Mme la présidente. Ma chère collègue, merci de votre bonne volonté.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Loïc Hervé, rapporteur. L’article 7 vient encadrer le recours à la vidéosurveillance dans les cellules de garde à vue et de retenue douanière. Ce cadre juridique est une obligation.

Aujourd’hui, près de 3 000 locaux de garde à vue de la police sont dotés de dispositifs de vidéoprotection…

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’est pas un argument !

M. Loïc Hervé, rapporteur. …, mais il n’existe aucun encadrement juridique : il faut y remédier afin d’assurer la protection des personnes concernées.

Ma chère collègue, vous avancez que le cadre juridique en la matière n’est pas assez précis, mais, dans le même temps, vous proposez de supprimer l’article.

Mme Éliane Assassi. Eh oui : quand c’est flou, il y a un loup !

M. Loïc Hervé, rapporteur. Votre position est tout de même un peu paradoxale…

M. Loïc Hervé, rapporteur. Si votre amendement était adopté, on verrait perdurer la situation actuelle ; en d’autres termes, on interdirait la vidéosurveillance des locaux de garde à vue. (Mme Éliane Assassi le confirme.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce serait la logique !

M. Loïc Hervé, rapporteur. Soit ; mais telle n’est pas la position de la commission. J’émets un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre délégué. Madame Assassi, l’installation de dispositifs de vidéosurveillance dans les locaux de garde à vue gérés par la police et la gendarmerie a pour but de compléter, sans se substituer à eux, les moyens humains de surveillance des personnes gardées à vue susceptibles d’attenter à leur vie, d’agresser d’autres personnes ou de s’évader.

De plus, les dispositions de cet article tiennent rigoureusement compte de la décision du Conseil constitutionnel, de l’avis du Conseil d’État et des remarques formulées par la CNIL sur ce sujet.

Ainsi, afin de tirer pleinement les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel, le dispositif comprend les garanties suivantes : la personne gardée à vue ne peut être placée sous vidéosurveillance que lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’elle pourrait être tentée de s’évader ; la décision est prise par le chef du service responsable de la sécurité des lieux, pour une durée maximale de vingt-quatre heures ; la personne est informée du droit de demander la conservation des enregistrements, de la durée de cette conservation et des droits qu’elle tient de la loi de 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

Les modalités de mise en œuvre des traitements résultant de cette vidéosurveillance sont également encadrées : les cellules de garde à vue sont équipées d’un pare-vue afin de préserver l’intimité de la personne ; l’emplacement des caméras est visible ; seul le chef de service ou son représentant, individuellement désigné et spécialement habilité par lui, peut consulter les images en temps réel ; enfin, à l’issue de la garde à vue, les enregistrements sont conservés sous la responsabilité du chef de service ayant prononcé la mesure.

Dans son avis, le Conseil d’État a considéré que de nombreuses garanties étaient déjà prévues, et le Gouvernement a tenu compte des dispositions supplémentaires qu’il a proposées.

Aussi, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 46.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 47, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le placement sous vidéosurveillance est également mis en œuvre à la demande de la personne placée en garde à vue ou en retenue douanière.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. L’argumentaire que j’ai développé au sujet du précédent amendement vaut également pour cet amendement de repli.

Monsieur le rapporteur, je vous le confirme, nous sommes totalement opposés à la vidéosurveillance en garde à vue. Cependant, si ce dispositif doit malheureusement être maintenu, nous proposons qu’il puisse être enclenché à la demande de la personne placée en garde à vue. Ainsi, la décision de placement sous vidéosurveillance ne serait pas laissée à la seule appréciation de l’autorité administrative.

Comme le souligne non pas le Syndicat de la magistrature, mais l’Union syndicale des magistrats, le dispositif prévu, « nécessairement subjectif » et « à la main du service », « pourra difficilement servir de preuve aux assertions de mauvais traitements ou de violences, pour les fonder comme pour les écarter ».

Que les choses soient bien claires : il ne s’agit en aucun cas d’incriminer nos forces de l’ordre, pour qui les conditions de détention délétères en garde à vue sont aussi un poids. En effet, elles impliquent pour elles des conditions de travail déplorables.

Cela étant, chacun connaît les dérives auxquelles de semblables conditions de détention peuvent donner lieu. Il convient de les prendre en compte en accordant cet outil au gardé à vue. Il lui permettrait peut-être de se sentir protégé de toute violence inutile, en garantissant le respect de ses droits fondamentaux.

Ainsi, l’adoption de cet amendement rendrait le dispositif plus juste, voire utile pour les détenus et pour certains agents des forces de l’ordre, qu’il dissuaderait de recourir à de mauvais traitements physiques ou psychologiques.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Loïc Hervé, rapporteur. Après avoir souhaité supprimer cet article, Mme Assassi propose que le dispositif de vidéosurveillance puisse être mis en œuvre à la demande de la personne placée en garde à vue.

Je peux comprendre les objectifs qui ont présidé au dépôt de cet amendement ; pour autant, sur un plan opérationnel, une telle disposition me semble très difficile à mettre en œuvre.

M. Loïc Hervé, rapporteur. Tous les locaux de garde à vue ou de retenue douanière ne seront pas nécessairement pourvus d’un système de vidéosurveillance ; lorsqu’ils le seront, toutes les cellules n’en seront pas équipées.

Suivant les finalités définies par le législateur, des priorités devront donc être retenues : seules pourront être placées sous vidéosurveillance les personnes menaçant de s’échapper, présentant un risque pour elles-mêmes ou pour autrui.

Or ces personnes bénéficient évidemment de toutes les garanties procédurales qu’offre le droit pénal, en particulier pour ce qui concerne leur lieu de détention : il serait en revanche impossible, d’un point de vue opérationnel, de leur demander si elles souhaitent ou non être placées sous vidéosurveillance.

En conséquence, j’émets un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre délégué. Il est défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 47.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° 15 est présenté par M. Sueur, Mme de La Gontrie, MM. Kanner, Durain et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Jacquin et Antiste, Mme Conconne et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 67 est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

L’amendement n° 78 rectifié est présenté par Mme M. Carrère et MM. Bilhac, Cabanel, Corbisez, Guiol, Requier et Roux.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 6

Remplacer les mots :

le chef

par les mots :

décision motivée du chef

et les mots :

ou son

par les mots :

ou de son

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour présenter l’amendement n° 15.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Mes chers collègues, cet article est beaucoup plus intéressant qu’il n’y paraît.

À mon sens, le placement sous vidéosurveillance peut se révéler positif pour la personne gardée à vue et, dans certains cas, induire des comportements plus vertueux de la part des policiers qui organisent la garde à vue.

Je m’étonne même que le Gouvernement ait eu l’audace d’inscrire cette mesure dans le présent texte : peut-être tous les gardés à vue auront-ils enfin droit à une couverture pour dormir ou pourront-ils sortir de leur cellule pour satisfaire un besoin naturel. En ce sens, un tel dispositif peut être protecteur.

Dans la rédaction actuelle, cet article dispose que le chef de service peut recourir à la vidéosurveillance. Avec cet amendement, nous proposons que cet usage soit motivé. Pourquoi ?

L’exposé des motifs mentionne les risques de suicide, mais aussi les menaces pesant sur la personne gardée à vue et sur autrui. Or – on le sait –, en garde à vue, il se passe un certain nombre choses qui donnent lieu à des contestations et mettent parfois en cause les policiers.

Je rappelle au Gouvernement que, en vertu de l’article 58-1 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, le placement sous vidéosurveillance de détenus particuliers doit impérativement être motivé. Dans ces conditions, comment justifier qu’il ne le soit pas pour les gardés à vue, lesquels sont beaucoup plus nombreux ?

M. le rapporteur relève avec une sincérité touchante…

M. Loïc Hervé, rapporteur. Et naturelle !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. … qu’un grand nombre de policiers sont, en somme, dans l’illégalité et qu’il serait délicat de les y maintenir. Voilà pourquoi il faudrait régulariser la situation ; c’est quand même une curieuse manière de concevoir le droit !

M. Loïc Hervé, rapporteur. Oh !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il ajoute que, si l’on octroyait des droits aux gardés à vue, ils ne pourraient pas être respectés partout.

Monsieur le rapporteur, ayons un tant soit peu d’exigence : si l’on fixe des règles, elles doivent être appliquées. À ce stade, nous demandons la motivation du recours à la vidéosurveillance ; dans la suite du débat, nous défendrons d’autres dispositions. Nous ne sommes pas contre la vidéosurveillance en garde à vue, mais pour la protection des personnes qui s’y trouvent placées.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 67.

M. Guy Benarroche. Cet amendement est identique à celui que Mme de La Gontrie a brillamment défendu. Il vise à garantir l’encadrement juridique de la vidéosurveillance en garde à vue, que M. le ministre et M. le rapporteur me semblent appeler de leurs vœux.

On l’a dit : ces mesures nous reviennent après avoir été censurées par le Conseil constitutionnel. Ce dernier les a jugées déséquilibrées au regard de l’exercice des droits et libertés essentiels.

Le Gouvernement nous a expliqué de quelle manière il les a revues, mais la version actuelle de cet article n’atteint toujours pas un véritable équilibre. Nous l’avons indiqué lors de la discussion générale : la tentation sera forte de généraliser le recours à la vidéosurveillance pour pallier les carences de la surveillance humaine.

Ce risque sera bien trop grand s’il n’est pas nécessaire de motiver l’utilisation de la vidéosurveillance. Aussi, nous souhaitons inscrire cette motivation dans la procédure pénale afin d’éviter que le recours à la vidéosurveillance ne devienne systématique en garde à vue.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 78 rectifié.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Loïc Hervé, rapporteur. Les auteurs des amendements identiques nos 15, 67 et 78 rectifié souhaitent que la disposition de placement sous vidéosurveillance soit motivée. Or l’article prévoit déjà qu’une personne gardée à vue pourra être placée sous vidéosurveillance dans les seuls cas où il existe des raisons sérieuses de penser qu’elle pourrait tenter de s’évader ou représenter une menace pour elle-même ou pour autrui.

Par ailleurs, la mesure est placée sous le contrôle permanent de l’autorité judiciaire – on l’a déjà dit, mais c’est vraiment important de garder ce point à l’esprit –, qui décide de son renouvellement et peut y mettre fin à tout moment, y compris à la demande de la personne concernée.

Ce cadre me paraît suffisamment respectueux des droits de la personne gardée à vue ; celle-ci, si elle l’estime nécessaire, pourra saisir l’autorité judiciaire compétente.

Cela étant, madame de La Gontrie, vous avez évoqué dans votre argumentaire un sujet que nous avons déjà abordé à de nombreuses reprises, notamment dans le cadre de l’examen de la loi Sécurité globale et de nouveau à l’occasion du présent texte – je l’ai moi-même mentionné dans mon intervention à l’orée de la discussion générale – : les situations de fait. On peut penser aux drones, ou encore à la vidéosurveillance dans les lieux de détention. Effectivement, la question du cadre juridique de la vidéosurveillance dans notre pays se pose ; j’ai d’ailleurs interpellé le ministre sur ce point.

Pour autant, on ne saurait d’un côté reprocher au Gouvernement de vouloir bien faire et au Parlement d’essayer d’apporter les garanties juridiques les plus fortes, et de l’autre utiliser ce texte pour créer une nouvelle garantie administrative qui représenterait une charge si considérable qu’elle rendrait le dispositif presque complètement inopérant.

Même si le mieux n’est pas forcément l’ennemi du bien, je pense qu’il est préférable d’en rester à la rédaction arrêtée par la commission. Par conséquent, notre avis sur cet amendement est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre délégué. Les amendements nos 15, 67 et 78 rectifié visent à préciser que la mesure de placement sous vidéosurveillance est prise sur décision motivée, ce qui renvoie sans doute, j’imagine, à l’établissement d’un document écrit et risque de rendre le dispositif inopérant, comme votre rapporteur vient de l’indiquer.

Vous savez, mesdames, messieurs les sénateurs, que la décision de placement sous vidéosurveillance de la personne gardée à vue ne pourra intervenir que « lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser que cette personne pourrait tenter de s’évader ou représenter une menace pour elle-même ou pour autrui ». Elle n’est donc nullement arbitraire.

Par ailleurs – cela aussi m’apparaît comme un élément important de garantie –, cette décision est prise par le chef du service responsable de la sécurité des lieux ou son représentant, avec obligation d’en informer immédiatement l’autorité judiciaire compétente, qui jugera si les critères de la mise sous vidéosurveillance sont réunis ou non.

En conséquence, la mise sous vidéosurveillance devra nécessairement être justifiée, donc motivée. Elle sera soumise au contrôle du magistrat, qui pourra y mettre fin à tout moment.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vous êtes totalement hors sol !

M. Marc Fesneau, ministre délégué. Pour toutes ces raisons, l’avis du Gouvernement est défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Je n’ai toujours pas compris la réponse apportée par M. le rapporteur et M. le ministre…

M. Loïc Hervé, rapporteur. Je l’ai pourtant expliquée en commission et, à l’instant, en séance.

M. Jean-Pierre Sueur. Attendez que je précise, monsieur le rapporteur : je n’ai pas compris la réponse que vous apportez à l’argument produit par Mme Marie-Pierre de La Gontrie selon lequel la loi pénitentiaire de 2009 ne permet le placement sous vidéosurveillance d’un détenu que par une décision motivée. Pourquoi ce qui vaut dans le cadre pénitentiaire ne vaudrait-il pas pour les gardes à vue ? Si vous pouvez nous l’expliquer, je vous en serai fort reconnaissant.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Loïc Hervé, rapporteur. Je ne peux pas laisser notre collègue Jean-Pierre Sueur dans cet état d’incompréhension : ce n’est bon ni pour lui ni pour moi !

La principale différence entre la législation pénitentiaire et les règles qui s’appliqueraient en garde à vue, c’est la durée.

Nous avons en matière pénitentiaire arrêté un dispositif législatif bien particulier ; pardonnez-moi de le rappeler, mais il visait notamment M. Salah Abdeslam, qui fait l’objet d’une vidéosurveillance permanente, des années durant. On ne peut pas comparer le dispositif que nous sommes en train d’examiner et celui qui s’applique à des détenus dont la société, l’opinion publique et le monde politique ne supporteraient pas qu’ils attentent à leurs jours.

La vidéosurveillance pénitentiaire est donc très particulière et concerne des détenus très particuliers. Pour ce qui concerne la garde à vue, nous parlons de durées beaucoup plus courtes ; en outre, il y aurait un contrôle du juge.

Voilà pourquoi, me semble-t-il, on ne peut pas raisonnablement comparer les deux.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce dont nous sommes en train de parler ici, c’est du respect de la vie privée – nous y reviendrons d’ailleurs dans quelques instants, à l’occasion de l’examen d’autres amendements –, un sujet auquel le Conseil constitutionnel accorde une extrême vigilance.

Je tiens à dire de manière très respectueuse à M. le ministre qu’en la matière, « sous le contrôle du juge », cela n’existe pas dans les faits ! Penser que toute mesure de garde à vue puisse faire l’objet d’une vérification par le juge, c’est méconnaître la réalité. Cela fait joli dans un propos, mais ce n’est pas vrai !

Vous décidez donc aujourd’hui, contrairement à la demande exprimée par le Conseil constitutionnel, qu’aucune motivation ne sera nécessaire et – nous y reviendrons tout à l’heure – que d’autres droits encore ne seront pas respectés.

À aucun moment, il n’a été question de la protection de la personne gardée à vue elle-même. Or c’est précisément ce qui m’intéresse dans cette mesure : non pas simplement le fait d’empêcher des suicides ou des évasions – point qui ne suscite aucun désaccord –, mais aussi le fait d’assurer la protection de la personne gardée à vue. C’est à ce titre-là que je ne comprends pas votre avis défavorable sur notre amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 15, 67 et 78 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L’amendement n° 16, présenté par M. Sueur, Mme de La Gontrie, MM. Kanner, Durain et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Jacquin et Antiste, Mme Conconne et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 7, première phrase

1° Après le mot :

décidé

insérer les mots :

après recueil du consentement de la personne concernée

2° Remplacer les mots :

du comportement de la personne concernée

par les mots :

de son comportement

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je serai sans doute plus rapide dans mes explications, puisque la logique que nous défendons ici est la même que précédemment : nous défendons cette fois la nécessité de recueillir le consentement de la personne gardée à vue.

La Cour de cassation a eu l’occasion de se prononcer sur ce point, le 21 avril 2020, en indiquant que la personne faisant l’objet d’une garde à vue n’est pas en mesure de s’opposer à l’enregistrement, en raison de la situation de faiblesse dans laquelle elle se trouve de fait. Dès lors, recueillir son consentement – encore une fois, nous parlons d’atteinte à la vie privée – est une condition fondamentale pour assurer le respect de la personne et du droit dans une situation que nous savons déséquilibrée. Autant de points qui, je pense, intéresseront fortement le Conseil constitutionnel !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Loïc Hervé, rapporteur. Les auteurs de cet amendement proposent de subordonner le placement d’une personne sous vidéosurveillance à son consentement. Cela ne nous paraît pas suffisant, alors même que l’article 7 tend à placer la décision de vidéosurveillance sous le contrôle permanent de l’autorité judiciaire ; charge à elle de vérifier que cette décision répond bien aux exigences et aux finalités déterminées par la loi.

Un équilibre a été trouvé dans cet article et, comme pour l’amendement précédent, le cadre que nous proposons nous paraît respectueux des droits de la personne. Si celle-ci juge son placement sous vidéosurveillance injustifié, elle pourra alors saisir l’autorité judiciaire compétente.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre délégué. Il est également défavorable.

Je le répète, mesdames, messieurs les sénateurs, la décision de placement sous vidéosurveillance n’est pas une décision d’ordre général. Elle doit être motivée par trois types d’éléments : le risque d’évasion, le fait que la personne représente une menace pour elle-même – on se soucie donc bien, aussi, de la personne – ou le fait qu’elle représente une menace pour autrui.

Ce n’est donc nullement une décision arbitraire et cela participe de la sécurité de la personne retenue en garde à vue.

Enfin, le recours à la vidéosurveillance est assorti de nombreuses garanties, en particulier s’agissant du droit des personnes. Pardon de le répéter à mon tour, mais je mentionnerai à cet égard l’information immédiate de l’autorité judiciaire compétente, qui jugera elle-même si les critères du placement sous vidéosurveillance sont réunis ou non.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Vous allez pouvoir constater, mes chers collègues, l’un des premiers effets de la réforme de notre règlement. Les brillants esprits qui l’ont conçue n’ont peut-être pas mesuré que l’impossibilité dans laquelle nous sommes de lire en deux minutes l’ensemble des arguments permettant de défendre un amendement nous contraint de faire des explications de vote. Je ne suis pas certain que cette réduction de trente secondes du temps de parole apporte quoi que ce soit de positif !

Mais je voulais vous poser une question, monsieur le ministre. Vous n’ignorez pas que, dans les observations qu’il a adressées en guise de réponse au Conseil constitutionnel, le Gouvernement a expliqué que le dispositif était proportionné, donc conforme à la Constitution, car – je cite le texte même du Gouvernement – « la personne placée en garde à vue peut faire connaître son opposition à la mesure de vidéosurveillance lors de l’entretien avec son avocat et dans le cadre de ses auditions par les fonctionnaires de la police nationale ou les militaires de la gendarmerie nationale ». C’est au fond strictement la même chose que la mesure de consentement défendue par Mme de La Gontrie !

Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu’il conviendrait que vous rectifiiez votre position sur cet amendement, au vu même de ce que le Gouvernement a écrit au Conseil constitutionnel ? À défaut – je me permets de vous mettre en garde –, la conséquence pourrait être une nouvelle inconstitutionnalité des dispositions de cet article 7.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 16.

M. Jean-Pierre Sueur. M. le ministre ne répond même pas !

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 48, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 7, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

L’autorité judiciaire peut avoir accès, sur réquisitions, aux images collectées.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Suivant la même logique que notre amendement n° 47, précédemment défendu, cet amendement de repli vise à encadrer le présent dispositif de vidéosurveillance au cas où il devrait être adopté. Nous entendons non seulement permettre aux personnes gardées à vue d’être à l’initiative d’une activation du dispositif, comme nous le demandions dans l’amendement n° 47, mais aussi ouvrir à l’autorité judiciaire l’accès aux images collectées, sur réquisitions.

De notre point de vue, cette garantie permettrait d’éviter toute dérive dans l’utilisation d’un outil portant déjà fortement atteinte aux droits au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel d’individus qui sont, en outre, soumis à des mesures restrictives de liberté. La Défenseure des droits et ses prédécesseurs l’ont d’ailleurs déjà dénoncé, de même que la CNIL.

Nous reprenons donc, à travers cet amendement, une préconisation de l’Union syndicale des magistrats : prévoir expressément que l’autorité judiciaire informée de la mesure puisse avoir accès aux images collectées et brièvement conservées nous apparaît comme un préalable indispensable pour encadrer une mesure plus que contestée.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Loïc Hervé, rapporteur. Le présent amendement vise à octroyer à l’autorité judiciaire, sur réquisitions, un accès permanent aux images enregistrées.

Aux termes de l’article 7, il est déjà prévu que les images enregistrées ne peuvent être conservées que pour les besoins d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, et que nul ne peut y avoir accès, sauf pour les besoins d’un signalement à l’autorité judiciaire. L’allongement de la durée de conservation des images à l’issue de la garde à vue, que nous avons voté en commission, vise par ailleurs à laisser le temps à la personne concernée de prendre conseil pour, le cas échéant, saisir la justice.

Une fois encore, le cadre fixé par l’article me semble satisfaisant et répond aux préoccupations exprimées. D’où l’avis défavorable de la commission sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre délégué. L’autorité judiciaire étant considérée comme un tiers autorisé par la loi, elle peut avoir accès aux images collectées, du simple fait de son statut, sur réquisitions.

Les tiers autorisés par la loi sont des autorités publiques agissant dans le cadre de procédures légales, sous réserve des conditions applicables. Il peut notamment s’agir des agents de l’administration fiscale ou des douanes, des magistrats de l’ordre judiciaire, ou des agents de police judiciaire.

Dans le cadre d’une procédure pénale, l’autorité judiciaire dispose d’ores et déjà, en vertu des articles 60-1 et 77-1-1 du code de procédure pénale, du pouvoir de requérir de toute personne des informations intéressant l’enquête, y compris celles qui sont issues d’un système informatique ou d’un traitement de données nominatives.

En conséquence, puisque le droit commun autorise déjà l’autorité judiciaire à accéder aux images dans le cadre d’une réquisition, il n’est nullement nécessaire de prévoir une telle disposition.

Je sollicite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.