Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur les conclusions du rapport d’information Transformer lessai de linnovation : un impératif pour réindustrialiser la France.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à quinze heures cinquante-trois.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

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Quelle place donner aux acteurs du médico-social dans l’organisation des soins de demain sur nos territoires ?

Débat organisé à la demande du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, le débat sur le thème : « Quelle place donner aux acteurs du médico-social dans l’organisation des soins de demain sur nos territoires ? »

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

À l’issue du débat, l’auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.

Dans le débat, la parole est à Mme Patricia Schillinger, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Patricia Schillinger, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la crise sanitaire a exacerbé les faiblesses de l’hôpital public, où le manque de lits ne constitue que la partie émergée de l’iceberg.

Nous en avons parlé longuement lors de notre débat mardi : les difficultés éprouvées par le secteur sanitaire, au plus fort de la crise, pour répondre à la demande de soins, témoignent de la défaillance plus large à laquelle fait face, comme dans tant d’autres pays voisins, notre système de santé.

La Nation a pu, à cette occasion, témoigner sa reconnaissance au personnel soignant et hospitalier, en première ligne face à la covid-19. Les personnels des établissements médico-sociaux se sont également mobilisés pour maintenir la continuité du lien et des accompagnements, que la situation menaçait de mettre gravement en péril. Ils ont été centraux pour tout notre système de soins – sanitaires et sociaux – si cher à nos valeurs et à notre histoire.

La crise sanitaire a suscité dans l’urgence des solidarités nouvelles et a encouragé la mise en œuvre de prises en charge innovantes. C’est dans les crises que nous sommes le plus créatifs, que les barrières s’abaissent et que les collaborations se lient. Une fois encore, la pandémie nous a démontré la véracité de cette idée. Au moment où il nous faut tirer les enseignements de la crise sanitaire et repenser l’organisation des soins pour la rendre plus efficace, le groupe RDPI a jugé pertinent que nous nous interrogions sur la place que pourraient occuper les acteurs du médico-social dans la nouvelle organisation des soins de demain.

Trop souvent, un regard inquiet se porte sur l’hôpital et sur la médecine de ville, considérés comme uniques garants de la continuité des soins. Ceux-ci sont essentiels, c’est certain, et notre groupe saura, dans les mois prochains, défendre avec vigueur leur rôle. Mais ils ne sont pas les seuls pour résoudre le problème grandissant des zones sous-dotées ; ils ne sont pas les uniques relais pour assurer la prévention. Le secteur du médico-social et tous les professionnels qu’il comprend sont au cœur de notre politique du soin dans toute sa pluralité et sa complexité.

Ses acteurs interviennent dans des domaines variés, tels que celui de l’enfance, du plus grand âge, du handicap, de la protection maternelle et infantile, auprès de personnes en grande difficulté sociale et de santé, ou encore dans le cadre de la protection des majeurs. Il joue un rôle déterminant dans notre société. Un rôle économique, d’abord, en libérant du temps pour les aidants salariés ou en prévenant la désinsertion professionnelle des personnels fragilisés par le handicap ou la maladie. Il assume aussi un rôle social de maintien du lien de solidarité, dont la nécessité a été exacerbée durant la crise.

Alors que les attentes vis-à-vis de ces personnels sont fortes, et que ceux-ci doivent assurer la prise en charge de la précarité, ils se sentent parfois eux-mêmes précaires. Aussi, comme l’hôpital, le secteur médico-social est-il en proie à des difficultés de recrutement.

Je tiens ici à souligner l’effort consenti par le Gouvernement pour un million de professionnels de ces secteurs dont les rémunérations ont été revalorisées, qu’il s’agisse des professions médicales, des professions du soin ou, pour certains secteurs, comme celui du grand âge, des professions de l’accompagnement. Cette reconnaissance, accordée dans le cadre du Ségur de la santé, a été élargie également aux professionnels du secteur socio-éducatif dans tous les établissements et services du handicap, de la protection de l’enfance, de l’insertion ou encore de l’hébergement.

S’adressant à un public de personnes par définition vulnérables et dépendantes, les acteurs du médico-social occupent une position stratégique dans l’organisation du soin et sont susceptibles d’intervenir à des étapes clés de la prise en charge médicale d’éventuels patients.

Face au vieillissement de la population et à l’accroissement du nombre de personnes âgées de plus en plus dépendantes, garantir à celles-ci une prise en charge adaptée à leur état, selon leur degré d’autonomie, permettrait de libérer du temps médical. Il s’agit de favoriser le maintien à domicile des personnes légèrement dépendantes, grâce au renforcement de l’aide à domicile et au financement de l’adaptation des logements.

Dans nos territoires, où nous manquons parfois de structures dédiées, comme mon collègue Dominique Théophile le rappellera, les professionnels du secteur médico-social peuvent aussi être des relais à domicile, pour que, en France, vieillir soit vécu non pas comme une fin, mais comme l’ouverture d’un nouveau chapitre.

Dans le même temps, pour accueillir des personnels de plus en plus dépendants, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) doivent être démédicalisés. Garantir une prise en charge adaptée à nos aînés, c’est permettre de mieux vieillir, et c’est encore du temps médical qu’on libère.

Je pense aussi à nos enfants, dont les problématiques de santé mentale se font de plus en plus inquiétantes. Les éducateurs spécialisés connaissent les jeunes, ils pourront être des garants d’un diagnostic précoce et ils sont utilement formés à ces enjeux. Je pense encore à nos concitoyens en situation de handicap, dont l’inclusion dépend aussi de la place donnée aux professionnels du médico-social dans toutes nos structures, qu’il s’agisse d’éducation ou d’emploi.

Aussi nous faut-il imaginer de nouvelles formes d’organisation des soins afin d’être, demain, en mesure de proposer, dans les territoires, une offre de soins adaptée aux besoins qui sont exprimés.

Organiser les soins de demain en collaboration avec les acteurs de nos territoires, c’est donner à chacun toute sa place. C’est laisser la possibilité aux élus locaux de trouver des solutions aux enjeux de terrain qu’ils connaissent si bien. C’est donner aux nouvelles générations de professionnels des possibilités novatrices pour collaborer vers un vivre ensemble inclusif et protecteur.

Mes chers collègues, le sujet qui nous occupe aujourd’hui est vaste, mais il existe toujours, dans les questions d’ampleur, des solutions concrètes et, dans les grands débats, de petites victoires.

Madame la ministre, je sais votre attachement à la question de l’organisation des soins et votre souhait d’assurer que notre modèle de soin et d’accompagnement, cher à notre culture française, perdure pour tous nos concitoyens. Je vous remercie d’être présente aujourd’hui parmi nous pour échanger avec nous. J’espère que chacun pourra contribuer à une vision nouvelle, enrichie par nos expériences variées, qui sera force de propositions pour l’avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d’abord remercier le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants d’avoir inscrit ce débat à l’ordre du jour de votre assemblée.

Je profite de la tenue de ce débat pour saluer les quelque 11 millions de nos concitoyens engagés qui viennent en aide chaque jour aux personnes en perte d’autonomie dans notre pays. Le 6 octobre est, comme vous le savez, la journée nationale des aidants. Ceux-ci ont tout notre respect et méritent une attention constante.

Quelle place donner aux acteurs du médico-social dans l’organisation des soins de demain sur nos territoires ? Je veux vous redire le plaisir qui est le mien d’intervenir devant vous sur ce sujet, qui soulève des enjeux cruciaux pour l’avenir de notre système de santé, tant en matière d’égalité d’accès à la santé sur le territoire que d’attractivité des métiers du médico-social.

Avant de parler de demain, ce débat mérite un mot sur hier, avec un constat : la crise sanitaire, qui a été une épreuve collective, a notamment montré combien notre système de soins a besoin de dépasser l’hospitalo-centrisme pour aller vers des coopérations territoriales entre acteurs du soin et du médico-social. Le Gouvernement tire toutes les leçons de ce constat. C’est pourquoi le sujet de l’organisation territoriale des soins est au cœur de mon ministère, en lien avec mes collègues François Braun, Jean-Christophe Combe et Geneviève Darrieussecq.

Au moment où le Parlement s’apprête à examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale, voici les chiffres. En 2023, l’objectif global de dépenses augmenterait respectivement de 5,1 % et de 5,2 % pour la prise en charge des personnes âgées et des personnes vivant avec un handicap, pour atteindre 30 milliards d’euros. Près de 1,5 milliard d’euros supplémentaires seront ainsi consacrés au secteur médico-social l’année prochaine. C’est un signe fort de notre engagement dans ce domaine.

En particulier, le sujet du bien vieillir constituera un axe central de notre action gouvernementale. Il s’agit notamment d’assurer le « virage domiciliaire », en permettant à nos concitoyens de disposer de solutions de maintien à domicile ou de prise en charge dans des structures adaptées à la diversité de leurs situations. Cet objectif est au centre de notre stratégie de prévention de la perte d’autonomie et de la lutte contre la dépendance.

Ces sujets seront d’ailleurs au cœur du travail du Conseil national de la refondation (CNR), récemment installé par le Président de la République, et pour lequel les secteurs de la santé et des solidarités feront l’objet de déclinaisons thématiques particulières, afin d’organiser une large concertation avec l’ensemble des acteurs pour faire émerger des solutions concrètes, pragmatiques et adaptées aux besoins des territoires.

La crise a agi comme un révélateur de nos faiblesses, mais aussi comme un formidable catalyseur en matière d’innovation technologique et organisationnelle. Partout sur le territoire, des organisations nouvelles ont été déployées, des freins historiques ont été levés et des solutions locales ont été trouvées, en matière d’aller vers, d’accompagnement et de prise en charge. C’est cet état d’esprit que nous souhaitons conserver et promouvoir dans le cadre de ce CNR, pour construire la santé de demain avec l’ensemble des parties prenantes, locales et nationales, dans une logique de confiance, de coopération et de subsidiarité.

Pour revenir au cœur même du débat, je voudrais rappeler que le secteur médico-social a d’ores et déjà une place essentielle dans l’organisation actuelle des soins. Je suis convaincue que, dans un avenir proche, la coopération renforcée entre le sanitaire et le médico-social constituera un enjeu clé et pourra apporter des solutions concrètes aux besoins exprimés par nos concitoyens. Il nous faut donc réinventer la place des acteurs du secteur médico-social dans l’organisation territoriale du soin, au sens du care, avec des enjeux de sensibilisation, de formation, de coordination, d’accompagnement des professionnels de santé et de prévention, en ce qui concerne notamment l’autonomie.

Réinventer la place des acteurs du secteur du médico-social dans l’organisation territoriale des soins, c’est aussi, bien entendu, parler de l’avenir des métiers de ce secteur, qui est aujourd’hui le quatrième pourvoyeur d’emplois dans notre pays, et qui s’est fortement mobilisé pendant la crise sanitaire.

À ce titre, je tiens une nouvelle fois à saluer l’engagement de l’ensemble des personnels du secteur qui, partout sur le territoire, se sont mobilisés sans relâche pour combattre l’épidémie. Je remercie de même tous ceux qui ont accompagné nos personnes âgées pendant la canicule cet été.

Ces métiers essentiels de l’accompagnement et de la prise en charge du médico-social souffrent, comme tous les métiers du soin, de profondes difficultés. Je tiens à rappeler l’importance des efforts financiers réalisés en 2022 en faveur de l’attractivité des métiers de l’autonomie, sous l’effet notamment de l’extension des mesures de revalorisation salariale du Ségur de la santé au personnel des établissements accueillant des personnes en situation de handicap, avec les accords Laforcade, ainsi que des revalorisations issues de la conférence des métiers de l’accompagnement social et du médico-social, qui ont représenté un effort de 3,2 milliards d’euros pour la branche autonomie.

Néanmoins, les tensions qui subsistent sur les métiers de l’accompagnement ne se résument pas aux enjeux, légitimes, de rémunération. Il nous faut aller toujours plus loin pour renforcer l’attractivité de ces métiers, améliorer les conditions de travail, accompagner la construction de parcours et de carrières ou encore rénover la formation. C’est aussi l’objet de notre débat ce jour.

Aussi l’action du Gouvernement en faveur de l’attractivité des métiers de l’autonomie est-elle guidée par deux grands principes, qui nous permettront de préparer cet avenir. D’abord, simplifier et fluidifier, parce qu’il faut faciliter les démarches à celles et ceux qui veulent s’engager dans ces filières. Puis, reconnaître et valoriser, parce que ces métiers doivent pouvoir susciter des vocations et trouver leur juste place au sein de notre société.

Ces principes sont traduits par des mesures concrètes dans le PLFSS. Je pense à l’instauration de deux heures hebdomadaires consacrées au lien social auprès de nos aînés, à la transformation des Ehpad, à la création de nouvelles places de services de soins infirmiers à domicile (Ssiad), ou encore aux mesures en faveur de l’amélioration de l’accès à la santé.

Mais je voudrais surtout mettre en avant le changement de méthode pour appréhender au mieux les changements de demain. Nous souhaitons poursuivre cet effort, à travers le CNR et l’ensemble de notre action.

Dans ce but, j’ai notamment engagé des discussions avec les fédérations représentatives du secteur, dans le cadre d’une réflexion plus globale intégrant les problématiques de formation initiale et continue en santé. Cette méthode, notre méthode, repose sur l’ouverture, le dialogue et la concertation.

En effet, les réponses doivent être issues des territoires et coconstruites avec l’ensemble des acteurs concernés : les parlementaires que vous êtes, les collectivités locales, les associations, les entreprises, les professionnels de santé, mais aussi les personnes accompagnées. Tous doivent être impliqués dans l’élaboration des politiques publiques de demain. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Colette Mélot applaudit également.)

Débat interactif

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes, y compris l’éventuelle réplique. Le Gouvernement dispose pour répondre d’une durée équivalente, ainsi que d’une minute pour répondre à une éventuelle réplique ; l’auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Dominique Théophile.

M. Dominique Théophile. Le 6 octobre est en France la journée nationale des aidants. Ceux-ci sont près de 10 millions à soutenir au quotidien un proche en perte d’autonomie. Cette journée des aidants m’importe tout particulièrement, car, en Guadeloupe, la tradition de solidarité familiale est ancrée dans les valeurs.

Cette tradition est malheureusement d’autant plus importante que notre taux d’équipement figure parmi les plus faibles au sein des départements français, ce qui nous impose d’élaborer une vision nouvelle de la prise en charge des personnes âgées de demain. Quel regard porter sur le vieillissement ? Quelle place donner aux professionnels du médico-social et aux proches ? Quel accompagnement offrir dans nos territoires ultramarins trop souvent sous-dotés ?

Je me félicite que des pierres successives viennent consolider notre politique du mieux vieillir dans toute sa complexité. Je pense notamment au projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, que nous examinerons prochainement et qui reconnaît la variété des compétences des proches aidants à travers le dispositif de validation des acquis de l’expérience.

Mais l’organisation des soins de demain nous impose de poursuivre nos efforts. Dans le dernier rapport de l’Insee, il est souligné que, entre 2020 et 2030, le nombre de seniors dépendants âgés de 60 à 74 ans augmenterait de 15 % en Guadeloupe. Au-delà de 75 ans, cette hausse sera de 45 %. Or, actuellement, seuls 5 % d’entre eux vivent en institution, et 6 695 emplois seraient nécessaires en 2030 pour prendre en charge, avec respect et dignité, nos concitoyens âgés.

Quelle collaboration mettre en œuvre demain entre citoyens et professionnels du domaine sanitaire et médico-social pour assurer une prise en charge adéquate sur tous nos territoires, notamment les moins dotés ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur, vous rappelez la tradition de solidarité familiale qui est ancrée dans les valeurs et l’organisation de l’accompagnement des personnes dans votre territoire de Guadeloupe.

Tout d’abord, et particulièrement en ce jeudi 6 octobre, il me semble important de rappeler et de souligner une nouvelle fois l’engagement des 11 millions d’aidants qui incarnent le lien social et la solidarité familiale dans notre pays. Leur rôle est précieux pour les personnes qu’ils soutiennent, que celles-ci vivent en établissement ou à domicile.

L’accompagnement à domicile des personnes en situation de handicap et âgées est un enjeu pour notre société, une ambition pour le Gouvernement, et ce pour l’ensemble du territoire. C’est pourquoi de nouvelles places seront créées dans les services de soins infirmiers à domicile et le modèle de tarification évoluera dans les mois à venir, pour mieux valoriser la prise en soin des personnes les plus dépendantes.

C’est aussi pour améliorer le soin à domicile qu’un tarif plancher de 22 euros a été mis en place pour les interventions des services d’aide à domicile qui interviennent dans le cadre de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH).

Vous soulignez aussi le manque d’établissements sur votre territoire pour les personnes qui ne pourraient ou ne souhaiteraient plus vivre à domicile. Un plan d’aide à l’investissement, géré par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), est en cours : 17 millions d’euros seront ainsi destinés aux territoires d’outre-mer et à la Corse dans le cadre d’un plan de rattrapage visant à la réhabilitation du parc existant, mais également à l’installation de places nouvelles.

Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Meunier.

Mme Michelle Meunier. Je salue l’initiative de nos collègues du groupe RDPI et je saisis l’occasion d’orienter ces échanges vers un sujet majeur à mon sens : la nécessité de changer fondamentalement la perception des métiers du médico-social pour renforcer leur attractivité.

C’est historique et c’est culturel, les fonctions du soin souffrent d’avoir été longtemps, trop longtemps, naturellement exercées par des femmes : moins un métier qu’une occupation, une inclination personnelle, voire une vocation. Ces différentes appréciations rendent invisibles les compétences exercées, la technicité des gestes, la complexité des relations humaines construites avec les personnes vulnérables et leurs familles.

La valeur de ce travail est clairement sous-estimée. Si l’on compare les tâches professionnelles de prendre soin à d’autres métiers, qui mettent en jeu une technicité comparable, une aisance relationnelle similaire et l’exercice de responsabilités, l’écart de considération est flagrant, notamment quand on les compare avec des métiers à prédominance masculine.

Ce qui découle de cette sous-reconnaissance est évident : le cumul de faibles rémunérations et de temps de travail partiels, scindés, le plus souvent subis. Rien ne justifie la persistance d’une telle vision des choses.

Madame la ministre, comment le Gouvernement entend-il prendre ses responsabilités pour changer cette vision de ces métiers ? (Mme Victoire Jasmin applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, je vous remercie très sincèrement de votre question. Ces dernières années, de nombreux travaux ont été menés dans le secteur du grand âge. Dans un rapport intitulé Vers un service public territorial de lautonomie, le docteur Libault appelle à changer de regard, qu’il s’agisse du regard de notre société sur le vieillissement de la population ou de celui que nous portons collectivement sur ces métiers du care, qu’on appelle encore souvent les métiers du soin.

Chacun le sait, les métiers du secteur social et médico-social sont très féminins – je ne sais pas s’il faut dire qu’ils le sont trop.

Après la crise du covid-19, nous avons lancé une grande campagne de communication et de sensibilisation pour montrer l’intérêt et la beauté de ces métiers, dont nous aurons de plus en plus besoin dans les années à venir, car le nombre de personnes qui devront être accompagnées va nécessairement augmenter.

Après une période de ce que l’on pourrait qualifier d’Ehpad bashing, notre responsabilité collective est de montrer que ces métiers sont importants et attractifs : ils font appel à notre humanité ; qui plus est, ils ne sont pas délocalisables.

Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, annoncera prochainement l’organisation d’une journée de l’aide à domicile pour mettre l’accent sur ce sujet.

En tout état de cause, si nous voulons changer de regard, comme je le disais à l’instant, c’est ensemble que nous y arriverons ! (M. François Patriat applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour la réplique.

Mme Michelle Meunier. Madame la ministre, j’espère que nous aurons l’occasion de concrétiser vos propos par l’examen dans cet hémicycle d’un projet de loi sur le grand âge et l’autonomie…

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Je souhaite tout d’abord remercier nos collègues du groupe RDPI d’avoir demandé l’organisation de ce débat.

Le secteur médico-social est composé d’une diversité de lieux d’exercice et de métiers, de la petite enfance à la gériatrie, mais toutes et tous vivent la même réalité : le manque de reconnaissance de leur métier.

Comment ne pas évoquer le réseau des centres médico-psychologiques (CMP), tellement affaibli par le manque de personnel que les délais pour obtenir un rendez-vous sont démentiels ?

La situation est identique dans les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP), des structures conçues comme des lieux d’accueil et de soins centrés sur l’enfant. Actuellement, un quart à un tiers des actes de pédopsychiatrie en ambulatoire est effectué en CMPP. Or il n’en reste que 309 en France !

Quand on sait les conséquences de la pandémie sur les enfants et les adolescents, il y a de quoi s’inquiéter. Ce sera d’ailleurs l’objet d’un colloque, que j’organise lundi au Sénat.

Madame la ministre, nous sommes face à un abandon institutionnel de ces professionnels et, de fait, de leurs patients, d’autant qu’en excluant nombre de ces professions des revalorisations du Ségur de la santé, le sentiment de dévalorisation de leurs métiers s’est généralisé. Malgré les rattrapages de l’an dernier, les « oubliés » du Ségur existent toujours.

Quand allez-vous revaloriser tous ces métiers de la deuxième ligne, madame la ministre ?

Enfin, je voudrais attirer votre attention sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur, ainsi qu’à ma collègue Cathy Apourceau-Poly : les aides à domicile. Il y aurait beaucoup à revendiquer, mais je vais centrer mon propos sur le prix de leurs déplacements en voiture qui s’envole depuis la crise en Ukraine et les conséquences sur le prix de l’essence.

Allez-vous enfin, madame la ministre, relever le barème kilométrique des aides à domicile de 0,22 euro à 0,35 euro pour permettre à ces personnes de faire face aux difficultés qu’elles rencontrent ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Michelle Meunier applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, je ne peux pas partager votre idée selon laquelle les acteurs du secteur médico-social manquent de reconnaissance.

Oui, il faut changer le regard – je le disais en réponse à l’intervention de Mme Meunier – et il est de notre responsabilité à tous d’encourager ces acteurs pour assurer leur pleine reconnaissance.

C’était d’ailleurs l’un des axes du Ségur et vous savez très bien que nous avons rattrapé au fur et à mesure les situations des personnels qui avaient échappé aux premières conclusions et que l’on a appelés les « oubliés » du Ségur.

En ce qui concerne la prise en charge de la santé mentale, que vous avez évoquée en parlant des CMP et des CMPP, c’est certainement le secteur qui a connu le moins d’investissements ces dernières années et qui est donc le plus touché par les difficultés de notre système de santé.

C’est pour cette raison qu’Agnès Buzyn avait lancé dès décembre 2017 un plan de rattrapage en faveur du secteur de la santé mentale. Malheureusement, la crise sanitaire a aggravé l’état de certains de nos concitoyens, notamment parmi les jeunes.

Je le redis, les enjeux de la prise en charge de la santé mentale, notamment dans le cadre des CMP et des CMPP, et de la reconnaissance des métiers du médico-social sont très importants à nos yeux.

Concernant le secteur de l’aide à domicile, le dernier quinquennat a permis une première, à savoir la mise en place d’un tarif plancher de 22 euros – je l’ai évoqué – qui permet une meilleure prise en compte des spécificités du secteur.

Plus précisément, des discussions sont en cours avec les services d’aide à domicile en ce qui concerne la question de l’augmentation des prix des carburants. Nous devrons, le cas échéant, intégrer ce sujet dans les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) et prévoir des dotations complémentaires pour les aides à domicile particulièrement touchées.