compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Esther Benbassa,

M. Daniel Gremillet.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

M. le président. Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je salue la présence dans notre tribune d’honneur de Mme Martine Biron, ministre des relations internationales et de la francophonie, ministre responsable de la condition féminine du Québec. (Mme la Première ministre, Mmes et MM. les ministres, ainsi que Mmes et MM. les sénateurs, se lèvent et applaudissent longuement.)

Elle est accompagnée par le président du groupe d’amitié France-Québec, notre collègue Rémy Pointereau.

Mes chers collègues, la chaleur et la spontanéité de vos applaudissements attestent de la qualité de la relation que nous avons avec le Québec.

Nous souhaitons à Mme la ministre la bienvenue dans notre hémicycle et un fructueux séjour en France. (Applaudissements prolongés.)

3

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun d’entre vous à observer, au cours de nos échanges, l’une des valeurs essentielles du Sénat, le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

politique européenne de l’immigration

M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Valérie Boyer applaudit également.)

M. Hervé Marseille. Madame la Première ministre, un bateau, l’Ocean Viking, a été autorisé à accoster à Toulon il y a quelques jours. Il transportait des migrants – hommes, femmes, enfants. Cette situation a occasionné des débats parfois vifs, souvent passionnés, s’agissant d’un problème extrêmement grave, mais aussi très complexe.

Ma première question est la suivante : quelle est la doctrine de notre pays ? Est-ce celle qui a été exprimée par M. le Président de la République en 2018 ou est-ce celle de la jurisprudence Toulon 2022 ?

Par ailleurs, nos frontières sont essentiellement européennes. La crise migratoire touche à nos sociétés ; c’est un sujet qui constitue une affaire incandescente pour toutes nos sociétés européennes.

Les systèmes que l’Union européenne a essayé de mettre en place, qu’il s’agisse du pacte sur la migration et l’asile ou du mécanisme volontaire de contributions de solidarité, ne fonctionnent pas ou fonctionnent très mal. Nous discutons de moins en moins avec nos amis au sein de l’Europe : nous nous éloignons de l’Europe, nous donnons beaucoup de leçons de morale aux dirigeants hongrois ou polonais, nous menaçons maintenant les dirigeants italiens. À l’extérieur, nous sommes en froid avec nos amis marocains et nous avons des relations polaires avec beaucoup de pays africains.

Ma seconde question est donc la suivante, madame la Première ministre : quelle initiative compte prendre votre gouvernement pour renouer le dialogue et essayer de trouver des solutions en Europe, afin de mettre en place des dispositifs efficaces ? La crise migratoire est une impasse qui nourrit les populismes et je ne souhaiterais pas voir mon pays doté d’un gouvernement comme celui de la Suède ou de l’Italie. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le sénateur Hervé Marseille, depuis plusieurs années, les questions migratoires sont au cœur de l’agenda européen. Malgré ses dangers, la Méditerranée centrale reste la voie la plus empruntée pour rejoindre l’Union européenne.

Ces derniers jours, nous avons dû faire face à l’urgence : après trois semaines, la situation à bord de l’Ocean Viking devenait très préoccupante et appelait une prise en charge rapide. Dans ces circonstances, nous avons assumé pleinement notre devoir humanitaire. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe RDPI.)

Toutefois, je vous le confirme, monsieur le sénateur, la France ne dévie pas d’une approche qui repose sur deux principes essentiels : l’humanité et la fermeté. Des mesures exceptionnelles ont été prises pour mettre en sécurité ces personnes, assurer le traitement le plus rapide possible des demandes d’asile et la reconduite de ceux qui ne relèvent pas de l’asile. (Mme Jacqueline Eustache-Brinio sexclame.)

Nous avons constaté que la solidarité européenne a été au rendez-vous, puisque onze pays européens ont accepté d’accueillir des migrants de l’Ocean Viking et je voudrais devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, de nouveau les remercier. Je veux saluer l’engagement de nos services publics, qui sont pleinement mobilisés pour apporter une réponse digne à ces situations humaines : le secrétariat général de la mer, la marine nationale, les préfets, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) et la justice. Je veux enfin rendre hommage au travail de la Croix-Rouge française, qui a assumé les premières prises en charge.

Notre responsabilité collective est de prévenir le renouvellement de telles situations. Ma conviction, c’est que la réponse ne saurait être seulement nationale, mais doit être aussi européenne.

Européenne, d’abord, parce qu’un pays ne peut trouver seul les solutions à ces flux migratoires.

Européenne, ensuite, parce que nous partageons un même espace, l’espace Schengen. Par conséquent, ce qui se passe à un endroit de cet espace nous concerne tous.

Européenne, enfin, pour assurer le respect de deux principes cardinaux en la matière : la responsabilité et la solidarité. Cela suppose un cadre européen, avec des règles qui s’imposent à tous, et le respect des obligations internationales comme l’obligation du port sûr le plus proche. Force est de constater que l’Italie n’a respecté ni l’un ni l’autre.

Concrètement, dans ce contexte, nous souhaitons agir dans trois directions principales.

D’abord, la prévention des départs irréguliers en provenance d’Afrique du Nord. Cela passe par un renforcement des capacités maritimes des pays de départ et une plus grande efficacité collective en matière de réadmission des migrants en situation irrégulière.

Ensuite, la reprise des travaux sur les relations avec les organisations non gouvernementales (ONG) impliquées dans le secours en mer en Méditerranée. Ces ONG sauvent des vies, accomplissent un travail important, mais une coopération plus fluide et plus transparente avec les pouvoirs publics est indispensable.

Enfin, l’actualité confirme s’il en était besoin la nécessité d’avancer au plus vite sur la finalisation du pacte européen sur la migration et l’asile. Nous en avons fait une priorité lors de la présidence française du Conseil de l’Union européenne et nous avons pu obtenir des avancées majeures. La présidence tchèque poursuit des discussions et nous souhaitons qu’un accord avec le Parlement européen puisse être rapidement trouvé sur ces sujets.

En conclusion, nous sommes convaincus que ces enjeux requièrent une discussion politique. C’est pourquoi nous soutenons l’idée que soit rapidement convoqué à Bruxelles un conseil extraordinaire des ministres de l’intérieur afin d’examiner les réponses concrètes qui peuvent être rapidement apportées pour traiter le sujet dans toutes ses dimensions. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Annick Jacquemet applaudit également.)

coupe du monde de football au qatar

M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Jérémy Bacchi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans quatre jours démarrera la coupe du monde de football, que nous pourrions appeler la coupe du monde de la honte. Jamais une coupe du monde n’aura suscité autant de malaises : corruption, désastres environnementaux, droits humains bafoués.

Je ne m’attarderai pas sur le premier point, la justice finira bien par s’exprimer sur les conditions d’attribution.

Au-delà de ces conditions, il s’agit d’une honte écologique. En plus de la climatisation des stades en plein désert, nous savons que ce ne sont pas moins de 160 vols quotidiens qui achemineront les supporters jusqu’à leurs hôtels.

C’est une honte aussi pour les droits des femmes, des LGBTQI+, des minorités.

Enfin, plus que d’une honte, il s’agit d’une catastrophe humaine. Les travaux pharaoniques ont mobilisé des milliers de travailleurs migrants. Exploités, ils ont bâti les stades dans des conditions insupportables : 6 500 d’entre eux y ont d’ailleurs laissé la vie.

Alors que cet événement aurait dû être une fête populaire qui rassemble les peuples autour d’un sport, il se révèle un véritable désastre.

Un tel scénario ne peut plus, ne doit plus se reproduire, que cela soit pour le football ou pour d’autres événements sportifs comme les jeux asiatiques d’hiver de 2029 qui auront lieu en Arabie Saoudite… dans une région où l’on compte deux jours d’enneigement par an !

Aussi, madame la ministre, ne pensez-vous pas opportun que la France agisse pour la création d’une agence internationale chargée de contrôler l’attribution, mais également d’assurer le suivi des grands événements sportifs selon des critères de droits humains, sociaux et environnementaux ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – MM. Loïc Hervé et Michel Savin applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques.

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Monsieur le sénateur Bacchi, la coupe du monde démarre en effet dimanche prochain et nos joueurs s’y préparent dur et depuis longtemps.

La France ne boycottera pas cette compétition, comme aucun de ses partenaires d’ailleurs, et j’irai pour ma part soutenir l’équipe de France – c’est mon rôle de ministre des sports. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

M. Fabien Gay. Quelle honte !

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. Quelque 10 000 de nos compatriotes ont également prévu de se rendre là-bas pour encourager l’équipe de France. Ils seront protégés par nos gendarmes et policiers français.

Nous croyons en la force de l’action diplomatique et la France œuvre de manière continue par tous les canaux pour que, tant sur le sujet des droits humains que sur la question écologique, le Qatar non seulement consolide ses avancées qui sont d’ailleurs reconnues par l’Organisation internationale du travail (OIT) ou par l’ONG Amnesty International, mais surtout les amplifie. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

Sur l’importante question des travailleurs migrants, le Qatar a indiqué qu’un fonds d’indemnisation existait déjà et qu’il était disposé à le mobiliser.

M. Hussein Bourgi. Vous y croyez vraiment ?

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. De mon côté, j’ai invité la Fédération internationale de football association (Fifa) à travailler à la mise en place d’une contribution financière au titre de l’héritage de la compétition pour l’indemnisation des familles et des travailleurs. (Mêmes mouvements.)

La Fifa a elle-même indiqué qu’elle s’associerait avec de nombreuses organisations internationales pour mettre en avant de grandes causes comme la lutte contre les discriminations, le développement durable, l’éducation, la santé.

M. Hussein Bourgi. Arrêtez de lire vos fiches !

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. La Fédération française de football (FFF), en suivi de mes demandes d’exemplarité, a pris elle-même des mesures pour s’assurer du respect des conditions de travail sur le camp de base de l’équipe de France. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

M. Fabien Gay. Ce n’est pas possible, ça !

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. Vous avez vu la lettre des Bleus qui ont souhaité rappeler leur attachement au respect de tous les droits humains et s’engagent à soutenir des ONG qui œuvrent pour leur protection au travers de leurs fonds de dotation Génération 2018.

Monsieur le sénateur, vous avez raison : au-delà, ce Mondial doit nous amener collectivement à une plus grande responsabilité sociétale et à nous interroger sur le modèle des grands événements sportifs internationaux que nous souhaitons, ainsi que sur leur empreinte écologique.

À cet égard, la Fifa est consciente de cette nécessité pour l’attribution des prochains Mondiaux de football.

M. Fabien Gay. C’est ça…

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. À l’occasion des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, nous montrerons aussi la voie.

Vous le voyez, par-delà les polémiques, chacun s’engage dans la voie du nécessaire progrès. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour la réplique.

M. Jérémy Bacchi. Madame la ministre, je vous ai demandé si la France allait jouer un rôle en faveur de la création d’une agence internationale, ce qui serait une bonne chose. Vous n’y avez pas répondu, j’en suis désolé.

Que les joueurs ne prennent pas de décision politique, ce n’est pas grave ! Leur rôle, c’est de jouer au football.

Que les supporters ne prennent pas d’acte politique, ce n’est pas grave ! Leur rôle, c’est d’encourager leur équipe.

En revanche, que le Gouvernement ne prenne pas la mesure des choses, c’est plus regrettable !

Il n’est pas encore trop tard, madame la ministre. Nous pouvons marquer notre attachement aux droits humains et environnementaux par exemple par le port d’une tenue lors de l’entraînement d’avant-match, nous qui sommes, paraît-il, la nation des droits de l’homme. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

Mme Cécile Cukierman. Très bien !

emploi des personnes en situation de handicap

M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Xavier Iacovelli. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.

Le Président de la République a fait du plein emploi à l’horizon de 2027 un thème majeur de sa campagne. Les chiffres publiés hier nous montrent que le taux de chômage continue de baisser (Allô ! sur les travées des groupes SER et CRCE.) et que le taux d’emploi atteint un niveau record depuis 1975, malgré les crises que nous traversons. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Je vois bien que vous êtes tous favorables à ces éléments, mes chers collègues ! (Sourires.) Ces résultats sont encourageants – et j’entends d’ailleurs vos encouragements ! –, même si les efforts doivent être intensifiés, notamment dans les secteurs en tension.

Monsieur le ministre, ma question porte sur l’accès à l’emploi des personnes en situation de handicap. Nous le savons, c’est un enjeu majeur.

Il est majeur d’abord, car il concerne 2,7 millions de bénéficiaires qui ont actuellement une reconnaissance administrative de leur handicap.

Il est majeur ensuite, puisqu’il est foncièrement lié à notre volonté de bâtir une société plus inclusive, dans la continuité des engagements du Gouvernement et du Président de la République depuis 2017.

Il est majeur enfin, car on ne peut pas accepter que le handicap soit un frein à l’accès à l’emploi de millions de concitoyens, mettant à mal leur émancipation et leur autonomie.

Face à ce défi, le Gouvernement agit et les premiers résultats sont là. Le nombre de demandeurs d’emploi en situation de handicap est à son plus bas niveau depuis cinq ans et le nombre d’apprentis a connu une progression de 175 % entre 2019 et 2021.

Monsieur le ministre, le chemin est encore long. La 26e édition de la Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées, qui a débuté ce lundi, doit contribuer à changer le regard du handicap dans l’entreprise. Depuis 2018, le DuoDay…

Un sénateur du groupe SER. En français, s’il vous plaît !

M. Xavier Iacovelli. … constitue un moment important pour faire tomber les préjugés et faciliter l’insertion des personnes en situation de handicap dans l’emploi. Dans ce cadre, les 30 000 offres d’accueil sont autant d’occasions de créer de nouvelles opportunités professionnelles et de découvrir un environnement de travail.

Monsieur le ministre, à l’occasion de ce rendez-vous incontournable pour démystifier le handicap dans l’entreprise, pourriez-vous nous indiquer les pistes que le Gouvernement envisage pour relever ce défi majeur en termes de cohésion sociale ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de linsertion. Monsieur le sénateur Iacovelli, vous l’avez dit et c’est juste : les chiffres de l’emploi publiés hier sont une bonne nouvelle.

C’est une bonne nouvelle, puisque le taux de chômage, calculé au sens du Bureau international du travail (BIT), est passé de 7,4 % à 7,3 % (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.), que cela vient corroborer la création de 84 000 emplois dans le secteur privé au cours du troisième trimestre et que le taux d’emploi des Français atteint 68,3 %, soit le meilleur niveau constaté depuis 1975.

C’est rassurant, puisque, dans une période d’incertitude économique, l’économie continue à créer de l’emploi : de plus en plus de nos concitoyens retrouvent un emploi, qui plus est un emploi de meilleure qualité, puisque la part des contrats à durée indéterminée (CDI) a, pour la première fois depuis vingt-cinq ans, dépassé les 50 % de l’emploi total. C’est aussi une bonne nouvelle.

Cette marche vers le plein emploi concerne tout le monde. Elle concerne bien évidemment aussi les travailleurs handicapés : le taux de chômage de ces publics est passé de 19 % à 13 % en cinq ans, mais il représente encore presque le double du taux de chômage moyen constaté. Nous devons donc continuer à agir.

Les premiers résultats obtenus sont dus à des engagements pris et mis en œuvre : la mise en place d’un référent handicap dans les entreprises de plus de 250 salariés ; dans les centres de formation d’apprentis (CFA), le fait de garantir les droits, d’accompagner plus correctement la formation des personnes handicapées.

Nous souhaitons aller plus loin. La Semaine européenne de l’emploi des personnes handicapées est l’occasion de souligner les efforts que nous devons encore accomplir. Ainsi, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023 que vous aurez à examiner, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons prévu d’avancer plus avant sur un certain nombre de sujets.

Par exemple, les crédits consacrés aux entreprises adaptées passeront de 465 millions d’euros à 495 millions d’euros pour conforter le soutien de l’État aux entreprises adaptées. Nous reconduirons les expérimentations qui permettent la conclusion de contrats à durée déterminée dits CDD tremplin, qui permettent à des personnes en situation de handicap de passer par une entreprise adaptée pour aller vers l’économie ordinaire. Nous reconduirons aussi les crédits consacrés à l’investissement des établissements et services d’aide par le travail (Ésat) et des entreprises adaptées pour se moderniser et accueillir toujours plus de public.

Enfin, Geneviève Darrieussecq, Jean-Christophe Combe et moi-même publierons dans les prochains jours un décret qui achèvera la transformation des Ésat permettant plus de fluidité et de passage vers l’économie ordinaire et reconnaissant plus de droits aux travailleurs dans les Ésat pour ainsi mieux les accompagner. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

violences faites aux femmes

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-Luc Fichet. Ma question s’adresse à Mme la Première ministre.

À l’occasion de la Journée internationale de lutte contre les violences sexuelles et sexistes, le 25 novembre prochain, je veux souligner le caractère malheureusement massif des violences sexuelles et sexistes en France, comme le relève le rapport annuel 2022 du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, et ce, dans tous les secteurs – politique, médiatique, professionnel… – et dans tous les territoires. En effet, comme l’a montré le rapport sénatorial d’information Femmes et ruralité : en finir avec les zones blanches de légalité, 50 % des féminicides ont lieu en ruralité, alors que seulement 35 % des femmes y vivent.

Dans le domaine économique, les inégalités et discriminations subies par les femmes se renforcent encore : les femmes sont plus souvent confrontées à la précarité de l’emploi.

À l’échelle mondiale, on assiste à un recul des droits des femmes. Elles sont souvent les premières victimes de la répression des régimes dictatoriaux – on pense aux femmes afghanes – et c’est pour cela que les Iraniennes sont également les premières mobilisées contre le régime oppresseur.

Aux États-Unis, depuis la décision de la Cour suprême remettant en cause le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), les femmes sont en première ligne pour protester contre ce recul inacceptable de leur droit à disposer de leur corps. En France aussi, il y a un risque sur l’accès à l’IVG du fait de la désertification médicale et de la pénurie durable de gynécologues.

Je regrette d’ailleurs que la majorité de droite du Sénat ait refusé l’inscription dans la Constitution du droit d’accès à l’IVG. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Lorsqu’un droit fondamental des femmes est attaqué à l’échelle mondiale, on attend de la France qu’elle soit aux avant-postes pour le défendre !

Mme Sophie Primas. La question !

M. Jean-Luc Fichet. Le projet de budget pour 2023, marqué du sceau de l’injustice sociale et de la précarisation des classes populaires, ne parviendra pas à améliorer la situation.

Madame la Première ministre, quand allez-vous dégager des moyens significatifs pour une véritable politique de lutte contre les violences sexuelles et sexistes et résoudre enfin les difficultés quotidiennes vécues par nos concitoyennes ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Laurence Cohen applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances.

Mme Isabelle Rome, ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de légalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de légalité des chances. Monsieur le sénateur Fichet, oui, les droits des femmes ne sont jamais acquis. Oui, les droits des femmes demeurent fragiles. Les défendre est le combat de ma vie et je suis fière d’appartenir à ce gouvernement, qui a permis de progresser comme jamais dans la lutte contre les violences faites aux femmes. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)

Depuis 2017, quatre lois ont été votées pour mieux les protéger. C’est aussi +80 % de places d’hébergement d’urgence, 160 000 policiers et gendarmes formés, un déploiement massif des outils de protection des victimes – plus de 3 400 téléphones grave danger aujourd’hui contre 300 en 2019, près de 1 000 bracelets anti-rapprochement actifs aujourd’hui, alors qu’ils ont été déployés depuis début 2021 – ou encore la présence d’intervenants sociaux en commissariat et gendarmerie – 416 aujourd’hui, 600 prochainement – ; sans parler des 30 centres de prise en charge des auteurs pour prévenir la récidive.

Grâce à la majorité parlementaire, les subventions au 3919 seront aussi augmentées – 5,9 millions d’euros en 2023, soit +400 % depuis 2017. Le budget de mon ministère a doublé sous le précédent quinquennat et augmentera de 15 % l’an prochain.

J’en viens au droit à l’IVG que vous évoquez, monsieur le sénateur. Avec la Première ministre, nous soutenons pleinement sa constitutionnalisation : elle sera le plus sûr rempart face aux attaques d’aujourd’hui ou de demain.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la France, pays de la Déclaration des droits de l’homme, doit être aussi celui des droits des femmes. Face aux montées des conservatismes, notre pays doit rester un phare pour les libertés de toutes les femmes. Vous pouvez compter sur ma détermination. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

formation professionnelle à saint-pierre-et-miquelon

M. le président. La parole est à M. Stéphane Artano, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Stéphane Artano. Madame la ministre déléguée, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a considérablement bouleversé le secteur de la formation et prévoit que le Gouvernement adapte ces dispositions à l’outre-mer. Très tôt, les élus ultramarins ont pointé du doigt le niveau d’impréparation du gouvernement face à la mise en œuvre de cette réforme outre-mer. C’est le cas pour Saint-Pierre et Miquelon où les acteurs sont plus que dans le flou.

Certes, les adaptations législatives et réglementaires sont arrivées au fil de l’eau, parfois de manière poussive, mais, quatre ans après, nous disposons d’un cadre juridique qui commence à se clarifier.

Pour autant, depuis quatre ans, personne sur mon territoire ne peut utiliser ses droits à la formation au moyen du compte personnel de formation (CPF). En effet, cela ne fonctionne pas. Il semblerait que le blocage technique soit en passe d’être levé. Madame la ministre, pouvez-vous me le confirmer ou, si ce n’est pas le cas, intervenir ?

Au titre de l’équité, je vous demande d’étudier la reconstitution des droits à formation depuis la création du CPF, puisqu’il n’a jamais fonctionné sur le territoire de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Dans l’attente de la création d’un opérateur de compétences (Opco) unique, Akto, un Opco guadeloupéen supplée cette carence locale. Depuis le mois de juillet 2021, les partenaires sociaux se sont emparés du dossier pour créer un Opco unique territorial et ont déposé une demande d’agrément ; depuis plus d’un an, ils n’ont aucune nouvelle des services centraux de l’État, sinon une demande de modification des statuts. Ce mutisme est totalement anormal !

Depuis plus de six mois, le président de la collectivité demande aux services de l’État la réunion du comité de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle (Cefop), l’instance chargée de statuer sur l’ensemble de ces sujets – sans réponse. Cette situation devient ubuesque.

Enfin, madame la ministre, dans la mesure où le contrat de développement État-collectivité a été prorogé d’un an, pouvez-vous me garantir que les crédits dédiés à ces actions de formation professionnelle seront également prorogés dans l’attente du dispositif final ? Quelles garanties pouvez-vous apporter à mes concitoyens ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Victoire Jasmin applaudit également.)