Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Loïc Hervé, rapporteur. En voulant supprimer cet article, MM. Durain et Benarroche s’opposent à l’extension des prérogatives des agents de police judiciaire introduite en commission.

Nous avons prévu que l’ensemble des actes réalisés par les APJ seront effectués sous le contrôle des OPJ. En augmentant leurs prérogatives, nous permettons une organisation des investigations plus souple et plus efficace.

La commission est défavorable à ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis !

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 44 et 65.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L’amendement n° 230, présenté par MM. L. Hervé et Daubresse, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Remplacer les mots :

des articles 100-4 et 100-5

par les mots :

de l’article 100-4

La parole est à M. le rapporteur.

M. Loïc Hervé, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 230.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 13 bis, modifié.

(Larticle 13 bis est adopté.)

Chapitre III

Améliorer la réponse pénale

Article 13 bis (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur
Article 14

Avant l’article 14

Mme la présidente. L’amendement n° 135 rectifié, présenté par Mmes Gacquerre et Thomas, M. Bonneau, Mmes Billon et Loisier, MM. Laugier, Delahaye, Détraigne et Guerriau, Mme V. Boyer, M. Wattebled, Mme Benbassa, MM. Decool, Moga et Verzelen, Mme Morin-Desailly, M. Henno, Mme N. Delattre, M. Bouchet, Mme Férat, MM. Laménie, Guérini, Chasseing et Somon, Mme Phinera-Horth, MM. Grand, S. Demilly et Gremillet et Mme Létard, est ainsi libellé :

Avant l’article 14

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 40-1 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Sous réserve des conditions prévues au premier alinéa du présent article, lorsque les faits portés à sa connaissance en application des dispositions de l’article 40 ont été commis par l’une des personnes visées à l’article 132-80 du code pénal, le procureur de la République prend sa décision dans un délai de six semaines. »

La parole est à Mme Annick Billon.

Mme Annick Billon. Cet amendement, proposé par notre collègue Amel Gacquerre, vise à améliorer la prise en charge des victimes en posant un délai maximal de six semaines entre le dépôt de plainte et les suites données par le parquet, qu’il s’agisse d’un renvoi devant le tribunal correctionnel, d’une mesure alternative aux poursuites ou d’un classement sans suite.

Trop souvent, les victimes sont confrontées à une attente de plusieurs mois, qui les place dans une situation de danger maximal. Les violences d’un mari ou d’un concubin violent apparaissent ou réapparaissent après le dépôt de plainte de la victime.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Loïc Hervé, rapporteur. Cet amendement est intéressant. Tout comme ceux de Mme Rossignol ou de M. Bazin précédemment, il pose question au rapporteur que je suis.

Toutefois, je ne suis pas persuadé que la réponse apportée par ses auteurs soit opportune. En outre, à ce moment de la discussion, nous n’avons la capacité ni d’en évaluer la portée ni d’entendre les personnes éventuellement concernées – je pense notamment aux procureurs de la République, qui se verraient imposer de nouvelles obligations en termes de délais.

Les auteurs de cet amendement posent la question de la motivation de la décision et de la célérité de la justice. Encore une fois, je regrette que nous n’ayons pu auditionner les procureurs de la République, même si je m’interroge sur le véhicule législatif approprié. Les parlementaires en mission pourront sans doute se saisir de ces questions.

Nous devons assigner aux magistrats des objectifs tenables. Mme Gacquerre proposait quinze jours en commission ; désormais, elle propose six semaines. Ce délai serait-il tenable dans les parquets ?

Par ailleurs, il me semble que l’absence de dispositif coercitif rend ce délai tout à fait théorique : si le délai n’est pas tenu, il n’y aura aucune sanction – et s’il devait y en avoir une, quelle en serait la nature ?

Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis, madame la présidente.

Mme la présidente. Madame Billon, l’amendement n° 135 rectifié est-il maintenu ?

Mme Annick Billon. Après avoir entendu les explications du rapporteur, je vais retirer cet amendement.

Mme Vérien me confirme qu’elle examinera cette question, avec sa collègue députée, dans le cadre de la mission sur le traitement judiciaire des violences intrafamiliales.

Mme la présidente. L’amendement n° 135 rectifié est retiré.

Article additionnel avant l'article 14 - Amendement n° 135 rectifié
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur
Article additionnel après l'article 14 - Amendement n° 160 rectifié

Article 14

I. – Le code pénal est ainsi modifié :

1° L’article 313-5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l’infraction visée au 3°, l’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 300 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 250 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 600 euros. » ;

2° L’article 322-1 est ainsi modifié :

a) Au début des premier et second alinéas, sont ajoutées respectivement les mentions : « I » et « II » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« L’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 200 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 150 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 450 euros. » ;

3° L’article 431-22 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 500 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 400 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 1 000 euros. »

II (nouveau). – Le code des transports est ainsi modifié :

1° L’article L. 2242-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 300 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 250 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 600 euros. » ;

2° L’article L. 3315-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 500 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 400 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 1 000 euros. »

III (nouveau). – Le code rural est ainsi modifié :

1° L’article L. 215-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 200 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 150 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 450 euros. » ;

2° Le I de l’article L. 215-2-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 300 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 250 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 600 euros. »

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 39 est présenté par M. Durain, Mme de La Gontrie, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et Gillé, Mme G. Jourda, M. Jacquin, Mmes Carlotti, Conconne et Artigalas, MM. Cardon et Cozic, Mmes Le Houerou, Meunier, Monier et Rossignol, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 53 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste –Solidarité et Territoires.

L’amendement n° 170 rectifié est présenté par MM. Favreau, Belin, J.B. Blanc, D. Laurent, Cuypers et Savary, Mme Dumont, MM. Laménie, Gremillet et Houpert, Mme Goy-Chavent, M. Genet, Mme Garriaud-Maylam et MM. Cambon, Longuet et Somon.

L’amendement n° 197 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jérôme Durain, pour présenter l’amendement n° 39.

M. Jérôme Durain. Les amendes forfaitaires délictuelles (AFD) sont un sujet important. Leur généralisation pose des questions de principe. Pour connaître, comme d’autres, le retour des acteurs de terrain, nul ne conteste qu’elles rendent bien des services à certains policiers. Pour autant, on ne peut ignorer que leurs taux de recouvrement ne sont pas très probants.

Les questions de principe posées par ces amendes poussent un certain nombre d’organismes ou d’institutions sérieuses comme la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) à émettre des critiques sur le dispositif, susceptible de mettre à mal le principe d’égalité devant la justice, de priver le justiciable de garanties assez fondamentales telles que le respect du contradictoire, l’individualisation de la peine, qui permet de tenir compte de la personnalité de l’auteur de l’infraction, de sa situation sociale et économique, le recours éventuel à des mesures alternatives par le procureur de la République et d’exposer les justiciables à un réel risque d’arbitraire.

Nous apprécions le travail des rapporteurs, qui ont restreint le champ initial du texte. Le Gouvernement a présenté hier, en commission, un amendement visant à proposer une série complémentaire de délits éligibles aux AFD.

Cet amendement d’appel, qui tend à demander la suppression de cet article, vise à faire écho à certaines interrogations d’acteurs de terrain, qui nous ont vivement incités à ne pas vous suivre dans cette voie.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 53.

M. Guy Benarroche. L’article 14 a pour objet d’étendre l’amende forfaitaire délictuelle à certaines infractions. Si nos rapporteurs se sont opposés, en commission, à la généralisation de l’AFD, l’extension de ce dispositif, même limitée à des infractions clairement identifiées, pose question.

Tout d’abord, cette extension relève d’une justice de moins en moins individualisée.

Dans son avis du 10 mars 2022, le Conseil d’État regrette l’absence de toute évaluation préalable à la mise en place de l’AFD en France. Il s’agit pourtant d’un sujet important.

Je comprends que le Gouvernement souhaite aller vite, mais le pragmatisme et la célérité ne peuvent justifier l’absence d’évaluation des politiques publiques avant leur généralisation, d’autant plus que cette situation devient de plus en plus fréquente et donc gênante.

S’agissant, par exemple, des contentieux relatifs à l’usage de stupéfiants, M. le ministre nous a donné quelques chiffres. Cela étant dit, la question se pose de savoir si ce dispositif a un effet sur la prévention, sur la pratique des consommateurs de stupéfiants, ce qui entraînerait, de facto, un effet sur le trafic. Or les études semblent montrer que ce ne soit pas le cas. Ce manque d’évaluation complique les choses…

Par ailleurs, ce mécanisme très particulier fait courir un risque d’arbitraire et d’inégalité. Les agents verbalisateurs devront seuls s’assurer que les conditions pour verbaliser sont remplies et apprécier l’opportunité de verbaliser : il y a donc un fort risque de discrimination, de rupture du principe d’égalité devant la justice et de rupture d’équité entre les justiciables dans la constatation et la poursuite des infractions pénales.

Il ne faut pas oublier que c’est au procureur qu’il revient de juger de l’opportunité des poursuites en matière pénale, selon les dispositions de l’article 40-1 du code de procédure pénale.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Favreau, pour présenter l’amendement n° 170 rectifié.

M. Gilbert Favreau. Je fais miens les différents arguments qui viennent d’être développés pour demander la suppression de cet article.

J’ajouterai que ce dernier présente un vice majeur : on parle ici d’une « amende forfaitaire délictuelle » et ce qui permet de distinguer, en droit pénal, une contravention d’une amende, c’est l’élément intentionnel. L’intention n’est pas à prouver pour dresser une contravention ; en matière délictuelle, c’est nécessaire. Or, à la lecture des infractions listées dans cet article, je vois mal comment l’élément intentionnel sera établi et donc comment il sera possible de condamner. C’est surtout pour cette raison que je considère que cet article ne doit pas prospérer.

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 197.

Mme Éliane Assassi. Notre amendement vise également à s’opposer à la généralisation de l’amende forfaitaire délictuelle à l’ensemble des délits simples punis d’une peine d’amende ou d’un an d’emprisonnement.

Dans son avis du 10 mars dernier, le Conseil d’État s’est opposé à la généralisation de l’AFD au nom de l’égalité devant la justice. Le Conseil a ainsi mis en exergue que le choix de recourir ou non à l’amende forfaitaire reposera sur l’appréciation des agents verbalisateurs. Il en résultera inévitablement, en l’absence d’encadrement, un risque d’arbitraire et de disparités de traitement contraire au principe d’égalité devant la justice.

Pour autant, le Gouvernement n’a pas supprimé cette disposition.

Selon nous, la procédure d’amende forfaitaire délictuelle comporte un risque de discrimination. La CNCDH a ainsi récemment souligné que l’AFD privait les justiciables des garanties fondamentales qu’offre la procédure judiciaire en déléguant aux agents de police une fonction qui relève en principe de l’autorité judiciaire. Dès lors, le justiciable ne bénéficie plus des garanties fondamentales telles que le respect du principe du contradictoire, l’individualisation de la peine – pour tenir compte de la personnalité de l’auteur de l’infraction et de sa situation sociale et économique – ou encore le recours à des mesures alternatives par le procureur de la République. Ainsi, l’amende forfaitaire fait fi du principe d’opportunité de la peine.

Il s’agit d’une procédure de masse, systématisée, qui ne fonctionne déjà pas pour la régularisation des délits.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Loïc Hervé, rapporteur. Madame la présidente Assassi, nous pourrions tenir un débat sur le principe même des amendes forfaitaires délictuelles, mais entendre que l’adoption de ce projet de loi risquerait d’entraîner la généralisation de ce dispositif ne me paraît pas correspondre à la réalité.

Le droit positif compte aujourd’hui une dizaine d’AFD : certaines fonctionnent très bien, d’autres posent de vraies difficultés opérationnelles – nous y reviendrons plus tard à l’occasion de l’examen d’un amendement de notre collègue Sylviane Noël.

Il est prévu de faire passer le nombre d’infractions concernées à vingt-quatre : la commission en propose sept nouvelles, un amendement du Gouvernement en ajoute sept autres. Ce n’est pas ce que j’appelle une généralisation, sachant que, dans sa rédaction initiale, le texte portait sur les quelque 3 400 infractions sanctionnées d’au moins un an de prison ferme ! Le Parlement aurait alors perdu sa capacité de décider quelles infractions précises peuvent donner lieu à une éventuelle amende forfaitaire délictuelle, qui reste sous le contrôle des parquets. À cet égard, les droits des personnes mises en cause sont totalement garantis.

Ce dispositif nous a semblé, à Marc-Philippe Daubresse et à moi-même, parfaitement proportionné. À l’avenir, il nous sera possible, en fonction de l’expérience du terrain, de retirer ou d’ajouter de nouvelles amendes forfaitaires délictuelles.

M. Loïc Hervé, rapporteur. L’AFD qui fonctionne le mieux concerne la consommation de stupéfiants : 260 000 par an ! Il est heureux que nos tribunaux ne soient pas engorgés par ces procédures, ce qui permet de soulager concrètement la justice de notre pays.

La commission est défavorable à ces amendements de suppression.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Cet article important complète la partie consacrée à la simplification de la procédure pénale de ce projet de loi, dont l’essentiel des articles, hors partie cyber et rapport annexé, concernent l’investigation.

Sans faire de politique politicienne, j’avoue avoir du mal à comprendre la question philosophique portant sur le bien-fondé des amendes forfaitaires délictuelles, qui ont été instituées par d’autres gouvernements que le nôtre. Suivez mon regard… Pourquoi cette question serait-elle vérité ici et erreur au-delà ?

Regardons les choses de manière pragmatique. Les amendes forfaitaires délictuelles existent depuis longtemps en matière de sécurité routière, par exemple, et depuis quelques années seulement pour un nombre de délits assez simples tels que la consommation de stupéfiants sur la voie publique.

À cet égard, monsieur Favreau, il me semble que les conditions d’encadrement de l’amende devraient vous rassurer : la personne concernée doit avoir plus de 18 ans, être française, ne pas être récidiviste, reconnaître le délit – il y a donc bien respect du contradictoire, madame Assassi, raison pour laquelle le Conseil d’État valide cette procédure – et avoir commis un délit objectivable sans acte d’enquête. En outre, une circulaire pénale, prise parquet par paquet, doit expliquer les conditions d’application de l’amende.

Pour ces raisons, monsieur le sénateur, je n’ai pas compris votre démonstration sur la différence entre contravention et délit. Toutes les procédures d’AFD sont encadrées. Dès lors, pourquoi déposer un amendement de suppression ? Discutons plutôt de la liste des amendes forfaitaires délictuelles qui vous sembleraient ne pas reposer sur la reconnaissance de l’infraction ou sur un délit objectivable.

Les délits concernés par les AFD seront les suivants : les intrusions non autorisées dans une école, pour lesquelles il n’y a pas besoin d’acte d’enquête particulier ; les délits en matière de chiens d’attaque – ceux qui sont élus locaux le savent, ce sont des cas très complexes pour lesquels il est difficile d’obtenir des condamnations – ; les atteintes à la circulation des trains – certains, en région parisienne ou en région lyonnaise, sont en attente d’une telle mesure – ; les filouteries aux carburants, dans les hôtels, les taxis ou les restaurants. On vous proposera également tout à l’heure l’exercice illégal de l’activité d’exploitant de taxi, délit qui, pour être caractérisé, ne demande pas non plus de longues enquêtes, puisqu’il suffit de présenter sa carte de taxi !

Il s’agit donc de délits parfaitement objectivables et ne demandant pas d’investigations particulières ou complexes. Pourtant, ils « embolisent » la procédure pénale.

Reprenons la belle formule de Cesare Beccaria : ce qui compte, c’est non pas la sévérité de la peine, mais sa certitude. Ainsi, sans certitude de recevoir la peine, celle-ci ne sert à rien. Pour des délits qui nous paraissent mineurs, mais qu’il faut poursuivre – sinon, supprimons-les du code pénal, mais le législateur veut les conserver ! –, que faisons-nous face à l’absence ou à la quasi-absence de sanctions dans la vie réelle ?

J’ai pris l’exemple, à cette tribune, de la consommation de stupéfiants. Chacun le sait, personne n’était condamné à la prison ferme pour avoir consommé un joint sur la voie publique ! Pour autant, est-il souhaitable de consommer un joint sur la voie publique ? Nous avons majoritairement considéré que tel n’était pas le cas. Restait la question de la sanction ! Sinon, comme le disait ma grand-mère, autant faire quelque chose dans un violon… (Sourires.) Or nous sommes en recherche d’efficacité.

On ne peut pas dire, monsieur le sénateur, que les délits pour lesquels nous vous proposons la possibilité d’appliquer une amende forfaitaire délictuelle soient aujourd’hui particulièrement poursuivis et donnent lieu à des sanctions ou des actes de justice. Ils « embolisent » la vie des commissariats et des brigades de gendarmerie. Or les parquets doivent se concentrer sur les délits les plus graves, qui méritent des actes d’enquête poussés.

Le Gouvernement a accepté de boire le vin coupé par l’eau du Sénat ! Le Président de la République avait en effet évoqué la généralisation de l’AFD pour les infractions passibles d’une peine inférieure à un an de prison – c’est l’une des conclusions du Beauvau, monsieur le sénateur. Jusqu’à 3 900 délits étaient concernés par ces AFD. Le Conseil d’État a considéré qu’il fallait soit une liste d’infractions, soit des critères de sélection. MM. les rapporteurs ont préféré retenir la liste. Nous sommes ainsi passés de 3 900 cas de figure à sept…

M. Loïc Hervé, rapporteur. Sept plus sept !

M. Gérald Darmanin, ministre. Nous sommes vraiment là dans le détail ! Nous proposons quelques cas supplémentaires, et le débat fera sans doute naître d’autres propositions, par exemple à l’Assemblée nationale. En passant à une vingtaine d’AFD, on ne peut pas dire qu’on généralise ! Nous procédons plutôt à une non-généralisation !

La grande question est la suivante : ces AFD fonctionnent-elles ? La réponse est « oui » pour ce qui concerne la sécurité routière. Plus un seul policier ou gendarme ne voudrait revenir à la situation antérieure aux AFD en la matière ! Elles fonctionnent également dans le domaine de la consommation de stupéfiants, avec 260 000 AFD infligées chaque année.

Ces AFD fonctionnent différemment selon le type d’infraction. Comme j’ai eu l’occasion de le dire à M. le rapporteur Loïc Hervé, l’AFD que vous avez prévue dans le cadre de la loi de réforme de la justice défendue par Mme Belloubet, pour ce qui concerne l’occupation illicite d’un terrain par un certain nombre de véhicules motorisés – je ne veux pas citer uniquement les gens du voyage, qui étaient visés par le législateur –, fonctionne très moyennement, dans la mesure où il faut reconnaître l’infraction. Or il est rare que la personne qui installe un campement illégal le reconnaisse.

Que dit le policier ou le gendarme : « Si vous ne reconnaissez pas l’infraction, nous vous présenterons devant le procureur de la République. » C’est complètement différent de la situation suivante : « Vous ne reconnaissez pas l’infraction, je ne peux rien faire, et je me tourne vers les élus en leur disant qu’ils devront prendre leur mal en patience ou bien engager une longue procédure, à moins que les caravanes n’aient entre-temps quitté les lieux. »

L’AFD est un outil permettant le contradictoire, ainsi qu’une amende pénale s’inscrivant au TAJ, le traitement d’antécédents judiciaires, ce qui peut permettre de découvrir un certain nombre de choses. Par exemple, pour ce qui concerne la consommation de cannabis ou de cocaïne, le nombre des AFD peut permettre de constater que la personne souffre d’une addiction particulière et n’est pas un simple consommateur. Le juge peut ainsi estimer que celle-ci doit engager des soins.

Je relève également un manque de connaissance du fonctionnement de l’AFD. Après son adoption, nous demanderons à l’Antai, l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions, de la mettre en place. Si les policiers constatent que vous exploitez illégalement un taxi et que vous reconnaissez l’infraction, vous préférerez, le plus souvent, payer l’amende plutôt que d’aller 24 heures ou 48 heures en garde à vue. Vous pourrez bien évidemment contester cette amende.

Surtout, il existe un deuxième contrôle. Nous avons construit l’AFD en fonction de la procédure pénale du procureur du territoire, qui peut d’ailleurs la territorialiser en fonction du danger. Il est certain que l’exercice illégal de l’activité de chauffeur de taxi, sans vouloir entrer dans la politique pénale des procureurs de la République, est plus grave à Paris qu’il ne l’est à Tourcoing ! Car on ne peut pas dire que la filouterie à l’exercice illégal de l’activité de taxi soit le danger premier de la délinquance tourquennoise. Une telle territorialisation me paraît constituer une politique pénale intelligente.

Par ailleurs, le procureur de la République de Rennes, qui reçoit toutes les AFD envoyées par les forces de l’ordre, vérifie que ces dernières sont conformes à la circulaire et à la volonté du législateur. Par conséquent, un certain nombre d’AFD « sautent », une fois transmises au parquet numérique de Rennes.

Ainsi, contrairement à d’autres procédures, deux procureurs vérifient ce qui se passe : celui qui fait la circulaire pénale et celui qui vérifie que les policiers et les gendarmes ont respecté le cadre de l’amende, dans le respect des règles de l’art.

Toutes vos critiques sur les AFD, selon moi, ne tiennent pas. En revanche, on peut constater, comme je vais le faire dans le cadre d’un amendement que je m’apprête à présenter, que tel ou tel délit ne doit pas entrer dans ce champ, parce que vous considérez soit qu’il n’est pas facilement objectivable, ce que l’on peut entendre, soit qu’il ne faut pas passer en amende forfaitaire quelque chose relevant de la réponse pénale classique.

M. le rapporteur et moi-même avons débattu de la question suivante : convient-il d’intégrer le port d’armes blanches, de couteaux, aux amendes pénales ? On le sait tous, les couteaux pullulent aujourd’hui, mais il est bien évidemment impossible d’en interdire – ce qui serait absurde – la vente. Faut-il, pour permettre aux policiers et aux gendarmes de réguler le nombre de couteaux circulant sur la voie publique, intégrer son port aux amendes délictuelles ou bien faire traiter les cas par un OPJ et un enquêteur, même si, il faut bien l’avouer, il y a très peu de réponses pénales concernant les porteurs de couteaux n’ayant commis aucun acte ? On peut avoir oublié de ranger son couteau de cuisine quand on se balade dans la rue !

Ce n’est pas trahir un secret, monsieur le rapporteur, que de dire que vous n’étiez pas très favorable à ce que nous vous proposions une AFD en la matière. C’est un débat intéressant ! Car c’est non pas l’outil AFD qu’il faut combattre, mais les différents délits.

Telles sont les raisons pour lesquelles, madame la présidente, j’émets un avis défavorable sur ces quatre amendements. Nous pourrons ensuite entrer dans le vif du sujet, à savoir la liste des délits pouvant faire l’objet d’une AFD – je vous renvoie à l’amendement n° 233 du Gouvernement.