M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, sur l’article.

M. Jean-Pierre Leleux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 3 prévoit que, au-delà du Trésor public, quatre opérateurs sont chargés de recueillir les fonds destinés à la conservation et à la restauration de Notre-Dame. Il s’agit du Centre des monuments nationaux, le CMN, et de trois fondations reconnues d’utilité publique, à savoir la Fondation de France, la Fondation du patrimoine et la Fondation Notre-Dame. Ainsi, le dispositif est clarifié, et c’est une bonne chose.

En vertu de ce projet de loi, des conventions, rendues publiques, seront signées en toute transparence entre ces organismes collecteurs et le maître d’ouvrage délégué. En outre, les versements ne se feront que sur appel de fonds au fur et à mesure de l’avancée du chantier et des besoins en travaux. Ces conventions seront garantes des intentions des donateurs.

Pour ce qui concerne la maîtrise d’ouvrage, notre commission a préféré exclure l’État : en maintenant le choix entre l’État et un établissement public, on laisserait le flou persister. En l’état actuel de notre texte, il s’agira nécessairement d’un établissement public.

Personnellement, j’avais déposé un amendement visant à confier cette mission à l’Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture, l’Oppic. Or je me suis vu opposer l’article 40 de la Constitution, ce que je regrette.

J’aimerais bien savoir pourquoi l’on cherche à éviter l’intervention de l’Oppic. À de nombreuses reprises, cet opérateur a été associé à d’immenses chantiers concernant des monuments historiques, qu’il s’agisse du château de Versailles, de l’hôtel des Invalides, du musée d’Orsay ou encore du Grand Palais. Ce faisant, il a démontré qu’il avait les compétences requises : au moment même où l’on veut réduire le nombre d’opérateurs publics de l’État, pourquoi créer une structure supplémentaire alors que nous avons absolument ce qu’il faut ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, sur l’article.

M. Jean-Claude Tissot. Sur cet article, j’avais également déposé un amendement, qui s’est vu opposer l’article 40 de la Constitution…

Monsieur le ministre, j’ai écouté attentivement votre discours liminaire ; à vous entendre, ce serait une traîtrise d’affecter les dons à d’autres opérations que la restauration de Notre-Dame. Loin de moi l’idée d’être un traître ! Notre pays compte 11 000 monuments historiques en souffrance : naïvement, je souhaitais simplement reporter sur eux un éventuel surplus de dons…

On nous a opposé l’article 40 de la Constitution au motif que la mesure proposée alourdirait les charges de l’État. Mais, si nous suivons votre raisonnement jusqu’au bout, les produits que dégageront les centaines de millions, voire le milliard d’euros de travaux – je pense en particulier aux recettes de TVA –, devraient être réaffectés au chantier de Notre-Dame. Or je n’ai lu cette précision nulle part…

Ma question est très claire : que vont devenir les produits issus de ces travaux ? (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, sur l’article.

M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le ministre, j’avais moi aussi déposé un amendement et, comme M. Leleux, je voudrais comprendre : pourquoi avoir prévu un opérateur spécifique et, surtout, pourquoi ne pas avoir retenu l’Oppic ?

En lisant votre étude d’impact, on a le sentiment que la création du nouvel établissement se justifie uniquement par la volonté d’assurer une gouvernance spécifique. Mais, si l’Oppic est jugé inadapté pour d’autres raisons plus techniques, il importe que notre commission le sache.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Eh oui !

M. Pierre Ouzoulias. L’Oppic est responsable d’un certain nombre de travaux au sujet desquels la Haute Assemblée a manifesté, à plusieurs reprises, quelques inquiétudes. Je pense notamment au Grand Palais : ce chantier est considérable. Pendant plusieurs années, il va accaparer une grande part du budget du ministère de la culture. Si l’Oppic n’est pas à même de gérer ce type de travaux, il faut que vous nous le disiez maintenant !

En revanche, si la seule raison véritable est celle que mentionne votre étude d’impact, à savoir l’enjeu de gouvernance, nous comprendrons pourquoi l’on nous propose un projet de loi d’exception ; il s’agit de créer un nouvel établissement public pour placer à sa tête une personnalité que le Président de la République a d’ores et déjà choisie.

La valeur de l’intéressé n’est pas en cause : nous reconnaissons tous son attachement au service public. C’est un grand commis de l’État. Mais la question n’est pas là !

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 63, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

1° Remplacer le chiffre :

15

par le chiffre :

16

2° Après les mots :

en France

insérer les mots :

, dans un autre État membre de l’Union européenne

et avant les mots :

État étranger

insérer le mot :

autre

3° Après le mot :

reversé

insérer les mots :

à l’État ou

II. – Alinéa 2, première phrase

Supprimer les mots :

aux fonds de concours

La parole est à M. le ministre.

M. Franck Riester, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, la signature d’une convention entre, d’une part, les donateurs et, de l’autre, les fondations ou le CMN doit bien rester une possibilité. Or, dans le texte de la commission, elle devient une obligation.

S’il faut que tous les donateurs signent une convention spécifique, le travail des fondations n’est pas près d’être simplifié ! Je vous invite à la prudence et je vous propose de revenir à la rédaction initiale.

M. le président. L’amendement n° 12 rectifié, présenté par M. Assouline, Mmes S. Robert et Monier, MM. Éblé, Raynal, Kanner et Antiste, Mme Blondin, MM. Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Ghali, MM. Jeansannetas, P. Joly et Lalande, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner et Manable, Mmes Taillé-Polian, Conway-Mouret et de la Gontrie, MM. Sueur, Tissot, Fichet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 1

1° Remplacer les mots :

, au titre de la souscription nationale

par les mots :

en vue de la réalisation des travaux mentionnés à l’article 2 de la présente loi

2° Remplacer les mots :

ou dans un État

par les mots :

, dans l’Union européenne ou dans un autre État

3° Remplacer les mots :

reversé à

par les mots :

affecté à la souscription nationale dans des conditions respectant l’intention des donateurs, par des conventions conclues entre lesdites fondations et

4° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les fondations susmentionnées peuvent utiliser une partie du montant des dons et versements à l’aménagement des abords de la cathédrale.

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Cet amendement tend à permettre qu’une partie des dons et versements effectués depuis le 15 avril dernier financent l’aménagement des abords de la cathédrale.

Ces travaux, qui concernent au premier chef le parvis de la cathédrale, sont primordiaux. En s’écroulant, la flèche a endommagé les abords du monument – 250 tonnes de plomb se sont effondrées, en plus de 500 tonnes de bois, et elles ne sont pas uniquement tombées dans le chœur de la cathédrale.

En outre, le chantier risque d’être long ; vraisemblablement, il ne sera pas achevé dans les cinq ans, comme beaucoup le souhaiteraient, et les visiteurs vont continuer à affluer durant cette période, curieux de voir l’état du monument et l’avancement du chantier, soucieux de se recueillir devant cette cathédrale martyre.

Il va falloir recevoir ces visiteurs dans les meilleures conditions de sécurité et d’accueil. De plus, il faudra sans doute organiser des offices. Il serait également opportun d’organiser des expositions sur l’état d’avancement du chantier, voire de présenter les collections d’art – trésors, tableaux et statues – qui ont échappé au sinistre.

En conséquence, il semble utile et sage de prévoir dès à présent un aménagement des abords du parvis, qui, en toute logique, doit lui aussi être financé par la générosité nationale. Ce projet s’inscrit dans la continuité de la restauration de Notre-Dame.

Les amendements que nous avions déposés en commission, afin que l’aménagement des abords soit financé par le produit de la souscription nationale, ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution.

Avec le présent amendement, nous proposons une solution un peu plus complexe. Nous suggérons de donner aux fondations, avant reversement du produit des dons et versements à la souscription, la possibilité d’en attribuer une part à l’aménagement des abords, sous réserve du consentement des donateurs, bien entendu : il n’est pas question de les trahir. Techniquement, il s’agit pour le Parlement de la seule possibilité d’étendre le financement issu de la générosité publique à ces travaux complémentaires, absolument essentiels au projet de rénovation et de restauration de Notre-Dame.

Mes chers collègues – je m’adresse notamment aux sénateurs de Paris –, tout le monde veut que les abords puissent être aménagés pour accueillir le flot des touristes, y compris parce que le chantier va durer. Jusqu’à présent, rien n’est prévu pour financer ces travaux.

M. le président. Il faut conclure, cher collègue.

M. David Assouline. On part du principe que la Ville de Paris les prendra en charge, mais – j’y reviendrai – elle ne pourra pas agir seule.

M. le président. L’amendement n° 6, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Après le mot :

reversement

insérer les mots :

des dons et versements effectués depuis le 15 avril 2019

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Pour que cet article soit parfaitement clair, il convient de préciser la rédaction de l’alinéa 2 en mentionnant les modalités de reversement « des dons et versements effectués depuis le 15 avril 2019 aux deux fonds de concours du budget de l’État créés à cet effet par le décret n° 2019-327 du 16 avril 2019 ». Tel est l’objet des amendements nos 6 et 7 rectifié.

M. le président. L’amendement n° 7 rectifié, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

1° Après les mots :

reversement aux

insérer le mot :

deux

2° Après le mot :

concours

insérer les mots :

du budget de l’État créés à cet effet par le décret n° 2019-327 du 16 avril 2019

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Schmitz, rapporteur. Avec l’amendement n° 63, le Gouvernement remet en cause les modifications apportées par la commission afin de lancer la souscription dès le 15 avril 2019 et, surtout, de mettre un terme à l’ambiguïté, qualifiée d’insupportable, entretenue par le projet de loi quant à la maîtrise d’ouvrage des travaux.

Monsieur le ministre, je comprends à la rigueur que vous ayez voulu laisser la question ouverte jusqu’à la lecture devant l’Assemblée nationale. Lors de votre venue devant la commission, nous espérions que vous lèveriez au moins ce doute, au profit d’un opérateur de l’État – nous pensions notamment à l’Oppic, comme MM. Ouzoulias et Leleux viennent de vous l’indiquer – ou d’un établissement public ad hoc. Mais votre audition a eu lieu et nous n’en avons pas su davantage.

Au terme de ses auditions, la commission a donc dû proposer ce qui lui semblait nécessaire dans le cadre d’un texte de loi, à savoir une solution claire. Celle que nous avons retenue est naturelle, car – on le sait très bien – le Président de la République souhaite la création d’un établissement public : on en connaît déjà le futur président ! C’est lui-même qui fait visiter la cathédrale Notre-Dame.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. En effet !

M. Alain Schmitz, rapporteur. Il n’y a donc pas d’effet de surprise. Nous voulons simplement vous aider à lever ce suspense,…

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Insoutenable ! (Sourires.)

M. Alain Schmitz, rapporteur. … véritablement insupportable ! (Nouveaux sourires.)

Voilà pourquoi – cela ne vous surprendra pas – j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 63.

Monsieur Assouline, je vous remercie d’avoir ouvert le débat relatif aux abords de la cathédrale : l’accueil du public est une question fondamentale.

Jusqu’à présent, nous étions dans une situation invraisemblable : avec plus de 13 millions de visiteurs par an, ce monument était le plus visité de toute l’Europe, et rien n’était conçu pour l’accueil extérieur du public, ne serait-ce que pour attendre les visites. À cet égard, il faut conclure un partenariat entre l’État, l’affectataire et la Ville de Paris.

Cela étant, comment délimiter les abords de Notre-Dame au regard de la règle des 500 mètres ? Faut-il prendre en compte le square Jean-XXIII et les quais de Seine ?

À mon sens, il s’agit avant tout du parvis, sous lequel un parking est aménagé. Les possibilités d’accueil sont d’autant plus nombreuses que, demain, l’Hôtel-Dieu pourrait se libérer : dès lors, il serait possible d’y accueillir les visiteurs, notamment les pèlerins et les touristes étrangers.

Monsieur le ministre, le Gouvernement devra indéniablement engager ce travail ; c’est ainsi que votre génération pourra imprimer sa marque, celle de l’après-15 avril.

En revanche, les dons perçus par les fondations sont bien fléchés pour la restauration du monument, point barre, c’est-à-dire le monument in situ. Voilà pourquoi j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 12 rectifié.

La commission est favorable à l’amendement rédactionnel n° 6.

Enfin, les fonds de concours ont certes été créés par un décret du 16 avril dernier, mais l’usage veut que la loi ne fasse pas référence à des dispositions d’ordre réglementaire. C’est la raison pour laquelle je propose le retrait de l’amendement n° 7 rectifié.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, comme la commission de la culture, la commission des finances avait déposé un amendement pour faire cesser l’hypocrisie générale : l’établissement public existe déjà. Il existe tellement que l’article 8 prévoit une dérogation pour l’âge du capitaine, ou plutôt du général… (Sourires.) Je vous emprunte la formule ! Le général en question nous a, très gentiment d’ailleurs, fait visiter le chantier. Dans ses explications, il disait : « mon architecte ».

Au fond, la création d’un établissement public est peut-être la meilleure solution pour garantir la traçabilité des dons. Mais, dans la rédaction retenue en commission, les conventions ne sont pas imposées aux donateurs : elles sont obligatoires uniquement entre, d’une part, les fondations ou le CMN et, de l’autre, l’établissement public.

Bien sûr, on ne va pas demander à chaque donateur, ayant souscrit pour 100 euros, de signer une convention. Il s’agit d’une simple faculté pour les personnes morales ou physiques. Les grands donateurs ont d’ores et déjà annoncé qu’ils étaleraient leurs versements tout au long des chantiers : il est donc tout à fait logique qu’ils puissent conclure une convention. Mais, contrairement à ce que vous venez de dire, les donateurs, dans leur grande majorité, ne seront pas concernés.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Franck Riester, ministre. Monsieur le rapporteur pour avis, j’entends bien ce que vous dites ; mais, dès lors que la possibilité sera ouverte pour toutes les personnes physiques et morales, les fondations systématiseront les conventions. Dès lors, on aboutira à une obligation ; à tout le moins, la rédaction retenue en commission inciterait les fondations à spécifier les volontés des donateurs.

Le texte issu de l’Assemblée nationale satisfaisait pourtant votre demande en donnant la possibilité à de grands donateurs de faire ce choix. C’est la raison pour laquelle, par prudence et afin de ne pas imposer un travail trop important aux fondations, je souhaite que nous revenions à cette rédaction.

Quant à l’établissement public, il n’est pas créé, sinon, peut-être, virtuellement, comme vous dites. Je vous ai indiqué en commission que la décision n’était absolument pas tranchée, je précise aujourd’hui, dans l’hémicycle, que nous avançons vers la création de cet établissement public.

L’Oppic et le Centre des monuments nationaux auraient pu assurer cette mission, mais nous nous dirigeons vers le choix d’un nouvel établissement public, parce que nous avons compris qu’il s’agissait d’un chantier exceptionnel, voire, pour certains – dont je ne suis pas –, du « chantier du siècle », susceptible donc de justifier la création d’un établissement public spécifique.

En outre, je fais le point avec mes équipes et je suis en mesure de vous dire que l’Oppic est déjà responsable de beaucoup de grands projets, notamment du site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France ou de la restauration du Grand Palais, qui est un très gros chantier ; la création d’un établissement public spécifique dédié à la restauration de Notre-Dame de Paris ne constituerait pas une remise en cause de la qualité de son travail ni de celui du Centre des monuments nationaux, lequel est en charge, outre ses nombreuses missions, de la restauration du château de Villers-Cotterêts ; enfin, la tutelle du ministère de la culture n’est pas non plus en question, elle s’exercera sur cet établissement public dédié.

L’avis est donc défavorable sur tous ces amendements.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Monsieur le ministre, vous n’avez rien dit sur mon amendement, qui porte pourtant sur une question importante, alors que nous devions en débattre en séance. Il ne serait pas sérieux de détourner les yeux au motif que cela ne concernerait que le Parisien que je suis ! Quand la cathédrale était en flammes, savez-vous comment le personnel de la Ville de Paris était mobilisé ? Connaissez-vous le rôle important qu’il a joué dans le sauvetage des œuvres, immédiatement mises à l’abri dans l’Hôtel de Ville ? Je ne parle même pas des habitants du quartier, qui ne pouvaient pas rentrer chez eux. Cette situation, qu’il a fallu gérer, avait l’ampleur d’une catastrophe.

Aujourd’hui, cependant, on passerait sur le sujet sans même que le ministre réponde, alors que l’on fait une loi pour restaurer Notre-Dame qui ne prévoit rien pour les abords, un périmètre reconnu dans le code de l’urbanisme ? Concrètement, si l’on parle du patrimoine classé par l’Unesco, les abords comprennent le jardin Jean-XXIII jusqu’à la Seine et aux berges.

On pourrait y créer un musée extraordinaire, grâce au parking qui existe aujourd’hui, pour exposer les œuvres qui ont été retirées de la cathédrale en travaux ; on pourrait envisager des aménagements fabuleux pour recevoir le public, en prévision du moment où le monde entier va venir à Paris pour les jeux Olympiques. Il faudra bien, alors, accueillir et montrer ! Nous pourrions mettre en place un dispositif participatif avec les compagnons sur le parvis.

Vous nous dites : « on verra », mais nous ne pouvons pas nous en contenter. La ville va participer à cette mise en valeur, en partenariat avec le recteur de Notre-Dame et nous demandons, dans le présent débat, qu’il soit précisé que les fonds provenant de la générosité populaire, mais aussi de l’État, pourront être pris en compte à cette fin.

Je m’adresse à la conscience de chaque sénateur, ce sujet devrait tous nous interpeller. Ce n’est pas une question de position de groupe, de lieu d’habitation ou de mandat ; pour n’importe quelle autre ville, vous auriez la même réaction que moi. Ce n’est pas non plus une question politique, parce que l’on ne sait pas qui dirigera la ville demain, quel que soit mon souhait à ce sujet. Ce dossier sera entre les mains de quelqu’un qui devra le prendre en charge pour tous les Parisiens, conformément à l’intérêt national, la nécessité de restaurer le parvis. La volonté sera là, mais il faudra l’aider.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Leleux. Sur le premier point, nous aurions effectivement apprécié que le texte ne laisse pas ouvert le choix ouvert entre l’État et un opérateur. Monsieur le ministre, vous avez indiqué que ce sujet n’était pas tranché, je vous suggère que le Parlement se charge de le faire, et donc vous demande de privilégier l’intervention d’un établissement public. N’y revenons plus.

Je suis très sensible à la plaidoirie de notre collègue David Assouline. Il a raison : le parvis de la cathédrale ne peut pas être considéré comme extérieur à ce qui s’est passé et il faudra intervenir pour l’aménager. Je comprends la position des parlementaires et des élus parisiens qui s’inquiètent de l’avenir.

Néanmoins, ce dossier devra être étudié ultérieurement, à mon sens, et nécessitera une aide. Si l’on parvient à mieux gérer l’affectation des dons, on pourrait envisager d’y consacrer une partie d’entre eux.

Je rappelle toutefois, après David Assouline, que l’expression « les abords » recouvre une notion juridique présente dans le code du patrimoine et dans le code de l’urbanisme avec une signification bien précise.

Ensuite, je vais peut-être vous choquer, mais les abords n’ont pas brûlé. Or nous parlons aujourd’hui du sinistre et de la restauration du monument historique qu’est Notre-Dame, même si je conviens qu’il faudra intervenir sur le parvis.

Enfin, il me semble que nous avons un peu de temps pour envisager cette question, en mobilisant des fonds publics voire des financements de donateurs, dans la mesure où cette intervention suivra les travaux sur le monument lui-même et ne commencera donc pas avant quatre ou cinq ans.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Je suis parlementaire depuis quatorze ans, mais je n’ai jamais vu un texte de loi qui laisse ainsi une alternative ouverte. Le rôle de la loi, selon moi, c’est d’affirmer les choses et de trancher. Elle doit s’exprimer clairement et les débats doivent la précéder.

C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, nous avions cru comprendre que l’établissement public était sur le point d’être créé.

Il est sain que nous réfléchissions, comme nos collègues Jean-Pierre Leleux et Pierre Ouzoulias nous ont amenés à le faire, sur les raisons pour lesquelles l’Oppic ou le CMN ne sont pas choisis. Nous avons ainsi pu nous positionner, mais il vous revient de nous indiquer qui va finalement décider, même si cela semble être encore un peu flou.

Le fait que cette question ne soit pas tranchée ici nous prive de la possibilité d’amender un choix clair et donc d’aider à replacer le ministère de la culture au cœur du jeu, comme tutelle de ce fameux établissement public.

À mon sens, l’heure est venue de dire ce que nous voulons, car ce qu’attendent de nous nos concitoyens, c’est que nous nous exprimions clairement au travers de la loi.

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.

Mme Sylvie Robert. Contrairement à notre collègue Jean-Pierre Leleux, il me semble que la question des abords et singulièrement du parvis, de son animation, de l’appropriation progressive des travaux de restauration du monument par la population parisienne et au-delà, ne peut attendre quatre, cinq ou six ans. Elle doit être abordée maintenant, car elle permettrait d’offrir une merveilleuse vitrine pour valoriser tous ceux qui vont contribuer à ce travail, à travers l’éducation artistique et culturelle. On pourrait, par exemple, créer un atelier permettant aux architectes et aux conservateurs de présenter leur savoir-faire. C’est une belle occasion pour accompagner ces années.

Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à cofinancer, voire à financer, une partie de la valorisation des travaux de restauration de ce monument ? La mairie de Paris y contribuera, comme l’ont indiqué nos collègues parisiens, mais l’État doit aussi prendre ses responsabilités sur la question des abords.

M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.

M. Philippe Dominati. Comme le rapporteur l’a souligné, M. David Assouline a soulevé un problème vaste et très particulier, qui nous occupera jusqu’à une heure tardive : les à-côtés de la restauration, les habitants, les commerces et le futur de ce quartier.

On ne peut pas envisager des travaux aussi importants, sans disposer d’une vision et d’un cheminement pour l’avenir de la zone. D’autres amendements seront discutés sur le sujet, et nous souhaiterions connaître la solution retenue, qui relève de la responsabilité de l’État. Je souhaite que le ministre ou le rapporteur nous explique jusqu’où celui-ci ira. Le chantier est vaste et il y a beaucoup d’incohérences.

Je voudrais en outre faire passer un message personnel : j’ai eu l’occasion, jeudi dernier, avec Mme Boulay-Espéronnier, de visiter les lieux du sinistre et de rencontrer l’architecte en chef. Celui-ci était ulcéré par les services de la Ville de Paris, parce qu’ils ne parvenaient pas à couler une simple dalle en béton pour assurer l’hygiène des ouvriers. Il est prêt à passer outre la loi.

Monsieur Assouline, je profite de cet instant d’émotion pour vous demander avec insistance, si vous avez de l’influence auprès de la mairie, de faciliter les choses. Les installations présentes ne sont conçues que pour une dizaine d’ouvriers alors qu’ils sont une centaine sur le chantier. L’architecte nous a suppliés de faire quelque chose et je vous prie donc de transmettre ce message personnel à Mme le maire de Paris.

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.

Mme Laure Darcos. Je ne souhaite pas prolonger les débats, mais je ne voudrais pas non plus que mon collègue David Assouline ait le sentiment que je suis absolument opposée à son amendement. Ce qui me dérange, c’est le terme « abords », même s’il figure dans le code de l’urbanisme.

Si l’on ne parlait que de l’esplanade, de l’Hôtel-Dieu, bref, de ce qui est vraiment autour de Notre-Dame, je souscrirais entièrement aux propos de Sylvie Robert. Ce sujet concerne d’ailleurs le Gouvernement, mais également l’AP-HP, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, laquelle aura son mot à dire, notamment sur les 700 mètres carrés qui pourraient être mis à disposition du diocèse et du futur établissement public, s’il est créé.

Je ne mets pas en doute le code de l’urbanisme, mais votre formulation me semble trop vague : elle peut en effet désigner une zone allant jusqu’aux quais, on ne sait plus où cela s’arrêtera !

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon, pour explication de vote.

M. Jérôme Bignon. Ce débat est intéressant, mais il y a des centaines de sites en France qui rencontrent des problèmes d’aménagement à raison de leur fréquentation. Je peux vous donner beaucoup d’exemples en France d’hyperfréquentation de sites monumentaux patrimoniaux, naturels ou culturels. Un groupe de travail se réunit d’ailleurs régulièrement au Sénat pour essayer de réfléchir à cette question. Nous n’avons pas encore eu l’idée de demander un coup de main aux donateurs de la cathédrale de Paris !

Quand on entre dans ce système, il n’y a plus de limites. Peut-être exigera-t-on ensuite d’aménager une gare à proximité pour permettre aux touristes d’arriver dans de bonnes conditions ?

L’hyperfréquentation est un phénomène qu’il faut gérer par ailleurs, avec la région, avec le département, avec l’Europe, avec qui vous voulez, mais il n’y a pas de raison de le faire avec les donateurs, dont le geste a pour objet unique de restaurer la cathédrale. Si nous commençons à nous disperser sur le parvis, nous n’en aurons jamais fini. Selon moi, il faut aller vite, mais je crains maintenant que nous n’y soyons encore dans un paquet d’années !