compte rendu intégral

Présidence de M. David Assouline

vice-président

Secrétaires :

M. Yves Daudigny,

Mme Françoise Gatel.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à onze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Mise au point au sujet de votes

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour une mise au point au sujet d’un vote.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, lors du scrutin n° 44 sur l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2020, M. Alain Bertrand a été enregistré comme s’abstenant, alors qu’il souhaitait voter pour.

Par ailleurs, lors du scrutin n° 45 sur l’ensemble du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2019, MM. Ronan Dantec et Joël Labbé ont été enregistrés comme s’abstenant, alors qu’ils souhaitaient voter contre.

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique des scrutins.

3

Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire

M. le président. Mes chers collègues, je veux saluer en votre nom la présence, dans notre tribune d’honneur, d’une délégation de l’Assemblée nationale du pouvoir populaire de Cuba, conduite par M. Andrés Castro Alegria, vice-président du groupe d’amitié Cuba-France, président de la commission de l’éducation, de la culture, de la science, de la technologie et de l’environnement. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la secrétaire dÉtat auprès de la ministre des armées, se lèvent.)

La délégation est accompagnée par notre collègue Hélène Conway-Mouret, vice-présidente du Sénat et présidente du groupe d’amitié France-Caraïbes.

Nous entretenons des relations très constructives avec nos homologues de l’Assemblée nationale cubaine.

Cette rencontre s’inscrit dans la dynamique du renforcement des relations entre nos deux pays, en particulier sur le plan politique, mais également dans le domaine scientifique et universitaire, ainsi qu’en témoigne le développement d’accords récents de coopération universitaire.

En votre nom à tous, permettez-moi, mes chers collègues, de souhaiter à nos homologues de l’Assemblée nationale de Cuba la plus cordiale bienvenue, ainsi qu’un excellent et fructueux séjour. (Applaudissements.)

4

Explications de vote sur l'ensemble de la première partie du projet de loi (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2020
Seconde partie

Loi de finances pour 2020

Suite de la discussion d’un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2020
État B
Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2020
État B

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2020, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 139, rapport général n° 140, avis nos 141 à 146).

Nous commençons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

SECONDE PARTIE

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » (et article 73 E).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Marc Laménie, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dans le cadre de l’examen de cette mission, je voudrais d’abord exprimer notre respect et notre reconnaissance aux treize militaires décédés lundi soir, au Mali, en adressant nos sincères condoléances à leurs familles durement éprouvées, ainsi qu’à notre collègue Jean-Marie Bockel.

Je voudrais associer à cet hommage nos militaires, nos gendarmes, nos policiers, nos sapeurs-pompiers, l’ensemble des forces de sécurité qui risquent leur vie au quotidien pour la sécurité des personnes et des biens et qui luttent aussi contre le terrorisme.

Le montant total des crédits de cette mission s’élève à 2,1 milliards d’euros, malheureusement en baisse de 6,2 %, soit 142 millions d’euros, notamment pour les crédits consacrés aux actions de mémoire et à la Journée défense et citoyenneté (JDC).

Ces réductions de crédits résultent de faits démographiques malheureusement implacables, mais aussi d’un choix budgétaire qui jure avec les témoignages de considération adressés au monde combattant qui mérite respect et reconnaissance.

Le rapport « constant » qui conditionne l’indexation des valeurs des pensions militaires d’invalidité et de la retraite du combattant conduit au gel de ces allocations et donc à leur baisse en valeur réelle.

Comme je l’ai souligné, les anciens combattants méritent respect et reconnaissance. Je tiens donc à insister sur le flou entretenu par le Gouvernement quant à l’impact de la réforme des retraites pour les militaires. L’essentiel tiendra dans les conditions d’âge de liquidation. Mais si les points prévus par cette réforme évoluent comme les points de pension militaire d’invalidité (PMI), il y a lieu de s’inquiéter.

Vous aviez annoncé, madame la secrétaire d’État, la création d’une commission tripartite destinée à envisager les questions posées par la revalorisation des prestations. La création d’une commission n’est pas toujours un bon signe… Où en est-on ?

Les baisses financières de ce projet de budget s’appliquent également aux fonds de roulement des opérateurs, en particulier celui de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG).

C’est tout l’avenir de cet office qui inquiète le monde combattant et l’ensemble des partenaires et des élus. Le Président de la République a pris des engagements pour assurer un État de proximité. La restructuration de l’ONAC-VG obligera-t-elle les anciens combattants et les pupilles de la Nation à s’adresser aux maisons France services pour accéder aux accompagnements qui leur sont si nécessaires ?

Les missions de l’ONAC-VG ont fait l’objet d’une diversification constante. La structure rencontre des difficultés significatives pour les mener à bien, notamment le traitement des demandes, les programmes de rénovation des lieux de mémoire et l’action sociale, laquelle reste aussi l’une des priorités de l’Office.

Parmi nos inquiétudes figure la répétition de certains constats relatifs à la JDC. Trop de jeunes encore manquent à la fréquentation de ce rendez-vous avec nos armées. Un motif de satisfaction est à relever dans la revalorisation des tarifs de transport, même si ses effets risquent d’être assez modestes pour le monde rural.

En ce qui concerne la politique de la mémoire, nous regrettons également des baisses. Je tiens d’ailleurs à saluer tous les bénévoles œuvrant dans les associations patriotiques et de mémoire, notamment les porte-drapeaux, présents en toutes circonstances, qui animent avec cœur et passion les actions de mémoire, fussent-elles modestes. Associer l’éducation nationale et les jeunes à ces actions est un geste fort et particulièrement important.

Je souligne également le rôle essentiel de la Commission d’indemnisation des victimes de spoliations (CIVS), qui a fait l’objet d’un rapport d’information. On ne retrouve pas, dans le projet de budget, les moyens d’une « CIVS augmentée », plus proactive et mieux capable d’achever un processus de réparation.

J’appelle solennellement votre attention, madame la secrétaire d’État, et celle du Premier ministre, sur l’impérieuse nécessité de traiter convenablement le dossier des parts réservées qui laissent une dette de réparation de plusieurs dizaines de millions d’euros encore impayée.

La commission des finances, attentive aux sollicitations légitimes du monde combattant, et lui ayant clairement apporté tout son soutien, recommande l’adoption des crédits de la mission. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Bruno Gilles, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme Marc Laménie, mes pensées vont à nos treize militaires tués au Mali et à leurs familles. Nous partageons profondément leur douleur et leur disons toute notre reconnaissance pour l’engagement sans faille des leurs au service de la France pour assurer notre sécurité.

C’est donc avec une grande tristesse que nous examinons ce matin les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

Ces crédits baisseront en 2020, comme c’est le cas chaque année. Cette baisse ne peut être imputée à des mesures d’économies ou à une dégradation du traitement des anciens combattants, puisqu’elle résulte largement de la disparition progressive de ceux qui ont servi au cours des grands conflits du XXe siècle, alors que les « jeunes » générations d’anciens combattants, si je peux m’exprimer ainsi, sont nettement moins nombreuses.

Les économies découlant de cette évolution démographique permettent parfois d’améliorer les dispositifs existants. L’an dernier, la carte du combattant a été accordée aux soldats ayant servi en Algérie entre 1962 et 1964. Cette année, un geste est fait en faveur des veuves de grands invalides. Ces mesures sont toutefois très marginales.

Pourtant, certaines revendications du monde combattant mériteraient d’être étudiées avec bienveillance par le Gouvernement. Je pense notamment à la revalorisation du point d’indice des pensions militaires d’invalidité qui a évolué moins vite que l’inflation au cours des dernières années. La réunion d’une commission tripartite nous est promise pour 2020. Nous l’attendons avec impatience, madame la secrétaire d’État. Sans préjuger des recommandations qu’elle pourrait formuler, il me semble qu’une règle simple d’indexation sur l’inflation pourrait être posée.

D’autres demandes existent, plus ou moins légitimes et plus ou moins prioritaires ; certaines font l’objet d’amendements que nous étudierons tout à l’heure.

Si la baisse des dépenses liées à la reconnaissance et à la réparation est compréhensible, il aurait été souhaitable que la disparition des derniers témoins des grands conflits s’accompagne d’un effort financier accru en faveur du soutien aux projets éducatifs et mémoriels. Nous savons tous combien la transmission de la mémoire, surtout s’agissant des heures difficiles de notre histoire nationale, est nécessaire à la formation des citoyens de demain.

Par ailleurs, les élus de terrains que nous sommes tous sont attentifs au maintien du maillage territorial assuré par les offices départementaux de l’ONAC-VG. Je crois savoir que vous y êtes également attachée, madame la secrétaire d’État, mais que des positions différentes peuvent exister.

Je souhaiterais enfin dire un mot du prélèvement opéré sur la trésorerie de l’ONAC-VG. Cette mesure peut paraître acceptable en 2020. En effet, l’excédent de cet opérateur apparaît excessif au regard des objectifs de bonne gestion budgétaire. Toutefois, madame la secrétaire d’État, nous espérons que vous saurez obtenir, l’année prochaine, les arbitrages nécessaires pour que vous soient accordés les crédits dont vous vous passez cette année.

La commission des affaires sociales a donc donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission pour 2020 et sera vigilante, l’année prochaine, au rétablissement des crédits consacrés aux dépenses mises cette année à la charge de l’ONAC-VG.

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Pierre Decool. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)

M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’avais envisagé d’entamer mon propos en évoquant le cent unième anniversaire de la fin de la Première Guerre mondiale, cette guerre terrible qui a durablement marqué les mémoires et changé le monde. J’avais envisagé de rendre hommage à l’ensemble de nos vétérans de métropole et d’outre-mer et de saluer la mémoire de celles et ceux qui ont disparu et l’actualité nous a ramenés à une autre réalité.

Nous inscrirons bientôt sur le monument aux morts en opérations extérieures (OPEX), inauguré récemment par le Président de la République, treize nouveaux noms : treize noms de soldats de la force Barkhane engagés au Sahel pour lutter contre le terrorisme ; treize incarnations de ces soldats tombés pour la France sur des théâtres d’opérations éloignés de notre pays pour garantir notre sécurité ; treize hommes à qui la reconnaissance de la Nation est acquise pour l’éternité ; treize hommes dont je souhaitais, à mon tour, saluer la mémoire.

La reconnaissance de la Nation ne doit pas seulement se traduire dans des mots. Elle doit s’incarner dans des actions au bénéfice de nos soldats et de leurs familles.

Dans le souci de réaffirmation des valeurs et de reconnaissance des combattants, j’avais déposé une proposition de loi pour que les militaires ayant combattu pour la France aient droit à une draperie tricolore sur leur cercueil.

Les militaires doivent accomplir des démarches administratives lourdes, et parfois complexes, pour obtenir la carte du combattant et les avantages qu’elle octroie – dont la draperie tricolore. Il nous semble pourtant que les militaires ne doivent pas avoir à quémander ce qui leur revient de droit. C’est la Nation qui doit s’assurer qu’ils obtiennent ce à quoi ils ont droit. Cette proposition de loi n’a malheureusement pas fait l’unanimité.

Le groupe Les Indépendants a néanmoins continué à travailler pour faire évoluer le droit en ce sens. Et nous sommes parvenus à obtenir un engagement écrit de Mme la secrétaire d’État, que je remercie. Les militaires, dès leur retour d’OPEX, seront désormais épaulés par leur unité pour remplir ces demandes et chaque militaire éligible à cette carte du combattant en sera individuellement informé. Voilà des avancées concrètes pour nos soldats. Il en faut d’autres.

Le budget que nous examinons aujourd’hui doit contribuer à l’amélioration de la vie des anciens combattants malgré la diminution des crédits confirmée pour 2020.

Cette évolution s’explique notamment par la diminution structurelle du nombre de bénéficiaires des différents dispositifs. Nous veillerons naturellement à ce que cette diminution tendancielle ne représente pas un déclin de la reconnaissance de la Nation ni des conditions de vie des bénéficiaires.

Nous tenons à saluer l’amélioration annoncée de la réversion de la pension militaire d’invalidité versée aux conjoints survivants de grands invalides de guerre.

Des pistes d’amélioration demeurent. Nous regrettons que ce budget ne soit pas plus ambitieux, notamment en ce qui concerne la revalorisation des pensions militaires d’invalidité. Nous espérons que les résultats de la concertation, qui reste en suspens, aboutiront à l’amélioration de la situation des bénéficiaires.

Le budget poursuit également une action à destination de la jeunesse. Les objectifs en sont louables et nous les partageons pleinement. Il s’agit notamment de transmettre aux jeunes les valeurs de la République. Mais la réalisation nous interroge : les programmes se multiplient et leur coût s’alourdit. Le service national universel (SNU) engagera probablement autour de 50 millions d’euros – si ce n’est plus –, bien au-delà du chiffrage prévisionnel.

En outre, est-ce à l’armée, qui a déjà fort à faire par ailleurs, d’assurer la formation citoyenne de nos jeunes Français ? Elle en sera probablement chargée, faute d’une alternative crédible susceptible d’accomplir cette mission.

Le budget que nous examinons est lourd de sens. Il touche à l’un des piliers de la Nation, aux valeurs qui sont le socle de l’engagement, de l’acceptation du risque et du sacrifice dont font preuve nos soldats. Il nous faut garder en tête ces enjeux et nous montrer à la hauteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, servir la France sans relâche, malgré les difficultés, malgré l’ennemi, c’était la raison d’être de nos treize militaires décédés voilà deux jours au Mali.

Je veux tout d’abord leur rendre hommage et adresser à leurs familles mon total soutien et mes pensées les plus émues.

« La guerre, n’est pas l’acceptation du risque. Ce n’est pas l’acceptation du combat. C’est à certaines heures, pour le combattant, l’acceptation pure simple de la mort ». Ces mots de Saint-Exupéry nous rappellent ce que représente, pour nos combattants d’hier et d’aujourd’hui, le fait de servir notre nation au nom de valeurs qui transcendent leurs propres intérêts, leurs propres sentiments, voire leur destin personnel.

Pour certains d’entre eux cet engagement a parfois pris la forme, ultime, du sacrifice. À ces femmes et à ces hommes, à ces mères et à ces pères, à ces héros, la République tout entière est reconnaissante.

Aussi, cette action de mémoire, nous la leur devons. Plus qu’un devoir, elle est une nécessité. Un peuple qui se détournerait de son passé serait un peuple sans âme, en perte de direction. En déterminant la reconnaissance de l’État et en fixant la politique de mémoire, cette mission budgétaire demeure importante. Elle est au croisement de l’histoire passée, présente et future.

En sommes, le budget alloué dans le cadre de ce projet de loi de finances s’inscrit dans une trajectoire baissière. Pour l’année 2020, les crédits de paiement s’élèvent 2,1 milliards d’euros. Les trois programmes de cette mission baissent tous.

L’action n° 01, Liens armées-jeunesse, du programme 167, dont les crédits augmentent de 700 000 euros, fait partie des exceptions. Dans le cadre de la Journée défense et citoyenneté, des efforts ont été consentis, notamment sur la revalorisation de la prise charge forfaitaire des transports.

Je m’interroge sur le rôle de cette JDC. Un seul jour, n’est-ce pas trop peu ? Quant au service militaire volontaire (SMV), je ne peux qu’insister sur son importance : plusieurs fois par an, sur la base aérienne de Brétigny-sur-Orge, je rencontre des jeunes particulièrement motivés. Ils ont tous connu des parcours difficiles, mais une seconde chance leur est offerte par la société. Le taux de réussite demeure très satisfaisant. Je ne peux donc qu’encourager le Gouvernement à continuer de croire en ce dispositif.

Les crédits consacrés à la politique de mémoire diminuent fortement, en baisse de 5 millions d’euros. Nous saluons toutefois l’inauguration, le 11 novembre dernier, du monument consacré aux militaires tués en opérations extérieures. C’est là une très belle initiative qui rend hommage aux combattants ayant payé un lourd tribut au nom de la liberté.

Cette cérémonie était solennelle et empreinte d’une émotion particulière pour les conjoints et les enfants présents. Dans son intervention, le Président la République a rendu hommage aux soldats morts au combat. Il a aussi rappelé aux familles que la République ne les oubliait pas, qu’elle était à leurs côtés, malgré la peine et la souffrance.

Dans ce prolongement, il serait souhaitable que le Gouvernement s’engage à honorer plus régulièrement la mémoire des dissidents d’outre-mer qui, par attachement aux valeurs républicaines, avaient décidé de rejoindre la métropole dans le seul but de sauver la patrie et de vaincre l’ennemi. « Cette autre armée de l’ombre met décidément bien du temps à entrer dans la lumière ». N’oublions pas leur courage.

À ce stade de mes propos, il m’est impossible de ne pas penser aux nombreux porte-drapeaux et bénévoles, jeunes et moins jeunes, qui œuvrent dans nos territoires pour la réussite des commémorations. Sans eux, nos cérémonies n’auraient pas le même sens. Madame la secrétaire d’État, nous devons penser collectivement à la manière dont notre pays peut leur témoigner sa reconnaissance. Le lien intergénérationnel, c’est le défi d’aujourd’hui.

La diminution des crédits du programme 169 de 125 millions d’euros s’explique notamment par la baisse significative du nombre de bénéficiaires. Dans ce contexte, j’aurais souhaité que les droits soient revalorisés.

Nous regrettons la baisse des crédits provisionnés pour les allocations de reconnaissance aux rapatriés qui me semble profondément injuste. Ils ont aussi été aux côtés de la France ; nous leur devons une juste reconnaissance.

La majoration des pensions militaires d’invalidité perçues par les conjoints survivants de grands invalides constitue une bonne nouvelle, même si, eu égard au nombre de bénéficiaires potentiels, l’impact budgétaire demeure très limité. Il faut mener une réflexion plus générale sur les mesures en faveur des aidants, aussi bien sur leur accompagnement que sur le répit.

En outre, année après année, nous évoquons la nécessité de mieux reconnaître l’engagement des personnels de l’opération Sentinelle. Les réservistes, souvent rappelés pour des périodes courtes, devraient bénéficier du titre de reconnaissance de la Nation. Leur attribuer ce droit serait une mesure de justice et d’égalité.

Pour terminer sur ce programme, nous notons aussi la baisse de 12,5 millions d’euros des dotations pour l’ONAC-VG. Nous restons très attachés à son rôle. Il est souhaitable que nous restions vigilants sur son avenir. À cet égard, ne conviendrait-il pas de renommer l’ONAC-VG en Office national des « combattants » et victimes de guerre plutôt que des « anciens combattants » ? N’oublions pas le caractère social de cet office qui apporte également son aide dans les démarches administratives des associations de combattants.

En ce qui concerne l’Institut national des Invalides, il convient de préciser que l’ouverture du nouveau service de prise en charge des troubles psychiatriques est reportée, ce que je regrette fortement.

Enfin, les dotations du programme 158 baissent également de 12 %, principalement du fait de la chute des moyens consacrés à la réparation des spoliations antisémites. C’est considérable.

Mes chers collègues, au-delà même de ce débat budgétaire, soyons toujours vigilants face à la haine humaine, quel que soit son visage ou son message. Si elle tend parfois à progresser sournoisement, elle n’a pas sa place dans notre République. L’histoire nous l’a déjà démontré. Les Français, de toute confession ou origine, forment un seul bloc, celui de la communauté nationale.

Des efforts, mais surtout des enjeux et des attentes : voilà comment résumer cette mission. Veillons à toujours honorer la mémoire combattante. Je souhaite vous remercier, madame la secrétaire d’État, pour votre implication et votre sens de l’écoute. Je vous sais pleinement mobilisée sur ces sujets, comme vous l’avez été pour la carte du combattant attribuée aux soldats présents en Algérie entre 1962 et 1964. Aussi, le groupe Union Centriste votera les crédits de cette mission, en espérant des évolutions futures. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Sabine Van Heghe. (Applaudissements sur des travées du groupe SOCR.)

Mme Sabine Van Heghe. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne peux commencer mon intervention sans m’associer, avec l’ensemble de mon groupe, à l’hommage à nos treize soldats tombés au Mali, avec une pensée pour notre collègue Jean-Marie Bockel.

Le projet de budget pour 2020 des trois programmes de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » s’élève à 2,16 milliards d’euros. C’est 142 millions d’euros de moins qu’en 2019, soit une baisse de 6,2 %. Soulignons que la mission avait déjà perdu 150 millions d’euros en 2019…

Le Gouvernement rappelle, comme chaque année, que cette diminution de crédits serait liée à la baisse structurelle des effectifs du monde combattant. Or les marges de manœuvre libérées par la diminution naturelle du nombre d’anciens combattants et de leurs ayants droit sont estimées à 100 millions d’euros par an. Celles qui sont dégagées cette année ne donnent malheureusement pas lieu à des mesures de revalorisation.

Ainsi, le programme 169 qui regroupe la majeure partie des crédits de la mission pour financer les témoignages de reconnaissance de la Nation envers ses anciens combattants, avec près de 2 milliards d’euros, enregistre une baisse de dotation de 5,8 %. Les ressources prévues pour financer les pensions militaires d’invalidité, la retraite du combattant et d’autres interventions sont donc réduites.

Pour 2020, la seule mesure d’extension des droits concerne les conjoints survivants des anciens combattants grands invalides, avec un impact limité : 461 bénéficiaires pour 600 000 euros, ces chiffres ne sont pas du tout à la hauteur de la problématique de la prise en charge des anciens combattants invalides.

De plus, alors même que la mission dégage des économies importantes du fait des évolutions démographiques, la sous-indexation des allocations aux anciens combattants apparaît très injuste, voire très mesquine.

Nous présenterons un amendement visant à demander un rapport au Gouvernement sur la revalorisation du point de pension militaire d’invalidité et sur les solutions destinées à compenser les retards l’ayant affectée.

L’action en faveur des rapatriés représente 0,9 % des crédits du programme 169, soit 18,7 millions d’euros contre 23,2 millions en 2019.

L’allocation de reconnaissance, instituée par loi de 2005, constitue la principale dépense avec 88 % des crédits. Nous avons souhaité présenter un amendement visant à résoudre la situation des membres rapatriés des forces supplétives de statut civil de droit commun. En effet, 25 personnes ne bénéficient toujours pas de l’allocation de reconnaissance. Il est temps de réparer une injustice.

Je veux maintenant évoquer la situation de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre dont les moyens diminuent. L’État va opérer une ponction de 17,5 millions d’euros sur la trésorerie de l’ONAC-VG. Justifier la baisse du budget de l’Office par la diminution du nombre de ressortissants ne nous paraît pas un bon argument. Rappelons que la majorité de gauche, entre 2012 et 2017, a augmenté chaque année le budget de l’action sociale de l’ONAC-VG de 1 million d’euros pour le porter à 26 millions d’euros.

La diminution des moyens de l’Office a malheureusement des répercussions au niveau local. Ainsi, 42 emplois sont supprimés en 2020, dont 25 dans les services départementaux. Il est pourtant impératif de conserver le maillage territorial de l’Office, au risque de réduire la présence de proximité et de dégrader la qualité des services fournis aux personnes.

En outre, la dématérialisation ne doit pas être le prétexte à de nouvelles économies au détriment de l’accompagnement du monde combattant.

Enfin, l’une des nouvelles missions de l’ONAC-VG est la prise en charge économique et financière des victimes du terrorisme. Cette mission va malheureusement – mais certainement – monter en charge dans les prochaines années, nouvel argument en faveur d’une augmentation du budget de l’Office.

Évoquons maintenant le programme 158, qui finance différentes indemnités accordées aux victimes d’actes de barbarie et de persécution commis pendant l’Occupation. Les crédits de ce programme sont en baisse de 11,7 % ; cette baisse pose de sérieux problèmes. En effet, l’an dernier, le Sénat avait souhaité l’extension de l’indemnisation des orphelins de victimes d’actes de barbarie, mais le budget pour 2020 ne le permet malheureusement pas.

S’agissant du programme 167, je souhaite plus particulièrement évoquer la politique de mémoire, qui représente 37 % des crédits du programme, et dont le budget connaît une baisse de 5 millions d’euros.

Pourquoi cette baisse ? Elle s’explique certes par l’achèvement du mémorial consacré aux soldats morts pour la France en opérations extérieures et par la fin de la mission du centenaire de la Première Guerre mondiale ; mais nous estimons que les actions de mémoire ne devraient pas être à ce point dépendantes de commémorations exceptionnelles. Au contraire, ce budget se doit de faire vivre la mémoire !

À ce stade de mon intervention, je veux évoquer un sujet qui me préoccupe tout particulièrement : celui de la nécropole nationale de Notre-Dame-de-Lorette, plus grande nécropole militaire française avec ses 25 hectares de superficie ; des milliers de combattants de la Première Guerre mondiale sont tombés sur ce champ de bataille, et 45 000 d’entre eux y reposent. Les visiteurs qui sont accueillis chaque année sur ce site sont au nombre de 400 000, et 4 000 gardes d’honneur bénévoles s’y relaient tout au long de l’année.

Ces chiffres rendent incompréhensible le retard pris dans le financement des infrastructures d’accueil du site. Par exemple, le manque de sanitaires dignes de ce nom dans ce haut lieu de mémoire est scandaleux ! Je souhaite donc, madame la secrétaire d’État, vous interroger de nouveau aujourd’hui : ces travaux tant attendus vont-ils enfin commencer ?

Les sénateurs du groupe socialiste et républicain ont de nombreuses réserves sur les crédits de la mission « Anciens combattants » ; ces réserves vont malheureusement nous conduire à voter contre ces crédits, à moins que nos amendements soient adoptés. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)