COMPTE RENDU INTÉGRAL

Présidence de Mme Nathalie Delattre

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Jacqueline Eustache-Brinio,

M. Loïc Hervé.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

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Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

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Questions orales

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

devenir des conseillers numériques

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique de Marco, auteure de la question n° 068, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications.

Mme Monique de Marco. Monsieur le ministre, la dématérialisation des services publics s’accélère et les confinements ont aggravé les fractures numériques. Si internet facilite les démarches d’une majorité de Français, 13 millions d’entre eux rencontrent tout de même des difficultés.

Dans le cadre du plan France Relance, le précédent gouvernement a créé, au début de l’année 2021, des conseillers numériques France Services. Ces derniers sont recrutés par la voie de contrats de projet, d’une durée de dix-huit à vingt-quatre mois, financés par l’État à hauteur du Smic. Ils peuvent également bénéficier d’une formation et d’une certification.

Selon vos chiffres, on compterait 4 000 conseillers numériques au sein de 3 000 collectivités locales et associations pour plus de 800 000 accompagnements – ateliers collectifs ou individuels, déplacements au domicile des personnes les moins mobiles.

Les conseillers numériques peuvent se rendre au plus près des personnes les plus éloignées du numérique, ce qui répond à un besoin qui existe encore aujourd’hui, voire qui s’accroît. Or la formation n’est pas toujours adaptée aux missions, le salaire est au minimum et leur situation est précaire.

Aujourd’hui se pose la question de l’avenir de leur contrat, car ni les collectivités ni les associations ne pourront tous les renouveler sur leurs fonds propres.

Vous avez déclaré mobiliser quelque 75 millions d’euros pour maintenir le dispositif – nous n’en avons pas trouvé la trace dans le projet de loi de finances pour 2023 –, alors même que 250 millions d’euros ont été nécessaires pour l’amorcer.

Au vu de la baisse du budget annoncée, comment l’État pourrait-il poursuivre son accompagnement financier des collectivités locales et des associations pour pérenniser ces emplois en 2023 et au-delà ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Madame la sénatrice, le Gouvernement, par la voix de la Première ministre, s’est engagé dans une logique de pérennisation du dispositif des conseillers numériques France Services. L’État continuera donc d’encourager une politique de médiation numérique dont il financera les missions sur plusieurs années.

Après le temps de la relance, nous souhaitons que cette ambition soit véritablement collective, qu’elle associe l’ensemble des acteurs et qu’elle les engage. Les fragilités numériques constituent un enjeu de société auquel nous devons faire face. Pour ce faire, nous devons construire une coalition nouvelle pour pérenniser l’action des conseillers numériques et, plus largement, la médiation numérique.

S’agissant des conseillers numériques, je suis très optimiste – après avoir discuté avec les parties prenantes – à l’idée d’entamer cette phase qui suit la relance. Je trouve que tous les acteurs se sentent concernés par l’enjeu d’association, de montée en charge du dispositif et de meilleure organisation de l’action territoriale des conseillers numériques pour aller vers les publics fragiles.

L’État va débloquer 44 millions d’euros de crédits nouveaux pour ce dispositif, en 2023, qui s’ajoutent aux crédits déjà provisionnés pour les contrats en cours, ce qui aboutit à une contribution totale de l’État d’un montant de 75 millions d’euros.

De plus, nous accompagnerons les coalitions d’acteurs locaux, dont les collectivités, dans la recherche de fonds complémentaires structurels pour recruter et former plus de médiateurs.

Les modalités de cette future politique feront l’objet d’une concertation, dans les prochaines semaines, avec les parties prenantes, comme cela a été annoncé à Lens le 29 septembre dernier, afin de reconduire les contrats dans la durée.

Je souhaite d’ailleurs vous rassurer sur ce point : nous sommes en mesure d’offrir une solution de reconduction des contrats qui arrivent à échéance d’ici au printemps dans les conditions actuelles.

La formation a été un élément majeur du dispositif des conseillers numériques, puisqu’elle était obligatoire et certifiante. Elle a permis de professionnaliser la filière, mais elle a également mis en lumière l’insuffisance de l’offre, que nous voulons bel et bien faire monter en gamme – c’est attendu sur le terrain, vous avez raison de le souligner.

Nous lancerons très prochainement, avec le ministère du travail, l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et la coopérative MedNum, un engagement de développement de l’emploi et des compétences. Concrètement, il s’agira d’un accord conclu entre l’État et des organisations partenaires visant à accompagner l’évolution des emplois et des qualifications.

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique de Marco, pour la réplique.

Mme Monique de Marco. Je vous remercie, monsieur le ministre, de ces informations et de vos engagements.

égalité des droits des élus d’arrondissement

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, auteure de la question n° 132, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Mme Marie-Arlette Carlotti. Monsieur le ministre, ma question concerne la revalorisation des droits des élus d’arrondissement à Paris, Lyon et Marseille.

Si ces élus sont soumis aux mêmes règles et obligations, s’ils ont les mêmes responsabilités que tous les élus de toutes les communes de France, ils n’ont toutefois pas les mêmes droits !

Pour l’essentiel, les règles relatives aux conseillers d’arrondissement sont alignées sur celles qui s’appliquent aux conseillers municipaux.

Cependant, force est de constater que perdurent des inégalités dans l’acquisition de certains droits, notamment ceux qui sont relatifs aux frais de garde, au détachement au titre du mandat d’élu ou encore à la formation et au bilan de compétences.

Par ailleurs, les élus d’arrondissement en situation de handicap ne bénéficient d’aucun droit – eux non plus ! – pour la prise en charge des dépenses d’accompagnement et d’aides techniques.

Lors du débat sur le projet de loi de finances rectificative pour 2022, nous avions souligné qu’il était indispensable d’aligner le régime applicable aux élus d’arrondissement sur celui des conseillers de Paris ou des conseillers municipaux de Lyon et de Marseille. D’ailleurs, à l’occasion de la discussion en séance de l’amendement déposé par le groupe socialiste, M. Bruno Le Maire s’était engagé – ici même ! – à reprendre cette proposition dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023.

Monsieur le ministre, allez-vous tenir cet engagement et enfin garantir l’équité entre l’ensemble des élus locaux ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Madame Carlotti, je vous remercie de votre question.

Tout d’abord, il doit être précisé que certains avantages des élus communaux, à l’instar des majorations indemnitaires et des majorations de la durée des crédits d’heure, ne sont offerts qu’à certaines communes. C’est le cas des communes chefs-lieux, sinistrées, classées en stations de tourisme, mais également de celles dont la population a augmenté à la suite de travaux publics d’intérêt national et de celles qui sont attributaires de la dotation de solidarité urbaine (DSU) ou de la dotation d’aménagement des communes d’outre-mer (DACOM).

Si ces dispositions devaient être étendues aux conseillers d’arrondissement, elles ne leur seraient toutefois pas systématiquement applicables.

Ensuite, l’extension d’autres avantages aux élus d’arrondissement soulève des difficultés opérationnelles. À ce titre, l’ouverture pour le maire d’arrondissement et ses adjoints du droit à l’allocation différentielle de fin de mandat (ADFM) se heurte au fait que cette allocation est financée par un fonds alimenté par les cotisations versées par les collectivités territoriales concernées. Or les arrondissements ne sont pas des collectivités territoriales distinctes de la commune et ne cotisent donc pas au Fonds d’allocation des élus en fin de mandat (FAEFM).

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, pour la réplique.

Mme Marie-Arlette Carlotti. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Je souligne toutefois que les élus d’arrondissement de Paris, Lyon et Marseille devraient être traités de la même manière que les autres élus, car, comme eux, ils sont élus au suffrage universel direct.

Monsieur le ministre, pouvez-vous regarder de nouveau s’il est envisageable de donner une suite favorable à notre demande, qui tient vraiment à cœur aux élus locaux, au moment même où ils ont véritablement besoin de soutien.

suppression de la part de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises dévolue aux départements et aux communes

Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Cardon, auteur de la question n° 112, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Rémi Cardon. Monsieur le ministre, après avoir procédé à la suppression de la part de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) dévolue aux régions, soit un allègement fiscal de l’ordre de 7,2 milliards d’euros par an, le Gouvernement a annoncé vouloir supprimer la part restante de CVAE destinée aux intercommunalités et aux communes, ce qui représente un nouveau manque à gagner de 7 milliards d’euros.

Si cette suppression est mise en œuvre, ce produit de CVAE sera très probablement remplacé par un nouveau transfert de recettes de TVA aux collectivités territoriales.

Il s’agit là de la poursuite de votre processus d’érosion de la fiscalité locale, après la suppression de la taxe d’habitation et la réduction de la cotisation foncière des entreprises (CFE). Nos collectivités sont victimes d’une recentralisation de leurs ressources, qui s’appuie sur une philosophie néolibérale qui ne croit pas à l’efficacité de la décentralisation, comme si, monsieur le ministre, les élus locaux n’étaient pas aptes à gérer leurs finances publiques.

La CVAE représente environ 14 milliards d’euros fléchés directement vers les collectivités locales. Elle leur permet d’assurer à la fois leur fonctionnement et l’exercice de leurs compétences en matière sociale, économique, de transports ou encore d’éducation.

Monsieur le ministre, dans un contexte où notre déficit public atteint des sommets, l’État est-il réellement en mesure de supporter durablement une compensation intégrale et dynamique de la CVAE due aux départements et au bloc communal ? Comment comptez-vous garantir que cette compensation ne soit pas rapidement obsolète et déconnectée de la réalité de l’activité économique du territoire ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Monsieur le sénateur Rémi Cardon, conformément aux engagements pris par le Président de la République et le Gouvernement, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises sera totalement supprimée.

Cette mesure s’inscrit dans le cadre des objectifs de soutien à l’activité économique, de reconquête industrielle et d’allègement des impôts de production commencé en 2021 dans le cadre du plan de relance.

En cohérence avec la stratégie de maîtrise des finances publiques, la CVAE sera réduite de moitié en 2023 et totalement supprimée en 2024.

La perte de recettes induite pour les collectivités territoriales en raison de cette suppression sera compensée dès le 1er janvier 2023 par l’affectation d’une fraction de TVA, ce qui leur permettra de bénéficier d’une recette pérenne et dynamique, qui évolue en lien avec l’inflation.

Par ailleurs, un amendement présenté par le Gouvernement à l’article 5 du projet de loi de finances pour 2023 vise à élargir la période de référence permettant de calculer la fraction de TVA affectée aux collectivités à l’année 2023. Il s’agit ainsi de tenir compte du dynamisme des recettes de la CVAE que les collectivités auraient dû percevoir l’année prochaine. Le montant de la compensation pour chaque collectivité locale sera ainsi déterminé sur la base d’une moyenne quadriennale de leurs recettes de CVAE calculée sur les années 2020, 2021, 2022 et 2023.

En outre, l’incitation pour les communes et les intercommunalités à attirer de nouvelles activités économiques sur leur territoire sera maintenue. À cette fin, la dynamique annuelle de la fraction de TVA sera affectée à un fonds national d’attractivité économique des territoires dont les modalités de répartition, qui tiennent compte du dynamisme économique respectif des territoires, seront arrêtées à l’issue d’une concertation avec les collectivités locales.

Ce dispositif est ainsi de nature à répondre à votre interrogation concernant une éventuelle obsolescence de la compensation par rapport à la réalité de l’activité économique du territoire.

Dans le cadre de la concertation menée avec l’Assemblée des départements de France (ADF), les départements n’ont pas souhaité intégrer ce dispositif.

Par conséquent, chaque département bénéficiera de la dynamique de TVA associée à la fraction dont il bénéficie, sur le modèle de la fraction affectée aux régions depuis 2021.

Enfin, la perte de recettes découlant de la suppression des frais de gestion de la CVAE au bénéfice des régions sera compensée à ces collectivités par l’institution d’une dotation budgétaire dont le montant sera égal au montant des frais perçus par celles-ci en 2022.

Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Cardon, pour la réplique.

M. Rémi Cardon. Monsieur le ministre, vous mettez progressivement les collectivités sous tutelle financière !

Je comprends par ailleurs que les impôts payés par les ménages vont financer les impôts de production… C’est bien le problème que pose votre philosophie, monsieur le ministre !

soutien aux collectivités territoriales face aux augmentations de l’énergie et du point d’indice

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, auteur de la question n° 137, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics.

M. Jean-Marc Todeschini. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi de finances rectificative pour 2022 prévoit des conditions cumulatives pour que les collectivités territoriales puissent bénéficier du dispositif de soutien voté par les parlementaires.

Ainsi, les collectivités doivent cumuler une épargne brute à la fin de 2021 inférieure à 22 % de leurs recettes réelles de fonctionnement et une baisse de cette épargne brute de plus de 25 % durant l’année 2022.

Je souligne également que l’effet couperet de ces seuils cumulatifs va placer nombre de collectivités hors de tous les dispositifs de soutien souhaités par le Parlement.

Enfin, je constate que les critères retenus permettent à des collectivités au potentiel fiscal élevé, voire très élevé, mais à la gestion imprudente d’être aidées, alors que celles dont le potentiel fiscal est très faible, mais qui sont bien gérées par leurs élus successifs, ne pourront recevoir aucune aide. Ainsi, celles-ci risquent de voir leur potentiel fiscal très fortement grevé en raison de l’augmentation – indispensable – du point d’indice et, plus encore, du renchérissement des coûts de l’énergie et des denrées alimentaires.

Le potentiel fiscal par habitant, supérieur ou non à la moyenne de la strate démographique, ainsi que l’effort fiscal ne seraient-ils pas des critères permettant une meilleure répartition des aides voulues par le Sénat ?

Aussi, quelles sont, selon vous, les solutions possibles pour que les collectivités au potentiel fiscal faible, notamment celles de taille modeste, ne souffrent pas d’un traitement ressenti comme inéquitable, voire ne se retrouvent pas dans des situations budgétaires très précaires, au seuil de l’exercice 2023 ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Monsieur le sénateur Jean-Marc Todeschini, je vous remercie de vos questions.

En ce qui concerne votre première interrogation, au 31 décembre 2021, près de 24 000 collectivités répondaient au premier critère d’éligibilité au dispositif institué par l’article 14 de la loi de finances rectificative (LFR) du 16 août 2022, car leur épargne brute a représenté moins de 22 % de leurs recettes réelles de fonctionnement.

En ce qui concerne les seuils rendant éligible au dispositif, je précise que l’article 14 de la LFR en prévoit trois. Premièrement, un seuil de fragilité financière représenté par le ratio entre l’épargne brute et les recettes réelles de fonctionnement en 2021, que je viens d’évoquer. Deuxièmement, un seuil de situation financière dégradée pour les collectivités subissant une perte d’épargne brute en 2023 supérieure à 22 %. Troisièmement, un seuil de capacité financière du territoire, matérialisé par un potentiel financier inférieur au double de la moyenne de la strate démographique à laquelle la collectivité appartient.

Ces seuils ont pour objet de concentrer le soutien de l’État sur les communes et les intercommunalités les plus fragilisées financièrement du fait de l’inflation. Un soutien homothétique à toutes les collectivités n’est pas souhaitable, car il conduirait à un saupoudrage de la dotation et aurait pour conséquence un soutien moins important pour les collectivités et établissements les plus affectés par l’inflation.

Enfin, en ce qui concerne le critère du potentiel financier, il convient de souligner que ce dernier appréhende plus justement la richesse relative d’un territoire, dans la mesure où il intègre, en plus du potentiel fiscal, le niveau de la dotation forfaitaire perçu au titre de la dotation globale de fonctionnement (DGF).

Par ailleurs, l’effort fiscal que vous évoquez constitue aujourd’hui un indicateur financier contesté dans la mesure où la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales impose une redéfinition de ses paramètres, ainsi qu’en attestent les travaux menés, depuis 2021, par le Comité des finances locales. C’est pourquoi le Gouvernement a retenu un critère d’éligibilité fondé sur le potentiel financier pour cibler les collectivités territoriales bénéficiaires du dispositif.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour la réplique.

M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le ministre, votre réponse ne peut satisfaire les collectivités, surtout après les annonces confirmées ce matin par le ministre délégué chargé des comptes publics en faveur des entreprises, dont certaines souffrent énormément.

Aujourd’hui, les collectivités dépendent en grande partie des dotations de l’État ; pour les plus modestes des communes, la dépendance est totale – mon collègue Rémi Cardon a évoqué la suppression de la CVAE, qui contribue également à une perte de ressources fiscales propres des communes.

Les maires ont l’impression que la libre administration des collectivités n’est plus véritablement une réalité. Si cela continue, vous allez tuer les collectivités qui représentent pourtant près des trois quarts de l’investissement public !

situation fiscale des ressortissants français travaillant en belgique

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, auteur de la question n° 188, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le ministre, le 10 mars 1964, la France et le Royaume de Belgique ont signé une convention fiscale qui est toujours en vigueur. Cette convention pose, dans son article 10, le principe selon lequel les revenus issus de la fonction publique sont imposables dans l’État payeur.

Toutefois, le troisième alinéa de ce même article 10 prévoit une disposition spéciale. Si une personne travaillant dans la fonction publique possède la nationalité de son pays de résidence sans posséder la nationalité de l’autre État, en l’occurrence la Belgique, alors sa rémunération sera imposable dans son pays de résidence.

En ce sens, une personne travaillant en Belgique, résidant en France et possédant la nationalité française sans avoir la nationalité belge pourra voir sa rémunération issue de la fonction publique belge imposée en France. Ainsi cette disposition protège-t-elle les nationaux français d’une imposition belge vingt à trente fois supérieure.

Afin d’éliminer la double imposition en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune et afin de prévenir de l’évasion et la fraude fiscale, une nouvelle convention a été signée le 9 novembre 2021. Cette nouvelle convention, qui revient sur cette disposition en vigueur depuis près de soixante ans, prévoit désormais que les travailleurs français du secteur public doivent payer leurs impôts en Belgique.

Les frontaliers français sont donc très inquiets de cette nouvelle réglementation au moment où la question du pouvoir d’achat ne peut être éludée. Des centaines de familles sont concernées.

Monsieur le ministre, pouvez-vous apporter une réponse précise à cette situation ? Entendez-vous exclure de l’application de cette convention le personnel public déjà embauché avant la signature ou la ratification de la convention ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Monsieur le sénateur Jean-Pierre Decool, la France et la Belgique ont signé le 9 novembre 2021 une nouvelle convention fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, destinée à remplacer celle actuellement en vigueur, signée le 10 mars 1964.

La nouvelle convention contient de nombreuses avancées favorables à la France et préserve le régime spécial des frontaliers prévu dans le protocole additionnel à l’actuelle convention.

S’agissant des rémunérations de source publique, la convention franco-belge signée le 9 novembre 2021 repose, sauf exception, sur le principe de l’imposition par l’État qui verse les revenus. Ce principe est logique, car les revenus publics sont financés par les ressources publiques, notamment fiscales, de cet État. La rédaction de cette clause, qui est conforme au modèle de l’OCDE, se retrouve couramment dans notre réseau conventionnel et en particulier dans les conventions négociées dernièrement.

C’est pour cela que la nouvelle convention prévoit que les salaires des personnes travaillant en Belgique pour une entité publique belge soient taxés en Belgique, même si ces dernières habitent en France. L’inverse sera également vrai.

S’agissant des personnes résidant en France, seule une catégorie de travailleurs verra son régime d’imposition modifié par les dispositions conventionnelles futures : les résidents français possédant la seule nationalité française, percevant des traitements publics de source belge et exerçant leur activité en Belgique. Ces revenus sont imposables en France en vertu des règles actuellement en vigueur et seront imposables en Belgique par application de la nouvelle convention signée en 2021.

Comme vous le relevez, il existe une différence entre les impôts sur le revenu belge et français, mais la législation en Belgique pourrait évoluer dans un sens plus favorable à l’avenir. Le gouvernement belge a en effet proposé des pistes de réforme.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour la réplique.

M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, à moitié satisfaisante, puisque la décision appartiendra à nos amis belges. Gardons tout de même à l’esprit que, depuis 1964, les Français se sont sentis protégés par cette convention fiscale.

On peut comprendre les craintes, tout à fait légitimes, des familles transfrontalières. Je vous remercie donc d’y porter une attention bienveillante, pour nos familles françaises.

avenir du projet de cité du théâtre à paris xviie

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Dumas, auteure de la question n° 173, adressée à Mme la ministre de la culture.

Mme Catherine Dumas. Madame la ministre, j’attire votre attention sur un projet, acté en octobre 2016, par le Président de la République de l’époque, qui peine à se mettre en place : le projet de la Cité du théâtre dans le XVIIe arrondissement de Paris, qui est directement lié à la réhabilitation des Ateliers Berthier.

Cette Cité du théâtre offrirait au Conservatoire national supérieur d’art dramatique (CNASD), au Théâtre national de l’Odéon et à la Comédie-Française des capacités de représentation, de stockage, de répétition et d’accueil du public en cohérence avec leurs ambitions artistiques internationales, nationales et municipales. Un groupement d’intérêt public (GIP), ayant vocation à conduire ce projet, réunit, depuis 2019, l’État et ces trois institutions culturelles. La Ville de Paris a également montré son grand intérêt pour ce projet au travers d’un vœu relatif à la reconversion des Ateliers Berthier en une Cité du théâtre adopté par le Conseil de Paris à l’unanimité à la fin de l’année 2021.

Le déménagement indispensable des activités de l’Opéra Garnier était prévu et financé dans le budget 2022. La ligne budgétaire non utilisée est portée de 9 millions à 11 millions d’euros dans le budget 2023.

Madame la ministre, est-ce le signe que le projet de Cité du théâtre va enfin pouvoir être concrétisé au bénéfice de la culture, de Paris et du XVIIe arrondissement ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture. Chère Catherine Dumas, le projet de Cité du théâtre a été décidé en octobre 2016 afin de réunir le Conservatoire national supérieur d’art dramatique, le Théâtre national de l’Odéon et la Comédie-Française et relier au sein de ce nouveau pôle commun la formation, la création et la diffusion.

Ce projet, confirmé en 2017 par Françoise Nyssen, alors ministre de la culture, a avancé grâce aux travaux d’une mission de programmation, au dialogue compétitif qui a sélectionné la maîtrise d’œuvre, à la création d’un GIP et à la réalisation d’études par la maîtrise d’œuvre.

Mais, voilà, six ans après, le coût du projet n’est pas celui qui avait été fixé en 2016, il s’élevait alors à 86 millions d’euros, hors coût du foncier, tandis que l’avant-projet sommaire (APS) remis par les architectes s’élève à 141 millions d’euros, soit un dépassement de 55 millions d’euros.

Dans ces conditions, nous avons missionné un expert indépendant afin de disposer d’un scénario se rapprochant de l’épure budgétaire initiale ; ce dernier a présenté quatre scénarios qui ont été examinés en lien avec les institutions concernées. Nous prendrons prochainement une décision pour choisir l’un de ces scénarios tout en tenant compte de l’avis de chacune des trois institutions et des chiffrages complémentaires qui ont été nécessaires.

Nous devrons également réaliser une évaluation précise des surfaces à acquérir auprès de la Ville de Paris pour déterminer, avec les services compétents, la valeur foncière associée pour le site des Ateliers Berthier.

Je vous remercie de votre mobilisation. Vous êtes nombreux à me parler régulièrement de ce projet emblématique qui nous tient à cœur – je pense au maire du XVIIe arrondissement Geoffroy Boulard, à la députée de la 3circonscription de Paris Caroline Yadan et à mon collègue Stanislas Guerini avec qui j’en discutais encore hier…