Mme Marie-Pierre Monier, rapporteure. Absolument !

M. Cédric Vial. On envoie donc des AESH devant des élèves sans aucune formation.

Si nous voulons professionnaliser ce métier, il faut une formation initiale préalable à la prise de poste. Il faut aussi développer la formation continue et l’adapter aux différentes situations de handicap que vont rencontrer les AESH.

J’insiste, en conclusion, sur l’importance de communiquer auprès des collectivités locales sur les formations dispensées par l’éducation nationale.

Mme la présidente. Madame Billon, l’amendement n° 2 rectifié est-il maintenu ?

Mme Annick Billon. Non, je vais le retirer, madame la présidente.

Comme le disait à l’instant Cédric Vial, il ne peut y avoir professionnalisation sans formation. Or nos auditions ont montré que les dispositions inscrites au code de l’éducation sont appliquées de manière très inégale selon les territoires – on pourrait même dire que c’est à géométrie variable ! De plus, le code parle d’une formation « spécifique », ce qui n’est pas suffisamment précis.

Et la situation est la même pour la formation initiale comme pour la formation continue, où les disparités sont très fortes. C’est pourquoi nous resterons mobilisés sur ce sujet.

Vous avez pu entendre, madame la ministre, que nous partageons tous ici les mêmes constats, quels que soient les groupes auxquels nous appartenons, ainsi que le combat pour un acte II de l’école inclusive.

La mission d’information de la commission de la culture, à laquelle j’ai participé avec Marie-Pierre Monier et Max Brisson, a fait des propositions. Emparez-vous, madame la ministre, de tout le travail que le Sénat a déjà réalisé ! Les constats ont été dressés ; nul besoin de prendre encore des mois pour avancer concrètement !

Mme la présidente. L’amendement n° 2 rectifié est retiré.

L’amendement n° 1 rectifié, présenté par Mme Billon, M. Lafon, Mme de La Provôté, MM. Hingray, Kern, Laugier et Levi et Mme Morin-Desailly, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° À la première phrase du cinquième alinéa, après les mots : « formation spécifique », sont insérés les mots : « , initiale et continue, ».

La parole est à Mme Annick Billon.

Mme Annick Billon. Cet amendement va dans le même sens que le précédent et je vais le retirer, madame la présidente, pour gagner du temps. Beaucoup de collègues, y compris Mme la rapporteure, auraient aimé déposer des amendements sur ce texte et nous sommes tous un peu frustrés. Nous devons malheureusement accepter d’avancer à petits pas… (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. L’amendement n° 1 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre la précarité des accompagnants d'élèves en situation de handicap et des assistants d'éducation
Article 3

Article 2

(Non modifié)

L’article L. 916-1 du code de l’éducation est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « peuvent être » sont remplacés par le mot : « sont » ;

2° (Supprimé)

3° Le cinquième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Un décret définit les conditions dans lesquelles l’État peut conclure un contrat à durée indéterminée avec une personne ayant exercé pendant six ans en qualité d’assistant d’éducation, en vue de poursuivre ses missions. » ;

4° et 5° (Supprimés) – (Adopté.)

Article 2
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 3

(Suppression maintenue)

Vote sur l’ensemble

Article 3
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.

Mme Sylvie Robert. Je voudrais d’abord remercier notre rapporteure, Marie-Pierre Monier, de son travail extrêmement rigoureux sur cette proposition de loi. Elle a organisé des auditions particulièrement intéressantes.

Je voudrais également remercier tous nos collègues qui se sont exprimés et grâce auxquels nous nous dirigeons vers un vote conforme – nous ne pouvons que nous en féliciter. J’ai d’ailleurs une pensée pour Michèle Victory, l’auteure de ce texte.

Cette proposition de loi est un premier pas qu’il faut saluer. Son adoption nous engage à continuer de travailler sur les questions de statut, de rémunération, d’organisation ou encore, chère Annick Billon, de formation.

C’est aussi une marque de reconnaissance pour ces professionnels qui contribuent au quotidien à l’école inclusive : ils accompagnent les enfants, ils rassurent les parents, ils épaulent les enseignants.

Nous avons senti que le ministre de l’éducation nationale voulait aller plus loin. Nous nous en félicitons, mais malheureusement il n’a guère donné de signes d’ouverture, singulièrement pendant l’examen du projet de finances, puisque beaucoup de nos amendements portant sur les AESH ont été rejetés.

Madame la ministre, si le Gouvernement veut aller plus loin, il faut qu’il le montre, et très vite ! En tout cas, le Sénat va continuer à travailler sur ces questions.

Cette proposition de loi, je le répète, est un premier pas, mais je crois que c’est une belle étape et je veux tous vous en remercier, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de léducation et de la communication. Je voudrais d’abord exprimer ma satisfaction à l’idée que le Sénat vote cette proposition de loi – ce sera le cas dans quelques instants et, je l’espère, à l’unanimité.

Naturellement, nous sommes tous un peu frustrés, puisque nous n’avons pas pu l’enrichir par nos amendements, mais l’esprit de responsabilité nous pousse à voter ce texte conforme, même si nous aurions souhaité aller au-delà.

Je précise – c’est une parenthèse – qu’il ne faudrait pas que cela devienne une habitude. La navette parlementaire doit garder tout son sens, y compris dans le contexte particulier que vit l’Assemblée nationale en ce moment, et l’initiative sénatoriale ne doit pas être freinée par ces circonstances.

Je voudrais saluer le travail réalisé par notre rapporteure, Marie-Pierre Monier. Le constat qu’elle a dressé a réuni tous les membres de la commission comme du Sénat. Or ce constat est inquiétant : des efforts ont été faits – je ne les nie pas – par l’État, en particulier par l’éducation nationale, en termes de nombre d’AESH et d’organisation ; pourtant, celle-ci reste imparfaite et le résultat n’est pas encore satisfaisant pour les familles et les enfants.

Le résultat n’est pas non plus satisfaisant pour le personnel, en particulier pour les AESH eux-mêmes.

Nous devons donc continuer de travailler avec l’État sur ce sujet ; c’est l’objectif de la mission que nous avons confiée à Cédric Vial.

Nous connaissons les forces et les faiblesses de l’éducation nationale. Nous connaissons cette capacité à monter en puissance et à gérer 130 000 agents. Nous connaissons aussi ses faiblesses, notamment les disparités qui existent d’un territoire à l’autre, d’un département à l’autre – c’est un point qui ressortait clairement du constat dressé par Marie-Pierre Monier et sur lequel nous serons très attentifs, madame la ministre.

Mme la présidente. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.

Mme Victoire Jasmin. J’ai une pensée, à cet instant, pour les familles, car nous parlons bien d’elles ici. Et c’est aussi pour elles que je souhaite que nous allions plus loin.

C’est la loi du 11 février 2005 qui a fixé le principe de l’inclusion en milieu scolaire ordinaire, mais beaucoup d’enfants ne peuvent toujours pas aller à l’école en l’absence de réponse adaptée à leur situation. Il est vrai qu’il existe une grande diversité de handicaps. Nous devons donc continuer de travailler pour répondre à toutes les familles.

Nous allons adopter aujourd’hui une avancée, mais beaucoup de questions posées par les AESH ne trouvent toujours pas de réponses. Comme le disait Annick Billon, la loi prévoit un certain nombre de choses, mais tout cela n’est pas toujours appliqué sur le terrain. Il n’y a pas vraiment eu d’évaluation et nous avons besoin d’un référentiel métier qui couvre l’intégralité des handicaps.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. Le groupe Union Centriste votera la proposition de loi. C’est une première reconnaissance pour les AESH et les AED, qui seront peut-être ainsi davantage intégrés dans les équipes éducatives. Ils y ont toute leur place, ce qui n’est pas forcément bien le cas aujourd’hui.

J’ai souhaité insister sur la question de la formation, parce que celle-ci est essentielle lorsqu’on doit accompagner des élèves en situation de handicap – ils méritent une attention particulière et cela ne s’improvise pas ! C’est encore plus vrai, lorsqu’on doit accompagner des enfants dont les handicaps sont différents.

Je voudrais aussi revenir sur la féminisation de ces professions. La délégation du Sénat aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a organisé des auditions sur les femmes et le travail et les études montrent que, lorsqu’une profession se féminise, les conditions de travail et de rémunération se dégradent.

En outre, dans ces métiers, beaucoup de femmes sont dans des situations difficiles et s’occupent seules de leurs enfants, alors même que les salaires qu’elles perçoivent ne permettent pas de faire vivre une famille. Ce n’est pas notre rapporteure, qui est très engagée dans les travaux de notre délégation, qui me contredira.

Je voudrais aussi revenir sur ce que disait précédemment notre collègue Françoise Gatel au sujet de la décision du Conseil d’État du 20 novembre 2020. Un chef d’établissement m’a adressé un message sur la question de la pause méridienne, en m’interpellant sur la situation des établissements privés sous contrat, qui ne pourront bénéficier de l’assistance des collectivités, rendue nécessaire par cette décision : ils devront peut-être favoriser des solutions différentes qui ne seront pas satisfaisantes en termes d’égalité. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.

M. Cédric Vial. Le groupe Les Républicains est très heureux de l’adoption – probable – de ce texte déposé par nos collègues socialistes. C’est l’honneur du Sénat de montrer qu’un tel sujet d’intérêt général peut dépasser le cadre partisan et tous nous rassembler.

Au-delà de son caractère juridique, ce texte est aussi, d’une certaine façon, une « carte postale » que nous adressons aux AESH pour leur dire que nous avons conscience du problème et que nous pensons à eux.

Pour autant, madame la ministre, le problème reste entier et nombre de sujets doivent encore être réglés : le statut, la formation, l’accompagnement global, le lien avec le médico-social et les MDPH, etc.

Il n’est pas possible de gérer plus de 130 000 agents sans une organisation robuste, un cadre national ou un référentiel métier. Nous devrons absolument reparler de ces sujets.

Nous n’échapperons pas non plus à la question, pas seulement sémantique, soulevée tout à l’heure par notre collègue Philippe Mouiller : le rôle des AESH est-il d’accompagner la scolarité ou le handicap ? Répondre à cette question a des conséquences juridiques en termes de responsabilité et de professionnalisation.

Nous devons débattre de toutes ces questions et trouver des solutions. Au fond, nous devons savoir quel accompagnement nous voulons pour les enfants en situation de handicap dans une école inclusive. (M. Philippe Mouiller et Mme Françoise Gatel applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.

Mme Céline Brulin. Je voudrais à mon tour confirmer que le groupe CRCE va voter ce texte.

La situation des AESH doit être considérablement améliorée et, pour cela, nous devons aller au-delà de cette proposition de loi. Ce sont des sujets que nous abordons régulièrement en commission et je suis heureuse de voir qu’ils intéressent aussi d’autres collègues.

Je partage ce qui a été dit sur la nécessité d’une formation initiale comme d’une formation continue. Ces formations doivent aussi impliquer les enseignants afin que les AESH soient partie intégrante de la communauté éducative et reconnus comme tels.

Je voudrais aussi évoquer la question des rémunérations. Madame la ministre, vous avez dit que les AESH constituaient maintenant la deuxième profession de l’éducation nationale en termes d’effectifs. Il n’est pas concevable que ces agents soient rémunérés en dessous du seuil de pauvreté, ce qui est le cas même en prenant en compte les mesures de revalorisation qui ont été prises !

Enfin, je voudrais insister sur la réalité du processus de « CDIsation ». On constate en effet, je le redis, que les choses ne sont pas aussi claires pour les AED : certes, le décret n’a été publié qu’au mois d’août, si bien qu’il était certainement difficile de l’appliquer dès la rentrée, mais le fait est que peu d’entre eux ont obtenu un CDI à ce jour. J’appelle donc le Gouvernement à la mobilisation et à adresser des consignes claires pour que la « CDIsation » se mette effectivement en place sur le terrain.

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi visant à lutter contre la précarité des accompagnants d’élèves en situation de handicap et des assistants d’éducation.

(La proposition de loi est adoptée définitivement.) - (Applaudissements.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre la précarité des accompagnants d'élèves en situation de handicap et des assistants d'éducation
 

7

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à rétablir l'équité territoriale face aux déserts médicaux et à garantir l'accès à la santé pour tous
Discussion générale (suite)

Équité territoriale face aux déserts médicaux et accès à la santé pour tous

Rejet d’une proposition de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à rétablir l'équité territoriale face aux déserts médicaux et à garantir l'accès à la santé pour tous
Article 1er

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, de la proposition de loi visant à rétablir l’équité territoriale face aux déserts médicaux et à garantir l’accès à la santé pour tous, présentée par Mmes Émilienne Poumirol, Annie Le Houerou et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 68, résultat des travaux de la commission n° 158, rapport n° 157).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Émilienne Poumirol, auteure de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.  Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

Mme Émilienne Poumirol, auteure de la proposition de loi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je présente aujourd’hui devant vous la proposition de loi que j’ai déposée avec ma collègue Annie Le Houerou et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain visant à rétablir l’équité territoriale face aux déserts médicaux et à garantir l’accès à la santé pour tous.

« Déserts médicaux » : cette expression est aujourd’hui sur toutes les lèvres et au cœur des préoccupations de tous les Français. Nous connaissons les constats, je n’y reviendrai que succinctement, mais certaines réalités méritent néanmoins d’être rappelées.

Aujourd’hui, 11 % des Français, soit 6 millions de personnes, n’ont pas de médecin traitant ; parmi elles, c’est essentiel, 657 000 personnes sont en affection de longue durée. En outre, 72 % de la population française vit en zone sous-dense.

Et cette situation, nous le savons, va de se détériorer dans les années à venir. La projection des effectifs, établie par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) du ministère de la santé, fait état d’une diminution des effectifs jusqu’en 2024 et un retour au niveau actuel, donc insatisfaisant, seulement à l’horizon de l’année 2030.

Ce contexte est d’autant plus préoccupant que la croissance démographique et le vieillissement de la population induisent une hausse toujours plus importante des besoins en santé.

Je le dis en préambule, ce texte n’a pas vocation, à lui seul, à résoudre l’ensemble des difficultés d’accès aux soins dans notre pays.

La France connaît une pénurie profonde de médecins, spécialistes comme généralistes. Les gouvernements successifs, soutenus par les syndicats et l’ordre des médecins, ont adopté, dans une volonté de réduire les coûts de la santé, une politique de diminution de l’offre.

Ainsi, dans les années 1970, nous formions 10 000 médecins par an, puis 3 500 dans les années 1990. Nous en formons aujourd’hui 8 500.

Nous avons voté un numerus apertus dont l’efficacité, faute de moyens supplémentaires donnés aux universités, pose aujourd’hui question : à ce jour, l’augmentation réelle du nombre d’étudiants admis en deuxième année est à peine de 10 % !

Nos politiques de santé, tout comme les études en médecine, sont hospitalo-centrées et nous ont amenés à négliger les politiques publiques, notamment celles envers les territoires ruraux.

Aujourd’hui, les médecins sont issus des classes sociales supérieures et des métropoles. Ce manque de mixité sociale et territoriale nuit à une répartition plus équilibrée sur les territoires.

Nous avons organisé beaucoup d’auditions et rencontré nombre d’acteurs de terrain. Face à cette problématique multifactorielle, nous avons conscience qu’il n’existe pas de réponse simpliste, facile ou miracle, mais que la réponse repose sur un ensemble de mesures coordonnées qui permettront d’améliorer de façon pérenne l’accès aux soins.

Nous sommes convaincus qu’une réponse au problème des déserts médicaux doit reposer sur un équilibre entre tous les acteurs, c’est-à-dire les médecins, les étudiants, les collectivités territoriales, qui, chacun à leur niveau, sont impliqués dans la santé des Français.

La mise en place d’une année de professionnalisation en autonomie supervisée réalisée obligatoirement en zone sous-dense répond à la double ambition d’une meilleure reconnaissance de la spécialité de médecine générale et de la lutte contre les déserts médicaux.

Cette mesure permettrait de déployer rapidement 3 500 à 4 000 jeunes médecins généralistes dans les zones sous-denses, soit en moyenne 35 à 40 par département.

Nous avons entendu les craintes exprimées par les étudiants, mais je veux les rassurer : nous souhaitons respecter les jeunes médecins et leurs problématiques de vie. Nous voulons aussi qu’ils soient rémunérés à hauteur de ce qu’ils méritent.

Cette année de professionnalisation ne sera donc pas un simple stage. Ses modalités de mise en œuvre, dont la rémunération spécifique, seront négociées – j’insiste bien sur ce terme –, avec toutes les parties prenantes, et en particulier les organisations syndicales des étudiants de troisième cycle.

Il est primordial, pour assurer l’effectivité de cette mesure, qu’il y ait un réel intérêt pédagogique, tant sur la formation médicale elle-même que sur les modalités pratiques d’installation. Aussi, cette année sera accomplie avec un encadrement renforcé, assuré par des médecins maîtres de stage universitaire.

Cette proposition s’articule autour des départements, échelon le plus approprié, selon le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, pour organiser la réponse en santé dans les territoires.

Les étudiants choisiront leur futur lieu d’exercice sur une liste départementale établie par une commission d’affectation et d’accompagnement à l’exercice de l’année de professionnalisation. Celle-ci sera composée de représentants des universités, de l’ordre départemental des médecins, de l’ARS, ainsi que des élus locaux.

Les départements, comme c’est déjà le cas dans les Pyrénées-Atlantiques, avec Présence médicale 64, pourraient également gérer les conditions matérielles d’accueil des étudiants, ainsi que l’accompagnement dans l’installation définitive des jeunes médecins sur leur territoire.

L’exercice de la médecine a évolué et les jeunes médecins aspirent à un exercice en lien avec d’autres professionnels de santé. Néanmoins, aujourd’hui encore, un tiers des médecins généralistes exerce de manière isolée. Ce chiffre, bien loin des ambitions de « Ma santé 2022, un engagement collectif », nous amène donc à proposer de rendre l’exercice coordonné obligatoire dès 2026.

Aussi, l’article 2 de notre proposition de loi définit une nouvelle organisation de soins centrée sur un partage des tâches entre le médecin traitant et les autres professionnels de santé, au travers de protocoles dûment établis par l’ensemble de l’équipe traitante.

Cette équipe traitante sera coordonnée par un médecin généraliste, responsable du diagnostic et de la prescription, et devra être la plus inclusive possible. Elle devra également être renforcée par des assistants médicaux et des infirmiers de pratique avancée.

L’exercice coordonné dans des équipes de soins primaires devra être le plus souple possible et pourra prendre la forme d’une simple convention d’équipe de soins primaires, ou, d’une manière plus complexe, d’une maison de santé pluriprofessionnelle, voire d’un centre de santé.

Ainsi, le partage des tâches permettra de dégager du temps médical en priorité pour les patients sans médecin traitant ou en affection longue durée (ALD) à ce jour. C’est essentiel à nos yeux.

L’exercice coordonné permet, en outre, une diversification de l’activité médicale : exercice mixte avec un temps partiel en libéral et un temps partiel salarié dans un hôpital de proximité, dans la recherche ou la prévention institutionnelle, type protection maternelle et infantile (PMI), par exemple. Cette perspective est de nature à attirer les jeunes.

Pour répondre aux besoins en santé des territoires, nous proposons également, avec l’article 3, de rétablir l’obligation de garde pour les médecins libéraux.

Depuis 2002 et la décision du ministre Jean-François Mattei de supprimer l’obligation déontologique de garde individuelle, on observe une érosion de la permanence des soins. Le volontariat n’est pas suffisant pour répondre à la demande. Malgré les revalorisations financières régulières de l’astreinte, seuls 38 % des médecins, toujours les mêmes, participaient, en 2021, à la permanence des soins ambulatoires (PDSA).

Pendant les horaires de fermeture des cabinets médicaux, en particulier après vingt heures ou le week-end, nos concitoyens n’ont comme seule ressource que d’aller à l’hôpital, et cette situation participe à l’engorgement des urgences hospitalières.

Face au désarroi de la population, qui se sent délaissée, il nous est apparu indispensable de réinstaurer une obligation de garde par bassin de vie pour assurer la continuité de l’accès aux soins. Cette mission sera assurée en collaboration avec les établissements de santé et en concertation avec les professionnels.

Depuis de nombreuses années, les différents contrats d’aide à l’installation ont été multipliés. Pourtant, malgré les sommes considérables mises en jeu, le résultat n’est pas à la hauteur. Il nous semble donc indispensable de mettre en place aujourd’hui une mesure forte de régulation à l’installation.

Il s’agit d’étendre aux médecins libéraux un dispositif qui existe déjà pour plusieurs autres professionnels de santé – sages-femmes, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes.

La Drees confirme que ce type de dispositif apporte des résultats ailleurs dans le monde, par exemple au Canada.

Dans des zones définies par les ARS en concertation avec les syndicats médicaux, et dans lesquelles existe un excédent en matière d’offre de soins, un nouveau médecin libéral ne pourra s’installer en étant conventionné avec l’assurance maladie que lorsqu’un médecin libéral de la même zone cessera son activité.

Loin de remettre en cause la liberté d’installation, cette mesure a pour objectif de préparer l’avenir en orientant l’installation des médecins en fonction des besoins des territoires lorsque la démographie de la profession le permettra. En effet, aujourd’hui, au regard de la pénurie et du nombre de médecins partant à la retraite dans les cinq ans, cette règle sera très peu contraignante et n’entraînera pas, comme certains le prédisent, des vagues de déconventionnement.

Enfin, l’article 5 vise à rééquilibrer les conditions d’assujettissement aux cotisations sociales, les garanties de revenu et l’aide à l’installation : ces mesures doivent bénéficier de la même manière à la médecine salariée et à la médecine libérale. Les centres de santé sont souvent gérés et financés par les collectivités ou la Mutualité française et il convient de soutenir leur action en faveur de l’accès aux soins.

Je conclurai en rappelant notre responsabilité collective.

Comment pouvons-nous accepter le renoncement aux soins de nos concitoyens et la perte de chance que cela représente ? Comment accepter de renier notre promesse républicaine, le droit fondamental à la protection de la santé et l’égal accès aux soins ? Il s’agit d’un enjeu de santé publique et il est de notre devoir de trouver des solutions.

L’effondrement de notre système de soins, malgré l’implication de tous nos soignants, mérite une grande loi Santé. Celle-ci ne semble pas être à votre agenda, madame la ministre, ni même dans vos ambitions. À défaut, nous vous proposons un texte volontariste, pragmatique et rapidement opérationnel, répondant à la préoccupation majeure des Français. Mes chers collègues, si vous partagez nos propositions ambitieuses, je vous demande de voter ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Annie Le Houerou, rapporteure de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a demandé l’examen, dans son espace réservé, de la proposition de loi que nous avons déposée, avec notre collègue Émilienne Poumirol, et visant à lutter contre la désertification médicale de nos territoires. Le constat est connu et abondamment documenté : je n’y reviendrai donc que brièvement.

Notre pays connaît de graves difficultés de démographie médicale, qui sont appelées à perdurer une décennie, le temps nécessaire à la suppression du numerus clausus de produire des effets, et à la condition que le Gouvernement donne réellement les moyens aux universités pour assurer ces formations.

Les soins de premier recours sont particulièrement affectés. La France a perdu 5 000 médecins généralistes entre 2010 et 2021, quand elle gagnait 2,5 millions d’habitants. Sur la même période, l’âge moyen de la population française a augmenté de deux ans, tandis que la prévalence des maladies chroniques s’est accrue de plus de deux points.

L’inégale répartition des professionnels de santé sur le territoire exacerbe encore davantage la difficulté. Les données, récemment mises à jour par la Drees, montrent que les 10 % de la population les moins bien dotés ont accès en moyenne à une consultation médicale et demie par an et par habitant, contre une moyenne nationale de 3,4 consultations.

La qualification du territoire par les ARS retient que 72 % de la population vit en zone sous-dense.

Il serait inutile de disserter ici sur les causes de cette situation et les raisons d’un tel défaut d’anticipation par les pouvoirs publics et les médecins eux-mêmes. La responsabilité est partagée.

Il convient plutôt de trouver des solutions pour garantir l’accès aux soins sur l’ensemble du territoire, dans l’attente d’un retour à meilleure fortune en 2030. C’est à cet indispensable édifice collectif que la présente proposition de loi entend contribuer.

L’article 1er prévoit une année de professionnalisation à l’issue du diplôme d’études spécialisées (DES) de médecine générale afin de bien préparer les médecins à l’exercice de la médecine de ville. Contrairement aux propositions déjà discutées voilà quelques semaines sur ces travées, c’est non pas une année de stage, mais une année complémentaire d’exercice médical qui est ici proposée. Elle sera assortie de conditions spécifiques visant à garantir son efficacité, notamment par des conditions de rémunération négociées.

Afin de garantir l’effectivité du dispositif, cette année d’exercice en autonomie progressive sera réalisée à l’issue du troisième cycle, obligatoirement en zone sous-dense. Il nous faut, sur ce point, tenir un discours de franchise et assumer de demander aux diplômés une contribution à l’effort collectif pour améliorer l’accès aux soins dans nos territoires.

Pour favoriser la construction de projets personnels, les jeunes médecins pourront librement choisir leur affectation sur des listes départementales établies en coordination entre les professionnels de santé, les autorités de santé et les élus. Ces derniers doivent pleinement être reconnus dans ce rôle et prendre leur part en créant des conditions d’accueil de qualité sur leur territoire pour répondre aux besoins de logement, d’accompagnement familial et personnel. C’est à cette condition que le dispositif favorisera l’installation.

En contrepartie, nous souhaitons que cette année de professionnalisation enrichisse véritablement le parcours des étudiants et valorise justement l’effort demandé. Les jeunes médecins bénéficieront d’un statut spécifique défini par décret, après négociation avec les organisations syndicales. Nous souhaitons qu’il se distingue nettement des statuts d’interne et de docteur junior, et qu’il donne accès à une rémunération attractive.

L’article 2 impose la constitution d’équipes de soins primaires (ESP) avec d’autres professionnels pour l’exercice de la médecine générale à compter de 2026. Il s’agit là de favoriser la coordination entre les professionnels de santé de premier recours et l’élaboration de projets de santé répondant aux besoins d’un territoire.

Ce dispositif n’a connu depuis 2016 qu’un succès limité : seules 220 ESP, en cours ou en projet, sont recensées par le ministère. Pourtant, l’exercice coordonné constitue un outil indispensable non seulement pour structurer le parcours de soins, mais aussi pour améliorer l’offre sur un territoire. Il accroît en effet l’attractivité de l’exercice en ville, surtout pour les jeunes médecins qui ne souhaitent plus s’installer de manière isolée.

La tendance est réelle ; il s’agit de l’amplifier pour gagner du temps.

Pour mieux répondre aux attentes des professionnels, le texte conforte les ESP dans leur vocation de dispositif souple, complémentaire des maisons de santé, centres de santé ou communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), en prévoyant que les équipes pourront reposer sur une simple convention conclue entre les professionnels.

L’article 3 rétablit une obligation, pour les médecins, de participer à la permanence des soins ambulatoires lorsque la continuité de ce service public l’exige.

Le principe du volontariat individuel, qui prévaut depuis la suppression de l’obligation de garde au début des années 2000, ne permet plus d’assurer aujourd’hui une couverture satisfaisante de l’ensemble de nos territoires par la PDSA. Dans un contexte de démographie médicale déclinante et de désengagement, il faut le dire, de certains professionnels, il conduit également à concentrer l’effort sur les médecins volontaires. En 2021, d’après le ministère, seuls 38 % des médecins en moyenne participaient à la permanence. Là encore, les inégalités se creusent entre les territoires. Le Conseil national de l’ordre des médecins fait état, chaque année, de la progression des zones blanches et révèle que certains territoires ne sont plus couverts en soirée ou les week-ends.

Or la continuité de la PDSA est indispensable pour améliorer la prise en charge des patients comme pour désengorger les services d’urgence hospitaliers, dont l’embolie a encore été crainte l’été dernier. C’est d’ailleurs encore le cas à l’approche des fêtes de fin d’année.

C’est pourquoi le texte vise à renforcer la responsabilité collective des médecins en consacrant une obligation de continuité de la permanence, sans rétablir pour autant un mécanisme disproportionné et rigide de contrainte individuelle. Ainsi, il ne conduit pas à imposer une obligation de garde à chaque médecin sans évaluation préalable des besoins, notamment en nuit profonde. Il appartiendra, au contraire, aux agences régionales de santé, en lien avec l’ordre des médecins et les représentants des professionnels, de mesurer les besoins en soins non programmés pendant les horaires de fermeture des cabinets, de définir en conséquence la permanence nécessaire et, lorsque la continuité du service le justifie, d’appliquer l’obligation dans chaque territoire.

L’article 4 met en place un conventionnement sélectif dans les zones surdotées médicalement, de sorte qu’un médecin ne pourra être conventionné que si un praticien déjà installé cesse son activité.

Permettez-moi de répondre à quelques arguments régulièrement avancés pour refuser ce dispositif.

D’une part, nul ne prétend que ce mécanisme de conventionnement constituera le remède miracle pour orienter d’urgence les médecins vers les territoires les plus sous-dotés. Le dispositif s’insère dans un ensemble de mesures incitatives et évite surtout que les déséquilibres territoriaux ne s’accroissent davantage.

D’autre part, il convient de récuser les récriminations quant à une coercition excessive. Bien au contraire, les nombreux départs à la retraite à venir rendront ce dispositif rarement limitatif dans un premier temps. Il ne découragera nullement les vocations médicales et les exercices conventionnés. En revanche, l’application de ce conventionnement conditionnel est de bonne politique publique. Elle anticipe le dynamisme attendu de la démographie médicale et prépare ainsi une installation équilibrée des promotions d’internes plus importantes.

Enfin, l’article 5 propose que la distinction entre l’exercice libéral, d’une part, et l’exercice salarié en centre de santé, d’autre part, ne puisse suffire à fonder des différences dans l’octroi des aides conventionnelles visant à encourager l’installation des professionnels ou le maintien de leur activité dans des zones sous-dotées.

Les conventions entre l’assurance maladie et les professionnels prévoient toutes sortes de contrats incitatifs aux paramètres variables. Il ressort de ce paysage confus que les aides ne sont pas systématiquement défavorables aux centres de santé. Cependant, les contrats d’aide à l’installation des médecins sont clairement plus avantageux pour les médecins libéraux que pour les postes salariés en centres de santé. Nous proposons donc de mettre fin à cette inégalité de traitement, puisque les centres de santé concourent également, aux côtés de la médecine libérale, à l’accès aux soins de premier recours dans les zones sous-dotées.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, à titre personnel, je suis favorable à cette proposition de loi. Le texte prend acte de la pénurie de médecins et propose d’atténuer ses effets. Il demande, pour cela, des efforts proportionnés aux étudiants comme aux médecins, et favorise l’indispensable coopération avec les autres professionnels de santé.

C’est seulement par les efforts conjugués, dans chaque territoire, des pouvoirs publics, des professionnels de santé, mais aussi, dans une certaine mesure, des patients, que nous pourrons préserver l’accès aux soins partout, sans concurrence néfaste entre collectivités ou entre professionnels de santé.

La commission des affaires sociales n’a toutefois pas adopté la proposition de loi. C’est donc le texte initialement déposé que nous nous apprêtons à examiner aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)