M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Monique de Marco. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Belin-Béliet, Hostens, Louchats, La-Teste-de-Buch, Saumos, Origne, Landiras : voilà une liste non exhaustive des nombreuses communes meurtries par les flammes l’été dernier. Au total, 30 000 hectares de forêts sont partis en fumée en Gironde et plus de 60 000 hectares en France.

Durant l’été 2022, la Gironde a brûlé d’un feu monstrueux, combattu avec abnégation par les pompiers dont je veux ici saluer le courage.

Ces catastrophes, qui étaient jusqu’à présent exceptionnelles, seront demain la norme. En 2021 et 2022, nous avons connu les trois plus grands incendies de ces quarante dernières années ! Il y a dix ans, les prévisions météorologiques estimaient que ces phénomènes surviendraient en 2040-2050.

Il n’y a aucun doute : ces feux sont les conséquences directes du changement climatique. Des feux plus nombreux, plus étendus, plus violents : voilà à quoi nous devons nous préparer. De l’Aveyron à la Bretagne, en passant par la Gironde et les Vosges, après le Sud-Est, l’ensemble du territoire français est dorénavant concerné. Les experts sont unanimes : près de 50 % des forêts françaises seront menacées par le risque incendie d’ici à 2050.

Malgré la mobilisation de deux mille sapeurs-pompiers, malgré les cinquante mille évacuations préventives et malgré la solidarité des milliers de bénévoles, les feux en Gironde ont souligné notre vulnérabilité au risque incendie. Nous devons en tirer les leçons.

Je tiens à saluer le travail de la mission de contrôle et des rapporteurs qui sont à l’origine de cette proposition de loi. Avec soixante-dix recommandations, le rapport d’information issu de cette mission a permis d’établir un diagnostic clair et partagé.

Le texte que nous examinons aujourd’hui traduit l’essentiel de ces recommandations. Il permet, notamment, de renforcer les moyens des Sdis, de favoriser l’adaptation des forêts au changement climatique, de créer un nouveau droit de préemption pour les communes et d’établir des cartes d’aléas pour suivre l’évolution du risque.

Après les feux gigantesques qui ont marqué l’été 2022, le Président de la République, Emmanuel Macron, avait annoncé une stratégie nouvelle de lutte et de prévention contre les incendies. Ce texte porte des mesures fortes. Il offre un début de réponse et ouvre la voie, mais il manque d’ambition sur plusieurs points essentiels.

La prévention du risque incendie est la pierre angulaire d’une stratégie de long terme. Alors que 95 % des départs de feux sont d’origine humaine, acquérir une nouvelle culture du risque est un enjeu majeur. Les mesures proposées dans ce texte nous semblent insuffisantes.

Nous déplorons également l’absence d’éléments sur le renforcement des moyens humains de l’ONF. Ses agents sont des sentinelles du climat et de la forêt ; pourtant, en trente ans, ils sont passés de quinze mille à moins de neuf mille.

De même, en pleine crise du volontariat et face à l’intensification du risque, il s’agira d’augmenter le nombre de sapeurs-pompiers professionnels et les moyens qui leur sont alloués.

Notre politique de lutte contre les incendies doit tenir compte de l’évolution du risque sur l’ensemble du territoire. Cette stratégie passe par l’affectation équitable des moyens nationaux.

Alors qu’un incendie doit être repéré et traité dès qu’il apparaît, la protection aérienne des Canadair et des Dash se révèle cruciale. Le temps d’autorisation et l’éloignement des appareils ne sont pas compatibles avec la temporalité des incendies. Il faut une flotte plus importante et une répartition adaptée de la flotte sur le territoire.

Au regard de l’exposition colossale du sud-ouest de la France au risque incendie, un prépositionnement des moyens aériens, par exemple en Nouvelle-Aquitaine, paraît essentiel. Nous demandons, en ce sens, une étude sur l’opportunité de créer une seconde base aérienne de la sécurité civile, comme s’y était engagé le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, en octobre dernier.

Enfin, nous restons vigilants sur les éventuelles dérives que le texte pourrait engendrer. La prévention et la lutte contre les incendies nécessitent des aménagements indispensables et des efforts importants. Mais elles ne peuvent se faire au détriment de la biodiversité et des écosystèmes, qui sont essentiels pour adapter nos forêts et réduire le risque.

Permettez-moi, mes chers collègues, de citer Charles Darwin pour rappeler, ici, que « les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements ».

L’équilibre à trouver n’est pas simple. Pour participer à ce rééquilibrage, sans jamais perdre de vue l’objectif de la proposition de loi, nous proposerons plusieurs amendements au cours des débats. Nous espérons qu’ils seront adoptés afin d’apporter des réponses à la hauteur des enjeux.

Ce texte constitue néanmoins une première étape essentielle pour prévenir et lutter contre le risque incendie. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera pour cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi quau banc des commissions. – Mme Évelyne Perrot et M. Franck Menonville applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons tous à l’esprit les images de l’été dernier, pendant lequel 72 000 hectares de nos forêts sont partis en fumée et avec eux autant d’hectares de notre patrimoine naturel.

J’ai une pensée particulière pour mon département de la Drôme, où trente feux de forêt, dont celui de Romeyer dans mon Diois natal, ont brûlé 380 hectares et mobilisé plus de huit cents sapeurs-pompiers pendant dix jours. Je tiens à remercier ces derniers, ainsi que les agriculteurs qui ont activement contribué à les alimenter en eau. Je remercie également les habitants qui ont permis d’améliorer les repas de nos valeureux sapeurs.

Durant l’été, nous avons heureusement pu compter sur le courage, l’efficacité et l’exceptionnel sens de l’engagement de nos forces de sécurité civile et des élus locaux. Je tiens ici à les saluer. Nous avons également pu compter sur l’aide de nos partenaires européens, avec l’activation du mécanisme de protection civile de l’Union européenne, permettant de mobiliser quatre avions de la flotte rescEU.

Le caractère hors-norme de l’été 2022 ne doit pas cacher le fait que l’intensification des feux de forêt est un mouvement de fond : sur le pourtour méditerranéen français, les surfaces brûlées pourraient augmenter de 80 % d’ici à 2050. Les conséquences du changement climatique se manifestent de manière spectaculaire. Pour celles et ceux qui ne viennent pas de régions traditionnellement sujettes aux feux de forêt, l’été dernier a marqué un changement de paradigme, avec près d’un département sur deux concerné.

À l’horizon 2050, 50 % des landes et des forêts métropolitaines seront exposées à un risque incendie élevé, contre un tiers il y a un peu plus d’une décennie. Cette extension est également temporelle, puisque la période à risque devrait être trois fois plus longue et que les feux hivernaux vont se multiplier.

Dès le mois de mai 2022, le Sénat s’est saisi de ce sujet, puisque la commission des affaires économiques et celle de l’aménagement du territoire et du développement durable ont constitué une mission de contrôle relative à la prévention et à la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie, mission à l’origine du texte que nous examinons aujourd’hui. Je veux ici remercier les rapporteurs qui l’ont élaboré.

Les travaux de cette mission et de la commission spéciale ont mis en lumière le constat de la future vulnérabilité de notre stratégie de lutte contre les feux de forêt qui, bien qu’étant aujourd’hui un modèle en Europe, doit évoluer. Sans changement, notre stratégie ne suffira pas face à l’intensification et à l’extension des feux de forêt.

La proposition de loi particulièrement dense qui a résulté des travaux de la mission répond pour partie à cette nouvelle problématique, en mettant l’accent sur l’aménagement du territoire, la gestion durable, la valorisation de la forêt et la mobilisation de l’ensemble des acteurs, au premier rang desquels les agriculteurs, maillons essentiels dans l’élaboration du modèle de lutte contre les feux de forêt au XXIe siècle.

Si, depuis 2017, nous avons investi de manière importante dans la sécurité civile, avec une augmentation budgétaire de 40 % et l’acquisition de nouveaux avions Dash, force est de constater que la mobilisation de moyens financiers est une condition nécessaire, mais insuffisante pour répondre à l’intensification de la pression qui s’exerce sur nos massifs forestiers.

Au-delà des budgets, nous avons clarifié le cadre d’intervention des Sdis, conforté les plans communaux de sauvegarde et valorisé l’engagement et le volontariat lors de l’examen de la loi de 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, dite loi Matras.

Je retiens particulièrement la reconnaissance par la Nation du sacrifice ultime des sapeurs-pompiers, avec la création de la mention « Mort pour le service de la République » et la reconnaissance des enfants de sapeurs-pompiers professionnels et volontaires décédés en service comme pupilles de la République.

Nous sommes tous conscients que, si la France a un modèle de lutte contre les incendies performant et reconnu à travers le monde, nous devons néanmoins adapter nos politiques et nos territoires aux conséquences du dérèglement climatique. Autrement dit, il faut améliorer la prévention, renforcer les moyens de lutte et accélérer le reboisement post-incendie.

Ce texte s’attelle à ces trois tâches et comporte un volet d’optimisation de la gestion de nos forêts que nos auditions ont mis en lumière comme étant un élément central du modèle à construire pour les années à venir.

Le décloisonnement administratif qu’implique la stratégie nationale et interministérielle de défense des forêts et des surfaces boisées contre les incendies poursuit la logique d’optimisation de l’utilisation des ressources et d’assouplissement des procédures visant à renforcer la performance opérationnelle.

En témoignent les exemples suivants d’apports de la commission.

Nous intégrons l’ONF et le CNPF dans la concertation de la stratégie nationale et interministérielle. Nous rendons obligatoire dans les territoires à risque l’élaboration d’un plan de protection des forêts contre les incendies.

Nous instaurons un droit de préemption des parcelles de forêt sans document de gestion durable et présentant un enjeu au regard de la défense des forêts contre l’incendie, au profit des communes s’engageant à intégrer la parcelle au régime forestier. Nous renforçons l’application des obligations légales de débroussaillement.

Nous conditionnons les aides d’État à des choix d’essences et de gestion adaptés au risque incendie. Nous reconnaissons, enfin, le rôle primordial des agriculteurs et de la sylviculture dans la prévention des feux de forêt.

En l’état, le texte permet donc de faire de la prévention, de lutter à la racine contre l’intensification et l’extension du risque d’incendie dans nos forêts, mais également d’adapter nos forêts et de conforter l’aménagement du territoire comme pierre angulaire de la protection de notre patrimoine naturel.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe RDPI votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi quau banc des commissions. – Mme Monique de Marco applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Laurence Harribey. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, 72 000hectares ont brûlé en France en 2022, dont plus de 30 000 en Gironde, contre une moyenne de 8 500 hectares ces dix dernières années.

Si le risque incendie avait, jusque-là, été globalement contenu par une politique volontariste de défense des forêts, les conséquences du réchauffement climatique changent totalement la donne. On le sait, les zones à risque vont s’étendre d’ici à 2050. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) estime dans son scénario le plus pessimiste que le danger d’incendie moyen pourrait augmenter de 2 % à 4 % par décennie.

Cette proposition de loi est issue d’une mission flash qui a été conduite avant le terrible été 2022 sans Girondin « à bord » – si je puis dire ! –, mais dont des représentants se sont rendus sur les lieux à la fin de l’été et qui a largement ouvert ses travaux aux sénateurs de ce département. Elle arrive donc dans un contexte qu’on pourrait qualifier d’urgence.

Nous saluons le travail transpartisan et collaboratif mené par les quatre mousquetaires (Sourires.), le président de la commission spéciale et les rapporteurs, qui ont su intégrer au texte nombre des remarques faites lors des auditions.

Le groupe SER a été actif et constructif avec une quinzaine d’amendements adoptés dès l’examen en commission, portant notamment sur : la prise en compte des spécificités organisationnelles des massifs forestiers et le rôle d’acteurs comme la DFCI là où elle est présente ; la prise en compte du risque incendie dans les documents d’urbanisme, même si ce qui est prévu ne nous semble pas encore suffisant ; l’instauration d’un congé spécial supplémentaire pour les sapeurs-pompiers volontaires ; la mise en place d’une communication spécifique aux propriétaires de terrains concernés par les OLD et l’augmentation du montant des amendes.

Soulignons aussi que beaucoup de nos amendements ont été satisfaits par ceux des rapporteurs adoptés en commission, notamment : la reconnaissance législative des coupes tactiques et le caractère obligatoire de l’élaboration des PPFCI dans les territoires à risque incendie ; l’exonération de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) pour les véhicules des Sdis ; ou encore la réduction des cotisations patronales pour les employeurs de sapeurs-pompiers volontaires, une disposition que nous avions déjà proposée lors de l’examen de la proposition de loi visant à consolider notre modèle de sécurité civile, dont le rapporteur était Patrick Kanner.

De fait, cet après-midi, nous examinons un texte assez complet qui comprend des avancées notables.

Néanmoins, nous avons déposé quelques amendements complémentaires concernant : le renforcement de l’association des élus et acteurs locaux, notamment les associations syndicales autorisées de défense de la forêt contre les incendies (ASA de DFCI), pour favoriser une logique ascendante et non descendante ; la question de l’eau et du lien entre DFCI et plans de gestion en eau ; et l’amélioration de la connaissance des voies d’accès et des pistes DFCI avec un système de mise à jour de la cartographie.

En conclusion, au-delà du texte lui-même, que nous voterons, nous voulons souligner que les bonnes volontés ne suffiront pas. C’est sans doute la limite de cette proposition de loi, mais cette limite relève non pas de votre fait, mes chers collègues rapporteurs, mais de celui du Gouvernement.

En effet, donner de nouvelles missions aux acteurs et intégrer le risque incendie dans tous les documents d’urbanisme et de gestion forestière paraît aujourd’hui une évidence, mais encore faut-il avoir les moyens de les mettre en œuvre efficacement.

L’État devra prendre ses responsabilités. Rappelons que les moyens humains et financiers tendent à baisser, aussi bien dans le domaine forestier que dans celui plus global de la prévention des risques – je rappelle que c’est au Sénat qu’on doit le « sauvetage » des moyens de l’ONF lors de la dernière discussion budgétaire.

La seconde limite de ce texte, c’est qu’il est consacré – tel est son objet – à la prévention, alors que la lutte contre les incendies pose aussi des questions matérielles. Le Président de la République a présenté une « nouvelle stratégie » en octobre 2022 – vous l’avez évoquée, madame la ministre –, mais nous attendons toujours une grande loi de programmation pour la forêt et une territorialisation des moyens aériens afin de lutter contre les feux hors norme, qui pourraient malheureusement devenir la norme. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.

Mme Marie-Claude Varaillas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cela a été dit, les incendies que nous avons connus l’été dernier ont détruit plus de soixante-six mille hectares de ce bien commun que sont nos forêts.

La Gironde, les Bouches-du-Rhône, mais aussi la Bretagne : les incendies ont surpris par leur intensité, mais aussi par leur étendue géographique. Des forêts habituellement épargnées par les feux estivaux sont parties en fumée. Dans mon seul département, la Dordogne, ce sont deux cent quatre-vingts hectares qui ont été détruits.

Ce qui semblait hier exceptionnel est donc en passe de devenir la norme. C’est ce que nous a rappelé la mission d’information sénatoriale constituée l’été dernier. En effet, les conclusions de cette mission pointent une intensification des feux en région méditerranéenne. Les surfaces brûlées pourraient augmenter de 80 % d’ici à 2050.

Ces conclusions soulignent l’extension géographique du risque à des départements peu touchés et le développement d’incendies de végétation ou de terres agricoles. Pire, il n’y a plus de « saison des feux » ; la période à risque fort sera trois fois plus longue.

Les incendies colossaux de l’été dernier nous rappellent que le changement climatique est déjà là, comme en atteste une fois encore le rapport du Giec. Ils ont mis en lumière la nécessité de penser de nouvelles stratégies d’adaptation pour la forêt et de renforcer les moyens de prévention et de lutte contre les incendies.

Ils nous rappellent aussi que nos forêts sont fragiles. Outre le feu, la succession des sécheresses affaiblit les arbres, les rendant plus vulnérables aux attaques d’insectes et autres parasites. Nous assistons ainsi au dépérissement de certaines espèces.

En ce sens, nous ne pouvons que saluer le travail effectué par les auteurs de cette proposition de loi qui nous rappellent la fragilité de ce patrimoine commun et la nécessité de le préserver.

En effet, la stratégie française, qui a consisté à renforcer la prévention et la lutte contre les incendies et qui a permis durant des années de maîtriser la survenance de feux dits anormaux, est aujourd’hui bousculée par les changements climatiques.

C’est pourquoi nous partageons la volonté de nos collègues rapporteurs d’anticiper le risque émergent, en l’intégrant de manière plus étendue dans les documents d’urbanisme et de planification des territoires jusque-là épargnés par les incendies de grande ampleur, ainsi que la prise en compte dans ces documents des espaces urbains, des terres agricoles et des massifs forestiers dans une logique de protection mutuelle.

Nous saluons aussi le renforcement des OLD. La question des zones d’interface habitats-forêts est essentielle, car, dans ces espaces, le risque de départs de feux est élevé et la protection par les pompiers difficile et coûteuse. À cet égard, il serait opportun que les communes bénéficient de dispositifs d’accompagnement, y compris financiers. Nous partageons également la nécessité d’un renforcement de la sensibilisation des citoyens, élus et professionnels concernés.

Pour autant, si les objectifs de ce texte sont louables et que les outils proposés sont pertinents, les moyens restent, encore une fois, insuffisants.

Tous les acteurs que nous avons auditionnés l’ont dit : à moyens constants, il est impossible que les services de prévention puissent maintenir leur efficacité face à des feux de plus en plus intenses et fréquents. Comme le rappelait déjà le président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, « le dérèglement climatique s’accélère. Il faut accroître le nombre de bombardiers d’eau, avions comme hélicoptères. Il faut aussi augmenter les moyens humains, et ce sans attendre ».

De même, aucun investissement dans la lutte contre les incendies, aussi important soit-il, ne permettra d’empêcher les incendies extrêmes.

Il nous faut investir dans une politique forestière préventive qui permettra la résilience de nos forêts, à commencer par la diversification des essences. Les forestiers doivent renouveler les peuplements dépérissants et adapter les forêts françaises en tenant compte des risques futurs.

Il nous faut également renforcer les moyens humains et financiers face à l’intensification du risque incendie. Alors que la force de frappe des services d’incendie tient au maillage territorial, plus de deux mille sept cents centres d’incendie et de secours ont fermé ces vingt dernières années.

Enfin, les difficultés à contenir les feux dans la région Sud-Ouest cet été nous ont rappelé le besoin d’une base aérienne de sécurité civile à l’ouest afin d’accroître la rapidité et l’intensité des interventions par Canadair.

Par ailleurs, en trente-cinq ans, l’ONF, qui gère près de 25 % de la forêt métropolitaine, a perdu près de 40 % de ses effectifs. De seize mille salariés que comptait l’Office en 1986, il n’en reste plus que huit mille quatre cents aujourd’hui, auxquels l’État continue pourtant de confier un nombre équivalent de missions et dont il exige une plus grande rentabilité.

Les Sdis, l’ONF, le CNPF sont des acteurs publics garants de la résilience et de la résistance de la forêt. Ils doivent disposer des moyens matériels et humains nécessaires à l’accomplissement de leurs missions, qui – il faut le dire – se complexifient.

Malgré ces réserves, nous voterons en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi quau banc des commissions. – Mme Monique de Marco et M. Hussein Bourgi applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Le Nay. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)

M. Jacques Le Nay. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce n’est un secret pour personne : le réchauffement climatique aggravera considérablement le risque incendie. Je viens de m’exprimer au futur, mais malheureusement il faut déjà parler au présent…

Les feux de forêt et de végétation sont plus graves d’année en année. Ceux de 2022 ont été dévastateurs, particulièrement en Gironde, mais mon département, le Morbihan, n’a pas été épargné non plus. Un incendie y a ravagé la légendaire forêt de Brocéliande. L’actualité espagnole nous rappelle cruellement cette urgence à agir : en six jours, le feu y a détruit la semaine dernière quatre mille trois cents hectares. Et nous ne sommes évidemment pas à l’abri de ce qui se passe sur la péninsule ibérique.

Les feux sont de plus en plus nombreux et de plus en plus rapides, et la période de l’année durant laquelle le risque incendie est maximal s’allonge.

Les chiffres avancés par nos rapporteurs, Anne-Catherine Loisier, Pascal Martin et Olivier Rietmann, dont je salue au passage l’implication et la qualité des travaux, sont éloquents : dans le Sud, les surfaces brûlées pourraient augmenter de 80 % d’ici à 2050. Les bois seraient progressivement remplacés par des maquis. D’ici au milieu du siècle, la moitié des landes et forêts métropolitaines seraient concernées par un risque incendie élevé, contre un tiers en 2010. Et la période à risque fort devrait être trois fois plus longue.

D’où le mot du président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France : « Aujourd’hui, la saison des feux, c’est toute l’année. »

Il nous faut réagir, car nos dispositifs de lutte contre l’incendie commencent à ne plus être adaptés. Réagir, c’est ce qu’a fait le Sénat en constituant en mai dernier une mission de contrôle sur l’initiative de notre commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et de notre commission des affaires économiques.

Je salue cette initiative au nom du groupe Union Centriste. La mission de contrôle a formulé un grand nombre de propositions. Nous nous réjouissons que celles d’entre elles qui relevaient de la loi aient été si rapidement concrétisées au sein du présent texte – c’est exemplaire !

De plus, l’approche opérée par le texte est extrêmement concrète, car elle est transversale. Elle articule prévention des feux et lutte contre l’incendie, ce qui constitue à nos yeux le seul moyen d’apporter une réponse véritablement efficace au problème posé. En allant de la stratégie nationale et territoriale au reboisement des parcelles brûlées, en passant par la promotion de la sylviculture, la sensibilisation des populations et l’équipement, le champ de la proposition de loi couvre l’ensemble des aspects générateurs du risque incendie.

Le texte qui nous est aujourd’hui soumis est d’autant plus complet qu’il a été substantiellement enrichi par la commission spéciale, laquelle a tenu à tirer les leçons des feux de 2022 : mettre en concordance la stratégie incendie avec les politiques de gestion de l’eau et de protection de la biodiversité et renforcer le caractère dissuasif des sanctions en cas d’absence de mise en œuvre ou de non-respect des mesures de prévention et de lutte contre le risque incendie.

L’un des aspects de cet enrichissement du texte nous tient particulièrement à cœur : il s’agit de la consécration du rôle préventif des forestiers et des agriculteurs. Nous ne remporterons cette guerre qu’avec leur appui.

L’implication des communes est aussi essentielle, le rôle des élus locaux étant fondamental dans la politique forestière territoriale. En effet, si le maire est responsable de la sécurité sur son territoire, il a aussi un rôle essentiel de médiation dans la société et, de fait, la question forestière est devenue un sujet de préoccupation de nos concitoyens, au-delà des feux, dans de nombreux domaines : protection de la biodiversité, transition environnementale et énergétique.

Ainsi, l’institution, à l’article 22, d’un droit de préemption pour les communes va dans le bon sens. Si une ou plusieurs parcelles sont identifiées comme étant stratégiques au regard de la défense de la forêt contre les incendies, favoriser leur appropriation et leur maîtrise par les communes constituera pour ces dernières un outil indispensable, rejoignant l’arsenal de mise en protection des territoires et des populations exposées.

Je pourrais citer encore bien d’autres mesures essentielles comprises dans ce texte, mais vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe Union Centriste votera en sa faveur avec enthousiasme.

Nous comptons sur vous, madame la ministre, pour vous en saisir avant que ne se déclarent les feux estivaux de 2023, auxquels nous n’échapperons malheureusement pas. Avec cette proposition de loi, vous aurez en tout cas entre les mains les moyens pour mieux les combattre et, surtout, pour les éviter, ce qui est notre priorité. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Nathalie Delattre. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis l’ouverture de la session parlementaire au mois d’octobre 2022, j’ai déjà eu plusieurs fois l’occasion de dire toute l’émotion qu’ont suscitée les grands feux de Gironde au cours de l’été dernier. Aujourd’hui, au regard de l’importance du texte qui nous est proposé, nos échanges nourrissent une ambition plus grande.

Avant tout, je salue le travail considérable d’Anne-Catherine Loisier, de Jean Bacci, de Pascal Martin et d’Olivier Rietmann. Nos collègues se présentent devant nous avec une triple casquette. D’abord, ils sont auteurs du très riche rapport d’information Feux de forêt et de végétation : prévenir lembrasement déposé au mois d’août dernier. Ensuite, ils sont auteurs de la proposition de loi que nous avons à examiner aujourd’hui. Enfin, ils sont président et rapporteurs de notre commission spéciale ; je veux mettre en avant tout le sérieux des travaux et des auditions qui ont été menés et auxquels j’ai activement participé.

Sans attendre de nouveaux incendies dramatiques, mais sans oublier non plus les précédents, le Sénat, à la lumière des fameux « retex », les retours d’expérience, s’est donné les moyens de proposer une réponse d’envergure. Pour preuve, le texte tel qu’il ressort des travaux de la commission spéciale compte désormais plus de quarante articles et balaie ainsi l’ensemble des problématiques liées à la prévention du risque incendie dans nos territoires, à l’organisation de la défense contre le sinistre et à la gestion des massifs forestiers post-incendie.

Pour reprendre une formule chère au président de notre groupe, Jean-Claude Requier, nous sommes face à un texte hétérogène, mais non hétéroclite. Cette hétérogénéité est un atout : la lutte contre l’embrasement se joue à de nombreux échelons. En oublier un risquerait de mettre en échec tous les autres.

Le premier échelon est national. Dans votre rapport d’information du mois d’août dernier, madame, messieurs les rapporteurs, vous avez souligné très justement que « les politiques publiques de prévention et de lutte contre les incendies de forêt et de végétation se caractérisent par un portage politique et administratif complexe ». Il est donc nécessaire d’œuvrer à la mise en place d’une stratégie nationale et interministérielle, comme le vise le texte, aux fins de développer une approche transversale qui articulera à tous les niveaux de l’État la prévention contre les incendies et la sécurité civile.

Le deuxième échelon est local. Il faut un usage efficace des outils de planification et de prévision, lesquels doivent mieux tenir compte des risques d’incendie. Je me réjouis en ce sens de l’adoption par la commission spéciale de mon amendement qui vise à consulter les acteurs en charge de la défense de la forêt contre les incendies pour l’élaboration de documents d’urbanisme par les communes dont les bois et forêts sont classés et particulièrement exposés aux risques d’embrasement.

Le troisième échelon est technique. Je pense à l’action des sapeurs-pompiers lors des opérations de secours ; je la salue de nouveau. Cette proposition de loi enrichit évidemment cette dimension essentielle grâce à un ensemble de dispositions visant à renforcer l’équipement de la lutte contre les incendies.

Je salue en cet instant l’apport de notre commission spéciale qui a adopté un amendement que j’ai déposé de manière commune avec les rapporteurs et une collègue girondine. Cette disposition vise à offrir une assise juridique à la pratique des coupes tactiques dans la continuité de ce qui a été effectué dans l’urgence l’été dernier en Gironde et dans les Landes. Je remercie madame, messieurs les rapporteurs pour cela.

Le dernier échelon pourrait être qualifié de domestique. En effet, s’il faut mobiliser les pouvoirs publics dans leur ensemble, nous devons aussi intégrer nos concitoyens dans la réflexion, tant du point de vue de la prévention que des gestes du quotidien.

Le texte y contribue, en tendant à financer des actions de communication afin de prévenir l’abandon de mégots ou bien en consacrant l’interdiction de fumer dans les forêts et bois classés à risque d’incendie. J’y vois de bonnes dispositions.

J’avais déposé des amendements relatifs à cette prévention qui ont été déclarés irrecevables, car de portée réglementaire. Je prendrai la parole tout à l’heure à ce sujet sur l’article idoine ; surtout, je saisirai le Gouvernement pour faire évoluer les dispositions réglementaires concernées.

Ce texte est aussi capital en ce qu’il vient renforcer, ce que beaucoup d’élus locaux attendaient, le cadre juridique relatif aux OLD, essentielles dans la prévention.

Cela étant, il reste encore de nombreuses améliorations possibles sur plusieurs points. J’y reviendrai lors de l’examen de mes amendements, pour beaucoup inspirés de ce que j’ai vécu et observé l’été dernier en Gironde.

En conclusion, le groupe du RDSE est très favorable à cette proposition de loi, d’autant qu’elle a été largement enrichie par l’adoption en commission spéciale d’une série d’amendements, que j’avais, pour certains, déposés. En cela, je voulais ici tous vous en remercier au nom des Girondines et des Girondins. (Applaudissements sur des travées des groupes RDSE et Les Républicains, ainsi quau banc des commissions. – Mme Évelyne Perrot et M. Bernard Buis applaudissent également.)