PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny

vice-président

Mme le président. La séance est reprise.

Article 2 (début)
Dossier législatif : projet de loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi
Discussion générale

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Modification de l’ordre du jour

Mme le président. Mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande d’avancer l’examen des quatre conventions internationales en procédure simplifiée et du projet de loi autorisant la ratification du traité entre la République française et la République italienne pour une coopération bilatérale renforcée, initialement prévu jeudi 27 octobre matin, au mercredi 26 octobre après-midi à l’issue de l’examen du projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi.

Si nous terminons l’examen de ce texte dès ce soir, ce qui semble possible, les conventions internationales seront examinées à l’issue des questions d’actualité au Gouvernement.

Par conséquent, nous ne siégerions pas jeudi.

Acte est donné de cette demande.

En conséquence, nous pourrions avancer le délai limite d’inscription des orateurs dans la discussion générale du projet de loi autorisant la ratification du traité entre la République française et la République italienne pour une coopération bilatérale renforcée au mercredi 26 octobre à 11 heures.

Il n’y a pas d’opposition ?…

Il en est ainsi décidé.

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Article 2 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi
Article 2

Fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi

Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Mme le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’amendement n° 53 au sein de l’article 2.

Discussion générale
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Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 92

Article 2 (suite)

Mme le président. Je suis saisie de huit amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 53, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Par dérogation au montant de droit commun, le montant de la cotisation employeur au régime d’assurance chômage pour les contrats à durée déterminée mentionnés au titre IV du livre II de la première partie du code du travail, est fixé selon les principes suivants :

– 12,4 % pour les contrats de moins d’un mois ;

– 10,4 % pour les contrats d’une durée comprise entre un et deux mois ;

– 8,4 % pour les contrats d’une durée comprise entre deux et six mois.

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Notre amendement de suppression de l’article 2 n’ayant pas été adopté, nous proposons un amendement de repli qui, s’il était retenu, aurait un réel effet positif sur la situation économique de la France.

La précarité mine aujourd’hui notre pays ; elle est de plus en plus prégnante, y compris chez les travailleurs, parfois qualifiés de « travailleurs pauvres ».

Le nombre de contrats courts a augmenté de 165 % depuis 2000. Une étude de la Dares vient de montrer que les CDD d’une durée d’un jour ou moins sont en nette progression, excédant largement leur niveau d’avant-crise, avec un taux de croissance de 14 % par rapport à 2019.

Le bonus-malus mis en place par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel du 5 septembre 2018, est un gadget et une mauvaise réponse. Selon nous, récompenser une entreprise uniquement parce qu’elle appliquerait la loi, qui dispose qu’un CDI est la « forme normale et générale » d’une relation de travail, aux termes de l’article L. 1221-2 du code du travail, est une ineptie.

On marche sur la tête ! C’est d’autant plus vrai que l’application du malus est très parcimonieuse du fait des critères retenus – ne pas trop contrarier le Medef semble être votre credo, et tant pis pour la précarisation croissante !

Par cet amendement, nous proposons au contraire de renforcer les malus pour qu’ils aient un effet réellement dissuasif, en augmentant les cotisations versées par l’employeur au régime d’assurance chômage et en les modulant en fonction de la durée des contrats. Il nous paraît justifié d’imposer une majoration des cotisations sociales des entreprises qui ne respectent pas le code du travail en abusant des contrats courts.

Nous estimons que l’adoption de notre amendement produira plus d’effets que les dispositions proposées dans le cadre de ce projet de loi.

Mme le président. L’amendement n° 30 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article L. 5422-12 du code du travail est complété par huit alinéas ainsi rédigés :

« Pour les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel excède 1 500 millions d’euros ou dont le total de bilan excède 2 000 millions d’euros, le taux de contribution peut être majoré en cas de non-respect des contreparties climatiques et sociales suivantes :

« 1° La publication, au plus tard le 1er juillet de chaque année, et à partir du 1er janvier 2023, d’un « rapport climat » qui :

« a) Intègre le bilan des émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre de l’entreprise, en amont et en aval de leurs activités ;

« b) Élabore une stratégie de réduction des émissions des gaz à effet de serre dans les conditions définies au B, qui ne doit pas prendre en compte les émissions évitées et compensées. Elle fixe des objectifs annuels de réduction des émissions de gaz à effet sur un horizon de dix ans, notamment en précisant les plans d’investissements nécessaires pour les atteindre. Ce rapport s’appuie sur les informations fournies dans le cadre des obligations de l’article L. 225-102-1 du code de commerce et de l’article L. 229-25 du code de l’environnement.

« Le ministre chargé de l’environnement définit, en concertation avec le Haut conseil pour le climat, la trajectoire minimale de réduction des émissions de gaz à effet de serre à mettre en œuvre par lesdites entreprises, en fonction du secteur d’activité et en conformité avec les budgets carbones fixés par la stratégie nationale bas-carbone.

« Les détails de la méthodologie sont fixés par décret ;

« 2° L’obligation de ne pas délocaliser et de ne pas transférer volontairement à l’étranger une partie ou de la totalité des activités de l’entreprise entraînant d’une diminution du nombre d’emplois en France, que ce soit au travers de filiales appartenant à la même entreprise ou par l’intermédiaire de sous-traitants auprès d’entreprises non affiliées ;

« 3° L’obligation d’atteindre, avant le 1er janvier 2023, un index d’égalité entre les femmes et les hommes prévu par l’article L. 1142-8 du code du travail à un niveau inférieur à 75 points. »

La parole est à Mme Monique Lubin.

Mme Monique Lubin. Afin d’accélérer la transition écologique et sociale des grandes entreprises, nous proposons dans cet amendement, uniquement pour les multinationales, un mécanisme de malus calculé en fonction des objectifs de transition écologique, d’égalité salariale entre les femmes et les hommes, de relocalisation et de maintien de l’emploi.

Mme le président. Les trois amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 29 rectifié est présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 57 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 89 rectifié est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Rédiger ainsi cet article :

Au deuxième alinéa de l’article L. 5422-12 du code du travail, les mots : « minoré ou » sont supprimés.

La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l’amendement n° 29 rectifié.

Mme Monique Lubin. Cet amendement vise à supprimer la partie « bonus » du bonus-malus et à ne conserver que la partie « malus » afin de dissuader les entreprises de recourir aux contrats courts.

En effet, un juste recours aux contrats courts relève du comportement normal et attendu d’une entreprise ; à ce titre, elle ne doit donc pas profiter d’un bonus de cotisations qui amoindrirait – encore – les recettes de notre sécurité sociale.

Décourager réellement les entreprises de recourir aux contrats courts doit reposer uniquement sur un malus dont la cible serait plus large que les 20 000 entreprises qu’il touche aujourd’hui et les taux plus élevés, ce qui est à l’opposé de ce que la majorité sénatoriale a adopté en commission.

Mme le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 57.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Le présent amendement tend à supprimer le bonus accordé aux entreprises qui recourent aux contrats courts.

Sous le prétexte d’inciter les entreprises à de meilleures pratiques, ce bonus entraîne des baisses du taux de cotisation patronale et, en conséquence, réduit les recettes de la sécurité sociale. Les entreprises bénéficient déjà des réductions générales des cotisations patronales sur les bas salaires, dites « réductions Fillon », qui les exonèrent totalement de cotisations pour une rémunération égale au Smic, le montant de cette réduction diminuant ensuite dégressivement pour les salaires jusqu’à 1,6 Smic.

Les entreprises sont déjà des assistées de la sécurité sociale, placées sous assistance de l’État. Accorder un bonus aux entreprises qui recrutent en contrats courts tout en restant en dessous d’une moyenne fixée de manière opaque est, de notre point de vue, inacceptable.

La modulation des cotisations patronales ne peut consister qu’en une majoration des cotisations si l’on veut inciter les entreprises à modifier leur comportement. Le Gouvernement a reculé chaque fois qu’un dispositif a été mis en place et a même allégé la fiscalité des entreprises. Ainsi, d’un côté, le Gouvernement a instauré le mécanisme de bonus-malus et, de l’autre, il a allégé la fiscalité des contrats courts.

Jusqu’en avril 2019, le taux de la cotisation patronale d’assurance chômage était majoré de 0,5 point pour les CDD d’usage de quelques heures ou jours dans certains secteurs. Cette surcotisation a été supprimée, sauf pour les intermittents du spectacle et les dockers, et un forfait de dix euros par CDD d’usage a ensuite été mis en place au début de 2020 ; ce dispositif a été supprimé sept mois plus tard. Derrière les discours, la volonté politique est évidemment absente.

Afin de rendre ce malus moins anecdotique, nous avons donc également déposé l’amendement n° 56, qui vise à le porter à deux points de cotisation chômage, au minimum.

Mme le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 89 rectifié.

Mme Raymonde Poncet Monge. Pour faire passer la baisse inédite des droits des travailleurs privés d’emploi, le Gouvernement a prétendu équilibrer la réforme en instaurant un bonus-malus à destination des entreprises recourant abusivement aux emplois très courts, tout en commençant par en différer l’application d’un an.

Cependant, pour les employeurs, la réforme se devait d’être neutre pour les comptes de l’Unédic : pas question de les solliciter pour en assurer l’équilibre ! Le mécanisme de malus devait permettre l’allocation d’un bonus équivalent.

Plus qu’à un paradoxe, ce postulat conduit à une ineptie. Pour qu’une entreprise reçoive un bonus, c’est-à-dire une baisse de son taux de cotisation, il suffit que son taux de séparation soit inférieur au taux de séparation médian du secteur auquel elle appartient. Or les secteurs retenus dans le cadre du bonus-malus sont précisément visés, parce qu’ils se caractérisent par un taux de séparation au moins une fois et demie supérieur à celui des autres secteurs.

En conséquence, le bonus conduit à des baisses du taux de cotisation patronale quand bien même l’entreprise reste à des taux de séparation anormaux par rapport à ceux des entreprises de secteurs bien plus vertueux. In fine, ce système illogique conduit à récompenser les « moins mauvais élèves » des sept secteurs engendrant 37 % des séparations.

Aucune raison ne justifie de sanctionner les personnes privées d’emploi, les victimes d’emplois courts, tout en ayant la main qui tremble devant une mesure visant à décourager les entreprises de recourir aux contrats courts.

Pour cela, le dispositif de malus est suffisant ; c’est ce que nous proposons par cet amendement.

Mme le président. L’amendement n° 56, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article L. 5422-12 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La majoration du taux de contribution ne peut être inférieure à deux points. »

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Il est défendu.

Mme le président. L’amendement n° 32 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – Le 1° de l’article L. 5422-12 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les recettes générées par la majoration prévue au présent 1° sont supérieures ou égales à 1,5 fois la perte de recettes occasionnée par la minoration prévue au présent 1°. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Monique Lubin.

Mme Monique Lubin. Cet amendement vise à garantir, au sein du système de bonus-malus, que les recettes engendrées pour l’Unédic par le malus dépassent d’au moins 50 % la perte de recettes occasionnée par le bonus.

Rappelons que, sur plus de 3,8 millions d’entreprises, seules 20 000 d’entre elles sont concernées par le bonus-malus et que son mode de calcul leur est favorable, puisque seule une entreprise concernée sur trois verrait ses cotisations patronales augmenter.

Force est de constater que, pour l’instant, le bonus-malus entraîne plus de pertes de recettes qu’il ne crée de nouvelles ressources, alors que l’idée initiale était bien de décourager les entreprises de recourir aux contrats courts, ce qui aurait dû permettre de récolter des recettes importantes.

Nous proposons donc d’encadrer ce bonus-malus grâce à un principe simple : les recettes pour l’assurance chômage doivent dépasser les pertes.

Mme le président. L’amendement n° 96, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – L’article L. 5422-12 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les données nécessaires à la détermination de la variable mentionnée au 1°, y compris celles relatives aux personnes concernées par les fins de contrat prises en compte qui sont inscrites sur la liste des demandeurs d’emploi, peuvent être communiquées à l’employeur par les organismes chargés du recouvrement des contributions d’assurance chômage, dans des conditions prévues par décret. »

II. – Le I est applicable aux taux notifiés aux employeurs pour les périodes courant à compter du 1er septembre 2022.

La parole est à M. le ministre.

M. Olivier Dussopt, ministre. Cet amendement a pour objet de rétablir l’article 2 tel qu’adopté par l’Assemblée nationale et, en réalité, tel qu’issu de la réforme de 2018.

Le principe du bonus-malus s’applique à un peu moins de 20 000 entreprises, dans sept secteurs d’activité, et est construit autour de la médiane de secteur, comme cela a été rappelé, selon un principe d’équilibre, puisque le total du malus équivaut au total du bonus – il n’y a pas de pertes de recettes, comme j’ai pu l’entendre. Si plus d’entreprises sont sujettes à un bonus qu’à un malus, c’est en raison de la plus petite taille des premières. Au regard de la masse salariale, on arrive à un équilibre entre le bonus et le malus, malgré un rapport de un à deux du nombre d’entreprises appartenant à chacune de ces deux catégories.

Nous souhaitons revenir au mode de calcul du bonus et du malus défini dans les dispositions adoptées en 2018, mais aussi à une amplitude comprise entre –1,05 point et +1 point, comme prévu initialement. Les dispositions adoptées par la commission sont en effet trop restrictives à nos yeux, tant par leur effet sur l’assiette de calcul que par l’ampleur de la variation des cotisations.

Je saisis cette occasion pour préciser que le Gouvernement émet un avis défavorable sur les autres amendements, qui n’ont pas du tout le même objet. Nous sommes attachés au rétablissement du dispositif que nous connaissons.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. L’amendement n° 53 tend à fixer des taux de contribution dérogatoires au régime d’assurance chômage, allant de 8,4 % à 12,4 %, que nous considérons comme prohibitifs. En outre, ces taux frapperaient indistinctement l’ensemble des entreprises ayant recours à des CDD, quels que soient leurs motifs. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement n° 30 rectifié de Mme Lubin a pour objet de majorer les contributions d’assurance chômage en cas de non-respect de certaines contreparties climatiques et sociales. Il tend à supprimer les modifications apportées par la commission au dispositif de bonus-malus – nous ne saurions donc y être favorables. Il tend aussi à attribuer à un même instrument des objectifs sans rapport les uns avec les autres et n’ayant, pour certains, aucun effet sur l’assurance chômage – même si l’on peut effectivement accorder de l’intérêt aux contreparties que vous évoquez. Enfin, s’agissant de l’index de l’égalité, le malus proposé est redondant avec des sanctions financières qui existent déjà dans le code du travail. L’avis de la commission sur cet amendement est donc également défavorable.

S’agissant des trois amendements identiques nos 29 rectifié, 57 et 89 rectifié, qui visent à supprimer le bonus sur les contributions d’assurance chômage, nous sommes convaincus que le bonus-malus est un dispositif biaisé. Néanmoins, ce dispositif est gouverné par un principe d’équilibre entre un bonus et un malus, même si les sociétés d’un secteur dit « non vertueux » payent finalement moins que celles d’un secteur dit « vertueux », auxquelles s’appliquera le taux classique de 4,05 % – ce que Raymonde Poncet Monge dénonce souvent. Nous considérons néanmoins, quitte à limiter ce bonus à 0,5 point d’écart, que supprimer le bonus n’est pas une bonne solution.

La commission a donc émis un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.

L’amendement n° 56 tend à fixer le malus à un minimum de deux points, ce qui établirait le taux de cotisation à 6,05 %, versus 5,05 % pour le Gouvernement et 4,55 % pour la commission, qui a par conséquent émis un avis défavorable.

L’amendement n° 32 rectifié a pour objet de limiter les pertes de recettes dues au bonus-malus. Or, comme M. le ministre l’a rappelé, le bonus-malus est régi par un principe d’équilibre. Cet amendement tend à réécrire l’article 2 de manière à garantir que les recettes engendrées par le bonus-malus sur les contributions d’assurance chômage seront au moins 1,5 fois supérieures aux pertes de recettes liées au dispositif. Il implique donc de rendre le malus supérieur au bonus, là encore en supprimant le dispositif adopté par la commission ; notre avis est donc défavorable.

Enfin, s’agissant de l’amendement n° 96 du Gouvernement, monsieur le ministre, je vais prendre quelques minutes pour défendre les positions de la commission.

Le Sénat s’est montré défavorable, de façon constante, au bonus-malus. Nous avons donc choisi de réécrire ce dispositif, considérant qu’il était déjà en application ; je rappelle que l’article 2 vise à éclairer les chefs d’entreprise déjà frappées par le malus ou le bonus depuis le mois de septembre – nous sommes un peu en retard !

Néanmoins, peut-on véritablement considérer, monsieur le ministre, que le bonus-malus a un sens en matière d’emploi ? Selon nous, la réponse est non.

Peut-on considérer que les contrats frappés par ce dispositif sont les bons ? Je me souviens des propos de Mme Pénicaud, alors ministre du travail, qui soulignait que le Gouvernement ne souhaitait pas de contrats d’un jour, de contrats achevés et repris encore et encore pour une même personne. La réponse est donc non ! Le bonus-malus frappe à 90 % l’intérim, si bien que l’on pourrait croire qu’on veut lui faire la peau !

Pensez-vous véritablement – avec Olivier Henno, nous nous sommes souvent posé la question – que la volonté des chefs d’entreprise – des appréciations et des chefs d’entreprise divers peuvent être rencontrés, bien sûr – est d’embaucher des salariés en contrats courts, alors même que les contrats longs permettent une meilleure intégration des salariés dans l’entreprise et qu’il s’agit de secteurs en tension ? Nous pensons que la réponse est non. Nous considérons que ces employeurs n’ont pas le choix et qu’ils sont contraints d’avoir recours, en l’occurrence, à l’intérim.

Cela dit, l’intermittence de l’emploi est-elle un enjeu ? La réponse est oui ! Mais, monsieur le ministre, elle l’est aussi dans la fonction publique d’État. Avant de regarder ce qui se passe dans les entreprises privées, balayons devant notre porte ! Je me permets de le dire, car l’intermittence de l’emploi est un véritable enjeu dans les hôpitaux, parfois aussi à l’Éducation nationale, dans un certain nombre d’Ehpad et enfin dans nombre de collectivités.

C’est pourquoi Olivier Henno et moi-même avons choisi, de façon pragmatique, de ne pas supprimer le bonus-malus, mais de le ramener à une juste proportion, en considérant qu’il ne saurait s’appliquer qu’aux contrats à durée indéterminée de moins d’un mois, hors remplacement, c’est-à-dire en excluant du dispositif l’intérim et les fins de CDI.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement. Cela ne vous surprendra pas, monsieur le ministre !

Mme le président. Je rappelle que le Gouvernement a émis un avis défavorable sur l’ensemble des amendements en discussion, à l’exception de l’amendement n° 96 qu’il a déposé.

Je mets aux voix l’amendement n° 53.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 30 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 29 rectifié, 57 et 89 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 56.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 32 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 96.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 80 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme N. Delattre, MM. Fialaire et Gold, Mmes Guillotin et Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :

Alinéa 8

1° Supprimer les mots :

, y compris celles relatives aux personnes concernées par les fins de contrats prises en compte qui sont inscrites sur la liste des demandeurs d’emploi,

2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ces données sont transmises de manière à respecter l’anonymat des personnes concernées par les fins de contrats.

La parole est à Mme Maryse Carrère.

Mme Maryse Carrère. L’article 2 tend à permettre la transmission aux employeurs par les Urssaf des données nécessaires à la détermination du nombre de fins de contrat prises en compte dans le calcul du bonus-malus sur le taux des contributions d’assurance chômage.

Par cet amendement, nous proposons d’autoriser les Urssaf à ne communiquer aux entreprises que les données nécessaires au calcul du bonus-malus et non les données personnelles. Cela permettrait de concilier l’objectif de transparence vis-à-vis des entreprises dans la fixation de leur taux de contribution à l’assurance chômage, d’une part, et le respect de la vie privée de leurs anciens salariés, d’autre part.

Mme le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 28 rectifié est présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 54 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 8

Supprimer les mots :

, y compris celles relatives aux personnes concernées par les fins de contrat prises en compte qui sont inscrites sur la liste des demandeurs d’emploi,

La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l’amendement n° 28 rectifié.

Mme Monique Lubin. Cet amendement de repli vise à autoriser les Urssaf à communiquer aux entreprises les seules données nécessaires au calcul du bonus-malus et non les données personnelles.

Mme le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 54.

Mme Céline Brulin. Il a le même objet que les deux amendements précédents ; il est donc défendu !

Mme le président. L’amendement n° 55, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Supprimer les mots :

qui sont inscrites sur la liste des demandeurs d’emploi

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Il est également défendu.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. L’article 2 – je l’ai déjà expliqué – vise à éclairer les chefs d’entreprise. Récemment, ceux-ci ont reçu un premier courrier leur indiquant qu’ils étaient « éligibles » au bonus-malus – c’est le terme utilisé –, puis – pour ceux d’entre eux qui étaient frappés par le malus – un second leur précisant que, leur taux de séparation étant supérieur au taux moyen du secteur, ils devaient payer : citons le cas d’une entreprise du département de l’Isère, qui a dû s’acquitter de 150 000 euros ! Or les chefs d’entreprise ne peuvent savoir pour qui ni pour quoi ils payent.

Si l’on veut que ce dispositif soit vertueux, il faut pouvoir éclairer ces chefs d’entreprise. En empêchant de leur transmettre la liste des personnes concernées par ces ruptures de contrat, il est impossible de rendre ce système vertueux, si tant est que ce dispositif perdure.

L’avis de la commission reste inchangé ; il est donc défavorable sur les amendements nos 80 rectifié, 28 rectifié, 54 et 55.