Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales pour lassurance maladie. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’année 2020 a donné le premier rôle, à leurs dépens, à des équipes soignantes déjà proches de l’épuisement. Au moment où nous abordons le financement hors normes de l’assurance maladie, je tiens à saluer leur dévouement à toute épreuve et à leur réaffirmer notre soutien.

Les débats sur ce PLFSS sont hors normes, en raison du degré d’incertitude qui les entoure. L’Ondam pour 2021 est fondé sur une hypothèse de retour à la normale, déjà battue en brèche par la force de la deuxième vague épidémique. S’il nous faut composer avec cette réalité, il n’en reste pas moins que vos prévisions semblent optimistes, messieurs les ministres. Or nous n’accepterons pas que le Parlement soit durablement tenu à l’écart, en cas de nouvelle dérive des équilibres votés.

Les dépenses de santé, portées à 225 milliards d’euros, traduisent un niveau d’engagement inédit. Cette bouffée d’oxygène a toutefois pour corollaire un déficit abyssal et durable de la branche maladie. La tâche est colossale que nous confère la responsabilité d’assurer la soutenabilité d’un système de soins, dont la crise nous rappelle la valeur collective inestimable tout comme les fragilités bien connues.

Ce PLFSS contient des avancées intéressantes dans le champ de l’assurance maladie ; mais, de manière plus globale, sa portée déçoit, car le texte procède davantage de la précipitation que d’une réelle vision de l’avenir.

Si l’heure n’est pas encore venue de faire le bilan de la crise sanitaire, quelques principes méritent d’ores et déjà d’être rappelés.

Je voudrais tout d’abord insister sur l’exigence de lisibilité qui doit entourer nos débats : en effet, certains éléments ne la favorisent pas, comme la répercussion sur l’Ondam des mesures salariales du Ségur de la santé ou bien la réflexion, encore inaboutie, sur la définition du périmètre de la nouvelle branche autonomie.

Alors que le Gouvernement a décidé de conduire une réflexion attendue sur l’avenir de l’Ondam, les propositions formulées, l’an passé, par mes collègues Catherine Deroche et René-Paul Savary, auxquelles je souscris, sont plus que jamais d’actualité pour redonner à cet outil, un rôle de pilotage stratégique de la dépense de santé : il s’agissait, en effet, d’inscrire nos débats dans une dimension pluriannuelle plus structurante.

Au nom de ce même principe de lisibilité et en cohérence avec notre approche constante du budget de la sécurité sociale, la commission a refusé la trajectoire financière incertaine du nouveau fonds de modernisation et d’investissement en santé. En effet, nous n’acceptons pas de faire peser sur l’assurance maladie une partie du plan de relance.

Nous persistons également, au nom des mêmes principes, à rejeter le financement par la Cades de la reprise de la dette hospitalière, qui devrait revenir à l’État. Vous noterez dans ses positions, messieurs les ministres, une certaine constance.

Nous proposerons, en outre, d’associer les élus locaux aux décisions d’investissement en santé. Il ne s’agit pas seulement, monsieur le ministre, comme vous l’avez soutenu lors de votre audition, de considérer les collectivités territoriales comme d’opportuns financeurs ; mais notre volonté est aussi d’ancrer les projets dans un cadre concerté avec les acteurs qui connaissent les territoires et les besoins en santé.

Ensuite, la crise sanitaire nous rappelle le rôle crucial de la prévention et de la coordination des prises en charge. À cet égard, si nous ne contestons pas le fait que les investissements du Ségur de la santé soient ciblés sur l’hôpital, acteur clé de notre système de santé, nous regrettons que certaines mesures prévues dans ce PLFSS constituent de mauvais signaux adressés à d’autres acteurs, tout aussi importants.

Tel est le cas de la convention médicale, reportée à 2023, alors que devaient se tenir des discussions essentielles sur l’organisation des parcours de soins en ville. De même, les mesures sur la téléconsultation ne traduisent pas, en l’état, une logique de santé publique. D’autres dispositifs à l’ambition limitée ne sont pas non plus à la hauteur des enjeux de décloisonnement entre la médecine de ville et l’hôpital ou des attentes partagées d’une diversification des financements hospitaliers.

Certaines réformes vont néanmoins dans le bon sens ; nous les soutiendrons, moyennant quelques ajustements. Si nous regrettons des réflexions inabouties, comme l’absence de financement pérenne des maisons de naissance, nous sommes favorables à la refonte de l’accès précoce aux médicaments et nous espérons qu’elle ouvrira enfin la voie à une plus grande stabilité de notre modèle.

En ce jour du cinquantième anniversaire de la mort du général de Gaulle, dont le gouvernement institua la sécurité sociale, en octobre 1945, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre des solidarités et de la santé, ce texte laisse encore nombre d’interrogations en suspens. Nos débats permettront, je l’espère, d’en lever certaines ou de faire le jour sur le calendrier d’autres réformes structurantes, aussi attendues que nécessaires. Notre système de santé en a besoin et nous avons besoin de lui.

Par conséquent, sous réserve de l’adoption des amendements que je présenterai au nom de la commission des affaires sociales, celle-ci vous demandera d’adopter ce projet de loi dans son volet assurance maladie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. René-Paul Savary, rapporteur de la commission des affaires sociales pour lassurance vieillesse. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’année 2020 heurte les comptes de la sécurité sociale d’une manière brutale, soudaine et majeure. Aucune branche n’est épargnée et, malheureusement, je me dois de constater avec vous la dégradation considérable du solde de la branche vieillesse.

En 2020, le déficit du régime général atteindra 7,8 milliards d’euros, là où l’on prévoyait 2,7 milliards d’euros. Cela résulte principalement d’une plongée des recettes du fait du recours à l’activité partielle, d’une part, et des reports de cotisations, d’autre part. Ce creusement des déficits concerne l’ensemble des régimes de base et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), et l’ensemble atteint 12,8 milliards d’euros.

Ce solde négatif de 7,8 milliards d’euros pour le régime général est pourtant estompé par la soulte de la Caisse nationale des industries électriques et gazières (Cnieg) à 5 milliards d’euros, de sorte que le déficit « brut » atteint en réalité près de 13 milliards d’euros.

Malheureusement, force est de constater que la trajectoire ne s’améliore pas sur les prochains exercices, puisque le déficit de l’ensemble des régimes de base et du FSV est estimé à 11,6 milliards d’euros, en 2024. Or le COR considère qu’à cette date la part conjoncturelle liée à la crise sera nulle. Face à ces perspectives, le PLFSS pour 2021 ne prévoit, disons-le, rien du tout.

Concernant la modération de l’évolution des pensions, aucune mesure de sous-revalorisation n’est prévue cette année, mais l’inflation basse conduira pratiquement au même effet.

Quant aux changements paramétriques, seuls à même de résoudre ces déficits, le Gouvernement ne donne aucune ligne directrice. J’entends dire que la crise économique ne permet pas de telles mesures et que, dans le contexte actuel, la priorité va à l’emploi. Personne ne remet cela en cause, et surtout pas nous !

Toutefois, en responsabilité, nous estimons qu’il est nécessaire d’engager ce travail. C’est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales présentera un amendement avant l’article 48. Il s’agit non pas de prendre brutalement des mesures, dès le 1er janvier 2021, mais de relancer la concertation avec les partenaires sociaux, comme vous le demandez, monsieur le ministre, et tel que c’était prévu. Il s’agit de prendre date, d’acter, aujourd’hui, des mesures progressives qui devront s’enclencher dès la sortie de la crise, sans attendre.

Repousser la concertation à l’après-crise reviendrait, au mieux, à prendre des mesures en 2025 : en avons-nous les moyens ? Je ne le pense pas.

L’amendement de la commission est raisonnable : notre priorité est que les partenaires sociaux fassent des propositions. L’acceptation des mesures incontournables qui s’imposeront dépend de la réussite de cette concertation.

Pour autant, la commission a aussi clairement établi que, en cas d’échec, des mesures devraient entrer en application, par défaut, dès 2022.

Nous proposons ainsi un âge de départ à la retraite reporté progressivement à 63 ans, en 2025, encore en deçà de la moyenne européenne, et une accélération du dispositif Touraine – ce n’est pas nous qui l’avons inventé ! –, avec un objectif de 172 trimestres pour la génération de 1965. Il faudra aussi des mesures pour prendre en compte les seniors en emploi.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, nous ne pouvons pas nous contenter de constater des chiffres ni nous résoudre à anticiper leur dégradation sans proposer de mesures de redressement des comptes.

Concernant les autres enjeux de la branche, nous aurons aussi l’occasion de discuter de différents articles, notamment relatifs à la pension de réversion du conjoint survivant auteur de violences conjugales et à la simplification de l’affiliation des proches aidants à l’assurance vieillesse des parents au foyer.

Enfin, en vue de renforcer la lutte contre la fraude et de simplifier les démarches des assurés résidant à l’étranger, je présenterai des amendements visant à modifier les dispositions sur la preuve de l’existence.

Monsieur le ministre, vous nous invitez à réfléchir avec les partenaires sociaux pour que la branche vieillesse revienne à l’équilibre. Nous vous avons entendu et nous vous ferons des propositions concrètes ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme Pascale Gruny, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, cette année, la situation financière de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) se détériore sous l’effet de la crise sanitaire, bien que sa situation reste enviable par rapport à celle d’autres branches.

La branche AT-MP serait ainsi déficitaire, pour la première fois depuis 2012, de 239 millions d’euros en 2020, essentiellement du fait de l’effondrement des recettes. Les excédents devraient être toutefois de retour dès l’an prochain, et les capitaux propres de la branche devraient tout de même se porter à 3,9 milliards d’euros, à la fin de 2021. À long terme, toutes choses égales par ailleurs, les recettes de la branche AT-MP restent structurellement plus dynamiques que ses dépenses.

Dans ce contexte, le PLFSS pour 2021 se veut « neutre » pour la branche et ne contient aucune réforme, en recettes ou en dépenses, modifiant son équilibre.

En réalité, la principale mesure de ce texte, au sujet de la branche AT-MP, est particulièrement irritante. Alors que nous attendions, cette année, le rapport de la commission chargée d’évaluer tous les trois ans le coût réel pour l’assurance maladie de la sous-déclaration des AT-MP, l’article 46 en reporte la publication au 1er juillet 2021.

L’enjeu de ce rapport est pourtant important pour la branche AT-MP, car c’est sur le fondement de la fourchette proposée par cette commission qu’est fixé, chaque année, le montant du versement à la branche maladie du régime général au titre de cette sous-déclaration.

Or il nous est indiqué que la commission n’a pas pu mener à bien ses travaux en raison de la crise sanitaire. Nous sommes bien obligés de prendre acte de leur report.

Ainsi, pour la septième année consécutive, le montant du versement inscrit au PLFSS reste fixé à 1 milliard d’euros, soit aux alentours du milieu de la fourchette de 800 millions à 1,5 milliard d’euros, qui a été proposée par la commission de 2017.

Cette somme ne représente pas moins de 7 % des prévisions de dépenses de la branche pour 2021. À titre de comparaison, le budget du Fonds national de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles ne représentera, en 2021 que 2,7 % des dépenses.

Le maintien de ce transfert à un niveau aussi élevé laisse entendre qu’aucun progrès n’a été accompli sur ce sujet, ce qui est faux : plusieurs des recommandations de la commission de 2017 ont été mises en œuvre ou sont en passe de l’être. Il serait d’ailleurs bienvenu d’évaluer également les AT-MP qui relèvent de la vie privée mais qui sont déclarés dans les entreprises.

Tout porte à croire que ce versement, dont le montant est pris en compte dans la détermination de la tarification AT-MP, sert principalement au rééquilibrage d’une branche maladie dont le déficit est désormais vertigineux. Ce n’est pourtant pas là la vocation de la cotisation AT-MP, censée responsabiliser les employeurs sur la sinistralité des accidents du travail et des maladies professionnelles.

J’ajoute que les troubles musculo-squelettiques et les risques psychosociaux sont en constante augmentation, ce qui nécessite des financements pour accompagner les entreprises, souvent désemparées, afin qu’elles puissent réduire ces risques.

La commission des affaires sociales a donc adopté un amendement qui tend à minorer le montant du versement pour 2021 à la branche maladie, à la hauteur du déficit de la branche AT-MP en 2020, et qui prévoit de le porter à 760 millions d’euros.

Les causes de la sous-déclaration sont d’ailleurs bien identifiées et soulignent l’importance de la médecine du travail et des services de santé au travail pour améliorer le système de déclaration. À ce sujet, nous attendons la réforme du système de santé au travail.

L’expérimentation prévue à l’article 34 ouvre une piste d’amélioration, car elle met en place des transferts de compétences aux infirmiers, dans des services de santé au travail relevant de la mutualité sociale agricole. La commission présentera un amendement pour encadrer les modalités d’évaluation du dispositif, afin d’en préciser les objectifs.

Les mesures de simplification prévues à l’article 46 bis sont également bienvenues et peuvent contribuer à favoriser les déclarations.

Sous réserve de l’adoption des amendements que je présenterai au nom de la commission, celle-ci vous invitera à adopter les objectifs de dépenses de la branche AT-MP, au sein du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.

Monsieur le ministre, nous attendons aussi avec impatience le décret précisant les conditions de fonctionnement du fonds d’indemnisation des victimes de pesticides, qui tarde à être publié, ainsi que la réforme du système de santé au travail, sur laquelle mon collègue Stéphane Artano et moi-même avons travaillé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure de la commission des affaires sociales pour la famille. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, pour atténuer les conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire, des dépenses exceptionnelles sont intervenues, cette année, dans le périmètre de la branche famille. Je tiens à saluer ces mesures, qui ont permis de soutenir les familles, avec la revalorisation de l’allocation de rentrée scolaire intervenue cet été, et les acteurs du secteur de la petite enfance, par des aides exceptionnelles des caisses d’allocations familiales.

En parallèle d’une diminution des recettes de la branche du fait de la contraction de l’activité économique, ces dépenses ont affecté les comptes de la branche famille, qui devraient afficher un déficit de 3,3 milliards d’euros cette année. Bien que le Gouvernement présente une prévision d’excédent de 1,1 milliard d’euros pour 2021, la situation sanitaire actuelle et ses conséquences économiques et sociales nous invitent à envisager cette hypothèse avec beaucoup de prudence.

Le PLFSS qui nous est soumis comporte peu de mesures en faveur des familles. Je regrette, cette année encore, que la politique familiale manque cruellement d’ambition, alors que les objectifs fixés pour la création de places d’accueil du jeune enfant ne seront pas tenus et que la situation des familles se fragilise à mesure que la crise s’aggrave.

Cependant, les quelques avancées qui nous sont proposées pour les familles vont dans le bon sens et la commission vous proposera de les adopter. Elles concernent principalement le congé paternité et la prime à la naissance.

Ainsi, l’article 35 prévoit d’allonger le congé paternité de onze à vingt-cinq jours et de rendre obligatoires quatre de ces jours, en plus des trois jours du congé de naissance également rendus obligatoires. Au total, le père ou le conjoint de la mère bénéficiera donc de vingt-huit jours de congé, dont sept seront obligatoires. Cela permettra d’accroître le recours effectif à cette prestation et de favoriser l’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que le développement et la santé des jeunes enfants.

En effet, cette mesure tire les conséquences des conclusions de la commission sur les 1 000 premiers jours de l’enfant, présidée par Boris Cyrulnik, que je vous invite à lire et qui ont montré l’importance de la présence des deux parents, dès la naissance, pour le développement du nouveau-né.

Si l’allongement ne va pas aussi loin que le recommandait le rapport, qui proposait un congé de neuf semaines, l’article 35 me paraît bien calibré pour s’adapter aux besoins et aux attentes des jeunes parents, sans déstabiliser les entreprises par des absences trop longues.

Quant à la prime à la naissance, l’article 35 ter propose d’en rétablir le versement avant la naissance de l’enfant. Il a été introduit à l’Assemblée nationale, après l’adoption, en juin dernier, de la proposition de loi présentée par notre ancien collègue député Gilles Lurton.

Le Sénat avait regretté, en 2014, que le Gouvernement procède par décret, pour des raisons budgétaires, au décalage du versement de cette prime après la naissance de l’enfant. Cette décision était à la fois contraire à la loi, qui prévoit un versement de la prime avant la naissance, et surtout à l’objectif du dispositif, qui est d’aider financièrement les parents à préparer l’arrivée de l’enfant dans le foyer.

La commission vous propose donc d’approuver le rétablissement du versement de cette prime avant la naissance, mais elle tient à souligner que le Gouvernement aurait très bien pu le faire par décret. Nous déplorons donc le temps perdu pour les familles qui comptent sur cette prime pour améliorer les conditions dans lesquelles elles pourront préparer l’arrivée du nouveau-né dans le foyer.

La commission vous proposera d’adopter les quelques articles relevant du périmètre de la branche famille. Néanmoins, les dispositions proposées ne sont pas à la hauteur de ce que devrait être la politique familiale dans notre pays.

En effet, la baisse de la natalité depuis dix ans et les difficultés économiques et sociales liées à la crise devraient conduire à soutenir plus largement l’ensemble des familles, alors que ces dernières ont été trop souvent sacrifiées par des mesures d’économies budgétaires, telles que les sous-revalorisations des prestations familiales intervenues ces deux dernières années.

À cet égard et au-delà du PLFSS, qui n’est pas le seul texte à concerner les politiques publiques en faveur des familles, je proposerai de relever le plafond du quotient familial, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances.

Il me paraît, en effet, essentiel de renouer rapidement avec une politique familiale ambitieuse et universelle pour la soutenabilité de notre modèle social, qui s’appuie sur la solidarité entre les générations. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Mouiller, rapporteur de la commission des affaires sociales pour lautonomie. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, malgré les annonces faites par le Gouvernement, lors de la création de la branche autonomie, le 7 août dernier, ce projet de financement reste bref, sur ce volet.

L’objectif de dépenses de cette nouvelle branche est de 31,6 milliards d’euros, auxquels il faut ajouter les 400 millions d’euros que vous venez d’abonder, monsieur le ministre.

Pour faire court, cet objectif représente les dépenses actuelles de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), augmentées de celles de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) et des mesures de revalorisation salariale, ou du moins de rattrapage salarial, issues du Ségur de la santé.

Si l’on tient compte des dispositions exceptionnelles liées à la crise de la covid-19, l’objectif global de dépenses en faveur des établissements et services médico-sociaux reste inférieur à celui de 2020.

Toutefois, il suit, bon an mal an, la dynamique impulsée dans les chantiers en cours depuis quelques années, qu’il s’agisse de la convergence tarifaire en Ehpad ou des plans nationaux et solutions d’accueil pour le secteur du handicap. Le budget de la CNSA ménage même une petite place à la PCH parentalité, c’est-à-dire la prise en compte d’une aide à la parentalité au sein de la prestation de compensation du handicap, promesse issue de la Conférence nationale du handicap de février dernier.

L’article 16 du texte clarifie le rôle et les modalités d’intervention de la CNSA. Il en intègre la gestion dans le patrimoine commun de la sécurité sociale ; il simplifie l’architecture budgétaire de la caisse ; il la dote enfin de ressources propres, composées, pour l’essentiel, de recettes de CSG en remplacement des crédits d’assurance maladie. Cette avancée donnera à la caisse les moyens de gérer la branche, conformément à la mission que le législateur lui a confiée, dans la loi du 7 août dernier.

Le deuxième et dernier article significatif en matière d’autonomie est l’article 25 A, que le Gouvernement a introduit à l’Assemblée nationale. Il permet, en effet, de recourir, comme pratiquement chaque année, à la « combine » qui consiste à saupoudrer quelques millions d’euros sur les départements, en cours d’examen du PLFSS, pour les services d’aide à domicile. L’an prochain, l’enveloppe sera certes un peu plus épaisse que d’habitude, avec 200 millions d’euros en année pleine, mais les modalités de son attribution restent à préciser. Malgré ce rattrapage, les acteurs du secteur et le personnel du monde du handicap ne se sentent pas suffisamment reconnus et valorisés par le Gouvernement.

J’en viens à ce que ce PLFSS ne contient pas, et qui nous importe davantage.

Il manque d’abord une trajectoire pérenne, puisque le texte ne prévoit même pas l’équilibre à court terme de la branche. À l’issue de son examen à l’Assemblée nationale, il en fixe le déficit à 0,3 milliard d’euros, et le maintient jusqu’au nouveau transfert de 0,15 point de CSG, qui ne sera effectif qu’en 2024.

De toute façon, pour trouver l’équilibre en 2021, la version initiale du texte misait sur la contribution des crédits communautaires au volet médico-social du plan de relance.

Il manque ensuite une idée claire du rôle de la branche que l’on vient de créer. Le rapport de préfiguration de Laurent Vachey faisait de nombreuses propositions, qui auraient pu conduire, au sein d’un périmètre élargi, à déployer une politique plus efficace. Le Gouvernement a fait un choix prudent en n’élargissant les dépenses de la CNSA qu’à l’AEEH.

Ce qui manque surtout, c’est une politique digne de ce nom pour l’autonomie, politique dont les grandes lignes ont été tracées par des travaux récents et même, déjà, par le rapport Politique de la vieillesse de la commission d’étude des problèmes de la vieillesse, dit « rapport Laroque », de 1962. Voilà plus de deux ans que le Gouvernement nous promet une telle réforme. Or les circonstances du moment ne poussent pas forcément à l’optimisme… Concrètement, monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer un calendrier précis pour l’examen du projet de loi sur le grand âge et l’autonomie ?

Quoi qu’il en soit, la commission propose de maintenir le sujet à l’ordre du jour et de « catalyser » la réflexion sur, d’une part, le financement, en invitant les financeurs de cette politique à faire, sous l’égide de la CNSA, des propositions, et, d’autre part, la gouvernance, en proposant dès maintenant d’expérimenter la délégation de la compétence de la tarification des Ehpad aux départements, comme nous l’avions fait il y a deux ans pour les établissements accueillant des personnes handicapées. En effet, des rapports sénatoriaux récents l’ont montré et la crise sanitaire l’a confirmé, nous avons plus que jamais besoin de cet échelon de proximité pour accompagner les plus vulnérables. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Christian Klinger, rapporteur pour avis de la commission des finances. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, aux termes du projet de loi qui nous est transmis, la crise sanitaire et économique devrait se traduire, en 2020, par un déficit agrégé du régime général et du FSV de 46,6 milliards d’euros, ce qui représente une augmentation de 44,7 milliards d’euros par rapport à 2019. Toutes les branches du régime général sont concernées par cette détérioration.

La crise sanitaire puis économique a eu un effet de ciseaux sur les recettes et les dépenses de la sécurité sociale. À ce stade, les recettes ont été amoindries de 27,3 milliards d’euros par rapport à ce qui était prévu, les dépenses étant, quant à elles, majorées de 14,2 milliards d’euros.

Le constat est à la fois sombre et imprécis.

Il est sombre parce que le déficit agrégé du régime général et du FSV reste largement supérieur à celui qui a été enregistré en 2010, après la crise.

Il est imprécis, parce que ces chiffres n’intègrent pas, pour ce qui concerne les recettes, les effets du deuxième confinement ; en l’absence de réévaluation de ces chiffres, le présent projet de loi de financement semble même caduc… Cette imprécision vaut aussi pour les chiffres relatifs à 2021 ; le PLFSS prévoit que le déficit agrégé du régime général et du FSV sera ramené à 27,9 milliards d’euros.

Pour y parvenir, le Gouvernement table sur un net rebond des recettes : 8,7 %, soit 33,4 milliards d’euros. Ce scénario repose sur une hypothèse de relance volontariste de l’activité. Or cette perspective s’éloigne de jour en jour, à mesure que l’aléa sanitaire s’accroît. La progression de la masse salariale, sur laquelle sont assises les cotisations, ne sera donc pas aussi importante que prévu.

Au-delà des recettes, l’aléa sanitaire devrait également déterminer le niveau des dépenses sociales en 2021, en particulier celui des dépenses d’assurance maladie. Nous pouvons le comprendre, tant la lutte contre la pandémie, la revalorisation du traitement du personnel hospitalier ou encore l’investissement dans les établissements de santé ne constituent pas des dépenses négociables.

Néanmoins, le Gouvernement a fait le choix de ne pas proposer de réformes structurelles en compensation de cette progression ; la réforme des retraites est ainsi reportée. Le PLFSS pour 2021 ne contient pas non plus de mesures pour renforcer la lutte contre la fraude, véritable gisement d’économies ; rappelons les chiffres en la matière : il y a chaque année 771 millions d’euros de fraude aux prestations et 6 milliards à 8 milliards d’euros de fraude aux cotisations. Le ministère des solidarités et de la santé a simplement engagé une réflexion sur l’avenir même de l’Ondam, en vue de renouveler cet outil de régulation.

L’absence de réforme induit l’absence du retour à l’équilibre à moyen terme. La précédente loi de financement de la sécurité sociale tablait sur un retour à l’équilibre global du régime général en 2023. Cette perspective est désormais largement repoussée, le Gouvernement prévoyant un déficit du régime général et du FSV de 20,2 milliards d’euros à l’horizon 2024.

Au regard de l’ampleur des déficits des comptes sociaux en 2020 et à l’avenir se trouve de nouveau posée la question de la gestion, par la Cades, de la dette sociale, qui devrait atteindre, rappelons-le, plus de 396 milliards d’euros en 2024.

La trajectoire de reprise de la dette semble aujourd’hui inadaptée. Aux 136 milliards d’euros de dette reprise par la Cades s’ajouteront 50 milliards d’euros de dette supplémentaire non reprise à l’horizon 2024. C’est d’ailleurs à cette date que cette caisse devrait disposer de moins de moyens pour amortir la dette sociale, une partie de ses ressources devant financer une cinquième branche, la branche autonomie, qui a les allures d’une coquille vide, faute de nouveaux financements. Dans ces conditions, la dette sociale est-elle encore soutenable ?

Pis, le Gouvernement accélère cette fuite vers l’endettement, en faisant de la reprise de la dette des hôpitaux par la Cades la première étape d’un plan d’investissement des hôpitaux. La contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) financera donc l’endettement futur des hôpitaux ; l’État se défausse, de la sorte, de ses obligations d’investissement. La commission des finances a souhaité déposer un amendement tendant à revenir sur la création de ce cercle vicieux.

Toutefois, indépendamment de cet amendement, un vote favorable sur l’ensemble du texte semble difficile. En effet, faute de précisions du Gouvernement sur la trajectoire des comptes en 2020 et en 2021 intégrant les effets du deuxième confinement, il a semblé à la commission des finances que ce texte était caduc et qu’il ne respectait pas le principe de sincérité budgétaire. Dans ces conditions, la commission a émis un avis défavorable sur ce texte, cette position pouvant néanmoins être révisée à l’aune de l’amendement que vient de déposer le Gouvernement.