M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Bien entendu, cela concerne surtout les adultes, notamment les adultes extérieurs, qui ne doivent pas commettre des actions illégales.

S’agissant des élèves, notre attitude est évidemment dictée par la plus grande bienveillance. Nous allons regarder, établissement par établissement, comment éviter le phénomène inenvisageable que vous évoquez d’un élève récoltant un zéro après avoir été empêché d’entrer dans son établissement. Cela n’arrivera pas, je le dis très solennellement.

Il y aura, dans les conditions que j’ai indiquées, des reports d’épreuves en cas de troubles. Un élève empêché de composer ne sera pas sanctionné pour cela. Notre but est évidemment que chaque élève dispose d’une note, ce qui est encore tout à fait possible, les épreuves s’échelonnant jusqu’à la fin du mois de février.

Je le dis une nouvelle fois, la majorité des épreuves ont été passées. J’appelle donc chacun à la sérénité sur ces sujets : si tout le monde reste calme, serein, chaque élève pourra composer, aucun problème technique ne s’y oppose. C’est le message qu’il faut faire passer avant tout ! J’observe d’ailleurs que des associations de parents d’élèves disent substantiellement la même chose. Il reviendra également au comité de suivi du baccalauréat de prendre ces points en considération.

Bien entendu, le premier de mes devoirs sera de m’assurer que les élèves ne sont pas pénalisés en raison d’exactions commises par des éléments extérieurs, qui ne sont pas du fait de l’éducation nationale elle-même ou de son organisation. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – MM. Jean-Marc Gabouty et Pierre Louault ainsi que Mme Michèle Vullien applaudissent également.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que nos prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le mercredi 19 février 2020, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Jean-Marc Gabouty.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

Mise au point au sujet d’un vote

M. le président. La parole est à Mme Sonia de la Provôté.

Mme Sonia de la Provôté. Monsieur le président, lors du scrutin n° 69 qui a eu lieu au cours de la séance du 22 janvier dernier, Mme Nathalie Goulet souhaitait voter pour.

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle figurera dans l’analyse politique du scrutin.

4

Création d’une commission spéciale

M. le président. L’ordre du jour appelle, en application de l’article 16 bis, alinéa 2, du règlement, la proposition de création d’une commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique, sous réserve de son dépôt.

Je soumets donc cette proposition au Sénat.

Il n’y a pas d’opposition ?…

Il en est ainsi décidé.

Conformément à la décision de la conférence des présidents, la désignation des trente-sept membres de cette commission spéciale aura lieu en séance publique, demain, à neuf heures.

5

Candidatures à une commission d’enquête

M. le président. L’ordre du jour appelle la désignation des vingt et un membres de la commission d’enquête sur les problèmes sanitaires et écologiques liés aux pollutions des sols qui ont accueilli des activités industrielles ou minières, et sur les politiques publiques et industrielles de réhabilitation de ces sols.

En application de l’article 8 ter, alinéa 5, du règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure prévu par le règlement.

6

 
Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, relative aux enfants franco-japonais privés de tout lien avec leur parent français à la suite d'un enlèvement parental
Discussion générale (suite)

Enfants franco-japonais

Adoption d’une proposition de résolution

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, relative aux enfants franco-japonais privés de tout lien avec leur parent français à la suite d'un enlèvement parental
Discussion générale (fin)

M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe La République En Marche, l’examen de la proposition de résolution relative aux enfants franco-japonais privés de tout lien avec leur parent français à la suite d’un enlèvement parental présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par M. Richard Yung et plusieurs de ses collègues (proposition n° 29).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Richard Yung, auteur de la proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

M. Richard Yung, auteur de la proposition de résolution. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a tout juste neuf ans, la Haute Assemblée adoptait à l’unanimité une proposition de résolution appelant les autorités japonaises à garantir le respect du droit des enfants franco-japonais séparés de l’un de leurs parents. Nous avions lancé cet appel après avoir constaté que des enfants binationaux étaient privés de tout contact avec leur parent français à la suite d’un enlèvement commis par leur parent japonais.

Le constat dressé en 2011 est malheureusement toujours d’actualité. Voilà quelques jours, deux enfants franco-japonais ont été enlevés par leur mère japonaise. Ils ont subi le même sort que les enfants d’un ressortissant australien qui a récemment passé quarante-cinq jours en garde à vue avant d’être condamné à six mois de prison avec sursis. Son tort ? Avoir tenté de voir ses enfants après le passage d’un violent typhon. La sévérité de la peine infligée à ce père a conduit les autorités australiennes à exprimer leur préoccupation quant à l’application, par les juges japonais, du principe non écrit dit « de continuité », qui consiste à attribuer systématiquement l’autorité parentale et la garde exclusive de l’enfant au parent ravisseur.

Au Japon, le partage de l’autorité parentale et la garde alternée n’existent pas. De plus, l’exercice du droit de visite dépend du bon vouloir du parent qui a la garde de l’enfant. Il suffit en effet à ce dernier de dire à son ex-conjoint que l’enfant est malade ou ne veut pas le voir pour annuler une visite. Il suffit effectivement de faire pression sur l’enfant. On m’a raconté le cas d’un enfant qui certes rencontrait son père, mais en lui tournant le dos. Des parents n’ont pas vu leurs enfants pendant plusieurs années.

Lors des kidnappings, c’est presque toujours le même scénario qui se répète. Le parent ravisseur profite de l’absence de l’autre parent pour vider le logement. Il se réfugie ensuite chez ses parents avant d’accuser son conjoint de violences conjugales. Au Japon, une simple déclaration suffit et aucune enquête n’est menée. Selon une artiste japonaise que j’ai rencontrée et dont les enfants ont été enlevés par son ex-époux, le Japon a un gros problème avec les fausses accusations de violence domestique. Il peut s’agir simplement de paroles ou d’un geste.

Lorsque le couple est établi à l’étranger, l’enlèvement a généralement lieu lors du séjour temporaire au Japon de l’un des parents. À cet égard, je condamne fermement les propos qui ont été tenus par un groupe d’avocats japonais à l’occasion d’un séminaire organisé à Paris le 15 mai 2018. Ces avocats avaient alors expliqué à des Japonais résidant en France comment « légaliser » l’enlèvement d’un enfant depuis notre territoire.

Nous ne savons pas précisément combien d’enfants japonais se trouvent actuellement privés de tout contact avec l’un de leurs parents. Au Japon, l’on estime à 150 000 le nombre d’enfants concernés chaque année. Parmi ces derniers figurent de nombreux enfants binationaux. Les plus nombreux sont des enfants américano-japonais. Pour ce qui est des enfants franco-japonais, onze dossiers sont actuellement suivis par le Quai d’Orsay. Ce nombre relativement faible ne reflète cependant pas la réalité. En effet, de nombreux cas n’ont pas été portés à la connaissance des autorités diplomatiques et consulaires, soit parce que le parent concerné ignore qu’il peut s’adresser au consulat, soit parce qu’il cherche à négocier un accord amiable avec le parent japonais et souhaite donc rester « en dessous des radars ».

Depuis 2011, quelques avancées ont été enregistrées. En 2014, le Japon a adhéré à la convention de La Haye sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants. L’entrée en vigueur de cette convention n’a malheureusement pas permis de résoudre certaines situations douloureuses, qui persistent par des pratiques installées dans les mœurs, mais aussi par l’application de la législation japonaise en matière de droit de la famille.

Des décisions judiciaires prises en vertu de la convention de La Haye ne sont pas exécutées ou le sont difficilement. Aussi surprenant que cela puisse paraître, les décisions rendues par les juges civils japonais ne peuvent pas faire l’objet d’une exécution forcée, la police nippone n’étant pas compétente pour intervenir dans les affaires familiales. Autrement dit, le juge s’est prononcé et il ne se passe rien !

Les ambassadeurs des États membres de l’Union européenne représentés au Japon ont, dans une démarche commune, signalé à plusieurs reprises au gouvernement nippon « l’importance de l’exécution des décisions des tribunaux japonais ». Au regard de ce constat, il apparaît nécessaire d’encourager les autorités japonaises à prendre des mesures urgentes pour garantir le respect des droits fondamentaux des enfants, notamment franco-japonais, au centre d’un conflit parental.

Le Président de la République s’est engagé à agir en faveur des parents qui vivent ces situations de détresse et en a parlé au Premier ministre lors de sa visite officielle au Japon au mois de juin dernier. J’espère qu’il sera répondu favorablement à sa demande de rétablir en particulier le comité consultatif franco-japonais relatif à l’enfant au centre d’un conflit parental, qui permettait une fois par an de recenser et de discuter des différents cas. Au moins un échange était-il maintenu.

D’autres chefs d’État ont interpellé les autorités japonaises. Des mesures préventives ont été prises récemment par l’Allemagne et l’Italie. Ces deux pays ont en effet dernièrement modifié la fiche consacrée au Japon qui figure sur le site internet de leur ministère des affaires étrangères. Il serait, à mon sens, opportun que le Quai d’Orsay en fasse de même dans ses conseils aux voyageurs.

Enfin, je me réjouis de constater que des eurodéputés commencent à s’emparer du sujet, cela d’autant plus que la Haute Assemblée a récemment adopté une résolution européenne et un avis politique visant à faire en sorte que l’Union européenne s’exprime avec force et d’une seule voix. Je forme le vœu que le Parlement européen adopte rapidement, peut-être ce mois-ci, une proposition de résolution allant dans le même sens que celle que nous allons, je l’espère, adopter à l’issue de ce débat.

Le texte que je soumets aujourd’hui à votre approbation, mes chers collègues, n’a nullement pour objet de remettre en cause la souveraineté du Japon. J’ajoute que je suis, à titre personnel, un admirateur de la culture, de l’histoire et de la société japonaise en général. Nous sommes donc mus par des sentiments d’amitié et souhaitons voir le Japon évoluer dans le sens que nous indiquons.

Ce texte vise surtout à soutenir les efforts diplomatiques déployés par la France et ses partenaires européens. À cet égard, je tiens à remercier notre ambassadeur à Tokyo et son équipe de leur implication dans ce dossier particulièrement complexe et douloureux.

Je tiens aussi à saluer le travail mené par les associations, notamment l’association Sauvons nos enfants Japon, qui apporte un indispensable soutien humain et juridique aux parents privés de tout contact avec leurs enfants.

Permettez-moi enfin de remercier mes soixante-dix-sept collègues cosignataires de cette proposition de résolution.

Pour conclure, je souhaite vous informer que notre vote est très attendu par les associations japonaises de défense des parents en situation de divorce ou de séparation. Leurs membres se sentent ostracisés et sont souvent accusés de ne pas être de « bons Japonais » ; ils rasent les murs. Ils sont donc relativement peu actifs.

Notre vote est également attendu par des parlementaires japonais, de la majorité comme de l’opposition, qui cherchent à faire évoluer la législation nippone. Plusieurs d’entre eux m’ont dit vouloir s’appuyer sur nos résolutions pour faire valoir leur point de vue auprès de leurs collègues et du gouvernement Abe, même si ce n’est pas si facile.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous invite à voter en faveur de la présente proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur des travées du groupe SOCR.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.

M. Jean-Louis Lagourgue. « Je ne peux plus penser à mon fils, le regarder en photo, cela me fait trop mal, j’ai appris à l’oublier » : telles sont, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les paroles insoutenables de Stéphane Lambert, père français dont l’enfant a été enlevé par sa mère en 2015. Ce témoignage traduit l’importance du sujet qui nous réunit aujourd’hui. Il traduit aussi la situation de nombreuses Françaises et de nombreux Français faisant face à des situations d’enlèvement parental.

Je souhaite remercier le groupe La République En Marche de nous permettre de nous exprimer sur le sujet, en particulier Richard Yung. Chacun, dans cet hémicycle, sait l’engagement et le dévouement dont il fait preuve depuis des années aux côtés des parents confrontés à cette situation.

Je souhaite également saluer la commission des affaires européennes du Sénat ainsi que Véronique Guillotin pour leur travail conjoint. Un rapport et une proposition de résolution européenne traitant des enlèvements d’enfants euro-japonais par leur parent japonais ont dégagé des pistes de réflexion. Les institutions européennes ont d’ailleurs été saisies de ce sujet.

La proposition d’une nouvelle rencontre entre ambassadeurs des États membres de l’Union européenne et les autorités japonaises, formulée dans le texte qui nous est soumis aujourd’hui, est à mes yeux essentielle. Nous devons développer un dialogue constructif sur ce point.

En effet, ce problème, qui n’est pas nouveau, ne constitue pas non plus une particularité française. De nombreux pays, à commencer par les États-Unis, y sont également confrontés. Des ressortissants italiens, australiens, ou encore britanniques font face à ce traumatisme. Ce fait concerne des dizaines de milliers d’enfants par an.

La bataille juridique qu’imposent ces situations est très souvent vécue comme un parcours du combattant pour le parent souhaitant retrouver son enfant. De nombreuses actions ont été menées dans le monde : récemment, un cabinet français a porté ce sujet devant le Conseil des droits de l’homme des Nations unies.

La proposition de résolution que nous étudions aujourd’hui retrace les particularités du droit de la famille japonaise. Nous l’avons déjà souligné, la non-reconnaissance de l’autorité parentale partagée, d’une part, l’impossibilité d’un droit de garde alternée, d’autre part, en sont les deux points clés. Le principe de continuité, aussi mis en exergue, s’ajoute aux difficultés.

À cela, la résolution oppose un champ lexical ne laissant aucun doute sur la nature du problème et les effets sur les enfants concernés, qui « se retrouvent privés d’une part essentielle de leur identité », souffrent d’un « déficit affectif susceptible de nuire à leur développement personnel », alors que doit primer l’« intérêt supérieur de l’enfant ».

Des évolutions récentes dans le droit japonais ont été saluées dans le cadre de cette proposition de résolution : elles vont dans le bon sens malgré l’identification de certaines limites. Il reste en effet encore beaucoup à faire, et nous observons que les trois points que je viens d’évoquer – l’autorité parentale, la garde alternée et le principe de continuité – ne sont pas concernés par l’évolution de la loi. Or ils représentent une partie de la solution.

Je tiens à saluer quelques suggestions précises de la proposition de résolution qui me semblent aller dans le sens de l’intérêt des enfants et de la défense de leurs droits fondamentaux.

La première, découlant du nécessaire dialogue entre la France et le Japon, vise la création d’un poste de magistrat de liaison à l’ambassade de France au Japon. Cette liaison me semble primordiale, d’autant plus qu’un tel magistrat existe déjà auprès de l’ambassade du Japon en France. Ce serait un moyen supplémentaire de faciliter la gestion de divers cas entre nos deux pays.

La deuxième suggestion est le rétablissement du comité consultatif franco-japonais relatif à l’enfant au centre d’un conflit parental. Ce comité n’est plus actif depuis 2014, mais il pourrait permettre un dialogue plus constructif et plus efficace.

Enfin, le dernier point de cette proposition de résolution que je souhaite mettre en avant est la sensibilisation de nos magistrats. Les conflits de droit international privé sont très complexes, et nous devons prendre en compte tous leurs aspects.

D’autres points de ce texte auraient pu être soulevés. Il est important que cette question soit abordée de manière régulière aux échelons européen et international. Je suis convaincu que la création d’une liste européenne des pays qui ne respectent pas leurs obligations relatives à la convention de La Haye serait une bonne chose.

Les droits fondamentaux des enfants et des parents doivent être respectés et préservés. Le lien des enfants avec leurs parents est à bien des égards une nécessité et participe au bien-être de tous. La France et le Japon, dont les liens sont forts depuis de nombreuses années, doivent poursuivre leurs efforts de dialogue pour trouver des solutions aux problèmes des enlèvements parentaux.

Le groupe Les Indépendants votera cette proposition de loi résolution et forme le vœu que, dans les différentes situations où se trouvent les parents et les enfants franco-japonais, l’on s’oriente vers le respect des droits de chacun. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants et LaREM.)

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, en préambule, j’associe à cette intervention M. Olivier Cadic, sénateur des Français de l’étranger qui, durant plusieurs années, a porté ce combat avec détermination.

Une affaire récente a particulièrement marqué l’opinion française. Ce fait divers est aujourd’hui connu de tous : initialement, il s’agit d’une histoire familiale, donc personnelle et intime, mais elle s’est soldée par un déchirement humain et un écho médiatique retentissant.

Après son mariage en 2008 à Toulouse, un couple décide de s’installer au Japon. En 2015, son fils, Louis Kudo-Verhoeven, naît à Tokyo. Deux ans plus tard, alors qu’elle est en France avec son fils, la mère souhaite divorcer et ne plus rentrer au Japon.

Le 26 décembre dernier, le petit Louis, âgé de 4 ans, est reparti dans sa terre natale, après une demande de retour de son père. Le départ a eu lieu entouré de gendarmes et sous l’œil des caméras. La mère de Louis – française – a pourtant apporté les preuves qu’elle n’aurait vraisemblablement plus la possibilité de voir son fils jusqu’à la majorité de celui-ci, fixée au Japon à 20 ans.

En effet, elle ne possède pas de visa lui permettant de résider au Japon, la législation nippone étant extrêmement restrictive en termes d’obtention de ce type de document, notamment durant une procédure de divorce.

De plus, l’autorité parentale partagée n’existant pas en droit japonais et l’autorité exclusive ayant été octroyée par la justice au père japonais, la mère de Louis ne pourra très probablement pas bénéficier d’un titre de séjour en qualité de parent, puisque ce statut est directement lié à l’autorité parentale.

En un mot, la situation est inextricable.

Louis risque donc de se voir coupé de tout lien avec sa mère et sa famille française, alors même qu’il était scolarisé en France et menait une vie tranquille et sans histoire, que tous les enfants de 4 ans devraient avoir.

Louis n’est malheureusement pas le seul enfant dans ce cas, et les médias font régulièrement état de la situation de parents désespérés, en France, mais aussi chez nos voisins.

Une telle séparation « légale » d’un parent et de son enfant constitue un véritable traumatisme pour toutes les personnes impliquées, en premier lieu pour les enfants eux-mêmes.

Mes chers collègues, nous ne pouvons plus permettre que de tels drames continuent à avoir lieu.

Je remercie Richard Yung de son initiative afin que le Gouvernement agisse pour trouver des solutions avec le Japon. Je sais que son combat est ancien ; je veux l’assurer de tout le soutien du groupe socialiste dans sa démarche.

En visite au Japon le 27 juin 2019, le Président de la République, Emmanuel Macron, s’est engagé à agir en faveur de ces pères français et, plus largement, des parents non japonais. Il a évoqué les « situations inacceptables » vécues par des enfants binationaux et leur parent français avec le Premier ministre japonais, Shinzo Abe.

Nous saluons cette prise de position officielle, car le besoin concret de la France se fait sentir, afin que parents et enfants ne soient plus privés les uns des autres.

Le Japon est un pays ami, un allié, avec lequel ont été passés de très nombreux accords dans tous les domaines, des échanges commerciaux à la fiscalité en passant par la sécurité sociale. Dès lors, pourquoi est-il si difficile de s’entendre sur ce sujet si sensible pour les familles concernées ?

Le plus absurde est que ces drames perdurent malgré la ratification par le Japon, le 24 janvier 2014, de la convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, puis la création, à Tokyo, d’une autorité centrale chargée d’assister les parents d’enfants enlevés. En effet, c’est sur une adaptation en droit japonais de la convention de La Haye, favorable aux parents japonais, que se fondent les décisions des juridictions nippones.

À cela s’ajoute l’incapacité de la justice à faire appliquer les rares ordonnances de retour qui ont été prononcées à ce jour. Il est impératif que les jugements français soient respectés par les juridictions japonaises, et que les divorces prononcés par les tribunaux français soient intégralement retranscrits là-bas.

Le ministère des affaires étrangères a plusieurs fois indiqué qu’une réflexion spécifique aux conflits familiaux au Japon était menée en lien avec les autorités japonaises, afin d’explorer les possibilités de faciliter la résolution de ces situations douloureuses.

Il s’agit d’obtenir des autorités japonaises la mise en place d’une instance de dialogue ad hoc, fonctionnant sur le modèle de celle qui a été créée en 2009, puis supprimée après l’adhésion du Japon à la convention de La Haye en 2014.

Où en est-on de cette réflexion, madame la ministre ?

Bien sûr, la France n’est pas le seul pays concerné par de telles situations. Au mois de janvier 2018, dans le cadre du rapport du groupe de travail des Nations unies sur l’examen périodique universel sur le Japon, le Canada et l’Italie ont questionné le Japon sur la mise en place de ces mécanismes juridiques le contraignant à faire respecter le droit de visite et permettant d’entretenir des liens réguliers avec les deux parents. Au mois d’avril suivant, les États-Unis ont inscrit le Japon dans la liste des pays qui ne respectent pas la convention de La Haye de 1980.

Malgré ces actions symboliquement fortes, la situation ne s’améliore pas – ou si peu ! La mention d’une coopération européenne dans la proposition de résolution est donc la bienvenue. Il nous faut en effet peser de tout notre poids diplomatique pour qu’une solution soit trouvée le plus rapidement possible. Nous espérons vivement que le Gouvernement se saisira véritablement de la question, afin que cette initiative soit suivie d’effets. Nous soutiendrons évidemment cette proposition de résolution, mais nous resterons vigilants quant aux suites qui y seront données. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Jacky Deromedi. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Jacky Deromedi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je remercie tout d’abord M. Richard Yung d’avoir présenté une proposition de résolution relative aux difficultés rencontrées par les parents français d’enfants franco-japonais.

Que se passe-t-il en cas de divorce ou de séparation de couples franco-japonais ? La réponse est simple : lorsque les enfants sont emmenés au Japon par le parent japonais, le parent français court le risque de ne plus jamais les revoir. En effet, selon les principes du code civil japonais, l’autorité parentale partagée n’est pas reconnue. Traditionnellement, le foyer est constitué des deux parents et du ou des enfants. Si le couple divorce, l’enfant n’« appartient » plus qu’à un des deux parents.

Contrairement à la France, les tribunaux japonais refusent de reconnaître les jugements de divorce prononcés à l’étranger. Ils n’hésitent pas à réattribuer la garde et l’autorité parentale au parent japonais lorsqu’il a enlevé les enfants et les a ramenés au Japon, même si un tribunal français les avait précédemment placés sous la responsabilité de l’autre parent.

Lorsque ces faits d’enlèvement se produisent à l’intérieur même du Japon, les juges protègent les parents japonais et entérinent les enlèvements.

En outre, le droit de visite ne fait pas partie des mœurs du pays. Lorsqu’un parent français l’obtient, ce droit demeure très sévèrement encadré et soumis au bon vouloir du parent japonais.

Par ailleurs, les autorités japonaises ne mettent pas en œuvre les ordres de retour d’enfants binationaux dans un autre pays. Les agents chargés de la mise en exécution des ordonnances de retour refusent d’intervenir rapidement et par la force dans ces affaires civiles et familiales au motif qu’elles relèvent de la vie privée. Le 21 décembre, la Cour suprême du Japon a même annulé plusieurs ordonnances de retour préalablement rendues en faveur de James Cook, un Américain, père de quatre enfants enlevés par leur mère japonaise, ce qui donne un redoutable signal aux parents privés de leurs enfants.

La loi japonaise ne punit pas l’enlèvement parental.

Le Japon n’applique pas l’article 9-3 de la convention relative aux droits de l’enfant, dite convention de New York, qu’il a signée le 22 avril 1994 – voilà quinze ans ! Or cet article dispose : « Les États parties respectent le droit de l’enfant séparé de ses deux parents ou de l’un d’eux d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant. »

Les parents français qui tentent de faire reconnaître leurs droits sont parfois arrêtés pour harcèlement, éventuellement soupçonnés de tentative d’enlèvement de l’enfant et placés en garde à vue pendant de nombreux jours. Certains ont été tellement désespérés de ne pouvoir entrer en contact avec leurs enfants qu’ils en sont venus au suicide.

Le drame d’Arnaud Simon a ému la communauté franco-japonaise. L’ambassadeur Philippe Faure a publié le communiqué suivant : « M. Simon avait fait part récemment à la section consulaire de notre ambassade à Tokyo des difficultés qu’il éprouvait pour rencontrer son fils, et il est très probable que la séparation d’avec son enfant a été un des facteurs déterminants d’un geste aussi terrible. Ceci nous rappelle à tous, s’il en était besoin, la souffrance des 32 pères français et des 200 autres cas étrangers, recensés par les autorités consulaires comme étant privés de fait de leurs droits parentaux. »

Lors de sa visite officielle au Japon, le président Macron a rencontré les parents français dont les enfants franco-japonais ont été enlevés par leur parent japonais. Il a déclaré : « Il y a un droit japonais, qui est très différent du nôtre, mais il y a des situations de détresse qui sont absolument inacceptables. [Nous ferons] tout pour être aux côtés de [ces parents]. » Il a précisé avoir évoqué ce problème avec le Premier ministre japonais, Shinzo Abe.

Madame la ministre, pouvez-vous nous préciser le résultat de ce soutien présidentiel ? Par-delà les formules diplomatiques, y a-t-il eu des résultats concrets ?

Il est essentiel que nos consulats dispensent le maximum d’informations aux nouveaux résidents au Japon sur les spécificités de la loi japonaise en matière de divorce et d’autorité parentale.

Je salue la mobilisation exceptionnelle de nos trois conseillers consulaires, Thierry Consigny, Evelyne lnuzuka et François Roussel, pour sensibiliser et accompagner nos compatriotes.

Plusieurs associations, telles que Sauvons nos enfants Japon et SOS Parents Japan, effectuent un intense travail de sensibilisation politique et médiatique. Allez-vous, madame la ministre, soutenir l’action méritoire de ces associations ? Elles défendent en effet une cause juste : la détresse de parents privés à vie de leurs enfants.

Ce texte transpartisan propose de bonnes solutions. Je l’ai donc cosigné, et bien évidemment, je le voterai. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et La REM.)