M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Nous discutons ici de sujets très importants, et très sensibles.

En effet, il s’agit de garantir à la fois la continuité du service public, dans un domaine où les durées de formation sont longues, et les droits des cheminots.

Ces questions sont au cœur des concertations en cours. Dans l’attente de la conclusion de ces concertations, je m’en remets à la sagesse du Sénat sur ces trois amendements.

M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.

M. Olivier Jacquin. Les propos du rapporteur montrent bien qu’il est nécessaire d’approfondir la réflexion sur cette question extrêmement sensible.

Les propositions de notre collègue Gérard Cornu vont dans le bon sens, mais on pourrait aller beaucoup plus loin, par exemple en prévoyant une concertation avec les organisations syndicales aussi au stade de l’appel d’offres, et non pas seulement à celui de la définition des lots.

Par ailleurs, instaurer un droit au transfert me paraîtrait plus pertinent que mettre en œuvre un système fondé sur le volontariat, les nouveaux opérateurs pouvant avoir une bonne connaissance des salariés qu’ils reprennent et faire des propositions « à la hausse ». Mais cette idée, que j’ai évoquée très succinctement, mériterait de bien plus amples débats.

Nous savons très bien que d’aucuns rêvent d’une forme de précarisation des travailleurs du secteur ferroviaire. Lors de la discussion générale, nous avons affirmé la nécessité d’aborder le sujet selon une perspective beaucoup plus globale, en envisageant dans son ensemble le secteur ferroviaire ou, pourquoi pas, le secteur des transports tout entier, et non pas la seule SNCF. Pourquoi le statut d’un conducteur de tramway est-il radicalement différent de celui d’un cheminot ? Et je ne parlerai pas de l’extrême précarisation des chauffeurs d’Uber ou des livreurs de pizzas de Deliveroo…

Nous sommes confrontés ici au mythe du statut. En fait, l’emploi à vie n’existe pas. Des possibilités de rupture du contrat de travail existent et sont déjà utilisées actuellement.

C’est au nom de la nécessité impérieuse d’approfondir la réflexion que nous voterons contre l’article 8.

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Après réflexion, je soutiendrai l’amendement de Gérard Cornu, qui me paraît aller dans le bon sens.

Pour autant, je reste prudent et réservé. Les personnels de la SNCF, pour lesquels nous avons tous un profond respect, expriment des inquiétudes légitimes, que nous devons prendre en considération.

Par ailleurs, je déplore, à l’instar du président de la commission, que la direction du groupe SNCF n’ait pas répondu aux questions qui lui ont été adressées et que certaines organisations syndicales aient refusé d’échanger avec la commission. C’est dommage, à l’heure où l’on parle beaucoup de dialogue social. Un tel manque de confiance à l’égard des représentants élus de la Nation est regrettable.

M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.

Mme Angèle Préville. Je salue les avancées permises par l’amendement de M. Cornu, mais je déplore qu’il fasse référence à une « consultation des instances représentatives du personnel », le terme « consultation » ne m’apparaissant pas assez fort.

Les salariés vont être soumis à de grands bouleversements. Il convient à mon sens de les associer encore plus étroitement au processus, de les respecter peut-être davantage et en tout cas, comme mon collègue Olivier Jacquin l’a proposé, de leur donner un droit d’option. Ce serait un signal fort à leur adresse.

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.

M. Yves Daudigny. À mon tour, je souhaite m’exprimer sur ce sujet très important.

La proposition de loi prévoit un transfert sur la base du volontariat ou, à défaut, un transfert obligatoire avec rupture du contrat de travail en cas de refus du salarié. Les amendements en discussion visent à assouplir ce dispositif.

Il m’apparaît important que le salarié garde la maîtrise de son destin professionnel. C’est pourquoi je défends moi aussi l’instauration d’un droit au transfert, avec droit d’option du salarié. Dans ce cadre, sur le fondement de la liste des salariés transférables, les salariés concernés seraient proposés pour un transfert au nouvel exploitant, dans le même bassin d’emploi et dans le même métier.

Une telle solution garantirait un seuil minimal d’acceptabilité sociale de l’ouverture anticipée à la concurrence. En favorisant la responsabilisation du salarié, elle contribuerait à maintenir un climat de confiance et permettrait de tirer vers le haut, dans un contexte de concurrence ouverte, les conditions sociales du transfert.

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.

M. Claude Bérit-Débat. Mes collègues du groupe socialiste et républicain ont tout dit de ce que nous pensons de l’article 8. L’adoption probable de l’amendement de M. Cornu nous empêchera d’expliquer notre vote sur celui de M. Jacquin. Je voudrais donc préciser que nous ne voterons pas l’amendement de M. Cornu, même s’il contient un certain nombre d’avancées par rapport au dispositif de la proposition de loi, lui préférant l’amendement n° 52. Nous ne voterons pas davantage l’article 8.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 65 rectifié.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.

Je rappelle que l’avis de la commission est favorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 79 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 303
Pour l’adoption 210
Contre 93

Le Sénat a adopté.

En conséquence, les amendements nos 18 et 52 n’ont plus d’objet.

L’amendement n° 33 rectifié ter, présenté par MM. Bignon, Capus, Decool, Guerriau, Lagourgue, Malhuret et A. Marc, Mme Mélot et MM. Wattebled, Chasseing et Fouché, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jérôme Bignon.

M. Jérôme Bignon. Paraphrasant un auteur célèbre, je dirai que je me trouve dans une situation baroque ! En effet, j’ai reçu mandat de défendre cet amendement, mais, après réflexion, je ne suis plus d’accord avec la mesure proposée… (Rires.)

M. Philippe Dallier. C’est le grand écart !

M. Jérôme Bignon. Attendez la suite : j’ai également reçu mandat de demander un scrutin public, ce que je fais, par loyauté envers mes mandants. (Murmures sur diverses travées.)

L’alinéa 8 de l’article 8 tend à conserver aux salariés transférés et à leurs ayants droit les facilités de circulation dont ils bénéficiaient au sein du groupe public ferroviaire. Il est extrêmement difficile de soutenir une telle proposition, le maintien de cet avantage n’ayant pas la faveur de nos compatriotes. Si des facilités de circulation doivent exister dans une certaine mesure, elles ne peuvent pas être généralisées. Je laisse à notre assemblée le soin de se prononcer sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Longeot, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.

M. Olivier Jacquin. Je rejoins M. Bignon : on ne peut pas être d’accord avec cette approche, très partielle, du statut de cheminot ! S’attaquer aux facilités de circulation accordées aux personnels et à leurs ayants droit relève d’une forme de populisme et de poujadisme. Même s’il est important en valeur absolue, leur coût reste modeste au regard de la masse salariale.

Agriculteur, je laisse mes salariés prendre certaines productions de la ferme. Je n’imagine pas, par exemple, leur faire payer un agneau. Cela relève d’une logique de management.

À l’âge d’environ trente-cinq ans, j’ai revu un ancien camarade de lycée devenu cheminot. Il était alors considéré, au sein de notre promotion, comme quelqu’un manquant d’ambition et devant se contenter d’un petit salaire, par comparaison avec ceux d’autres camarades travaillant dans le privé. Voilà trois ans, pour nos cinquante ans, nous nous sommes de nouveau réunis : deux de ceux qui s’étaient moqués de lui quinze ans plus tôt pointaient désormais à Pôle emploi et se sont mis à le critiquer au motif qu’il était un privilégié, protégé par son statut…

On voit par là qu’il faut envisager la question du statut de manière globale, sur un cycle de vie, et non par le petit bout de la lorgnette, comme on veut le faire ici en remettant en cause les facilités de circulation. Cela me semble un peu démagogique !

M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.

M. Gérard Cornu. Monsieur Bignon, nous savons d’avance quelle sera l’issue du scrutin public sur cet amendement, Les Républicains, mais aussi d’autres groupes, semble-t-il, ayant déterminé de voter contre. Dès lors, ne pourriez-vous retirer l’amendement ou, au moins, votre demande de scrutin public ? Cela nous ferait gagner du temps !

Par ailleurs, le groupe socialiste et républicain a indiqué qu’il ne voterait pas l’article 8. Ne pourrait-il pas, dans un élan de générosité, choisir de s’abstenir, ce qui nous permettrait d’éviter un autre scrutin public ?

Mme Éliane Assassi. Nous faisons de la politique, pas de la comptabilité !

M. Gérard Cornu. Ce ne sont que des propositions destinées à arranger les choses, madame Assassi, mais si elles ne vous conviennent pas, restons-en là !

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon, pour explication de vote.

M. Jérôme Bignon. J’entends la proposition de notre collègue Gérard Cornu. Dès lors que le compte rendu de nos débats indiquera que tous les groupes autres que celui auquel j’appartiens ont annoncé vouloir voter contre cet amendement, j’accepte de retirer ma demande de scrutin public. (Très bien ! et applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. En tout état de cause, vos propos figureront au compte rendu, mon cher collègue.

Je mets aux voix l’amendement n° 33 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 8, modifié.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 80 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 325
Pour l’adoption 201
Contre 124

Le Sénat a adopté.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quinze.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures vingt, est reprise à quinze heures quinze, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)

PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi relative à l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs.

Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre II, à l’article 9.

Chapitre II (suite)

Poser les conditions d’une ouverture à la concurrence effective et réussie

Article 8
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs
Article 10

Article 9

Le code des transports est ainsi modifié :

1° Le chapitre Ier du titre IV du livre Ier de la deuxième partie est complété par une section 8 ainsi rédigée :

« Section 8

« Matériels roulants

« Art. L. 2141-21. – Les matériels roulants utilisés par SNCF Mobilités pour la poursuite exclusive des missions prévues par un contrat de service public sont transférés à l’autorité organisatrice compétente, à sa demande. Ce transfert se fait moyennant le versement d’une indemnité égale à la valeur nette comptable, nette de toutes subventions. Il ne donne lieu à aucun versement de salaire ou honoraires, ni à aucune perception d’impôts, de droits ou de taxes de quelque nature que ce soit. » ;

2° L’article L. 2121-4-1 du code des transports est abrogé.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 19 est présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 53 est présenté par MM. Jacquin, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter l’amendement n° 19.

M. Guillaume Gontard. Nous demandons la suppression de l’article 9, qui prévoit le transfert aux régions volontaires du matériel roulant appartenant à SNCF Mobilités.

En effet, ce matériel est le plus souvent en mauvais état et un tel transfert constituera une charge supplémentaire pour les régions, qui devront notamment assurer seules son renouvellement.

Par ailleurs, ce transfert participe du dépeçage de l’entreprise historique et organise son affaiblissement.

Cette possibilité, déjà offerte par la loi portant réforme ferroviaire, semble donc contestable. En effet, les régions sont exsangues du fait de la baisse des dotations et elles ont déjà fait des efforts très importants pour développer l’offre ferroviaire. Les transports sont devenus le premier poste de dépense des régions. Cet effort supplémentaire qui leur est demandé ne paraît donc pas acceptable, ouverture à la concurrence ou non, d’autant que, comme le souligne l’Assemblée des régions de France, il reste un certain nombre de points à clarifier concernant les conditions mêmes de ce transfert tel qu’il a déjà été opéré. Il convient ainsi de clarifier, notamment, la façon dont le coût de démantèlement des matériels roulants anciens, en particulier les matériels amiantés, sera pris en charge. En effet, les régions n’ont pas à supporter les conséquences financières de décisions prises antérieurement à la régionalisation du transport ferroviaire.

Le législateur doit également résoudre la question de la refacturation de la TVA ayant été déduite par SNCF Mobilités lors de l’achat du matériel appartenant dorénavant aux régions.

Ce sont là autant de questions qui ne sont pas traitées par le présent article.

Comme vous avez refusé d’adopter nos amendements concernant le versement transport régional et la TVA, les régions n’auront pas les moyens d’assumer cette nouvelle charge.

M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour présenter l’amendement n° 53.

M. Olivier Jacquin. Le matériel roulant, les ateliers de maintenance, les gares, au même titre que les services considérés comme d’intérêt commun, font partie de ce que les économistes appellent les « facilités essentielles », qui regroupent un ensemble de fonctions supports nécessaires au service. Pouvoir y accéder est indispensable dans le cadre de l’ouverture à la concurrence.

La loi de 2014 portant réforme ferroviaire disposait que les matériels roulants pouvaient être repris par l’autorité organisatrice des transports, l’AOT, qui les mettait à la disposition de SNCF Mobilités.

Cet article vise à réaffirmer le caractère automatique du transfert de matériels lorsque l’AOT en fait la demande. Sur le principe, nous ne pouvons être contre ses dispositions ; cependant, l’ouverture à la concurrence soulève d’autres enjeux.

Ainsi, les autorités organisatrices des transports pourraient choisir de ne récupérer qu’une partie des matériels roulants utilisés par SNCF Mobilités ; on a de bonnes raisons de penser qu’elles choisiront les matériels les plus performants. Si SNCF Mobilités perd des contrats au profit de nouveaux concurrents, que deviendront les trains en surplus ? Certains seront sans doute encore tout à fait performants et susceptibles de rouler ; qui les entretiendra en attendant ? À l’inverse, certains vieux matériels – de vieux trains amiantés, par exemple – ont une valeur vénale négative et on ne peut imaginer en faire supporter la charge aux nouveaux opérateurs.

Il faut trouver, là aussi, un équilibre, sans négliger le fait que les nouveaux entrants n’arriveront pas avec leurs trains, comme cela pourrait être le cas, semble-t-il, pour les métros. Cela n’est pas sans soulever des questions quant à l’avenir de notre industrie ferroviaire et aux débouchés d’entreprises comme Alstom ou Bombardier.

Il s’agit ici d’un amendement d’appel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Longeot, rapporteur. Ces deux amendements visent à supprimer la possibilité, pour les régions, de récupérer la propriété des matériels roulants.

Je rappelle que cette disposition ne fait que renforcer une mesure qui avait été introduite dans la loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire, et qu’il s’agit d’une simple possibilité offerte aux régions, et non d’une obligation.

Les régions ont investi plus de 11 milliards d’euros, entre 2011 et 2015, pour renouveler plus de 80 % du matériel roulant ; il me semble donc normal qu’elles puissent en récupérer la propriété si elles le souhaitent.

Je ne serais pas opposé à ce qu’on précise le dispositif, si cela s’avérait nécessaire, pour évoquer les questions précises posées par les auteurs de ces amendements, mais la suppression de l’article équivaudrait à un recul, puisqu’une disposition de cet ordre existe déjà dans le code des transports.

Je demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Effectivement, la question du devenir des matériels roulants, dans le cadre de l’ouverture à la concurrence, est importante. Habituellement, il faut choisir entre biens de retour ou biens de reprise. Le régime proposé ici s’apparente plutôt à celui des biens de reprise. Des éclaircissements doivent encore être apportés : tel est l’objet des discussions en cours. Dans l’attente de leur conclusion, je m’en remets à la sagesse de votre assemblée.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 19 et 53.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 9.

(Larticle 9 est adopté.)

Article 9
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Article 11

Article 10

Après l’article L. 2141-15-1 du code des transports, il est inséré un article L. 2141-15-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 2141-15-2. – Les ateliers de maintenance totalement ou majoritairement utilisés par SNCF Mobilités pour la poursuite des missions prévues par un contrat de service public sont transférés à l’autorité organisatrice compétente, à sa demande. Ce transfert se fait moyennant le versement d’une indemnité égale à la valeur nette comptable, nette de toutes subventions. L’autorité organisatrice ne peut affecter ces ateliers à d’autres usages que ceux d’une installation de service au sens de l’article L. 2123-1. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 20 est présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 54 est présenté par MM. Jacquin, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter l’amendement n° 20.

M. Guillaume Gontard. Dans la même logique que l’article 9, le présent article prévoit de permettre aux autorités organisatrices des transports compétentes de récupérer de plein droit la propriété des ateliers de maintenance lorsqu’ils sont totalement ou majoritairement affectés à l’entretien des matériels roulants utilisés dans le cadre d’un contrat de service public.

Il s’agit, pour les autorités organisatrices des transports, de pouvoir mettre ces installations à disposition des entreprises ayant remporté l’appel d’offres à la suite d’une mise en concurrence.

Nous sommes opposés à un tel dispositif, dont la mise en œuvre conduira à un affaiblissement de SNCF Mobilités et à la réduction de son activité. Il s’agit là d’une véritable vente à la découpe de son patrimoine et de ses biens.

De plus, les régions n’ont pas demandé à devenir propriétaires de ces ateliers de maintenance, dont le coût de rachat est non négligeable.

Nous demandons donc la suppression de cet article, qui instaure une charge nouvelle non compensée pour les régions et qui affaiblit l’entreprise historique, pour créer des conditions favorables à l’arrivée sur le marché de nouveaux opérateurs.

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour présenter l’amendement n° 54.

M. Claude Bérit-Débat. Il s’agit là aussi d’un amendement d’appel.

Cet article prévoit le transfert automatique des ateliers de maintenance utilisés par SNCF Mobilités aux AOT lorsque celles-ci en font la demande.

Sur le principe, nous ne sommes pas défavorables à cette disposition, réclamée par les régions. Si les ateliers de maintenance sont aussi considérés comme étant des facilités essentielles, leur accès doit être libre pour toutes les entreprises ferroviaires ; le transfert de leur propriété aux AOT devrait permettre d’assurer ce libre accès.

Néanmoins, il importe de garder à l’esprit que la facilité de ce transfert dépendra du type d’ateliers : pour les ateliers financés majoritairement par les régions ou qui sont d’ores et déjà leur propriété, point de débat ; en revanche, les ateliers procédant à des maintenances lourdes – comme c’est le cas d’un atelier qui m’est cher, celui de Périgueux – et intervenant sur divers types de matériels – des voitures Corail, notamment, mais pas seulement – seront peut-être demain la propriété d’acteurs différents. Dès lors, comment penser ce transfert ? Souhaitez-vous créer des ateliers partagés ?

À la lumière de ce constat, ne serait-il pas possible d’envisager d’autres hypothèses, comme le transfert de ces établissements de maintenance au monopole naturel que constitue l’établissement public à caractère industriel et commercial SNCF Réseau ? Certaines organisations le proposent, en tout cas, et, dans la perspective d’une réflexion globale sur les mobilités, cette hypothèse n’est pas dénuée d’intérêt.

Nous avons aussi quelques interrogations sur l’avenir de certains centres de maintenance. Là encore, les enjeux sont importants en termes de préservation des emplois industriels dans nos territoires. Par exemple, en ce qui concerne la maintenance lourde, les AOT seront-elles amenées à mettre en place des fosses dans les gares, comme cela se fait dans certains pays européens ? Cela aurait de lourdes incidences sur l’emploi industriel.

Par ailleurs, certains ateliers de maintenance ont anticipé le tassement de leur activité, lié au fait que le matériel roulant est assez neuf et demande aujourd’hui peut-être moins d’entretien qu’hier. Certaines nouvelles technologies permettent par exemple un entretien plus facile et plus rapide grâce au recours à des capteurs. Cela peut aussi se traduire par une baisse d’activité pour ces établissements, qui, en conséquence, ont opté pour une diversification vers d’autres modes de transport. Pourquoi ne pas envisager une plus grande autonomie pour certains centres ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Longeot, rapporteur. Ces deux amendements visent à supprimer le transfert automatique, à la demande de l’autorité organisatrice des transports, de la propriété des ateliers de maintenance.

Il s’agit d’une mesure de bon sens : si un atelier de maintenance est exclusivement utilisé pour l’entretien de matériels TER et si le contrat d’exploitation des TER est remporté par un concurrent de SNCF Mobilités, il semble plus logique que ce soit la région qui en soit propriétaire et en assure l’accès au nouvel opérateur, plutôt que SNCF Mobilités.

Cette mesure figure d’ailleurs parmi les recommandations présentées par l’ARAFER dans sa contribution intitulée « Lever les obstacles pour une ouverture à la concurrence réussie ».

En ce qui concerne les inquiétudes relatives aux charges entraînées par ce transfert pour les régions, je rappelle qu’il s’agit, là encore, d’une possibilité et non d’une obligation.

Vous l’aurez compris, la commission est défavorable à ces deux amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. La question des ateliers de maintenance est sans doute plus complexe que celle des matériels roulants. En effet, il existe deux types d’ateliers : ceux qui font de la maintenance courante et ceux qui font de la maintenance plus lourde. Par ailleurs, ces ateliers peuvent être utilisés pour l’entretien de matériels circulant sur des lignes qui ne seront pas forcément incluses dans un des lots faisant l’objet de l’appel d’offres.

Ces sujets sont également au cœur des concertations en cours. Dans l’attente de leur résultat, je m’en remets à la sagesse de votre assemblée.

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.

M. Claude Bérit-Débat. Je souhaite insister sur le fait que ces ateliers ne sont pas homogènes à l’échelle de notre pays. Certains se consacrent à l’entretien des trains utilisés par des AOT, d’autres ne sont pas du tout dans ce cas. Il faut donc différencier les problèmes et, surtout, les solutions à y apporter.

Nous avons formulé un certain nombre de propositions, qu’il faudra examiner le moment venu, sachant que les répercussions sur l’emploi pourront être très lourdes dans certains départements ou certaines villes où ces ateliers emploient de nombreux salariés. Pour reprendre l’exemple de la Dordogne, les ateliers SNCF de Périgueux et de Coulounieix-Chamiers représentent près de 700 salariés. L’atelier de Périgueux a déjà fait des efforts pour essayer de s’inscrire dans un véritable plan de stratégie industrielle. Les cheminots et les cadres savent bien que se consacrer à la maintenance de voitures Corail est une impasse, ces matériels étant très anciens. Une autre menace, pour l’activité de ces ateliers, tient au fait que les AOT achètent des matériels neufs dont la maintenance est moins lourde ou est assurée par le constructeur.

Par cette intervention, je voulais ouvrir plusieurs pistes de réflexion en vue du débat de fond que nous aurons sur la question, madame la ministre. Cela répond à une demande tant des organisations syndicales que des élus locaux confrontés à ces problèmes.