les dispositions de cet article ressemblent à une marotte.

On aurait pu aborder cette problématique autrement en 2015. À l’époque, il y avait très peu de synergies, mais les débats d’alors, tout comme les positions du Sénat, ont servi.

En effet, depuis lors, plusieurs chaînes de Radio France ou de France Télévisions ont été poussées à travailler ensemble. Des efforts énormes et des investissements considérables ont été consentis par les salariés – eux que l’on oublie souvent –, puisqu’il faut à chaque fois un esprit pionnier pour construire une nouvelle façon de travailler. Or ils l’ont fait, et il faut les en féliciter.

Le prix à payer a été lourd : quelque 4 000 équivalents temps plein (ETP) supprimés à Radio France, qui a connu la plus grande longue grève de son histoire, et 900 emplois à France Télévisions, qui avait déjà essuyé plusieurs plans sociaux touchant des milliers de personnes.

Dans un tel contexte, malgré ces efforts et ces synergies, malgré les résultats tant dans le numérique que dans l’invention – Radio France, que l’on avait pourtant enterrée, détrône toutes les autres radios ! – et malgré la qualité des programmes – je pense à tout ce qui a trait à l’investigation –, on considère que, tant qu’il y a un salarié à France Télévisions, il est de trop. Voilà le message qu’on leur envoie, au lieu de les applaudir et de les encourager.

Enfin, nous le savons, loin de permettre une rationalisation des coûts, la création d’une holding entraînera pour l’audiovisuel public une charge supplémentaire de 20, 30 ou 50 millions d’euros, à rebours de ce que semblent vouloir les auteurs de cette proposition de loi.

M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour présenter l’amendement n° 58.

M. Jérémy Bacchi. Quelques mois après la suppression de la redevance, le service public de l’audiovisuel est, une fois de plus, remis en question, dans son modèle comme dans son offre.

Alors que le bilan des dynamiques des médias publics est plutôt positif – je l’ai souligné lors de la discussion générale –, le changement que représenterait la création d’une telle holding risque d’entraîner une nouvelle inertie des institutions publiques visées.

Pourtant, les défis auxquels doivent faire face nos entreprises de l’audiovisuel public sont immenses : numérisation, reconquête du public adolescent et jeune adulte, lutte contre la désinformation et les infox. Aussi, la mobilisation des forces vives de notre service public autour d’un projet bureaucratique ne prenant pas en compte la diversité des métiers et des savoir-faire est inutile, voire dangereuse.

D’abord, les modalités de désignation au sein de cette holding n’offrent pas de garanties suffisantes s’agissant de la préservation de l’indépendance de l’audiovisuel public.

Ensuite, le pouvoir accordé au directeur général de la holding dans la répartition du budget entre les différentes entités fait craindre, au regard de l’objectif de concurrencer les plateformes de type Netflix, que la radio ne devienne le parent pauvre de l’audiovisuel public. Le risque lié à la création de cette holding est de supprimer toute obligation en matière de diversité.

En réalité, loin de défendre le service public de l’audiovisuel, le texte qui nous est proposé risque, en pratique, de réduire un peu plus les budgets des filiales, qui sont déjà largement érodés.

M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour présenter l’amendement n° 83.

Mme Monique de Marco. La création d’une holding rassemblant France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA n’est pas souhaitable.

À notre sens, cette proposition ne repose sur aucune justification valable, pas même budgétaire. Nous avons suffisamment de recul pour savoir qu’une telle évolution aurait pour conséquence d’accroître non seulement les coûts de fonctionnement, mais également l’inquiétude des salariés.

Derrière ce projet, il y a évidemment la volonté d’ouvrir la voie à de nouveaux plans de restructuration. Cela n’est pas sans risques pour le pluralisme et la diversité électorale.

L’identité de RFI, par exemple, sera complètement diluée au sein de France Médias Monde. Et les salariés de Radio France craignent la marginalisation de leur média, au bénéfice de contenus visuels. Or la radio est le média le plus accessible à toutes les catégories de la population.

Le journalisme et la production audiovisuelle de qualité ont un prix. Il est donc nécessaire de renforcer les moyens accordés au journalisme de terrain, aux équipes d’envoyés spéciaux, et non pas ceux des technostructures.

C’est pourquoi nous nous opposons à la création de cette holding.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces amendements de suppression.

J’aimerais revenir sur l’argument, souvent mis en avant, du coût de la holding. C’est un faux débat. La présidente de France Télévisions dit elle-même qu’aucune étude n’a été faite sur le sujet. L’argument vise donc avant tout à défendre le statu quo, quand bien même celui-ci risque d’être fatal à l’audiovisuel public.

Notre collègue Laurent Lafon a toujours défendu l’idée d’une structure souple et légère. Les auditions que nous avons menées ont montré que c’était possible. Selon la grille des rémunérations que nous avons obtenue, une équipe constituée d’une vingtaine de personnes coûterait environ 3 millions d’euros. À noter que la majeure partie de ces personnes travaillent déjà dans les entreprises considérées. Il s’agit donc d’un coût brut, et non d’un coût net.

Ces 3 millions d’euros correspondent à peu de chose près – pardon pour cette légère imprécision – au montant des hospitalités que France Télévisons vient de dépenser à l’occasion du Festival de Cannes. Or je n’ai entendu personne dans cet hémicycle dénoncer une telle dépense, qui n’était peut-être pas tout à fait indispensable…

J’ajoute que la nomination d’un responsable unique de la stratégie ayant la possibilité de trancher enfin les différends entre les filiales fera économiser beaucoup de temps et d’argent.

Avec une telle gouvernance, France Télévisions n’aurait pas eu besoin de s’aventurer, par exemple, dans Salto,…

M. Max Brisson. Très bien !

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. … qui lui a fait perdre 80 millions d’euros, car un agrégateur de l’ensemble de l’audiovisuel public existerait depuis des années. La chaîne France Info aurait été développée de manière attractive, sur la base de France 24. L’offre de proximité serait déjà effective.

En somme, l’audiovisuel public du futur serait déjà, et depuis longtemps, une réalité.

M. Max Brisson. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Ainsi que j’ai eu l’occasion de l’indiquer lors de la discussion générale, je suis favorable aux amendements de suppression, puisque je suis défavorable à la création de cette holding.

Oui à une nouvelle ambition de l’audiovisuel public pour les cinq prochaines années ! Oui à une traduction de cette ambition dans les contrats d’objectifs et de moyens (COM) en renforçant les coopérations et leur suivi ! Oui à plus de souplesse, de concertation, d’avancées pragmatiques et ambitieuses ! Mais non à la bureaucratie ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Max Brisson. C’est la meilleure, celle-là !

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Non aux lourdeurs d’organisation ! Et non à une strate hiérarchique qui aurait pour effet d’affaiblir et de disperser les énergies !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Le débat ne porte pas sur la coopération entre les acteurs, qui – tout le monde en convient – fonctionne très bien.

La question est de savoir si l’on continue avec les COM ou si, n’étant pas satisfaits de ces derniers, on essaie une autre organisation permettant d’aller plus loin, plus vite en matière de coopération entre les différents acteurs.

Si nous proposons une holding, c’est parce que nous avons à présent du recul sur l’efficacité ou plutôt, devrais-je dire, l’inefficacité des COM. Notre point de vue sur le sujet n’a rien de subjectif ; il se fonde sur ce qu’en dit l’Arcom, qui est chargée de les contrôler.

Dans son avis du 7 octobre 2022 relatif au rapport d’exécution des COM, l’Arcom indique : « Dans son avis du 15 janvier 2021 sur les projets de COM, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) avait regretté le manque d’ambition de ces derniers en matière de synergies au sein de l’audiovisuel public et l’absence de structure de pilotage ou de coordination des chantiers communs. […] De fait, la coopération au sein de l’audiovisuel public demeure limitée et la convergence TV-radio est très en deçà de la situation d’autres services publics européens. »

Le point de vue de l’Arcom est malheureusement corroboré par les faits.

Premier exemple, les synergies immobilières. Sur les soixante-deux implantations mutualisables, c’est-à-dire situées dans une même ville, seules cinq font ou ont fait l’objet d’une mutualisation.

Les formations mutualisées ne représentent que 2 % à France Télévisions et 5 % à Radio France.

Alors que la généralisation des matinales communes entre France 3 et France Bleu était initialement prévue en 2022, l’objectif n’est pas atteint. Il ne le sera pas avant, au mieux, 2025, selon Philippe Martinetti, directeur du réseau régional de France 3.

Les marchés groupés, qui devraient permettre de faire des économies et de supporter largement le coût de la holding, sont marginaux, comme le note l’Arcom dans son rapport de la fin de l’année 2022. On en a dénombré seulement quarante, pour un montant cumulé de 45 millions d’euros, à comparer au budget global de plus de 3,5 milliards d’euros. On voit bien que les COM ne fonctionnent pas !

On pourrait évidemment se satisfaire des annonces faites lors de la négociation et de la signature de ces COM, mais il vaudrait mieux avoir la lucidité de mesurer les résultats – et ceux-ci ne sont pas bons !

M. Max Brisson. Très bien !

Article 1er
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Article 1er bis (nouveau)

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. D’un point de vue politique, je suis admiratif : Salto a fait des émules ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Franchement ! J’entends notre collègue Bargeton, ou vous-même, madame la ministre, s’étonner et dire : « Comment ? Mais quelle horreur ! La création d’une holding serait bureaucratique ! Mais qu’est-ce que vous imaginez à droite ? »

La holding, je le rappelle, figurait voilà trois ans dans le projet de loi de Franck Riester, votre collègue au Gouvernement, qui fut ministre de la culture. J’en déduis que ce n’est pas chez nous qu’a germé l’idée d’une holding. L’idée circulait dans les milieux gouvernementaux, dans les ministères et dans une partie de cet hémicycle voilà déjà quatre ans. Il faut rester un peu cohérent avec ce qui a été dit auparavant.

Je partage les propos de Laurent Lafon : si les convergences avaient magnifiquement fonctionné, depuis le temps qu’on en parle – cela fait sept ou huit ans –, si elles étaient évidentes, personne ici ne viendrait parler de fusion ou de holding aujourd’hui ; on se satisferait des résultats probants des convergences, et on continuerait d’avancer à ce rythme.

Tout le monde, y compris les responsables de l’audiovisuel – ce n’est pas seulement l’Arcom –, convient qu’il faudrait faire plus et mieux en matière de convergences. Le problème, c’est qu’au bout de sept ou huit ans nous n’avons pas obtenu les résultats attendus.

Si on ne change rien, on envoie le signal à tout le monde, y compris aux acteurs, qu’aucune modification de structure n’interviendra et qu’on peut continuer au rythme actuel. La notion de holding doit permettre de secouer le cocotier pour que les choses bougent.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Le problème, c’est que la holding n’est pas juste une « notion » destinée à « secouer le cocotier » ; c’est une réalité ! Projetons-nous donc sur sa mise en œuvre.

Vous nous dites que les résultats sont insuffisants et que l’on peut faire mieux ? Soit. Le problème, c’est que l’outil holding ne répond pas aux difficultés rencontrées.

Si, demain, une réorganisation complète de toutes ces sociétés était mise en œuvre, toute l’énergie, toute l’attention seraient tournées vers la réorganisation, avec ce que cela suppose de guerres internes, de guerres de pouvoir, d’instabilité pour les personnels, de conflits sociaux, de craintes, justifiées ou non. Il vaudrait mieux aujourd’hui relever les avancées qu’il convient de faire et agir pour que les personnels soient tournés vers une seule chose : la qualité du service public, des émissions et des programmes proposés. Voilà l’enjeu !

Dans les médias, il faut porter une attention permanente à la qualité ; si l’on s’effondre un jour, on perd pied ! Les résultats des audiences mesurés par Médiamétrie tombent tous les jours. Tous les personnels de ces chaînes de télévision et de radio sont mobilisés de façon extraordinaire pour être à la hauteur et tenir, face aux Gafam d’un côté, à la concurrence, tout à fait légitime, des chaînes privées, de l’autre. Il faut tenir son rang !

Et, aujourd’hui, vous voudriez que toute cette énergie soit mobilisée pour une réorganisation ? Est-ce que cela en vaut la peine ? Si la qualité des programmes s’effondrait, si l’audimat était en chute, on serait d’accord pour mettre en œuvre une thérapie de choc. Mais, concrètement, la création d’une holding aujourd’hui aurait pour effet de désorganiser et de démoraliser les personnels.

L’attention portée au public, qui devrait être en tête des préoccupations, sera alors la dernière roue du carrosse !

M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.

M. Julien Bargeton. Depuis 2020, le contexte a changé. Une forme de pression a disparu ; le débat a prospéré. (M. Roger Karoutchi sesclaffe.)

Le fait que deux dirigeantes, et non des moindres – Delphine Ernotte et Sibylle Veil –, se soient prononcées au mois de février 2023 pour un plan stratégique unique, avec des propositions d’objectifs communs, de socle commun à l’ensemble des COM et de travail sur la proximité, ce n’est pas rien.

On pourrait évaluer les coopérations et s’assurer qu’elles sont réellement renforcées. Mais il faut aussi, à un moment, faire confiance aux acteurs, qui ont changé de discours et de posture sur le sujet. Les sociétés ont compris qu’elles devaient aller plus vite en la matière et renforcer les coopérations et les mutualisations. Il faut le souligner, car c’est un point important. Un peu de pragmatisme ne nuit pas.

La solution proposée ne permet pas de répondre aux problèmes très concrets qui se posent. La création d’une holding ne permettra pas de rajeunir les audiences !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Mme Catherine Morin-Desailly. Je souhaite apporter un éclairage sur cette question très importante.

La création de la holding est au cœur de la proposition de loi. L’idée ne vient pas de nulle part. Elle résulte d’un travail de fond, extrêmement important, effectué depuis des années par notre commission, avec une convergence de vues.

L’idée était déjà dans les tuyaux en 2009 quand on a pris conscience que la transition vers le numérique allait nous contraindre à aborder la question des publics non plus en silo, en vantant chaîne par chaîne, groupe par groupe, la programmation audiovisuelle, mais par portes d’entrée thématiques.

David Assouline réclame à juste titre une meilleure lisibilité sur le sport. Je partage totalement cette ambition, mais je ne suis pas sûre que la bonne porte d’entrée aujourd’hui soit une chaîne dédiée au sport. Je pense qu’il faut plutôt acter le fait que le sport est transversal : des commentaires sportifs sont diffusés à la radio, les manifestations sportives de proximité sont relayées par France 3 et France Bleu – on le voit tous les week-ends dans nos départements –, les grandes manifestations, nationales ou internationales, sont retransmises sur France 2.

Ce qu’il faut, c’est rendre cette porte d’entrée généraliste sur le sport à la fois lisible et cohérente et prévoir des enrichissements mutuels, de manière transversale, et non en silo.

Créer une holding, c’est répandre l’idée que, désormais, on doit travailler par thématiques. France Culture, France Médias Monde, ce sera France Culture, France Infos, Eurosport, France jeunesse : le rajeunissement de l’audience doit être un objectif partagé. On est tous en ordre de marche pour faire les investissements qui vont ensemble, de manière stratégique.

Je pense très sincèrement que, pour aller plus loin dans les coopérations, il faut un chef d’orchestre, non pas pour décourager les personnels, mais au contraire pour les mettre tous en ordre de marche, afin de pérenniser leur modèle. Ce n’est pas pour rien que l’ensemble des audiovisuels publics européens ont fait leur mue depuis longtemps vers ce modèle. Réfléchissons-y ! Regardons autour de nous.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Tout ne passe pas par des convergences. On le sait, certaines priorités vont nécessiter des coopérations accrues. Les entreprises y sont prêtes et font des propositions très concrètes, notamment en matière de lutte contre la désinformation. Cet enjeu est absolument crucial ; pour moi, il est même primordial.

Dans d’autres domaines, comme le numérique, on sait très bien – on a vu ce qui se passe chez nos voisins européens – que les plateformes audio et vidéo sont séparées. Même la BBC a séparé de nouveau ces plateformes.

Toutes les priorités ne passent pas par des coopérations, des convergences ou des fusions. Il faut scinder les sujets.

Je reviens sur la nécessité de faire preuve d’ambition dans quelques champs prioritaires. Toutes nos discussions au cours des derniers mois montrent que nous sommes largement d’accord au moins sur les grands enjeux : la création, la jeunesse, le numérique, l’information et la proximité.

On a bien vu que France Info a pu se faire sans holding, de même qu’Ici, la plateforme France 3-France Bleu. On pourrait aller plus vite, mais on avance. Nous le savons, les synergies immobilières prennent de nombreuses d’années, quel que soit le schéma.

Les projets de coopération, quand ils sont justifiés, compris, portés par les équipes, se font sans qu’il y ait besoin de réorganisation.

Compte tenu de l’accélération depuis trois ans de la désinformation et de l’hégémonie des plateformes, il me paraît plus urgent d’approfondir les coopérations telles qu’elles sont lancées – nous avons les moyens de renforcer leur suivi dans les contrats d’objectifs et de moyens – plutôt que d’orienter toutes les énergies vers une nouvelle organisation et un mécano institutionnel, qui va nécessairement prendre énormément de temps.

On sait combien il a fallu de temps, quand France Télévisions est devenue France Télévisions, pour créer une holding, puis une fusion, soit entre neuf et douze ans. Est-il préférable de consacrer autant de temps au mécano institutionnel ou d’avancer sur les priorités sur lesquelles nous sommes d’accord ?

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3, 12, 58 et 83.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

Explications de vote sur l'ensemble
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Article 2

Article 1er bis (nouveau)

Avant l’article 45 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, il est inséré un article 45 A ainsi rédigé :

« Art. 45 A. – La société TV5 Monde a pour mission principale de contribuer à la diffusion et à la promotion de la langue française, de la diversité culturelle de la francophonie et de l’expression de la créativité audiovisuelle et cinématographique, ainsi que des autres industries culturelles francophones dans le monde, notamment par la production, la programmation et la diffusion d’émissions de télévision ou l’édition de services de communication au public en ligne.

« Ses missions et son fonctionnement sont définis par voie de convention entre la société et des Gouvernements bailleurs de fonds. »

M. le président. L’amendement n° 84, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. Sur proposition du rapporteur, la chaîne TV5 Monde a été intégrée à la holding.

Pour les raisons que j’ai évoquées précédemment, une telle intégration n’est pas souhaitable, la chaîne devant disposer des moyens de remplir ses missions spécifiques dans toute la francophonie.

TV5 a été créée en 1984, afin de matérialiser l’unité linguistique des francophones à travers le monde et constitue un opérateur de l’Organisation internationale de la francophonie. Son capital se partage entre les sociétés audiovisuelles publiques française, belge, suisse, canadienne et monégasque.

Au-delà des limites déjà évoquées de la holding se pose la question juridique du respect des droits des autres actionnaires de TV5 Monde, après une intégration unilatérale de la part française au capital de la holding.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. La disposition prévue à l’article 1er bis figurait dans le projet de loi de Franck Riester et visait à rappeler aux autres gouvernements bailleurs de TV5 Monde l’engagement de la France dans le financement de la chaîne francophone internationale. Elle est très attendue par la direction de la chaîne, qui nous l’a indiqué en audition.

C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 84.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er bis.

(Larticle 1er bis est adopté.)

Article 1er bis (nouveau)
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Article 3

Article 2

L’article 47 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi rédigé :

« Art. 47. – L’État détient directement la totalité du capital de la société France Médias.

« Cette société, ainsi que les sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l’audiovisuel, sont soumises à la législation sur les sociétés anonymes ainsi qu’à l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique, sauf dispositions contraires de la présente loi. Leurs statuts sont approuvés par décret.

« Dans les conditions prévues à l’article 15 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée, des commissaires du Gouvernement sont désignés auprès des sociétés France Médias, France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l’audiovisuel. »

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 4 est présenté par M. Bargeton.

L’amendement n° 13 est présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 59 est présenté par M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 85 est présenté par Mme de Marco, MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Julien Bargeton, pour présenter l’amendement n° 4.

M. Julien Bargeton. Ayant proposé la suppression de l’article 1er, je propose, par cohérence, celle de l’article 2, qui dispose que le capital de la holding est détenu par l’État.

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour présenter l’amendement n° 13.

Mme Sylvie Robert. Cet amendement vise à supprimer l’article 2, qui prévoit la nomination de commissaires du Gouvernement dans chacune des sociétés de la holding.

Une telle possibilité existe légalement pour les sociétés dans lesquelles l’État dispose d’un représentant et dont il détient au moins la moitié du capital. Ces commissaires n’ont qu’une voix consultative, sauf dispositions légales contraires – il n’y en a pas ici, heureusement ! –, dans les conseils d’administration auxquels ils assistent.

Néanmoins, la nomination de commissaires du Gouvernement dans les conseils d’administration de chacune des sociétés vise encore à renforcer la mise sous tutelle de l’audiovisuel public : pas moins de cinq administrateurs sont nommés par l’État au sein de la holding, aucune compétence précise n’étant requise, plus le président, soit la moitié des membres, et deux dans les conseils d’administration des quatre sociétés sous tutelle…

À quoi serviront ces commissaires du Gouvernement si ce n’est à accroître la pression exercée par l’État, au détriment de l’indépendance des médias et des rédactions ?

M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour présenter l’amendement n° 59.

M. Jérémy Bacchi. Créer une superstructure rassemblant des entités dont les programmes et les métiers correspondent à des réalités et à des missions très différentes alourdirait considérablement le fonctionnement du service public de l’audiovisuel. Comme je l’ai indiqué, une telle mesure serait aussi budgétivore.

Une telle mesure est inutile, puisque les entreprises de l’audiovisuel public coopèrent déjà et ces coopérations s’amplifient. J’en veux pour preuve la création de France TV ou encore d’Ici, qui sont tous deux le résultat d’une coopération fructueuse entre France TV et Radio France.

De plus, les mutualisations informatiques peuvent tout à fait être envisagées sans la mise en place d’une holding. Par exemple, un club data animé par l’INA doit bientôt voir le jour.

En réalité, votre proposition aura pour seul effet d’alourdir la structure de l’audiovisuel en mettant en place un étage décisionnel supplémentaire, qui laisse présager des années d’immobilisme, à l’heure où l’évolution rapide de ce secteur nécessite au contraire de l’agilité, de l’adaptabilité et des décisions rapides.

M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour présenter l’amendement n° 85.

Mme Monique de Marco. Nous nous opposons à cet article, comme aux autres dispositions du chapitre Ier.

Cet article, qui vise en apparence à protéger l’audiovisuel public, est en réalité un leurre, la détention intégrale du capital de la holding par l’État ne permettant en aucun cas de garantir qu’un niveau de ressources satisfaisant sera maintenu, fortiori lorsque le même texte prévoit par ailleurs la possibilité de revoir les conventions stratégiques pluriannuelles avant leur terme.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. La commission est bien évidemment défavorable à ces amendements de suppression.

Je rappelle juste que la nomination de commissaires du Gouvernement n’est en rien nouvelle ; elle figurait déjà dans le projet de loi de Franck Riester, par coordination avec la loi de 1986. L’argument sur la nouveauté de la mesure ne tient donc pas.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Je suis pour ma part favorable aux amendements de suppression, par cohérence avec ce que j’ai indiqué précédemment.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Un tel mode de nomination figurait peut-être déjà dans le projet de loi de Franck Riester, mais il n’est pas cohérent avec les principes qui ont jusqu’ici guidé la manière dont l’on appréhendait la gouvernance du service public de l’audiovisuel.

Je vois que le rapporteur a changé son fusil d’épaule sur le mode de nomination du PDG et qu’il a entendu ce que nous lui proposions ; mais nous y reviendrons ultérieurement. Cela étant, le président désignera tout de même les directeurs généraux. Il n’y aura plus de COM par société. C’est lui, enfin, qui décidera des sommes qui seront versées à chaque société.

Jusqu’à présent, en tant que parlementaires, nous donnions notre avis sur chaque COM et sur chaque ligne budgétaire. C’est fini !

Et l’on assiste au triomphe d’une gestion très bureaucratique – je ne m’attendais pas à cela de la part du groupe Les Républicains ! –, où tout viendrait d’en haut, au détriment des initiatives et de la souplesse. Je suis d’ailleurs heureux qu’un communiste ait plaidé pour l’agilité et la souplesse face à la bureaucratie que nous propose le groupe Les Républicains. Les temps changent ! C’est bien que les débats puissent évoluer en ce sens.

Je ne comprends pas que vous ne voyiez pas quels problèmes posent ce mode de gestion, l’usine à gaz que vous créez, la perte de contrôle du Parlement et le fait de brider l’indépendance de l’audiovisuel public à l’égard du pouvoir politique.

D’ailleurs, monsieur le rapporteur, c’est contradictoire avec tout ce que vous avez dit en commission d’enquête, lorsque vous dénonciez un service public « à la botte du pouvoir ». Vous appeliez alors à en finir avec cela. Vous n’en prenez clairement pas le chemin !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 4, 13, 59 et 85.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2
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Article 4

Article 3

Les articles 47-1 à 47-5 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée sont ainsi rédigés :

« Art. 47-1. – Le conseil d’administration de la société France Médias comprend, outre le président-directeur général, onze membres. Leur mandat, d’une durée de cinq ans, est renouvelable. Le conseil d’administration comprend :

« 1° Un député et un sénateur désignés par la commission permanente chargée des affaires culturelles de leur assemblée respective ;

« 2° Un représentant de l’État nommé dans les conditions prévues à l’article 4 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique ;

« 3° Deux administrateurs nommés dans les conditions prévues au II de l’article 6 de la même ordonnance ;

« 4° Deux personnalités indépendantes nommées par décret, après avis conforme de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique ;

« 5° Deux personnalités indépendantes désignées par le conseil d’administration de la société, dont l’une au moins bénéficie d’une expérience reconnue à l’international, après avis conforme de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique ;

« 6° Deux représentants des salariés élus en application du chapitre II du titre II de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public.

« Le président-directeur général de la société France Médias est président des conseils d’administration des sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l’audiovisuel.

« Pour les nominations effectuées en application des 2° et 3° du présent article, prises ensemble, ainsi que des 1°, 4° et 5°, prises séparément, l’écart entre le nombre de personnes de chaque sexe n’est pas supérieur à un.

« Art. 47-2. – Le conseil d’administration des sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l’audiovisuel comprend, outre le président, neuf membres. Leur mandat, d’une durée de cinq ans, est renouvelable. Le conseil comprend :

« 1° Un député et un sénateur désignés par la commission permanente chargée des affaires culturelles de leur assemblée respective ;

« 2° Un représentant de l’État nommé dans les conditions prévues à l’article 4 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique ;

« 3° Un administrateur nommé dans les conditions prévues au II de l’article 6 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée ;

« 4° Deux personnalités indépendantes désignées par le conseil d’administration de la société France Médias, dont une parmi les personnes nommées au titre des 4° et 5° de l’article 47-1 de la présente loi ;

« 5° Deux représentants des salariés élus en application du chapitre II du titre II de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public ;

« 6° Le directeur général nommé dans les conditions prévues à l’article 47-3 de la présente loi.

« Pour les nominations effectuées en application des 2° et 3° du présent article, prises ensemble, ainsi que des 1° et 4°, prises séparément, l’écart entre le nombre de personnes de chaque sexe n’est pas supérieur à un.

« Art. 47-3. – I. – Le président-directeur général de la société France Médias est nommé pour cinq ans par décret délibéré en conseil des ministres, sur proposition du conseil d’administration, après avis conforme de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique et après avis des commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat en application de la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.

« Pour l’application du premier alinéa du présent I, la commission permanente compétente dans chaque assemblée est celle chargée des affaires culturelles.

« II. – Les directeurs généraux des sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l’audiovisuel, sont nommés pour cinq ans par le conseil d’administration de chaque société, sur proposition de son président, à la majorité des membres qui le composent et après avis conforme de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.

« Si le conseil d’administration de la société concernée décide, sur proposition de son président, de ne pas reconduire le directeur général des sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l’audiovisuel dans ses fonctions, il rend publique sa décision au plus tard quatre mois avant l’échéance du mandat du titulaire.

« Par dérogation au sixième alinéa de l’article 93-2 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, les directeurs généraux de ces quatre sociétés en sont les directeurs de la publication.

« III. – Les candidats au renouvellement de leur mandat ne prennent pas part aux procédures mises en œuvre par les conseils d’administration pour l’application du présent article.

« Art. 47-4. – Le mandat du président-directeur général de la société France Médias peut lui être retiré par décret délibéré en conseil des ministres suite à une décision motivée du conseil d’administration de cette société ayant fait l’objet d’un avis conforme de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.

« Le mandat des directeurs généraux des sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l’audiovisuel peut leur être retiré, par le conseil d’administration de chaque société, sur proposition de son président, à la majorité des membres qui le composent et après avis conforme de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.

« Les titulaires des mandats mentionnés aux premier et deuxième alinéas du présent article ne prennent pas part aux décisions mentionnées aux mêmes premier et deuxième alinéas.

« En cas de vacance, pour quelque cause que ce soit, d’un ou plusieurs sièges de membre du conseil d’administration des sociétés mentionnées aux articles 44 A et 44, le conseil d’administration délibère valablement jusqu’à la désignation d’un ou des nouveaux membres, sous réserve du respect des règles du quorum. En cas de vacance, pour quelque cause que ce soit, de la présidence du conseil d’administration, le doyen d’âge des personnalités indépendantes exerce les fonctions de président-directeur général.

« Art. 47-5. – En cas de partage des voix au sein du conseil d’administration d’une des sociétés mentionnées aux articles 44 A et 44, celle du président est prépondérante. »

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 5 est présenté par M. Bargeton.

L’amendement n° 14 est présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 60 est présenté par M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 86 est présenté par Mme de Marco, MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Julien Bargeton, pour présenter l’amendement n° 5.

M. Julien Bargeton. Cet amendement est défendu.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour présenter l’amendement n° 14.

M. David Assouline. Par cet amendement, nous demandons la suppression de l’un des articles phares du texte, celui qui prévoit le mode de gouvernance de la holding et les modalités de désignation des membres des conseils d’administration.

Je l’ai dit, la holding, c’est la fin de l’indépendance de chacune des quatre sociétés concernées : France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA, Arte étant préservée grâce au traité qui lie la France à l’Allemagne et TV5 Monde par le fait que son capital n’est pas détenu intégralement par la France.

C’est la fin également des présidents de chaque société. De simples directeurs généraux, un par société, seront placés sous la tutelle du président tout-puissant de la holding. Ils n’assumeront que des tâches ingrates ou potentiellement à risques, comme la gestion des mouvements de grève. Et il risque d’ailleurs d’y en avoir avec cette réforme !

Les directeurs généraux des quatre sociétés en seront les directeurs de la publication, par dérogation au droit commun des médias.

Le super président-directeur général de France Médias Monde sera nommé non pas par décret en conseil des ministres, mais par l’Arcom, comme nous le souhaitions, le rapporteur ayant accédé à notre demande en commission. On en revient ainsi à une avancée de la loi relative à l’indépendance de l’audiovisuel public de 2013, la gauche ayant mis fin dans ce texte au mode de nomination instauré au cours du quinquennat de Nicolas Sarkozy.

Je me réjouissais des bruits qui couraient à propos du dépôt d’amendements de la part de la majorité sur le mode de nomination. Je suis content que le débat soit derrière nous, même si le résultat n’est pas entièrement satisfaisant : nous avons été entendus et le danger a été identifié.

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 60.

Mme Céline Brulin. Nous proposons la suppression de l’article 3, qui traite de la gouvernance de cette holding et, notamment, de la nomination par son PDG des différents directeurs des entités la composant.

Nous nous opposons à cet article, car la création d’une holding et la mise en place de ce que vous appelez les « synergies » sont présentées comme la réponse à l’ensemble des difficultés et des enjeux auxquels l’audiovisuel public doit faire face.

Or l’un des enjeux qui devraient nous faire réfléchir est précisément la nécessité d’assurer la qualité, la diversité, ainsi que des financements pérennes.

Vous semblez très sereine, madame la ministre, sur la pérennité des financements de l’audiovisuel. L’article laisse pourtant transparaître que le PDG aura la mainmise sur la répartition des fonds entre les différentes entités, dans un contexte où, à notre sens, celle-ci n’est pas garantie.

Ce n’est en effet pas de même nature selon que les financements sont accordés par l’État ou proviennent de la redevance, que Jack Ralite se plaisait à qualifier de forme d’actionnariat populaire.

Si, dans quelques mois ou dans quelques années, ces financements venaient à être remis en question, le PDG déciderait alors de la répartition des fonds entre les différentes entités. Nous avons évoqué la situation de la radio, qui pourrait se retrouver le parent pauvre de cette répartition, mais nous pourrions mentionner de nombreux autres sujets.

Il nous semble donc que cette gouvernance, même examinée de manière plus détaillée, pose de nombreux problèmes, au-delà de la seule question de la holding.

M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour présenter l’amendement n° 86.

Mme Monique de Marco. À l’instar des articles précédents, l’article 3, qui est relatif aux règles de gouvernance au sein de la holding, ne nous satisfait pas.

La complexité des articulations juridiques entre les rôles du président de la holding et du directeur de chaque société annonce à nos yeux des difficultés futures, qui risquent de prendre le pas sur la coopération et sur les synergies.

Il est même probable que le nouveau président estime rapidement que la prise de décision suppose d’être en nombre impair et que trois personnes, ce serait déjà trop !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Comme il s’agit d’amendements de suppression, l’avis est, sans surprise, défavorable.

J’aurai l’occasion de présenter tout à l’heure le dispositif prévu en défendant l’amendement n° 100.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Comme il s’agit d’amendements de suppression, j’y suis favorable, en cohérence avec mes positions précédentes. (Sourires.)

Je tiens à répondre à la sénatrice Brulin sur la redevance. Nous n’allons pas rouvrir ici le débat que nous avons eu l’été dernier : nous avons compensé à l’euro près le financement qui était tiré de la contribution à l’audiovisuel public, en en compensant les effets fiscaux.

La redevance en elle-même n’était en rien une garantie d’indépendance. L’indépendance, encore une fois, découle du mode de nomination des dirigeants, qui est aujourd’hui du ressort de l’Arcom, qui a succédé au CSA. Elle implique le respect total de la liberté éditoriale, à laquelle je suis absolument attachée.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5, 14, 60 et 86.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 27, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par les mots :

, dont l’une des deux est chargée de veiller à l’impartialité de l’information

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. L’objet de cet amendement s’inspire des trente-deux propositions de la commission d’enquête visant à mettre en lumière les processus ayant permis ou pouvant aboutir à une concentration dans les médias en France et à évaluer l’impact de cette concentration dans une démocratie.

Nous avions envisagé, pour le secteur privé, la nomination dans tous les conseils d’administration d’un administrateur chargé de veiller à l’impartialité et à l’indépendance de l’information.

Je me souviens que M. Hugonet, suspicieux envers le service public, nous incitait à tourner notre regard plutôt vers ce dernier. J’avais répondu qu’il n’y avait aucun problème à généraliser la mesure et à prévoir un administrateur garant de l’indépendance de l’information et de l’absence d’ingérence sur les contenus proposés dans l’ensemble des conseils d’administration.

Et comme nous discutons aujourd’hui de l’audiovisuel public, je reprends cette proposition et vous la soumets.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. L’impartialité de l’information sur les antennes du service public constitue l’un des fondements de son identité et de sa légitimité.

Pourtant, elle ne figure pas aujourd’hui parmi les critères qui s’imposent aux antennes publiques selon les termes du quatrième alinéa de l’article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Par conséquent, aucune autorité n’est chargée de veiller à son respect, ce qui crée des polémiques portant un préjudice évident au service public et affaiblissant sa légitimité.

L’amendement proposé tend à apporter un élément de réponse pour garantir l’impartialité de l’information sur le service public. Il me semble important d’y apporter notre plein soutien.

Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. N’étant pas favorable à la création d’une holding, je ne commenterai pas chaque proposition relative à la composition de son conseil d’administration. Je demande le retrait de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Madame la ministre, vous n’aurez pas cette attitude tout au long du débat, puisque vous émettrez des avis sur certains amendements, alors que vous vous opposez à la proposition de loi dans son ensemble, ainsi qu’à la holding.

Néanmoins, je souhaite justifier notre position. Nous sommes également défavorables à la holding. Simplement, nous mettons des propositions en débat, ce qui ne nous empêchera pas de voter contre l’article au final.

Le débat que nous ouvrons avec notre proposition doit également s’élargir aux grands groupes privés, au sein desquels nous avons constaté, en commission d’enquête, des ingérences évidentes. Un article dans Le Monde la semaine dernière évoquait la fin du processus d’acquisition de Lagardère par Bolloré. Cela concerne également Bernard Arnault. Tous nous avaient pourtant assuré, lors des auditions menées dans le cadre de la commission d’enquête, qu’ils ne feraient jamais ingérence. Or ce qui est nous est dévoilé relève bien plus que de l’ingérence : certains articles n’ont pas été produits du fait d’injonctions ou, au minimum, d’une très forte autocensure.

Ce que nous proposons ne vise pas exclusivement le service public. Ce n’est pas là, me semble-t-il, que se posent de véritables problèmes d’impartialité, compte tenu des processus de production de l’information, de la déontologie, de la qualité des journalistes et de la tradition tant de Radio France que de France Télévisions.

Néanmoins, dans tous les conseils d’administration des grands groupes, privés ou publics, un administrateur chargé de veiller à l’indépendance de l’information peut, je le crois, être une bonne sentinelle.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 27.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 30, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 17 et 22

Remplacer le mot :

directeur

par les mots :

président-directeur

II. – Alinéas 21, 23 et 26

Remplacer le mot :

directeurs

par les mots :

présidents-directeurs

La parole est à Mme Sylvie Robert.

Mme Sylvie Robert. Cet amendement de repli tend à prévoir que les dirigeants des quatre sociétés sous tutelle de la holding auront toujours le titre de président.

Afin de garantir une certaine autonomie à ces sociétés, il ne semble pas approprié de les réduire à de simples « directeurs généraux ». Notre amendement vise à les transformer en « présidents-directeurs généraux ».

Loin d’être un simple symbole, cette désignation ouvrirait aux dirigeants concernés le droit de présider leur conseil d’administration, plutôt que de simplement assister le PDG de France Médias.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Il est très important que le président-directeur général de la société holding soit également président non exécutif du conseil d’administration des quatre filiales, afin de veiller à la cohérence de la mise en œuvre de la stratégie commune.

Pour autant, l’alinéa 23 de l’article 3 prévoit que les directeurs généraux seront, par dérogation à l’article 93-2 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, directeurs de la publication. Ils conserveront donc la responsabilité entière de la ligne éditoriale ; la holding doit se limiter à la définition de la stratégie et à la répartition des moyens.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 30.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 100, présenté par M. Hugonet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 19

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. 47-3.- I. – Le président-directeur général de la société France Médias est nommé pour cinq ans par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique sur proposition du conseil d’administration de la société. Un comité de nomination constitué au sein du conseil d’administration veille à garantir la transparence des critères de sélection, l’équité entre les candidats et la compétence des personnes dont il soumet les noms au conseil d’administration.

II. – Alinéa 20

Supprimer cet alinéa.

III. – Alinéa 25

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. 47-4. – Le mandat du président-directeur général de la société France Médias peut lui être retiré par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique à la suite d’une décision motivée du conseil d’administration de cette société.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Tenant compte des avis exprimés et du travail réalisé, nous proposons, par cet amendement, de simplifier le processus de sélection du président de France Médias et de renforcer les garanties concernant le choix des candidats.

La nomination par décret en conseil des ministres est abandonnée, au bénéfice d’une nomination par l’Arcom. Toutefois, c’est le conseil d’administration de la société qui aura la responsabilité de proposer un nom à l’Arcom, comme il lui revenait de proposer un nom au Président de la République.

Afin de renforcer les garanties attachées au processus de sélection, l’amendement tend également à prévoir la création d’un comité de nomination au sein du conseil d’administration. Celui-ci devra veiller à garantir la transparence des critères de sélection, l’équité entre les candidats et la compétence des personnes dont il soumet les noms au conseil d’administration ; il aura en outre l’obligation d’en soumettre au moins deux.

De même, c’est l’Arcom, et non plus le chef de l’État, qui aura le pouvoir de retirer son mandat au président de France Médias, toujours suite à une décision motivée du conseil d’administration.

M. le président. Le sous-amendement n° 102, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Amendement n° 100, alinéa 5

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Les candidatures sont présentées à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle qui les rend publiques ainsi que le projet stratégique présenté par chaque candidat. Les auditions finales auxquelles il est procédé sont rendues publiques, dans des conditions précisées par décret. La nomination fait l’objet d’une décision motivée se fondant sur des critères de compétence et d’expérience.

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Nous avions présenté un amendement pour prévoir une nomination par l’Arcom. Avec l’adoption de l’amendement n° 100, M. le rapporteur, dont je suis heureux qu’il ait été convaincu sur ce point, va faire tomber le nôtre.

Mais, dans notre amendement, il y a un deuxième élément, qui me paraît essentiel au regard de l’expérience passée.

J’ai ressenti une certaine insatisfaction après avoir participé à l’élaboration de la loi du 15 novembre 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public. Certes, l’Arcom, le CSA à l’époque, était l’entité qui nommait, mais de nombreuses plaintes et incertitudes ont été soulevées concernant la manière dont cela était fait, en raison de l’absence de publicité des débats. Ce manque de transparence a laissé libre cours à des remises en question, à des doutes, à des suspicions probablement infondées.

Je me suis ainsi demandé pourquoi nous avions omis de traiter la question de la transparence, qui est aujourd’hui si importante pour nos concitoyens et pour la démocratie dans tous les processus délibératifs.

Nous proposons donc d’ajouter un élément qui figure dans notre amendement, mais pas dans celui de M. Hugonet : pour la phase finale des nominations, c’est-à-dire non pas pour l’ensemble des candidatures, mais seulement pour celles qui sont retenues sur la short list, des auditions ouvertes et retransmises en direct pourraient être organisées, comme cela se fait, par exemple, pour Public Sénat.

J’ai entendu les arguments du rapporteur en commission. Selon lui, si les candidats sont connus, ils ne se présenteront pas, de peur de risquer de perdre des postes importants. Cela aurait ainsi pour effet de dissuader les candidatures issues du secteur privé.

Voilà ce qui renforce l’opacité ! L’idée selon laquelle on ne saurait révéler sa candidature à moins d’être certain de gagner, de peur d’abandonner son poste actuel, n’est pas acceptable ; j’expliquerai tout à l’heure pourquoi.

La transparence doit régner. C’est cela qui renforcera l’indépendance de la décision, son autorité et sa crédibilité.

M. le président. L’amendement n° 28, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 19 et 20

Rédiger ainsi ces alinéas :

« Art. 47-3. – I. – Le président-directeur général de la société France Médias est nommé pour cinq ans par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle à la majorité des membres qui la composent.

« Les candidatures sont présentées à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle qui les rend publiques ainsi que le projet stratégique présenté par chaque candidat. Les auditions finales auxquelles il est procédé sont rendues publiques, dans des conditions précisées par décret. La nomination fait l’objet d’une décision motivée se fondant sur des critères de compétence et d’expérience.

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Cet amendement est important, même si je suis heureux de constater qu’une proposition de dernière minute de notre rapporteur rejoint, en partie seulement, nos préoccupations.

Nous ne sommes donc pas les seuls à être insatisfaits de la proposition de nomination par décret du directeur général sur proposition du conseil d’administration, avec un avis conforme de l’Arcom, et, éventuellement, un veto des trois cinquièmes des membres des commissions compétentes du Parlement.

Nous souhaitons que la nomination du président-directeur général de France Médias reste le fait de l’Arcom, mais qu’elle soit assortie d’une plus grande transparence, grâce à une plus grande publicité des candidatures, des projets et des auditions des candidats.

J’ai entendu l’avis en commission de notre rapporteur, qui estime que la publicité actuelle des candidatures dissuade toute personne travaillant dans le secteur privé de se porter candidate, de peur de nuire à sa carrière en cas de rejet si sa démarche devenait publique. Je ne suis pas en accord avec cette manière de voir les choses.

À mon sens, une expérience préalable dans le secteur de l’audiovisuel public, que ce soit en tant que dirigeant ou journaliste, est un atout appréciable et un plus indéniable, permettant une connaissance approfondie des forces et des complexités du secteur.

Il existe des précédents de candidats issus du secteur privé nommés à la présidence d’une société de l’audiovisuel public : Jean-Pierre Elkabbach, par exemple, a été nommé en 1993 par le CSA à la tête de France Télévisions, alors qu’il venait d’Europe 1.

Nous renvoyons au décret le soin de préciser les modalités de publicité des auditions des candidats, car le processus doit être organisé de manière rigoureuse.

Comme indiqué dans l’objet de l’amendement, nous ne préconisons la publicité non pas de l’ensemble des auditions de l’Arcom, mais uniquement de la dernière phase, celle de la short list. Afin d’éviter toute influence mutuelle, les candidats qui y figurent pourraient, par exemple, être convoqués simultanément et auditionnés dans un ordre déterminé par tirage au sort. Il appartiendra à un décret de préciser les modalités d’application.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Le sous-amendement n° 102 a été déposé trop tardivement pour que la commission puisse l’examiner. À titre personnel, j’y suis défavorable.

Avis défavorable de la commission sur l’amendement n° 28, qui est presque le « frère jumeau » du sous-amendement n° 102.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Je salue le principe d’une telle modification, qui accroît effectivement l’indépendance par rapport à la rédaction initiale.

Nous en revenons donc à la situation actuelle, si l’on fait abstraction de la holding, régissant la nomination des dirigeants, ce qui montre bien que celle-ci apporte une garantie satisfaisante d’indépendance. Sur ce point, je suis évidemment en accord.

Pour autant, étant donné que le Gouvernement n’approuve pas la création de la holding, l’avis est défavorable sur les deux amendements et le sous-amendement.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Prenons bien toute la mesure de cette question. Bien entendu, nous sommes opposés à la création de la holding. Notre sous-amendement et notre amendement sont surtout des appels au débat.

Je souhaite pointer ce qui constitue un défaut, même dans le système actuel. Chaque délibération de ce type de l’Arcom donne lieu à des suspicions concernant la manière dont elle s’est déroulée. Certains avancent l’idée qu’il y aurait eu des pressions ; d’autres suggèrent que certains candidats auraient été plus ou moins défavorisés.

Nous ne pouvons pas contrôler de telles rumeurs. Que celles-ci correspondent ou non à une certaine réalité, elles jettent l’opprobre sur la nomination et entachent le processus.

J’insiste donc, car le débat m’en offre l’occasion, même si ces dispositions ne prospéreront probablement pas : si nous souhaitons améliorer le système actuel de nomination, nous devons réfléchir à la transparence de la délibération, afin que chacun puisse juger de la qualité des projets et comprendre les raisons ayant motivé le choix de l’Arcom.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Comme je l’ai précisé précédemment, les faiblesses de l’audiovisuel public demeurent nombreuses : développement limité du numérique, création audiovisuelle peu originale et inadaptée à l’exportation, offre d’information en continu mal équilibrée entre radio et télévision, offre de proximité peu cohérente et non coordonnée, etc.

La responsabilité d’une telle situation est partagée. La tutelle, sans compétences spécifiques en matière de stratégie de développement des médias, n’a pas été en mesure de définir une feuille de route claire au cours des dix dernières années.

Par ailleurs, les modalités de nomination des présidents n’ont pas non plus permis de choisir les personnalités les plus aptes à engager les transformations aussi rapidement et profondément que nécessaire, faute de garantie de confidentialité des candidatures.

Le nouveau mode de nomination proposé par la commission allie le professionnalisme des modes de nomination des grandes entreprises et l’indépendance de l’Arcom. Cette procédure pourrait permettre de trouver enfin un compromis acceptable par tous et susceptible de renforcer à la fois le professionnalisme et l’indépendance de l’audiovisuel public.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 102.

(Le sous-amendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 100.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 28 n’a plus d’objet.

L’amendement n° 29 rectifié, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 20

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Six mois avant la fin du mandat du président-directeur général mentionné au premier alinéa, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle rend un avis motivé sur les résultats de la société France Médias, au regard de son projet stratégique et de la convention stratégique pluriannuelle conclue avec l’État. Cet avis est transmis aux commissions permanentes chargées des affaires culturelles, des finances et des affaires étrangères de l’Assemblée nationale et du Sénat. Les commissions permanentes chargées des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat peuvent procéder à l’audition du président-directeur général de la société France Médias sur la base de cet avis.

« Dans un délai de deux mois après le début de son mandat, le président-directeur général mentionné au premier alinéa transmet aux commissions permanentes chargées des affaires culturelles, des finances et des affaires étrangères de l’Assemblée nationale et du Sénat un rapport d’orientation stratégique. Les commissions permanentes chargées des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat peuvent procéder à l’audition du président-directeur général de la société France Médias sur la base de ce rapport.»

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Inutile de rappeler qu’il s’agit d’un amendement de repli et que cela ne vaut en aucun cas acceptation de notre part de la holding. Nous cherchons simplement à utiliser les moyens qui nous sont offerts pour lancer des débats.

Cet amendement vise à maintenir le même niveau d’information et de contrôle du Parlement sur l’action du président-directeur général que celui qui s’exerce actuellement sur les présidents des sociétés de l’audiovisuel public. Il tend donc à reproduire le dispositif, malencontreusement omis dans la rédaction de la proposition de loi, assurant l’information du Parlement et son contrôle sur l’action des présidents des chaînes publiques, de Radio France et de l’INA, en adaptant légèrement son dispositif pour plus d’efficacité.

Je suis surpris que le Sénat semble prêt à redonner la main à l’exécutif sur la question du service public audiovisuel et à se dessaisir de ses pouvoirs de contrôle, ces derniers n’étant pourtant pas excessifs.

Nous proposons donc que, six mois avant la fin du mandat du PDG de France Médias, l’Arcom rende un avis motivé sur les résultats de la société France Médias au regard de son projet stratégique et de la réalisation de la convention. Cet avis sera transmis aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. La commission chargée de la culture pourra organiser une audition du président sur cette base.

Par ailleurs, deux mois après le début de son mandat, le PDG transmettra aux commissions de la culture de ces mêmes assemblées son rapport d’orientation et celles-ci pourront l’auditionner.

Je ne pense pas trahir de secret en rappelant l’importance à nos yeux de ces auditions, qui sont des moments solennels, et non de simples formalités.

Ne scions pas nous-mêmes la branche sur laquelle nous sommes assis et maintenons les droits du Parlement, notamment celui de contrôler l’action du dirigeant ou des dirigeants de l’audiovisuel public.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Cet amendement vise à prévoir les modalités d’information du Parlement concernant le projet stratégique du président de France Médias au début de son mandat et le bilan de son action à son terme.

Ces dispositions, qui figuraient dans la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, apparaissent utiles au regard de leurs objectifs. La rédaction retenue permet par ailleurs d’obliger le président de la holding à rendre compte régulièrement de son action devant le Parlement, ce qui est une bonne chose.

Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Sur le principe, je suis évidemment toujours en faveur de l’information la plus complète possible du Parlement.

Toutefois, je tiens à rappeler qu’il est déjà possible d’auditionner à tout moment les entreprises et l’Arcom. Les rapports existent, et ils sont publics.

Je demande le retrait de cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 29 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 55 rectifié, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 20

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les commissions chargées des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat peuvent à tout moment auditionner l’administrateur indépendant mentionné au 4° de l’article 47-1 chargé de veiller à l’impartialité de l’information au sein de la société France Médias et de ses filiales.

La parole est à Mme Sylvie Robert.

Mme Sylvie Robert. Par cet amendement, nous proposons de reprendre la deuxième partie de la proposition n° 26 de la commission d’enquête du Sénat sur la concentration des médias, proposition qui avait été adoptée à l’unanimité.

Nous avons voté pour l’instauration d’un administrateur indépendant chargé de veiller à l’impartialité de l’information au sein des sociétés de l’audiovisuel public.

Nous préconisions que l’administrateur rende compte chaque année de cette impartialité devant les commissions responsables des affaires culturelles et des médias des deux assemblées. Le présent amendement tend à la mettre en œuvre et à prévoir que l’information soit fournie aux commissions au moment que celles-ci jugeront opportun.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Cet amendement vise à offrir aux commissions de la culture la possibilité d’auditionner à tout moment l’administrateur du conseil d’administration de France Médias chargé de veiller à l’impartialité de l’information.

Pour garantir la légitimité du service public, l’impartialité de l’information constitue une impérieuse nécessité, de même que la possibilité pour le Parlement d’interroger celui qui aura la responsabilité de la défendre.

Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Comme je l’ai déjà indiqué, l’impartialité est un sujet très important pour l’audiovisuel public comme privé.

Pour autant, en cohérence avec mes positions précédentes, je sollicite le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis serait défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 55 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 3, modifié.

(Larticle 3 est adopté.)

Article 3
Dossier législatif : proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle
Article 5

Article 4

La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi modifiée :

1° L’article 47-6 est ainsi rédigé :

« Art. 47-6. – Les articles L. 225-38 à L. 225-42 et L. 225-86 à L. 225-90 du code de commerce ne sont pas applicables aux conventions conclues entre l’État et les sociétés mentionnées aux articles 44 A, 44 et 45 de la présente loi, ainsi qu’entre ces sociétés. Les commissaires aux comptes présentent, sur ces conventions, un rapport spécial à l’assemblée générale qui statue sur ce rapport. » ;

2° Aux première et troisième phrases du premier alinéa ainsi qu’aux septième, avant-dernier et dernier alinéas de l’article 48, les mots : « à l’article 44 » sont remplacés par les mots : « aux articles 44 A et 44 » ;

3° L’article 48-1-A est ainsi rédigé :

« Art. 48-1-A. – France Télévisions, Radio France et France Médias Monde, ainsi que les sociétés mentionnées au premier alinéa de l’article 44-1 exerçant une activité d’édition de services, ne peuvent accorder ni maintenir, de quelque manière que ce soit, un droit exclusif de reprise de leurs programmes diffusés par voie hertzienne terrestre. » ;

4° Au premier alinéa de l’article 48-1, les mots : « à l’article 44 » sont remplacés par les mots : « aux articles 44 A et 44 ainsi que les sociétés mentionnées au premier alinéa de l’article 44-1 exerçant une activité d’édition de services » ;

5° À la première phrase du premier alinéa de l’article 48-2, à la première phrase de l’article 48-3 et à la fin des articles 48-9 et 48-10, la référence : « 44 » est remplacée par la référence : « 48-1 » ;

6° Les articles 49, 49-1 et 50 sont abrogés.

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 6 est présenté par M. Bargeton.

L’amendement n° 15 est présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 61 est présenté par M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 87 est présenté par Mme de Marco.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Julien Bargeton, pour présenter l’amendement n° 6.

M. Julien Bargeton. Cet amendement est défendu.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour présenter l’amendement n° 15.

M. David Assouline. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour présenter l’amendement n° 61.

M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour présenter l’amendement n° 87.

Mme Monique de Marco. L’article 4 se présente comme un simple article de coordination, mais il s’inscrit dans la même perspective de constitution d’une holding chapeautant les sociétés audiovisuelles publiques.

Le projet de texte européen établissant un cadre commun pour les services de médias dans le marché intérieur, dit European Media Freedom Act, présenté par la Commission européenne au mois de septembre dernier, envisage la mise en place de règles et de mécanismes pour un financement adéquat, stable et transparent des médias de service public.

Nous devrions anticiper son entrée en vigueur au lieu de légiférer sur des dispositions susceptibles de se trouver en contradiction avec son contenu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Avis défavorable sur ces amendements de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6, 15, 61 et 87.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 4.

(Larticle 4 est adopté.)

Article 4
Dossier législatif : proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle
Après l’article 5

Article 5

I. – L’article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi rédigé :

« Art. 53. – I. – Des conventions stratégiques pluriannuelles sont conclues entre l’État et chacune des deux sociétés France Médias et ARTE-France pour une durée n’excédant pas cinq années civiles. Une nouvelle convention peut être conclue après la nomination d’un nouveau président.

« Ces conventions déterminent notamment, dans le respect des missions de service public telles que définies à l’article 43-11, pour chaque société :

« 1° Les orientations stratégiques et les axes prioritaires de son développement ;

« 2° Le coût prévisionnel de ses activités pour chacune des années concernées et les indicateurs quantitatifs et qualitatifs d’exécution et de résultats qui sont retenus ;

« 3° Les prévisions pluriannuelles de ressources publiques devant lui être affectées en distinguant, pour la société France Médias :

« a) La part maximale que celle-ci conserve aux fins de mener ses missions propres ;

« b) La part que celle-ci est chargée de répartir, ainsi que la clef de cette répartition, entre les sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, Institut national de l’audiovisuel ainsi que les sociétés mentionnées à l’article 44-1 ;

« c) La part que France Médias consacre à la conduite de projets d’intérêt commun à tout ou partie de ses filiales.

« La convention stratégique pluriannuelle de la société France Médias fixe un niveau maximal de recettes publicitaires et de parrainage, y compris digitales, aux sociétés France Télévisions, Radio France et France Médias Monde défini en fonction des montants de ressources publiques qui leur sont attribués.

« Pour chacune des sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, Institut national de l’audiovisuel et des sociétés mentionnées au premier alinéa du même article 44-1, la convention stratégique pluriannuelle de la société France Médias détermine les mêmes données, hors celles mentionnées au 3° du présent I, ainsi que le montant du produit attendu des recettes propres de chacune, en distinguant celles issues de la publicité et du parrainage, et les perspectives économiques pour les services qui donnent lieu au paiement d’un prix, les axes d’amélioration de la gestion financière et des ressources humaines et, le cas échéant, les perspectives en matière de retour à l’équilibre financier. Elle distingue également, au sein du montant du produit attendu des recettes propres de la société France Médias Monde, celles accordées par les établissements publics de l’État concourant à la mise en œuvre de la politique de développement pour la mise en œuvre de la politique d’aide au développement.

« Avant leur signature, les conventions stratégiques pluriannuelles ainsi que les éventuels avenants à ces conventions sont transmis aux commissions permanentes chargées des affaires culturelles, des finances et des affaires étrangères de l’Assemblée nationale et du Sénat. Elles peuvent faire l’objet d’un débat au Parlement. Les commissions peuvent formuler un avis sur ces conventions stratégiques pluriannuelles ainsi que sur leurs éventuels avenants dans un délai de six semaines. Si le Parlement n’est pas en session, ce délai court à compter de l’ouverture de la session ordinaire ou extraordinaire suivante.

« II. – Le conseil d’administration de la société France Médias et le conseil de surveillance de la société ARTE-France approuvent leurs conventions stratégiques pluriannuelles et délibèrent sur leur exécution annuelle.

« Les conseils d’administration des sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l’audiovisuel sont consultés, chacun en ce qui le concerne, sur le projet de convention stratégique pluriannuelle entre l’État et la société France Médias, ainsi que sur l’exécution annuelle de celle-ci.

« Chaque année, avant l’examen du projet de loi de règlement, les sociétés France Médias et ARTE-France présentent aux commissions permanentes chargées des affaires culturelles, des finances et des affaires étrangères de l’Assemblée nationale et du Sénat un rapport sur l’exécution de leur convention stratégique pluriannuelle.

« III. – Chaque année, avant l’examen du projet de loi de finances, le Parlement est informé de la répartition indicative, élaborée à partir des propositions de la société mentionnée à l’article 44 A, des ressources publiques dont celle-ci est affectataire entre :

« 1° La part maximale que celle-ci conserve aux fins de mener ses missions propres ;

« 2° La part que celle-ci est chargée de répartir, ainsi que la clef de cette répartition, entre les sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, Institut national de l’audiovisuel ainsi que les sociétés mentionnées au premier alinéa de l’article 44-1 ;

« 3° La part que celle-ci consacre à la conduite de projets d’intérêt commun à tout ou partie de ses filiales.

« Lorsque les montants et leur répartition mentionnés au présent III diffèrent de ceux mentionnés au 3° du I pour l’année concernée, le Parlement est en outre informé de la justification des écarts constatés.

« Les ressources publiques allouées aux organismes du secteur audiovisuel public en compensation des obligations de service public mises à leur charge n’excèdent pas le montant du coût d’exécution desdites obligations.

« IV. – À compter du 1er janvier 2025, la société mentionnée à l’article 44 A détermine les montants des ressources publiques dont elle est affectataire :

« 1° Qu’elle conserve aux fins de mener ses missions propres ;

« 2° Qu’elle reverse respectivement aux sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l’audiovisuel ainsi que, le cas échéant, aux sociétés mentionnées au premier alinéa de l’article 44-1 en veillant à ce que les montants ainsi reversés permettent de garantir l’exercice par chacune de ces sociétés de ses missions de service public ;

« 3° Qu’elle consacre à la conduite de projets d’intérêt commun à tout ou partie de ses filiales.

« Toutefois, le rapport mentionné au dernier alinéa du II du présent article expose et justifie tout écart entre les répartitions opérées en application du présent IV et les répartitions mentionnées au b du 3° du I et au III.

« V. – La principale source de financement des sociétés mentionnées aux articles 44 A, 44, 45 A et 45 est constituée par une ressource publique de nature fiscale, pérenne, suffisante, prévisible et prenant en compte l’inflation.

« VI. – Sous réserve des contraintes liées au décalage horaire de leur reprise en outre-mer, les programmes des services nationaux de télévision de France Télévisions diffusés entre vingt heures et six heures, à l’exception de leurs programmes régionaux et locaux, ne comportent pas de messages publicitaires autres que ceux pour des biens ou services présentés sous leur appellation générique. Cette disposition ne s’applique pas aux campagnes d’intérêt général. Le temps maximal consacré à la diffusion de messages publicitaires s’apprécie par heure d’horloge donnée. Les programmes des services régionaux et locaux de télévision de France Télévisions diffusés sur le territoire d’un département ou d’une région d’outre-mer, d’une collectivité d’outre-mer ou de la Nouvelle-Calédonie ne comportent pas de messages publicitaires entre vingt heures et six heures autres que ceux pour des biens ou services présentés sous leur appellation générique, sous réserve de l’existence sur le territoire de la collectivité concernée d’une offre de télévision privée à vocation locale diffusée par voie hertzienne terrestre en clair.

« Les programmes des services nationaux de télévision de France Télévisions destinés prioritairement aux enfants de moins de douze ans ne comportent pas de messages publicitaires autres que des messages génériques pour des biens ou services relatifs à la santé et au développement des enfants ou des campagnes d’intérêt général. Cette restriction s’applique durant la diffusion de ces programmes ainsi que pendant un délai de quinze minutes avant et après cette diffusion. Elle s’applique également, d’une part, lorsque le programme est mis à disposition sur un service de médias audiovisuels à la demande ou un service de communication au public en ligne édité par France Télévisions et, d’autre part, à tous les messages diffusés sur tout ou partie des services de médias audiovisuels à la demande et des services de communication au public en ligne édités par France Télévisions qui sont prioritairement destinés aux enfants de moins de douze ans. »

II. – Au second alinéa de l’article 46 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, les mots : « du contrat d’objectifs et de moyens » sont remplacés par les mots : « de la convention stratégique pluriannuelle ».

III. – Aux deuxième et dernier alinéas de l’article 56-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, les mots : « le contrat d’objectifs et de moyens » sont remplacés par les mots : « la convention stratégique pluriannuelle ».

M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, sur l’article.

Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’audiovisuel extérieur est un outil essentiel au rayonnement culturel de la France, en soutien à la francophonie. C’est également un atout puissant pour porter notre parole et diffuser notre vision du monde sur une scène internationale dominée par les médias anglo-saxons.

Malheureusement, ce texte, qui propose principalement la création d’une holding chapeautant les trois sociétés de diffusion publique de l’audiovisuel – France Télévisions, Radio France et France Médias Monde, ainsi que l’INA –, ne ferait qu’affaiblir cet outil, dont je viens de démontrer l’importance.

Comme l’a évoqué mon collègue David Assouline, cette volonté de rassemblement de quatre sociétés dont les missions et publics sont très différents risque d’aboutir à une uniformisation des programmes qui nuirait à leur diversité et ne permettrait plus de répondre aux fortes attentes du public, notamment des communautés francophones et francophiles dans le monde.

Par ailleurs, vous proposez que cette holding ait les mains libres pour répartir les ressources qui lui seront attribuées entre ces sociétés. Le Parlement serait seulement informé de cette répartition alors qu’il contrôle actuellement les dotations. Le groupe France Médias Monde, qui comprend notamment France 24 et RFI et dont le chiffre d’affaires est bien inférieur à celui des autres entités, risque fort d’être mis en minorité à la table des négociations et ainsi de faire les frais des ajustements budgétaires. Nos compatriotes établis hors de France y sont pourtant très attachés.

Les chaînes TV5 Monde et Arte, qui n’entrent pas dans le dispositif – la première, parce que son capital n’est pas intégralement détenu par l’État ; la seconde, parce qu’elle est régie par un traité bilatéral –, risquent, elles aussi, d’être mises à l’écart. Je crains que l’audiovisuel public extérieur ne soit pas la priorité, voire qu’il ne soit le grand perdant de cette proposition de loi.

Pour toutes les raisons évoquées par mon groupe, auxquelles il faut ajouter les lacunes que je viens d’énumérer, je voterai contre ce texte, à un moment où la désinformation et la propagande organisées par certains États nous forcent à avoir une parole qui soit entendue et écoutée à l’étranger.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, sur l’article.

M. David Assouline. Je ne veux pas me laisser faire. L’un de mes amendements a été jugé irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution.

Il s’agissait d’un amendement de repli reprenant l’une des dispositions contenues dans la proposition de loi visant à assurer la qualité et l’indépendance du service public de l’audiovisuel par un financement affecté, juste et pérenne, déposée par notre groupe. Cette dernière tendait à modifier la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, afin de graver dans ce texte le principe d’une ressource dédiée aux sociétés de l’audiovisuel public, provenant d’un nouveau fonds de contribution progressive à l’audiovisuel public, alimenté par une contribution annuelle, universelle et progressive versée par tous les ménages non dégrevés de cette contribution.

La création d’un fonds dédié à l’audiovisuel public, gravé dans la loi de 1986, serait complétée par le contrôle annuel, par une commission indépendante, du montant et de la répartition des sommes destinées à l’audiovisuel public. Cette commission serait composée de deux sénateurs, deux députés, deux représentants des usagers et présidée par un haut magistrat de la Cour des comptes. Elle aurait la faculté de s’autosaisir.

Cette garantie de contrôle indépendant serait d’autant plus nécessaire que le Gouvernement français, au lieu de moderniser la redevance à l’instar de ce qui a cours chez nos voisins européens, a créé un précédent en revenant sur le caractère pérenne et affecté de la ressource dédiée à l’audiovisuel public, pourtant garante de son indépendance, donc du pluralisme et de la démocratie au sein des médias.

Je tenais à pouvoir le dire.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 7 est présenté par M. Bargeton.

L’amendement n° 16 est présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 89 est présenté par Mme de Marco.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Julien Bargeton, pour présenter l’amendement n° 7.

M. Julien Bargeton. Cet amendement est défendu.

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour présenter l’amendement n° 16.

Mme Sylvie Robert. Cet amendement tend à supprimer l’un des articles phares concernant la holding : celui qui institue les futures conventions stratégiques pluriannuelles, ainsi que les modalités d’information et de suivi du Parlement, et enfin le dispositif prévoyant le mode de financement du service public de l’audiovisuel. C’est une infime garantie que certains, au sein de notre assemblée, ne semblent même pas vouloir assurer, à en juger par le dépôt d’un amendement de suppression de l’alinéa concerné.

Ces conventions stratégiques pluriannuelles, qui remplaceront les actuels COM, auront une durée maximale de cinq ans et n’auront aucune durée minimale, alors que la durée des COM était de trois ans à cinq ans. Pourquoi ne pas garder une durée minimale, alors que l’on déplore fréquemment l’instabilité des dotations budgétaires – vous y avez même fait référence lors de la discussion générale –, et les avenants qui interviennent en cours de COM ?

En outre, ces conventions pourront devenir caduques et être renégociées en cas d’arrivée d’un nouveau président. Il en résultera une instabilité potentiellement préjudiciable.

Contrairement aux actuels COM, les futures conventions n’auront plus à comporter d’engagement en matière de création, d’information, de diversité. La proposition de loi ne leur assigne que des objectifs de gestion et de comptabilité. La vocation informative, éducative, culturelle et de divertissement du secteur public de l’audiovisuel semble donc très accessoire, tout comme son accessibilité à différents publics.

La preuve est donc faite que le projet de la majorité sénatoriale pour l’audiovisuel public est un projet contre celui-ci, le seul objectif étant de resserrer son financement, afin que les marchés profitent aux services audiovisuels privés et au développement de leurs recettes.

M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour présenter l’amendement n° 89.

Mme Monique de Marco. L’article 5 prévoit de remplacer les actuels contrats d’objectifs et de moyens par des conventions stratégiques pluriannuelles établies entre l’État et les sociétés de l’audiovisuel public. Nous y sommes opposés, parce que nous sommes opposés au projet de holding défendu par l’auteur de la proposition de loi.

Nous avions déposé un amendement visant à améliorer le fonctionnement des contrats d’objectifs et de moyens, afin de renforcer l’indépendance des sociétés de l’audiovisuel public et d’améliorer leur visibilité budgétaire. Comme le souligne le rapport de l’inspection générale des affaires culturelles (Igac) et de l’inspection générale des finances (IGF) de 2022 relatif au financement de l’audiovisuel public sur la période 2011-2022, les engagements financiers des COM ont été sans cesse réécrits. La plupart du temps, les engagements pris par l’État n’ont pas été respectés.

C’est pourquoi il était proposé d’exclure des contrats la possibilité de procéder à des avenants modifiant à la baisse des ressources allouées. Il ne me semble pas que cela constitue une aggravation des charges publiques. La commission des finances en a cependant décidé autrement.

Afin de garantir l’indépendance du pouvoir public, nous proposions de porter la durée des COM à six ans. L’idée était d’améliorer leur visibilité, mais aussi de décorréler le temps de ces contrats des cycles électoraux, en application des recommandations européennes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Dans la mesure où ces amendements identiques visent à supprimer un élément important du dispositif, sans surprise, l’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Avis favorable.

Je le précise, j’ai moi-même souhaité que le prochain COM soit d’une durée de cinq ans, précisément pour enjamber la future période électorale. Il courra donc de 2024 à 2028, à l’issue d’une prolongation d’un an des actuels COM.

Monsieur le rapporteur, vous avez dit tout à l’heure que la création audiovisuelle n’était pas adaptée à l’exportation. Nous n’avons pas encore parlé de l’impact international des productions. Or je trouve tout de même que les productions de France Télévisions rencontrent un véritable succès. Regardez le succès mondial de la série Dix pour cent ; regardez le nombre de pays qui ont décliné l’émission Fort Boyard, ou encore les coproductions récentes : Le Tour du monde en 80 jours, Germinal, Leonardo et la nouvelle série Abysses, qui est coproduite avec l’Allemagne et l’Italie et qui connaît un démarrage très fort. L’animation se vend aussi très bien à l’international. Je me rendrai d’ailleurs jeudi à Annecy pour le festival international du film d’animation. Or France Télévisions est l’un des principaux financeurs de l’animation française. Honnêtement, je trouve votre constat un peu sévère.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 7, 16 et 89.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 31, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Remplacer les mots :

n’excédant pas

par les mots :

de trois à

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Cet amendement tend à fixer une durée minimale aux futures conventions stratégiques pluriannuelles.

La proposition de loi prévoit seulement la durée maximale, qui restera de cinq ans, comme celle des actuels COM. Les sociétés, pour mener à bien leurs projets, ont besoin de stabilité et ne peuvent pas se voir modifier leurs conventions tous les ans, voire au bout de quelques mois, ce qui serait possible en vertu du dispositif proposé, en l’absence de durée minimale.

Je m’étonne d’ailleurs du non-maintien des actuels COM dans leur périmètre, alors qu’ils sont en cours de renégociation entre le Gouvernement et les sociétés concernées. Quel est l’objectif de cette modification, mis à part celui d’instaurer un cadre moins-disant sur le plan qualitatif ou du point de vue des garanties associées ?

Nous avons assez déploré les nombreux avenants aux COM intervenus ces dernières années, dont le seul objet était de rogner les financements du secteur public audiovisuel, sous couvert d’un plan d’économies de près de 200 millions d’euros en cinq ans. Il n’est donc pas opportun que la loi fragilise encore davantage le dispositif.

L’amendement n° 31 vise donc à fixer une durée minimale légale pour les conventions et à la maintenir à trois ans, comme c’est le cas aujourd’hui pour les COM.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Cet amendement vise à prévoir que la convention stratégique pluriannuelle ne pourra pas avoir une durée inférieure à trois ans, afin de favoriser la stabilité de la société France Médias et de ses filiales et d’Arte France.

L’objectif de stabilité est très important, et nous pouvons effectivement nous interroger sur l’intérêt d’une convention stratégique pluriannuelle dont la durée serait limitée à deux ans, d’autant plus que la rédaction de l’article 53 prévoit déjà la possibilité de conclure une nouvelle convention après la nomination d’un nouveau président.

Il n’est pas inutile de rappeler par ailleurs que le COM d’Arte France est subordonné au contrat de groupe d’Arte-groupement européen d’intérêt économique (GEIE), dont la durée est habituellement de quatre ans.

La commission émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. J’ai déjà exprimé ma position sur le besoin de visibilité des entreprises, d’où les contrats d’objectifs et de moyens proposés pour cinq ans.

Mais, étant défavorable à la création de la holding, je suis, par cohérence, défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 31.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 32, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à Mme Sylvie Robert.

Mme Sylvie Robert. Cet amendement tend à éviter un facteur d’instabilité supplémentaire au secteur de l’audiovisuel public. Il n’est pas opportun de fragiliser davantage ces sociétés en prévoyant une possibilité de renégociation de la convention stratégique pluriannuelle en cas de changement de président.

Cette possibilité pourrait notamment permettre de renégocier à la baisse les financements de la société. Or, nous le savons, l’audiovisuel public a besoin de stabilité pour mener à bien ses projets.

En poussant le raisonnement à l’extrême, l’on pourrait même imaginer que le dispositif puisse inciter à un changement de président, afin de pouvoir modifier une convention, et même rogner les financements de cette société. Il s’agit donc, pour nous, d’une disposition très dangereuse. Nous en demandons la suppression.

Je profite de l’occasion pour regretter une fois de plus l’irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution prononcée à l’encontre de notre amendement n° 36, jugé non compatible avec les termes de la loi organique relative aux lois de finances. Nous souhaitions en effet l’annexion des conventions aux projets de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, ce qui les aurait liées au vote de cette programmation, l’État se trouvant alors engagé davantage sur le financement des sociétés de l’audiovisuel public.

Le Parlement ne se prononcera plus sur la répartition de la ressource publique entre les sociétés, et cette répartition ne figurera plus dans les projets annuels de performances budgétaires, qui ne feront apparaître que la dotation globale octroyée à France Médias.

Un tel manque de transparence est inacceptable pour les législateurs que nous sommes, contraire à la règle d’annualité budgétaire, que le Conseil constitutionnel a érigée en principe constitutionnel, et dangereux pour le maintien de l’audiovisuel public dans son périmètre actuel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Autant il peut être utile de prévoir une durée minimale de trois ans pour la convention stratégique pluriannuelle, autant il n’apparaît pas judicieux de supprimer la possibilité d’adopter une nouvelle convention en cas de changement de président. Le rôle du président est d’élaborer la stratégie de la société, et il ne semble pas opportun d’obliger un nouveau président à mettre en œuvre les priorités de son prédécesseur.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 32.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 33, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La signature des conventions est précédée par des consultations publiques qui associent les différents acteurs du secteur de l’audiovisuel et du cinéma.

La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.

Mme Hélène Conway-Mouret. Vous souhaitez que les conventions stratégiques pluriannuelles soient moins-disantes, sur le plan culturel, que les actuels COM, puisqu’elles ne comporteraient aucun engagement en faveur de la création ou de l’information. Nous vous l’avons d’ailleurs déjà fait remarquer.

Nous voulons au contraire que ces conventions soient plus ambitieuses, pour que le service public audiovisuel joue le rôle qui doit être le sien en faveur de la création et du soutien aux industries culturelles. Il doit continuer à être un moteur et à financer des productions et coproductions ambitieuses. Le monde du cinéma comme celui de la production audiovisuelle connaissent leurs besoins en matière de financement et d’exposition de leurs œuvres pour les prochaines années. Il nous semblerait donc pertinent d’associer leurs représentants à la négociation des conventions.

Cet amendement a pour objet de préparer la négociation et la rédaction des conventions stratégiques pluriannuelles dans une plus grande transparence, en vue d’une meilleure adéquation avec les objectifs et la réalité des milieux de l’information et de la création. Une fois n’est pas coutume, cet amendement rejoint les préoccupations exprimées par la commission Bataillon au travers de sa proposition n° 27.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Le remplacement des COM par des conventions stratégiques pluriannuelles vise à simplifier ces documents et à rendre leur préparation plus simple pour les sociétés, l’État et le régulateur. Si des consultations sont bien évidemment souhaitables, le présent amendement ne précise pas qui serait chargé de les organiser, à quel moment et pendant combien de temps. Ce peut être le rôle du Parlement de concourir à ces consultations dans des formes propres au travail parlementaire. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Si je me place dans la situation actuelle, des concertations ont lieu depuis plusieurs mois pour préparer les contrats d’objectifs et de moyens. Je vous ai d’ailleurs invités à plusieurs réunions. Plusieurs consultations ont été organisées. De nombreuses auditions ont également eu lieu, à l’Assemblée nationale comme au Sénat. Ce qui est proposé existe donc déjà.

Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 33.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 34, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

« …°Les engagements pris au titre de la diversité et l’innovation dans la création ;

« …°Les montants minimaux d’investissements de la société visée au I de l’article 44 dans la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes et d’expression originale française, en pourcentage de ses recettes et en valeur absolue ;

« …°Les engagements permettant d’assurer la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, l’adaptation à destination des personnes sourdes ou malentendantes de la totalité des programmes de télévision diffusés, à l’exception des messages publicitaires, sous réserve des dérogations justifiées par les caractéristiques de certains programmes ;

« …°Les engagements permettant d’assurer la diffusion de programmes de télévision qui, par des dispositifs adaptés, sont accessibles aux personnes aveugles ou malvoyantes ;

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur le sujet. Je suis plus que surpris de l’absence de projet ambitieux dans ce texte pour le secteur audiovisuel public, dont les seuls objectifs seraient à l’avenir budgétaires et comptables. Ce n’est pas sérieux !

Les COM actuels ont sans doute des défauts, mais la loi les encadre de manière à permettre la contribution des sociétés de l’audiovisuel public à l’industrie de programme, au développement d’une information de qualité, au maintien de la culture française, et à l’accessibilité des programmes à tous les publics, dont ceux qui souffrent de handicap.

Notre amendement tend donc à intégrer dans les mentions devant figurer dans les futures conventions stratégiques pluriannuelles celles qui doivent figurer actuellement dans les COM. Nous reprenons simplement, par conséquent, la rédaction actuelle de l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986, afin de garantir dans ces conventions la vocation informative, éducative, culturelle et de divertissement en direction de tous les publics du secteur public de l’audiovisuel.

En l’état, la proposition de loi aura pour conséquences d’appauvrir l’industrie de programme, de faire reculer la francophonie et d’isoler les publics souffrant de handicap, les références n’étant plus mentionnées dans les conventions, pour laisser la place aux chiffres et à la comptabilité. Un projet de holding de cette sorte n’est franchement pas à visage humain !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Le remplacement des COM par des conventions stratégiques pluriannuelles vise précisément à éviter de multiplier les thèmes abordés, ce qui aurait inévitablement pour conséquence de transformer ces documents en catalogues de bonnes intentions sans véritable portée opérationnelle, comme c’est le cas aujourd’hui.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Même si je comprends, sur le fond, que vous souhaitiez réaffirmer ces enjeux, j’observe que les engagements au titre de la diversité et de l’innovation dans la création, ainsi que les montants minimums d’investissement que vous voulez insérer après l’alinéa 4 de l’article 5 figurent déjà dans la loi de 1986. Et les engagements en matière d’inclusion des personnes en situation de handicap se trouvent dans les cahiers des charges.

Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 34.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 35 est présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 62 est présenté par M. Bacchi, Mme Brulin et M. Ouzoulias.

L’amendement n° 68 rectifié bis est présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique et Labbé et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 10

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Sylvie Robert, pour présenter l’amendement n° 35.

Mme Sylvie Robert. Cet amendement de repli vise à supprimer une disposition particulièrement dangereuse pour le service public, mais susceptible de se révéler assez fructueuse pour les services audiovisuels privés. Elle a été introduite en commission sur proposition du rapporteur, qui, sous couvert de « mieux distinguer et préserver l’offre de service public », a prévu que la convention stratégique pluriannuelle fixerait les recettes commerciales – publicité et parrainage – des différentes sociétés en fonction du niveau de ressources publiques prévues.

Le budget global des sociétés serait ainsi gelé et plafonné pour plusieurs années dès la rédaction de ces conventions, et ce sans avoir connaissance des aléas pouvant affecter l’économie pendant la durée de la convention.

En vertu de ce dispositif, seules les sociétés privées d’audiovisuel pourraient profiter d’un marché publicitaire soudainement en bonne santé, et non les sociétés publiques, malheureusement tenues par les conventions plafonnant leur budget global et restreignant leurs objectifs commerciaux.

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 62.

Mme Céline Brulin. Cet amendement vise aussi à supprimer le plafonnement en valeur des recettes publicitaires et des parrainages, c’est-à-dire la possibilité pour les conventions stratégiques pluriannuelles de fixer les recettes publicitaires en fonction du niveau de ressources publiques.

Nous sommes évidemment favorables à un audiovisuel public sans publicité. Cela pourrait tout à fait constituer une différence notable avec les acteurs privés. Toutefois, pour cela, il faut financer l’audiovisuel public, trouver d’autres ressources et recettes, ce que ne prévoit absolument pas la présente proposition de loi.

Nous avons déjà eu l’expérience de l’arrêt de la publicité après vingt heures, qui devait être compensé, mais qui ne l’est finalement plus. La proposition de loi, qui prétend vouloir armer l’audiovisuel public face aux plateformes et aux acteurs privés – ces derniers disposent, nous le savons, de moyens considérables –, le désarme finalement, tout en lui demandant de développer de nouvelles offres ; nous avons notamment évoqué le numérique.

Non content de désarmer le secteur public, le texte renforce en outre la concurrence déloyale avec le privé, puisque les plateformes et l’ensemble des acteurs privés bénéficieront des recettes publicitaires qui n’iront plus vers l’audiovisuel public.

Ces dispositions sont très dangereuses pour l’audiovisuel public, qui a besoin de moyens substantiels face à la redoutable concurrence des autres acteurs du secteur.

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour présenter l’amendement n° 68 rectifié bis.

M. Thomas Dossus. Cet amendement a pour objet de retirer du texte une mesure assez hypocrite qui a été votée en commission.

Lors de la discussion générale, le rapporteur a voulu nous rassurer en disant qu’il ne souhaitait pas réduire les recettes de l’audiovisuel public. Or l’article 5 de la proposition de loi, relatif aux conventions stratégiques pluriannuelles, a été amendé en commission par ses soins. Il a été ajouté une mention selon laquelle les recettes publicitaires et de parrainage devraient être plafonnées par lesdites conventions.

En clair : on vient plafonner, geler le budget de l’audiovisuel public, déjà fortement contraint, alors que nous avons adopté précédemment la suppression de la contribution à l’audiovisuel public.

Toutefois, comme si cela ne suffisait pas, comme s’il n’était pas suffisant de brider les ressources de l’audiovisuel public, le rapporteur a aussi fait adopter un amendement autorisant les chaînes privées à réaliser jusqu’à trois coupures publicitaires par film diffusé. D’un côté, on limite et on plafonne la publicité sur le service public ; de l’autre, on dérégule et on laisse faire pour le privé. Il y a là un « deux poids, deux mesures » assez révoltant. C’est assez hypocrite quand on regarde le texte dans sa globalité.

Je ne souhaite naturellement pas une extension de la publicité, dans quelque média que ce soit. Mes engagements sur d’autres textes sont constants. En revanche, je souhaite qu’au lieu de corseter les revenus de la télévision publique, notamment ceux qui sont issus de la publicité, on s’interroge d’abord sur la manière de créer des financements suffisants et durables. Supprimer la publicité, oui ! Mille fois oui ! Mais cela ne peut pas se faire avant d’avoir trouvé des financements durables et surtout pas en imposant des règles au service public en laissant le privé prendre la voie strictement inverse.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. La fixation d’un plafond de recettes publicitaires et de parrainage paraît indispensable pour mettre un terme à la dérive actuelle, qui voit France Télévisions et Radio France recourir de plus en plus à la publicité et au parrainage, faute d’être capables de rationaliser leurs dépenses et de faire des choix stratégiques. Cette dérive est dangereuse – autant que l’hypocrisie ! – pour la spécificité du service public et fragilise l’ensemble du secteur, notamment les entreprises ne pouvant pas disposer de dotations publiques, qui demeurent considérables.

Il est à noter que le montant du plafond serait fixé dans la convention stratégique pluriannuelle. Ce plafond pourrait, dans un premier temps, consister à geler le montant des recettes publicitaires en attendant le développement d’autres ressources, liées notamment aux revenus générés par les investissements dans la production pour ce qui est de France Télévisions.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Avis favorable.

Si les recettes publicitaires constituent une ressource d’appoint pour le service public, elles n’en demeurent pas moins indispensables à son équilibre économique et à l’accomplissement de ses missions.

Comme nous avons pu le voir en 2009 au moment de la suppression de la publicité après vingt heures, les recettes perdues à cette occasion par France Télévisions n’ont pas été automatiquement dirigées vers les chaînes privées. Qui a capté le marché de la publicité depuis toutes ces années ? Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft, c’est-à-dire les Gafam ! D’ailleurs, ils continuent à le faire.

Le débat porte au fond surtout, pour les chaînes privées comme pour les chaînes publiques, sur la concurrence des Gafam. C’est le vrai sujet.

Plafonner les recettes publicitaires et de parrainage de France Télévisions risquerait de fragiliser la capacité de l’entreprise à maintenir son niveau actuel de soutien à la création audiovisuelle et cinématographique française et à mener à bien les investissements indispensables pour le renforcement des offres numériques.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. C’est un débat important. L’essentiel à mes yeux est de faire sauter des fausses vérités qui sont assénées au cours de nos discussions.

Le marché de la publicité et du parrainage de France Télévisions représente seulement 1 % du marché total de la publicité en France : 3 % du marché de la publicité télévisuelle, et 0,4 % du marché de la publicité digitale. C’est donc relativement marginal.

J’en viens à un élément important, d’ordre culturel. Notre rapporteur nous dit en substance que la différenciation du service public avec le secteur privé se joue après vingt heures, en raison de l’absence de publicité. Or cette différenciation existe nettement en dehors de ce créneau : là où l’on compte trois minutes de publicité sur France Télévisions, on compte quarante minutes sur TF1. Ce n’est pas le volume des parrainages recueillis sur France Télévisions qui peut faire de cette société une société « TF1 bis ».

Il faut faire attention à ce qui est en train d’être fait. On a déjà supprimé la publicité sur le service public de l’audiovisuel après vingt heures. Le secteur privé avait réclamé cette suppression, le gouvernement de Nicolas Sarkozy l’avait fait. Finalement, cette disposition n’a pas favorisé le secteur privé, mais internet et les Gafam. Or les compensations prévues à l’époque n’ont pas été au rendez-vous ; la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (Toce) est désormais entièrement captée par le Gouvernement, et non plus reversée à France Télévisions à titre de compensation.

On peut continuer à rogner, et à rogner encore. À aucun moment, monsieur Hugonet, vous ne prévoyez de dispositif de compensation parallèlement au plafonnement des recettes publicitaires et des parrainages (Mme Marie-Noëlle Lienemann acquiesce.). Vous dites donc que France Télévisions aura dorénavant moins de recettes. Je ne comprends pas cette position.

Vous savez très bien aussi qu’imposer ainsi un plafonnement des recettes publicitaires à une société employant des personnels pour chercher ces ressources – car c’est un travail – revient en quelque sorte à dire à ces derniers qu’ils ne doivent pas trop se casser la tête à le faire, puisque ces recettes, étant plafonnées, seront rabotées s’ils en font trop. Ce faisant, on démobilise les équipes, qui risquent de ne même plus trouver les ressources acceptées.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Mme Catherine Morin-Desailly. Nous avons souvent eu le débat sur la publicité dans cet hémicycle.

Je me souviens encore de la proposition de loi qui a visé, avec succès, à supprimer la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique. Les chaînes concernées y ont opposé une forte résistance – vous pensez bien ! –, mais nous y sommes arrivés. L’état d’esprit est bien de différencier le modèle économique de l’audiovisuel public, dont le financement doit être libéré des contraintes commerciales, et celui de l’audiovisuel privé.

Pour moi, le vrai scandale, c’est la suppression pure et simple de la Toce. Forcément que l’audiovisuel public a eu tendance à multiplier les parrainages et les tentatives de capter un peu de publicité : ce que le législateur avait voté n’a jamais été respecté !

Comme David Assouline, j’ai voté la création de cette taxe, destinée à compenser la suppression de la publicité après vingt heures. Or, à partir de 2009, son montant n’a cessé de diminuer. Elle a fini par disparaître totalement voilà deux ou trois ans. À présent, nous devons déterminer quelles ressources publiques, quelles compensations seront prévues au titre de la loi de finances pour la suppression de la publicité après vingt heures. Ni plus ni moins.

Madame la ministre, quels sont les engagements du Gouvernement au sujet de la Toce ? Certes, vous n’êtes pas responsable de la situation actuelle ; vous n’étiez pas ministre de la culture lorsque ces décisions ont été prises. Mais pourquoi a-t-on supprimé définitivement la Toce ?

Je suis scandalisée qu’une taxe affectée, décidée par le législateur et assortie d’un objectif précis, soit complètement détournée de son objet pour aller remplir le puits sans fond de Bercy. Point barre.

Je ne vous le cache pas, ayant voté sa création en connaissance de cause, alors que l’on supprimait la publicité après vingt heures sur France Télévisions, je ne suis pas très contente de ce qui s’est passé !

M. David Assouline. Nous avons été trahis !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 35, 62 et 68 rectifié bis.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 37, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Remplacer les mots :

avant l’examen du projet de loi de finances, le Parlement est informé de la répartition indicative

par les mots :

lors de l’examen de la loi de finances le Parlement, sur le rapport d’un membre de chacune des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat ayant les pouvoirs de rapporteur spécial, approuve la répartition décrite par un projet annuel de performance

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Il s’agit d’un amendement de repli.

La répartition des ressources publiques entre les sociétés sous tutelle de la holding France Médias doit, comme c’est le cas aujourd’hui, être débattue et votée chaque année lors de l’examen du projet de loi de finances. De plus, afin d’être sécurisées, les dotations de chaque société doivent être individualisées dans un fascicule dédié de projet annuel de performance (PAP) présenté dans ce cadre.

Je l’ai rappelé en défendant un autre amendement : la règle d’annualité budgétaire a été érigée en principe à valeur constitutionnelle par le Conseil constitutionnel. Elle découle en effet de l’article 47 de la Constitution, qui régit le vote de la loi de finances par le Parlement dans les conditions fixées par la Lolf.

En votant cette proposition de loi, nous allons renier nos pouvoirs dans le seul objectif de faire plaisir à quelques acteurs du paysage audiovisuel privé, au détriment du service public audiovisuel et des téléspectateurs.

Monsieur le rapporteur, vous êtes parlementaire comme moi. Je ne comprends toujours pas pourquoi vous jugez inutile de préserver notre droit de connaître les crédits de chaque société audiovisuelle et de les voter. Pourquoi renoncer à ce gage de transparence ? Pourquoi nous déposséder de ce pouvoir de contrôle ? Je n’ai pas entendu de réponse ; je vous demande avec force de revenir sur ce point.

Nous savons très bien que la holding a peu de chances de voir le jour. Mais, au nom de la logique, je ne comprendrais pas que vous soyez défavorable à mon amendement d’appel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. En votant un tel amendement, on remettrait tout simplement en cause une compétence essentielle de la holding concernant la répartition des moyens en fonction des priorités.

Il est très important que les priorités comme les moyens fassent l’objet d’une programmation dans le cadre de la convention stratégique pluriannuelle et que les dirigeants conservent la souplesse nécessaire pour mettre en œuvre ces priorités. Cette absence de souplesse est l’une des causes principales des difficultés que connaissent à l’heure actuelle les sociétés de l’audiovisuel public. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. L’organisation des dotations dans un tel cadre suppose un débat à part entière, que je me garderai bien d’engager.

Toutefois, ce que vient de dire M. le rapporteur montre qu’une telle holding prendra énormément de place et exigera des effectifs pléthoriques. Pour gérer le budget de tout l’audiovisuel public, il faudra bien plus que vingt ou trente personnes.

M. David Assouline. Au moins ça !

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Ce sera une énorme usine à gaz…

Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 37.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Karoutchi, E. Blanc, Piednoir et Belin, Mmes Micouleau et Ventalon, M. Mandelli, Mme Deroche, M. Chatillon, Mme Puissat, M. Levi, Mmes Devésa, Guidez, Belrhiti, Bellurot et Lassarade, MM. Burgoa et B. Fournier, Mme M. Mercier, MM. Longeot, Tabarot et Bouchet, Mmes Dumont et V. Boyer, MM. Sautarel, D. Laurent et Daubresse, Mme Canayer, MM. Houpert et Regnard, Mme Estrosi Sassone, MM. Panunzi et Pointereau, Mme Garriaud-Maylam, MM. Cambon et Lefèvre, Mme Raimond-Pavero et M. Bazin, est ainsi libellé :

Alinéa 27

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Cet amendement, proposé par Roger Karoutchi et cosigné par un certain nombre de nos collègues, tend à supprimer la référence au financement des sociétés de l’audiovisuel public.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Le financement de l’audiovisuel public est la principale garantie de son indépendance.

Il est fondamental de défendre cette indépendance, pour autant qu’elle ne serve pas à maintenir des rigidités, défendre des corporatismes et ralentir les évolutions indispensables.

Dans notre esprit, il est essentiel de réformer à la fois le financement, l’organisation et la gouvernance de l’audiovisuel public, afin de mettre un terme à la situation actuelle, qui mobilise des moyens considérables pour des résultats limités. Je pense en particulier à la capacité des entreprises concernées à s’adresser aux jeunes, à faire preuve d’innovation et d’originalité tout en contribuant au rayonnement de la culture française à l’international.

Dès lors, deux scénarios sont envisageables.

Le premier, c’est un regroupement de l’audiovisuel public, dirigé par une personnalité incontestable qui saura définir et mettre en œuvre une stratégie ambitieuse avec des moyens suffisants. Ce scénario pourrait justifier d’allouer un financement pérenne et fiscal à la société holding, pourquoi pas en confortant le mode de financement actuel, qui a fait ses preuves.

Le second, c’est le maintien de la situation actuelle, caractérisée par un éparpillement des sociétés, par des structures trop coûteuses et assez peu efficaces, ainsi que par des mutualisations cosmétiques. Ce scénario pourrait justifier le recours à un financement par dotations budgétaires, afin de limiter le coût de l’audiovisuel public.

Les auteurs de cet amendement anticipent l’échec de notre ambition pour un audiovisuel public moderne, dynamique et rénové. Nous ne pouvons qu’y être défavorables, tant que l’issue de cette proposition de loi n’est pas connue. Il faut se laisser une dernière chance !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Cet amendement tend à supprimer les caractéristiques du financement de l’audiovisuel public. Ces caractéristiques sont cohérentes avec les grands principes que j’ai réaffirmés.

L’audiovisuel public doit bénéficier d’une ressource prévisible et suffisante pour accomplir les missions qui lui sont confiées. En tout état de cause, le débat relatif au mode de financement pérenne du secteur relèvera du prochain projet de loi de finances.

Avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Mme Catherine Morin-Desailly. Je suis tentée de dire : nous y voilà ! La suppression de la redevance n’était qu’un prélude à la rebudgétisation du financement de l’audiovisuel public.

L’été dernier, les élus de notre groupe s’étaient opposés à cette suppression à l’aveugle. Sur l’initiative de nos collègues centristes de la commission des finances, nous avions demandé un délai d’un an, ne serait-ce que pour bénéficier de l’étude demandée à l’Igac.

Je vous rappelle que nous avons dû quémander ce rapport et que nous ne l’avons obtenu qu’à la dernière minute. Nous n’avions pas de recul pour apporter une solution satisfaisante, assurant véritablement la pérennité et l’indépendance de l’audiovisuel public. Il était donc pour le moins important que la proposition de loi déposée par Laurent Lafon affirme la nécessité d’une ressource pérenne, dynamique et lisible. À cet égard, je soutiens absolument l’article 5.

À présent, il faut que cette volonté se concrétise en loi de finances, ce qui suppose de vrais débats sur la ressource publique.

Madame la ministre, lors de la présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE), l’avenir de l’audiovisuel public a donné lieu à un débat formidable. Les représentants des différents audiovisuels publics européens y ont pris part. Contrairement à ce que vous avez affirmé – pardonnez-moi de le relever –, ils ont déclaré que la première condition de l’indépendance des entreprises de l’audiovisuel public était bien la ressource publique, dont la contribution à l’audiovisuel public. Certes, le mode de nomination a son importance. Mais la question de la ressource est primordiale.

Si, en 2009, la redevance a été rebaptisée contribution à l’audiovisuel public, ce n’est pas par hasard : ce n’est pas une taxe comme une autre. Par ce biais, les citoyens participent au financement d’un service dont ils bénéficient. On pense évidemment aux programmes du service public, mais la contribution finance aussi des orchestres.

Une telle ressource présente donc une dimension citoyenne, dont nous aurions intérêt à débattre dans la perspective du projet de loi de finances.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Mes chers collègues, je ne souhaitais pas que cette proposition de loi traite des questions financières – à mon sens, une phrase générique suffisait –, mais nous y venons très vite. De nombreux amendements ont été déposés sur le sujet : seulement celui que nous examinons actuellement, mais aussi tous ceux qui concernent les ressources publicitaires. J’en remercie d’ailleurs les auteurs : grâce à eux, le débat peut avoir lieu.

Catherine Morin-Desailly le rappelait à l’instant : l’année dernière, la suppression de la redevance audiovisuelle n’a pas été assortie de solutions de remplacement suffisamment travaillées, si bien que nous revenons pour ainsi dire au point de départ. Nous devons de nouveau réfléchir au financement de l’audiovisuel.

Certains croient, pensent ou espèrent que l’attribution d’une fraction de TVA par une modification de la Lolf est acquise de manière pérenne. Manifestement, ce n’est pas le cas. Un certain nombre de membres de la majorité sénatoriale ont cosigné le présent amendement, ce qui prouve que ce système ne fait pas l’unanimité et que la budgétisation est un scénario envisageable. Personnellement, je n’y suis pas favorable, mais il ne faut pas minimiser ce débat, que M. le rapporteur a fort bien résumé.

Madame la ministre, je me tourne aussi vers vous. J’imagine que ce débat, opposant schématiquement les tenants d’une ressource budgétaire et les partisans d’une ressource fiscale autonome, se prolonge, au Gouvernement, entre Bercy et votre ministère.

On voit bien que, finalement, tout est lié. (Mme Catherine Morin-Desailly acquiesce.) Le lien est même très étroit entre, d’une part, le débat relatif aux ressources publicitaires et, de l’autre, la question de la budgétisation. On peut très bien estimer que les partisans de la budgétisation tiendront aussi à ce que l’audiovisuel public augmente ses ressources propres, en particulier ses recettes publicitaires.

Le chantier qui s’ouvre maintenant promet d’être complexe. Il nécessitera un accord au Sénat comme à l’Assemblée nationale et – je me dois de vous le rappeler – il exigera une vision commune, non seulement sur les ressources, mais aussi sur l’organisation et la gouvernance.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Je vois que l’on tente de négocier le futur mode de financement contre l’acceptation de la holding : ce sont des discussions de marchands de tapis… (Sourires.)

Sur la redevance, je suis presque en tout point d’accord avec Catherine Morin-Desailly.

Madame la ministre, vous sous-estimez le fait que le mode de financement est directement lié à l’indépendance de l’audiovisuel public.

Jack Ralite n’est plus parmi nous, mais j’aurais aimé que vous entendiez son plaidoyer sur le sujet. Il vous aurait rappelé que, lors de sa création, la redevance a été conçue et vécue comme un actionnariat populaire, comme une participation directe.

Ce lien direct était très important. Or, depuis que je suis sénateur et que je suis ces affaires, Bercy s’acharne à le détruire. Pourquoi ? Parce que Bercy n’aime pas que des ressources publiques lui échappent. Il ne veut pas être obligé d’affecter tels crédits à tel endroit. Au contraire, il entend disposer chaque année d’un pouvoir de négociation, notamment pour des raisons d’équilibre budgétaire ; il ne s’agit pas forcément d’exercer une pression politique. C’est insupportable !

C’est ce lien direct qui a assuré l’indépendance de l’audiovisuel public. Tous les personnels de l’audiovisuel public le savent, comme tous les acteurs de la création, qui se sont d’ailleurs mobilisés pour le défendre.

Or – je le répète – vous avez sous-estimé l’importance du mode de financement. Le système que vous proposez repose sur une fraction de TVA. Il sera caduc au 1er janvier 2025, et vous le savez. À présent, M. Karoutchi vous présente la mesure sur laquelle nous vous avions avertie.

Vous ouvrez la voie à la budgétisation, qui est la pire des formules.

M. David Assouline. Avec un tel financement, le budget est renégocié chaque année, et c’est Bercy qui donne le « la ». À l’évidence, ce n’est pas la solution. Il faudra revenir sur la question de la redevance…

M. le président. Il faut conclure, monsieur Assouline.

M. David Assouline. … en regardant ce qui se passe en Europe !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Justement, regardons ce qui se passe en Europe.

Madame Morin-Desailly, monsieur Assouline, l’Espagne, le Danemark ou encore la Belgique n’ont pas de taxe affectée : leur audiovisuel public est pourtant bien indépendant.

Le mode de financement est évidemment important pour garantir de la visibilité et de la pérennité, mais il ne suffit pas à garantir l’indépendance. On le sait très bien. Sinon, quid des pays qui ont budgétisé cette ressource ?

Je me réfère à la décision du Conseil constitutionnel du 12 août 2022, qui a validé le dispositif de financement destiné à remplacer la redevance. Il l’a simplement assorti d’une réserve d’interprétation ayant pour effet de mettre à la charge du législateur l’obligation de fixer le montant de ces recettes, afin que les sociétés et l’établissement de l’audiovisuel public soient à même d’exercer les missions de service public qui leur sont confiées.

Le Conseil constitutionnel a donc émis une exigence relative au niveau de financement et non à ses modalités. C’est assez clair… (M. David Assouline manifeste son scepticisme.) Nous devrons avoir tous ces éléments en tête quand ce débat reprendra.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Je retire l’amendement n° 1 rectifié, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 39, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 28, première phrase

Après le mot :

locaux

insérer les mots :

et des retransmissions de manifestations et compétitions sportives

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Mes chers collègues, avec cet amendement, je reviens sur une question que j’aborde souvent.

Chacun souhaite que le service public continue à diffuser du sport. Chacun veut qu’il garde les grands événements qu’il retransmet aujourd’hui et qui, disons-le, permettent de rassembler le peuple : le Tour de France, Roland-Garros et le Tournoi des six nations. La rediffusion de Roland-Garros est d’ores et déjà rognée…

Certains disent que France Télévisions est libre d’acheter des manifestations : c’est une hypocrisie totale ! Le service public n’a même pas les moyens d’acquérir les droits de diffusion de la Coupe du monde de football féminin, qui ne trouve pas preneur aujourd’hui ; nous verrons bien ce qu’il en sera in fine. Ces droits sont bien moins élevés que ceux d’un événement comme la Ligue des champions, mais c’est déjà trop. Certains font monter les prix dans des proportions incroyables, et personne ici ne veut que de l’argent public entre dans leurs caisses.

Si le groupe France Télévisions est évincé d’emblée, c’est parce que le seul moyen d’acquérir ces droits est d’avoir de la publicité lors de la diffusion de ces événements. Pas un média ne peut se permettre d’en acheter la diffusion s’il n’a pas la publicité pour payer. Or le service public n’a plus de publicité après vingt heures.

En revanche – c’est à ce titre que je pointe l’hypocrisie –, si le service public avait les moyens d’acheter, il y aurait de la publicité partout, sur les maillots et tout autour du stade. Les recettes reviendraient aux organisateurs et non à France Télévisions.

Cette publicité serait autorisée, mais, à la mi-temps, il serait interdit de diffuser un spot publicitaire dont les recettes iraient à France Télévisions. Il s’agit donc non pas d’empêcher la publicité, mais de priver le service public d’une telle possibilité.

Voilà pourquoi je reprends ici une mesure que j’ai proposée dans le rapport que le Gouvernement m’avait commandé sur le sport à la télévision. Après vingt heures,…

M. Max Brisson. C’est fini !

M. David Assouline. … France Télévisions doit pouvoir diffuser des spots publicitaires lorsqu’il retransmet des manifestations sportives en direct ; je dis bien en direct.

M. le président. L’amendement n° 78 rectifié, présenté par MM. Fialaire, Artano et Bilhac, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 28

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La retransmission en direct d’événements sportifs sur les services nationaux de télévision de France Télévisions entre vingt heures et six heures n’est pas concernée par les dispositions du précédent alinéa.

La parole est à M. Bernard Fialaire.

M. Bernard Fialaire. Je dénonce à mon tour l’hypocrisie à laquelle M. Assouline a fait référence. Entre vingt heures et six heures, la diffusion d’événements sportifs sur le service public peut donner lieu à toutes sortes de publicités, que ce soit sur les maillots ou dans l’environnement du stade, mais les chaînes publiques ne peuvent pas diffuser de publicité pour payer ces retransmissions.

J’estime, à l’instar de M. Assouline, qu’il faut prévoir une dérogation : la publicité entre vingt heures et six heures du matin devrait être autorisée, uniquement pour les événements donnant déjà lieu à de tels affichages publicitaires, qui sont impossibles à empêcher. Ce faisant, l’on mettra fin à une attitude hypocrite et l’on donnera à l’audiovisuel public les moyens de proposer ce type d’événements.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Sur l’amendement n° 39 de M. Assouline, je relève que France Télévisions dispose de moyens importants pour conserver des droits de diffusion sportive sur ses chaînes.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Par exemple, le budget alloué à sa grille de programmes est le double de celui dont dispose TF1.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Le groupe public a insisté pour obtenir l’exclusivité de la diffusion des jeux Olympiques et Paralympiques, pour plus de 130 millions d’euros, alors que les chaînes privées étaient volontaires pour partager les coûts et les diffusions.

Le rétablissement de la publicité en soirée dans les émissions sportives permettrait à France Télévisions de récupérer une quinzaine de millions d’euros par an. Cette somme peut être comparée aux 80 millions d’euros gaspillés en pure perte dans Salto… France Télévisions a davantage besoin d’une stratégie cohérente que de crédits supplémentaires.

L’amendement n° 78 rectifié de M. Fialaire tend, lui aussi, à rendre possible la publicité en soirée sur les chaînes de France Télévisions lors des retransmissions sportives.

Le groupe public a évalué à une quinzaine de millions d’euros les ressources que cette disposition pourrait lui offrir. Ses recettes publicitaires actuelles atteignent, quant à elles, 380 millions d’euros et sa dotation publique s’élève à 2,8 milliards d’euros par an. Une telle mesure est donc anecdotique : elle ne permettrait pas de financer l’acquisition de droits sportifs importants. En revanche, elle enverrait un signal négatif et, en aggravant la dépendance du service public à la publicité, risquerait d’affaiblir sa spécificité.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Cette fois, je suis totalement en accord avec M. le rapporteur.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Très bien ! (Sourires.)

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. À mon sens, la situation actuelle traduit un bon équilibre. La modération de la présence de la publicité sur les chaînes du service public est un élément de différenciation qui a toute son importance pour les Français : il convient de le préserver.

En outre, ce n’est pas le moment de déstabiliser les équilibres du marché publicitaire, dont on connaît les mouvements de contraction pour les chaînes privées.

Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Jusqu’à présent, Mme la ministre n’argumentait pas trop, puisqu’elle est contre tout. Mais, dès lors qu’elle argumente, je me dois de lui répondre.

Nous disposons d’un cas concret : la Coupe du monde du football féminin.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Justement !

M. David Assouline. Ce n’est pas rien ! Non seulement l’équipe de France prend part à la compétition, mais chacun s’accorde à dire qu’il faut promouvoir le sport féminin.

L’offre est ainsi formulée que cet événement ne sera peut-être pas diffusé – je ne l’espère pas ! –, aucune chaîne en clair ne s’étant portée candidate. France Télévisions pourrait être sur les rangs : il y va de l’intérêt général. Non seulement ses missions spécifiques d’intérêt public commandent de favoriser le sport féminin, mais – j’y insiste – c’est une compétition tout à fait importante.

Si la publicité était autorisée après vingt heures, même pour de faibles volumes, le groupe France Télévisions aurait pu se porter acquéreur tout de suite et il n’y aurait pas de sujet.

Madame la ministre, peut-être en savez-vous plus long que moi sur cette question ; cela devient une affaire publique. Il semblerait qu’une offre conjointe se profile entre M6 et France Télévisions : du moins, c’est ce que j’ai lu. Est-ce vrai ou non ? En tout cas, à ce jour, alors même que l’équipe de France féminine est en préparation pour cette compétition qui se profile, aucune retransmission n’est prévue, parce que la diffusion coûte trop cher. C’est un scandale !

Le service public aurait pu candidater, même s’il ne disposait que d’une seule fenêtre publicitaire après vingt heures.

Voilà une réponse concrète aux propos un peu trop généraux que vous avez formulés, madame la ministre.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 39.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 78 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 76 rectifié, présenté par MM. Fialaire, Artano et Bilhac, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :

Alinéa 28, première et dernière phrases

Supprimer les mots :

autres que ceux pour des biens ou services présentés sous leur appellation générique

La parole est à M. Bernard Fialaire.

M. Bernard Fialaire. En présentant l’amendement précédent, j’ai défendu la publicité entre vingt heures et six heures lors de la diffusion d’événements sportifs donnant lieu à une publicité indirecte sur les maillots comme aux abords des stades.

Avec cet amendement, j’appelle l’attention sur la multiplication des parrainages, des messages d’intérêt général et des publicités génériques entre vingt heures et six heures, sur les antennes nationales, d’outre-mer et les plateformes de France Télévisions. Une telle prolifération conduit à une situation regrettable : le téléspectateur a l’impression que l’interdiction de la publicité sur le service public télévisuel sur ce créneau horaire est largement contournée, ce qui nuit à la spécificité du service public de l’audiovisuel.

Dès lors, cet amendement vise à interdire toute présence des annonceurs entre vingt heures et six heures sur les antennes nationales, d’outre-mer et plateformes de France Télévisions, exception faite, bien sûr, des campagnes d’intérêt général.

Cette mesure serait étendue à la publicité numérique et aux parrainages excessifs. Elle permettrait de réaffirmer l’objectif de diminution progressive de la publicité, sous toutes ses formes, sur les antennes télévisées du service public. Elle conforterait la logique de service public, qui se doit d’échapper aux logiques commerciales. Elle permettrait également d’anticiper la migration progressive des principaux annonceurs vers les supports numériques.

L’audiovisuel public renouerait ainsi avec l’esprit de la loi du 5 mars 2009. Non seulement les programmes de soirée commenceraient plus tôt, mais ils bénéficieraient d’une totale liberté éditoriale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer le parrainage en soirée sur les chaînes nationales de France Télévisions.

Une telle disposition figurait dans le rapport adopté l’année dernière par la mission conjointe de contrôle de la commission de la culture et de la commission des finances sur le financement de l’audiovisuel public. Nous y sommes donc favorables sur le principe.

En revanche, mon cher collègue, il nous semble préférable d’évoquer globalement les moyens de l’audiovisuel public, qui doivent être définis en fonction des missions.

En interdisant le parrainage sans prévoir de compensations, on mettrait le groupe public en difficulté. Selon nous, mieux vaut instaurer un plafonnement des recettes de publicité et de parrainage dans la convention stratégique pluriannuelle, qui pourra commencer par stabiliser le montant de ces recettes avant d’engager leur baisse, à mesure que d’autres recettes pourront être dégagées.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Ne remettons pas en cause les équilibres actuels : si les parrainages donnent lieu à des contournements, c’est à l’Arcom de le vérifier. À ce jour, le statu quo nous convient.

Monsieur Assouline, je reviens un instant sur la Coupe du monde féminine de football, que vous avez évoquée. Je vous rappelle que cette compétition aura lieu en Australie et que, compte tenu du décalage horaire, les matchs seront diffusés le matin. La publicité après vingt heures ne nous aidera donc pas beaucoup dans ce cas précis. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour explication de vote.

M. Bernard Fialaire. Par mon précédent amendement, j’ai proposé une compensation de ces pertes de recettes, mais ni la commission ni le Gouvernement n’en ont voulu. Voilà où nous nous retrouvons…

Je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 76 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’article 5, modifié.

(Larticle 5 est adopté.)

Article 5
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Article additionnel après l'article 5 - Amendement n° 97

Après l’article 5

Après l’article 5
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Article 6

M. le président. L’amendement n° 97, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, il est inséré un article 53-… ainsi rédigé :

« Art. 53-…. – Dans chaque société ou établissement mentionnés à l’article 53 de la présente loi, un conseil des auditeurs est consulté pour contrôler l’application des contrats d’objectifs et de moyens, et notamment le respect des missions de service public qui leur sont dévolues. Lorsqu’il constate un manquement, le conseil des auditeurs saisit l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique

« Les membres de ce conseil exercent leurs fonctions à titre gratuit.

« Un décret précise la composition du conseil des auditeurs et les modalités de saisine de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique. »

La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. L’objet de cet amendement est d’instituer un conseil des auditeurs, afin de renforcer les liens avec les sociétés audiovisuelles publiques.

Nous souhaitons instaurer un peu de démocratie participative dans la gouvernance de celles-ci, sur le modèle de ce qui se fait au sein de la BBC.

Le rôle de ce conseil des auditeurs serait de participer au contrôle de l’application des contrats d’objectifs et de moyens, ou, le cas échéant, des conventions stratégiques pluriannuelles, et de la bonne exécution des missions de service public. À cet effet, le conseil aurait le pouvoir de saisir l’Arcom en cas de constat d’un manquement.

Sa composition devra être représentative des auditeurs des chaînes concernées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Il existe déjà des groupes et des associations qui rassemblent des auditeurs. Par ailleurs, la loi du 14 novembre 2016 visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias, dite loi Bloche, a créé au sein de chaque chaîne des comités indépendants qui peuvent être saisis. Il n’apparaît donc pas utile de créer une nouvelle structure dont la valeur ajoutée ne serait pas évidente. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Avis défavorable. Je suis totalement d’accord avec les arguments de M. le rapporteur.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 97.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 5 - Amendement n° 97
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Article 7

Article 6

L’article 57 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa du II, les mots : « des organismes visés à l’alinéa précédent » sont remplacés par les mots : « directeur général des sociétés mentionnées au premier alinéa du présent II » ;

2° Au III, le mot : « président » est remplacé par les mots : « directeur général ».

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 8 est présenté par M. Bargeton.

L’amendement n° 17 est présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 90 est présenté par Mme de Marco, MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Julien Bargeton, pour présenter l’amendement n° 8.

M. Julien Bargeton. Cet amendement est défendu.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour présenter l’amendement n° 17.

M. David Assouline. Il est également défendu.

M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour présenter l’amendement n° 90.

Mme Monique de Marco. Toujours dans une logique d’opposition à la création d’une holding, nous proposons de supprimer cet article de coordination, afin qu’il n’en reste plus rien.

Rien ne justifie cette réforme de l’audiovisuel public. Radio France a enregistré de très bonnes audiences en 2022 et reste le premier groupe radio français, à 30,3 % de part d’audience, notamment grâce à France Inter, qui est, à un niveau inédit de 12,6 % de part d’audience, la radio la plus écoutée.

France Télévisions est également en bonne forme, avec une audience cumulée de 29,4 %. France 2 talonne TF1, suivie de France 3.

Dans ces conditions satisfaisantes, entreprendre une réforme de rapprochement risque de fragiliser la dynamique qui s’est installée et qui, pour l’instant, réussit au service audiovisuel public. C’est pourquoi nous nous y opposons.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Comme il s’agit d’amendements de suppression, l’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 8, 17 et 90.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 6.

(Larticle 6 est adopté.)

Article 6
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Article 8

Article 7

I. – Le 1er janvier 2024, l’établissement public Institut national de l’audiovisuel est transformé en société anonyme. À sa date de transformation, son capital est entièrement détenu par l’État, qui transfère immédiatement les actions correspondantes à la société France Médias, conformément à l’article 8 de la présente loi. Cette transformation n’emporte ni création d’une personne morale nouvelle, ni cessation d’activité, ni conséquence sur le régime juridique auquel sont soumis ses personnels.

Les biens de l’établissement public Institut national de l’audiovisuel relevant du domaine public sont déclassés à la date de sa transformation en société anonyme et deviennent la propriété de la société anonyme Institut national de l’audiovisuel.

Lorsque les biens de la société anonyme sont nécessaires à la bonne exécution par celle-ci de ses missions de service public ou au développement desdites missions, l’État s’oppose à leur cession, à leur apport, sous quelque forme que ce soit, à la création d’une sûreté sur ces biens, ou subordonne leur cession, la réalisation de leur apport ou la création de la sûreté sur ces derniers à la condition qu’elle ne soit pas susceptible de porter préjudice à l’accomplissement de ces missions. Un décret fixe les modalités d’application du présent alinéa, notamment les catégories de biens en cause. Est nul de plein droit tout acte de cession, apport ou création de sûreté réalisé sans que l’État ait été mis à même de s’y opposer, en violation de son opposition ou en méconnaissance des conditions fixées à la réalisation de l’opération. Les biens entrant dans le champ du décret ne peuvent faire l’objet d’aucune saisie.

L’ensemble des biens, droits, obligations, contrats, conventions et autorisations de toute nature de l’établissement public Institut national de l’audiovisuel, en France et hors de France, sont de plein droit et sans formalités ceux de la société anonyme Institut national de l’audiovisuel à la date de la transformation. Celle-ci n’a aucune incidence sur ces biens, droits, obligations, contrats, conventions et autorisations et n’entraîne, en particulier, pas de modification des contrats et des conventions en cours conclus par l’Institut national de l’audiovisuel, ni leur réalisation, ni, le cas échéant, le remboursement anticipé des dettes qui en sont l’objet. L’ensemble des opérations résultant de la transformation de l’Institut national de l’audiovisuel en société anonyme est réalisé à titre gratuit et ne donne lieu au paiement d’aucun droit, ni d’aucune indemnité ou taxe, ni de la contribution prévue à l’article 879 du code général des impôts.

Les comptes de l’exercice 2023 de l’établissement public Institut national de l’audiovisuel sont approuvés dans les conditions de droit commun par l’assemblée générale de la société Institut national de l’audiovisuel. Le bilan au 31 décembre 2023 de la société Institut national de l’audiovisuel est constitué à partir du bilan de clôture de l’établissement public à la date de sa transformation et du compte de résultat du premier exercice de la société Institut national de l’audiovisuel ouvert à la date de sa formation.

II. – À la date de la transformation de l’Institut national de l’audiovisuel en société anonyme, le président de l’établissement public en fonction devient de droit président-directeur général de la société et les mandats des autres administrateurs de l’établissement public industriel et commercial Institut national de l’audiovisuel sont transformés de droit en mandats de membres du conseil d’administration de la société Institut national de l’audiovisuel.

Les représentants du personnel élus restent en fonction jusqu’au terme de leur mandat.

La transformation de l’Institut national de l’audiovisuel en société anonyme n’affecte pas le mandat de ses commissaires aux comptes en cours à la date de cette transformation.

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 9 est présenté par M. Bargeton.

L’amendement n° 18 est présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 63 est présenté par M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 91 est présenté par Mme de Marco, MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge et MM. Salmon et J.P. Vogel.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Julien Bargeton, pour présenter l’amendement n° 9.

M. Julien Bargeton. Cet article transforme l’INA en société anonyme. Cela peut paraître simple et anodin, mais, comme nous le voyons depuis l’examen de l’article 5, la création d’une holding a des conséquences.

En l’occurrence, transformer un établissement public en société anonyme implique le travail de très nombreux juristes et des transformations importantes, notamment en matière de budget. En pratique, la constitution d’une holding se traduira par une consommation de temps et d’énergie, au moment où les contrats d’objectifs et de moyens devront être reconduits.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour présenter l’amendement n° 18.

M. David Assouline. Madame la ministre, vous avez raison sur les horaires de diffusion de la Coupe du monde féminine de football. J’avais pris cet exemple comme un cas d’école, mais je peux vous en donner un autre, peut-être plus pertinent : Roland-Garros.

Les matchs nocturnes sont désormais captés par Amazon, qui, seul, peut diffuser la nuit. Or ces événements nocturnes vont se multiplier, car leur diffusion rencontre du succès, la couverture médiatique ayant attiré un nouveau public. Ainsi, ce bastion, en matière de sports, du service public est menacé ; vous le savez très bien.

J’espère tout de même qu’une chaîne en clair, et de préférence une chaîne publique, diffusera la Coupe du monde de football féminin. C’est une question qui est devenue politique.

L’amendement n° 18 vise à s’opposer à la création de la holding avec l’intégration en son sein de l’INA. Quelle est la logique ? L’INA, contrairement aux trois autres entités concernées, est non pas un diffuseur, mais un établissement chargé de l’archivage des émissions, de leur numérisation et de leur commercialisation.

L’Institut joue également un grand rôle de formation, en remplissant des missions particulières, comme la mise sur pied de la classe alpha.

Quelles synergies escomptez-vous en regroupant cet établissement public industriel et commercial (Épic) et des radios, dont les principales activités sont de produire et de diffuser de l’information et de la fiction ? Je ne vois pas la logique.

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 63.

Mme Céline Brulin. Nous nous opposons nous aussi à la transformation de l’INA, qui est actuellement un Épic, en société anonyme, non seulement car cela va mobiliser des tas de juristes pendant plusieurs années, mais surtout car les Épic ont été imaginés, comme leur nom l’indique, pour remplir des activités publiques de nature commerciale et industrielle qui ne pourraient pas être assumées par une entreprise privée soumise à la concurrence.

C’est précisément ce qui définit l’INA. Celui-ci n’est rien de moins que l’entité chargée de protéger, d’archiver et de valoriser toutes les productions audiovisuelles françaises depuis près de cinquante ans.

Pardonnez-moi de revenir à des considérations financières, mais si nous transformons l’INA en société anonyme, à la moindre difficulté financière, un acteur privé aux intérêts potentiellement éloignés des visées historiques et patrimoniales de l’établissement peut entrer au capital.

Enfin, les chantiers dans lesquels s’engage l’INA réfutent les caricatures qui sont parfois faites des entreprises de l’audiovisuel public : une offre de data média a été créée au service des chercheurs, et l’offre de streaming se développe et est de plus en plus appréciée. Il nous semble donc que l’INA doit garder son caractère d’Épic, qui protège son activité particulière et exceptionnelle.

M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour présenter l’amendement n° 91.

Mme Monique de Marco. Difficile de comprendre un tel changement de régime juridique de l’INA… À mon sens, il s’agit certainement d’une tentative de rationalisation budgétaire.

Depuis sa création, en 1974, l’INA remplit des missions particulières au sein de l’audiovisuel public : conservation des archives, recherche et création audiovisuelles, formation professionnelle. Il assure également le dépôt légal de la télévision et de la radio depuis 1992.

Au début des années 2000, la numérisation des archives est devenue un outil pour développer une nouvelle stratégie commerciale de valorisation des contenus. L’INA a ainsi pu, par exemple, contracter un accord avec YouTube en 2011 et bénéficier de recettes publicitaires, jusqu’à la création d’une plateforme de streaming spécifique, madelen.

L’article 7 de cette proposition de loi vise à faire évoluer le statut juridique de l’INA en société anonyme, afin de l’intégrer à la holding. Dans un plus grand ensemble, il est à craindre que les programmes développés par l’Institut ne soient fragilisés, de même que sa plateforme.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Sur le sujet des missions de formation de l’INA, certains propos confinent à la caricature !

Tout d’abord, mes chers collègues, nous répondons à une demande expresse de l’INA, répétée lors des auditions. Actuellement, l’établissement est soumis aux règles des marchés publics. Or c’est une véritable usine à gaz !

L’INA demande à intégrer la holding,…

M. Julien Bargeton. Si elle est créée !

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. … ce qui permettra enfin une véritable coordination, car, en l’état, l’ensemble des formations du service public audiovisuel ne sont pas à l’INA. Nous sommes loin du taux plein !

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Étant défavorable à la création de la holding, je suis favorable à ces amendements de suppression.

J’en profite pour rendre hommage au travail formidable de l’INA, qui, sans réorganisation, sans meccano institutionnel, a déjà avancé sur de nombreuses coopérations, notamment avec France Télévisions, pour la création de la plateforme Lumni Enseignement et avec Radio France sur le développement de France Info.

L’Institut s’est également emparé de la question de la formation en créant les classes alpha, dont j’ai pu rencontrer les jeunes en formation. Les avancées en la matière sont considérables.

Le développement de l’INA est donc une priorité que nous devons maintenir.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 9, 18, 63 et 91.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 7.

(Larticle 7 est adopté.)

M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, il est minuit. Je vous propose de poursuivre l’examen des articles de cette proposition de loi jusqu’à minuit et demi.

Il n’y a pas d’opposition ?…

Il en est ainsi décidé.

Article 7
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Article 9

Article 8

I. – La société France Médias est créée le 1er janvier 2024. L’apport par l’État à la société France Médias de la totalité des actions des sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l’audiovisuel est également réalisé le 1er janvier 2024.

Cet apport n’a aucune incidence sur les biens, droits, obligations, contrats, conventions et autorisations de ces sociétés et n’entraîne, en particulier, pas de modification des contrats et des conventions en cours conclus par les sociétés France Médias, France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l’audiovisuel, ni leur réalisation, ni, le cas échéant, le remboursement anticipé des dettes qui en sont l’objet. Il ne donne lieu au paiement d’aucun impôt, rémunération ou contribution de quelque nature.

L’apport des actions des sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l’audiovisuel à la société France Médias est réalisé à la valeur nette comptable des titres.

II. – Dans un délai de six semaines à compter du 1er janvier 2024, les statuts des sociétés France Médias et Institut national de l’audiovisuel sont approuvés en application de l’article 47 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dans sa rédaction résultant de la présente loi. Ceux des sociétés France Télévisions, Radio France et France Médias Monde sont mis en conformité avec la présente loi à compter de la première nomination du président de la société France Médias en application du I de l’article 47-3 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, dans sa rédaction résultant de la présente loi.

III. – Les membres du conseil d’administration de la société France Médias désignés en application des 1°, 2°, 3° et 4° de l’article 47-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, dans sa rédaction résultant de la présente loi, sont désignés au plus tard deux mois après la création de la société.

Les premières présidence et direction générale de cette société sont assurées par le doyen d’âge des membres désignés en application du 4° du même article 47-1. Son mandat prend fin à compter de la première nomination du président de la société France Médias en application du I de l’article 47-3 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, dans sa rédaction résultant de la présente loi.

Par dérogation au 6° de l’article 47-1 de loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, dans sa rédaction résultant de la présente loi, les premiers membres du conseil d’administration de la société France Médias représentant les salariés sont désignés, dans un délai d’un mois à compter du 1er janvier 2024, parmi le personnel des sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l’audiovisuel par chacune des deux organisations syndicales ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages en additionnant ceux reçus au premier tour des dernières élections mentionnées aux articles L. 2122-1 et L. 2122-4 du code du travail organisées par ces sociétés.

Dans un délai d’un mois à compter de la première désignation des représentants des salariés, le conseil d’administration de la société France Médias désigne les deux personnalités indépendantes mentionnées au 5° de l’article 47-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, dans sa rédaction résultant de la présente loi.

Par dérogation au même article 47-1, le conseil d’administration de la société France Médias délibère valablement sous réserve du respect des règles de quorum.

Dans un délai de trois mois à compter de la désignation des deux personnalités indépendantes mentionnées au 5° dudit article 47-1, le conseil d’administration propose au Président de la République, dans les conditions prévues à l’article 47-3 de la même loi, dans sa rédaction résultant de la présente loi, la nomination du président-directeur général de la société France Médias.

IV. – À compter de la première nomination du président-directeur général de la société France Médias en application du I de l’article 47-3 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée dans sa rédaction résultant de la présente loi, les mandats des membres des conseils d’administration des sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l’audiovisuel prennent fin, à l’exception de ceux des représentants du personnel.

Jusqu’à cette date, les conseils d’administration de ces sociétés délibèrent valablement dans leur composition antérieure à la publication de la présente loi. Leurs membres peuvent être nommés jusqu’à cette date dans les conditions prévues aux articles 47-1, 47-2, 47-3 et 50 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, dans leur rédaction antérieure à la présente loi.

À cette date, par dérogation au II de l’article 47-3 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, dans sa rédaction résultant de la présente loi, les présidents des sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l’audiovisuel deviennent directeurs généraux de ces sociétés, jusqu’au 1er janvier 2025.

V. – Le III de l’article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, dans sa rédaction résultant de la présente loi, entre en vigueur le 1er janvier 2025.

VI. – Le V est applicable dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 10 est présenté par M. Bargeton.

L’amendement n° 19 est présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 64 est présenté par M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 92 est présenté par Mme de Marco, MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Julien Bargeton, pour présenter l’amendement n° 10.

M. Julien Bargeton. L’article 8 transforme les quatre sociétés de l’audiovisuel public en filiales. C’est la suite logique des articles que nous venons d’examiner.

C’est pourquoi, dans le même esprit que précédemment, je défends un amendement de suppression.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour présenter l’amendement n° 19.

M. David Assouline. Je vais tenter de décrire le processus qu’enclencherait l’application de cette loi, pour monter à quel point il s’agirait d’une usine à gaz.

La holding serait effectivement créée le 1er janvier 2024, alors que l’audiovisuel public sera toujours provisoirement financé par une portion de TVA.

Le 1er février 2024 seraient désignés les représentants des salariés et deux personnalités indépendantes.

À la mi-février 2024 seraient approuvés par décret et mis en conformité les statuts des sociétés concernées.

Le 1er mars 2024 au plus tard seraient désignés les membres du conseil d’administration de France Médias, dont des parlementaires et des représentants de l’État.

Jusqu’au 1er janvier 2025, les présidents des quatre sociétés actuelles resteraient directeurs généraux de manière transitoire, ce qui les empêcherait a priori de devenir président de la holding.

Le 1er janvier 2025 entrerait en vigueur le dispositif d’information du Parlement sur la part de ressources publiques affectées à France Médias et sa répartition entre les sociétés et pour elle-même.

Franchement, je ne sais pas comment fonctionnerait une structure qui commencerait sur de telles bases : l’expression « usine à gaz » est trop faible pour le décrire. Ce calendrier de déploiement plus que complexe nous conforte dans notre volonté d’éviter la création de la holding.

M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour présenter l’amendement n° 64.

M. Jérémy Bacchi. Dans la création de cette holding, je vois une mesure à la fois inutile et dangereuse en matière d’indépendance et de diversité des programmes.

De plus, je souligne le risque que ce texte fait peser sur les salariés de la filière de l’audiovisuel public : la situation des éditeurs contribuant aux matinales filmées de France Bleu et France 3, en grève depuis une quinzaine de jours, illustre les conséquences concrètes pour les salariés de la recherche perpétuelle d’économies.

En effet, pour lancer ces matinales filmées et mettre en images les journaux radio, il a fallu recourir à des éditeurs visuels. Au lieu d’embaucher ces journalistes, Radio France et France Télévisions ont choisi de sous-traiter ce travail et de le confier à une entreprise de production privée, Eden Press.

Ces trente et un éditeurs sont employés en contrats à durée déterminée d’usage (CDDU). Ils n’ont ni prime de précarité, ni congés payés, ni prime de matinale et sont sous-payés. Par-dessus le marché, Eden Press vient de signifier à celles et ceux d’entre eux qui ont cumulé trois ans de travail que leur contrat ne sera pas renouvelé à la rentrée prochaine.

Sachant que l’une des motivations de la création de cette holding est de réaliser des économies, il y a fort à craindre que celle-ci ne conduise à de nouvelles suppressions de postes.

Plus largement, cette holding ouvrirait, à terme, la possibilité d’une fusion, et avec elle une harmonisation des conventions collectives des salariés des différentes sociétés de l’audiovisuel public. De nombreuses personnes sont concernées : les effectifs moyens de France Télévisions sont de 9 000, auxquels s’ajoutent ceux de Radio France et de l’INA.

Les bonnes conditions d’exercice du travail des journalistes sont le corollaire de leur indépendance et je crains qu’à terme la création de cette holding ne les précarise. C’est pourquoi nous souhaitons supprimer les articles portant création de cette holding.

M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour présenter l’amendement n° 92.

Mme Monique de Marco. L’article 8 prévoit les conditions de mise en œuvre de la holding France Médias. Par cohérence, nous proposons de le supprimer.

Ces dernières années, nous constatons un renforcement de la guerre de l’information et l’adoption de stratégies médiatiques par de nombreux États cherchant à étendre leur zone d’influence. Je pense notamment à la Russie, à la Chine, mais aussi à l’Arabie Saoudite.

Nos chaînes publiques ne déméritent pas, comme le montrent les performances numériques de France 24, dont la chaîne YouTube a tout de même atteint 5,7 millions d’abonnés et de RFI, qui rassemble, tous réseaux confondus, 2 millions d’abonnés.

Une recherche de coopération et de synergies est donc déjà à l’œuvre dans l’audiovisuel public et doit se poursuivre avant qu’un nouveau changement de structure soit envisagé. De plus, les chiffres que j’ai cités montrent que les acteurs publics ont su se saisir des outils numériques pour se réinventer. Une verticalité excessive pourrait nuire à cette dynamique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Comme il s’agit d’amendements de suppression, la commission y est, par cohérence, défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Par cohérence, l’avis du Gouvernement est favorable.

J’en profite pour vous rappeler comment France Télévisions est devenue France Télévisions : la loi portant création de la holding a été promulguée au mois d’août 2000 ; celle faisant de France Télévisions une entreprise unique a été adoptée en 2009 – il a fallu neuf ans pour y parvenir ; les rédactions de France 2 et France 3 ont fusionné en 2018 – dix-huit ans après la création de la holding.

J’ai relu le rapport publié en 2016 par la Cour des comptes, qui déplorait « l’absence de synergies ou d’économies ». Cela signifie donc, en outre, que l’hypothèse selon laquelle des économies seraient réalisées n’est pas avérée.

Souvenons-nous du passé : je ne vois pas pourquoi, aujourd’hui, cela irait plus vite et serait plus simple.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 10, 19, 64 et 92.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 101, présenté par M. Hugonet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Remplacer les mots :

au Président de la République

par les mots :

à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination avec les modifications proposées à l’article 3 concernant les modalités de désignation du président de France Médias par l’Arcom.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Par cohérence avec ce que j’ai indiqué précédemment, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

Je réaffirme mon attachement aux modalités actuelles de désignation par l’Arcom.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 101.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 8, modifié.

(Larticle 8 est adopté.)

Article 8
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Article additionnel avant l'article 10 - Amendement n° 81 rectifié bis

Article 9

I. – Au premier alinéa de l’article 108 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, la référence : « n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 » est remplacée par la référence : « n° … du … relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle ».

II. – Sous réserve des dispositions transitoires mentionnées aux articles 7 et 8 de la présente loi, les articles 1 à 6 et le I du présent article entrent en vigueur le 1er janvier 2024.

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 11 est présenté par M. Bargeton.

L’amendement n° 20 est présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 65 est présenté par M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 93 est présenté par Mme de Marco, MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Julien Bargeton, pour défendre l’amendement n° 11.

M. Julien Bargeton. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour présenter l’amendement n° 20.

Mme Sylvie Robert. L’article 9 supprime l’applicabilité des dispositions de la holding et de la loi du 30 septembre 1986, modifiée, dans certains territoires et pays d’outre-mer. Nous en proposons la suppression.

M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour présenter l’amendement n° 65.

M. Jérémy Bacchi. Cet amendement est défendu.

M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour présenter l’amendement n° 93.

Mme Monique de Marco. Il est également défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Avis défavorable sur ces amendements de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 11, 20, 65 et 93.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 9.

(Larticle 9 est adopté.)

Chapitre II

Préservation de notre souveraineté audiovisuelle

Avant l’article 10

Article 9
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Article 10 (début)

M. le président. L’amendement n° 81 rectifié bis, présenté par Mmes Bourrat et Drexler, M. Cambon, Mme Gruny, M. Burgoa, Mmes Lassarade, Lopez, Imbert et Micouleau, MM. Genet, Gremillet, Bascher et Piednoir, Mme Garriaud-Maylam, M. Panunzi, Mmes Demas, de Cidrac et Estrosi Sassone, M. Pellevat et Mmes Garnier et Ventalon, est ainsi libellé :

Avant l’article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 2-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par une phrase ainsi rédigée : « Au sens de cette définition, sont ainsi considérés comme distributeurs de services, les fabricants d’équipements terminaux au sens du 10° de l’article L. 32 du code des postes et des communications électroniques permettant la réception des services de communication audiovisuelle par voie hertzienne terrestre ainsi que l’accès à des services de communication au public en ligne, mis sur le marché à des fins de vente ou de location. »

La parole est à Mme Sabine Drexler.

Mme Sabine Drexler. Cet amendement de ma collègue Toine Bourrat vise à clarifier les conditions de mise à disposition et de distribution des services de télévision.

Les fabricants de terminaux radioélectriques connectés directement à internet en vue de fournir une offre de services de communication audiovisuelle exercent dorénavant une activité de distributeur de services. Ils établissent des relations contractuelles avec des éditeurs et des distributeurs en vue de constituer une offre de services de communication audiovisuelle.

De plus, ils proposent désormais un univers de prescription et une éditorialisation des contenus, alors que leur activité initiale pouvait être assimilée à celle de magasins d’application.

L’offre des téléviseurs connectés est donc devenue identique à celles des autres distributeurs de services. Par conséquent, ils doivent être assujettis aux mêmes obligations.

Ainsi, cet amendement de clarification vise à s’assurer que ces acteurs sont bien reconnus comme des distributeurs de services au sens de la loi du 30 septembre 1986.

Face aux évolutions du secteur audiovisuel, cette modification corrige une asymétrie réglementaire en alignant les obligations entre toutes les formes de distribution télévisuelle, dans l’intérêt du public et des créateurs français.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Cet amendement vise à considérer les fabricants de téléviseurs connectés comme des distributeurs, ce qui est le cas, puisqu’ils organisent l’accès aux services des éditeurs de programmes et des plateformes, indépendamment des box et du signal diffusé par la TNT. Cette qualification permettra de leur imposer des règles similaires à celles qui s’imposent déjà aux autres distributeurs : fournisseurs d’accès à internet (FAI), Canal+, etc.

Cette disposition est donc au cœur des objectifs poursuivis par les auteurs de la proposition de loi, qui souhaitent réduire les asymétries pénalisant les chaînes.

Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Cet amendement vise, me semble-t-il, à qualifier les constructeurs de téléviseurs connectés de distributeurs de services de télévision. Or c’est déjà possible.

En effet, l’article 2-1 de la loi du 30 septembre 1986 permet déjà à l’Arcom de considérer comme distributeurs de services les constructeurs de téléviseurs qui nouent des relations contractuelles avec des éditeurs en vue de constituer une offre de services de communication audiovisuelle.

L’asymétrie réglementaire que vous pointez ne me semble pas exister. Cet amendement, que vous présentez comme une clarification, pourrait, au fond, introduire un doute, car il ne rappelle pas que, pour être distributeur, il faut établir des relations contractuelles avec un éditeur.

Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.

Mme Sabine Drexler. Je retire l’amendement n° 81 rectifié bis, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 81 rectifié bis est retiré.

Article additionnel avant l'article 10 - Amendement n° 81 rectifié bis
Dossier législatif : proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle
Article 10 (interruption de la discussion)

Article 10

I. – (Supprimé)

II. – Le code du sport est ainsi modifié :

1° (nouveau) L’article L. 333-1 est ainsi modifié :

a) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les fédérations sportives, ainsi que les organisateurs de compétitions sportives mentionnés à l’article L. 331-5, veillent à ce que les conditions de commercialisation des droits d’exploitation audiovisuelle dont ils sont les propriétaires prévoient notamment le respect, par tout candidat attributaire de droits d’exploitation audiovisuelle, des règles relatives à la retransmission des événements d’importance majeure ainsi que de celles encadrant la publicité et le parrainage audiovisuels. » ;

b) Le sixième alinéa est complété par les mots : « ainsi que le respect, par tout candidat attributaire de droits d’exploitation audiovisuelle, des règles relatives à la retransmission des événements d’importance majeure et des règles encadrant la publicité et le parrainage audiovisuels » ;

2° L’article L. 333-2 est ainsi modifié :

a) Le second alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle prévoit également le respect, par tout candidat attributaire de droits d’exploitation audiovisuelle, des règles relatives à la retransmission des événements d’importance majeure ainsi que de celles encadrant la publicité et le parrainage audiovisuels. » ;

b) (Supprimé)

M. le président. L’amendement n° 41, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Après la première phrase du deuxième alinéa de l’article 20-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Elle comprend des manifestations et compétitions de sports collectifs mais aussi de disciplines individuelles remportant une forte adhésion auprès du public. »

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Comme vous le savez, j’avais été missionné par le Gouvernement en 2016 pour revoir la liste des événements sportifs d’importance majeure devant être diffusés en clair.

Cette liste procède d’un décret, dont le dernier datait de 2004. J’ai donc travaillé pour parvenir à une proposition.

Première question, madame la ministre : va-t-on voir le bout de cette révision ? Plusieurs ministres des sports et de la culture se sont succédé depuis que j’ai rendu mon avis. Pouvez-vous me dire où cela en est ?

J’ai entendu dire qu’il y avait déjà trop d’événements. Or je n’en voyais pas de féminins. Je me suis donc demandé comment résorber cette inégalité sans ajouter de nouveaux événements féminins.

La principale innovation que comporte ma proposition est donc que tous les événements puissent s’entendre de façon équilibrée, c’est-à-dire qu’à chaque compétition masculine corresponde une compétition féminine équivalente. Il s’agirait d’une avancée très importante dans la promotion du sport féminin et sa reconnaissance.

Madame la ministre, pouvez-vous me dire où en est le projet de décret ? Cette mesure a-t-elle été retenue ?

Cet amendement fait état de ma volonté d’intégrer à cette liste quelques sports individuels populaires qui n’étaient pas mis à l’honneur, comme le Vendée Globe, la Coupe de l’America ou les championnats du monde de judo.

Les sports individuels connaissent une baisse du nombre de licenciés. Il n’y a pas de raison qu’ils soient moins considérés que les sports collectifs dans les disciplines d’importance majeure.

Mon amendement suivant portera sur l’équilibre entre le sport masculin et le sport féminin.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Cette disposition avait déjà été adoptée au Sénat lors de l’examen du projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique ; il s’agissait de l’article 9 bis. Le débat avait alors permis de clarifier la situation sur le plan juridique : la définition de la liste des événements d’importance majeure ne relève pas du domaine de la loi, d’autant moins que cette liste doit être notifiée à la Commission européenne, qui opère un contrôle strict.

J’ajoute qu’il n’y a pas de modèle économique qui permettrait de diffuser en clair le Vendée Globe ou la Coupe de l’America.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Je suis complètement d’accord avec le rapporteur. Techniquement, la proposition que comporte cet amendement relève non pas de la loi, mais du domaine réglementaire.

En revanche, monsieur Assouline, sur le fond, j’approuve totalement les propositions que vous avez formulées et réitérées depuis 2016, et je comprends votre lassitude, car, en effet, c’est long. Mais nous y sommes presque !

Nous travaillons actuellement sur l’argumentaire pour chaque fiche d’événement. De vingt et un événements d’importance majeure, la liste va passer à une quarantaine, sachant que nous avions déjà la liste la plus longue d’Europe. Nous notifierons la Commission européenne. Mais, comme vous le savez, le groupe de contact des États membres ne se réunit qu’une fois par an, et la prochaine réunion se tiendra en décembre.

Je vous donne donc rendez-vous au mois de décembre prochain. Normalement, nous serons, à ce moment-là, arrivés au bout de la démarche.

Sur le fond, nous avons repris vos propositions pour inclure plus de sports féminins et de parasports. Nous sommes pleinement d’accord sur le sujet.

Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Je retire mon amendement, car je sais bien qu’un décret n’est pas une loi. C’était une façon pour moi d’ouvrir le débat et d’interroger Mme la ministre.

M. le président. L’amendement n° 41 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 94 rectifié, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

…. – À la première phrase du deuxième alinéa de l’article 20-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, les mots : « en Conseil d’État » sont remplacés par les mots : « pris par les ministres chargés des sports, de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, et comprend des événements de nature à satisfaire les objectifs de renforcement de la parité, de lutte contre les discriminations et de sensibilisation à la protection de l’environnement ».

La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. Dès la réunion de la commission, nous avons pointé l’obsolescence du décret n° 2004-1392 du 22 décembre 2004 établissant la liste des événements d’importance majeure, et nous avons proposé qu’il soit réécrit sur la base de critères plus actuels.

En effet, il convient de s’étonner de la faible part de compétitions féminines qui y figurent et de l’absence de mention du handisport.

Enfin, le maintien du Grand Prix de Formule 1 parmi les vingt et un événements d’importance majeure nous paraît en décalage avec les aspirations actuelles de la société. Pourquoi ne pas y faire figurer d’autres sports dont les effets sur l’environnement sont moindres ? (M. le rapporteur sexclame.)

Aussi, nous proposons de réécrire l’article 20-2 de la loi du 30 septembre 1986 et de confier la rédaction du décret conjointement au ministère chargé des sports et au ministère chargé de la lutte contre les discriminations.

M. le président. L’amendement n° 42, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Après la première phrase du deuxième alinéa de l’article 20-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, est insérée une phrase ainsi rédigée : « La liste permet une représentation équilibrée de l’ensemble des disciplines olympiques et paralympiques et entre le sport féminin et le sport masculin. »

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Cet amendement s’inscrit dans la continuité de mes précédents plaidoyers.

Parmi mes propositions de 2016 figurait l’idée d’instaurer de l’équité dans les manifestations sportives incluses dans le décret définissant les événements d’importance majeure, en y introduisant du sport féminin et du handisport. Il s’agit d’une vieille proposition qui, je l’espère, fera son chemin.

Mme la ministre a indiqué que nous étions passés d’une vingtaine à quarante événements. Le chiffre a doublé, ce qui signifie que le sport féminin a été inclus…

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Oui !

M. David Assouline. … et que nous nous rapprochons de ma proposition. Merci de cette précision, car il faut comprendre que l’enjeu est important et que nous devrons bien réfléchir à la question.

Je sais bien évidemment que la liste relève non pas de la loi, mais du décret. Mais nous n’avons pas eu de réponse sur la Coupe du monde féminine de football ; elle doit être diffusée en clair, c’est une obligation : si une chaîne payante en achète les droits, elle doit en sous-traiter la diffusion à une chaîne en clair.

Néanmoins, comme il n’y a pas d’obligation d’achat, un événement qui ne trouve pas preneur n’est pas diffusé, ce qui pourrait arriver un jour aux matchs de l’équipe de France s’ils sont trop chers. C’est le principe des événements d’importance majeure : les chaînes payantes n’ont pas le droit de les diffuser, si une chaîne en clair ne le fait pas.

Cette difficulté peut très vite se présenter, car les prix sont de plus en plus élevés : il pourrait n’y avoir aucun preneur. S’il n’y en a pas pour la Coupe du monde féminine de football, c’est certainement parce que les matchs seront diffusés à midi : peut-être considère-t-on que les téléspectateurs seront trop peu nombreux par rapport au coût des droits de diffusion.

Je demande qu’une réflexion soit menée pour éviter un vide juridique, qui conduirait à ce que des événements majeurs ne soient pas diffusés, parce que personne ne les aurait achetés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Il est clair qu’on ne peut dénier à notre collègue David Assouline sa pugnacité…

En ce qui concerne l’amendement n° 94 rectifié, le Gouvernement vient de lancer le processus de notification du nouveau décret relatif aux événements d’importance majeure (EIM) à la Commission européenne. Il ne semble pas opportun de modifier les modalités de rédaction de ce décret, sauf à prendre le risque de retarder d’au moins un an sa publication.

S’agissant de l’amendement n° 42, comme pour l’amendement précédent de M. Assouline, le débat a déjà eu lieu dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique. Il apparaît peu opérationnel de fixer des critères qui ne pourront de toute façon pas s’imposer à la Commission européenne, lorsqu’elle examinera la liste des EIM.

L’avis est donc défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. L’avis est également défavorable.

Monsieur Assouline, je vous confirme que nous avons bien pris en compte, pour leur donner plus de visibilité, le sport féminin et les disciplines paralympiques, ce qui correspond parfaitement à vos propositions.

Pour information, je vous précise que, pour mener son évaluation, la Commission européenne examine si au moins deux des quatre critères suivants sont respectés : l’événement a un écho particulier dans l’État membre ; il concourt à l’identité culturelle nationale ; l’équipe nationale y participe s’il s’agit d’un sport collectif ; il fait traditionnellement l’objet d’une retransmission sur une chaîne de télévision gratuite mobilisant un large public.

Chacun des événements que nous proposerons sera examiné à l’aune de ces quatre critères. Nous n’avons pas encore terminé le processus, mais nous y sommes presque !

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Comme précédemment, j’ai souhaité provoquer le débat et je vais retirer mon amendement, parce que je sais que la liste relève du décret et non de la loi.

Madame la ministre, je vous remercie des précisions que vous m’avez données : j’en ai appris plus en quelques minutes qu’en plusieurs semaines, ce qui est tout de même satisfaisant. Je ne pouvais pas répondre aux nombreux journalistes qui m’interrogeaient sur ces sujets ; j’espère qu’ils nous écoutent attentivement, parce qu’ils ont maintenant des réponses.

M. le président. L’amendement n° 42 est retiré.

Madame de Marco, l’amendement n° 94 rectifié est-il maintenu ?

Mme Monique de Marco. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 94 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 40, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Après le deuxième alinéa de l’article 20-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les ligues professionnelles, lors de la constitution des lots prévus à l’article L. 333-2 du code du sport, attribuent aux services autorisés ne faisant pas appel à une rémunération de la part du public, un droit de diffusion d’extraits significatifs de leurs manifestations et de leurs compétitions, accompagnés de commentaires. »

La parole est à M. David Assouline.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. La question de l’accès à des extraits avait déjà été soulevée lors de la discussion du projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique. Le débat porte une fois de plus sur l’équilibre entre l’information du public et la liberté commerciale.

Il ne semble pas que le fait d’accorder aux chaînes gratuites la possibilité de diffuser de courts extraits est de nature à mettre en danger le modèle économique des ligues. Cette disposition permet en outre de préserver l’attractivité des chaînes de télévision.

C’est la raison pour laquelle j’émets un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Cet amendement vise à obliger les ligues professionnelles à réserver aux chaînes en clair le droit de diffuser dans leurs émissions des extraits des compétitions et manifestations qu’elles organisent.

Les services de télévision peuvent déjà, aux termes de l’article L. 333-7 du code du sport, diffuser des extraits des compétitions sportives dont les droits ont été acquis par d’autres.

Tel qu’il est rédigé, cet amendement va en réalité plus loin, puisqu’il impose aux ligues d’attribuer un lot dédié pour ces chaînes en clair dans le cadre de la commercialisation des droits d’exploitation audiovisuelle. Cette disposition me semble constituer une atteinte quelque peu disproportionnée à la liberté contractuelle.

Pour ces raisons, je suis plutôt défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 40.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 43, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Le dernier alinéa de l’article 20-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par les mots et une phrase ainsi rédigée : « et peut adresser une mise en demeure aux services contrevenant à l’obligation prévue au premier alinéa. Si le service ne se conforme pas à la mise en demeure et procède à la diffusion illicite d’un deuxième événement d’importance majeure, l’Autorité peut soumettre le service concerné à une sanction pécuniaire dont le montant est fixé proportionnellement au montant du droit d’exploitation de la manifestation ou de la compétition, dans des conditions fixées par décret. »

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. L’article 20-2 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit que l’Arcom veille au respect par les services de télévision des dispositions concernant les EIM.

L’article 9 du décret du 22 décembre 2004 précise, quant à lui, que, « saisi par un éditeur de services de télévision ou de sa propre initiative, l’Arcom peut rendre un avis sur les conditions d’application des dispositions du […] décret ».

En réalité, le rôle de l’Arcom n’est pas assez précisément déterminé. Dans la phase de négociation, sa capacité à rendre un avis est limitée, notamment en raison des délais courts de négociation entre les éditeurs du payant et du gratuit. Il lui est difficile d’intervenir en amont en tant que tiers de confiance, conciliateur ou arbitre des négociations.

Jusqu’à récemment, et l’affaire Mediapro en particulier, la réglementation des EIM s’était appliquée de manière assez peu conflictuelle et le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), devenu l’Arcom, n’avait pas eu à formaliser d’avis au titre du décret de 2004.

Néanmoins, il y a eu au moins un exemple pour lequel on peut considérer que le CSA, en jouant un rôle non officiel de médiateur, a contribué à la fixation du prix d’une transaction particulièrement tendue.

Si les conditions de négociation des achats et des reventes de droits concernant les EIM continuaient à se durcir, il serait sans doute nécessaire de clarifier de façon formelle le rôle de l’Arcom, notamment s’il y a conflit dans le cadre d’un processus de rétrocession. L’Arcom doit avoir une capacité d’arbitrage final, pouvoir vérifier la réalité de la retransmission en clair de l’intégralité des EIM et appliquer une sanction en cas de non-respect de cette obligation de diffusion.

Notre amendement prévoit ainsi que l’Arcom pourra adresser une mise en demeure aux services ne respectant pas l’obligation de diffusion en clair des EIM et, en cas de récidive, leur appliquer une sanction pécuniaire calculée proportionnellement au montant des droits perçus.

Cet amendement peut paraître technique. Si une chaîne payante achète un EIM, elle est obligée de le « sous-louer », en quelque sorte, à une chaîne en clair. Je le redis, c’est le principe de l’EIM : il doit être diffusé en clair et gratuitement. Quand les choses se passent mal, il faut un arbitre, d’où cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. L’article 10 du présent texte prévoit déjà un dispositif efficace pour obliger les plateformes à respecter la réglementation sur les EIM, puisque, si elles ne le font pas, il ne leur sera pas possible de candidater pour se porter acquéreur de lots faisant l’objet d’un appel d’offres d’une ligue ou d’une fédération.

Par ailleurs, il n’est pas acquis que la rédaction de l’amendement, en créant une obligation directe à destination des plateformes, soit pleinement conforme au droit européen.

L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Monsieur le sénateur, je comprends la passion avec laquelle vous défendez vos amendements relatifs aux EIM. Au fond, il s’agit de faire en sorte que ces grands événements sportifs continuent de fédérer le plus largement possible nos concitoyens.

En l’occurrence, l’Arcom dispose déjà d’un pouvoir de sanction qui peut aboutir, après une mise en demeure préalable, à une amende.

En outre, nous avons les mêmes doutes que la commission sur la compatibilité de l’amendement avec le droit européen.

Nous demandons donc le retrait de l’amendement.

M. le président. Monsieur Assouline, l’amendement n° 43 est-il maintenu ?

M. David Assouline. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 43.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 44 rectifié, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Après l’article 20-4 de la loi n° 86–1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré un article 20-… ainsi rédigé :

« Art. 20-…. – Pour l’exercice des missions prévues aux articles 20-2, 20-3 et 20-4, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique réunit une commission de concertation composée de représentants des fédérations mentionnées aux articles L. 131-8 et L. 131-14 du code du sport, de représentants de leurs ligues mentionnées à l’article L. 132-1 du même code, d’un représentant de l’instance mentionnée à l’article L. 141-1 dudit code, de représentants des acteurs publics et privés de la filière et de représentants des sociétés nationales de programmes mentionnées à l’article 44 de la présente loi et des éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle. Les membres de la commission de concertation ne sont pas rémunérés et aucuns frais liés au fonctionnement de cette commission ne peuvent être pris en charge par une personne publique.

« Un décret en Conseil d’État précise les conditions de désignation des différents représentants siégeant au sein de la commission ainsi que ses modalités de fonctionnement. »

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Cet amendement va également dans le sens de la défense de la diffusion du sport à la télévision.

Une instance de concertation suivie entre les différents acteurs du sport et de l’audiovisuel permettrait de mettre à plat l’ensemble des problèmes qui grèvent actuellement l’attribution des droits télé et de préparer les filières aux mutations à venir.

Elle réunirait les organisateurs de compétitions sportives – fédérations et ligues –, les éditeurs de services de télévision et de radio, les représentants de l’ensemble de la filière – sponsors, annonceurs, etc. – et d’autres intermédiaires, éventuellement publics, tels que l’Agence nationale du sport (ANS).

Cette instance s’inspire de la Sport and Recreation Alliance, créée dès l’obtention par la ville de Londres en 2005 de l’organisation des jeux Olympiques de 2012. Grâce à cet organisme, UK Sport, la British Olympic Association et le comité d’organisation des jeux ont établi une concertation avec l’ensemble des médias audiovisuels, non seulement pour assurer la meilleure couverture des épreuves, notamment par les chaînes publiques, mais aussi pour favoriser l’assise populaire de cette manifestation qui a connu un grand succès.

Parmi les questions susceptibles d’être abordées par cette commission pourrait figurer celle d’un partage équitable, y compris au profit des diffuseurs, des nouvelles sources publicitaires qui se développeraient à l’avenir, comme la publicité virtuelle pendant les retransmissions dans les enceintes sportives.

Le périmètre de l’instance pourrait être élargi à d’autres sujets, tels que l’exposition médiatique des disciplines et des pratiques – sport féminin, paralympisme –, voire à l’ensemble des questions touchant aux relations entre sport et médias.

Cette proposition figurait dans mon rapport de 2016. En effet, après avoir auditionné cinquante fédérations et ligues, j’avais constaté que, si chacune d’entre elles défendait bien légitimement ses intérêts, aucune instance n’existait pour évoquer les questions relatives aux droits de retransmission de manière collective. Ces fédérations et ligues avaient des relations bilatérales avec les diffuseurs, chacune négociant en fonction de ses propres intérêts, qui devenaient contradictoires avec ceux des autres. Or il est important qu’une instance leur permette de rechercher ensemble l’intérêt général, en se réunissant avec les diffuseurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. L’expression « usine à gaz » a souvent été employée ce soir : nous sommes en l’espèce devant un spécimen ! (Sourires.)

Il n’apparaît pas nécessaire de créer un organe permanent pour conduire une concertation sur la retransmission des compétitions sportives. Un tel organe n’existe d’ailleurs pas pour le cinéma ou les séries.

Par ailleurs, rien ne permet d’assurer que les participants envisagés accepteraient de siéger et qu’ils parviendraient à un accord.

C’est le rôle du Gouvernement, voire du Parlement, de conduire une telle concertation en lien avec le milieu sportif et l’Arcom.

L’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Pourquoi le sport et pas d’autres secteurs ? Ce serait en tout cas une lourdeur supplémentaire.

Je rappelle aussi que l’Arcom associe d’ores et déjà à ses consultations les fédérations sportives, les acteurs du sport, le Comité national olympique et sportif français (CNOSF), etc.

L’avis est défavorable.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Cette instance serait moins une usine à gaz que votre holding, monsieur le rapporteur… Elle pourrait ne se réunir qu’une fois par an, mais il faut une enceinte pour que toutes les parties comprennent les intérêts des uns et des autres et les corporatismes particuliers à chaque sport.

Dans le cadre de cette « conférence annuelle », les éditeurs auraient face à eux des acteurs pour discuter, dégager des consensus et faire progresser des dossiers : je pense notamment à la représentation du sport féminin ou du handisport. J’ai ressenti ce besoin lors de mes consultations.

Je le redis, cela n’a rien d’une usine à gaz, et c’est beaucoup plus simple que la holding qui est par ailleurs prévue dans ce texte.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 44 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 45, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La liste mentionnée au deuxième alinéa de l’article 20-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, est révisée dans un délai de six mois après la promulgation de la présente loi.

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Cet amendement conclut la série de mes amendements relatifs à la liste des EIM, et il traduit une position de repli. La liste des événements figurant dans le décret du 22 décembre 2004 est obsolète. Elle ne permet pas une représentation satisfaisante de très nombreux événements qui devraient être eux aussi considérés comme majeurs, et à ce titre diffusés en clair et gratuitement afin que le plus grand nombre de nos concitoyens y aient accès.

Je pense d’abord au sport féminin. N’est-il pas invraisemblable que la Coupe du monde féminine de football, qui débutera dans à peine plus d’un mois, n’ait toujours pas trouvé de diffuseur, et pas seulement en France, mais aussi dans d’autres grands pays européens de football, comme l’Espagne ou l’Italie ?

N’est-il pas anormal qu’il n’existe aucune obligation de retransmission de sports paralympiques en clair, hormis le championnat d’athlétisme handisport ?

N’est-il pas anormal que les ligues professionnelles ne soient pas tenues de réserver à des chaînes gratuites des lots constitués d’extraits significatifs de leurs manifestations et de leurs compétitions ?

N’est-il pas anormal que les sports individuels, hormis le tennis, l’athlétisme et le cyclisme, ne figurent pas dans cette liste ?

Comment réglera-t-on la question des plateformes de streaming qui ne sont pas contraintes par l’obligation de diffusion en clair ?

On nous annonce depuis longtemps la révision de la liste. Mme la ministre nous a donné des indications, qui recoupent celles que j’ai eues depuis septembre : « cela va bientôt arriver », « nous y sommes presque »… Quand ce sera le cas, je ne serai probablement plus sénateur, car cette échéance va arriver très vite !

Cet amendement me permet d’insister sur la nécessité de réviser la liste.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. La répétition est la base de la pédagogie…

La révision de la liste des EIM ne pourrait être réalisée en l’espace de six mois compte tenu du temps indispensable pour mener les échanges avec les autorités sportives et des délais nécessaires à la notification du projet de décret auprès des instances européennes.

L’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. L’avis est – hélas ! – défavorable. Je comprends votre impatience, monsieur le sénateur, et je suis moi-même pressée de voir aboutir ce nouveau décret. Le délai de six mois ne peut être tenu au vu des échéances de la Commission européenne, puisque, comme je l’ai déjà indiqué, le groupe de contact ne se réunit qu’une fois par an pour discuter de ce type de sujet.

Normalement, en décembre prochain, si le dossier est complet et que le groupe de contact se réunit bien à la date prévue, nous arriverons à nos fins. Je vous emmènerai à Bruxelles, monsieur Assouline ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Si je devais raconter toute cette histoire, nos concitoyens nous prendraient pour des demeurés !

On m’a demandé de conduire une mission en trois mois et de rendre un rapport avant la fin 2016, soit avant la fin du quinquennat de François Hollande, parce qu’il y avait urgence, en particulier du point de vue européen. J’ai fait le boulot en quelques mois, en travaillant jour et nuit, parce qu’il fallait aller vite, avec l’aide d’un inspecteur général des affaires culturelles – excellent au demeurant, je n’aurais pas pu être mieux accompagné et vous pouvez lui transmettre mes salutations s’il travaille encore dans vos équipes, madame la ministre.

Et puis, patatras ! Chaque ministre, de la culture ou des sports, qui s’est occupé de ce dossier après 2017 me disait qu’on lui en avait parlé – cela signifiait que le dossier ne lui avait pas encore été transmis… –, puis, quand il l’avait enfin eu, que les choses se feraient en quelques semaines… Rendez-vous compte : c’était en 2016, et nous sommes en 2023 !

Maintenant, vous m’annoncez, madame la ministre, que ce sera en décembre prochain. Soit ! Mais quel fonctionnement bureaucratique fou, à contretemps de toutes les évolutions actuelles. Quand on m’a dit en 2016 que le décret de 2004 était obsolète, je l’ai réécrit dans le détail et puis, rien…

Un tel fonctionnement ne rend guère optimiste sur l’organisation des pouvoirs publics et sur les modalités de prise de décision. Le monde va plus vite que cela, et nous risquons d’être dépassés si l’on continue ainsi.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 45.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 10, modifié.

(Larticle 10 est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 10 (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle
Discussion générale

5

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mardi 13 juin 2023 :

À quatorze heures trente et le soir :

Explications de vote des groupes puis scrutins publics solennels sur le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 (procédure accélérée ; texte de la commission n° 661, 2022-2023) et sur le projet de loi organique relatif à l’ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire (procédure accélérée ; texte de la commission n° 662, 2022-2023) ;

Débat sur les enjeux de la France communale et l’avenir de la commune en France ;

Explications de vote puis vote sur la proposition de loi relative à la restitution des restes humains appartenant aux collections publiques, présentée par Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Max Brisson et Pierre Ouzoulias (procédure accélérée ; texte de la commission n° 716, 2022-2023) ;

Suite de la proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle, présentée par M. Laurent Lafon et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 694, 2022-2023).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mardi 13 juin 2023, à zéro heure trente-cinq.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER