M. le président. La discussion générale est close.

Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.

proposition de résolution visant à encourager le développement de l’assurance récolte

Le Sénat,

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Vu les conclusions du 5ème rapport du Groupement d’experts intergouvernemental d’évolution sur le climat (GIEC) sur l’impact du réchauffement climatique,

Vu le 3° du I de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, rappelant l’objectif de soutenir le revenu agricole,

Vu le 16° du I de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, rappelant l’objectif de développer des dispositifs de prévention et de gestion des risques,

Vu le rapport d’information du Sénat (n° 628, 2018-2019) – 3 juillet 2019 – de Mme Nicole Bonnefoy, fait au nom de la mission d’information sur la gestion des risques climatiques et l’évolution de nos régimes d’indemnisation,

Vu le considérant 6 du règlement (UE) 2017/2393 du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2017 dit « règlement Omnibus », qui autorise la réduction à 20 % du seuil relatif à la baisse de production applicable à l’assurance,

Considérant que le dérèglement climatique est avéré sur le plan scientifique ;

Considérant que l’agriculture est de plus en plus souvent impactée par des intempéries dont l’intensité génère des pertes d’exploitation conséquentes ;

Considérant que l’agriculture doit également faire face à d’autres aléas de type sanitaire ou de marché ;

Considérant que la mise en place d’outils de protection des récoltes peut s’avérer efficace mais pas toujours suffisante ;

Considérant que le dispositif actuel de gestion des risques en agriculture n’incite pas assez à une couverture généralisée des exploitations ;

Considérant que l’agriculture, au cœur de la production alimentaire, est aussi un vecteur d’externalités positives ;

Considérant que le monde agricole s’implique dans la transition écologique ;

Considérant que l’agriculture est un secteur stratégique essentiel à l’équilibre de nos territoires et au dynamisme de la balance commerciale ;

Considérant que toutes les missions dévolues aux exploitants justifient la contribution de la solidarité nationale pour leur maintien ;

Invite le Gouvernement à :

Améliorer l’articulation entre les outils actuels de gestion des risques climatiques afin qu’ils n’entrent pas en concurrence et ne créent pas de situations inéquitables entre les agriculteurs ;

Encourager la simplification des contrats d’assurance récolte et promouvoir leur adaptation aux cultures et aux territoires ;

Saisir les opportunités offertes par le règlement européen dit « règlement Omnibus » pour baisser le seuil de déclenchement du niveau des pertes de rendement de 30 % à 20 % et pour porter le taux de subvention de 65 % à 70 % ;

Mieux évaluer les pertes de rendement en allongeant la moyenne olympique sur une durée de dix ou quinze ans avant de la supprimer à terme ;

Favoriser le règlement rapide de l’indemnisation, qu’elle relève de l’assurance récolte ou du régime des calamités agricoles ;

Accroître le soutien financier au paiement des primes en évaluant les possibilités offertes au sein de la politique agricole commune (PAC) par le principe d’une subsidiarité accrue ;

Sécuriser l’enveloppe budgétaire dédiée à la subvention des primes d’assurance ;

Faire respecter le calendrier de versement des aides publiques ;

Développer une politique ambitieuse de prévention pour inciter les agriculteurs à recourir davantage à l’irrigation, au drainage, à la mise en œuvre de retenues d’eau collinaires et à la pose de filets paragrêles.

Vote sur l’ensemble

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, visant à encourager le développement de l'assurance récolte
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explication de vote.

Je mets aux voix la proposition de résolution.

(La proposition de résolution est adoptée.)

M. le président. Je constate que cette proposition de résolution a été adoptée à l’unanimité des exprimés.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, visant à encourager le développement de l'assurance récolte
 

4

Candidatures à trois commissions mixtes paritaires et à une éventuelle commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat qu’ont été publiées des candidatures pour siéger au sein des commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales, de la proposition de loi visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux, de la proposition de loi permettant d’offrir des chèques-vacances au personnel des secteurs sanitaire et médicosocial en reconnaissance de leur action durant l’épidémie de Covid-19, ainsi qu’au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique portant report de l’élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

5

 
Dossier législatif : proposition de loi relative au droit des victimes de présenter une demande d'indemnité au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions
Discussion générale (suite)

Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative au droit des victimes de présenter une demande d'indemnité au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions
Article 1er (Texte non modifié par la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative au droit des victimes de présenter une demande d’indemnité au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (proposition n° 320, texte de la commission n° 520, rapport n° 519).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi sur laquelle vous êtes amenés à vous prononcer aujourd’hui permet d’éclaircir notre droit et de renforcer les droits des victimes d’infractions graves.

Pour bien saisir cette problématique très pratique et qui emporte des conséquences importantes pour les victimes, je reprendrai simplement quelques éléments de présentation de la procédure d’indemnisation des victimes d’infractions ; je serai brève, parce que je sais que vous les maîtrisez également.

Il est institué, auprès de chaque tribunal judiciaire, une commission d’indemnisation des victimes d’infraction (CIVI), devant laquelle les victimes d’infraction et leurs ayants droit peuvent réclamer une indemnisation. Celle-ci est versée par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI), au titre de la solidarité nationale, ce dernier pouvant, bien entendu, intenter un recours ultérieur contre l’auteur des faits.

La réparation qui est accordée par la CIVI est intégrale et sans condition de ressources dans les cas d’atteintes les plus graves à la personne – mort, incapacité permanente ou incapacité totale de travail pendant plus d’un mois – ou résultant des infractions les plus graves, telles que le viol, l’enlèvement, la réduction en esclavage, la traite des êtres humains ou encore le proxénétisme. La CIVI répare également, mais sous conditions de ressources, d’autres atteintes à la personne, lorsque les faits ont entraîné une incapacité totale de travail inférieure à un mois, et les préjudices subis par les victimes d’atteintes aux biens, telles que la dégradation, le vol, l’extorsion de fonds ou l’escroquerie, lorsque ces victimes sont dans l’impossibilité d’obtenir une réparation effective et suffisante et se trouvent, de ce fait, dans une situation matérielle ou psychologique grave.

La procédure en vigueur devant la CIVI est autonome ; elle se déroule en parallèle des procédures judiciaires ouvertes aux victimes contre les auteurs des faits devant le juge pénal. L’objectif de cette procédure est d’assurer aux victimes une réparation rapide, qui permettra à celles-ci de se reconstruire sans devoir attendre l’issue de la procédure pénale. Le recours devant la CIVI n’est pas subsidiaire ; il peut être exercé par les victimes avant l’engagement des poursuites pénales ou après celles-ci, si elles n’ont pas permis à la victime d’obtenir réparation.

La proposition de loi que vous examinez aujourd’hui porte sur le délai au cours duquel la CIVI peut être saisie d’une demande indemnitaire par la victime, dont elle vise à modifier le point de départ. L’article 706-5 du code de procédure pénale, dans la rédaction issue de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes, prévoit que, à peine de forclusion, la demande d’indemnité doit être présentée dans le délai de trois ans à compter de la date de l’infraction. Toutefois, lorsque des poursuites pénales sont exercées, ce délai est prorogé ; il n’expire alors qu’un an après la décision de la juridiction pénale qui a statué définitivement sur l’action publique ou l’action civile.

Depuis la loi précitée du 15 juin 2000, le texte a été complété pour préciser que, lorsque l’auteur de l’infraction a été condamné à verser des dommages et intérêts, le délai d’un an court à compter de l’information, donnée par la juridiction qui a statué au fond, de la possibilité de saisir la CIVI, en application de l’article 706-15 du code de procédure pénale. Cette précision visait à tirer les conséquences de la création, par cette loi, de l’obligation, pour la juridiction qui condamne l’auteur d’une infraction à verser des dommages-intérêts, d’informer la victime de la possibilité de saisir la CIVI.

Toutefois, en n’exigeant pas que la décision de justice soit définitive, cela aboutit en réalité à réduire, dans cette hypothèse, le délai de forclusion. La rédaction de ce texte est donc aujourd’hui complexe, puisqu’elle prévoit deux solutions différentes lorsqu’un jugement pénal est intervenu. Le délai pour saisir la CIVI est en principe d’un an à compter de la décision définitive de la juridiction pénale, c’est-à-dire d’une décision qui n’est plus susceptible d’aucune voie de recours ; néanmoins, si un jugement pénal est intervenu, qui a condamné l’auteur des faits à des dommages et intérêts, alors, le délai d’un an court à compter de l’avis informatif rendu par la juridiction informant du droit au recours devant la CIVI, que cette décision ait ou non un caractère définitif.

Dans cette dernière hypothèse, les parties civiles devront saisir la CIVI sans attendre l’expiration des voies de recours contre la décision leur allouant des dommages et intérêts, comme c’était le cas avant la loi du 15 juin 2000. Or certaines victimes peuvent légitimement vouloir attendre une décision définitive du juge pour que celle-ci ne puisse plus être contestée et ils peuvent aussi, le cas échéant, vouloir avoir tenté de recouvrer les dommages et intérêts contre l’auteur des faits avant de faire appel à la solidarité nationale pour obtenir cette indemnisation.

Il s’agit donc ici, par un souci tant d’équité que de lisibilité du texte, d’unifier le délai ouvert à toutes les victimes pour exercer leur recours en indemnité devant la CIVI. Ce délai doit courir, dans tous les cas, à compter de la date à laquelle la juridiction pénale a statué définitivement sur l’action publique ou sur l’action civile.

En outre, il est précisé que, lorsque l’avis prévu à l’article 706-15 du code de procédure pénale devant informer les victimes de leur droit de saisir la CIVI ne leur aura pas été donné par la juridiction, cette commission devra écarter la forclusion.

Tel est l’objet de cette proposition de loi, dans la rédaction issue de l’Assemblée nationale et de votre commission des lois, à laquelle le Gouvernement est bien évidemment favorable.

Je souhaite terminer mes propos en remerciant les auteurs de cette proposition de loi, en particulier la députée Jeanine Dubié, ainsi que Mme la rapporteure, Laurence Harribey, dont la vigilance et le travail permettront, dans l’intérêt des victimes, de trouver une issue favorable et rapide à ce qui était une incohérence législative. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Laurence Harribey, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, lorsque la commission des lois m’a confié cette mission en précisant qu’il s’agissait d’une simplification du droit, j’ai eu quelques doutes. En effet, quand on fait une loi pour simplifier la loi, on a généralement tendance à compliquer les choses, à ajouter des textes aux textes et à augmenter la complexité. Ce n’est pas le cas de ce texte, mais, si nous sommes obligés de simplifier le droit, c’est bien parce que l’on a, à un moment donné, complexifié les choses. Cela dit, je le répète, il s’agit réellement ici d’un travail de simplification.

Sans reprendre la procédure visée par le texte, que nous avons examinée en commission et qui vient d’être rappelée par Mme la garde des sceaux, je veux rappeler que le système français est fondé sur la réparation intégrale, sans condition de ressources, de tous les dommages physiques graves et que cette réparation est garantie par la solidarité nationale, c’est-à-dire par la communauté des assurés. Il est important de le souligner.

Ce système est l’un des plus complets au monde ; il s’est construit au fil des années, depuis 1951, avec la création d’un fonds de garantie, jusqu’en 2008, avec la création du service d’aide au recouvrement des victimes d’infractions (Sarvi). Ce système, assez important, a toujours eu pour souci la réparation et les droits de la victime.

Cela vient d’être souligné, la question a trait non au système, mais à l’accès réel au droit de réparation, du fait d’une confusion possible dans la compréhension des délais de forclusion. Jusqu’en 2000, les choses étaient claires : en l’absence d’une action pénale engagée, le délai de forclusion était de trois ans ; si l’action pénale était engagée, le délai était prorogé d’un an après la décision définitive. En 2000, le législateur, voulant protéger la victime au travers d’une augmentation du droit de celle-ci à être informée, ne s’est pas contenté de donner un droit à l’information ; il a instauré un délai différent, d’un an, à partir de cette notification.

On peut donc avoir deux délais différents pour une même situation, car il est assez logique que la ou les victimes veuillent aller au bout de la procédure avant de saisir la CIVI pour obtenir réparation. Malheureusement, les cas de forclusion se sont multipliés, avant même que les victimes puissent en prendre conscience.

Nous nous sommes posé une question, au cours de nos auditions : pourquoi s’est-il écoulé vingt ans avant que l’on se décide à changer le droit ? L’explication est assez simple : l’information des victimes par les juridictions est devenue quasi systématique et automatique dans les années 2010, du fait de la numérisation des procédures. Par conséquent, le nombre de cas dans lesquels les victimes ont été forcloses, en raison de la mauvaise compréhension du délai et de la volonté d’attendre une décision définitive, s’est multiplié. La jurisprudence l’a d’ailleurs confirmé, dans un arrêt de la Cour de cassation de 2013, qui analyse le droit stricto sensu et montre qu’il peut y avoir problème.

D’où l’intérêt de cette proposition de loi, qui vise très simplement à supprimer le délai spécifique lié à l’information des victimes. Il comporte une autre mesure, qui est intéressante et qui va dans le sens de la volonté du législateur de l’année 2000 : l’absence d’information entraîne l’absence de forclusion. C’était déjà le cas, mais ce n’était pas codifié ; la proposition de loi a le mérite de le faire.

La commission des lois a considéré que cette réponse était adaptée et conforme à l’intention du législateur de 2000.

Toutefois, nous voulons mettre l’accent sur deux questions soulevées lors des auditions, madame la garde des sceaux.

La première difficulté est relative au classement sans suite d’un dossier, qui n’entraîne pas la prolongation du délai pour saisir la CIVI ; par conséquent, certaines victimes peuvent se trouver forcloses quand elles apprennent, plus trois ans après les faits, que l’action publique ne sera pas engagée. Nous vous incitons donc à étudier les moyens de surmonter cette difficulté.

La seconde difficulté va bien au-delà du texte qui nous est soumis ; elle réside dans le fait que la CIVI, juridiction indépendante, n’est pas tenue par le montant des dommages et intérêts fixé par les juridictions pénales – c’est une question complexe – et, très souvent, le montant de l’indemnisation qu’elle détermine peut être inférieur à celui figurant dans le jugement pénal. C’est douloureux pour la victime, qui sort d’une procédure pénale pour entrer dans une procédure d’indemnisation. Il y aurait, là aussi, je pense, un travail à produire, car, même si les propositions du Fonds de garantie sont acceptées dans 70 % à 75 % des cas par la victime – il faut le souligner –, il reste quand même 25 % de cas litigieux. Je le rappelle, si la victime n’accepte pas la proposition du Fonds de garantie, c’est la CIVI qui tranche.

Ces difficultés, selon nous, méritent d’être abordées, mais nous avons estimé qu’elles n’appelaient pas d’amendements au présent texte, qui soulève d’autres questions et qu’il ne faudrait pas complexifier, son objectif étant précisément de simplifier le droit pour les victimes.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission a adopté cette proposition de loi sans modification.

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en 1983, Robert Badinter, alors garde des sceaux, disait que « la victime se trouve dans la pire des solitudes, celle qui s’accompagne d’un sentiment de rejet ».

En effet, dans ses fondements, notre droit pénal se donnait simplement pour mission de poursuivre le responsable d’un crime ou d’un délit et de le traduire en justice. La victime, elle, était délaissée, esseulée, sans accompagnement ni réparation.

Fort heureusement, depuis plusieurs décennies, notre législation a évolué dans le sens d’une plus grande considération envers la personne touchée par un acte délictuel ou criminel. Protéger la victime et lui accorder une indemnisation sont aujourd’hui des objectifs recherchés par notre droit.

Pourtant, la rédaction de notre code de procédure pénale est loin d’être parfaite. Ainsi le collectif France Victimes et de nombreux avocats pénalistes ont-ils attiré l’attention du législateur sur certaines dispositions venant malencontreusement restreindre le droit des victimes à être indemnisées. La rédaction actuelle de l’article 706-5 du code de procédure pénale est, à cet égard, source d’un contentieux défavorable aux personnes ayant subi un délit ou un crime. Elle est par ailleurs contraire à l’esprit de la loi du 15 juin 2000, qui est venue renforcer les droits des victimes.

Dans les faits, cet article prévoit que celles-ci doivent saisir la commission d’indemnisation des victimes d’infractions, la CIVI, afin de bénéficier du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions, le FGTI.

La présente proposition de loi a pour objet de préciser le point de départ du délai d’un an dont disposent les victimes pour demander une indemnité auprès de la CIVI. En effet, un désaccord existe en la matière entre le législateur et le juge. Et pour cause : les travaux préparatoires de la loi du 15 juin 2000 indiquaient clairement que le délai d’un an devait courir à partir de l’avis donné par la juridiction ayant statué définitivement sur l’attribution de dommages et intérêts ; pourtant, la rédaction juridique qui a finalement été adoptée à l’article 706-5 du code de procédure pénale n’a pas bénéficié de la même clarté. Ainsi en a-t-il découlé une jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle le délai d’un an courait à compter de la date de l’avis donné par la première juridiction qui a alloué une indemnisation, même si sa décision n’est pas définitive.

Cette interprétation ne peut être reprochée au juge, qui ne fait qu’appliquer la loi de manière littérale. Il est, en revanche, du devoir du législateur d’améliorer le droit, qui désavantage actuellement les victimes, puisque celles auxquelles ont été alloués des dommages et intérêts ne peuvent attendre la fin de la procédure judiciaire les concernant pour saisir la CIVI.

Il est donc proposé ici de revenir à l’esprit de la loi du 15 juin 2000, en permettant que le délai d’un an commence à courir après que la dernière instance s’est prononcée. Les droits des victimes n’en seront que renforcés.

Nous ne pouvons que saluer et soutenir cette proposition de loi. Nous ne doutons pas que, comme à l’Assemblée nationale, celle-ci fera consensus.

Je veux profiter de cette tribune pour mentionner un sujet annexe à celui que nous traitons aujourd’hui, celui du fonctionnement du FGTI. Sénatrice d’une circonscription marquée par plusieurs actes terroristes ces dernières années, je suis particulièrement sensible au sort réservé aux victimes de ces funestes événements. Entre 2014 et 2015, plus de 2 600 personnes ont été touchées directement ou indirectement par les attentats. La dette de l’État à leur égard est immense. Pour ces personnes, les procédures auprès du FGTI afin d’obtenir des dommages et intérêts sont une nouvelle épreuve, un nouveau combat.

Comment expliquer, par exemple, que, plus de quatre ans après l’attentat du 13 novembre 2015, certaines victimes soient toujours en attente du rapport d’expertise prouvant la régularité de leur demande d’indemnisation ? Un tel traitement est inacceptable et ne saurait perdurer.

Il va sans dire que la suppression, en 2017, du secrétariat d’État chargé de l’aide aux victimes n’est pas de nature à améliorer la situation… Cet exemple nous démontre tout le chemin qui reste à parcourir afin que notre droit offre aux victimes la protection et la considération qu’elles méritent.

La proposition de loi que nous adopterons aujourd’hui est une première pierre à cet édifice, mais elle ne saurait être suffisante.

Nous voterons pour ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Michelle Meunier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.

M. Joël Guerriau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons vise à clarifier et à améliorer la rédaction de l’article 706-5 du code de procédure pénale concernant les délais de forclusion applicables à la saisine de la commission d’indemnisation des victimes d’infractions pour bénéficier du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions.

En effet, il apparaît que, dans sa rédaction actuelle, cet article est source d’un contentieux défavorable aux victimes et contraire à l’esprit de la loi du 15 juin 2000.

L’article 706-3 du code de procédure pénale encadre le droit d’indemnisation des victimes. Actuellement, toute personne ayant subi un préjudice « peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne », dès l’instant que ces faits ont entraîné la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois ou relèvent des infractions suivantes : viol et autres agressions sexuelles, réduction en esclavage et exploitation de personnes réduites en esclavage, traite des êtres humains, proxénétisme, travail forcé et réduction en servitude, atteintes sexuelles sur mineurs. Sont exclues du champ d’application de cet article les infractions relevant de régimes spécifiques, comme ceux qui sont applicables aux préjudices liés à l’amiante ou aux actes de terrorisme.

Quand elle est saisie, la commission d’indemnisation des victimes d’infractions transmet la demande au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions, lequel doit, en retour, proposer un montant d’indemnité sous deux mois. La commission valide alors l’accord approuvé par la victime ou, à défaut d’approbation par celle-ci, détermine le montant de l’indemnisation.

La demande d’indemnité doit être présentée dans un délai de trois ans à compter de la date de l’infraction. En cas de poursuite pénale, le délai est prorogé et expire un an après la décision de la juridiction ayant statué définitivement. Une fois la victime indemnisée, le Fonds de garantie peut se retourner contre l’auteur des faits afin de lui réclamer le remboursement des indemnités qu’il a versées.

Le régime de la forclusion applicable à ce dispositif a été modifié par la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes. Ce texte a fixé, à l’article 706-15 du code de procédure pénale, l’obligation pour la juridiction pénale d’aviser la victime de son droit de présenter une demande d’indemnité à la commission, et ce dans un délai d’un an. En effet, les victimes apprenaient souvent subitement, bien plus d’un an après le jugement, l’existence même de la commission. Il fallait donc remédier à ce manque d’information des victimes.

En complément, le Parlement a voté une disposition qu’il a voulue protectrice : la suppression du délai d’un an pour saisir la commission en l’absence d’avis donné par la juridiction.

Il s’avère que cette interprétation n’a pas été retenue par la Cour de cassation. Selon celle-ci, pour les victimes auxquelles une juridiction a alloué des dommages et intérêts, le délai d’un an court à compter non pas de la décision ayant statué définitivement, mais de l’avis donné par la première juridiction allouant les dommages et intérêts, même si la décision de cette juridiction n’est pas définitive. Cette interprétation est, bien sûr, au désavantage des victimes auxquelles ont été alloués des dommages et intérêts, qui ne peuvent pas, dans ces conditions, attendre la fin de la procédure judiciaire pour saisir la commission.

C’est pourquoi la présente proposition de loi procède à une nouvelle rédaction de l’article 706-5 du code de procédure pénale. Elle vise à créer un délai unique d’un an après la décision de la juridiction qui a statué définitivement sur l’action publique et sur l’action civile engagée devant la juridiction répressive pour présenter la demande d’indemnité. Cette nouvelle rédaction maintient l’obligation qui incombe à la juridiction d’informer les victimes ayant reçu des dommages et intérêts de leur possibilité de saisir la commission. Enfin, elle crée un cas permettant de relever automatiquement la forclusion si cette information n’a pas été donnée. Cette solution supprime toute ambiguïté juridique.

Pour l’ensemble de ces raisons, certes techniques, mais essentielles pour les victimes, le groupe Les Indépendants soutient cette excellente proposition de loi. Il votera bien évidemment ce texte. (Mme Agnès Constant applaudit.)