compte rendu intégral

Présidence de Mme Françoise Cartron

vice-présidente

Secrétaires :

M. Philippe Adnot,

M. François Fortassin.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 19 mai 2016 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Désignation d’un sénateur en mission temporaire

Mme la présidente. Par courrier en date du 19 mai 2016, M. le Premier ministre a fait part de sa décision de placer, en application de l’article L.O. 297 du code électoral, M. David Assouline, sénateur de Paris, en mission temporaire auprès de Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication, de M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, et de M. Thierry Braillard, secrétaire d’État chargé des sports. (Applaudissements.)

Cette mission portera sur les préconisations susceptibles d’améliorer l’accès du public à la diffusion d’événements sportifs d’importance majeure et le renforcement médiatique de disciplines sportives ou de pratiques émergentes.

Acte est donné de cette communication.

3

Dépôt d’un avis du congrès de la Nouvelle-Calédonie

Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du congrès de la Nouvelle-Calédonie, par lettre en date du 20 mai 2016, un avis sur le projet de loi autorisant la ratification de l’accord de Paris adopté le 12 décembre 2015.

Acte est donné de cette communication.

4

Engagement de la procédure accélérée pour l’examen de deux propositions de loi

Mme la présidente. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen de la proposition de loi organique relative à la compétence du Défenseur des droits pour la protection des lanceurs d’alerte, déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 18 mai 2016 ; pour l’examen de la proposition de loi relative à l’exercice, par la Croix-Rouge française, de sa mission statutaire de rétablissement des liens familiaux, déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 23 mai 2016.

5

Communications du Conseil constitutionnel

Mme la présidente. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 24 mai 2016, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel un arrêt de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 228 du livre des procédures fiscales (Poursuites pour fraudes fiscales « verrou de Bercy ») (2016-555 QPC).

Le texte de cet arrêt de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 24 mai 2016, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel un arrêt de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les articles 1729 et 1741 du code général des impôts (Sanctions pénales et fiscales pour fraude fiscale) (2016-556 QPC).

Le texte de cet arrêt de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

6

 
Dossier législatif : projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine
Discussion générale (suite)

Liberté de la création, architecture et patrimoine

Discussion d’un projet de loi en deuxième lecture dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (projet n° 495, texte de la commission n° 589, rapport n° 588).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine
Article 1er bis

Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication. Madame la présidente, madame la présidente de la commission, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons aujourd’hui pour l’examen en deuxième lecture du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.

Je rappelle les grands enjeux de ce texte : affirmer la liberté de création et, de façon corollaire, la liberté de diffusion et de programmation ; promouvoir la transparence et la concertation dans les filières culturelles ; favoriser la qualité architecturale et encourager l’amélioration de notre cadre de vie ; clarifier les dispositifs et affirmer la responsabilité scientifique de l’État dans le domaine du patrimoine.

Cependant, l’ambition de cette loi dans les domaines de la création, de l’architecture et du patrimoine est bien plus vaste. Il s’agit de réaffirmer la nécessité d’une politique publique partagée entre l’État et les collectivités, d’accompagner le développement de l’accès à la culture et le renforcement de la formation artistique en direction de la jeunesse, de consolider le soutien aux professions de la culture et la protection des artistes.

Nous avons engagé ensemble ce travail législatif au mois de février dernier, travail au terme duquel le Sénat a déjà largement amendé et renforcé le texte.

C’est ainsi que trente-sept nouveaux articles sont venus enrichir le projet de loi initial, avec pas moins de 850 amendements déposés, entre les travaux en commission et les travaux en séance publique.

L’apport du Sénat est incontestable. Il a permis de nourrir le texte sur plusieurs sujets relatifs notamment à la musique, au livre, à la propriété intellectuelle, au soutien à la création, à la réforme des espaces protégés au titre du patrimoine.

Parallèlement, vous aviez adopté sans modification près de trente articles, dont l’article 1er, relatif à la liberté de la création artistique, qui est la pierre angulaire du texte.

L’Assemblée nationale a, elle aussi, su travailler à un rapprochement en rejoignant les positions exprimées par la Haute Assemblée sur pas moins de vingt-quatre articles, relatifs notamment au livre, au cinéma, à la musique, à la propriété intellectuelle, à l’emploi et à la formation des professionnels de l’art et de la culture, au patrimoine et à l’architecture.

Bien sûr, il reste encore du chemin à parcourir avant que ne se dégage un consensus sur chacun des sujets. Je n’ignore pas que les points de vue des deux assemblées doivent se rapprocher encore davantage, notamment pour conforter la place de la création et l’indépendance des artistes et auteurs. Je n’ignore pas non plus que des équilibres doivent être trouvés s’agissant de l’archéologie préventive ou du patrimoine par ailleurs. C’est pourquoi je présenterai un certain nombre d’amendements qui, je l’espère, participeront à faire naître ce consensus entre les deux assemblées.

À l’article 2, votre commission a souhaité rétablir une partie de la rédaction adoptée en première lecture en supprimant la qualification de « service public », au bénéfice d’une « construction en concertation » avec les acteurs de la création artistique.

Pour ma part, je n’exclus pas l’un de l’autre. Je suis bien sûr attachée à la diversité des acteurs du secteur associatif ou du secteur privé. Pour autant, l’affirmation du caractère de service public de la politique menée par l’État en faveur de la création artistique me semble essentielle pour guider l’action des pouvoirs publics, les artistes, les professionnels et les citoyens. C’est un choix qui renforcera le modèle français, reconnu dans le monde entier. C’est l’honneur de la France que de porter haut cette conception.

De la même manière, à l’article 3, relatif à la labellisation des lieux de spectacles, votre commission a souhaité limiter l’agrément du ministère de la culture aux salles majoritairement financées par l’État. Je pense que le maintien de l’agrément ne doit pas être vu au travers du seul prisme financier : il témoigne de la reconnaissance, par l’État, d’un projet artistique et culturel défendu par son directeur ou sa directrice.

Par ailleurs, votre commission a souhaité supprimer la référence au renouvellement des générations et à la diversité, deux principes qu’il est à mon avis essentiel de maintenir dans le texte. Ils sont en effet nécessaires pour que la création soit réellement le reflet de la diversité de notre société. Sur ce sujet, nous avons encore beaucoup de progrès à accomplir collectivement.

J’en viens au volet du projet de loi portant sur la propriété intellectuelle, en particulier dans le domaine de la musique enregistrée. En matière de rémunération des artistes-interprètes, le Gouvernement est attaché à la dynamique engagée en vue d’une garantie de rémunération minimale négociée en contrepartie de l’exploitation numérique des enregistrements. Cette garantie de rémunération est subordonnée à une négociation collective, qui a déjà commencé ses travaux. À défaut d’un accord dans un délai de douze mois après la promulgation de la présente loi, le texte prévoit que cette rémunération sera fixée par une commission administrative paritaire.

Dans la même logique, pour le secteur de la musique, le Gouvernement souhaite maintenir l’interdiction des cessions de créances de l’artiste-interprète à un producteur incluant les sommes issues de la rémunération équitable et de la rémunération pour copie privée, et ce dans l’intérêt même de nos artistes.

Sur l’article 7 bis AA relatif aux enregistreurs personnels dans le « nuage », il s’agit d’assurer le développement de ce service innovant qu’est l’enregistrement dans le nuage dans des conditions qui garantissent un haut niveau de protection des programmes et une coexistence harmonieuse des différents types de services. Il ne faut pas entraver le développement de ces services lorsqu’ils sont substituables aux modalités actuelles de copies effectuées par les consommateurs sur le disque dur de leur appareil.

En revanche, il nous faut prendre des précautions et avancer de façon mesurée compte tenu des capacités de stockage digitales dans le nuage et de leur impact éventuel sur la consommation à la demande, qui pourrait se faire au détriment des services des éditeurs de télévision. C’est pourquoi des garanties sur les modalités d’assujettissement des services d’enregistrement dans le nuage à la copie privée doivent être précisées.

Mesdames, messieurs les sénateurs, votre commission a exprimé cette préoccupation. Nous discuterons les modalités de détermination des garanties à apporter aux éditeurs et distributeurs de télévision, sur lesquelles je formulerai une proposition.

L’article 11 ter a trait aux quotas de chansons francophones à la radio. Comme je m’y étais engagée, une concertation a été menée pour concilier l’objectif de quotas effectifs et réellement appliqués, alors qu’ils étaient jusqu’à présent parfois détournés, avec la diversité éditoriale des radios. Le résultat de ce travail me permet de vous présenter un amendement dont l’adoption répondra, je l’espère, aux interrogations exprimées par la filière, notamment par les artistes. Je proposerai de mieux définir les cas où des engagements au titre de la diversité peuvent justifier des modulations limitées aux quotas, qui seront désormais pleinement effectifs. Nous aurons l’occasion d’en reparler lors de la discussion de cet article.

Je souhaite évoquer un sujet qui, je le sais, tient à cœur à la présidente de la commission de la culture, celui des conservatoires. Je n’ignore pas que la commission n’a pas été convaincue par la rédaction de l’Assemblée nationale, alors même que celle-ci a recherché un consensus et que l’État a envoyé un signal fort de réengagement financier en faveur de l’enseignement artistique dans les conservatoires.

Aujourd’hui, nous devons porter une attention particulière à la diversité du recrutement, aussi bien pour l’enseignement spécialisé que pour l’enseignement professionnel initial artistique.

Un des axes du réengagement de l’État dans le financement des conservatoires fait justement de la diversité du recrutement une priorité. Dans la logique des lois de décentralisation, qui ont confié aux régions la compétence en matière de formation professionnelle, un engagement plus volontaire de celles-ci dans l’organisation et le financement des classes préparatoires qui donnent accès à l’enseignement artistique supérieur me semblerait un signal positif en même temps qu’un équilibre acceptable.

Sur le volet relatif au patrimoine et à la promotion de l’architecture, le bilan des deux lectures reste plus contrasté, même si je me réjouis des rapprochements opérés entre vos deux assemblées sur la réforme des espaces protégés et sur les conditions d’élaboration des « plans de sauvegarde et de mise en valeur » et des « plans de valorisation de l’architecture et du patrimoine ». De la même manière, les dispositions relatives à l’architecture correspondent, dans leur globalité, à des positions médianes.

Restent néanmoins des divergences sur la place de l’architecte dans le permis d’aménager. Il n’est pas ici question d’exclure la compétence des autres professionnels qui concourent à l’aménagement du cadre de vie ; il s’agit de veiller à ce que les architectes puissent œuvrer à l’aménagement de l’espace, tant celui-ci est lié à la qualité architecturale, et ce avec l’apport nécessaire des compétences d’autres professionnels de l’urbanisme et du paysage.

Dans le domaine du patrimoine, en première lecture, nous avons réfléchi ensemble à une appellation plus pertinente que celle de « cités historiques » qui était alors proposée. Au terme des débats à l’Assemblée nationale, l’appellation de « sites patrimoniaux remarquables » a fait consensus. Votre commission l’a conservée et je m’en réjouis. Je pense que nous avons trouvé la bonne expression.

Bien sûr, ces rapprochements ne me font pas oublier qu’il reste du chemin à faire, notamment en matière d’archéologie préventive, sur les missions de la Commission nationale et des commissions régionales du patrimoine et de l’architecture, et sur la commission locale du site patrimonial remarquable, que votre commission souhaite rendre obligatoire, alors que l’Assemblée nationale et le Gouvernement préfèrent qu’elle soit facultative, ce qui paraît plus souple.

Dans le même temps, nous avons vu se dénouer des solutions sur un certain nombre de sujets, ce dont nous pouvons collectivement nous satisfaire tant nous avons, chacun à notre place, œuvrer à les faire aboutir.

Je pense à la question des accords sur les obligations des chaînes de télévision en matière d’investissements dans la production d’œuvres audiovisuelles. Une adaptation est nécessaire.

La volonté de votre rapporteur, M. Leleux, de voir modifié l’équilibre entre production audiovisuelle indépendante et production intégrée s’est exprimée fortement lors des débats. Comme je l’ai alors souligné, je reste convaincue que le soutien à la production audiovisuelle indépendante, par l’investissement des chaînes de télévision, est une garantie fondamentale du dynamisme et de la créativité de notre production audiovisuelle. Cela n’exclut pas des modifications pour accompagner les évolutions du marché, des usages et des stratégies des acteurs économiques du secteur.

Dès lors que l’État fixe ces principes, souvent par la loi, les acteurs me semblent en revanche les mieux placés pour déterminer les nouveaux équilibres par la voie d’accords négociés sur des points parfois très techniques. Ils en sont capables et l’ont démontré ce matin même en signant au ministère de la culture et de la communication, en présence de nombreux sénateurs, un accord, qui me semble historique, entre le groupe TF1 et l’ensemble des représentants des producteurs indépendants.

Huit ans après le précédent accord, cet accord marque une nouvelle étape dans les relations entre les parties, confirmant l’engagement dans la production d’œuvres audiovisuelles françaises et européennes du groupe TF1, tout en donnant un cadre plus souple à ses investissements. Il préserve, en l’adaptant, l’encadrement des droits acquis par le groupe et favorise la diversité et la vitalité de la production audiovisuelle.

Cet accord fait suite aux deux accords qui ont d’ores et déjà été signés respectivement par France Télévisions et par Arte. Ensemble, ils permettent de couvrir plus de 70 % des investissements dans les œuvres audiovisuelles en France. J’espère que d’autres groupes privés participeront à cette dynamique collective qui va dans le sens de l’intérêt général.

Des accords sur la transparence et sur les mandats de distribution des œuvres ont également été trouvés. Là encore, nous pouvons tous nous en réjouir.

Ces accords démontrent la capacité des organisations professionnelles à dialoguer sous l’égide des pouvoirs publics au service des grands objectifs que le législateur a fixés. Je forme le vœu que cette démarche puisse s’étendre à d’autres secteurs. Elle a trouvé, comme vous le savez, une application récente dans le secteur du dialogue social, sur le régime spécifique d’assurance chômage des artistes et techniciens du spectacle, grâce à l’accord du 23 avril dernier, qui viendra pérenniser un modèle dont notre pays peut s’enorgueillir et qui permet aux professionnels du spectacle de vivre de leur métier et de travailler à la vitalité de la création artistique française. Toutes les organisations professionnelles compétentes l’ont signé.

Pour la première fois, les organisations représentatives du spectacle ont eu les clés de la négociation. Elles ont su trouver un équilibre entre des droits qu’il a fallu créer, car ils étaient en déshérence depuis plus de dix ans, tout en contribuant à l’équilibre économique global de l’assurance chômage. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

J’ai par ailleurs réuni la semaine dernière le Conseil national des professions du spectacle pour échanger sur les conditions de mise en œuvre d’un fonds pour l’emploi dans le spectacle, doté de 90 millions d’euros, qui sera un levier puissant pour réduire le recours à l’assurance chômage lorsqu’il n’est pas justifié, mais qui permettra aussi de mieux accompagner les entreprises du spectacle dans leur développement et pour la consolidation de leurs projets.

Autre bel exemple de ce qui peut être fait, sans nécessairement recourir à la force de la loi, mais en faisant confiance au sens de la responsabilité des professionnels, l’accord signé le 13 mai dernier, lors du festival de Cannes, par l’ensemble des organisations professionnelles du cinéma – exploitants de salles de cinéma, distributeurs, producteurs – pour favoriser l’accès de tous les films indépendants aux moyennes et grandes salles et permettre une meilleure diffusion des plus porteurs dans les zones rurales et les villes de moins de 50 000 habitants.

C’est une réponse fine et adaptée, que seuls les professionnels pouvaient élaborer, pour que puissent se rencontrer le public et les films dans toute leur diversité. Vous le savez, la diversité n’est pas spontanée : il faut l’organiser et la protéger de façon volontariste. Dans tous les domaines de la culture, la diversité est constitutive de la formation du regard, de l’ouverture à l’autre et de la richesse de la création.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons devant nous plusieurs jours de débats qui seront, j’en suis sûre, fructueux. J’espère qu’ils permettront d’aboutir à un consensus entre les deux assemblées au terme de cette deuxième lecture. C’est en tout cas mon objectif.

Si la France a la chance d’avoir une offre culturelle de grande qualité, c’est parce que l’État, les collectivités locales, le Parlement travaillent ensemble, sans relâche, pour maintenir son attractivité à travers le soutien à la création, l’accès à l’éducation artistique, la mise en valeur et la sauvegarde de notre patrimoine. C’est notre mission collective et notre devoir envers les générations à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE, ainsi qu’au banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, ce n’est un secret pour personne : le texte qui est issu des travaux de l’Assemblée nationale n’a suscité au sein de notre commission ni enthousiasme démesuré, ni espoirs inconsidérés, ni déceptions excessives. Il conserve ses faiblesses originelles liées à l’absence de véritables lignes directrices pour rénover notre politique en faveur de la création artistique.

À trop vouloir réaffirmer des principes sur le rôle de l’État en matière culturelle, ce projet de loi donne aussi parfois le sentiment de céder à une « recentralisation rampante » au détriment des collectivités territoriales et à une certaine bureaucratisation, du fait d’une multiplication des contraintes qui ne peut que nuire aux créateurs.

Je me réjouis néanmoins que le nombre des divergences entre nos deux assemblées se soit réduit.

C’est ainsi que, fidèle à sa volonté d’avancer, notre commission n’a rétabli qu’avec parcimonie et mesure la rédaction du Sénat en privilégiant ses positions les plus significatives. C’est le cas aux articles 2 et 3, à l’article 10 quater, où nous avons jugé essentiel de conserver le dispositif introduit en première lecture à destination des photographes. C’est également le cas à l’article 17 A relatif aux conservatoires : nous avons souhaité maintenir la région comme chef de file des enseignements artistiques sur nos territoires.

Sur de nombreux sujets, nous avons fait la preuve de notre esprit d’ouverture et de conciliation.

Sur la production audiovisuelle, j’ai de nouveau reçu au début du mois de mai les diffuseurs et les producteurs pour les inciter à s’entendre dans le cadre d’un accord qui était d’ailleurs imminent. Signé ce matin au ministère, celui-ci répond à nos attentes. J’ai la faiblesse de penser qu’il n’aurait pas été possible sans la mobilisation du Sénat pour responsabiliser les différents acteurs et pour leur fixer une échéance.

Soucieux de reconnaître et de sécuriser les pratiques artistiques amateurs, j’ai par ailleurs proposé à la commission d’adopter sans modification la rédaction de l’Assemblée nationale.

De même, permettez-moi de vous rappeler, madame la ministre, qu’en première lecture j’ai accepté la création du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche artistiques et culturels, le CNESERAC, à l’article 17 B, alors même qu’il me semble préférable qu’à terme toutes les questions d’enseignement supérieur français soient traitées par le ministre chargé de l’enseignement supérieur et soumises au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, le CNESER, sans qu’il soit besoin de créer de « sous-CNESER » thématiques.

Je regrette toutefois que, en dépit de la bonne volonté affichée par notre commission, les rapprochements n’aient pas été plus nombreux. Je pense ainsi à l’article 7 bis AA sur lequel les échanges ont été insuffisants pour parvenir en l’état à un compromis satisfaisant, même si chacun semble aujourd’hui convenir que des garanties d’application sont nécessaires. Nous en reparlerons, car le Gouvernement a déposé un amendement qui pourrait déboucher sur un accord.

Sur la filière musicale, trois sujets occuperont l’essentiel de nos débats. J’espère que nous aboutirons à une position équilibrée partagée par les différents acteurs, même si, au regard des amendements déposés par le groupe socialiste et républicain et par le Gouvernement, je suis surpris par le peu de cas qui a été fait de nos propositions.

À l’article 5, la commission souhaite maintenir la distinction, existant d’ores et déjà en droit des contrats, entre artistes-interprètes et musiciens d’accompagnement s’agissant des rémunérations qui pourraient être tirées des exploitations non prévues ou non prévisibles d’une œuvre. Nous sommes, en outre, opposés – comme le fut votre prédécesseur en première lecture, madame la ministre – à l’interdiction des cessions de créances. Les artistes ont tout à y perdre selon nous.

À l’article 6 bis relatif à l’application du régime de licence légale aux webradios, nous prônons une solution de compromis qui consiste à accepter le maintien de la disposition que nous avions rejetée en première lecture sous réserve d’une définition plus encadrée de son champ d’application.

À l’article 11 ter, qui a trait aux quotas radiophoniques, nous souhaitons nous en tenir à un dispositif d’encadrement du nombre de diffusions, à l’exclusion de tout assouplissement des quotas eux-mêmes, dont la gestion s’apparente à une véritable usine à gaz.

Enfin, sur la rémunération pour copie privée, que traitent les articles 7 bis à 7 quater, l’Assemblée nationale est revenue sur l’intégralité de nos apports, qui avaient pourtant tous pour objectif d’améliorer la transparence d’un mécanisme souvent critiqué. Comment justifier le refus des députés de voir publier le règlement de la commission de la copie privée au Journal officiel, de soumettre les membres de cette instance à une déclaration d’intérêts, de lui adjoindre trois hauts magistrats, d’agréer les organismes de recouvrement, d’encadrer les études d’usage, aujourd’hui controversées, par des cahiers de charges et les faire réaliser par un organisme indépendant ?

Ces positions semblent pourtant partagées par le Gouvernement. Nous ne nous expliquons donc pas la position de l’Assemblée nationale, d’autant que les garanties de transparence et d’indépendance que nous apportons à la rémunération pour copie privée sont gages de la légitimité de la commission de la copie privée et constituent la réponse nécessaire aux détracteurs de ce dispositif.

Sur tous ces sujets, j’espère que nous trouverons ensemble la voie de la sagesse et du compromis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Françoise Férat, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi a été abordé dans un esprit constructif au Sénat en première lecture, esprit que nous souhaitons conserver en deuxième lecture, en dépit du bilan contrasté du sort de nos propositions lors de l’examen de ce texte par l’Assemblée nationale. Si celui-ci est en effet très positif sur le volet du patrimoine, il se révèle très décevant sur le volet de l’archéologie préventive.

Nous ne pouvons que nous féliciter du rapprochement des positions avec l’Assemblée nationale sur les questions relatives au patrimoine. La chambre basse n’est pas revenue sur les principales modifications que nous avions apportées au nouveau régime d’espaces protégés, qu’il s’agisse du rôle accru de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture, de l’inscription des dispositions relatives à la protection du patrimoine dans un règlement annexé au plan local d’urbanisme ou encore de la coconstruction des plans de sauvegarde et de mise en valeur.

Cela étant, je ne peux cacher que quelques points de désaccord subsistent entre nos deux assemblées.

Premièrement, les députés ont rendu facultative la création de la commission locale sur le périmètre des sites patrimoniaux remarquables.

Deuxièmement, la mise en place d’un régime d’autorisation encadrant l’implantation des éoliennes pour des motifs patrimoniaux nous paraît essentielle.

Troisièmement, dans le cadre du contrôle de l’aliénation des monuments historiques appartenant à l’État, il nous paraît incohérent de refuser l’avis de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture, alors même qu’elle devrait être amenée à se prononcer sur la cession de certains biens situés à l’étranger !

Sur les dispositions relatives à l’architecture, les députés sont largement revenus sur les modifications que le Sénat avait apportées en première lecture. Par conséquent, en dépit de la bonne volonté dont nous avions fait preuve sur un certain nombre d’articles, des désaccords subsistent.

C’est le cas à l’article 26 quater relatif au permis d’aménager un lotissement, pour l’élaboration duquel les députés souhaitent instaurer le recours obligatoire au seul architecte, ou encore à l’article 26 duodecies.

Sur les dispositions relatives à l’archéologie préventive, les profonds désaccords observés en première lecture entre le Sénat et l’Assemblée nationale, qui ont été confirmés à l’issue de la deuxième lecture du projet de loi par les députés, ont paru pratiquement insurmontables jusqu’à une date très récente.