Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat auprès du ministre des armées et du ministre de léducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Madame la sénatrice, j’irai droit au but : le nombre d’élèves du lycée Fernand-Darchicourt est passé de 1 751 en 2020 à 1 659 cette année, soit une baisse de 5 % de ses effectifs en deux ans. Sur la même période, le nombre de lycéens a augmenté de 0,8 % à l’échelon national. Les ajustements de la dotation horaire globale de ce lycée s’inscrivent dans ce contexte.

Ce lycée, vous l’avez dit, madame la sénatrice, par la force de la mobilisation de son équipe pédagogique, offre une palette très large de formations. Je pense à la section européenne, à la section binationale, aux différents BTS, à la spécialité « numérique et sciences informatiques ».

Le nombre d’heures par élève, taux qui mesure l’offre d’enseignement, s’élève à 1,26, contre 1,18 à l’échelon national. Il est donc plus favorable.

Madame la sénatrice, ce lycée est déjà plutôt bien accompagné, comme le montrent ces deux indicateurs.

Ainsi que je l’ai dit précédemment à l’occasion d’une autre question, il ne faut pas avoir une approche mathématique de l’éducation nationale, mais il faut regarder les spécificités et les besoins du territoire.

Les services académiques, qui suivent avec attention la situation de ce lycée, prendront, si besoin est et j’en prends l’engagement, les mesures d’ajustement nécessaires à partir de la rentrée 2023. De telles mesures sont habituellement discutées à la fin de l’année scolaire, au cours des mois de juin ou de juillet – vous connaissez très bien la procédure, madame la sénatrice. Plus généralement, le taux d’encadrement dans l’académie de Lille est l’un des plus favorables à l’échelle nationale.

Aussi, il y a deux manières de voir les choses : soit l’on tire tout le monde vers le haut, soit l’on tire tout le monde vers le bas. Je suis plutôt de ceux qui veulent tirer tout le monde vers le haut !

Au lieu de comparer, préservons les plus beaux projets menés dans nos territoires et accompagnons-les avec beaucoup d’intelligence. Regardons comment sécuriser ces jolis climats scolaires, dont bénéficie notamment cet établissement – j’ai regardé le dossier dans le détail. Faisons en sorte de trouver, avec les services académiques, les réponses nécessaires.

revalorisation de la dotation de l’association transition pro de mayotte

Mme le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, auteur de la question n° 321, transmise à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel.

M. Thani Mohamed Soilihi. Madame la secrétaire d’État, je souhaite appeler votre attention sur la situation très critique que rencontre l’association Transition Pro de Mayotte.

La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a créé les commissions paritaires interprofessionnelles régionales (CPIR), dénommées associations Transition Pro, qui se sont substituées aux fonds de gestion des congés individuels de formation (Fongecif) en 2020.

Cet outil, qui permet la reconversion professionnelle des salariés du privé, est très récent à Mayotte, où ne sont appliqués ni le congé individuel de formation (CIF) ni le Fongecif.

La quote-part de la dotation du projet de transition professionnelle (PTP) allouée aux associations Transition Pro est calculée à partir de la masse salariale de chaque territoire. Or, à Mayotte, ces données ne sont ni stabilisées ni fiables. Aussi, la dotation actuelle ne permet pas à l’association Transition Pro de répondre pleinement aux besoins d’un public croissant et la contraint en outre à sous-traiter une partie de ses dossiers à La Réunion.

Cette sous-dotation met en péril l’existence même de la structure, puisque, faute de moyens, l’association devra cesser toute activité au mois de mars 2023, c’est-à-dire dans moins d’un mois !

Madame la secrétaire d’État, dans un contexte insulaire fortement marqué par des retards structurels de développement, notamment en matière d’emploi, de formation et de professionnalisation de la population active, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour sauvegarder l’existence de l’association Transition Pro de Mayotte ?

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat auprès du ministre des armées et du ministre de léducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Monsieur le sénateur, j’irai droit au but. Je peux vous assurer que le Gouvernement sera à vos côtés – son engagement est sans faille – pour garantir le droit d’accès au dispositif de transition professionnelle à tous les salariés et dans l’ensemble du territoire mahorais, ce qui permettra, bien sûr, le développement de l’île.

Monsieur le sénateur, en plus de vous garantir notre mobilisation, je vous livrerai quelques éléments, qui m’ont été transmis par le ministre du travail, compte tenu de la nature de la question. Vos préoccupations à l’égard de l’association Transition Pro de Mayotte ont déjà été identifiées par les services du ministère, qui y ont donné suite.

Ainsi que vous l’avez rappelé, le système actuel de définition des frais de gestion des transitions professionnelles rend difficile le bon fonctionnement de cette structure. Toutefois, les multiples alertes et sollicitations que vous avez pu nous adresser nous ont conduits à établir des évolutions nécessaires pour vous accompagner, monsieur le sénateur.

D’abord, la dotation votée par France Compétences et versée aux associations Transition Pro pour financer les projets est répartie entre elles au prorata de la masse salariée de leur région. Ensuite, des frais de gestion, exprimés en pourcentage de la dotation, sont négociés entre Transition Pro et les services déconcentrés.

Il se trouve que ce mode de calcul ne permet pas à l’association Transition Pro de Mayotte de bénéficier des frais de gestion suffisants pour assurer le paiement de locaux, de charges courantes et de deux effectifs qui permettraient a priori d’assurer ses missions.

Dans ce contexte, une convention de partenariat signée entre l’association Transition Pro de Mayotte et celle de La Réunion qui permet d’instruire les derniers dossiers des demandeurs, a pris fin au 31 décembre 2022. Son renouvellement, qui a été demandé par la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), est en cours d’instruction.

Quant à la situation financière de l’association Transition Pro de Mayotte, une solution sera mise en œuvre pour remédier aux difficultés immédiates. Il faut toutefois penser à l’après. À cette fin, la ministre déléguée Carole Grandjean se penchera spécifiquement sur ce dossier et travaillera avec les services départementaux pour trouver une solution de long terme.

Mme le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour la réplique.

M. Thani Mohamed Soilihi. Je vous remercie de vos engagements, madame la secrétaire d’État.

Notre île rencontre des difficultés, vous le savez, mais nous nous battons, tout comme les administrateurs de Transition Pro, à qui je ferai part de cette bonne nouvelle.

travailleurs saisonniers

Mme le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, auteur de la question n° 428, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel.

M. Cyril Pellevat. Ma question s’adressait au ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, que j’assure de mon plein et entier soutien, lui qui est confronté à des agissements qui n’honorent pas les politiques.

Ma question a pour objet l’opportunité d’instaurer un statut spécifique pour les travailleurs saisonniers, qui sont essentiels aux activités touristiques et participent à l’excellence de la France dans ce domaine. Ils ont pour spécificité d’être pluriactifs et d’exercer plusieurs métiers de manière intermittente.

Ainsi, au cours d’une année, un saisonnier typique disposera de deux contrats d’une durée moyenne de quatre mois, dont les amplitudes horaires sont importantes, et qui souvent l’exposeront à des facteurs de pénibilité.

Ces contrats sont habituellement séparés par des périodes d’inactivité d’environ deux mois pendant l’intersaison, parce qu’il est nécessaire de se reposer, mais également faute de trouver un emploi durant ces périodes de baisse d’activité. Si leurs employeurs font des efforts pour favoriser les CDI, l’essence même du tourisme fait que la signature de tels contrats reste rare.

Cette situation entraîne alors des effets de bord, qui ont des répercussions sur les saisonniers, notamment en matière de recherche de logement ou de droits au chômage. En effet, la réforme de l’assurance chômage requiert désormais de cotiser durant six mois, contre quatre par le passé. Alors qu’auparavant seules les périodes travaillées durant les six derniers mois étaient comptabilisées, les périodes d’inactivité sont maintenant prises en compte pour établir une moyenne sur dix mois. Les droits sont en outre ouverts sur dix mois, contre six avant la réforme.

Si l’objectif était de lutter contre les personnes profitant du système, qui cherchaient à travailler le moins possible, ces nouvelles règles font que nombre de saisonniers, qui sont simplement contraints par la saisonnalité de leurs activités, n’ont plus accès à l’assurance chômage ou, tout du moins, reçoivent une allocation dont le montant est réduit.

La réforme des retraites, elle aussi, pourrait les pénaliser. En effet, s’il est prévu d’instaurer une retraite minimale de 1 200 euros, cette mesure ne vaut que pour les carrières complètes. Or les saisonniers n’en ont que rarement, du fait des périodes d’inactivité entre leurs contrats. Ils devront donc travailler jusqu’à plus de 67 ans, alors même qu’ils exercent la plupart du temps des métiers physiques.

De surcroît, s’il pouvait être attendu un départ anticipé en raison de la pénibilité de certains métiers saisonniers, il semble que tel ne sera pas le cas, puisque les seuils définis par le texte ne seront probablement pas atteints du fait de la permittence de leurs activités.

Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement envisage-t-il d’adapter ces deux réformes pour mieux prendre en compte les spécificités des contrats saisonniers ?

Mme le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Cyril Pellevat. Faute d’adaptation, une désertification de ces métiers est à craindre, ce qui entraînerait une dégradation de la qualité du tourisme français. Il est pourtant l’un des plus performants au monde !

Plus largement, je m’interroge sur l’opportunité de créer un statut spécifique aux métiers saisonniers qui pourrait s’inspirer de celui des intermittents du spectacle. Quelle est la position du Gouvernement à ce sujet ?

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat auprès du ministre des armées et du ministre de léducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Monsieur le sénateur, il y a un point commun entre les départements de Haute-Savoie et de Loire-Atlantique, c’est l’attractivité touristique, en raison de la montagne pour le premier, du littoral pour le second. La question des emplois saisonniers se pose dans ces territoires, mais également pour nos agriculteurs, et ce pour plusieurs raisons.

Monsieur le sénateur, pour être très explicite et vous apporter la réponse du ministre du travail, la réforme de l’assurance chômage n’a eu qu’un effet marginal sur les emplois saisonniers. La réforme du calcul de l’allocation n’a commencé à s’appliquer qu’à partir du 1er octobre 2021. Le passage de quatre à six mois, que vous avez évoqué, ne peut pas avoir touché les saisonniers de carrière qui, généralement, travaillent plus de six mois pendant l’année.

Cependant, le dispositif du bonus-malus a eu de premiers effets positifs sur les secteurs qui y sont assujettis depuis le 1er septembre 2022. La durée des contrats d’intérim a notamment augmenté considérablement.

Le Gouvernement s’inscrit tout à fait dans la démarche de soutien de la filière saisonnière que vous appelez de vos vœux, monsieur le sénateur. Plusieurs mesures de soutien au secteur du tourisme ont déjà été mises en place. Je pense en particulier aux échanges au sein du plan Destination France, que vous connaissez, et aux nouveaux guichets d’accueil et d’orientation des saisonniers qui ont été installés dans les zones les plus touristiques. Ce plan doit se poursuivre pour couvrir l’ensemble des bassins touristiques.

Depuis le mois d’octobre 2022, Pôle emploi a également mis en place dans ses agences un certain nombre de viviers de demandeurs d’emploi motivés, qui sont dotés des compétences transversales, pour accompagner les métiers du secteur HCR (hôtels, cafés, restaurants). Par ailleurs, le service public de l’emploi et les opérateurs de compétences (Opco) ont commencé à nouer un certain nombre de partenariats.

Je ne sais pas si l’époque est aux régimes spécifiques. Ce dont je suis sûr, en revanche, c’est qu’actuellement les métiers saisonniers, qu’ils soient agricoles ou touristiques, subissent des contraintes supplémentaires, ce qui appelle un accompagnement particulier en matière de logement – à cause du montant du loyer, puisque parfois, un mois de salaire y passe, ou encore de la pénurie.

Pour ces raisons, nous devons traiter cette question de façon systémique. Je suis sûre que le ministre du travail sera à vos côtés pour travailler plus en profondeur sur ce sujet.

Mme le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quatorze heures trente.)

PRÉSIDENCE DE M. Pierre Laurent

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

4

Mises au point au sujet de votes

M. le président. La parole est à M. Damien Regnard.

M. Damien Regnard. Lors du scrutin public n° 125 sur l’ensemble du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, j’ai été considéré comme votant pour, alors que je souhaitais voter contre.

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno.

M. Olivier Henno. Lors du scrutin public n° 122 sur l’article 1er de la proposition de loi visant à réhabiliter les militaires « fusillés pour l’exemple » durant la Première Guerre mondiale, M. Jean Hingray a voté contre, mais il souhaitait voter pour.

M. le président. Acte est donné de ces mises au point, mes chers collègues. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique des scrutins concernés.

5

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'encadrement des centres de santé
Discussion générale (suite)

Encadrement des centres de santé

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à améliorer l’encadrement des centres de santé (proposition n° 162, texte de la commission n° 324, rapport n° 323).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'encadrement des centres de santé
Article additionnel avant l'article 1er - Amendement n° 12

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, on compte aujourd’hui près de mille centres dentaires sur le territoire français ; leur nombre a progressé de 60 % en l’espace de cinq ans. La tendance est similaire pour les centres de soins ophtalmologiques : la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) en a recensé cent cinquante-sept en 2020, contre quatre-vingt-huit en 2015.

Le développement rapide et soutenu des centres de santé à travers notre pays nous impose une double exigence.

En premier lieu – comme je suis une optimiste, je regarde les opportunités à saisir –, nous devons soutenir ce modèle d’exercice collectif de la médecine, qui est de nature à améliorer l’accès aux soins de nombre de nos concitoyens. En second lieu – je fais preuve de réalisme –, il nous faut lutter avec intransigeance contre les dérives.

Il est de notre responsabilité, Gouvernement et Législateur, d’établir le cadre légal permettant un développement éthique et encadré des centres de santé, au service de la santé des Français. Voilà pourquoi nous sommes réunis aujourd’hui.

Je tiens à saluer Mme la députée Fadila Khattabi, présidente de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, qui est à l’origine de cette proposition de loi. Je salue également le travail de M. le rapporteur Jean Sol et les membres de la commission des affaires sociales du Sénat.

Du fait de leur important écho médiatique et de l’émoi légitime qu’ils ont suscité dans la société, les scandales impliquant les centres de santé Dentexia et Proxidentaire nous ont tous marqués. Il y a eu des manquements évidents et répétés à la qualité et à la sécurité des soins. Il y a eu aussi, certes plus rarement, des faits assez graves pour conduire à des chefs d’accusation de violences volontaires et de mutilations volontaires, qui ont entraîné des infirmités permanentes chez les victimes.

Je pense également au fléau de la fraude, des surfacturations, des surtraitements et des multifacturations. Encore récemment, le 23 janvier dernier, deux centres de santé dentaire et ophtalmologique dans les Yvelines et en Seine-Saint-Denis ont été déconventionnés par la sécurité sociale. Le préjudice pour l’assurance maladie s’élève à 1,5 million d’euros. C’est un coût important pour nos finances sociales, mais c’est surtout un nouveau coup pour les usagers, qui sont aussi les victimes de ces pratiques tarifaires frauduleuses.

Ce que je vous décris, mesdames, messieurs les sénateurs, est d’autant plus choquant que ces centres de santé ont généralement abusé de la confiance de patients précaires, qui voyaient dans ces structures une solution à leurs difficultés d’accès aux soins. Je pense ainsi au témoignage d’un retraité qui, n’ayant pas eu les moyens de payer les 3 400 euros qu’un centre dentaire lui réclamait pour remplacer ses six dents arrachées sans nécessité, a perdu la capacité de s’alimenter normalement et s’est dit atteint en partie dans sa dignité : « On m’a volé une partie de moi ! » Ses mots nous obligent.

Confronté à l’ampleur d’une telle situation, le Gouvernement a rapidement réagi. L’ordonnance du 12 janvier 2018 a permis, sans attendre, la mise en œuvre de premières avancées concrètes pour contrôler davantage les conditions d’ouverture et de fonctionnement de ces centres.

Nous avons également consolidé l’arsenal de notre système de santé en matière de lutte contre la fraude sociale, ce qui nous permet, notamment en cas d’infraction grave, de déconventionner beaucoup plus rapidement ces centres. Pour ancrer et renforcer cet encadrement nécessaire, des mesures ont été étudiées dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 – je pense notamment à la création d’amendes administratives.

C’est l’union des différentes forces de contrôle qui nous permettra d’être efficaces. Ainsi, au mois de novembre dernier, dix centres de santé dentaires dans dix régions ont fait l’objet d’une mission d’inspection-contrôle des agences régionales de santé (ARS) conjointement avec les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), les services d’inspection du travail et les services fiscaux. Cette mission d’inspection-contrôle a également bénéficié du soutien de la mission interministérielle de coordination anti-fraude (Micaf).

Cette proposition de loi nous donne aujourd’hui l’occasion de concrétiser ces mesures, afin de toujours mieux sécuriser les prises en charge et d’assurer la qualité des soins à tous nos concitoyens.

Mesdames, messieurs les sénateurs, François Braun et moi-même avons pour objectif premier de lutter contre les inégalités d’accès à la santé ; c’est une préoccupation majeure qui se trouve au cœur de notre action. Je le dis, ici, devant vous, car, je le sais, cet objectif est partagé sur les travées de cet hémicycle et c’est de cela qu’il est question aujourd’hui. En effet, dans un contexte de tensions sur l’offre de soins, les difficultés d’accès à la santé touchent l’ensemble du pays et ont avant tout des effets sur les plus fragiles.

Pour nombre de nos concitoyens, les centres de santé, qu’ils soient urbains, ruraux ou situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, sont reconnus comme des lieux qui leur permettent d’accéder facilement et rapidement à des soins. Près de deux mille quatre cents structures rassemblent trente-huit mille professionnels à travers le pays ; leur présence au cœur des territoires répond à l’objectif de responsabilité populationnelle qui nous est cher.

Ce sont également des structures collectives qui répondent à l’aspiration des professionnels, en particulier des jeunes, et permettent de rompre avec l’exercice isolé. Le Gouvernement les soutient et les encourage pleinement.

Si les dérives sont graves et toujours inacceptables – j’ai pu les décrire –, elles sont fort heureusement minoritaires et je ne veux pas jeter l’opprobre sur ce modèle. La multiplication des centres dentaires et ophtalmologiques permet avant tout de mieux répondre aux besoins de nos concitoyens, au plus près de leurs besoins.

Aussi, je considère que lutter avec fermeté contre les dérives et créer un cadre législatif adapté est le meilleur moyen de soutenir le développement de ces structures d’accès à la santé. En effet, réguler, c’est redonner confiance aux Français dans les centres de santé ; encadrer, c’est assurer des opérateurs fiables pour garantir la qualité des soins.

Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est parce que nous cherchons à atteindre cet objectif que sont prévues, dans la proposition de loi que vous examinez aujourd’hui, des dispositions légitimes et équilibrées.

La logique d’agrément, sur laquelle nous avançons, permet de renforcer la démarche de projet de santé, autour de laquelle doivent être construits les centres de santé dentaires et ophtalmologiques. L’agrément, envisagé à l’échelon régional, permet également d’inscrire les structures dans un projet territorial plus large, défini localement par les agences régionales de santé.

La qualité des soins sera garantie, grâce à la transmission, puis à la vérification des diplômes et des contrats de travail des chirurgiens-dentistes, assistants dentaires, ophtalmologistes et orthoptistes, dans le dossier de demande d’agrément, comme à chaque nouvelle embauche.

Nous ne transigerons pas avec la sincérité de la gestion financière, en actant l’obligation de certification des comptes par un commissaire et leur transmission aux ARS.

Nous nous donnerons les moyens de procéder plus largement à des contrôles et à des vérifications, notamment durant la première année, puisque l’agrément délivré ne deviendra définitif qu’à l’issue d’une période de douze mois.

Les sanctions seront parallèlement renforcées, au moyen d’amendes dont le montant pourrait s’élever jusqu’à 500 000 euros et qui viendraient en complément d’éventuelles sanctions pénales pour les cas les plus graves. Sur proposition de son rapporteur, la commission des affaires sociales du Sénat a d’ailleurs souhaité durcir le dispositif issu des travaux de l’Assemblée nationale afin de le rendre plus dissuasif ; nous y souscrivons pleinement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, réguler, encadrer, légiférer, c’est créer les conditions du développement de centres de santé de qualité pour nos concitoyens. Le Gouvernement soutient ainsi pleinement les mesures de cette proposition de loi : ses dispositions, nécessaires, répondent à de telles exigences et nous permettront d’assurer un développement éthique des centres de santé, au service d’un accès à des soins adaptés et de qualité pour chacun de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean Sol, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en 2015, trois ans seulement après leur ouverture, les centres de santé Dentexia fermaient, après avoir mutilé et escroqué de nombreux patients.

Au mois de septembre 2020, les centres Dental Access fermaient à leur tour. Créés en 2015 dans les Alpes-Maritimes, ils avaient fait l’objet de nombreux signalements et de plusieurs inspections de l’agence régionale de santé à partir de 2016. Au mois de mars 2018, une patiente de 75 ans était même décédée pendant une intervention.

En 2021 a éclaté le scandale Proxidentaire, du nom de cette chaîne bourguignonne de centres exploitant les mêmes recettes, qui ont entraîné les mêmes résultats : des patients attirés par la promesse de soins à bas coûts, des soignants sommés de faire du chiffre, des soins superflus facturés en quantité excessive, des victimes parfois édentées à vie.

À chaque fois, c’est la même indifférence à la raison d’être de ces structures de la part de ce qu’il faut bien appeler des aigrefins. Les profils des gérants mis en cause dans ces scandales étaient en effet aussi éloignés qu’il est possible du monde sanitaire.

Les autres activités des centres de santé demeurent soumises au seul engagement de conformité, dont le récépissé vaut autorisation de dispenser des soins.

La demande d’agrément est examinée sur le fondement d’un dossier comprenant nécessairement les déclarations d’intérêts des membres de l’instance dirigeante et, le cas échéant, les contrats liant l’organisme gestionnaire à des sociétés tierces. L’agrément pourra être refusé en cas d’insuffisance du dossier ou de manquements aux exigences du projet régional de santé.

Un agrément provisoire, délivré pour une durée d’un an, pourra être remis en cause à la suite d’une éventuelle visite de conformité organisée par l’ARS.

Enfin, comme souhaité par la rapporteure de l’Assemblée nationale, l’agrément est délivré définitivement et maintenu sous réserve d’une transmission sans délai aux ARS et aux ordres concernés des contrats de travail et des diplômes des professionnels.

La commission a clarifié la formulation de cet article. Elle a notamment précisé les dispositions relatives au retrait de l’agrément, qu’il soit provisoire ou définitif, particulièrement en cas de manquement aux règles applicables aux centres de santé ou relatives à la qualité et à la sécurité des soins.

La commission a également souhaité renforcer les moyens d’information des ARS postérieurement à l’envoi de la demande d’agrément sur les liens d’intérêts comme sur les contrats liant l’organisme gestionnaire.

L’article 1er quater prévoit un mécanisme transitoire de « gestion du stock » encadrant l’application du nouveau régime d’autorisation aux centres de santé existants. La commission a clarifié le dispositif transitoire, car il est indispensable que ces derniers soient également contrôlés. Elle a en outre aménagé le délai prévu afin de mieux prendre en compte la charge de certaines ARS.

L’article 1er bis prévoit l’exclusion du dirigeant d’un centre de santé de toute fonction dirigeante au sein de la structure gestionnaire si celui-ci a des liens d’intérêts avec une entreprise délivrant des prestations à la structure. Il s’agit de prévenir certains montages complexes identifiés par l’inspection générale des affaires sociales (Igas).

L’article 1er ter introduit une obligation d’information des ARS, des caisses primaires d’assurance maladie ainsi que des ordres professionnels en cas de fermeture d’un centre de santé. Cet article vise lui aussi à prévenir la survenue de certaines dérives, notamment l’utilisation frauduleuse de cartes de professionnels de santé (CPS) ou la facturation postérieure à la fermeture d’un centre.

La commission a approuvé ces deux articles sous réserve des clarifications nécessaires.

À ce premier bloc d’articles relatifs à l’autorisation des activités des centres de santé et à la prévention de certaines dérives, la commission a ajouté deux articles additionnels.

L’article 1er bis A prévoit que la continuité de la prise en charge des patients d’un centre de santé soit assurée après son éventuelle fermeture. Ces dispositions apportent une réponse aux difficultés rencontrées par des patients mutilés, dont les soins ne peuvent être repris par d’autres praticiens, faute de dossiers médicaux suffisamment documentés.

Par ailleurs, l’article 1er quinquies renforce l’interdiction de publicité des centres de santé.

L’article 2 oblige les centres à se doter d’un comité dentaire ou ophtalmologique dès lors qu’ils exercent l’une de ces activités. Ces comités, qui seront chargés de contribuer à la politique d’amélioration de la qualité des soins et à la formation continue des salariés, seront un utile contrepoids au pouvoir du gestionnaire. Ils seront composés des seuls médecins du centre, mais pourront convier à leurs réunions des représentants des usagers.

L’article 2 prévoit également de faciliter l’identification par les patients des professionnels qui les prennent en charge. Les amendements adoptés par la commission à cet article visent à clarifier la rédaction et à renvoyer le détail au décret.

L’article 2 bis dispose que les salariés des centres sont identifiés par un numéro personnel distinct de celui de la structure dans laquelle ils exercent. La commission a étendu cette mesure, qui visait initialement les seuls salariés, à tous les praticiens d’un centre afin d’inclure les bénévoles qui peuvent y exercer.

L’article 4 vise à préciser les conséquences d’un constat de manquement par un centre de santé à ses obligations légales et réglementaires.

Il garantit d’abord que les décisions de suspension et de fermeture prises par le directeur de l’ARS sont transmises sans délai à la Cnam ainsi qu’aux instances ordinales compétentes.

Il prévoit ensuite qu’une décision de suspension encore en vigueur ou une décision de fermeture peut, pendant huit ans, justifier le refus de délivrance du récépissé d’engagement de conformité ou de l’agrément demandé par le même organisme gestionnaire, le même représentant légal ou un membre de son instance dirigeante.

Il facilite enfin le recensement des mesures de suspension et de fermeture prises dans toute la France à l’attention des services de l’État et de l’assurance maladie.

La commission a en outre rendu obligatoire, sur l’initiative du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, la publication de telles mesures sur le site internet de l’ARS.

L’article 5 prévoit la certification des comptes des centres de santé et leur transmission annuelle au directeur général de l’agence régionale de santé dès lors qu’ils remplissent certains critères qui seront fixés par voie réglementaire.

L’article 7 précise que les centres de santé ne peuvent demander le paiement intégral de soins qui n’ont pas encore été dispensés.

L’article 8, enfin, complète les dispositions relatives aux sanctions financières qui sont à la main du directeur général de l’ARS en élargissant les hypothèses dans lesquelles il peut les prononcer, en prévoyant un barème gradué qui sera précisé par voie réglementaire et en relevant de nouveau les valeurs de l’amende maximale ainsi que de l’astreinte journalière, respectivement portées par la commission à 500 000 et 5 000 euros afin de rendre ce pouvoir de sanction plus dissuasif.

Mes chers collègues, même si cette proposition de loi ne porte pas de vision nouvelle de l’organisation de l’offre de soins de ville, ce que nous regrettons, elle est toutefois indispensable – nul n’en doutera.

La commission, sous réserve des derniers ajustements souhaitables, espère que le texte sera adopté par le Sénat avant une adoption définitive, au terme d’une navette constructive, au Palais-Bourbon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme la présidente de la commission des affaires sociales et M. Alain Duffourg applaudissent également.)