M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Vanina Paoli-Gagin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la fin du « quoi qu’il en coûte » attendra. À la crise sanitaire s’ajoute une crise économique et bientôt – qui sait ? – une crise financière, même si j’espère me tromper en disant cela.

La forte reprise économique au sortir des confinements a provoqué des tensions sur bon nombre de marchés, dont ceux des matières premières, des énergies, mais également des semi-conducteurs. Cette situation inflationniste a été encore aggravée par l’invasion russe de l’Ukraine. En entrant en confrontation avec l’Europe, la Russie bouleverse l’équilibre énergétique qui y prévalait.

La France, qui compte pourtant parmi les pays les moins touchés par l’inflation, a vu le niveau général des prix augmenter de près de 6 % lors des douze derniers mois.

Cette situation a de lourdes conséquences pour bon nombre de ménages, malgré les aides déjà accordées par l’État. Elle aura aussi, à n’en pas douter, de graves répercussions sur nos finances publiques, mais chaque chose en son temps. D’abord, l’urgence !

L’urgence, c’est de faire en sorte que le travail soit mieux revalorisé, en donnant pleine efficacité à la prime de pouvoir d’achat. J’estime cependant que celle-ci ne doit pas se substituer aux revenus et qu’un encadrement strict devra garantir que le recours à ce dispositif ne sera pas dévoyé.

À ce titre, je défendrai plusieurs amendements tendant à simplifier cet outil mis à la disposition des entreprises pour le bénéfice des salariés, de manière à renforcer son efficacité.

Le travail déjà effectué en faveur des professions libérales et des micro-entrepreneurs me paraît tout aussi essentiel. Notre pays a la chance de pouvoir compter sur des forces vives importantes et doit préserver son tissu d’entrepreneurs.

La simplification du cadre juridique de l’intéressement est aussi à saluer. La souplesse jouera en faveur des salariés et des entreprises.

Mais il est également très urgent, monsieur le ministre, de mener une réflexion avancée sur notre droit du travail. Celui-ci doit être simplifié et adapté aux enjeux du siècle. Il doit gagner en agilité et en flexibilité pour les évolutions futures. Nous serons au rendez-vous de ces discussions quand le temps sera venu.

L’autre grand défi que la France et ses partenaires européens doivent relever est celui de la souveraineté énergétique. L’Europe est condamnée à la dépendance, dans la mesure où elle doit importer les matériaux nécessaires à la production de son énergie. Cette dépendance n’est pas incompatible avec sa souveraineté, à la condition que l’Europe parvienne à s’approvisionner auprès de sources diversifiées et sûres.

Le gaz russe manquera cet hiver. Pour compenser, il convient notamment d’importer davantage de gaz naturel liquéfié. Ce dernier est cependant plus cher et la France devra se doter rapidement d’équipements nécessaires à son exploitation.

Le parc nucléaire français ne suffira pas, en l’état, à subvenir à nos besoins. À ce titre, les évolutions concernant l’Arenh vont dans le bon sens. Le nucléaire est une chance pour notre pays ; il faut le préserver. Mais notre parc est vieillissant. Les investissements seront la clef de notre souveraineté énergétique. Le nucléaire, quelle que soit la forme qu’il prenne, European Pressurised Reactors (EPR) ou Small Modular Reactors (SMR), restera un atout de transition, au même titre que les énergies renouvelables, notamment l’hydrogène vert, sous réserve que nous sécurisions notre approvisionnement en uranium.

Certaines centrales à charbon devront malheureusement être réactivées. Cette situation ne saurait être pérenne. Nous devrons continuer de consolider notre souveraineté énergétique dans les années à venir, tout en respectant nos engagements dans la lutte contre le dérèglement climatique.

La sobriété et l’efficience seront deux alliés majeurs à cet égard, grâce notamment à une plus forte décentralisation de la production et de la consommation des énergies renouvelables. Cela passera par l’innovation et la réindustrialisation, de manière à maîtriser les chaînes de valeurs en circuit court et à booster la décarbonation de notre économie.

Ce projet de loi traite l’urgence. C’est pourquoi les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendront son adoption. Nous devons cependant garder à l’esprit que ces mesures, dans leur ensemble, auront de graves conséquences sur nos finances publiques. La France doit s’assurer de bâtir son avenir sur des bases solides. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Mouiller. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte représente la première partie des mesures annoncées par le Gouvernement en faveur du pouvoir d’achat des Français, le projet de loi de finances rectificative que nous examinerons la semaine prochaine constituant son complément.

Il s’agit de réagir dans l’urgence à deux événements majeurs : la hausse brutale de l’inflation et les difficultés d’approvisionnement énergétique de la France. Mais, force est de le constater, le projet du Gouvernement repose essentiellement sur l’attribution ponctuelle de chèques, ce qui ne représente pas une politique en soi.

Je m’attacherai à évoquer le volet social du projet de loi.

Je note tout d’abord des mesures de pure communication, telles que le triplement de la prime dénommée « de partage de la valeur », mesure phare censée améliorer le niveau de vie des Français, son montant pouvant aller jusqu’à 6 000 euros dans certains cas. Toutefois, le montant moyen des sommes versées au titre de la prime Macron s’est situé autour de 500 euros, et cela n’a concerné que très peu de travailleurs : un actif sur cinq.

M. Michel Bonnus. C’est à la marge !

M. Philippe Mouiller. On relève la même volonté d’affichage lorsque le Gouvernement appelle les branches professionnelles à négocier sur les salaires. L’article 4 n’était guère incitatif et était si peu approprié à la situation des très rares branches concernées que notre commission a décidé de le supprimer.

Si nous ne pouvons qu’acquiescer aux aides ciblant certains publics – revalorisation anticipée des retraites, baisse de cotisations sociales pour les travailleurs indépendants –, nous constatons également un saupoudrage de moyens, dont l’addition finit par grever de façon alarmante les finances de l’État. Après le long épisode de la crise sanitaire, il faudrait sortir enfin de la politique du « quoi qu’il en coûte ».

Il a été reproché aux députés Les Républicains de prôner également des solutions coûteuses. Néanmoins, ils ont émis des propositions pour financer ces mesures, notamment par des économies importantes dans le fonctionnement bien trop lourd de nos administrations. Nous proposerons pour notre part, dans le projet de loi de finances rectificative, de lutter contre la fraude sociale par la mise en place d’une carte Vitale biométrique.

Notre logique politique est claire : au lieu d’une politique de l’assistanat, nous souhaitons privilégier la solidarité et l’aide au travail. Nous pensons que le pouvoir d’achat doit garder son lien avec le travail et que celui-ci doit être privilégié par rapport à l’assistance.

Ainsi, nous avons souhaité alléger la fiscalité et les charges sociales qui pèsent sur les heures supplémentaires. À la suite de la défiscalisation par l’Assemblée nationale de ces heures, jusqu’à un plafond porté à 7 500 euros, notre rapporteur Frédérique Puissat, dont je salue la qualité du travail et l’investissement sur ce texte, a proposé d’alléger les cotisations sociales des entreprises d’au moins vingt salariés, renforçant ainsi l’attractivité du dispositif. Dans le projet de loi de finances rectificative adopté par l’Assemblée nationale, nous avons obtenu du Gouvernement que des heures de RTT puissent être rachetées par les salariés souhaitant travailler plus pour améliorer leur pouvoir d’achat.

Ces mesures devront être définitives, et non pas seulement provisoires, comme le souhaite le Gouvernement.

Notre commission a adopté un amendement permettant exceptionnellement le déblocage des sommes issues de la participation et de l’intéressement placées sur des plans d’épargne salariale. Cela permettra aux salariés de disposer d’un pouvoir d’achat immédiat, jusqu’à 10 000 euros, avant le 31 décembre prochain.

De même, notre rapporteur a proposé d’assouplir les règles encadrant l’utilisation des titres-restaurant. Ceux-ci pourront être utilisés pour les achats alimentaires courants dans les commerces de détail et les supermarchés, ce qui répond à un vrai besoin.

Ce sont autant de mesures qui auront un effet direct sur le pouvoir d’achat.

Je suis cosignataire de plusieurs amendements. L’un d’eux vise à améliorer le pouvoir d’achat des retraités en situation de cumul emploi-retraite. L’autre, à l’article 5 du projet de loi, porte sur la revalorisation du RSA et de l’allocation de solidarité spécifique ; il s’agit de faire en sorte que cette revalorisation ne soit pas supérieure à celle du point d’indice pour les fonctionnaires. En effet, nous ne pouvons pas adresser comme message aux Français que les revenus de l’assistance sont privilégiés par rapport aux revenus du travail. (Très bien ! sur des travées du groupe Les Républicains.)

Je souhaiterais à présent évoquer un apport essentiel du texte, une mesure qui me tient particulièrement à cœur et qui était attendue de longue date par les personnes en situation de handicap et les associations : la déconjugalisation du mode de calcul de l’allocation aux adultes handicapés, à l’article 5 bis.

Je me réjouis particulièrement de cette issue en tant que rapporteur de la proposition de loi que nous avions adoptée le 9 mars 2021, sur toutes les travées de notre Haute Assemblée, texte ayant ensuite été vidé de sa substance lors de son examen par l’Assemblée nationale en deuxième lecture. Le Gouvernement s’opposait alors fermement à la déconjugalisation de l’AAH, allant jusqu’à recourir au vote bloqué.

À l’heure où le pouvoir d’achat des plus fragiles est particulièrement menacé, je pense que l’esprit de solidarité doit l’emporter sur les règles technocratiques. Je note d’ailleurs que nous sommes finalement parvenus à un accord sur ce dossier qui dure depuis des années et que l’édifice des minima sociaux ne s’est pas écroulé pour autant !

Encore reste-t-il à adapter le dispositif au cas par cas. Comme je l’avais souligné lors de l’examen de la proposition de loi, la déconjugalisation peut faire des perdants. Il s’agissait d’ailleurs de l’argument principal opposé à notre demande. Un mécanisme transitoire, permettant de conserver le bénéfice des règles de calcul actuelles dans les cas les plus favorables, a été trouvé. Je m’en réjouis. Toutefois, comme l’a indiqué notre rapporteur Frédérique Puissat, une précision est nécessaire pour les bénéficiaires de l’AAH qui se trouveront en situation de renouvellement de leurs droits. De plus, je regrette que cette déconjugalisation, pour des raisons techniques, ne puisse pas entrer en vigueur avant le 1er octobre 2023.

Je profite par ailleurs de l’occasion pour indiquer que même si la déconjugalisation de l’AAH est une avancée fondamentale pour ses bénéficiaires, la question de l’autonomie financière des personnes en situation de handicap n’est nullement réglée ; je pense au grand sujet de l’évolution de la prestation de compensation du handicap (PCH). Ce n’est pas l’objet du présent texte, mais nous devrons engager des travaux dans les prochaines semaines sur ce sujet fondamental, pour une réforme globale.

Notre groupe soutiendra ce projet de loi, sous réserve du sort qui sera réservé à nos amendements et à ceux de nos rapporteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc de la commission.)

M. le président. La parole est à Mme Amel Gacquerre. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Amel Gacquerre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un contexte de forte inflation, d’explosion du prix de l’énergie et de hausse constante du coût de la vie, la préservation du pouvoir d’achat des Français est désormais plus qu’une boussole ; c’est un impératif !

Il faut entendre la détresse et, parfois, la colère de nos concitoyens. Difficulté à boucler les fins de mois, anxiété à l’idée de faire le plein de son véhicule, sacrifices au quotidien : nous ne pouvons pas rester sourds ni aphones face à ces situations compliquées.

Une question demeure : le projet de loi pour la protection du pouvoir d’achat répond-il aux besoins des plus fragiles ? Va-t-il améliorer durablement les conditions de vie ou de survie des plus touchés par l’inflation ? La réponse est non ; durablement non !

Néanmoins, avec mes collègues de l’Union Centriste, nous sommes persuadés que les dispositions contenues dans ce projet de loi sont, quoi qu’il en soit, les bienvenues dans un contexte aussi difficile. Il ne s’agit pas de donner un blanc-seing au Gouvernement. Mais je crois que, dans cet hémicycle, nous devons faire primer le bon sens et l’intérêt général.

À ce titre, nous saluons la revalorisation des minima sociaux, la résiliation facilitée des abonnements conclus par voie électronique, le plafonnement des loyers pour les ménages et, enfin, la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés, qui reconnaît un statut pour l’adulte en situation de handicap.

Mais qu’en est-il des aides ciblées, qui permettraient d’aider les Français en ayant le plus besoin ? On ne peut plus financer de manière aveugle des aides généralisées en continuant de creuser le déficit public, aides qui sont d’ailleurs souvent supportées par les collectivités.

C’est bien une question de justice sociale : les politiques publiques doivent cibler les plus fragiles pour les soutenir durablement. Je pense à nos aînés, à nos étudiants, aux familles monoparentales, aux classes moyennes, c’est-à-dire à ceux qui doivent payer toujours plus pour gagner de moins en moins.

Ce texte est également l’occasion d’aborder l’enjeu de notre souveraineté énergétique.

Une véritable course contre la montre s’engage pour éviter cet hiver des ruptures d’approvisionnement, en électricité notamment. Vous proposez quelques mesures, monsieur le ministre. Mais elles ne répondent pas à nos besoins grandissants et contredisent même nos ambitions en matière de réponse à l’urgence environnementale.

Nous aurions plutôt besoin d’une vision de long terme, d’une vision stratégique, pour anticiper les défis de demain de notre pays.

Nous avons également besoin de constance dans notre politique énergétique et d’approvisionnement. Après avoir renoncé au nucléaire, on annonçait voilà quelques mois la construction de six réacteurs. Où en sommes-nous de notre objectif de neutralité carbone, ce fameux objectif pour 2050 ?

M. Jean-François Husson. Paroles en l’air…

Mme Amel Gacquerre. Comment l’atteindre, alors qu’est annoncée aujourd’hui la réouverture de la centrale à charbon de Saint-Avold ?

Nous formulons deux vœux : une nouvelle méthode de travail et un cap stratégique qui redonnera confiance à nos concitoyens, à nos entreprises, à nos élus.

Pour ce qui est de la méthode de travail, le quinquennat qui s’ouvre devait être celui de la coconstruction législative et d’un travail plus collaboratif avec le Parlement, les collectivités et les associations d’élus. Pour l’instant, il semble uniquement devoir être le quinquennat de l’urgence. Nous ne pouvons pas nous en satisfaire, et il est primordial de passer des paroles aux actes. Le présent projet de loi est arrivé au Sénat vendredi 22 juillet, pour un examen en commission le 25 juillet et un passage en séance publique le 28 juillet ! Comment pouvons-nous traiter en quarante-huit heures des sujets aussi fondamentaux ?

Mme Amel Gacquerre. Notre deuxième vœu est celui du cap à donner. Nous appelons le Gouvernement à adopter des politiques de long terme, à répondre aux urgences d’aujourd’hui, mais aussi aux besoins de demain.

Qu’adviendra-t-il en janvier 2023 pour nos concitoyens, lorsque les remises sur le carburant ne seront plus appliquées ?

Quelles garanties en matière d’approvisionnement en électricité pourrez-vous offrir aux entreprises qui envisageraient de s’installer en France ?

Quelles réponses apporterez-vous aux collectivités qui s’interrogent sur la faisabilité de leurs projets d’investissement face à l’augmentation toujours croissante de leurs dépenses de fonctionnement et à la baisse de leurs recettes ?

Ces questions concrètes appellent des réponses précises. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Franck Montaugé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en matière de logement et du point de vue des usagers les plus modestes, donc les plus touchés par l’inflation, les dispositions visant à contenir les hausses de loyers ne sont pas assez fortes.

Nous proposerons un plafonnement à 1,5 % de l’IRL sur tout le territoire national. Pour mémoire, la diminution de l’APL vous a permis d’économiser 12 milliards d’euros lors du quinquennat précédent. Or les mesures que vous proposez dans ce texte représentent seulement 168 millions d’euros !

Disons-le sans ambages : les dispositions du titre II, relatives à la protection du consommateur, qu’elles portent sur la résiliation des contrats ou sur la lutte contre les pratiques commerciales illicites, bien qu’opportunes, sont de portée réduite. Nous vous proposerons par nos amendements de les améliorer.

Les mesures du titre III, relatives à la souveraineté énergétique, pour autant qu’elles soient nécessaires, révèlent les faiblesses et les contradictions de la politique française en la matière.

La crise aura permis de mesurer l’attention qu’il faut en permanence porter à l’outil de stockage souterrain de gaz, outil stratégique s’il en est, dont la dimension de politique nationale a été oubliée ou mésestimée.

En même temps qu’elle porte atteinte à la crédibilité de la parole publique, la nécessité de prévoir la réouverture de centrales à charbon pose pour nous la question des conditions sociales du réemploi et de la formation du personnel nécessaire.

Les conséquences de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique confirment ce que nos rapports sénatoriaux récents ont mis en évidence : l’affaiblissement régulier d’EDF, jusqu’à sa mise en péril au regard des investissements considérables à financer dans le cadre de la stratégie nationale bas-carbone et de la programmation pluriannuelle de l’énergie, que nous aurons à actualiser prochainement.

En matière de climat, la France doit être au rendez-vous de ses engagements, après cinq années perdues et deux condamnations pour inaction climatique.

Au-delà des évolutions nécessaires de l’Arenh qui figurent dans le texte et que nous soutiendrons, comme la limitation de volume à 100 térawattheures ou à 25 % de la production nucléaire annuelle, au prix actualisé de 49,50 euros du mégawattheure, nous demandons d’anticiper l’extinction et la suppression totale du mécanisme, tant l’Arenh s’est jusqu’ici révélé comme un instrument de pillage et d’affaiblissement d’EDF au profit de ses concurrents.

Nous vous proposerons donc un amendement visant à proportionner les cessions au titre de l’Arenh à la situation financière des entreprises, dont certaines ont vu leurs profits exploser du fait de la crise géopolitique ; je pense en particulier à TotalEnergies.

Nous demanderons aussi qu’un bilan objectif du marché de l’électricité soit réalisé. À quoi le principe de libre concurrence non faussée a-t-il conduit pour les consommateurs français, pour l’appareil industriel français ?

Nous pensons qu’il ne revient pas au Parlement, en l’occurrence au Sénat, de sécuriser juridiquement le décret d’abaissement à 120 térawattheures du plafond de l’Arenh, décret que le Gouvernement français n’a ni soumis au Conseil supérieur de l’énergie (CSE) ni notifié formellement à la Commission européenne. Pourquoi, monsieur le ministre, avoir procédé de la sorte, en toute connaissance d’une aide d’État dont l’absence de notification fragilise aujourd’hui les fournisseurs alternatifs ?

Il est urgent de reconsidérer, autour du groupe public EDF, l’ensemble du dispositif de gestion de l’électricité en France. Par une question d’actualité au Gouvernement, j’appelais voilà quelques jours le Gouvernement à ouvrir un débat public et parlementaire à propos du projet national pour EDF. Le débat en application de l’article 50-1 de la Constitution que propose Mme la Première ministre ne suffira pas : nous demandons le vote d’une loi spécifique sur le projet industriel, social et environnemental d’EDF.

En outre, le Gouvernement devra réussir le plus rapidement possible une réforme de structure des tarifs de l’électricité, qui doivent reposer sur les coûts complets de long terme de l’ensemble du parc de production.

Au final, le présent texte sera insuffisant pour répondre aux besoins élémentaires de millions de Français. Le « pouvoir de vivre » de nos concitoyens sera au cœur de nos propositions dans les prochains projets de loi de finances. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Pierre Cuypers. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous l’attendions, ce texte sur le pouvoir d’achat, promis depuis bien des semaines et enfin inscrit à l’ordre du jour de notre assemblée, malgré des délais très courts pour son examen par le Sénat.

Je voudrais rappeler que, à la veille du premier tour de l’élection présidentielle, 66 % des Français citaient la question du pouvoir d’achat comme l’enjeu principal de cette élection, selon le baromètre OpinionWay.

Le Gouvernement nous présente donc, comme d’autres l’auraient fait d’ailleurs, un projet de loi censé atténuer les effets de l’inflation et de la crise énergétique tout en contenant les déficits publics.

Oui, monsieur le ministre, la cote d’alerte sur les finances publiques est dépassée depuis bien longtemps ! Le Sénat lance très clairement l’alerte sur ce sujet, sans que les derniers gouvernements successifs l’entendent ; il faut bien l’avouer.

La dette publique dépasse désormais les 2 900 milliards d’euros ; c’est l’avenir des générations futures, celui de nos enfants, que nous obérons ainsi.

Aussi, il faut pouvoir trouver la ligne de crête entre le soutien à ceux de nos concitoyens qui souffrent le plus de la situation actuelle et la nécessité de ne pas alourdir la dette publique pour préparer l’avenir et la nécessaire transition écologique, qui impose des investissements massifs.

Alors, que nous propose le Gouvernement ?

D’abord, un texte insuffisamment ambitieux, avec des mesures qui peuvent sembler anecdotiques au vu de la situation, comme la possibilité de résilier par voie électronique les contrats souscrits en ligne.

Ensuite, un texte qui n’a rien de structurel : j’en prends pour preuve les mesures concernant le plafonnement de la hausse des loyers. C’est clairement ignorer les solutions de long terme qui favoriseraient la construction de nouveaux logements, alors que c’est bien le manque de logements qui explique aujourd’hui la tension sur les loyers.

Enfin, un texte qui est en contradiction avec certaines de nos politiques publiques, particulièrement dans le domaine énergétique, comme cela a été évoqué à plusieurs reprises.

Nous légiférons aujourd’hui pour rouvrir les centrales à charbon après avoir décidé de les fermer et, surtout, après des années d’hésitations et de contradictions sur le développement du nucléaire ! Nous allons aussi importer des hydrocarbures après avoir abandonné la filière nationale et fragilisé les filières françaises décarbonées.

Je m’attarde sur le sujet énergétique, car il est essentiel ! Il concerne en effet tous les budgets, ceux des Français et ceux de nos entreprises. Je comprends l’urgence de la situation, mais je déplore le manque de vision en la matière. Restaurer la souveraineté énergétique de la France nécessitera d’être cohérent dans les choix effectués et, en l’espèce, nous pouvons regretter que cela n’ait pas été le cas ces dix dernières années.

Au travers des articles du projet de loi sur l’Arenh, c’est l’avenir d’EDF qui se pose ! Nous avons eu maintes fois l’occasion de vous alerter sur le sujet, vous comme l’ensemble du Gouvernement, monsieur le ministre. Vous parlez d’une nationalisation d’EDF. Pourquoi pas ? Mais pour quoi faire ? Et pour changer quoi ? Cela ne répond pas aux difficultés du groupe, notamment au mur d’investissement auquel il doit faire face.

Nous prônons depuis longtemps un mix énergétique décarboné autour du nucléaire, et ce dans un bouquet d’énergies. Le récent rapport d’information de nos collègues Gremillet, Moga et Michau a encore déploré l’affaiblissement de la filière, ainsi que ses perspectives très complexes. Il contient des propositions pour relancer l’énergie nucléaire et promouvoir l’hydrogène bas-carbone, dont le Gouvernement devrait s’inspirer.

Nous prônons également le développement des énergies vertes : l’eau, le vent, le soleil, la biomasse, le biogaz. Monsieur le ministre, mes chers collègues, rien ne doit être négligé pour atteindre la neutralité carbone. J’ai d’ailleurs présidé voilà peu la mission d’information sur la méthanisation. Nous avons, là aussi, des pistes utiles pour favoriser la transition et la souveraineté énergétiques si nous nous donnons les moyens de structurer la filière et de simplifier – je dis bien simplifier – l’ensemble des procédures. L’actualité nous l’impose plus que jamais.

Au final, le texte que nous examinons aujourd’hui me paraît très décevant, même s’il comporte des mesures positives que je salue et que mon collègue Philippe Mouiller a eu l’occasion de mentionner tout à l’heure.

Monsieur le ministre, au lieu de faire des chèques sans provision, comme le font les gouvernements depuis des années, le groupe Les Républicains veut muscler le texte avec des mesures pérennes, des mesures qui améliorent le pouvoir d’achat des Français, des salariés et des entreprises, et, surtout, des mesures d’économie, car on ne peut plus ignorer le problème de la dette, comme je l’ai expliqué au début de mon propos.

Chers amis, chers collègues, je souhaite que le débat qui s’ouvre ce matin contribue à donner plus d’ambition au texte, ce dont je ne doute pas, car c’est bien l’ADN du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Olivier Dussopt, ministre. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, je serai bref, dans la mesure où l’examen des articles nous permettra d’approfondir la discussion.

Comme je l’ai fait dans mon propos liminaire, je souligne une nouvelle fois que le Sénat examine cette semaine deux textes, le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat en séance publique et le projet de loi de finances rectificative en commission. Cela démontre l’enchevêtrement de certaines dispositions. Nous serons donc conduits – différents orateurs l’ont mentionné – à discuter de dispositions relevant du PLFR, voire de textes réglementaires, et parfois à opérer quelques renvois.

C’est le cas pour les heures supplémentaires : le relèvement du plafond d’exonération ayant été inscrit dans le projet de loi de finances rectificative, il paraît plus logique que le débat ait lieu lors de l’examen de ce dernier.

Je souligne également que, à l’aube de l’examen de ce texte, nous sommes collectivement face à deux injonctions paradoxales.

La première injonction paradoxale touche au calendrier. Nous avons fait le choix de présenter ce texte au Parlement dans les tout premiers jours de la nouvelle législature de l’Assemblée nationale, juste après l’examen du texte portant certaines dispositions en matière d’état d’urgence sanitaire. C’est donc un rythme rapide, d’autant plus que les débats à l’Assemblée nationale ont duré un peu plus longtemps que ce que nous avions envisagé. Or nombre d’entre vous ont affirmé attendre le texte avec impatience, mais regretter qu’il leur faille l’examiner très vite. Malheureusement, cela est dû à l’actualité et, certainement, à quelques habitudes propres au Parlement français.

La seconde injonction paradoxale s’est exprimée dans la dernière intervention. Elle se caractérise par une volonté marquée de veiller au cap en matière de finances publiques et de tenir les objectifs et, dans le même temps, par le regret que certaines mesures n’aillent pas assez loin ou ne soient pas assez massives, au risque que cette ambition ne se traduise par des dépenses supplémentaires.

Par ailleurs, dans de nombreuses interventions, il a été question d’énergie, de logement ou encore de consommation. Je laisse mes collègues directement concernés par ces sujets, Agnès Pannier-Runacher, Olivier Klein ou encore Olivia Grégoire, apporter les précisions nécessaires à l’occasion de la discussion des articles et des débats auxquels celle-ci donnera lieu.

Sur le sujet de l’énergie, je partage les propos de Mme la rapporteure sur l’aspect humain qui entoure la relance provisoire de l’activité de la centrale de Saint-Avold. Agnès Pannier-Runacher le dira plus nettement que moi : cette décision n’a pas été prise de gaieté de cœur ; elle vise à assurer l’approvisionnement énergétique, elle est temporaire et les émissions carbone seront compensées.

Nous demandons bien aux salariés de la centrale à charbon de Saint-Avold, sur la base du volontariat, de participer à cette relance dans des conditions que l’article 15 vise à sécuriser, puisqu’il a pour seul objectif de garantir l’intégralité des dispositions du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) et du plan de reclassement qui ont été retenues, pour que cette reprise d’activité n’entraîne aucune perte des droits négociés par les salariés. (M. Fabien Gay sexclame.) En effet, c’est aux salariés qui ont fait face à des procédures de reclassement et de licenciement que nous demandons de revenir en activité. Nous devons tous y veiller et en avoir pleinement conscience.

Les trois points de divergence que j’ai évoqués dans mon propos liminaire demeurent évidemment. Ils concernent les heures supplémentaires – mais cela relève plus de la méthode et du texte concerné –, l’article 4 et la pérennité des dispositifs que nous proposons en matière de partage de la valeur. Nous devrons veiller à ce que les décisions prises sur ces questions à l’occasion de l’examen de ce texte comme du projet de loi de finances rectificative n’obèrent pas l’avenir.

Il a beaucoup été question de la démonétisation des heures supplémentaires telle qu’elle a été adoptée à l’Assemblée nationale. L’échéance a aussi été pensée pour être compatible avec le projet de compte épargne temps universel. Gardons donc aussi en tête la possibilité d’avancer sur certains chantiers.

Sur toutes les autres mesures, et peut-être même sur ces sujets-là, de nombreuses améliorations et de nombreux consensus peuvent naître à l’occasion de la discussion ; j’en suis tout à fait ravi.

Enfin, monsieur le président, je conclurai en m’associant à l’hommage rendu par Jean-Marie Vanlerenberghe à Frédéric Sève. Ce militant et cadre important de la CFDT, qui était surtout un acteur essentiel du dialogue social, nous a quittés brutalement cette semaine. Ce n’était que justice de rappeler sa mémoire, comme cela a été fait. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Michel Canévet et Jean-Marie Vanlerenberghe applaudissent également.)