M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. Prince et Belin, Mme L. Darcos, MM. Babary, Le Nay et Janssens, Mmes C. Fournier, Herzog et Guidez et M. Genet, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

réglementaire,

insérer les mots :

construits ou immatriculés pour la première fois il y a plus de quarante ans ou

La parole est à M. Jean-Paul Prince.

M. Jean-Paul Prince. Cet amendement vise à protéger notre patrimoine historique. Si l’éligibilité à la vignette « collection » se limitait à la mention « véhicule de collection », une large partie des véhicules ayant un fort intérêt historique se trouveraient privés de cette protection.

De plus, un secteur qui compte environ 4 000 entreprises et plus de 20 000 emplois directs risquerait d’être mis en difficulté : je pense à tous les professionnels qui louent des voitures pour les mariages et d’autres cérémonies.

Pourtant – le chiffre a été rappelé à plusieurs reprises –, ces véhicules de collection ne représentent que 2 % du parc automobile : leur impact sur la pollution est donc limité. En outre, restreindre cette éligibilité aux seuls véhicules âgés de plus de quarante ans permet d’en exclure nombre de véhicules récents, plus polluants et présentant peu d’intérêt historique.

M. le président. L’amendement n° 4 rectifié, présenté par M. Delahaye et Mme Guidez, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les véhicules précédemment mentionnés dont la durée de mise en circulation excède une période de cinquante ans sont dispensés de cette identification.

La parole est à Mme Jocelyne Guidez.

Mme Jocelyne Guidez. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Jean-François Longeot, rapporteur. Tout en reconnaissant l’importance des voitures de collection, la commission n’a pas adopté le dispositif de cette proposition de loi, pour des raisons juridiques et afin de laisser la main aux collectivités territoriales.

Par cohérence, je demande le retrait de ces amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. J’émets moi aussi un avis défavorable, dans la mesure où je souhaite voir aboutir le travail que j’ai évoqué, mené notamment avec la Fédération française des véhicules d’époque (FFVE) : il permettra de préciser les critères de cette potentielle future vignette.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 2 rectifié bis, présenté par MM. Prince, Belin, Le Nay et Janssens, Mmes C. Fournier, Herzog, Guidez et Saint-Pé et M. Genet, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Les véhicules utilitaires ou dotés d’un moteur diesel ne peuvent recevoir la vignette « collection », sauf s’ils présentent un grand intérêt historique ou patrimonial.

La parole est à M. Jean-Paul Prince.

M. Jean-Paul Prince. Cet amendement vise à exclure les véhicules utilitaires ou à moteur diesel de l’éligibilité à la vignette « collection ».

Bientôt, de nombreux véhicules vont entrer dans la catégorie réglementaire des véhicules de collection. Parmi eux, certains ne présentent que peu d’intérêt historique et sont, de surcroît, très polluants – je pense notamment aux émissions de particules fines.

Si cet amendement était adopté, les véhicules de cette catégorie qui présenteraient un intérêt historique spécial pourraient bénéficier d’une éligibilité par exception, dans des conditions définies par le pouvoir réglementaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Longeot, rapporteur. Par cohérence avec le vote de la commission, je demande également le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. On ne dira jamais assez de bien du moteur diesel : ce moteur à forte compression permet de tirer le meilleur parti d’un carburant pour un maximum de puissance. De plus, il a évolué dans le temps, et heureusement.

Nous avons en Lorraine la plus grande usine européenne de fabrication de moteurs diesel. Ses jours sont sans doute comptés, comme ceux de l’usine du groupe Bosch à Rodez. Nous devrions être vigilants quant aux conséquences industrielles des mesures prises dans des moments d’enthousiasme, sans considération des enjeux économiques ni de l’emploi !

Pour revenir aux véhicules historiques, je rappelle que le docteur Diesel, ne parvenant pas à faire fonctionner son moteur, a fait appel à un industriel de Bar-le-Duc, M. Dickhoff. En conjuguant leurs efforts, tous deux ont mis au point le premier moteur à huile lourde à fort taux de compression. Bar-le-Duc est ainsi devenue, en quelque sorte, La Mecque historique du moteur diesel dans notre pays.

Mon cher collègue, je ne voterai pas votre amendement, dont les dispositions traduisent une forme de suspicion envers le diesel. Cette technologie a été une étape dans l’histoire automobile, notamment pour les véhicules utilitaires, et reste importante pour les véhicules de travail agricole.

Cette explication de vote me permet de défendre le moteur diesel, auquel je suis attaché, car il est intelligent, performant et, j’ajoute, évolutif : il terminera mieux que nous ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 3 rectifié ter, présenté par MM. Moga, J.M. Arnaud et E. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme, Bonneau et Bonnecarrère, Mme Canayer, MM. Chasseing, Decool, Delcros et Duffourg, Mme Férat, M. B. Fournier, Mmes C. Fournier et Goy-Chavent, M. Gremillet, Mme Gruny, M. L. Hervé, Mmes Jacquemet, Jacques et Joseph, MM. Kern et Klinger, Mmes de La Provôté et Lassarade, MM. Le Nay et Levi, Mme Loisier, MM. Longuet, Louault, A. Marc, Médevielle, Menonville et Mizzon, Mmes Morin-Desailly, Muller-Bronn et Paoli-Gagin, M. Pointereau, Mme Renaud-Garabedian, M. Rojouan et Mmes Sollogoub et Ventalon, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par les mots :

, excepté pour des déplacements entre le lieu de résidence habituelle et le lieu de travail

La parole est à M. Jean-Pierre Moga.

M. Jean-Pierre Moga. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Longeot, rapporteur. Pour les mêmes raisons que précédemment, je demande le retrait de l’amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Sagesse.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié ter.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je vais mettre aux voix l’article 1er.

Je rappelle que, si cet article n’était pas adopté, les articles suivants deviendraient sans objet. Dès lors, il n’y aurait plus lieu de mettre aux voix ces articles ou l’ensemble de la proposition de loi : il n’y aurait donc en conséquence pas d’explication de vote sur ces articles et sur l’ensemble.

Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à la création d'une vignette « collection » pour le maintien de la circulation des véhicules d'époque
Article 3

Article 2

Les modalités d’application relatives à la vignette “collection” mentionnée à l’article 1er de la présente loi sont fixées par décret. – (Adopté.)

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi visant à la création d'une vignette « collection » pour le maintien de la circulation des véhicules d'époque
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 3

La perte de recettes résultant pour l’État de la présente loi est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. – (Adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article 3
Dossier législatif : proposition de loi visant à la création d'une vignette « collection » pour le maintien de la circulation des véhicules d'époque
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.

Mme Nadia Sollogoub. Mes chers collègues, cet hémicycle dénombre beaucoup d’amateurs de véhicules anciens et nous avons largement vanté ce patrimoine.

Pour ma part, je tiens à témoigner en tant qu’élue d’un département – la Nièvre – auquel les véhicules anciens donnent un grand potentiel de développement touristique, puisqu’il est traversé de part en part par la RN 7 historique. Puisque nous avons tous poussé la chansonnette, je tiens à dire : « On est heureux, nationale 7 ! » (Sourires.)

Quand la ville de Pougues-les-Eaux organise la fête de la nationale 7, quelque 20 000 personnes se rendent dans la Nièvre pour y assister : c’est une grande occasion pour nous. Je tenais donc à souligner cet aspect touristique ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.

M. Alain Houpert. Mon département est traversé par la nationale 6 (Exclamations amusées.) et, comme l’a dit un de nos collègues du groupe Union Centriste, j’aime bien regarder dans le rétroviseur.

Les mots ne sont pas les seuls à même de faire remonter les souvenirs : il y a aussi les odeurs, véritables concentrés du temps passé, qui nous rappellent les voyages en voiture avec nos chers parents et grands-parents. Je voterai cette belle proposition de loi !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Moga, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Moga. Mes chers collègues, je ne reprendrai pas les propos que j’ai tenus à la tribune. Vous l’avez tous compris : une circulation modérée – j’insiste sur ce point – fait partie intégrante de la conservation de ce patrimoine technologique, que la France doit protéger et dont elle peut être fière.

Ma proposition de loi permettra aussi de maintenir près de 10 000 manifestations annuelles auxquelles participent ces vieux véhicules : il s’agit également d’un enjeu d’importance. Dans nos agglomérations comme dans nos campagnes, ces événements contribuent au lien social intergénérationnel que la crise actuelle fragilise tant.

Vous vous en doutez : je vous invite à ne pas suivre l’avis défavorable du Gouvernement et de la commission et donc à voter cette proposition de loi. Elle répond aux attentes de 250 000 collectionneurs et de 2 millions de sympathisants ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde.

Mme Christine Lavarde. Mes chers collègues, pour ma part, je vais vous parler en tant qu’élue d’un territoire situé dans une zone à faibles émissions.

Nos débats de cet après-midi sont tout à fait intéressants : je ne remets absolument pas en cause les arguments patrimoniaux ou industriels. Néanmoins, il ne faut pas oublier cette question de fond qu’est l’accessibilité des ZFE.

Demain, aurons-nous un débat de même nature au sujet des familles qui ne sont pas parvenues à faire l’acquisition d’un véhicule autorisé à circuler pendant les périodes de pollution ? Leurs véhicules actuels ne sont pas des voitures de collection – nous n’en avons donc pas parlé aujourd’hui –, mais ils sont souvent anciens. Or, j’y insiste, tous les ménages n’auront pas les moyens de mener à bien cette conversion.

La question que nous abordons aujourd’hui pour un parc assez restreint se posera demain avec d’autant plus d’acuité lorsque les ZFE se développeront sur l’ensemble du territoire pour les ménages les plus modestes ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-François Longeot, rapporteur. Rassurez-vous, monsieur le président, je ne vais pas pousser la chansonnette ni célébrer les nationales ! (Sourires.)

Avant que nous ne procédions au vote sur l’ensemble, je souhaite simplement poser cette question à M. le ministre : peut-on envisager une évolution du décret dans le sens indiqué par le Sénat ?

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi, modifiée.

(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à la création d'une vignette « collection » pour le maintien de la circulation des véhicules d'époque
 

6

 
Dossier législatif : proposition de loi tendant à appliquer diverses mesures urgentes pour lutter contre les fraudes sociales
Discussion générale (suite)

Lutte contre les fraudes sociales

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Union Centriste, la discussion de la proposition de loi tendant à appliquer vingt-quatre mesures urgentes pour lutter contre les fraudes sociales, présentée par Mme Nathalie Goulet et plusieurs de ses collègues (proposition n° 232, texte de la commission n° 414, rapport n° 413).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Nathalie Goulet, auteur de la proposition de loi.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à appliquer diverses mesures urgentes pour lutter contre les fraudes sociales
Article 1er

Mme Nathalie Goulet, auteur de la proposition de loi. Monsieur le ministre, sur ce sujet, j’ai un peu l’impression de revenir avec mon petit bagage, telle une cousine de province, pour vous répéter la même chose de PLFSS en PLFSS ! Cela étant, l’actualité des derniers jours vient me conforter.

Au terme d’un contrôle aléatoire, une fraude massive de 700 000 euros a été détectée par la caisse primaire d’assurance maladie du Haut-Rhin, pour un pharmacien qui avait falsifié des ordonnances : modification de dates, ajout de prescriptions, création d’ordonnances, etc. Cette affaire nous rappelle, au passage, l’urgence de la numérisation des ordonnances.

Avant-hier, devant le tribunal de Grenoble, trois prévenus – un médecin et ses deux complices – comparaissaient pour un préjudice de plus de 1 million d’euros. Ils sont accusés d’avoir falsifié des dossiers d’aide médicale de l’État (AME) au profit de 197 personnes domiciliées à l’étranger, qui n’avaient donc pas droit à cette prestation.

Ce matin même, Le Figaro Économie titrait : « Fraude sociale : l’assurance maladie enquête sur une centaine de centres ophtalmologiques » en soulignant le rôle du lanceur d’alerte Charles Prats, que nous connaissons bien.

Sur ce sujet, le proverbe populaire « quand on cherche, on trouve » a donc matière à s’appliquer !

Cette proposition de loi est le fruit d’un long travail et d’une certaine obstination pour rendre ce sujet à la fois plus visible et plus transparent.

Je le dis et je le répète, notamment à l’intention de mes amis du groupe communiste républicain citoyen et écologiste : il ne s’agit pas d’une fraude de pauvres et notre but n’est en aucun cas de stigmatiser les étrangers. Il s’agit d’une fraude en réseaux organisés, si bien organisés d’ailleurs que Tracfin, la cellule de renseignement financier du ministère de l’économie, s’attache désormais dans ses rapports à étudier les conséquences de la fraude sociale.

Sur ce sujet, le dernier rapport de Tracfin est assez clair, chère Cathy Apourceau-Poly. La fraude aux cotisations sociales représente 194 dossiers ; la fraude aux prestations sociales, 43 dossiers. (Mme Cathy Apourceau-Poly opine.)

En outre – ce point a toute son importance –, depuis le 1er janvier dernier, un inspecteur du recouvrement des Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf) assure les fonctions d’agent de liaison au sein de Tracfin.

Monsieur le ministre, ce texte comportait initialement vingt-quatre articles. Il résultait du passage au peigne fin du rapport que ma collègue députée Carole Grandjean et moi-même avions rendu à votre demande et à celle du Premier ministre Édouard Philippe, du rapport de nos collègues de l’Assemblée nationale, d’ailleurs très largement inspiré du nôtre, et enfin du rapport de la Cour des comptes.

Cette proposition de loi a été consciencieusement examinée par les services du Sénat, que je tiens à remercier, pour éviter que des mesures réglementaires n’y figurent et pour assurer son orthodoxie parlementaire. Je suis donc un peu peinée d’entendre, ici ou là, que ce texte ne serait pas abouti ; j’y insiste, il résulte d’un long travail. Je remercie également mes collègues de l’Union Centriste de l’avoir inscrit à cet ordre du jour réservé.

Lors d’un entretien avec M. le rapporteur, nous avons pu constater qu’un certain nombre de dispositions faisaient doublon avec des mesures votées au titre du dernier PLFSS ou en cours d’examen par vos services. Il s’agit notamment du dispositif destiné à l’amélioration du répertoire national commun de protection sociale (RNCPS), lequel fait actuellement l’objet d’une mission de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS), et de la carte Vitale biométrique, désormais expérimentée dans dix départements. Un certain nombre de ces mesures ont donc été retirées du présent texte.

D’autres dispositions ont été écartées de façon à concentrer l’attention du Sénat dans le temps de cette niche. Pour moi, c’était un peu le choix de Sophie ! (Sourires.) Résultat d’une âpre négociation avec M. le rapporteur, ce choix ne signifie pas un renoncement de ma part : je défendrai dans un autre texte les mesures écartées ici.

Je maintiens, par exemple, que les conditions ne sont pas encore remplies, loin de là, pour éviter la fraude documentaire. J’attends avec impatience l’évaluation de l’article 13 du PLFSS portant consultation systématique par les organismes de sécurité sociale du fichier de l’application de gestion des dossiers de ressortissants étrangers en France (AGDREF). Je maintiens également que la marge de progrès est très importante.

Je sais que nos collègues du groupe communiste républicain citoyen et écologiste opposent la fraude fiscale à la fraude sociale ; mais ces deux fraudes aux finances publiques doivent être combattues d’un même mouvement.

Encore une fois, dans mon esprit comme dans celui de Carole Grandjean, il ne s’agit pas de stigmatiser qui que ce soit : nous dressons un simple constat en lançant, parallèlement, une alerte au sujet du non-recours, qui est aussi un défaut de notre système ! Nous dénonçons à la fois sa porosité face aux fraudes et le fait qu’il laisse de côté un certain nombre de personnes qui ne vont même pas chercher les prestations auxquelles elles ont droit. Ces deux problèmes sont de même importance et il faut les combattre avec la même énergie.

Monsieur le ministre, compte tenu de la feuille de route que vous avez eu l’obligeance de me communiquer, je ne doute plus de la volonté du Gouvernement à cet égard. La France est un pays particulièrement généreux. Au total, 750 milliards d’euros de prestations sont versés en vertu d’un système particulièrement complexe, qui permet des fraudes sans grande sophistication, compte tenu de l’absence d’échange systématique de données et du maintien du principe déclaratif. Il va réellement falloir évoluer vers le : « Dites-le nous une fois » et vers un meilleur échange de données. Nous aurons certainement l’occasion d’en parler.

Sur 27 milliards d’euros alloués au financement du chômage partiel, la fraude représente plus de 200 millions d’euros : ce problème est également au cœur de l’actualité. Là aussi, il faut accentuer les contrôles.

Un fraudeur content est un fraudeur qui revient : faisons en sorte que les fraudeurs ne reviennent plus. Il restera à presser vos services et les organismes compétents pour que nous puissions contrôler les dispositifs en place – cette évaluation sera extrêmement importante – et chiffrer la fraude. Aucune institution, pas même la Cour des comptes, n’est à même de donner cette évaluation : c’est intolérable !

Une des solutions serait probablement d’externaliser le contrôle de la fraude. Jusqu’à présent, ce travail revient aux organismes sociaux eux-mêmes. Or cette logique montre ses limites.

Enfin, puisque nous sommes entre nous (Sourires.), je vous adresse une dernière demande : que le rapport rédigé par Carole Grandjean et moi-même soit consultable sur le site du ministère. En effet, il est vraiment dommage que cet excellent travail soit réservé aux initiés ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat a beaucoup travaillé sur la question de la fraude sociale ces dernières années.

S’agissant de la commission des affaires sociales, je rappellerai ainsi le rapport de juin 2017 sur la lutte contre la fraude sociale de nos collègues Agnès Canayer et Anne Émery-Dumas ; mon rapport de juin 2019 sur la question plus circonscrite de la fraude à l’immatriculation à la sécurité sociale ; ou encore mon rapport de septembre 2020 à la suite d’une enquête commandée par la commission des affaires sociales à la Cour des comptes sur la fraude aux prestations de sécurité sociale.

Nous avons également eu l’occasion de faire avancer la législation en matière de lutte contre la fraude lors de l’examen de plusieurs textes législatifs. Je pense en particulier à la loi de 2018 relative à la lutte contre la fraude, dont un volet est consacré à la fraude sociale, et, plus récemment, à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, que Mme Goulet vient de citer. Ce texte ne compte pas moins de dix articles relatifs à la lutte contre la fraude sociale, dont quatre adoptés sur l’initiative du Sénat.

Une telle activité des pouvoirs publics est légitime, en termes financiers comme en termes de justice sociale, afin d’assurer à chacun son juste droit.

À présent, sur la base de ces avancées, beaucoup considèrent, monsieur le ministre délégué, que la balle est dans votre camp et dans celui des organismes de sécurité sociale. Il s’agit de mettre en œuvre les dispositions adoptées par le Parlement. Nous en attendons beaucoup, sachez-le. Je vous rappelle que l’un des amendements adoptés par le Sénat, qui n’a malheureusement pas été repris par l’Assemblée nationale, concernait la mise en œuvre de dispositifs anti-fraude votés par le Parlement il y a dix et treize ans. Je note que, depuis lors, vous avez enfin pris les mesures d’application de l’un d’entre eux, qui concerne la procédure de déconventionnement d’urgence des professionnels de santé.

Je forme le vœu, monsieur le ministre délégué, que le Gouvernement se montre bien plus diligent pour les mesures que nous avons adoptées cet automne. J’espère aussi que nous nous donnerons rapidement les moyens d’avoir enfin une vision claire et incontestable du dommage financier que représente la fraude, détectée ou non, pour chacun des régimes de sécurité sociale et dans tous les domaines : le recouvrement, les prescriptions et les prestations. La mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) m’a d’ailleurs missionné pour que je m’assure de la mise en place rapide des outils adéquats dans l’ensemble des caisses.

C’est dans ce contexte que nous examinons aujourd’hui une proposition de loi de notre collègue Nathalie Goulet, dont nous connaissons l’engagement sur ce sujet. Je rappelle que Mme Goulet est elle-même coauteur, avec la députée Carole Grandjean, d’un rapport sur la fraude sociale à la demande de M. Édouard Philippe, alors Premier ministre.

Je remercie notre collègue de cette initiative, qui va nous permettre d’avoir un débat que j’espère utile avec le Gouvernement.

Néanmoins, au vu de la forte activité législative récente en matière de fraude, il a paru nécessaire à la commission de recentrer le texte, qui comptait initialement vingt-cinq articles, sur un nombre plus restreint de mesures clés. En d’autres termes – et je sais que Mme Goulet partage cette approche –, nous avons souhaité donner la priorité à la qualité sur la quantité.

C’est pour cela que la commission a conservé onze articles, les autres lui ayant semblé soit satisfaits, soit de nature réglementaire, soit, pour certains d’entre eux, délicats dans leur principe. Je pense notamment à la création d’une liste publique de pays dont l’état civil serait considéré comme peu fiable.

Ainsi, chacun des articles qui demeurent porte sur un vrai sujet dont il est important que nous débattions en séance publique. Nous avons aussi maintenu ceux qui ne nous apparaissaient pas techniquement opérationnels afin que notre assemblée puisse décider en dernier ressort.

Toutefois, comme je le disais en introduction, la qualité importe davantage que la quantité. Je voudrais ainsi mettre en avant plusieurs mesures de ce texte qui, aux yeux de la commission des affaires sociales, pourraient utilement renforcer nos moyens de lutte contre la fraude sociale.

C’est le cas, selon moi, de l’article 8, qui tend à subordonner le versement d’une aide personnalisée au logement (APL) à la transmission à la caisse d’allocations familiales (CAF) d’informations sur le logement auquel l’aide se rapporte. En outre, cet article organise la transmission de ces informations entre les CAF et l’administration fiscale. Cela reprend des propositions formulées par la Cour des comptes dans l’enquête qu’elle nous a remise en septembre. Sur le fond, cette mesure peut améliorer les contrôles, notamment de l’existence et de la conformité des logements donnant lieu aux versements d’APL.

Il en va de même de l’article 14, en vertu duquel les allocations et prestations sociales seraient obligatoirement versées sur un compte bancaire ouvert dans un établissement situé en France ou dans un État partie à l’Espace économique européen. La commission a simplement souhaité recentrer cette avancée sur les prestations versées sous condition de résidence en France. Ces dispositions ne concerneraient donc pas les pensions de retraite, certains pensionnés vivant durablement hors de France et de l’Union européenne.

L’article 15, que la commission a modifié en respectant l’intention de son auteur, permettra de renforcer les exigences que doivent satisfaire les pièces justificatives lors d’une inscription à la sécurité sociale ; à défaut, un entretien physique pourra être demandé de droit par l’organisme avant de procéder à l’inscription. Renforcer les exigences, c’est aussi apporter des moyens adéquats : nous ne pouvons pas entendre que certaines procédures sont insuffisamment sécurisées en raison du manque d’un scanner couleur, qui serait trop cher !

Même s’il risque de susciter des débats quant à la solution technique retenue, j’ai également à l’esprit l’article 17, relatif au domicile social des assurés sociaux. Mes travaux me conduisent à penser que le choix d’assimiler ce domicile social au domicile fiscal risque de poser des problèmes concrets à certains assurés. Néanmoins, cet article pose utilement la première pierre d’un chantier auquel, monsieur le ministre, j’espère que vous pourrez vous attaquer rapidement, au regard de l’utilité que pourrait présenter un tel domicile social en matière de calcul du juste droit et de lutte contre la fraude.

L’auteur de ce texte a également entendu mettre l’accent sur la nécessité d’une meilleure coopération internationale en matière de fraude : nous partageons cette intention. Nous sommes convaincus, notamment, que la lutte contre les fraudes organisées passera par l’accélération et la systématisation des échanges au niveau européen.

Enfin, je souhaite évoquer l’article 1er, que nous avons supprimé et qui concernait le répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS). Je le rappelle, le RNCPS n’est pas une gigantesque base de données de la sécurité sociale, mais plutôt un portail ouvert aux organismes pour réaliser des requêtes essentiellement individuelles en faisant appel aux fichiers des caisses.

C’est un sujet important sur lequel nous souhaitons aller plus loin dans les mois qui viennent à la lecture des conclusions de la mission que vous avez confiée à l’inspection générale des affaires sociales. Il est important, en effet, de faire évoluer cet outil. Nous devons avancer sur la question des systèmes d’information et des outils de gestion. Il y a là un enjeu de sécurisation du versement des prestations à bon droit, mais aussi un potentiel pour progresser en matière de réduction du non-recours aux prestations. Or je sais que nous sommes nombreux, sur ces travées, à vouloir améliorer l’accès aux droits.

Telles sont, mes chers collègues, les principales conclusions de notre commission. Nous attendons avec impatience, monsieur le ministre délégué, que vous livriez votre analyse sur ce texte et que vous informiez le Sénat des principales mesures qui figurent dans la feuille de route que le Gouvernement compte adopter pour améliorer l’efficacité de la lutte contre la fraude sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)