M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Belrhiti, je tiens tout d’abord à m’associer à vos propos et à dire à quel point ces violences sont inacceptables.

Je profite de l’occasion pour vous réaffirmer, monsieur le maire (Mme la ministre déléguée se tourne vers la tribune dhonneur.), tout mon soutien, et exprimer, au nom de la Première ministre, de Christophe Béchu, de Gérald Darmanin et de l’ensemble du Gouvernement, toute notre solidarité. (Marques dagacement sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Hussein Bourgi. Au nom du préfet de Loire-Atlantique aussi ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Dans notre République, de tels actes sont inacceptables. Nous devons briser la spirale de la violence contre les élus. On ne laissera rien passer ! (Mêmes mouvements.)

M. Hussein Bourgi. Dites-le au préfet !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Cette violence est d’autant plus inacceptable que j’étais moi-même maire jusqu’au 7 juillet dernier et que je sais, tout comme vous, à quel point les maires, que vous représentez ici, sont en fait les garants de la sécurité, de la protection de l’environnement, de l’action sociale dans leur commune. Ils se donnent pour l’intérêt général.

Cependant, je ne peux pas ne pas rappeler très brièvement que nous sommes dans l’action.

Vous l’avez dit, grâce à la proposition de loi de la sénatrice Delattre, les associations d’élus peuvent désormais se porter partie civile. C’est un premier élément.

La loi Engagement et proximité de 2019, défendue par mon collègue Sébastien Lecornu, vise par ailleurs, comme l’a dit Mme la Première ministre, à renforcer la protection des élus. Pas moins de trois circulaires ont été envoyées aux parquets pour qu’ils apportent une réponse pénale ferme et rapide à ces violences.

Pour autant, devons-nous aller plus loin et amplifier l’action qui est la nôtre ? La réponse est oui.

Monsieur le sénateur Kanner, vous n’avez cité que le centre d’analyse, dont j’ai effectivement annoncé la création. Mais il n’y a pas que cela : nous sommes là, d’abord et avant tout, pour protéger les élus. Nous allons amplifier nos efforts et, ce soir, j’aurai le plaisir d’annoncer de nouvelles mesures…

M. Hussein Bourgi. Changez le préfet !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. … après avoir rencontré M. le maire de Saint-Brevin-les-Pins aux côtés de Mme la Première ministre.

Tout comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a l’action chevillée au corps. Je le redis, ce soir, je dévoilerai de nouvelles mesures qui seront mises en œuvre à court terme, tout de suite.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. J’expliquerai aussi pourquoi il est si important de comprendre ce qui se passe sur le terrain, pourquoi ce centre de lutte est essentiel et pourquoi un choc civique est indispensable.

Nous apporterons aussi, madame la sénatrice, une réponse judiciaire.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour la réplique.

Mme Catherine Belrhiti. Madame la ministre, le cas de M. Morez n’est pas isolé. Tout ce qui arrive renvoie à l’incapacité chronique de l’État à réaffirmer son autorité.

L’urgence est là : sans mesures répressives appropriées, le mandat municipal est menacé. Et sans les maires, c’est la République elle-même qui menace ruine ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.)

statut des élus

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour le groupe Union Centriste. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Françoise Gatel. Pour les maires, les difficultés et les démissions s’enchaînent, comme les questions cet après-midi.

Parce qu’ils ne savaient pas que leur mission serait ardue, très difficile, voire risquée, beaucoup de citoyens se sont engagés simplement pour servir.

Hommes et femmes de devoir plutôt que de pouvoir, les maires sont trop souvent contraints, empêchés, démunis, submergés par les normes et les injonctions. Pour autant, ils restent responsables de tout…

Les voilà aujourd’hui, eux et leurs familles, confrontés au délitement et à la violence de la société, qui les prend pour cible. De la mort du maire de Signes en 2019 à la démission si symbolique de M. le maire de Saint-Brevin-les-Pins, que je salue avec beaucoup de respect, démissions et difficultés s’accumulent.

Certes, des dispositions ont été votées et mises en œuvre – il faut l’admettre. Car nous connaissons les remèdes : éduquer, protéger, sanctionner et, surtout, prévenir et empêcher.

Cela suppose que le couple maire-préfet que nous avons tant célébré pendant la crise du covid-19 soit fort et puissant partout, dans tous les territoires, et auprès de tous les élus, a fortiori quand l’État charge un maire d’exécuter une mission en son nom.

Madame la ministre, nous faisons tous preuve d’écoute et d’émotion. Je sais que vos propos ne tiennent pas de la simple posture, mais ils ne suffisent pas. Quand un maire doit détourner le regard devant ses agresseurs – M. Morez nous l’a dit ce matin – et est condamné à quitter la commune pour laquelle il s’est engagé et a changé de vie, l’heure est vraiment à la détermination et à l’action.

Les démissions de maires nous obligent, madame la ministre : quelles sont les intentions du Gouvernement ? Nous serions ravis de les connaître ici même, au Parlement, avant que vous ne les dévoiliez à la télévision ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE.)

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. Didier Marie. C’est sur quelle chaîne ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Gatel, je voudrais commencer par vous redire, ainsi qu’à M. Morez et à tous les maires qui ont fait l’objet de violences ces dernières semaines, que nous partageons le diagnostic. C’est par l’écoute, par la proximité, par le respect des uns et des autres, par la solidarité, mais aussi par l’action…

Mme Marie-Arlette Carlotti. Vous l’avez déjà dit !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. … que nous endiguerons cette violence faite aux élus.

Vous parlez du couple préfet-maire que nous connaissons tous ici : il est efficace, il est à l’action. Bien sûr, avec Mme la Première ministre, nous écouterons M. le maire expliquer pour quelles raisons les services de l’État n’ont pas été à la hauteur de ses attentes.

Nous l’écouterons avec la volonté, comme l’a dit Christophe Béchu, de nous améliorer,…

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce ne sera pas difficile !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. … ce qui sera rendu possible grâce à son témoignage sur la façon dont il a perçu l’inaction de l’État.

Je l’ai dit, nous avons le sentiment d’avoir agi. Toutefois, nous sommes véritablement à l’écoute, avec l’envie d’avancer chevillée au corps.

Vous me demandez de dévoiler quelques actions,…

Mme Françoise Gatel. Oui, devant le Parlement !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. … mais les deux minutes imparties pour vous répondre sont un temps un peu court pour cela.

Néanmoins, j’en citerai une. (Exclamations sur de nombreuses travées.)

M. Loïc Hervé. En avant-première !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Il s’agit de l’alarme élu. Ainsi, 3 000 référents « violences aux élus » dans la gendarmerie et dans la police nationale seront désignés dès le début de la semaine prochaine, en très grande proximité avec les élus.

Cette décision a été prise au début de la semaine par Gérald Darmanin. (Brouhaha sur de nombreuses travées.)

Il faut que vous invitiez les maires à donner leur numéro de téléphone aux préfets, aux gendarmes ou à la police (Vives protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur certaines travées du groupe SER. – M. Philippe Bas sinsurge.) pour qu’ils puissent bénéficier d’un traitement spécifique. (Cela existe déjà ! sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Bas. Ce n’est pas sérieux !

M. Hussein Bourgi. C’est déjà le rôle des sous-préfets !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous en dirai davantage plus tard. (M. François Patriat applaudit.)

démission du maire de saint-brevin-les-pins

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les élus et leurs familles sont de plus en plus confrontés à des actes de violences, d’agression, d’intimidation, parce qu’ils agissent dans l’intérêt de leur population, de leur collectivité et de leur territoire.

Je veux, au nom de mon groupe, leur apporter tout mon soutien et redire qu’aucune violence n’est acceptable. La violence n’est pas dans l’ADN de notre sensibilité politique. Nous serons toujours dans le camp de ceux qui la condamnent.

La démission de notre collègue maire de Saint-Brevin-les-Pins n’est pas un coup de tonnerre dans un ciel serein. Elle fait suite aux intimidations et aux menaces répétées de l’extrême droite depuis plusieurs semaines. Elle s’ajoute aux plus de 4 000 démissions d’élus municipaux intervenues depuis 2020, dont plus de 1 200 concernent des maires.

La non-action ainsi que la banalisation de cette violence permettent aux auteurs d’agir sans limite ! Cela met en danger les élus, leurs familles, mais aussi notre démocratie, notre République.

Nous devons donc redonner du sens à l’engagement, le sacraliser. Nous avons tous notre rôle à jouer, en responsabilité.

Les communes, qu’elles soient rurales, urbaines ou d’outre-mer, demeurent le premier lieu de vie et de solidarité. Cellules de base de la République, elles doivent retrouver toute leur place dans l’organisation démocratique de notre pays.

C’est une urgence démocratique, c’est une urgence pour la République.

Monsieur le ministre, comment entendez-vous redonner du sens à l’engagement de ces milliers d’élus locaux qui, au quotidien, agissent pour l’intérêt général, et l’intérêt de chacune et de chacun ? Comment entendez-vous éviter de tels dysfonctionnements à l’avenir ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER. – M. Jacques Fernique applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Cukierman, tout d’abord, vous l’avez dit, au-delà du cas de Saint-Brevin-les-Pins, c’est le sens de l’engagement du maire que nous devons évoquer. Car mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde.

Le maire de Saint-Brevin-les-Pins a été poussé à la démission par des manifestants d’extrême droite, et un acte scandaleux a visé sa famille et son intégrité physique.

Toutefois, les 1 293 démissions de maires en trois ans n’ont pas toutes la même cause. Certaines sont liées à des violences de toutes origines, parfois sans arrière-pensées politiques, par bêtise ou pour des conflits de voisinage ; d’autres, par des affaires internes aux équipes, par des difficultés entraînées par le poids des normes ou la multiplicité des réunions, par des conflits entre maires d’une intercommunalité.

Le nombre de démissions intervenues à mi-mandat se situe au même niveau qu’au cours du mandat précédent : 1 400 démissions avaient été comptabilisées pendant les trois premières années du mandat 2014-2020 contre 1 293 entre 2020 et mars 2023, alors que la parenthèse du covid-19 influe, sans doute en partie, sur l’analyse, puisque certains mandats ont commencé avec retard.

Je me réjouis de la mission d’information transpartisane sur l’avenir de la commune et du maire en France, et je serai heureux d’être auditionné, comme cela est prévu, pour vous faire part des mesures que nous envisageons.

Nous devons nous pencher sur le statut de l’élu,…

Mme Cathy Apourceau-Poly. Cela fait longtemps que nous le disons !

M. Christophe Béchu, ministre. … avec notamment la question du nombre de réunions, mais aussi sur celui du secrétaire de mairie, ce collaborateur qui permet de soulager le maire de manière très concrète – un sujet sur lequel vous travaillez.

Voilà une œuvre utile pour voir comment limiter, de manière intelligente, la charge mentale inhérente à la fonction municipale.

Collectivement, nous devons, comme vous venez de le faire, refuser toutes les violences, refuser toutes les excuses de ceux qui utilisent des moyens non démocratiques pour provoquer des démissions. Car cela commence par un coup d’épaule, se poursuit par un courrier anonyme, parce qu’un terrain a été déclaré non constructible par exemple, et finit par des actes d’une autre nature.

Dès le premier signe,…

M. le président. Il faut conclure !

M. Christophe Béchu, ministre. … nous devons faire rempart collectivement pour protéger les élus. Je sais à quel point le Sénat, dans sa pluralité, se tient à leurs côtés pour les préserver. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

lutte contre les violences et le trafic d’armes à feu aux antilles

M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Dominique Théophile. Je salue à mon tour la présence du maire de Saint-Brevin-les-Pins, Yannick Morez. Le groupe RDPI et moi-même nous associons à l’hommage qui vient de lui être rendu. Nous devons condamner toutes les formes de violences.

Madame la ministre, dimanche dernier, en Guadeloupe, une mère de famille est morte au volant de sa voiture après avoir reçu une balle dans la tête.

Le mercredi précédent, ce sont deux jeunes hommes âgés de 18 ans et de 22 ans qui ont trouvé la mort au Lamentin et aux Abymes, en Guadeloupe, eux aussi par arme à feu.

Ces drames sont les derniers en date d’une liste qui ne cesse de s’allonger.

Depuis le début de l’année, une quarantaine de personnes ont ainsi été blessées ou tuées par balle dans notre archipel, sans qu’il soit permis d’espérer un retour au calme.

Cette violence, nous ne la découvrons pas. Depuis quelques années, elle explose en Guadeloupe et en Martinique. Elle s’accompagne d’un phénomène de gangs et se nourrit du trafic d’armes à feu qui déséquilibre la Caraïbe et ensanglante Haïti.

Les pouvoirs publics ont pris la mesure de ce phénomène : il me faut saluer le travail exceptionnel des forces de l’ordre et des fonctionnaires de justice. Voilà quelques mois, une vaste opération menée sous l’égide d’Interpol a ainsi permis la saisie d’armes et de munitions.

Pourtant, cette réponse n’est pas suffisante. Elle le sera quand cesseront ces drames qui endeuillent chaque semaine des familles.

Madame la ministre, quelle réponse supplémentaire entendez-vous apporter pour enrayer ce cycle de violences ? Comment mieux lutter contre un trafic d’armes qui dépasse, de loin, nos frontières ?

Les collectivités locales, la société civile et les familles sont engagées dans ce combat au quotidien. Elles attendent de l’État une réponse forte et déterminée. Nous ne pouvons pas tenir : les armes circulent comme n’importe quelle marchandise achetée dans un commerce ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Rachid Temal applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Théophile, vous avez raison : la Guadeloupe et la Martinique connaissent, depuis quelques années, une hausse des violences avec armes et des homicides.

L’utilisation d’armes à feu est en constante augmentation et tend à se banaliser, notamment par des primo-délinquants qui cherchent à se protéger. En Guadeloupe, 230 armes ont ainsi été saisies dans ce cadre en 2022, ce qui montre la banalisation du transport et du port d’armes dans ce territoire.

Tout d’abord, nous menons des actions de prévention : campagnes de communication et de diffusion de messages télévisuels sur les chaînes locales et sur les réseaux sociaux, financées par le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), réunions régulières de concertation avec la société civile afin de développer davantage de bonnes pratiques, multiplication des opérations de contrôle menées sur la base d’arrêtés préfectoraux spécifiques interdisant la vente, la détention et le transport d’armes de catégories C3 et D sur le territoire de ces deux départements.

Ensuite, nous développons les moyens d’enquête judiciaire, notamment avec des enquêteurs spécialisés « cyber » chargés du suivi de la vente et de l’achat d’armes par internet. En 2022, un enquêteur en nouvelles technologies de la gendarmerie a ainsi contribué à l’identification de plusieurs trafiquants et au démantèlement d’un atelier de transformation de pistolets d’alarme en armes létales, situé sur la commune du Robert.

Enfin, s’agissant de la coopération avec les États voisins, nous avons relancé les échanges avec Sainte-Lucie et, dans le cadre de la commission mixte, renforcé la coopération avec la maréchaussée de Saint-Martin.

Il faut poursuivre et renforcer ces initiatives.

Monsieur le sénateur, soyez convaincu de l’engagement total du ministère de l’intérieur et des outre-mer pour continuer la lutte contre les trafics non seulement à Marseille, mais aussi en Guadeloupe et à la Martinique. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

annonce de nouvelles dépenses et prévisions budgétaires

M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Arnaud Bazin. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

À l’été 2021, nous avions compris – c’était juré ! – que le « quoi qu’il en coûte » était fini. Pour la loi de finances pour 2023, le mantra avait un peu changé : c’était « chaque euro compte ».

Or, depuis quelques semaines, le Président de la République et le Gouvernement rivalisent d’annonces de dépenses supplémentaires, qui se chiffrent en centaines de millions, voire en milliards d’euros : 2 milliards d’euros pour le plan Vélo (Et allez ! sur des travées du groupe Les Républicains.), 2 milliards d’euros de baisses d’impôt en faveur des classes moyennes (Mêmes mouvements.), 1 milliard d’euros pour les lycées professionnels. (M. Bruno Sido mime laccumulation.) En montants cumulés, cela pourrait représenter 18 milliards d’euros d’ici à la fin du quinquennat.

Dans le même temps, les intérêts de la dette augmenteront cette année de 12 milliards d’euros. Le service de la dette sera bientôt le premier budget de l’État, et l’impôt sur le revenu des Français n’y suffira même plus !

Dans le même temps, nous avions jugé optimistes les prévisions économiques du Gouvernement lors de l’examen du projet de loi de finances. Nous n’observerons pas le taux de croissance annoncé de 1 % ; le Fonds monétaire international (FMI) avait d’ailleurs prévu un taux de 0,6 %, ce qui semble se confirmer d’après les premiers chiffres disponibles.

Dans ce contexte incertain – pour ne pas dire inquiétant – pour les finances publiques, quand la baisse d’impôts en faveur des classes moyennes pourra-t-elle avoir lieu ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur Bazin, vous abordez des sujets que nous avons longuement évoqués ici même lors du débat d’orientation des finances publiques, voilà quelques jours, avec le rapporteur général Husson, le président Raynal et nombre d’entre vous.

L’annonce du Président de la République concernant la baisse d’impôts en faveur des classes moyennes s’inscrit, je le rappelle, dans une politique résolue de renforcement du pouvoir d’achat des Français qui travaillent, et qui s’est traduite par la suppression, compensée, de la taxe d’habitation, par celle de la redevance audiovisuelle, par la baisse de l’impôt sur le revenu pour les deux premières tranches, par la défiscalisation des heures supplémentaires et par l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation.

Cette politique a un sens : redonner de l’oxygène à tous les Français qui se lèvent le matin, qui travaillent et qui ont parfois le sentiment de financer, au travers de leurs impôts, un modèle permettant à certains de ne pas travailler (Protestations sur les travées du groupe SER.) et dans lequel des services publics se dégradent.

À nos yeux, il est évidemment nécessaire de leur redonner du pouvoir d’achat et d’agir sur la qualité de la dépense publique.

Pourquoi cette politique n’est-elle pas contradictoire avec le rétablissement des finances publiques ?

M. Jean-François Husson. Si, elle l’est !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Parce que lorsque vous décidez de baisser la fiscalité, ce qui a un effet positif sur l’activité économique de notre pays, vous percevez des recettes supplémentaires.

Ainsi, nous collectons davantage de recettes issues de l’impôt sur les sociétés depuis que son taux est passé à 25 % qu’à l’époque où il était à 33 %.

Les décisions permettant de renforcer l’emploi dans notre pays ou de rendre plus attractifs l’emploi et l’activité économique sont aussi bonnes pour les finances publiques.

Pour le reste, j’ai annoncé et présenté lors du débat d’orientation des finances publiques la trajectoire budgétaire pour les cinq années à venir, issue du programme de stabilité.

Nous allons réduire notre déficit à 2,7 % du PIB en 2027. (Marques dironie sur des travées du groupe Les Républicains.) Ces dernières années, nous avons tenu tous les objectifs de déficit que nous avions fixés, et le déficit a diminué chaque année.

S’agissant du cadrage macroéconomique et des doutes sur les prévisions de croissance, voilà un an, j’entendais, ici même – je le rappelle –, certains douter de la possibilité d’atteindre une croissance de 2,5 % en 2022 ; or, nous avons dépassé ce taux.

À l’automne dernier, certains remettaient en cause la perspective d’avoir une croissance positive en 2023 ; les prévisionnistes sont en train de s’aligner sur notre estimation de 1 % de croissance pour l’année 2023. Ainsi, le FMI, que vous avez évoqué, prévoit 0,8 % et l’OCDE 0,7 %.

Oui, notre économie résiste, parce que nos entreprises embauchent et investissent. C’est bon pour le pays, pour l’emploi, et c’est bon pour les finances publiques. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour la réplique.

M. Arnaud Bazin. Monsieur le ministre, le Président de la République lui-même a précisé que cette baisse d’impôts en faveur des classes moyennes serait effective quand la trajectoire des finances publiques le permettrait. (Marques dironie sur les travées du groupe Les Républicains.)

D’après les documents budgétaires que vous avez cités, il paraîtrait raisonnable – disons moins déraisonnable – d’envisager cette baisse à l’échéance du présent quinquennat.

En conséquence, les Français auront compris que la situation des classes moyennes s’améliorera quand Emmanuel Macron ne sera plus président de la République. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

violences à marseille et projet de réorganisation de la police judiciaire

M. le président. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Mme Marie-Arlette Carlotti. À Marseille, la pègre tue. Elle tue sur fond de vendetta entre bandes rivales régnant sur les trafics de stupéfiants. Depuis le début de l’année, la ville vit au rythme d’un assassinat par semaine et les réseaux ont plus que jamais la mainmise sur le quotidien des habitants.

En effet, les gangs ne se tuent plus entre eux, mais font de plus en plus de victimes collatérales : des enfants de 15 ans assassinés, une femme tuée au volant de sa voiture lors d’un échange de tirs, un homme atteint d’une balle perdue alors qu’il jouait aux cartes au bar du coin, un jeune touché aux jambes par une rafale tirée à travers sa porte d’entrée.

Fusillades à l’aveugle, séquestrations, lynchages mortels diffusés sur les réseaux sociaux : les trafiquants imposent leur terreur.

Avec mon collègue Jérôme Durain, je suis allée à la rencontre des victimes, de leurs familles et de la population, qui se sentent impuissantes, vulnérables, abandonnées. Car elles sont assignées à résidence dans leur cité HLM qu’elles n’ont plus les moyens de quitter, dans des quartiers mal desservis par les transports en commun, qui sont de véritables déserts médicaux et dont les écoles sont insalubres, même si le maire de Marseille a la volonté de les réhabiliter. (Marques dironie sur les travées du groupe Les Républicains.)

Ces habitants avaient déjà le sentiment que la République les avait abandonnés. Désormais, ils savent que, chaque jour, ils risquent leur vie, car il ne faut pas se trouver au mauvais endroit au mauvais moment.

La police pilonne les points de deal, réalise des prises de « shit » records ; c’est bien, mais, à l’évidence, cela ne marche pas. Vous avez déployé des moyens importants, notamment à Marseille, mais ils ne suffisent pas.

C’est donc sur votre doctrine que je vous interroge : croyez-vous que c’était le moment d’affaiblir la police judiciaire dont l’objectif est justement de démanteler les réseaux ? (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

La guerre des gangs – nous le savons – se répand dans tout le pays, et nous aurions tort de penser que cette situation ne serait propre qu’à Marseille.

Nous soutenons ici les forces de l’ordre. Nous respectons la police. Toutefois, quand les choses ne fonctionnent pas, le ministre doit revoir sa copie.

Alors, aujourd’hui, madame la ministre, au-delà de Marseille, c’est pour toutes les villes de France que nous nous indignons et que nous vous demandons ce que vous comptez faire. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Michelle Gréaume applaudit également.)