M. le président. La parole est à M. Richard Yung, contre la motion.

M. Richard Yung. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la majorité de droite de notre assemblée a choisi de déposer une motion tendant à opposer la question préalable au texte adopté en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale.

Selon les termes de cette motion, le texte ne permettrait pas « d’aller plus loin dans la recherche de compromis et de dispositifs plus équilibrés entre les deux assemblées sur les différents volets du texte ». En fait, vous cherchez à imposer vos vues à l’Assemblée nationale, en particulier sur la question de la privatisation d’ADP.

Vous cherchez un prétexte pour rejeter ce texte, afin de pouvoir mener campagne contre celui-ci, une fois qu’il sera adopté et la loi promulguée. C’est dommage, car la recherche du compromis est l’essence même du débat parlementaire, d’autant que le groupe Les Républicains s’est fixé « comme objectif de garantir l’équilibre des pouvoirs en se gardant de toute opposition caricaturale ». C’est écrit noir sur blanc dans la déclaration politique publiée sur le site internet du Sénat ! Je vous laisse juge de vos écrits, chers collègues. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Encore une fois, avec le vote de cette motion, le Sénat sortira de la scène et ne sera pas un acteur législatif actif. Après cela, étonnez-vous que la suppression du Sénat soit l’une des premières revendications du moment ! (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. Daniel Laurent. N’importe quoi !

M. Jean-Pierre Grand. Ces propos sont honteux dans notre assemblée !

M. Pascal Savoldelli. Ce n’est pas acceptable ! Qu’est-ce que c’est que ce chantage ?

M. Richard Yung. Chers collègues, ce n’est pas du chantage, c’est la vérité ! (Mêmes mouvements.)

Mme Éliane Assassi. Si, c’est du chantage !

M. le président. Mes chers collègues, la parole est à M. Richard Yung, et à lui seul.

M. Richard Yung. Madame, messieurs les rapporteurs, dans l’exposé des motifs de votre motion, vous expliquez que le projet de loi « devait favoriser la croissance et la transformation des entreprises ». L’utilisation de l’imparfait traduit le refus de la majorité sénatoriale de reconnaître que la loi Pacte est un bon texte.

M. Jean-François Husson, rapporteur. C’est faux ! Il suffisait de nous écouter !

M. Richard Yung. Cette loi permettra aux entreprises de grandir, d’embaucher et d’innover. Cette loi facilitera l’accès des entreprises à des financements diversifiés. Cette loi aidera les entrepreneurs à rebondir. Enfin, cette loi est importante sur le plan social avec, par exemple, la protection des conjoints collaborateurs, le développement de l’actionnariat salarié, le développement de l’épargne salariale et la suppression du forfait social dans les entreprises de moins de cinquante salariés.

Si la loi Pacte est une bonne loi, c’est aussi parce que le Sénat a permis d’obtenir plusieurs avancées qui ont été maintenues par l’Assemblée nationale. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mme Éliane Assassi. Le Sénat est donc bien utile ?

M. Richard Yung. Réjouissez-vous, mes chers collègues !

M. Jean-François Husson, rapporteur. Cessez les paraboles !

M. Richard Yung. Au lieu de s’en réjouir et de reconnaître que le texte soumis à notre examen est équilibré, les auteurs de la question préalable continuent de faire des privatisations la pomme de discorde entre les deux chambres.

M. Jean-François Husson, rapporteur. Il n’y a pas que cela !

M. Richard Yung. Cet argument est d’autant moins recevable qu’il émane de parlementaires qui, en 2017, ont soutenu un candidat à l’élection présidentielle, qui plaidait pour la reprise des privatisations.

M. Jean-François Husson, rapporteur. Il ne s’agit pas forcément des mêmes !

M. Richard Yung. Cet argument n’a pas non plus de sens au regard des garanties supplémentaires qui ont été apportées en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale et le Gouvernement. J’en ai dénombré au moins treize, mais je n’en citerai que quatre.

Tout d’abord, le texte prévoit la possibilité pour l’État de révoquer les dirigeants d’ADP chargés des principales missions opérationnelles, en cas de manquement d’une particulière gravité à leurs obligations.

Ensuite, il y aura une évaluation tous les dix ans, et non au bout de trente-cinq ans, des dispositions du cahier des charges et de leur mise en œuvre.

En outre, le Gouvernement est habilité à conférer à l’Autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires le statut d’autorité administrative indépendante, dont elle ne dispose pas aujourd’hui.

Enfin, le projet de loi prévoit la possibilité, pour les collectivités territoriales, de déléguer à leur exécutif le droit de prendre des participations au capital d’ADP.

L’avenir montrera que ces mesures sont fondées et permettront d’aller de l’avant.

Non, la privatisation d’ADP ne porte pas atteinte à la souveraineté de l’État ! Ce dernier conservera ses missions régaliennes, dont la police aux frontières, le contrôle des douanes, l’autorité de la Direction générale de l’aviation civile.

Non, il n’y a pas de monopole naturel pour les aéroports franciliens.

Non, la privatisation d’ADP ne reproduira pas les mauvaises pratiques de la privatisation de la gestion des autoroutes, qui a été engagée, il y a quelques années, par la droite. L’existence d’un cahier des charges et d’un contrat de régulation économique rendra impossible la conclusion d’accords secrets préjudiciables aux usagers, comme celui qui a été signé en 2015 par le gouvernement Valls et qui accorde la neutralité fiscale aux concessionnaires d’autoroutes.

Non, la privatisation d’ADP ne devrait pas entraîner de hausse des tarifs des redevances, en dehors de ce qui est prévu.

Pour ce qui concerne la privatisation de la Française des jeux, le dispositif soumis à notre examen rend inopérantes les critiques exprimées en première lecture par la majorité sénatoriale.

Outre le maintien des mesures relatives à la réforme de la fiscalité des jeux d’argent et de hasard – au fond, la Française des jeux est essentiellement une machine à générer du « cash fiscal » –, les députés ont précisé l’habilitation du Gouvernement à refondre la régulation du secteur. La qualité d’autorité de supervision sera ainsi attribuée à la future autorité de régulation unique. Il s’agira d’un grand progrès en matière de contrôle du secteur.

Par ailleurs, je note avec satisfaction que treize articles additionnels issus des travaux du Sénat figurent parmi les quatre-vingt-dix-neuf articles qui ont déjà été adoptés conformes. Plusieurs d’entre eux concernent la modernisation du réseau des chambres de commerce et d’industrie.

Je me réjouis également de constater que d’autres dispositions sénatoriales sont quasi conformes, comme la possibilité pour un cédant d’entreprise de proposer un tutorat bénévole au repreneur, l’interdiction du démarchage, de la publicité en ligne, du parrainage et du mécénat pour les offres sur actifs numériques non régulées – cela concerne les bitcoins, par exemple –, ou encore la clarification et l’harmonisation des règles de prescription applicables aux actions en contrefaçon.

Il faut également se féliciter que le Sénat ait été suivi par l’Assemblée nationale s’agissant de l’assurance vie. Le dispositif relatif à la transférabilité des contrats sans conséquence fiscale apparaît tout à fait satisfaisant. De plus, grâce au Sénat, les assureurs auront l’obligation de présenter des unités de compte orientées vers des fonds labellisés « ISR», c’est-à-dire « verts» et « solidaires». Il s’agit, là encore, d’un grand progrès social.

Par ailleurs, il importe de rappeler que l’Assemblée nationale a confirmé la suppression de douze articles. Je tiens toutefois à souligner que plusieurs de ces dispositions, dont certaines avaient été introduites par le Sénat, étaient discutables.

Plusieurs d’entre elles constituaient un mauvais message envoyé aux salariés et aux organisations syndicales : je pense notamment au relèvement de cinquante à cent salariés des seuils fixés dans le code du travail, ainsi qu’au relèvement de deux cents à deux cent cinquante salariés du seuil pour l’obligation de mise à disposition d’un local syndical. À mon sens, il s’agissait d’une mesure tout à fait vexatoire et inutile.

Je me réjouis aussi que l’Assemblée nationale ait rétabli les mesures de progrès qui avaient été supprimées par la majorité sénatoriale,…

M. Jean-François Husson, rapporteur. Comment cela ? Non !

M. Richard Yung. … en particulier la possibilité pour les sociétés de se doter d’une « raison d’être », c’est-à-dire d’ajouter un objectif de nature sociale, culturelle ou associative dans leur statut.

Mes chers collègues, les remarques que je viens de formuler montrent que ce texte est un bon compromis, contrairement à ce que j’ai entendu. Le groupe La République En Marche souhaite que notre assemblée l’adopte conforme, en vue d’envoyer un signal fort en direction des entreprises et de leurs salariés.

C’est pourquoi nous voterons contre la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Sans surprise, le Gouvernement est défavorable à cette motion.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme l’a dit mon collègue Fabien Gay, nous ne prendrons pas part au vote sur la motion tendant à opposer la question préalable, déposée au nom de la commission spéciale.

Nous regrettons en effet que la majorité sénatoriale refuse de débattre de nouveau d’un texte d’une telle ampleur. Nous rejetons aussi et dénonçons la surdité du Gouvernement et de l’Assemblée nationale, en particulier sur la question des privatisations.

Comme nous l’avons indiqué lors de la première lecture, madame la secrétaire d’État, le modèle économique et social que nous défendons est à l’opposé de votre projet de loi, qui promeut la financiarisation de l’entreprise et de la société, en général. Alors que notre pays aspire à plus de justice, justice fiscale, justice sociale, mais aussi justice au sein de l’entreprise, c’est finalement l’injustice sociale que vous érigez en modèle de réussite au nom d’une certaine conception de la compétitivité !

Alors que nos concitoyens rejettent en bloc la destruction ordonnée des services publics qui ont fait de notre pays un véritable modèle, vous continuez dans la voie du désengagement de l’État.

Vous faites le choix de la dérégulation, au risque de fragiliser l’ensemble de nos PME. Vous prétendez vouloir libérer les entreprises, en particulier les plus petites. Pourtant, rien dans ce texte ne remet en cause la domination des grands groupes donneurs d’ordre, qui pressurent au quotidien nombre de ces entreprises. Rien sur la sous-traitance, rien sur la chaîne de valeur !

Enfin, et c’est le cœur de notre opposition, ce projet de loi accélère le désengagement de l’État, garant d’un certain ordre économique, mais aussi de l’État actionnaire.

Il y a de trop nombreux renoncements dans ce texte. Vous renoncez à contrôler les jeux d’argent. Vous renoncez à un service public de l’énergie à l’heure ou la précarité énergétique n’a jamais été aussi forte dans notre pays. Vous renoncez à la véritable maîtrise publique du transport aérien.

C’est sans doute pourquoi ce texte ne passe pas. Au milieu d’un grand débat au cours duquel vos orientations ont été sévèrement critiquées, vous faites preuve d’un entêtement et d’un aveuglement qui défient toute rationalité et pèsent sur tout choix futur de politiques publiques différentes. La fronde gronde de toute part contre ces privatisations, qui sont un non-sens constitutionnel, économique, stratégique, financier et politique.

Dès lors, quand on examine de près ce projet de loi, on se demande où se trouve le nouveau pacte dont vous vous targuez. Surtout, on se demande qui seront les grands gagnants. Une chose est sûre : avec ces privatisations, ce ne seront ni la République ni nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

M. Martial Bourquin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous aurions aimé avoir un débat jusqu’au bout sur ce projet de loi. Nous regrettons cette motion tendant à opposer la question préalable. Nous ne participerons pas à ce vote, parce que nous aurions voulu un débat global.

Je formulerai simplement trois remarques.

La première a trait à l’un des propos de Richard Yung. Notre collègue a parlé d’opposition caricaturale.

M. Arnaud de Belenet. Il a raison !

M. Martial Bourquin. Mais vouloir s’opposer à la privatisation d’ADP, de la Française des jeux et d’Engie – 800 millions d’euros par an pour l’État ! –, est-ce une caricature ?

M. Jean-François Husson, rapporteur. Le groupe Engie a déjà été privatisé !

Mme Catherine Fournier, présidente de la commission spéciale chargée dexaminer le projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises. Il ne faut pas tout mélanger !

M. Martial Bourquin. Parler ainsi, c’est une plaisanterie ! Au contraire, le rôle du Parlement, c’est de défendre les intérêts de la France, j’y insiste !

Ma deuxième remarque porte sur les propos de notre collègue concernant la suppression du Sénat et le comportement des sénateurs. Qu’est-ce que c’est que cette affaire ? Qu’est-ce que c’est que ce chantage ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Comment peut-on exercer ouvertement un tel chantage auprès des sénateurs ? Cela en dit long sur la conception qu’a M. Yung du Parlement, et qui est celle du macronisme : le Parlement doit être à genoux, sinon il ne sert à rien ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains. – Protestation sur les travées du groupe La République En Marche.)

Troisième remarque, des parlementaires de toutes tendances ont entrepris d’engager un référendum d’initiative partagée contre la privatisation d’ADP : nous sommes 197 à cette heure, et nous serons bientôt davantage, à avoir lancé cette démarche. Je suis sûr que nous y parviendrons. Simplement, madame la secrétaire d’État, ne croyez-vous pas qu’il aurait été préférable, plutôt que de nous obliger à vous le demander avec l’aide de 4,5 millions de Français, de placer cette question des privatisations au cœur du grand débat national ?

Connaissez-vous la citation attribuée à Jean-Louis Barrault : « La dictature, c’est “ferme ta gueule” ! La démocratie c’est “cause toujours” ! » ? Pour vous, la démocratie, c’est « cause toujours » et c’est insupportable ! Faisons en sorte d’organiser un référendum, une grande consultation nationale, pour empêcher le braquage des bijoux de famille ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.

M. Vincent Capo-Canellas. Je serai bref, car beaucoup a déjà été dit, et les différentes interventions montrent, en outre, une tendance un peu trop lourde à la caricature.

Tout d’abord, ce débat sur la motion tendant à opposer la question préalable est légitime. On peut se poser la question de savoir si une nouvelle lecture aurait permis, ou non, d’améliorer le texte. En l’état, cette tentative aurait certainement été vaine, mais cela aurait peut-être pu s’envisager avec un résultat différent en première lecture et avec une convergence des points de vue sur certains points, notamment sur la question des privatisations.

Concernant Aéroports de Paris, ma position personnelle, qui est aussi celle de mon groupe, est la suivante : nous n’aurions pas avancé une telle proposition, mais, dès lors qu’elle était faite, il fallait l’encadrer et apporter sa plus-value.

C’est ce que nous avons fait, mais, en même temps, nous avons fait verser le texte sur ce point. Le Sénat y a gagné que, ne pouvant aller plus loin, il n’a, in fine, apporté aucune valeur ajoutée. Je le regrette ! Nous avions réussi à le faire sur la loi, dite « Macron », du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Le Sénat aurait pu opter pour une autre position, qui pouvait se tenir.

Je n’en ajouterai pas plus sur le sujet. Nous versons effectivement tous dans la caricature, et je le déplore. Le débat n’est pas responsable ! Cette entreprise mérite mieux (Mme la secrétaire dÉtat opine.), ainsi que ses salariés qui, au quotidien, travaillent pour que nos concitoyens puissent prendre l’avion dans de bonnes conditions et que la France relève le défi de la compétition mondiale dans ce secteur. Au-delà des salariés, il y a un management et des syndicats. Tous sont conscients de la situation et, quand ils nous écoutent, je veux tout de même le dire, ils sont consternés du niveau du débat !

M. Vincent Capo-Canellas. Cela dit, le Gouvernement aurait dû faire un pas vers le Sénat, et il n’a pas su le faire ; nos collègues députés auraient dû également faire un pas vers le Sénat, et ils n’ont pas su le faire.

Dans ces conditions, nous préférons voter la motion. Nous déplorons les faits que je viens de mentionner, mais il ne servirait à rien que nous continuions à discuter ensemble de ce texte, bien au contraire. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.

M. Philippe Dominati. Mon groupe votera évidemment la motion tendant à opposer la question préalable.

Je voudrais néanmoins revenir sur certains propos. C’est parce que le Sénat a fait preuve de sérieux, notamment sur le dossier d’Aéroports de Paris, que nous nous retrouvons, aujourd’hui, dans une impasse politique. En réalité, le Gouvernement n’a nullement été à l’écoute ; aucune volonté d’aboutir ne s’est manifestée au moment de la commission mixte paritaire, alors que, sur tous les sujets, un consensus allait se dégager.

Pour le bien des entreprises françaises, nous étions tous d’accord. Mais le Gouvernement…

M. Bruno Sido. Entêté !

M. Philippe Dominati. … s’est concentré sur l’objectif qu’il s’était fixé concernant Aéroports de Paris, et, ce faisant, il a cassé toute possibilité de consensus sur le projet de loi Pacte.

M. Philippe Dominati. Il ne faut pas inverser les rôles !

Le Sénat, on le voit bien, est maintenant puni. Le ministre se désintéresse du sujet. Le Premier ministre ne se déplace plus pour répondre aux questions d’actualité. Lors d’une récente session, la ministre chargée des transports n’était même pas là, et c’est M. Benjamin Griveaux qui a dû, en réponse à une question, expliquer au nom du Gouvernement pourquoi on allait privatiser Aéroports de Paris. Chacun se refile la patate chaude !

C’est précisément parce que nous avons joué notre rôle à fond et essayé, jusqu’à la commission mixte paritaire, d’aboutir que, devant l’échec de tout dialogue, nous nous voyons contraints d’examiner aujourd’hui cette motion. Tout cela relève d’une décision politique. Quels que soient les argumentaires qu’il développe sur les autres sujets, le Gouvernement ne veut pas parler de l’essentiel, c’est-à-dire de cette décision politique !

Cela nous oblige, pour attirer l’attention de l’opinion publique, à nous pencher sur l’aspect technique du dossier.

Dans votre très courte intervention dans ce débat, madame la secrétaire d’État, vous n’avez apporté aucune réponse technique. Vous avez préféré orienter votre discours sur un examen du rôle du Sénat. Je ne sais pas si telle était votre mission ou si vous avez témoigné, ainsi, de votre mécontentement à vous retrouver dans une impasse technique, incapable d’opposer des arguments aux critiques qui sont exprimées sur ce dossier.

En tout cas, nous, nous attendions des réponses. Une fois de plus, nous ne les avons pas eues. C’est pourquoi nous voterons la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Je serai très brève, monsieur le président. Je signale que, parmi les sujets ayant émergé dans le cadre du grand débat, on trouve la santé ou l’éducation, mais pas les privatisations ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Par ailleurs, monsieur Dominati, j’ai apporté des réponses assez précises à vos questions. Je ne vais pas entrer dans le détail et « refaire le match », car, comme l’a très bien résumé le sénateur Capo-Canellas, notre discussion est tout à fait caricaturale. Je ne crois pas que ce soit la teneur qu’elle doive avoir. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.)

Enfin, je ne me suis pas permis de commenter le rôle du Sénat. J’ai simplement observé que tenir des propos caricaturaux, c’est faire beaucoup de mal à toute la démocratie ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.

Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 75 :

Nombre de votants 251
Nombre de suffrages exprimés 241
Pour l’adoption 191
Contre 50

Le Sénat a adopté.

En conséquence, le projet de loi est rejeté.

La parole est à Mme la présidente de la commission spéciale.

Mme Catherine Fournier, présidente de la commission spéciale chargée dexaminer le projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, au terme de cet examen, je souhaite tout d’abord remercier les membres de la commission spéciale de leur présence et leur implication.

Cela a été rappelé, les décisions prises dans le cadre de cette commission spéciale nous ont permis de mener des débats très intéressants, qui, en cas de refus systématique, n’auraient pu se tenir, ici, au sein de cette assemblée. En effet, le choix de la privatisation était déjà très contesté au stade de la commission et, si nous n’avions pas pu pousser la discussion plus loin, c’eût été regrettable. Cela explique, peut-être, le vote de cette motion ce soir.

J’aurais aimé remercier le ministre Bruno Le Maire, mais c’est vous, madame la secrétaire d’État Agnès Pannier-Runacher, que je vais remercier, ainsi que les administrateurs et responsables de cabinet.

Je souhaite également remercier les administrateurs du Sénat au sein de cette commission spéciale, qui nous ont énormément soutenus et aidés dans notre travail.

Je voudrais, enfin, faire une petite mise au point liée à l’actualité, mise au point qui me paraît indispensable.

Comme vous le savez, au nom de la commission, nous devions aujourd’hui recevoir, à leur demande, d’ailleurs, une délégation de « gilets jaunes ». Il s’agissait, conformément au souhait qu’ils avaient formulé voilà quelques semaines auprès de la présidence, d’évoquer avec eux les privatisations d’ADP et de FDJ. Nous acceptions de les rencontrer, au même titre que les personnes que nous avons entendues au cours des trois cent soixante auditions réalisées tout au long de l’examen de ce projet de loi.

L’appel à manifester lancé dès hier soir et le dévoiement de l’objet de la réunion nous ont contraints à annuler la rencontre. Nous ne souhaitons pas faire de la surenchère et nous ne voulons pas nous soumettre à une telle forme d’instrumentalisation et de récupération. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

Le Sénat est à l’écoute de tous, mais il est indépendant dans ses décisions. Je déplore cette polémique, qui survient en clôture de l’examen du projet de loi Pacte. Je regrette l’appropriation personnelle, parfois, et médiatique qu’elle suscite.

Pour revenir au texte de loi lui-même, nous avons effectivement un sentiment quelque peu mitigé. Je ne reviendrai pas sur tous les détails évoqués et les explications données. Je rappelle simplement que, dans le contexte actuel et passé, le texte est arrivé à l’Assemblée nationale avec 73 articles, et on en sort 196 ! Sur ce total, seuls 73 ont donc fait l’objet d’une étude d’impact, ce qui explique le travail mené par le Sénat au cours des trois cent soixante auditions mentionnées. Je souhaitais le souligner. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Fournier, présidente de la commission spéciale. Par là même, madame la secrétaire d’État, je tiens à réitérer une plainte que nous avons déjà formulée : nous sommes systématiquement en procédure accélérée et, lorsque cette procédure est retenue pour des textes comme le présent projet de loi, tellement hétéroclites – on a pu constater, ici, qu’il nous manquait une ligne conductrice –, il est impossible de traiter les sujets au fond ou de prendre des décisions avec clairvoyance.

Pour rassurer mon collègue Richard Yung – je pense néanmoins qu’il en vient là à la fin de son propos –, le Sénat cherche, non pas à être inutile, mais à débattre objectivement des sujets, afin que chacun soit en capacité de prendre ses décisions.

Nous avons mené ici une discussion complète, mais certaines mesures importantes de ce projet de loi n’ont pas été approuvées au niveau de l’Assemblée nationale. Il faut, je crois, que chacun prenne ses responsabilités ! Avec notre vote de ce soir sur cette motion tendant à opposer la question préalable, la responsabilité de ce texte, tel qu’il est rédigé, reviendra à l’Assemblée nationale ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

Question préalable (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises