M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean Sol, rapporteur. Cet amendement vise à abroger la disposition autorisant à déroger au principe du salariat dans les centres de santé, introduite en 2019 à titre expérimental pour cinq ans dans les zones sous-denses.

Je suis défavorable à la suppression d’une telle mesure d’application temporaire, dont les effets n’ont pas encore été évalués.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Comme M. le rapporteur vient de l’expliquer, cet amendement tend à revenir sur une expérimentation lancée en 2020 pour cinq ans. Il nous semble préférable de la laisser aller jusqu’à son terme, afin de pouvoir en évaluer correctement l’intérêt. C’est la raison pour laquelle nous sommes défavorables à cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Tout d’abord, je me réjouis de vous entendre dire, madame la ministre, que vous souhaitez aller jusqu’au bout d’une expérimentation… On en reparlera tout à l’heure lorsque nous examinerons la proposition de loi Rist, car cette position de principe ne s’appliquera peut-être plus. Je me méfie des arguments à géométrie variable et appelle chacun, en particulier le Gouvernement, à davantage de cohérence.

Ensuite, je ne comprends absolument pas les raisons pour lesquelles vous êtes défavorable à notre amendement. Aujourd’hui, en effet, les centres de santé fonctionnent avec des professionnels exerçant en tant que salariés, les mêmes professionnels pratiquant aussi en libéral à l’extérieur de ces centres, ce qui ne pose aucun problème, bien au contraire, puisqu’une telle démarche s’inscrit dans une logique de complémentarité.

La position du Gouvernement n’a d’autre effet que d’ajouter de la confusion en permettant une espèce de perméabilité qui n’a aucune raison d’être. Nous maintenons par conséquent notre amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 9
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'encadrement des centres de santé
Article 3

Article 2 bis

Après l’article L. 162-34 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 162-34-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 162-34-1. – Les professionnels de santé exerçant dans un centre de santé mentionné à l’article L. 6323-1 du code de la santé publique sont identifiés par un numéro personnel distinct du numéro identifiant la structure où ils exercent, au moins en partie, leur activité.

« Le décret prévu au premier alinéa de l’article L. 161-33 du présent code précise les cas dans lesquels ce numéro personnel ainsi que le numéro identifiant la structure au sein de laquelle l’acte, la consultation ou la prescription a été réalisé figurent sur les documents transmis aux caisses d’assurance maladie en vue du remboursement ou de la prise en charge des soins dispensés par ces praticiens. » – (Adopté.)

Article 2 bis
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Article 4

Article 3

(Suppression maintenue)

Article 3
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Article 5

Article 4

L’article L. 6323-1-12 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° (nouveau) À la première phrase du cinquième alinéa du I, les mots : « peut décider de publier » sont remplacés par les mots : « publie » ;

2° (nouveau) Sont ajoutés des III à V ainsi rédigés :

« III. – Les décisions de suspension et de fermeture prises en application du II sont communiquées sans délai à la Caisse nationale de l’assurance maladie et aux instances ordinales compétentes.

« IV. – La suspension de l’activité d’un centre ou la fermeture d’un centre ou de l’une de ses antennes peut, jusqu’à la levée de la suspension et pour une durée de huit ans dans le cas d’une fermeture, justifier le refus de délivrance, par le directeur général de l’agence régionale de santé, du récépissé de l’engagement de conformité ou de l’agrément demandé, pour l’ouverture d’un nouveau centre de santé ou d’une nouvelle antenne, par le même représentant légal, le même organisme gestionnaire ou un membre de son instance dirigeante.

« V. – Un décret précise les modalités de recensement des mesures de suspension et de fermeture de centres de santé décidées en application du II, et de leur mise à disposition des services de l’État et des organismes de sécurité sociale. »

M. le président. L’amendement n° 16, présenté par M. Fichet, Mmes Le Houerou et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne, Féret et Jasmin, M. Jomier, Mmes Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par les mots :

sur tout le territoire national

La parole est à M. Jean-Luc Fichet.

M. Jean-Luc Fichet. Le présent amendement vise à éviter le nomadisme des fraudeurs et des structures commerciales déviantes, en s’assurant que les refus d’ouverture d’un nouveau centre ou d’une nouvelle antenne aient une portée nationale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean Sol, rapporteur. Cet amendement a pour objet de préciser que le motif sur le fondement duquel le directeur général de l’ARS se fonde pour suspendre ou fermer un centre de santé, refuser l’ouverture d’une nouvelle antenne ou d’un nouveau centre, est applicable sur tout le territoire national.

Or l’amendement semble satisfait par la rédaction de l’article et la création du répertoire national des décisions de suspension ou de fermeture des centres de santé, qui sera rendu accessible aux services de l’État intéressés.

Même si je vous accorde que la précision ne nuit pas, monsieur Fichet, je suis tout de même enclin à vous demander de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, vous souhaiter préciser le périmètre national du dispositif prévu à l’article 4, qui permet au directeur général de l’agence régionale de santé de refuser l’ouverture d’un centre lorsque le gestionnaire a déjà vu un autre de ses centres sanctionné.

Or tel est justement l’objet de cet article, qui crée également un répertoire national permettant de recenser l’ensemble des mesures de suspension et de fermeture des centres de santé sur le territoire, et ainsi d’apporter une connaissance nécessaire à l’application de cette mesure.

Je suis donc favorable à votre amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 16.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 4, modifié.

(Larticle 4 est adopté.)

Article 4
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Article 6

Article 5

L’article L. 6323-1-4 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les comptes du gestionnaire sont certifiés par un commissaire aux comptes lorsqu’ils remplissent les critères fixés par décret, lequel détermine également les modalités de leur transmission au directeur général de l’agence régionale de santé et aux organismes de sécurité sociale. » – (Adopté.)

Article 5
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Article 7

Article 6

(Supprimé)

Article 6
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Article 8

Article 7

L’article L. 6323-1-7 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le paiement intégral des soins qui n’ont pas encore été dispensés ne peut être exigé. » – (Adopté.)

Article 7
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Article 9

Article 8

Le I de l’article L. 6323-1-12 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° A (nouveau) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le directeur général de l’agence régional de santé informe également les instances ordinales compétentes de tout manquement compromettant la qualité ou la sécurité des soins. » ;

1° Le troisième alinéa est ainsi modifié :

a) Au début de la première phrase, les mots : « Lorsqu’un manquement à l’engagement de conformité » sont remplacés par les mots : « Lorsque l’un des manquements mentionnés au premier alinéa » ;

b) À la fin de la deuxième phrase, le montant : « 150 000 euros » est remplacé par le montant : « 500 000 euros » ;

c) À la dernière phrase, le montant : « 1 000 euros » est remplacé par le montant : « 5 000 euros » ;

d) (nouveau) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Les montants respectifs de l’amende et de l’astreinte journalière sont fixés en fonction de la gravité des manquements constatés, par application d’un barème établi par décret. » ;

2° (Supprimé)

M. le président. L’amendement n° 18, présenté par MM. Iacovelli, Hassani, Lévrier, Patriat et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Au dernier alinéa de l’article L. 162-32-3 du code de la sécurité sociale, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois ».

La parole est à M. Xavier Iacovelli.

M. Xavier Iacovelli. Le présent amendement vise à renforcer la protection des patients et à se prémunir des pratiques déviantes existantes.

Il tend en effet à rétablir la base légale permettant le déconventionnement d’urgence des centres de santé responsables de violations graves des engagements prévus ou ayant engendré un préjudice financier. Il s’agit d’une mesure nécessaire à la suite de l’entrée en vigueur de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean Sol, rapporteur. Cet amendement a pour objet de corriger une malfaçon légistique, qui conduit à ne plus rendre applicable aux centres de santé la procédure de déconventionnement d’urgence, qui peut être lancée lorsqu’une violation particulièrement grave des engagements prévus par la convention ou ayant engendré un préjudice financier pour l’organisme de sécurité sociale a été commise.

Il est bien sûr nécessaire de la rendre applicable de nouveau aux centres de santé en rétablissant la rédaction initiale du code de la santé publique issue de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.

La commission émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, au travers de votre amendement, vous souhaitez rétablir la base légale permettant l’application du déconventionnement d’urgence des centres de santé.

Je rappelle que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, en renforçant le dispositif de déconventionnement des professionnels de santé fraudeurs, a en effet malencontreusement supprimé la base légale du déconventionnement en urgence des centres de santé, introduite dans la précédente loi de financement de la sécurité sociale.

Le Gouvernement partage votre volonté de sanctionner de manière adéquate les centres de santé déviants et de limiter le préjudice subi par l’assurance maladie en cas de faute grave. Je suis donc favorable à votre amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 18.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 8, modifié.

(Larticle 8 est adopté.)

Article 8
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'encadrement des centres de santé
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 9

(Supprimé)

Vote sur l’ensemble

Article 9
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'encadrement des centres de santé
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à améliorer l’encadrement des centres de santé.

(La proposition de loi est adoptée à lunanimité) – (Applaudissements.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'encadrement des centres de santé
 

6

 
Dossier législatif : proposition de loi portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé
Discussion générale (suite)

Amélioration de l’accès aux soins

Discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé (proposition n° 263, texte de la commission n° 329, rapport n° 328).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé
Article additionnel avant l'article 1er - Amendement n° 74 rectifié

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le début de l’année 2023 a été marqué, dans le monde de la santé, par d’importantes annonces.

Le 6 janvier dernier, le Président de la République a tenu à adresser directement ses vœux aux acteurs de la santé. Cela témoigne de l’importance accordée à ce que nous réussissions les changements profonds auxquels aspirent les professionnels de santé et les Français.

Avec le ministre de la santé et de la prévention François Braun, nous avons également tenu à nous adresser, fin janvier, à toutes nos forces vives pour détailler la feuille de route et les jalons de cette refondation.

Moins de quinze jours plus tard, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui traduit ces paroles fortes en actes concrets.

Ce texte, déposé par la rapporteure générale de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Stéphanie Rist, et cosigné par l’ensemble du groupe Renaissance, comporte de nombreuses dispositions importantes pour accélérer le décloisonnement de notre système de santé.

Il témoigne du besoin ressenti sur le terrain de favoriser les coopérations entre les professionnels de santé, en ville comme en établissement. Cela doit nous permettre, sans dégrader la qualité des soins ou créer une médecine à deux vitesses, de libérer du temps médical et de faciliter l’accès à la santé.

Je veux le dire ici : alors que nos médecins généralistes manifestent aujourd’hui, il ne s’agit pas de nier leur rôle essentiel. C’est bien eux, dans le cadre des coopérations dont je parlais, qui sont au centre du parcours de soins, car ils disposent d’une expertise essentielle.

Nous devons poursuivre la transformation de notre système de santé pour répondre à des besoins qui évoluent et à une démographique médicale qui est celle que nous connaissons.

En effet, la pandémie mondiale de la covid-19 a profondément bouleversé notre système de santé qui, pour y faire face, a déployé des ressources et des moyens parfaitement inédits. Nous avons inventé des solutions, expérimenté des modes d’organisation innovants et bâti des solidarités nouvelles.

Je pense, par exemple, à l’extension des compétences vaccinales aux professionnels de proximité en 2021, qui a permis d’accompagner le déploiement d’une campagne de vaccination massive, laquelle fut une réussite collective.

Il s’agit d’un progrès que nous avons ensuite entériné dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, en élargissant l’accès à la prescription de vaccins aux pharmaciens, maïeuticiens et infirmiers.

Les contextes de crise ont peut-être ce seul avantage d’être des vecteurs de transformation et des catalyseurs de changements, portant en eux les ferments d’une résilience renouvelée, une fois les difficultés surmontées.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 comporte d’ailleurs de nombreuses autres mesures opérationnelles et efficaces pour l’accès aux soins, dont certaines sont d’origine parlementaire et transpartisane.

Je pense à la simplification des aides à l’installation, aux expérimentations relatives à l’établissement de certificats de décès par les infirmiers ou aux consultations avancées en zones sous-denses.

Nous avons récemment lancé une expérimentation qui permet aux sages-femmes de pratiquer des interruptions volontaires de grossesse (IVG) instrumentales, dans certaines conditions et dans un cadre sécurisé. Ce nouvel élargissement de compétences sera généralisé fin 2023, ce qui favorisera l’accès à l’IVG pour toutes les femmes.

Pour amplifier la dynamique amorcée et faire face aux défis actuels et futurs, qui sont immenses, il nous appartient de nous inscrire dans ce mouvement qui fait bouger les lignes et de tracer le chemin d’un système de santé où chaque professionnel trouve sa place.

Ce système de santé, que nous refondons, doit reposer sur une confiance et une collaboration renforcées entre tous les professionnels, et permettre de mieux répondre aux besoins de nos concitoyens et de lutter contre toutes les inégalités d’accès aux soins.

Si la pandémie de la covid-19 est désormais derrière nous, nous faisons face à d’autres défis majeurs, auxquels il faut opposer des actions immédiates adossées à des changements structurels.

Il faut nommer les choses : l’urgence à laquelle nous sommes aujourd’hui confrontés est celle d’une crise de l’accès à la santé.

En matière de santé publique, une bonne politique contribue à faire coïncider le temps de la gestion des crises et les nécessités de plus long terme.

En ce qui concerne les médecins, nous avons corrigé une erreur historique en supprimant le numerus clausus. Il faudra toutefois attendre encore des années avant d’en voir les effets sur le terrain.

Dans le cadre d’un grand pacte autour de la formation, que nous construisons avec les régions, nous avons déjà créé plus de 5 000 places supplémentaires dans les instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi) et plus de 3 000 dans les instituts de formation d’aides-soignants (Ifas).

Par ailleurs, nous comptons déjà près de 200 infirmiers et infirmières en pratique avancée et 4 000 assistants médicaux. Nous en visons 10 000 d’ici à 2024.

Aujourd’hui, notre objectif et notre défi, qui vont au-delà du simple fait de poursuivre le renforcement de nos effectifs, c’est de mobiliser tous les leviers nous permettant de mieux partager les tâches et de gagner du temps médical pour nos soignants, au service des patients.

Les leviers que nous actionnons avec ce texte sont la rénovation des métiers du soin, avec des compétences élargies pour chaque acteur de santé, dans le rôle qui est le sien, ainsi que la rénovation de l’organisation du parcours de soins autour du médecin traitant, pour que chacun, avec ses compétences, soit le plus efficace possible au service du patient.

Tout cela s’inscrit dans une logique partenariale entre les soignants, une logique de confiance entre les pouvoirs publics et les professionnels, une logique de coopération entre la ville et l’hôpital, et dans un esprit de dialogue et de responsabilités partagées.

C’est là aussi un enjeu majeur d’attractivité et de fidélisation, pour les jeunes en particulier, alors que je soulignais l’insuffisance de l’offre de soins par rapport aux besoins croissants de la population.

Vous l’aurez compris, il s’agit de répondre à la double exigence d’améliorer l’accès aux soins des Français et de donner de nouvelles responsabilités et perspectives d’évolution professionnelle aux soignants.

C’est ce à quoi nous nous sommes attelés au travers de cette proposition de loi, qui nous permet d’avancer dans le sens d’un renforcement de la pratique avancée, de l’accès direct, des partages de compétences et des délégations d’actes, qui doivent se déployer dans des organisations territoriales collectives et coordonnées.

Grâce à un débat parlementaire transpartisan de grande qualité, nous avons pu faire de ce texte le vecteur de nombreuses avancées qui n’étaient pas prévues dans le dispositif initial.

Je pense, par exemple, à la possibilité pour les personnes souffrant de diabète de se faire prescrire directement des orthèses plantaires par un pédicure-podologue, à la possibilité pour le pharmacien de renouveler les traitements chroniques lorsque le médecin prescripteur n’est pas disponible, pour une durée maximale de trois mois, à la possibilité pour les infirmiers formés à cet effet de prendre en charge le traitement des plaies chroniques, à l’évolution du métier d’assistant dentaire, en lien avec la demande des chirurgiens-dentistes de libérer du temps médical, ou encore à la reconnaissance des assistants de régulation médicale comme professionnels de santé, ce qui contribue à améliorer l’attractivité d’une profession où les besoins de recrutement sont importants.

Je salue ces élargissements et ces facilités d’accès. Je suis profondément convaincue que le chemin que nous empruntons est le bon.

Je veux aussi saluer, madame la rapporteure, le travail effectué par les sénateurs dans le cadre de la commission des affaires sociales.

J’ai, par ailleurs, été sensible aux questions portant sur les évolutions du statut des infirmiers anesthésistes diplômés d’État (IADE). Les métiers des soins infirmiers sont aussi divers qu’indispensables et j’accorde la plus grande attention aux réformes qui les concernent.

Les professions d’IADE, d’infirmier de bloc opératoire diplômé d’État (Ibode), d’infirmier puériculteur (Ipuer) sont aussi spécifiques que celle, plus récente, d’infirmier en pratique avancée (IPA).

Une définition du cadre d’exercice en pratique avancée, propre à chacune de ces professions, est nécessaire. Ce cadre est appelé à se stabiliser au travers de concertations que nous mènerons et poursuivrons, en associant l’ensemble des parties prenantes concernées.

Dans cette perspective, les auteurs du rapport de l’Igas et de l’IGESR rendu public en janvier, Jean Debeaupuis et Patrice Blemont, proposent de maintenir la notion de spécialité infirmière, notion ancienne et toujours structurante de l’identité de ces professionnels.

La commission des affaires sociales du Sénat a choisi de ne pas retenir les dispositions distinguant infirmiers en pratique avancée spécialisés et praticiens. À la suite des concertations que nous avons conduites avec les représentants professionnels, cette distinction semble effectivement inadaptée au système français. Par conséquent, le Gouvernement soutiendra ce choix.

Les IADE, Ibode ou Ipuer ont tous une page à écrire dans le projet que nous élaborons actuellement autour de la pratique avancée. Les parlementaires souhaitant être associés à ce travail, qui sera suivi d’évolutions principalement réglementaires, sont bien évidemment les bienvenus.

Attentive à l’ensemble de ces sujets, je le suis également particulièrement à l’égard de certaines craintes exprimées par les médecins généralistes.

Je veux encore m’adresser ici autant à vous qu’à eux, dont certains sont aujourd’hui dans la rue, en grève. Je le répète : l’objectif n’est en aucun cas de mettre de côté le médecin généraliste ! Au contraire, nous voulons accroître le niveau de coopération entre les professions de santé, en organisant le système autour du médecin généraliste traitant qui joue un rôle pivot en la matière et dont nous renforçons la place centrale.

Le Président de la République l’a rappelé lors de ses vœux aux soignants : « nos médecins généralistes sont, pour les Français, le visage le plus familier de notre système de santé ».

La médecine de ville est la colonne vertébrale de notre système de santé. Les généralistes reçoivent en moyenne 1 million de patients par jour. Ce chiffre est important et doit rester un motif de fierté pour la profession. Cependant, cela ne change rien au fait que 6 millions de Français n’ont actuellement pas de médecin traitant.

Cette situation ne peut être acceptée sans rien changer. C’est pour cela qu’il est indispensable de trouver les voies afin de toujours mieux concilier le principe de liberté, qui structure la médecine libérale et qui ne saurait être remis en cause, avec la nécessité d’un engagement territorial d’un plus grand nombre de professionnels de santé.

Nous souhaitons qu’une part structurante de la rémunération repose sur ces objectifs de santé publique, à l’échelle d’un territoire.

Je suis profondément convaincue que le médecin traitant assure un rôle central dans la réponse locale aux besoins de santé. Nous devons mieux reconnaître et mieux valoriser ce rôle, lorsqu’un médecin s’engage à la fois envers ses patients et en faveur de la coopération à l’échelle de son territoire.

Pour susciter et ancrer cet engagement, la solution, n’est pas la contrainte, mais encore une fois le développement accéléré des coopérations et de l’exercice coordonné. Ainsi, il nous faut encourager le plus grand nombre de médecins à s’engager envers leurs patients et leur territoire, par une démarche collective au service de la santé des Français. Certains le font déjà et doivent, à ce titre, bénéficier d’une valorisation financière supérieure.

Ce mécanisme d’engagement territorial, que nous voulons inscrire dans la loi, aura des traductions très concrètes. Il s’agit, par exemple, d’accepter de prendre en charge des patients qui ne trouvent pas de médecin traitant, d’assurer des soins non programmés, de limiter le reste à charge des patients ou encore de proposer des parcours de prise en charge pluriprofessionnels par l’exercice coordonné.

Oui, nous souhaitons accorder davantage de moyens à nos médecins généralistes, mais encore faut-il, pour être efficaces, qu’ils soient au bon endroit.

J’entends les craintes et je veux rassurer ceux qui les expriment, mais je souhaite aussi profiter de cette tribune pour appeler chacun à faire preuve de sang-froid et pour réfuter certaines affirmations relevant de l’instrumentalisation politique.

Je l’ai détaillé : les mesures d’accès direct ne sont en aucun cas généralisées. J’ai pu entendre que les IPA constitueraient une « menace » pour les médecins. De nouveau, je m’inscris en faux !

Dans le cadre d’un exercice coordonné pour le bien des patients, la montée en charge des infirmiers en pratique avancée, le déploiement d’assistants médicaux et bucco-dentaires comme l’accès facilité aux kinésithérapeutes et aux orthophonistes, ce sont autant de professionnels directement mis au service des patients que d’heures gagnées pour nos médecins, qui ont tout à y gagner.

Mesdames, messieurs les sénateurs, pour réussir à convaincre sans contraindre et à transformer sans abîmer, nous devons collectivement adopter une vision systémique de la réponse aux besoins de santé, au sein de laquelle chaque professionnel et chaque structure, à sa juste place, sera le plus efficace et le plus utile.

Nous débattons aujourd’hui pour progresser dans cette voie et structurer ensemble les déterminants de l’exercice professionnel médical de demain. Je sais pouvoir compter sur l’engagement et la compétence des sénateurs dans ce travail collectif, encore une fois, et toujours, au service de la santé de tous nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lors de l’examen du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, la commission des affaires sociales appelait de ses vœux une loi Santé pour examiner les dispositions touchant aux compétences et aux conditions d’exercice des professionnels de santé. Les délais contraints attachés à l’examen d’un texte financier ne nous semblaient pas permettre le débat serein que ce type de mesures nécessite.

Il faut croire, madame la ministre, que nous nous sommes mal compris. Le Gouvernement a choisi de profiter d’un texte, déjà hautement sensible, en discussion à l’Assemblée nationale, pour insérer diverses dispositions, sans étude d’impact et – il faut le dire – sans cohérence d’ensemble ni vision de long terme. Puis, il a opté pour une inscription sans délai à l’ordre du jour du Sénat, laissant moins de deux semaines à notre commission pour examiner ce texte.

Il ne s’agit pas seulement d’un reproche fréquent et mérité sur le respect du travail parlementaire. J’insiste sur la méthode employée, car cet examen précipité a un effet délétère sur les professions de santé et ruine l’ambition affichée dans l’intitulé du texte.

Loin de favoriser la confiance parmi les professionnels de santé, le texte a opposé les professions entre elles ces dernières semaines. Très attendu des paramédicaux dont il valorise les compétences, il a suscité, à l’inverse, l’incompréhension et l’inquiétude de nombreux médecins, qui jugent que certaines de ses dispositions désorganisent le parcours de soins et présentent un risque et de dégradation de la qualité des prises en charge et, in fine, de perte de chances pour les patients.

Or l’examen intervient concomitamment aux négociations de la prochaine convention médicale et contribue largement à en détériorer le climat. Il eût été difficile de choisir moment plus inopportun pour discuter de ce texte !

Un mot enfin de la seconde ambition de la proposition de loi : l’amélioration de l’accès aux soins. Je crois, mes chers collègues, qu’il ne faut pas se bercer de chimères : ce texte oppose des réponses parcellaires à un problème structurel et ne permettra pas de résoudre les graves difficultés auxquelles certains de nos territoires sont confrontés. La démographie des médecins ne s’améliorera pas de sitôt, les professionnels de santé mettront plusieurs années avant de s’approprier de telles innovations et les patients pourront se sentir désorientés.

Malgré ces vents contraires, la commission a examiné ce texte en retenant une approche équilibrée, consistant à adopter les mesures les mieux à même de fluidifier le parcours du patient et de valoriser les compétences des professionnels de santé. Elle a amendé la proposition de loi lorsque cela paraissait nécessaire, pour garantir la sécurité des soins comme pour conserver le rôle central du médecin dans la coordination et le suivi des patients.

Le premier volet de ce texte, sans doute le plus conflictuel, concerne l’accès direct à trois professions paramédicales – infirmiers en pratique avancée, masseurs-kinésithérapeutes et orthophonistes – exerçant actuellement sur prescription médicale préalable.

L’article 1er vise à revaloriser la profession d’infirmier en pratique avancée en améliorant les conditions dans lesquelles celle-ci peut prendre en charge des patients. Pour cela, il prévoit d’autoriser les IPA à prescrire des prestations et des produits de santé à prescription médicale obligatoire. Il permet surtout l’accès direct aux infirmiers en pratique avancée, dès lors que ceux-ci exercent à l’hôpital, en établissement médico-social ou en ville au sein d’une structure d’exercice coordonné. Cette autorisation est assortie de conditions permettant d’assurer l’information du médecin traitant.

Les infirmiers en pratique avancée bénéficient d’une formation de deux ans supplémentaires et de compétences élargies dans l’un des cinq domaines d’intervention actuellement reconnus. Ils apportent, à l’hôpital comme en ambulatoire, un appui précieux aux équipes de soins.

Autorisée en 2018, la pratique avancée n’a connu jusque-là qu’un développement limité : la France ne comptait l’été dernier qu’environ 1 700 IPA, dont moins de 200 d’entre eux exerçaient en libéral. Le nombre insuffisant de patients qui leur sont confiés par les médecins constitue l’un des principaux obstacles à leur déploiement.

Compte tenu de ces effectifs et contrairement à l’ambition affichée de ce texte, les difficultés d’accès aux soins dans nos territoires ne seront donc pas résolues, à court terme, par ces dispositions. Celles-ci contribueront toutefois à renforcer l’attractivité et la reconnaissance de la pratique avancée. C’est pourquoi la commission les a adoptées, tout en veillant à ce que l’accès direct s’exerce en étroite coordination avec les autres professionnels de santé en le réservant, en ville, aux structures les plus intégrées qui partagent une patientèle commune.

L’article 1er visait également à restructurer la profession en créant deux catégories d’infirmiers en pratique avancée, spécialisés et praticiens. Ces dispositions n’étant pas adaptées au modèle français de pratique avancée infirmière et les organisations d’IPA elles-mêmes y étant opposées, la commission a choisi de les supprimer.

Les articles 2 et 3 visent à permettre également aux masseurs-kinésithérapeutes et aux orthophonistes d’exercer sans prescription médicale préalable, dans les mêmes conditions que les infirmiers en pratique avancée. De nouveau, la commission a adopté ces dispositions susceptibles de simplifier le parcours de soins, tout en veillant à mieux encadrer l’accès direct pour le réserver aux structures les mieux intégrées et assurer la sécurité des soins.

Un deuxième volet de la proposition de loi vise à étendre les compétences des professionnels de santé.

Ainsi, l’article 1er bis autorise les infirmiers à prendre en charge la prévention et le traitement de plaies, y compris par la prescription d’examens complémentaires et de produits de santé définis.

L’article 2 bis autorise les masseurs-kinésithérapeutes à prescrire une activité physique adaptée. La commission a adopté ces dispositions en précisant toutefois que la Haute Autorité de santé devrait se prononcer sur leurs conditions de mise en œuvre.

L’article 4 a pour objet de confier de nouvelles compétences à des assistants dentaires dits de niveau II. Leurs missions, actuellement circonscrites à la simple assistance du praticien, seraient étendues à une contribution active aux actes d’imagerie à visée diagnostique, aux actes prophylactiques, aux actes orthodontiques et à des soins post-chirurgicaux. La commission a complété le dispositif en conditionnant l’exercice de ces nouvelles activités à la validation, par l’assistant dentaire, d’une formation spécifique.

L’article 4 bis tend à encadrer le nombre d’assistants dentaires de niveau II en le limitant au nombre de chirurgiens-dentistes. Là encore, la commission a adopté l’article en précisant le dispositif prévu afin de prévenir les risques de contournement de la règle. Ce ratio s’appliquera ainsi sur un même site d’exercice de l’art dentaire et au regard du nombre de chirurgiens-dentistes effectivement présents.

D’autres articles élargissent les compétences reconnues à certains professionnels de santé, sans profondes modifications.

La commission a adopté l’article 4 septies ayant trait à l’élargissement des compétences des pédicures-podologues, afin de fluidifier le parcours de soins des patients et d’éviter les retards de prise en charge du risque podologique pour les patients diabétiques.

Elle a également adopté l’article 4 octies, qui tend à élargir, sous certaines conditions, la compétence reconnue aux opticiens-lunetiers d’adapter la prescription de verres correcteurs ou de lentilles de contact.

La commission a, en outre, soutenu l’article 4 nonies qui permet aux professionnels de l’appareillage d’adapter et de renouveler des prescriptions d’orthèses plantaires.

Enfin, l’article 4 terdecies vise à autoriser, à titre expérimental, les pharmaciens biologistes à pratiquer des prélèvements cervico-vaginaux pour le dépistage du cancer du col de l’utérus. Nous avons soutenu cet article en commission. Je regrette simplement que le Gouvernement ne pérennise pas cette reconnaissance législative d’une compétence que les pharmaciens biologistes détiennent et qui permettrait de renforcer les efforts en matière de prévention de ce cancer.

Une troisième partie de la proposition de loi concerne l’organisation du parcours de soins.

L’article 4 ter vise à permettre aux sages-femmes, aux chirurgiens-dentistes et aux infirmiers de concourir à la permanence des soins ambulatoires. Si ces dispositions sont souhaitables pour améliorer l’accès aux soins non programmés pendant les heures de fermeture des cabinets, la commission a toutefois souhaité supprimer la notion de responsabilité collective, imprécise juridiquement, qui inquiétait les professionnels impliqués.

Elle a également supprimé l’article 4 quater, qui tendait à valoriser l’engagement territorial des médecins. La commission a jugé ces dispositions inutiles, car les partenaires conventionnels sont déjà en mesure de rémunérer l’implication du médecin dans l’amélioration de l’accès aux soins. En outre, elles interféraient avec les négociations en cours, qui d’ores et déjà prévoient la mise en place d’un tel contrat.

En revanche, et pour rendre du temps médical utile aux médecins, la commission a adopté un nouvel article 3 bis visant à lutter contre les rendez-vous médicaux non honorés. Selon les termes de cet article, le soin de déterminer une indemnisation du médecin auquel un patient fait faux bond sans raison légitime est confié à la convention médicale. Cette indemnisation serait à la charge du patient concerné afin de responsabiliser les assurés sociaux.

Enfin, deux articles ont trait au statut de certaines professions et à leurs conditions d’exercice.

L’article 4 sexies tend à modifier les conditions de qualification autorisant l’exercice des professions de préparateur en pharmacie et pharmacie hospitalière, afin de permettre aux étudiants du diplôme d’études universitaires scientifiques et techniques, récemment créé, d’exercer leur profession, une fois diplômés. La commission a soutenu cet article, de même que l’article 4 decies, qui vise à reconnaître les assistants de régulation médicale comme professionnels de santé. Ce nouveau statut contribuerait à améliorer l’attractivité d’une profession concentrant d’importants besoins de recrutement.

Vous le voyez, mes chers collègues, la commission s’est efforcée d’aborder le texte de manière pragmatique. Elle a retenu les mesures apportant des améliorations attendues sur le terrain par les professionnels, mais a prévenu, grâce à un meilleur encadrement de certaines dispositions, toute désorganisation du système de santé. La commission vous invite à adopter le texte dans la rédaction issue de ses travaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Jean-Noël Guérini applaudit également.)