Mme le président. La parole est à M. Bruno Belin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Belin. Madame la ministre, on a beaucoup parlé d’immigration cet après-midi. Je souhaite que l’on aborde enfin l’asile.

Au mois d’août 2021, la prise de Kaboul par les talibans a laissé le monde ébahi. La France a alors pris des engagements qui l’honorent ; je pense notamment à la promesse d’accueillir 2 500 réfugiés afghans. Pour autant, l’Allemagne a pris un engagement dix fois supérieur au nôtre et le reste de nos partenaires européens se sont engagés à en accueillir deux fois plus que nous.

Madame la ministre, sur la question de l’accueil de réfugiés afghans, où en sommes-nous ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur nos liens avec l’Afghanistan. La France a répondu présent dès le mois d’avril dernier. Nous avons ainsi rapatrié sur notre territoire les personnels ayant travaillé pour nous, soit avec l’armée française, soit avec les services diplomatiques français, et ce bien avant la prise de Kaboul par les talibans.

Par la suite, la France a continué à se mobiliser. Je veux saluer notamment les membres du RAID, pour recherche assistance intervention dissuasion, les membres des forces de l’ordre, de la sécurité intérieure, ainsi que les militaires, mais aussi les services diplomatiques qui, jusqu’à la dernière minute, ont travaillé à Kaboul.

Depuis le mois de mai dernier, la France a accueilli près de 4 000 Afghans ayant travaillé avec nos armées ou les services diplomatiques, ou ayant particulièrement été menacés en raison de leur engagement. C’est là le sens premier et la définition de l’asile, c’est-à-dire l’accueil de personnes qui, en raison de leur engagement, sont particulièrement menacées dans leur pays d’origine. Nous avons donc vocation à les accueillir en France.

À la fin du mois de décembre dernier, 2 375 demandes d’asile ont été enregistrées, notamment par des personnes venant d’Afghanistan. D’ores et déjà, près de 1 400 décisions de protection ont été prises par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’Ofpra.

Par ailleurs, les services de l’État ont signé des contrats territoriaux d’accueil et d’intégration (CTAI) avec un certain nombre de collectivités pour qu’elles puissent s’engager dans l’intégration de ces personnes venant d’Afghanistan.

Mme le président. La parole est à M. Bruno Belin, pour la réplique.

M. Bruno Belin. Madame la ministre, je vous remercie de ces éléments de réponse. La situation en Afghanistan est apocalyptique : les femmes, les jeunes filles et les enfants vivent sous la pression des terroristes. Ils risquent tous les jours de mourir. Par ailleurs, la famine menace, ce qui aggravera la situation des populations.

La situation des femmes nous préoccupe particulièrement, comme nous l’avons souligné à plusieurs reprises dans le cadre de la délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, présidée par Annick Billon.

Madame la ministre, je forme devant vous le vœu que notre assemblée, au travers de la délégation des droits des femmes, organise une mission d’observation pour sensibiliser à la situation en Afghanistan. Nous ne pourrons pas dire que nous n’étions pas au courant ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Joël Bigot applaudit également.)

Conclusion du débat

Mme le président. En conclusion de ce débat, la parole est à Mme Valérie Boyer, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Valérie Boyer, pour le groupe Les Républicains. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en 1991, l’ancien Président Valéry Giscard d’Estaing s’interrogeait : « Immigration ou invasion ? »

Trente et un ans après, certains pourraient se poser la même question.

Aussi, mes chers collègues, je crois que nous avons le devoir d’avoir un débat serein sur cette question et je remercie le président notre groupe, Bruno Retailleau, de l’avoir inscrit à l’ordre du jour de nos travaux. Je remercie également Roger Karoutchi d’avoir introduit ce débat.

Plus de trois ans après la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, force est de constater que ces problématiques demeurent plus que jamais d’actualité.

Certes, on nous dira que les moyens de l’Ofpra et de la Cour nationale du droit d’asile sont en hausse, que la police aux frontières a été mobilisée de manière accrue aux frontières ou que le nombre de places en centre de rétention administrative augmente. C’est éminemment nécessaire, mais cela ne suffit pas, loin de là.

Les chiffres sont en effet têtus et révèlent le manque de maîtrise des pouvoirs publics sur les flux et les dépenses.

Notre collègue Sébastien Meurant l’a bien illustré dans son rapport pour avis du projet de loi de finances pour 2022. Il rappelle que le financement de l’allocation pour demandeur d’asile, l’ADA, était en hausse, à environ 467 millions d’euros, mais que ce financement initial avait été quasi systématiquement dépassé lors de l’exécution des budgets précédents. On ne peut donc guère parler de « maîtrise » quand les dépenses excèdent systématiquement les prévisions et qu’une infime fraction seulement de certaines décisions essentielles à l’effectivité de la politique en question fait l’objet d’une exécution !

Cela ne se résume pas à de l’arithmétique. La situation sur le terrain demeure dégradée. Les évacuations de campements sauvages émaillent l’actualité ; notre ancien collègue de Seine-Saint-Denis, Philippe Dallier, s’en faisait encore l’écho dans une question d’actualité au Gouvernement il y a un peu plus d’un an. Catherine Belrhiti a également souligné cette situation.

Pendant ce temps, les événements sur les bords de la Manche, à la frontière de la Pologne et en Méditerranée nous rappellent que les flux migratoires se poursuivent et qu’une gestion réaliste et digne de leur accueil s’impose. La baisse temporaire de certains indicateurs pendant la durée de la crise sanitaire ne doit pas nous le faire oublier.

Face à ce constat, nous ne pouvons plus nous permettre d’hésiter davantage.

En raison des évolutions démographiques, géopolitiques et environnementales, la pression migratoire aux frontières de l’Europe ne devrait cesser de croître au cours des prochaines années.

Nous le savons, la population africaine devrait doubler d’ici à 2050. Cela impose de renouveler notre droit en profondeur.

Or, jusqu’alors, le Gouvernement a manqué d’ambition et n’a pas agi suffisamment. Le Président Macron a estimé tour à tour que l’on ne pouvait pas parler de crise migratoire et que l’immigration constituait une chance. Son discours a, par la suite, changé, mais les actes ne sont toujours pas là !

Vous avez manqué d’ambition sur les expulsions.

Vous n’avez pas souhaité revenir sur le délit de séjour illégal.

En 2018, vous avez étendu le regroupement familial – réunification familiale aux frères et sœurs de réfugiés mineurs, augmentant l’arrivée d’étrangers par ce biais, comme l’a rappelé notre collègue Henri Leroy.

Vous n’avez pas fait grand-chose pour les mariages de complaisance.

Vous avez laissé exploser le nombre des MNA, comme vient de le souligner Édouard Courtial.

Vous n’avez rien fait non plus en matière d’intégration, puisque le Conseil constitutionnel a censuré la proposition du Sénat, qui aurait garanti la possibilité de refuser le renouvellement des titres de séjour aux personnes qui refusent nos valeurs.

Vous avez refusé le contrôle aux frontières, sauf au début de la crise sanitaire où vous avez retrouvé la notion de frontières. Fallait-il en arriver là ?

Vous avez refusé de conditionner l’aide publique au développement à la délivrance des laissez-passer consulaires.

Vous avez refusé la proposition du Sénat concernant la révocation du statut de réfugié pour les personnes condamnées pour apologie du terrorisme.

Vous avez refusé le renforcement des peines complémentaires d’interdiction du territoire pour les étrangers en situation irrégulière qui commettent certains crimes et délits graves.

Vous avez refusé d’aggraver les peines pour les trafiquants d’êtres humains.

Vous avez refusé que tout rejet définitif d’une demande d’asile vaille obligation définitive de quitter le territoire français.

Vous avez refusé d’inscrire les demandes d’asile dans les pays d’origine, comme l’a rappelé Stéphane Le Rudulier.

La réalité est que vous êtes liés à des textes supranationaux qui vous empêchent de lutter contre l’immigration de masse. Je pense à la Convention européenne des droits de l’homme. Je pense aussi à l’accord franco-algérien de 1968 ; d’ailleurs les premières démarches – espérons-le enfin sérieuses – pour les laissez-passer consulaires démarrent à moins de cent jours de la fin du mandat présidentiel !

Nous pourrions aussi évoquer le pacte de Marrakech.

Au moment où la France assure la présidence du Conseil de l’Union européenne, pourquoi ne pas renégocier ou suspendre l’application de certaines directives de l’Union européenne ?

Le débat que nous avons eu cet après-midi est, hélas, bien fidèle aux précédents. Le résultat, c’est 2 millions d’étrangers en plus durant votre quinquennat, ce qui fait souffrir les migrants mal accueillis et mal intégrés, mais aussi des Français qui se sentent dépossédés et malheureux de cette situation.

Vous êtes forts dans les mots et faibles dans les actes. C’est pourquoi la question de l’immigration restera probablement l’un des plus gros échecs de votre quinquennat ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Trois ans après la loi “Asile et immigration”, quel est le niveau réel de maîtrise de l’immigration par les pouvoirs publics ? »

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.)

Mme le président. La séance est reprise.

8

Candidatures à une commission mixte paritaire

Mme le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée l’élaborer un texte sur le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2021-484 du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d’exercice de cette représentation et portant habilitation du Gouvernement à compléter par ordonnance les règles organisant le dialogue social avec les plateformes ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

9

 
Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, pour une meilleure prise en compte de la qualité de la vie étudiante, pour renforcer l'accompagnement des étudiants à toutes les étapes de leur parcours et pour dynamiser l'ancrage territorial de l'enseignement supérieur
Discussion générale (suite)

Meilleure prise en compte de la qualité de la vie étudiante

Adoption d’une proposition de résolution

Mme le président. L’ordre du jour appelle l’examen, à la demande du groupe Union Centriste, de la proposition de résolution pour une meilleure prise en compte de la qualité de la vie étudiante, pour renforcer l’accompagnement des étudiants à toutes les étapes de leur parcours et pour dynamiser l’ancrage territorial de l’enseignement supérieur, présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par M. Laurent Lafon et plusieurs de ses collègues (proposition n° 6).

Dans la discussion générale, la parole est M. Laurent Lafon, auteur de la proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Laure Darcos applaudit également.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, pour une meilleure prise en compte de la qualité de la vie étudiante, pour renforcer l'accompagnement des étudiants à toutes les étapes de leur parcours et pour dynamiser l'ancrage territorial de l'enseignement supérieur
Discussion générale (fin)

M. Laurent Lafon, auteur de la proposition de résolution. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, sur l’initiative du groupe Union Centriste, le Sénat a créé une mission d’information sur les conditions de la vie étudiante.

J’avais formulé cette demande au mois de décembre 2019, soit quelques semaines avant la crise de la covid. En effet, comme certains observateurs de la vie étudiante, nous étions préoccupés par la précarisation qui touchait depuis plusieurs mois un nombre grandissant d’étudiants.

Pour des questions de calendrier, cette mission d’information s’est déroulée au premier semestre de 2021, alors que la crise sanitaire avait entretemps durement touché notre pays, singulièrement le milieu étudiant.

La crise de la covid n’a pas créé le mal-être de certains étudiants. Elle l’a amplifié, elle l’a surtout rendu public. L’opinion a alors découvert que la période des études supérieures était pour certains un chemin semé d’embûches : difficulté de boucler les fins de mois, conditions de logement dégradées et coûteuses, accès aux soins compliqué, alimentation insuffisante, etc. Autant de difficultés qui peuvent affecter les étudiants.

Pour certains, la réussite des études devient un défi dès lors que le milieu familial n’est pas en mesure d’apporter l’aide nécessaire. Notre modèle républicain d’égalité des chances est pour ceux-là fortement altéré.

Les images révélées par la crise sanitaire d’étudiants faisant la queue aux Restos du Cœur pour se nourrir ou isolés dans des chambres d’étudiants trop petites sont le résultat en fait d’un triple manquement.

Tout d’abord, l’augmentation continue du nombre d’étudiants non anticipée depuis plusieurs années principalement à l’université, entre 20 000 et 35 000 étudiants supplémentaires chaque année, s’est faite au détriment d’un accueil qualitatif des étudiants.

Ensuite, les politiques d’accompagnement à la réussite étudiante n’ont pas été prioritaires et n’ont pas fait l’objet d’efforts budgétaires suffisants pour apporter des solutions satisfaisantes aux situations de détresse.

Enfin, la population étudiante est peu connue et ses difficultés sont insuffisamment analysées. Malgré le travail de qualité de l’Observatoire national de la vie étudiante, la connaissance que nous avons d’elles est insuffisante à l’échelon national comme au sein de chaque établissement universitaire. Quel est le nombre d’étudiants dans la précarité : 10 %, 15 %, 20 %, plus ? Personne ne le sait.

Pourtant, comment ne pas penser que les difficultés de revenu, de logement, de santé sont l’une des causes majeures de l’échec élevé en première année de licence ?

C’est dans ce contexte et avec ces questions que la mission d’information a mené son travail pendant plus de quatre mois sous la présidence de Pierre Ouzoulias, que je tiens à remercier non seulement de sa connaissance du secteur, mais aussi du souci qu’il a eu de favoriser un climat de travail consensuel, qui a permis un vote à l’unanimité du rapport d’information et des propositions qui fondent cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Quelles sont ces propositions ? Faute de temps, je ne peux toutes les présenter, mais je m’arrêterai quelques instants sur les principales. Elles s’articulent autour de quatre axes : privilégier l’ancrage territorial de l’enseignement supérieur, tirer les conséquences de la crise pour améliorer la condition étudiante, mieux accompagner les étudiants dans leur parcours, lutter contre la précarité financière.

Premièrement, il s’agit de privilégier l’ancrage territorial de l’enseignement supérieur.

Pendant la crise sanitaire, nous avons tous constaté l’engagement des collectivités territoriales auprès des étudiants. Nous savons également l’importance de l’ancrage local des établissements d’enseignement supérieur au travers des relations qu’ils entretiennent avec les collectivités territoriales, les entreprises et le milieu associatif. Ces relations concourent, entre autres, à favoriser l’accès des étudiants aux stages et à renforcer l’attractivité de nos territoires.

Il nous semble donc nécessaire d’intégrer les problématiques d’enseignement supérieur et de leur localisation dans le cadre des politiques d’aménagement de nos territoires.

Développer une offre de proximité est un levier d’amélioration de la qualité de vie des étudiants. Nous préconisons une conception territorialisée et diversifiée des cycles universitaires permettant, par exemple, de réaliser un premier cycle dans un établissement de proximité, de taille restreinte, qui favorise un accompagnement personnalisé et évite l’éloignement familial. En quelque sorte, il s’agit de mettre fin au phénomène de métropolisation qui a poussé depuis des années à investir massivement dans de grands centres universitaires.

L’ancrage territorial passe également par une offre de logements étudiants adaptée. On le sait, le logement constitue un problème majeur pour un grand nombre d’étudiants. Aujourd’hui, en France, il manque près de 250 000 logements étudiants.

Si de multiples plans pour accélérer la construction ont été mis en place, ils ne l’ont pas toujours été de manière efficace et n’ont pas atteint leur cible. Le dernier plan en date en est une nouvelle preuve : 60 000 logements devaient être construits d’ici à 2022 ; moins de 24 000 l’ont été à la fin de l’année 2020, ce qui laisse à penser que l’objectif ne sera pas atteint.

Nous proposons donc d’intégrer pleinement les collectivités dans les politiques de construction des logements étudiants en territorialisant et contractualisant les objectifs avec elles. En effet, la prise en compte des spécificités de nos territoires est nécessaire, tout comme la participation de nos collectivités pour proposer une offre pertinente.

Au-delà de l’importance du maillage et des politiques territoriales, la crise sanitaire a révélé la nécessité de renforcer l’offre de santé sur les campus universitaires.

Deuxièmement, il s’agit de tirer les conséquences de la crise sanitaire en matière d’offre de santé.

Actuellement, l’offre de santé sur les campus repose essentiellement sur les actions de services de médecine préventive et de promotion de la santé, dont le champ d’action est très limité et dont les moyens demeurent insuffisants.

À titre d’exemple, il y avait au début de la crise un équivalent temps plein, ou ETP, d’infirmière pour 10 000 étudiants, un ETP de médecin pour 16 000 étudiants et un ETP de psychologue pour 30 000 étudiants. Le taux de couverture est donc faible, alors que seulement un étudiant sur quatre déclare consulter un service médical durant son parcours universitaire.

La crise sanitaire a mis en lumière l’insuffisance et les limites de ce système et a contribué à l’émergence de nouveaux besoins, notamment en matière d’accompagnement psychologique et de prise en charge des frais de santé.

Du point de vue de la prévention psychologique, par exemple, il existe seulement dix-huit bureaux d’aide psychologique universitaire (BAPU) en France et certaines agglomérations comme Bordeaux ou Lyon n’en disposent pas.

Nous appelons donc à dynamiser sensiblement l’offre de services de santé universitaires par un renforcement des réseaux avec les médecines de ville ou hospitalière, à renforcer l’accompagnement psychologique des étudiants en prolongeant l’accès gratuit aux soins psychologiques et à résoudre les difficultés d’affiliation qui compromettent la protection sociale de certains étudiants ultramarins.

Troisièmement, la crise sanitaire a mis en évidence la nécessité de garantir un meilleur accompagnement des étudiants. En la matière, elle a montré le rôle clé des établissements universitaires, notamment en matière alimentaire.

Je vous rappelle qu’un quart des étudiants dont les difficultés financières se sont aggravées pendant le premier confinement ont déclaré ne pas toujours avoir pu manger à leur faim pour des raisons financières.

En conséquence, nous invitons à prolonger le dispositif du repas à un euro dans les restaurants universitaires pour les étudiants boursiers et à faire en sorte que les étudiants aient accès, dans tous les territoires, à une offre de restauration adaptée par des partenariats avec les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires, les Crous.

Au-delà des aides et du soutien financier, il convient de repenser notre rapport à l’emploi étudiant. Même s’il renvoie à une grande diversité de situations, il concourt nécessairement à l’amélioration de la condition de vie étudiante.

L’exercice d’une activité peut néanmoins devenir un problème si elle entre en concurrence avec les études. Il est donc nécessaire d’identifier les étudiants pour lesquels la charge de travail liée à cet emploi est susceptible de nuire à la réussite universitaire et de leur offrir un accompagnement personnalisé.

Nous plaidons donc pour le développement d’activités salariées qui puissent se concilier avec les études, notamment au sein même des établissements universitaires, et pour la création d’un statut d’étudiant.

Quatrièmement, il s’agit de lutter contre la précarité financière des étudiants. Il importe donc de poser la question de leurs besoins financiers.

Ces deux dernières années ont aggravé les difficultés financières des étudiants et une grande partie d’entre eux déclaraient ne pas avoir assez d’argent pour couvrir leurs besoins.

Je tiens tout d’abord à saluer le travail et l’implication exceptionnels des associations étudiantes durant la crise sanitaire. Elles méritent d’être soutenues.

Actuellement, le soutien financier repose essentiellement sur les aides publiques, qui sont constituées pour l’essentiel des bourses et des aides au logement.

J’appelle particulièrement votre attention sur la question des bourses. Il y a en effet beaucoup à dire sur les échelons et les effets de seuils. De plus, les bourses ne prennent pas en compte la notion de pouvoir d’achat et la réalité des dépenses liées à la vie étudiante. En fonction de l’implantation géographique ou encore du coût du logement, l’impact sur le pouvoir d’achat n’est pas le même.

Nous recommandons donc d’instaurer le calcul d’un « reste à charge » après la prise en compte des dépenses obligatoires pour mieux cibler les étudiants qui ont besoin d’une aide supplémentaire.

Nous ne pouvons que regretter que la réforme des bourses pourtant annoncée par le Président de la République n’ait toujours pas été réalisée. Elle semble avoir été abandonnée, n’étant semble-t-il pas jugée prioritaire par Bercy. Quel message, alors que l’État a pourtant trouvé ces derniers mois l’argent nécessaire pour lutter contre les effets de la crise sanitaire !

Je terminerai en soulignant deux autres propositions complémentaires à la réforme des bourses : d’une part, la mise en place d’un dispositif de guichet unique en matière d’aides sociales, d’autre part, l’élaboration et la généralisation d’outils au sein des établissements universitaires pour cibler et assurer l’accompagnement des étudiants ayant un besoin spécifique.

Voilà quelques-unes des propositions que nous avons formulées.

Mme le président. Veuillez conclure, cher collègue.

M. Laurent Lafon. Elles sont des réponses concrètes aux difficultés rencontrées par les étudiants. L’actualité récente montre que la crise sanitaire n’est pas terminée.

Mme le président. Il faut conclure !

M. Laurent Lafon. Les causes structurelles de la précarité étudiante n’ont pas non plus disparu. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes SER et Les Républicains. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

Mme le président. Je rappelle que chacun doit respecter son temps de parole. Je couperai les micros en cas de dépassement.

La parole est à M. Yan Chantrel.

M. Yan Chantrel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de résolution qui nous est soumise aujourd’hui, résultat des travaux de la mission d’information sur les conditions de vie étudiante en France, fait un constat clair et incontestable : la pandémie, qui nous touche tous depuis deux ans, a frappé de plein fouet notre jeunesse.

Ce constat, nous le partageons entièrement. C’est la raison pour laquelle notre groupe votera cette proposition de résolution.

Au-delà des formules consensuelles de ce texte, qui ont permis de rassembler des signatures émanant de toutes les travées de notre assemblée, il me paraît indispensable de dire qu’il y a aujourd’hui urgence à agir pour remédier aux maux qui touchent les étudiants de France !

Dans le cadre d’une étude récente menée par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et l’université de Bordeaux, 37 % des étudiants interrogés déclaraient des troubles dépressifs et 27 % d’entre eux des symptômes d’anxiété, sans compter ceux qui souffrent d’isolement. Un étudiant sur six rapportait même des pensées suicidaires !

Aujourd’hui encore, alors que les partiels du mois de janvier se profilent, les incertitudes pesant sur l’organisation des examens et les constants changements de règles sanitaires décidés par le Gouvernement ajoutent du stress à leur angoisse. Partout sur le territoire, on arrive à saturation pour ce qui est de répondre aux demandes des étudiants en matière de consultations psychologiques.

Cette détresse de notre jeunesse, nous en sommes tous témoins. Qui n’a pas une fille, un neveu, une proche, confronté à des difficultés psychologiques ou financières pendant ses études ?

Face à cette réalité, l’aveuglement et le déni du Gouvernement constituent une violence supplémentaire infligée à la jeunesse de France.

Dans leur rapport annuel 2020-2021, les Restos du Cœur nous alertent : la moitié des personnes accueillies ont moins de 25 ans et, au sein des « nouveaux publics » qui viennent chercher une aide alimentaire depuis le début de la pandémie, les étudiants, notamment ceux qui ont perdu leur job pendant la crise, forment un lourd contingent.

Nous avons tous été saisis d’effroi devant ces files interminables d’étudiants attendant de recevoir une aide alimentaire partout en France, l’année dernière. Beaucoup de jeunes se retrouvent aujourd’hui encore sans filet de sécurité durant leurs études.

Face à la détresse de cette jeunesse que nous voyons s’enfoncer dans la précarité, nous ne pouvons rester les bras ballants en déplorant de voir une génération sacrifiée. C’est la raison pour laquelle nous défendons, comme nous l’avions fait en 2021 à l’Assemblée nationale, l’instauration d’un « minimum jeunesse », qui passerait notamment par l’extension du RSA au moins de 25 ans. Ce revenu de base pour les jeunes est une proposition de bon sens, d’ailleurs soutenue par deux tiers des Français, qui permettrait de répondre immédiatement à l’urgence sociale concernant notre jeunesse.

Ne nous y trompons pas, en effet : si la crise liée à la pandémie a amplifié les difficultés rencontrées par les étudiants, elle n’a fait que mettre en exergue les problèmes structurels auxquels l’université française doit faire face depuis beaucoup trop longtemps. La précarisation des étudiants de France, c’est aussi le résultat de son sous-financement.

Les moyens alloués à nos universités ne sont pas à la hauteur de la tâche qui leur incombe ! Le Conseil d’analyse économique pointait récemment que le niveau de dépense publique par étudiant est en baisse depuis plusieurs années. Par ailleurs, tandis que les effectifs étudiants ont augmenté de 20 % à l’université ces dix dernières années, le nombre d’enseignants a quant à lui diminué de 2 %.

À cette situation s’ajoutent de très fortes disparités entre cursus : 11 000 euros par étudiant pour un cycle de licence en lettres et sciences humaines, contre 60 000 euros pour un cursus en école d’ingénieurs ; une moyenne de 9 enseignants-chercheurs pour 100 étudiants en école d’ingénieurs, contre 3,5 en licence de sciences humaines.

Si, en France, nos étudiants souffrent plus que dans de nombreux autres pays – je peux en témoigner en tant que parlementaire des Français de l’étranger –, c’est aussi en raison de cette exception française d’un système à deux vitesses, grandes écoles et universités, qui favorise les premières au détriment des secondes.

Outre qu’il engendre entre-soi et reproduction sociale, ce système favorise une sous-dotation endémique de l’université. Est ainsi créée une concurrence déloyale au profit des plus nantis, ce qui aboutit à un manque de reconnaissance des formations universitaires, terreau rendu fertile pour nourrir la détresse des étudiants les plus vulnérables.

N’oublions jamais que prendre soin de notre jeunesse, c’est prendre soin de l’avenir de notre pays. C’est aussi se donner les moyens d’affronter les défis climatiques, économiques et démocratiques qui sont devant nous.

C’est pourquoi il est grand temps d’investir dans la formation de notre jeunesse et de lui garantir les conditions d’une vie digne. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)