M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier.

M. Martin Lévrier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mes chers collègues, la stratégie nationale de santé et du plan « Ma santé 2022 » prévoit une transformation en profondeur autour de trois axes prioritaires : placer le patient au cœur du système et faire de la qualité de sa prise en charge la boussole de la réforme, organiser l’articulation entre médecine de ville, secteur médico-social et hôpital pour mieux répondre aux besoins de soins de proximité, repenser les métiers et la formation des professionnels de santé.

Mener à bien ces actions sans un nombre suffisant de praticiens se révélerait très compliqué, pour ne pas dire impossible. Depuis les années 1980, l’évolution de la démographie médicale française engendre une inégale distribution de ces derniers sur le territoire national. Ces déséquilibres sont en partie liés à des déficits de professionnels dans les hôpitaux périphériques délaissés par les nouvelles générations de médecins.

Pour pallier ces déficits dramatiques au sein de structures hospitalières, les praticiens à diplôme hors Union européenne viennent travailler en France. Le phénomène n’est pas récent et la problématique générale reste complexe.

C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, nous nous retrouvons aujourd’hui dans cet hémicycle pour examiner la proposition de loi visant à sécuriser l’exercice des praticiens diplômés hors de l’Union européenne. Inquiets de leur situation et de celle des hôpitaux qui les embauchent, vous avez été nombreux à attirer l’attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la situation de ces praticiens recrutés avant le 3 août 2010, notamment par le biais de questions écrites. En effet, une évolution de la législation et, notamment, de la loi n° 2012-157 du 1er février 2012, devait intervenir avant le 31 décembre 2018 afin de stabiliser la situation de ces praticiens. Si nous adoptons cette proposition de loi, ce sera chose faite.

L’article unique de cette proposition de loi prolonge jusqu’au 31 décembre 2020 l’autorisation temporaire d’exercice accordée aux PADHUE, qui concerne des médecins, mais aussi des pharmaciens ou des dentistes. Sans ce texte, à compter du 1er janvier 2019, des centaines de praticiens médicaux titulaires de diplômes obtenus dans un pays hors de l’Union européenne ne rempliront plus les conditions légales pour poursuivre leurs fonctions dans les hôpitaux français et devront, de fait, cesser leur activité. Une cessation aussi brutale aurait d’importantes conséquences en termes de santé publique, car ces praticiens sont devenus la plupart du temps indispensables dans les établissements de santé au sein desquels ils exercent.

Si cette proposition de loi répond à une situation d’urgence, elle ne doit surtout pas empêcher une réflexion plus globale sur la mise en place d’un dispositif pérenne. C’est la troisième fois que cette autorisation temporaire est prolongée ; une quatrième fois serait impensable. Une réflexion globale est donc nécessaire pour trois raisons.

Elle l’est, premièrement, pour les praticiens eux-mêmes, qui ne correspondent pas à une catégorie ou à un statut spécifique de personnels hospitaliers. Ils sont recrutés de gré à gré par les établissements, où ils peuvent exercer pendant de nombreuses années sans plein exercice, sur le fondement d’un contrat précaire assorti d’une faible rémunération en tant, par exemple, que stagiaire associé ou faisant fonction d’interne, pour une durée de six mois renouvelable une fois, et pour une rémunération brute de quelque 15 000 euros annuels. Les moins malheureux bénéficient toutefois d’un contrat de praticien attaché associé, qui peut, sous certaines conditions, devenir un contrat à durée indéterminée, avec une rémunération brute allant de 36 000 à 39 000 euros par an environ. En tout état de cause, ils ne sont jamais inscrits à l’ordre des médecins.

Deuxièmement, cette réflexion est nécessaire pour le fonctionnement même de l’hôpital. Ces praticiens sont régulièrement embauchés de manière illégale, mettant en péril la logique administrative dudit hôpital et la responsabilité pénale du directeur. La gestion des plannings est complexifiée, notamment parce que les missions confiées aux PADHUE ne sont pas les mêmes que celles des praticiens reconnus en tant que tels. À titre d’exemple, il leur est interdit de prescrire des recommandations thérapeutiques via une ordonnance, contrairement à leurs confrères. Ce type de problématique bloque les hôpitaux et les empêche souvent de s’installer dans une démarche de projet.

Troisièmement, enfin, cette réflexion est nécessaire pour les patients et la qualité des soins. Je ne doute pas que ces médecins, comme n’importe quel médecin, sont profondément attachés au principe d’une médecine de qualité, conforme à leur engagement et égale pour tous.

Malgré cela, et bien qu’ils semblent, dans leur grande majorité, présenter toutes les garanties de compétence et d’implication dans leur activité, nombreux sont ceux qui présentent de vraies lacunes dans la maîtrise de la langue française. Il n’est pas concevable qu’un praticien ne soit pas en mesure de se faire comprendre par ses malades. Cette incompréhension, doublée de l’interdiction de délivrer des ordonnances, ne peut que susciter des inquiétudes supplémentaires auprès d’une patientèle déjà fragilisée par la maladie.

En conclusion, mes chers collègues, le groupe La République En Marche votera cette proposition de loi, mais demande de façon pressante au Gouvernement que cette problématique soit véritablement intégrée et résolue dans le plan « Ma santé 2022 ». (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous avons à débattre et qui vient d’être abondamment décrite vise à prolonger jusqu’au 31 décembre 2020 un dispositif transitoire. Actuellement, sur les 4 000 praticiens à diplôme hors Union européenne exerçant en France, 300 à 350 praticiens se trouvent encore sous le régime transitoire, censé prendre fin le 31 décembre 2018. En conséquence, à cette date, ces derniers ne rempliront plus les conditions légales leur permettant d’exercer dans un établissement français, et ils seront contraints de cesser leurs fonctions. Or ces PADHUE travaillent la plupart du temps dans des spécialités sous forte tension ou au sein d’établissements confrontés à d’importantes difficultés de recrutement de personnel médical.

L’arrêt d’activité de ces centaines de praticiens aurait des conséquences graves, surtout dans le contexte actuel de progression de la désertification médicale. Sans cette autorisation d’exercice temporaire, de nombreuses structures ne seront plus en mesure d’exercer leurs missions par manque de moyens humains.

La présente proposition de loi s’impose donc, car elle permet de répondre à cette situation d’urgence, avec, pour objectif, de garantir la continuité du fonctionnement des établissements de santé français. Mais cette réponse législative, même si elle est nécessaire, n’est pas une solution pérenne. Je m’étonne qu’une réflexion sur l’intégration des praticiens diplômés hors Union européenne dans notre système de santé n’ait pas été menée plus tôt, d’autant plus que ces praticiens à diplôme étranger exercent pour la plupart dans des conditions précaires. C’est d’ailleurs ce qu’ils ont dénoncé il y a un an déjà, avec l’appui du syndicat qui les représente.

Ces PADHUE exercent majoritairement à l’hôpital, sous statut salarié et dans des conditions difficiles. Ils sont embauchés dans des structures peu attractives – en clair, là où les autres ne veulent pas aller –, le plus souvent dans les services délaissés par leurs confrères français comme la gériatrie, la réanimation ou la psychiatrie, pour des rémunérations moindres, avec des contrats courts, ce qui ne leur permet pas de prétendre à des évolutions de carrière.

Ces praticiens bénéficient de conditions d’exercice bien moins favorables que celles de leurs confrères français ou diplômés dans l’Union européenne, alors même qu’ils exercent le même métier et qu’ils sont devenus nécessaires au bon fonctionnement du service public de la santé. En effet, entre 2007 et 2017, le nombre de praticiens ayant obtenu leur diplôme à l’étranger, dans l’Union européenne et hors de celle-ci, a quasiment doublé. Le bon fonctionnement de certains hôpitaux dépend d’ailleurs de leur présence. Par exemple, en 2017, l’hôpital de Château-Thierry, couplé avec celui de Soissons, employait 30 médecins titulaires de diplômes français, 10 titulaires de diplômes obtenus dans l’Union européenne et 19 titulaires de diplômes obtenus dans un pays n’appartenant pas à l’Union européenne.

Puisque les PADHUE occupent une place aussi importante dans notre système de santé, on ne peut se contenter d’une simple prorogation de l’autorisation temporaire d’exercice. Il est nécessaire de réfléchir à un vrai statut pour ces praticiens qui pallient les insuffisances de notre système de santé français, car c’est bien de cela qu’il s’agit ici. Comme l’affirmait d’ailleurs un médecin interrogé par le journal Libération à l’occasion des mobilisations qui ont eu lieu il y a un an : « Les médecins à diplômes étrangers sont le visage des impasses de nos hôpitaux. »

L’embauche de ces praticiens est en effet l’un des symptômes de la crise de l’hôpital. Elle est liée aux pénuries de personnel, à la désertification médicale, aux dégradations des conditions de travail dues aux restrictions budgétaires imposées depuis des décennies, au manque d’attractivité de certaines filières, à la concurrence déloyale du secteur privé qui entraîne une sorte d’exode médical au détriment du secteur public.

Et cette situation n’est pas près de s’améliorer ! Le numerus clausus a largement contribué à tarir le nombre de praticiens, aboutissant à une pénurie de professionnels de santé, notamment dans les établissements publics de santé. Les difficultés de recrutement, accrues pour les petites structures, les ont poussées à utiliser des méthodes alternatives : le recours à des praticiens intérimaires a explosé, alors même que son coût pour la sécurité sociale est énorme, tandis que les établissements de santé continuent d’embaucher des praticiens à diplôme étranger, alors même qu’il est théoriquement interdit d’embaucher des PADHUE n’ayant pas exercé en France avant le 3 août 2010.

Cette situation risque d’empirer à l’avenir, puisque, selon le syndicat des praticiens à diplôme hors Union européenne, 30 % de départs à la retraite interviendront à partir de 2020, laissant vacants environ 12 500 postes de praticiens hospitaliers.

La fin du numerus clausus annoncée par le Gouvernement est de nature à répondre en partie à cette situation. C’est une sage décision que nous appelions de nos vœux depuis longtemps, mais qui, jusqu’à présent, ne semblait pas pertinente à Mme la ministre de la santé. Je ne peux que saluer l’évolution positive de sa réflexion.

Toutefois, il me paraît nécessaire de rappeler que, en l’absence de moyens supplémentaires attribués aux universités, il n’y aura pas plus de praticiens formés à l’avenir. Cette décision positive doit donc s’accompagner d’une autre politique en matière de formation des professionnels de santé. Par ailleurs, les effets de la fin du numerus clausus ne devraient se faire ressentir que d’ici une dizaine d’années, le temps que la nouvelle génération de praticiens ait fini ses études.

Il est urgent de mener une réflexion plus générale sur notre service public de la santé, notamment sur le nombre de praticiens et leur répartition sur le territoire. Mais avant tout, il faut arrêter les coupes budgétaires, revaloriser les services devenus peu attractifs comme la gériatrie ou la psychiatrie, mettre un terme aux fermetures de services et aux suppressions de lits, maintenir les hôpitaux de proximité en développant systématiquement des centres de santé adossés à ces hôpitaux.

Parallèlement, il convient de construire un réel statut pour ces praticiens à diplôme étranger, sans qui de nombreux établissements de santé ne pourraient pas maintenir leur fonctionnement. C’est d’ailleurs ce que dénoncent certains directeurs d’établissements de santé comme celui de l’hôpital de Nevers, pour qui, sans les médecins à diplôme étranger, on devrait « fermer les hôpitaux de la Nièvre ».

Pour toutes ces raisons, nous voterons en faveur de cette proposition de loi. Mais, plus globalement, il faut revoir le statut de ces praticiens à diplôme étranger afin d’en finir avec la précarité de leur situation.

Enfin, madame la secrétaire d’État, j’attire votre attention sur la nécessité d’anticiper un certain nombre de réflexions et de ne pas vous limiter à une simple réorganisation de notre système de santé sans moyens à la hauteur des défis. Je déplore que la loi Santé que nous attendons avec impatience fasse l’objet d’ordonnances, muselant encore davantage les parlementaires que nous sommes. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mes chers collègues, les professionnels titulaires d’un diplôme obtenu dans un État non membre de l’Union européenne contribuent au fonctionnement quotidien de nombre de services hospitaliers, en particulier dans les zones sous-dotées – cela a été rappelé. Il s’agit principalement de médecins, mais aussi de chirurgiens-dentistes, de sages-femmes et de pharmaciens. Les PADHUE, comme il est d’usage de les nommer, constituent ainsi une aide précieuse pour nos hôpitaux.

Selon une enquête récente du journal Libération – nous avons les mêmes lectures, ma chère collègue ! – dans l’Aisne, l’hôpital de Château-Thierry, couplé avec celui de Soissons, emploie 30 médecins titulaires du diplôme français, 10 venant de l’Union européenne et 19 de pays situés hors de l’Union européenne. Autre cas, l’hôpital François-Mitterrand de Nevers fonctionne avec 62 médecins à diplôme français, 15 issus de l’Union européenne, et 21 de pays hors de l’Union européenne.

À l’exception des hôpitaux universitaires et des établissements situés dans des régions attractives comme la côte Atlantique ou le sud de la France, les hôpitaux ne pourraient aujourd’hui fonctionner sans les médecins à diplômes étrangers. Autres exemples : l’hôpital de Gonesse, dans la banlieue nord de Paris, compte 131 médecins diplômés en France, 21 diplômés dans un État membre de l’Union européenne, et 61 diplômés dans un pays situé hors de l’Union. À Dreux, le taux est le même : 102 médecins à diplôme français, 68 à diplôme étranger.

Le Conseil national de l’ordre des médecins a publié une analyse fouillée de la situation. Au 1er janvier 2017, la France comptait 26 805 médecins titulaires d’un diplôme obtenu à l’étranger, parmi lesquels 22 619 exerçaient de façon régulière, soit 11,8 % du total des médecins en activité régulière, taux en hausse de 7,8 points par rapport à 2007. Deux sur trois choisissent l’exercice hospitalier. Si l’on excepte les zones attractives et les CHU, c’est bien souvent entre un tiers et près de la moitié de médecins à diplôme étranger qui exercent dans ces établissements, soit une hausse de près d’un tiers en sept ans.

Sécuriser l’exercice de ces professionnels de santé qui interviennent chaque jour auprès de nos concitoyens est une impérieuse nécessité. Néanmoins, la situation n’est pas nouvelle. En 1975, l’ouverture de la pratique de la médecine en France à des médecins européens n’a pas permis de combler le manque de praticiens médicaux. C’est la raison pour laquelle, dans les années 1980, il a été décidé d’ouvrir la pratique aux praticiens extracommunautaires.

En vue de sécuriser leur situation, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 a instauré un dispositif d’autorisation temporaire accompagné d’une procédure dérogatoire d’autorisation de plein exercice sur examen dit « de la liste C », modifié et prorogé à deux reprises en 2012 et 2016. Sous réserve d’avoir exercé au moins trois années dans des établissements de santé français et d’avoir été recrutés avant le 3 août 2010, ces praticiens peuvent exercer temporairement, sous la responsabilité d’un praticien de plein exercice, à condition de passer cet examen de la liste C.

L’instauration de cette procédure dérogatoire vise à reconnaître le travail de ces professionnels de santé sans les contraindre à passer par la procédure de droit commun dite « de la liste A », qui prend la forme d’un concours n’offrant qu’un nombre de places très limité. L’examen dérogatoire de la liste C a permis à près de 10 000 PADHUE d’être intégrés dans notre système de santé. Mais ceux qui ne s’y sont pas soumis, ou qui ont échoué, se retrouvent dans une situation délicate, puisqu’ils ne disposent pas d’une autorisation d’exercice pleine et entière.

L’objet de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est de proroger le dispositif d’autorisation temporaire en faveur des praticiens visés – 300 à 350 selon la direction générale de l’offre de soins – de deux ans, c’est-à-dire jusqu’au 31 décembre 2020. À défaut, ils ne rempliront plus les conditions légales pour poursuivre leurs fonctions et devront cesser leur activité. Les établissements de santé ne supporteraient pas une rupture aussi brutale.

Parce qu’il est urgent de sécuriser le fonctionnement quotidien des hôpitaux, la commission des affaires sociales a adopté à l’unanimité et sans modification, le texte qui lui a été soumis. Cet objectif est éminemment prioritaire.

La proposition de loi ne règle pas pour autant la situation des 3 000 à 4 000 praticiens recrutés depuis 2010 comme contractuels, qui échappent tant au contrôle des ministères que des agences régionales de santé. Elle ne met pas fin à un statut précaire et injuste.

Depuis vingt ans, la situation s’est certes améliorée, mais rien n’est encore achevé, car le flux reste continu. Le mois dernier, plus d’une centaine de médecins diplômés hors de l’Union européenne travaillant dans des hôpitaux français se sont rassemblés devant le ministère de la santé pour réclamer la régularisation de leur situation et la plénitude d’exercice.

Le Syndicat national des praticiens à diplôme hors Union européenne pointe du doigt la « situation alarmante » des praticiens travaillant dans les hôpitaux publics et faisant fonction d’interne ou de praticien attaché associé avec de faibles rémunérations, des contrats courts et sans perspectives d’évolution.

L’exercice de leurs compétences est limité, et ces praticiens sont placés sous la responsabilité d’un titulaire. Leur rémunération est près de deux fois inférieure à celle de leurs collègues diplômés en France au regard de leurs responsabilités effectives, sachant qu’ils assurent de nombreuses heures de garde et ont la confiance de leur chef de service.

Entre 2 000 et 3 000 postes de praticiens hospitaliers demeurent vacants en France, sachant que 30 % de départs à la retraite sont par ailleurs prévus à partir de 2020, soit environ 12 500 postes de praticiens hospitaliers susceptibles d’être vacants.

La future loi, madame la secrétaire d’État, devra améliorer les conditions d’intégration dans le système de santé français des PADHUE, mais également sécuriser les processus de vérification des compétences acquises. Il appartiendra donc au Gouvernement de proposer un dispositif efficace qui garantira à la fois un accueil digne à ces praticiens, mais aussi la qualité des soins offerts.

La direction générale de l’offre de soins, en concertation avec le syndicat des PADHUE, semble avoir avancé – vous nous l’avez indiqué, madame la secrétaire d’État –, sur une proposition de refonte du dispositif existant qui sera présentée dans le cadre de la future loi Santé. Nous nous en réjouissons.

Dans l’attente, nous voterons pour la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi sur laquelle nous nous penchons aujourd’hui revêt un caractère d’urgence qui en démontre à la fois la nécessité et les limites.

Instauré en 2007 et prorogé à deux reprises, un régime dérogatoire permet aux praticiens à diplôme hors Union européenne d’exercer de manière temporaire, et sous certaines conditions, dans l’attente d’une réussite à l’examen… lui-même dérogatoire.

Si la procédure est plutôt claire pour le dispositif de droit commun qui prévoit un concours portant sur les connaissances et la maîtrise de la langue, nous entrevoyons ici la complexité des deux régimes dérogatoires, mais aussi la difficulté de maintenir un niveau correct d’accès aux soins dans un contexte de désertification médicale.

Identifiée depuis plus de dix ans, cette problématique a poussé le législateur à adopter une solution de court terme pour les établissements de santé ayant du mal à recruter leurs praticiens. Dès 2007, la nécessité de proposer une solution de long terme avait été soulignée. Et nous nous trouvons donc, à la fin de 2018, à devoir examiner dans l’urgence une nouvelle prorogation qui ne règle en rien le problème.

Cette proposition de loi présente tout de même le mérite d’exister. Elle répond d’abord aux fortes inquiétudes des praticiens concernés et des établissements qui les accueillent, à la suite de la censure, par le Conseil constitutionnel, de certaines dispositions du projet de loi Asile et immigration. Il était bien sûr nécessaire de légiférer avant la date butoir du 31 décembre 2018 : nous prendrons donc toute notre responsabilité sur ce point.

Cette proposition de loi répond ensuite aux exigences spécifiques des établissements confrontés à des difficultés de recrutement. Il s’agit non pas de « bricoler », mais de prendre en compte la diversité des situations pour garantir une certaine forme d’égalité et de continuité territoriales. Nous avons bien conscience que cette proposition de loi n’aurait pas lieu d’être si le nombre de postes non pourvus dans les hôpitaux n’était pas aussi important. C’est précisément parce que nous manquons de médecins qu’un régime dérogatoire a été instauré.

Sur cette question de l’accès aux soins, nous pensons pouvoir compter sur l’engagement du Gouvernement. Il a démontré depuis un an et demi sa capacité à imaginer des solutions, que nous avons soutenues pour la plupart et dont nous connaîtrons, je l’espère, les premiers effets d’ici quelque temps.

Dans cette attente, nous avons besoin d’intégrer ces praticiens dans notre système de santé. Nous leur devons la sécurité, si ce n’est la pérennité. Dans certains territoires, dont celui que je connais plus particulièrement, la Meurthe-et-Moselle, ils sont partie intégrante de notre organisation des soins. Nous ne pouvons fragiliser tout un système ; une cessation brutale de leur activité aurait en effet de lourdes conséquences.

Cela ne doit toutefois pas nous faire oublier l’impérieuse nécessité d’engager au plus vite une réflexion concertée. La mise en place d’un dispositif pérenne est la seule garantie d’une intégration durable de ces praticiens, confrontés depuis de trop nombreuses années à la précarité et à des conditions de travail et de rémunération bien moins avantageuses que celles de leurs confrères français. Le ministère semble s’être engagé à faire figurer ce nouveau dispositif dans le futur projet de loi Santé en 2019. Après des années de report, nous en attendons beaucoup.

Le périmètre de cette proposition de loi est limité, car il concerne entre 300 et 350 praticiens, selon les estimations de la DGOS. Si la plupart d’entre eux ont su se rendre indispensables, il faudra néanmoins étudier ce dossier en prenant un peu de hauteur. Trois dispositifs sont aujourd’hui prévus pour permettre la pratique des médecins diplômés hors Union européenne. Ces dispositifs sont une garantie pour la qualité des soins et, surtout, la sécurité des patients.

Notre système de santé est reconnu à travers le monde pour son exigence et son excellence. Il est indispensable de les préserver, y compris dans les territoires sous-dotés, qui n’ont pas à pâtir de l’absence totale d’aménagement du territoire et de vision à long terme que nous subissons depuis des décennies. La désertification médicale n’empêche pas l’ambition ; il est nécessaire de trouver des solutions alternatives, acceptables par le plus grand nombre.

J’en terminerai par un point que j’ai déjà évoqué au cours de mes précédentes prises de parole : l’exercice probatoire réalisé après concours ou examen par les praticiens diplômés hors Union européenne a lieu aujourd’hui en milieu hospitalier. Nous avons déjà eu ce débat au sujet de la réforme des études médicales : nous savons que le lieu de stage détermine en grande partie les choix d’installation des médecins par la suite. Puisque nous manquons cruellement de praticiens en médecine de ville, ne serait-il pas intéressant d’ouvrir l’exercice probatoire à des structures moins hospitalo-centrées ? Pour cela, nous le savons, le rôle de maître de stage doit être rendu plus attractif, car nous manquons aussi cruellement de volontaires.

Pour conclure, vous l’aurez compris, le groupe du RDSE votera en faveur de ce texte, conscient qu’une inaction entraînerait la fragilisation de la situation de nombreux établissements et praticiens. Nous ne manquerons pas, cependant, de regarder avec attention les propositions pérennes qui seront formulées ces prochains mois. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – M. Michel Canevet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Bonne. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bernard Bonne. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mes chers collègues, c’est un de mes collègues parlementaires de la Loire, député, et médecin lui aussi, qui a déposé à l’Assemblée nationale la proposition de loi visant à sécuriser l’exercice des praticiens diplômés hors Union européenne dont nous débattons aujourd’hui.

« Débattre » n’est sans doute pas le terme approprié, puisque, comme cela fut le cas à l’Assemblée nationale, ce texte, qui a été adopté sans modification par notre commission des affaires sociales, sera sans aucun doute voté conforme dans cet hémicycle, même s’il appelle plusieurs remarques.

Je ne reviendrai pas sur l’empilement successif des dispositifs législatifs qui ont régi et régissent encore le cadre d’exercice de ces médecins, infirmiers et autres praticiens étrangers. Notre collègue rapporteur a parfaitement rappelé le cadre juridique particulièrement complexe qui s’applique à ces personnels de santé, notamment les différentes voies d’accès leur permettant d’exercer en France.

Ainsi, ceux qui n’ont pas pu accéder, notamment par voie de diplôme, à une activité pérenne ou de plein exercice, relèvent d’un dispositif transitoire d’autorisation temporaire d’exercice, à condition qu’ils aient été recrutés avant le 3 août 2010 et qu’ils aient été en poste au 31 décembre 2016.

Or ce mécanisme, dit de la « liste C », arrive à expiration à la fin du mois. Mais si 300 médecins, selon les chiffres de la DGOS, relèvent de ce régime de l’autorisation temporaire d’exercice, près de 4 000 à 5 000 professionnels travaillent dans nos hôpitaux hors de tout cadre juridique sécurisé.

Cette situation n’est pas acceptable, et elle n’a que trop duré.

Elle n’a que trop duré, tout d’abord, pour ces médecins eux-mêmes. Plusieurs d’entre nous ont relevé les conditions de travail qu’ils subissent : ils exercent sur la base de contrats précaires, sans statut spécifique, assortis de rémunérations très faibles, sans avoir le droit de prescrire et, bien souvent, avec de grosses contraintes horaires. En d’autres termes, ces médecins sont devenus la variable d’ajustement pour faire face au manque de personnel dans les zones sous-dotées.

Comment se fait-il que, depuis 2016, date du dernier report de deux ans, les pouvoirs publics n’aient pas réglé la question du cadre juridique d’emploi de ces médecins ? Ce nouveau délai, décidé en urgence, doit être mis à profit pour régulariser leur situation et celle de tous les PADHUE actuellement en activité sur notre territoire.