M. Bruno Sido. Tout à fait !

M. Bernard Bonne. Si, comme cela a été annoncé, cette question doit être examinée dans le cadre du futur projet de loi Santé, il va sans dire qu’une solution pérenne et sécurisée doit être apportée pour tous.

Cette situation n’a que trop duré, ensuite, pour les établissements hospitaliers. En vertu du principe d’autonomie de gestion des hôpitaux, ces établissements recrutent librement, souvent sur la base de contrats de gré à gré. Or les hôpitaux se sont tournés vers le recrutement de praticiens diplômés en dehors de l’Union européenne, que la loi interdit depuis 2012. En procédant ainsi, ils ont donc agi en toute illégalité, même si souvent c’était par ignorance, notamment pour faire face au manque de personnel médical dans les zones tendues.

Ainsi, dans la plupart des départements, le taux de recrutement et d’installation de médecins étrangers dépasse souvent 50 % du total. J’ajoute que ces recrutements en nombre posent problème pour l’activité et le fonctionnement des établissements, et qu’ils ne sont pas sans conséquence sur la qualité des soins.

Sans préjuger de la compétence de ces médecins étrangers, il faut souligner qu’il n’est pas du tout normal qu’ils ne puissent être inscrits à l’ordre des médecins et que ce dernier ne puisse ni réguler leur recrutement ni vérifier leurs qualifications professionnelles.

En définitive, cette situation traduit les dysfonctionnements de notre système de santé : nous bloquons l’accès aux études de médecine à des étudiants en France, et nous nous voyons ensuite obligés de recourir au recrutement de médecins diplômés dans l’Union européenne et en dehors de l’Union européenne pour occuper les postes vacants.

Madame la secrétaire d’État, le champ d’intervention du futur projet de loi Santé s’élargit encore ! Le Sénat veillera à ce que l’exercice des praticiens diplômés hors Union européenne soit enfin sécurisé et pérennisé. Il veillera à remettre un peu de bon sens au cœur de notre système de santé. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Bernard Jomier applaudit également.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à sécuriser l’exercice des praticiens diplômés hors union européenne

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à sécuriser l'exercice des praticiens diplômés hors Union européenne
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article unique

(Non modifié)

Au deuxième alinéa du IV de l’article 83 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007, l’année : « 2016 » est remplacée par l’année : « 2018 » et l’année : « 2018 » est remplacée par l’année : « 2020 ».

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, sur l’article unique.

Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce constat a été dressé : les praticiens diplômés hors Union européenne exerçant en France comblent généralement le déficit de médecins dont souffrent de trop nombreuses zones de notre territoire.

Les PADHUE exercent souvent au sein de spécialités souffrant d’une situation de tension particulièrement prononcée. Ces praticiens sont donc indispensables pour assurer le fonctionnement de notre système de santé, et nous devrions tout faire pour les intégrer le mieux possible.

Outre ce problème général, qui, comme l’a dit Mme la secrétaire d’État, méritera une réflexion d’ensemble, j’appelle l’attention sur les spécificités des PADHUE français, qui sont souvent binationaux. Il s’agit d’une situation que je connais bien et que je dénonce depuis de nombreuses années.

Près de trois millions de nos concitoyens résident à l’étranger ; beaucoup y sont installés de manière permanente, avec leur famille. Les jeunes de ces familles y poursuivent, logiquement, leur scolarité, puis leurs études supérieures. Parmi eux, les titulaires d’un diplôme permettant l’exercice de la profession de médecin, de chirurgien-dentiste ou de sage-femme dans le pays où ils ont grandi et étudié ont souvent le désir légitime de poursuivre leur spécialisation en France ou d’y occuper un poste de faisant fonction d’interne.

Eh bien, ces PADHUE de nationalité française ne se voient pas reconnaître les mêmes droits que leurs condisciples de nationalité étrangère, titulaires eux aussi d’un diplôme étranger.

Une fois de plus, je dénonce la discrimination que subissent nos concitoyens praticiens diplômés à l’étranger du fait de leur nationalité française. En effet, il est anormal que deux personnes ayant obtenu le même diplôme ne puissent parfaire leurs connaissances scientifiques et techniques, ou encore occuper des postes de faisant fonction d’interne, en France, dans les mêmes conditions.

Madame la secrétaire d’État, j’espère que le texte de loi que vous prévoyez pour 2019 permettra de mettre un terme à cette situation de discrimination.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Martine Berthet, rapporteur. Madame la secrétaire d’État, je le rappelle à mon tour, cette proposition de loi ne permettra de régulariser que 300 à 350 situations, pour 4 000 à 5 000 personnes concernées. (Mme la secrétaire dÉtat le concède.) En attendant qu’une solution pérenne soit mise en place par le futur projet de loi Santé, dont nous espérons pouvoir débattre bientôt dans cet hémicycle, je m’interroge quant aux moyens qui seront mis en œuvre pour que les hôpitaux ne recrutent pas de nouveaux praticiens à diplôme hors Union européenne.

Vote sur l’ensemble

Article unique (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi visant à sécuriser l'exercice des praticiens diplômés hors Union européenne
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que le vote sur l’article unique vaudra vote sur l’ensemble de la proposition de loi.

Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi visant à sécuriser l’exercice des praticiens diplômés hors Union européenne.

(La proposition de loi est adoptée définitivement.)

Mme Laurence Cohen. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat. Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai bien entendu vos questions et les attentes que vous avez exprimées. Je confirme que le plan « Ma santé 2022 » trouvera sa traduction dans un projet de loi qui sera étudié en 2019. Ce texte permettra, notamment, de répondre aux objectifs suivants : mettre fin à la précarité que subissent de nombreux professionnels dans les hôpitaux ; garantir la qualité et la sécurité des soins, en assurant des compétences ; assurer, de manière pérenne, le maintien de l’offre de soins pour nos concitoyens. À travers ces sujets, nous traitons donc bien des PADHUE.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. On le souhaite !

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat. Enfin, comme je l’ai dit en préambule, l’ensemble des parlementaires seront pleinement associés aux travaux relatifs à ce texte.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à sécuriser l'exercice des praticiens diplômés hors Union européenne
 

4

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter la sortie de l'indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer
Discussion générale (suite)

Sortie de l’indivision successorale et politique du logement en outre-mer

Discussion en deuxième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à faciliter la sortie de l’indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer (proposition n° 200, texte de la commission n° 211, rapport n° 210).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter la sortie de l'indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer
Discussion générale (interruption de la discussion)

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, alors qu’arrive à son terme le processus législatif de la proposition de loi visant à faciliter la sortie de l’indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer, permettez-moi de revenir, en quelques instants, sur la genèse de ce texte.

Il y a quelques jours, j’étais sur le terrain,…

Mme Annick Girardin, ministre. … à La Réunion, qui a été – vous le savez tous ici – largement secouée par une crise profonde. Comme toujours outre-mer, certains ressorts de la crise étaient purement locaux, liés à un contexte particulier, mais d’autres faisaient écho, sans doute, aux questions soulevées à l’échelle nationale.

Bien sûr, lors de mes échanges avec les Réunionnaises et les Réunionnais, la question foncière et la difficulté à accéder à un logement dans les territoires d’outre-mer ont été abordées à plusieurs reprises. Vous n’en êtes sans doute pas surpris, car vous connaissez ces problématiques : il s’agit là d’un trait commun à la majorité des collectivités ultramarines, quel que soit leur statut.

Toutefois, ce que tenaient aussi à dire les Réunionnaises et les Réunionnais, c’est une exigence à l’égard de leurs élus, de tous leurs élus, qu’ils soient locaux ou nationaux. Cette exigence est exprimée avec force. Elle l’est parfois avec excès, lorsque c’est le principe même de la représentation qui est mis en cause. Il faut bien sûr condamner cette dérive, qui ne peut conduire qu’à une impasse. C’est pourquoi j’ai tenu à le rappeler : ce n’est qu’avec les élus des territoires que la sortie de crise, à La Réunion comme partout ailleurs, doit se construire.

Cela étant, notre responsabilité est aussi d’entendre cette exigence et d’y apporter des réponses. Nos concitoyens demandent des solutions pratiques, rapides et concrètes, face à leurs difficultés du quotidien, et ils comptent sur leurs représentants pour travailler, inlassablement, dans le sens de l’intérêt général.

La proposition de loi du député Serge Letchimy est un bel exemple de ces solutions : fruit d’un travail collectif, elle répond à une préoccupation concrète de nos concitoyens et démontre notre capacité collective à adapter le droit aux multiples réalités du terrain.

Déposée par un parlementaire n’appartenant pas à la majorité, cette proposition de loi a été, dès l’origine, accompagnée par le Gouvernement. L’Assemblée nationale et le Sénat ont apporté chacun des modifications permettant d’améliorer sensiblement le texte, qui a été systématiquement soutenu par l’ensemble des groupes parlementaires. Quant à la commission des lois du Sénat, elle a apporté un soutien et une expertise qui ont permis de faire évoluer les dispositions de cette proposition de loi. Je tiens à en remercier M. le président de la commission.

En définitive, c’est un travail collectif remarquable qui a été mené ; et, à mon sens, il est à la hauteur de l’enjeu. Le présent texte nous semble finalisé, grâce au regard croisé des deux assemblées.

L’enjeu n’est pas anodin : dans la majorité des outre-mer, la question foncière est une problématique ancienne dont chacun mesure, au quotidien, les effets négatifs sur le développement économique et social.

Monsieur le rapporteur, le sujet est bien documenté, notamment grâce au rapport du 23 juin 2016 de la délégation sénatoriale aux outre-mer, travail dont vous étiez le coordinateur. Les causes de ces difficultés sont multiples : articulation avec la coutume dans certains territoires, enjeu des cinquante pas géométriques dans d’autres. Mais le fardeau de l’indivision s’observe presque partout.

Les situations d’indivision sont devenues inextricables, car elles résultent de dévolutions successorales non réglées, parfois même non ouvertes, sur plusieurs générations. Ainsi, en Martinique, 26 % du foncier privé est géré en indivision et 14 % supplémentaires correspondent à des successions ouvertes. À Mayotte, le territoire de certaines communes se trouve presque intégralement en situation d’indivision. En Polynésie française, les nombreuses indivisions réunissent parfois des centaines d’indivisaires à la faveur de successions non liquidées depuis quatre à cinq générations ; elles alimentent l’abondant contentieux des « affaires de terre ».

Je pourrais continuer la liste des méfaits de l’indivision, en citant tous les territoires concernés. Il en résulte chaque fois un foncier gelé, des immeubles à l’abandon, des appropriations abusives, bref, un désordre réel découlant du désordre juridique initial.

En réponse, les pouvoirs publics ont longtemps renvoyé à l’application des règles de gestion de l’indivision de droit commun, fondées sur la règle de l’unanimité ou des deux tiers des droits indivis. En d’autres termes, l’on s’est contenté d’invoquer les principes et, pendant trop longtemps, aucune solution n’a été proposée.

Il a fallu de l’audace, au sein de chaque chambre, mais aussi au sein du ministère de la justice – à ce titre, je tiens à remercier ma collègue garde des sceaux de son implication dans ce projet –, pour franchir les obstacles presque insurmontables que le droit semblait ériger. Et pourtant, nous y sommes arrivés, tous ensemble.

L’ambition nécessaire pour débloquer les situations d’indivision qui entravent le développement des territoires a su préserver – c’est essentiel – le respect du droit de propriété et du principe d’égalité devant la loi. Le texte est donc, à présent, équilibré.

Le Gouvernement a d’ailleurs fait le choix de répondre favorablement à une suggestion formulée par le Sénat, en maintenant l’élargissement de l’exonération fiscale existant à Mayotte à l’ensemble des outre-mer, comme prévu à l’article 2 bis. Ainsi, une fiscalité incitative permettra de dynamiser le dispositif législatif et de le rendre attractif.

Je note d’ailleurs que, emportés par la volonté de bien faire, ni les commissions des lois du Sénat et de l’Assemblée nationale ni les services du Gouvernement n’ont relevé que l’article 2 bis comportait une erreur : cet article modifie le code général des impôts, qui n’est pas applicable dans ce que l’on appelle « les trois Saints », à savoir Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy et Saint-Martin.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Nous en prenons note !

Mme Annick Girardin, ministre. Aujourd’hui, il faut donc apporter une réponse à cette question, et je remercie M. Artano d’avoir appelé l’attention collective sur ce sujet.

Mesdames, messieurs les sénateurs, cette erreur sans portée juridique sera corrigée lors du prochain texte financier qui vous sera soumis, afin de lever toute ambiguïté. En procédant ainsi, nous pourrons avancer, comme nous le souhaitons, sur la base d’une volonté politique commune.

Avant de conclure, je tiens à souligner que cette proposition de loi est un bel exemple de la différenciation voulue par le Président de la République pour les territoires ultramarins.

Vous le savez, ces territoires sont confrontés à des enjeux propres, auxquels il convient de répondre par des politiques publiques adaptées. C’est d’ailleurs sur ce fondement qu’il a été décidé, en plein accord avec les parlementaires polynésiens, de retirer du texte le dispositif relatif à la Polynésie, pour le renvoyer à un autre texte de loi,…

M. Bruno Sido. Ce ne sont pas de bons procédés !

Mme Annick Girardin, ministre. … dont la discussion débutera très vite, au Sénat, en 2019.

Un groupe de travail associant l’État, les parlementaires et le pays est à l’œuvre pour définir les solutions les plus adaptées à ce territoire. J’en suis convaincue : faire droit aux attentes locales parfois spécifiques, ce n’est pas renoncer à l’unité de la République et de notre ordre juridique. C’est, au contraire, la renforcer, en démontrant que notre droit sait être agile pour répondre ou correspondre aux besoins des territoires, aux impératifs locaux.

C’est précisément lorsque nous ne nous donnons pas la peine d’adapter la législation aux réalités locales que nous créons des décalages entre les territoires d’outre-mer et la République, entre les citoyens et leurs élus. Or ces décalages sont le terreau de remises en cause plus larges et plus périlleuses.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement vous incite à soutenir sans réserve la proposition de loi visant à faciliter la sortie de l’indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer. (Applaudissements au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, nous sommes appelés à examiner en deuxième lecture la proposition de loi visant à faciliter la sortie de l’indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer.

Ce texte avait été déposé le 6 décembre 2017, à l’Assemblée nationale, par M. Serge Letchimy et les membres du groupe Nouvelle Gauche et apparentés, puis adopté le 18 janvier 2018.

Comme l’a souligné à plusieurs reprises notre collègue député Serge Letchimy, également rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, cette proposition de loi est inspirée du rapport d’information de 2016 sur la sécurisation des droits fonciers dans les outre-mer, que nos collègues Mathieu Darnaud et Robert Laufoaulu, que je salue, et moi-même avions rendu au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer. Elle vise à lutter contre les situations d’indivision inextricables qui existent dans les territoires ultramarins.

Cette indivision durable et généralisée s’explique par diverses raisons propres à chaque territoire, développées dans le rapport que nous avons commis.

En raison du nombre des indivisaires et de leur éparpillement géographique notamment, l’unanimité est particulièrement difficile à obtenir, ce qui bloque tout projet de vente ou même de réhabilitation des biens. Cette situation stérilise une grande partie du foncier disponible dans des territoires où celui-ci est rare. L’activité économique, tout comme la politique d’équipement des collectivités territoriales en sont entravées.

Le texte que nous examinons propose donc la mise en place d’un dispositif dérogatoire et temporaire de sortie d’indivision, applicable jusqu’au 31 décembre 2028.

À l’issue de son examen en première lecture à l’Assemblée nationale, l’article 1er de cette proposition de loi prévoyait que les biens indivis situés dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution ainsi qu’à Saint-Pierre-et-Miquelon, et relevant de successions ouvertes depuis plus de cinq ans, pouvaient faire l’objet d’un partage ou d’une vente sur l’initiative des indivisaires titulaires en pleine propriété de plus de la moitié des droits indivis. Ce dispositif ne s’appliquait pas si l’un des indivisaires se trouvait dans une situation de faiblesse protégée par la loi.

L’article 2 de la proposition de loi autorisait le notaire à accomplir la vente ou le partage, à défaut d’opposition des indivisaires minoritaires, dans les trois mois suivant la notification du projet par acte extrajudiciaire à tous les indivisaires, sa publication dans un journal d’annonces légales, ainsi que sa publicité par voie d’affichage et sur un site internet. En cas d’opposition d’un ou de plusieurs indivisaires minoritaires, les indivisaires majoritaires qui souhaitaient vendre le bien ou procéder à son partage devaient saisir le tribunal.

Les articles 3 et 4 avaient été supprimés et inclus dans l’article 2, pour une meilleure lisibilité de la procédure.

L’article 5, ajouté par l’Assemblée nationale, visait à adapter le dispositif d’attribution préférentielle, prévu au 1° de l’article 831-2 du code civil, aux spécificités polynésiennes. Il permettait à un héritier copropriétaire ou au conjoint survivant de demander l’attribution préférentielle du bien, s’il démontrait qu’il y avait sa résidence « par une possession continue, paisible et publique depuis un délai de dix ans antérieurement à l’introduction de la demande ». Cette attribution préférentielle s’exerçait sous le contrôle du juge.

L’article 6, également ajouté par l’Assemblée nationale, visait à empêcher la remise en cause, par un héritier omis, d’un partage judiciaire transcrit ou exécuté. L’héritier omis ne pouvait alors que « demander de recevoir sa part, soit en nature, soit en valeur, sans annulation du partage ». Pour éviter d’éventuels abus, cette dérogation était limitée aux hypothèses dans lesquelles le partage a été fait en justice.

Tout en s’inscrivant dans la continuité des travaux engagés par l’Assemblée nationale, en première lecture, le Sénat avait apporté au texte d’importantes modifications de nature à renforcer encore l’efficacité du dispositif tout en lui apportant de nouvelles garanties en termes de sécurité juridique.

À l’article 1er, nous avions étendu l’application du dispositif dérogatoire aux collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.

Nous avions ensuite prévu que ce dispositif ne s’appliquerait qu’aux successions ouvertes depuis plus de dix ans, et non pas aux successions ouvertes depuis plus de cinq ans, pour permettre aux héritiers d’exercer pleinement les actions qui leur sont ouvertes par le code civil, comme l’action en possession d’état pour établir une filiation post mortem avec le de cujus, qui se prescrit par dix ans, ou l’option successorale, qui peut être exercée par l’héritier dans ce même délai.

Enfin, par souci de cohérence, nous avions modifié, pour les territoires concernés par le dispositif, la majorité requise pour effectuer des actes d’administration ou de gestion, jusqu’à présent fixée aux deux tiers des droits indivis. Nous l’avions ramenée à la moitié des droits indivis, pour éviter qu’il ne soit plus difficile d’effectuer ces actes que de procéder à des actes de disposition.

À l’article 2, en cas de projet de vente du bien à une personne étrangère à l’indivision, nous avions prévu la possibilité, pour tout indivisaire qui le souhaiterait, d’exercer un droit de préemption pour se porter acquéreur du bien aux prix et conditions de la cession projetée.

Enfin, en séance publique, nous avions adopté un amendement de notre collègue Guillaume Arnell, qui avait pour objet de porter de trois à quatre mois le délai dont disposeraient les indivisaires pour s’opposer à la vente ou au partage d’un bien immobilier, lorsque ces indivisaires sont nombreux ou domiciliés, pour certains d’entre eux, à l’étranger.

Pour encourager les héritiers à partager les biens indivis, nous avions introduit dans le texte un nouvel article 2 bis, qui instituait une exonération de droit de partage de 2,5 % pour les immeubles situés dans les territoires ultramarins concernés par le dispositif dérogatoire de sortie d’indivision.

Nous avions également introduit dans le texte, sur l’initiative de notre collègue Lana Tetuanui, un article 5 A qui consacrait la possibilité de procéder, en Polynésie française, à un partage du bien par souche, quand le partage par tête est rendu impossible, en raison notamment du nombre d’héritiers ou de l’ancienneté de la succession.

À l’article 5, nous avions étendu aux autres collectivités ultramarines concernées par le texte l’application du mécanisme créé au bénéfice de la Polynésie française, consistant à permettre au conjoint survivant ou à un héritier copropriétaire de bénéficier de l’attribution préférentielle du bien.

Nous avions procédé à la même extension, à l’article 6, au titre du dispositif visant à empêcher la remise en cause d’un partage judiciaire transcrit ou exécuté par un héritier omis à la suite d’une erreur ou d’une ignorance.

Le Sénat avait adopté la proposition de loi ainsi modifiée le 4 avril 2018. Ce texte a été adopté en deuxième lecture par l’Assemblée nationale le 12 décembre 2018, sans modification substantielle de fond.

L’Assemblée nationale a adopté trois amendements de précision rédactionnelle déposés par le rapporteur de la commission des lois, Serge Letchimy.

Elle a également adopté cinq amendements du Gouvernement.

Le premier tendait à lever le gage prévu par le Sénat pour compenser la perte de recettes résultant pour l’État de l’exonération de droit de partage prévue à l’article 2 bis.

Les trois amendements suivants visaient, en accord avec les parlementaires polynésiens, à retirer du texte les dispositions relatives à la Polynésie française, afin de les renvoyer au projet de loi organique portant modification du statut d’autonomie de la Polynésie française et au projet de loi portant diverses dispositions institutionnelles en Polynésie française, présentés en conseil des ministres et déposés sur le bureau du Sénat le mercredi 12 décembre dernier. Ces textes devraient être examinés au cours du premier semestre de 2019.

Enfin, le dernier amendement adopté tendait à apporter une clarification rédactionnelle.

Mises à part les dispositions relatives à la Polynésie française, qui devraient être traitées par les textes spécialement consacrés à ce territoire, la proposition de loi a été adoptée par l’Assemblée nationale sans modification substantielle. Aussi, la commission l’a-t-elle adoptée à son tour sans modification, ce matin, afin qu’elle puisse être définitivement votée par le Parlement avant la fin de l’année 2018, soit environ un an après son dépôt.

Pour ma part, je me réjouis de constater que les craintes de certains de nos collègues quant à l’aboutissement rapide de la navette parlementaire étaient infondées et que les exigences de qualité de la loi, que nous avons défendues en première lecture, ont prévalu. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. Mes chers collègues, étant donné les temps de parole fixés pour cette discussion générale, nous suspendrons la séance, comme prévu, à seize heures trente, et nous reprendrons nos débats après les questions d’actualité au Gouvernement.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-François Longeot.

M. Jean-François Longeot. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le groupe Union Centriste et moi-même sommes heureux que cette proposition de loi revienne devant notre assemblée, après un premier examen en avril au cours duquel nous l’avions sensiblement enrichie.

Vue de métropole, la problématique de l’indivision successorale dans les outre-mer peut sembler anecdotique, mais il s’agit en réalité d’un sujet majeur pour l’aménagement et le développement de ces territoires, dont les spécificités géographiques, sociales et historiques rendent nécessaire l’adaptation des modalités de sortie de ce régime, lequel bloque la libération du foncier, pourtant rare, et engendre de nombreuses nuisances.

Particulièrement criante en métropole, la question du logement est encore plus critique dans nos outre-mer. Les biens sont peu nombreux, alors que la population continue à augmenter, faisant mathématiquement grimper les prix en flèche. Nombre de nos compatriotes rencontrent donc les pires difficultés à loger décemment leur famille. Parallèlement, beaucoup de biens immobiliers, bâtis ou libres de construction, sont détenus en indivision par de multiples héritiers, parfois fort éloignés géographiquement. Ces successions sans issue bloquent toute possibilité de sortie dans un délai acceptable, limitant encore la disponibilité du foncier et la rotation des biens sur le marché immobilier.

Faciliter la sortie de l’indivision ne réglera pas la situation du logement dans les outre-mer, mais cette mesure est tout de même un vecteur important d’amélioration et représente un pas en avant significatif.

Les indivisions problématiques sont, en outre, à l’origine d’autres effets néfastes pour la population comme pour les pouvoirs publics. Elles peuvent engendrer du délabrement et de l’insalubrité, en raison du squat de certains logements indivis, et de grandes complications pour la collecte de la taxe foncière. Ces difficultés ont très bien été identifiées par l’auteur de la proposition de loi, notre collègue député Serge Letchimy, dont je salue la qualité du travail. Il convient donc, pour toutes ces raisons, d’y remédier au plus vite.

Ces situations pouvant être constatées dans l’ensemble des outre-mer français, l’élargissement du champ d’application de la proposition de loi initiale à des collectivités ultramarines non mentionnées à l’article 73 de la Constitution a été introduit fort à propos. Je tiens à saluer ici la souplesse de l’auteur en ce sens.

Je souhaite cependant dire un mot du cas de la Polynésie française. Sous l’action de mes estimées collègues la députée Maina Sage et la sénatrice Lana Tetuanui, la proposition de loi avait en effet été enrichie de dispositions utiles pour ce territoire.

Si l’Assemblée nationale a, sur proposition du Gouvernement, supprimé de ce texte les références à la Polynésie française, c’est pour mieux les reprendre dans un prochain projet de loi consacré à ce territoire et à ses spécificités.

Nous rejoignons le Gouvernement dans cette approche, mais nous resterons vigilants, madame la ministre, afin que les intérêts des Polynésiens soient garantis, sur ce sujet comme sur d’autres. Les problématiques successorales et foncières en Polynésie méritent en effet d’être traitées dans un texte spécifique et je sais que nous pouvons compter sur nos collègues polynésiens pour s’investir pleinement dans les travaux à venir.

Cette proposition de loi nous donne par ailleurs l’occasion de réfléchir une nouvelle fois au bien-fondé d’une législation différenciée entre les territoires. Nous voyons ici, de manière particulièrement criante, l’intérêt de telles adaptations – même temporaires – de notre droit aux réalités vécues dans chacun d’entre eux. Il serait bon que cette différenciation, si utile à l’outre-mer, puisse également trouver une traduction sur le territoire métropolitain.

Le groupe Union Centriste soutiendra donc cette proposition de loi, en saluant un bel exemple de la qualité de l’initiative parlementaire et de l’intérêt du travail en bonne intelligence entre les différentes sensibilités politiques et entre les deux assemblées. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et au banc des commissions. – MM. Bruno Sido et Stéphane Artano applaudissent également.)