M. Stéphane Le Foll, ministre. Non !

M. Alain Marc. … sans utiliser les dispositifs communautaires permettant de moduler l’application des directives européennes.

Cette propension française à aller bien au-delà de ce qui utile et nécessaire a conduit, par exemple, à des normes plus sévères en France qu’en Allemagne en matière d’ICPE. Alors que les textes européens ne l’imposent pas, la France a mis en place un seuil d’entrée dans le régime d’autorisation des ICPE en élevage bovin à 50 vaches laitières et 100 vaches allaitantes, faisant peser sur tout projet d’agrandissement d’élevage un risque de refus, au terme de procédures longues et coûteuses.

Ainsi, cette inflation normative aboutit à des contraintes juridiques toujours plus lourdes et plus complexes, qui brident la compétitivité de notre agriculture.

Comment les exploitants agricoles français peuvent-ils exercer sereinement leur activité, quand ces normes les écrasent en permanence ? Une simplification paraît indispensable !

Alors que la situation des agriculteurs ne cesse de se dégrader, la posture politique de la majorité présidentielle, qui n’a pas voulu s’engager dans une démarche constructive avec le Sénat, fait perdre un temps précieux aux exploitants, précipitant certains d’entre eux dans le gouffre.

M. Jean Bizet. C’est bien dommage !

M. Alain Marc. À Henri Cabanel, qui parlait occitan tout à l’heure, je souhaite dire : « I a los que japan, e i a los que fan ». Ce que l’on peut traduire par : il y a ceux qui parlent et il y a ceux qui font… Monsieur le ministre, j’espère que vous allez faire ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. La conclusion tirée à l’instant est, bien évidemment, équilibrée… Comme toujours ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.) Selon vous, monsieur le sénateur, il y aurait, d’un côté, ceux qui viseraient le débat politicien et, de l’autre, ceux qui rechercheraient le consensus pour trouver des solutions.

Je vous rappelle, en tant que porte-parole du Gouvernement, que la proposition de loi visant à favoriser l’ancrage territorial de l’alimentation a été votée par l’Assemblée nationale à l’unanimité.

M. Jean-François Husson. Mais il y a deux assemblées !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Cette proposition de loi a donc rassemblé l’opposition et la majorité, mais le Sénat a eu le comportement que nous connaissons… Je vois une bizarrerie dans tout cela : aujourd’hui, vous vous drapez dans l’idée d’être au cœur d’un grand débat ouvert permettant de traiter uniquement des questions de fond. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.) Excusez-moi de vous renvoyer gentiment la politesse, monsieur le sénateur !

Et on retrouve une posture similaire récemment sur d’autres sujets… Ainsi, la révision constitutionnelle a été votée à la majorité des trois cinquièmes de l’Assemblée nationale, mais la majorité sénatoriale n’a pas fait le même choix…

Chacun doit assumer ses propres postures politiques !

M. Jean-François Husson. C’est une drôle de manière d’entamer le débat !

M. Alain Marc. Nous n’avons aucune leçon à recevoir de vous, monsieur le ministre !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Par ailleurs, selon vous, la présente proposition de loi serait déterminante de tous les choix effectués. Or je vous rappelle, monsieur le sénateur, que le rapport que vous avez réalisé lorsque vous étiez député n’évoquait pas les questions d’ICPE. C’est votre majorité qui a fixé les seuils que vous critiquez !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Et c’est nous qui les avons modifiés – je suis désolé de le dire, mais je n’ai pas attendu la proposition de loi du Sénat pour cela – dès 2013, en créant l’enregistrement pour les ICPE dans le domaine de l’élevage porcin. Cette procédure est désormais appliquée aux secteurs de la volaille, du lait et des bovins. Nous avons mis en œuvre des modifications et nous continuons ce processus.

En outre, monsieur le sénateur, certains de vos propos sont faux. Par exemple, vous avez osé dire, en ce qui concerne les ICPE, que la comparaison entre la France et l’Allemagne serait au détriment de notre pays. Nous aurions surtransposé… Encore une fois, je n’ai rien fait de tel, j’ai même plutôt simplifié !

Une commission composée de professionnels, dont un vice-président de chambre d’agriculture, est allée en Allemagne pour vérifier ces questions, en particulier pour les ICPE concernant l’élevage porcin. Je ne vous citerai que l’une de ses conclusions. Outre-Rhin, celui qui dépose un dossier d’utilité publique le paye. Le coût d’un dossier ICPE est donc quatre fois plus élevé en Allemagne qu’en France. Ça, vous ne le dites pas !

Lorsque je me rends au Conseil des ministres de l’Union européenne, je discute avec mes homologues. Que m’a récemment indiqué le ministre néerlandais de l’agriculture, qui préside le Conseil ce semestre, sur ce qui se passe aujourd’hui dans son pays ? On y met en place des quotas sur les phosphates et les potasses, car la surface des terres d’épandage est désormais insuffisante. Il s’agit d’une surtransposition, mais vous n’en parlez pas ! Certes, elle pèse sur l’agriculture néerlandaise…

J’entends beaucoup dire, ici, au Sénat, que nous aurions trop de normes. Mais qu’un sénateur ou une sénatrice m’indique une norme qui pourrait être supprimée pour redonner de la compétitivité à l’agriculture française et je retiendrai immédiatement sa proposition. Mais vous ne la trouverez pas !

M. Daniel Gremillet, rapporteur. Nous l’avons fait lors de la première lecture !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Soyons très clairs ! Des débats émergent en effet. J’ai entendu des sénatrices de l’UDI-UC extrêmement déterminées sur certains sujets.

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. C’est une position minoritaire !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Que les membres de ce groupe politique règlent en interne la question des surtranspositions !

Cela étant, l’attaque portée contre le ministre de l’agriculture sur un sujet discuté à l’Assemblée nationale était très claire. Il faudrait que chacun soit bien d’accord sur les objectifs… En ce qui me concerne en tout cas, je reste cohérent.

L’agroécologie nous permet de combiner l’environnement et l’économie. Je connais la teneur du débat qui a eu lieu au Sénat au moment de l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, dont Didier Guillaume était le rapporteur. Nous n’avons pas forcément convaincu ceux qui représentaient, à l’époque, l’opposition au Sénat. C’est pourtant un enjeu majeur.

En nous fixant un objectif de respect de l’environnement, nous pouvons tout à fait, avec des modèles de production agroécologique, modifier et alléger les normes, question sur laquelle j’ai engagé un travail que je vais poursuivre. C’est ce que je proposerai dans les semaines qui viennent. Vous n’avez manifestement pas écouté mon discours tout à l’heure, mais voilà ce que je vais le faire.

C’est facile de demander la suppression de toutes les normes, mais il faut évaluer leurs raisons d’être, prendre en compte leurs conséquences environnementales, ce que vous ne faites jamais… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Prenons l’exemple des normes qui concernent le respect de la directive-cadre sur l’eau. Qui a dû gérer le contentieux européen à ce sujet, dans le cadre de la continuité de l’État ? C’est moi, quand je suis arrivé au Gouvernement ! J’ai fait des choix, qui ont consisté à limiter au maximum ce qui était demandé aux agriculteurs en termes de normes et d’investissements.

Tout en entrant un peu dans les détails techniques, je rappelle que, avant notre arrivée, personne n’avait, par exemple, négocié pour que des fumiers pailleux puissent être stockés en plein champ. Les ministres qui m’avaient précédé n’y avaient peut-être pas pensé ; moi, oui, et je l’ai négocié.

Je rappelle aussi que, avec l’approche d’azote total adoptée dans le cadre de la loi d’avenir pour l’agriculture, la Bretagne a pu être retirée des zones d’excédent structurel. Qui l’a fait ? Qui a pu mettre cela en œuvre ? Quand je suis arrivé au Gouvernement, neuf bassins étaient classés en zone d’excédent structurel. Cinq ont, depuis, été retirés.

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Alors, tout va bien ?... Il n’y a pas de problème ?...

M. Stéphane Le Foll, ministre. J’aimerais simplement que l’on reconnaisse le travail effectué ! Les discours consistant à dire constamment au ministre qu’il suffit de changer et de baisser les normes doivent être plus précis et inclure des propositions claires…

Nous allons maintenant examiner les articles de la présente proposition de loi. Je dirai d’emblée qu’un certain nombre de mesures prévues par ce texte sont déjà mises en œuvre.

Par exemple, on peut toujours discuter de la baisse des cotisations sociales. Vous pouvez estimer que votre proposition est essentielle, mais je rappelle que le pacte de responsabilité a été mis en place dès 2014 et que la baisse des cotisations de plus de 2 milliards d’euros pour l’agriculture, c’est bien ce gouvernement qui l’a décidée, pas le Sénat !

Je veux bien que l’on m’adresse des reproches, mais il faut aussi regarder ce que nous avons trouvé en arrivant aux responsabilités et ce que nous avons fait depuis lors. Soyons honnêtes, sinon le débat sera biaisé !

Pour ce qui est de la recherche de consensus, je n’ai jamais, en ce qui me concerne, refusé une proposition. J’ai toujours cherché à savoir si elle pouvait s’appliquer. Un certain nombre de procès ont été intentés, en particulier sur les normes. Prenez garde : les normes n’existent pas sans raison ! Et il faut y faire attention lorsqu’on veut en retirer une. Le Grenelle de l’environnement a été suffisamment explicite à ce sujet.

Si vous voulez faire des propositions, j’y suis ouvert, mais si vous voulez simplement tenir des discours politiques, alors, assumez-les ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire

Chapitre IER

Des relations plus justes et transparentes, du producteur au consommateur

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi en faveur de la compétitivité de l'agriculture et de la filière agroalimentaire
Article 1er bis

Article 1er

(Non modifié)

À la première phrase du quatrième alinéa du I de l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime, après les mots : « modalités de détermination du prix », sont insérés les mots : « qui font référence à un ou plusieurs indicateurs d’évolution des coûts de production en agriculture et à un ou plusieurs indices publics des prix des produits agricoles ou alimentaires, pouvant être établis par accords interprofessionnels ou par l’Observatoire de la formation des prix et des marges ».

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bailly, sur l’article.

M. Gérard Bailly. Monsieur le ministre, je ne nie pas les efforts que vous faites, mais la situation dans nos campagnes n’a pas favorablement évolué ces derniers mois. Malheureusement, elle risque de ne pas s’améliorer dans les mois qui viennent. Malgré vos efforts, ça ne va pas mieux !

Vous comprendrez donc la détresse des agriculteurs, ainsi que les raisons pour lesquelles plusieurs sénateurs ont déposé cette proposition de loi.

Je souhaite vous poser quelques questions.

La première concerne le rapport à la grande distribution. Vous le savez, c’est un peu mon dada ! Comment se fait-il que les accords entre les grandes et moyennes surfaces, les GMS, soient tolérés, alors que, je le rappelle, il n’y a plus dorénavant que quatre grands groupes ? Qui plus est, on condamne, dans le même temps, des accords entre producteurs, comme cela a pu se produire ces dernières années.

Lors d’une récente audition, on nous a indiqué que le volume vendu par les entreprises agroalimentaires aux GMS représentait moins d’un milliard d’euros en 2014 comme en 2015. Les milliards dont vous avez parlé sont donc allés dans la poche non pas des agriculteurs, mais bien des consommateurs ! J’en suis pratiquement certain et je souhaite que vous puissiez me répondre à ce sujet.

En ce qui concerne la concurrence avec l’Allemagne, on le sait, les travailleurs qui viennent des pays extérieurs sont payés outre-Rhin à vil prix et y sont reçus dans des conditions qui n’ont rien à voir avec ce qui se passe chez nous. Or, cette question est importante, en particulier pour les secteurs de l’arboriculture et du maraîchage qui demandent beaucoup de main d’œuvre. Là aussi, je souhaiterais obtenir une réponse.

Je termine en disant à mes chers collègues socialistes, qui nous présenteront bientôt une proposition de résolution, que ce n’est qu’un vœu ! Les agriculteurs ne veulent plus de vœu, ils en ont eu assez. Ce serait plus efficace de voter cette proposition de loi avec nous ; elle apporte des réponses précises, ce qui peut donner de l’espoir dans nos campagnes. Je regrette que vous ne soyez pas à nos côtés ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, sur l’article.

Mme Élisabeth Lamure. Le présent article me donne l’occasion de revenir sur la loi de modernisation de l’économie, la LME, dont j’avais été rapporteur en 2008.

La LME a eu le mérite, entre autres, au moment où elle a été adoptée, de mettre fin aux marges arrière, qui étaient fortement décriées. Si elle est souvent mise en cause, je voudrais rappeler que, en réalité, ce n’est pas cette loi qui pose problème, mais son application ; c’est pourquoi, d’ailleurs, il n’y a pas eu jusque-là beaucoup d’enthousiasme pour la modifier.

Pour autant, le contexte économique, la grave crise que traverse notre agriculture, et des indicateurs économiques qui ont évolué en huit ans nous invitent à une adaptation, d’autant plus que les mentalités ont également changé. Beaucoup de Français manifestent leur soutien aux agriculteurs, leur volonté de consommer mieux et, autant qu’ils le peuvent, de consommer français.

Il y a donc une carte à jouer aujourd’hui pour mettre fin à la déflation catastrophique des prix qui empêche les éleveurs de couvrir leurs coûts de production et, encore plus, de se rémunérer. En outre, il a été régulièrement constaté qu’une augmentation des prix de quelques centimes seulement permettrait une amélioration réelle de la situation de nos agriculteurs, sans grever le pouvoir d’achat des Français.

Pour rétablir ce lien entre le travail et une juste rémunération, mon groupe propose, dans cet article 1er, que les clauses de détermination des prix tiennent compte des coûts de production des agriculteurs, avec une référence, dans les contrats, à des indicateurs d’évolution de ces coûts et des prix sur le marché.

Cette clarification et cette transparence paraissent aujourd’hui indispensables pour mettre fin à la guerre des prix qui, lors des négociations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, se présente sous la forme de pratiques totalement irresponsables et condamnables.

Lors de sa visite au salon de l’agriculture, le Président de la République a annoncé vouloir réformer la LME. Après avoir pris contact avec différents acteurs de la filière, il me semble qu’une telle modification prendra du temps. En revanche, l’adoption de cet article nous offre l’occasion d’apporter une réponse immédiate à la situation dramatique que connaissent nos agriculteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Bizet, sur l’article.

M. Jean Bizet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de me réjouir de la deuxième lecture de cette proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire.

L’adoption de son article 1er et de l’amendement n° 7 permettra de consacrer un équilibre délicat entre les deux articles fondamentaux du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne qui règlent la vie de l’agriculture et du secteur agroalimentaire français, à savoir les articles 39 et 42.

L’article 39 précise qu’il convient, d’une part, « d’assurer […] un niveau de vie équitable à la population agricole » et, d’autre part, « d’assurer des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs ». Nous sommes donc au cœur de la définition du prix d’achat des produits agricoles.

Depuis un certain nombre d’années, on voit très bien que le partage de la valeur ajoutée, qui s’établissait à peu près sur la base d’un tiers pour le producteur, un tiers pour le transformateur et un tiers pour le distributeur, a malheureusement évolué au profit du seul distributeur.

Je suis donc très heureux de la rédaction de cet article 1er qui intègre les coûts de production. J’espère que nous pourrons valablement et durablement rééquilibrer le partage de la valeur ajoutée en faveur du producteur.

J’ajoute que, à la suite d’un appel à consultation publique de la Commission européenne sur le fonctionnement des autorités nationales de la concurrence, la commission des affaires européennes a adressé, le 11 février dernier, un avis politique au Gouvernement pour insister sur le fait que l’autorité nationale doit bien préciser de nouveau les concepts de marché pertinent, d’une part, et de réindustrialisation de l’Europe, d’autre part. L’agriculture et le secteur agroalimentaire n’échappent pas à ces considérations. Monsieur le ministre, j’espère que cet avis politique sera entendu par le Gouvernement sur ce point précis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Raison, sur l’article.

M. Michel Raison. Je n’ai pas de conseils à donner à M. le ministre, mais, dans une situation de crise aussi grave que celle que vit notre pays, et son agriculture en particulier, la sérénité et le calme seraient nécessaires pour aborder ces sujets difficiles…

Cela dit, la contractualisation, qui a été un élément fort de la loi de modernisation de l’économie votée en 2008, n’a jamais été à l’origine d’une baisse des cours, comme viennent de le dire certains collègues, puisque les cours étaient très élevés en 2014, par exemple.

M. Charles Revet. Ça a marché !

M. Michel Raison. En revanche, pour vivre, cette contractualisation a besoin d’adaptations et d’enrichissements. L’apport de cet article 1er est très positif en la matière, puisqu’un bon contrat ne doit jamais être unilatéral. Or certains des contrats qui ont pu être signés s’approchaient quelque peu de l’unilatéralité : certes, la quantité y figurait, de même que les normes de qualité – monsieur le ministre, nous n’avons jamais refusé systématiquement les normes et nous avons souvent encouragé leur adoption, en particulier pour ce qui concerne la qualité –, toutefois, la « fabrication » du prix ne faisait pas référence au prix de revient ni aux variations des cours des matières premières nécessaires à l’agriculteur.

Tel est précisément l’apport positif de cet article 1er que je tenais à souligner. En obligeant l’acheteur à tenir davantage compte de la façon dont se constitue le prix chez l’agriculteur, la négociation sera plus facile avec le distributeur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume, sur l’article.

M. Didier Guillaume. Tout le monde le constate, la crise de l’agriculture est très profonde, elle ne date pas d’hier et il faut essayer d’y répondre.

Nous pouvons faire d’autres constats communs : cette crise est structurelle, même s’il faut apporter des réponses conjoncturelles. Ainsi, l’organisation de l’élevage français ne permet plus aujourd’hui de faire face à la concurrence internationale. Il faut donc essayer de voir comment notre modèle historique, fondé sur l’exploitation familiale, peut s’en sortir, en évitant d’imiter d’autres modèles qui seraient destructeurs de très nombreux emplois.

Tout à l’heure, M. le président de la commission des affaires économiques a demandé quels étaient les sujets sur lesquels nous nous séparions. J’observe tout d’abord que de nombreux points nous rassemblent, à commencer par la volonté de nous en sortir en allant de l’avant. En revanche, permettez-moi de mentionner rapidement cinq points sur lesquels nous pouvons être en désaccord.

Premièrement, cette proposition de loi, sur laquelle Henri Cabanel a indiqué que notre groupe s’abstiendrait, tout en soutenant certaines dispositions intéressantes, contient des articles qui ne respectent pas le droit européen. C’est une réalité.

Deuxièmement, vous évoquez souvent, mes chers collègues, la surtransposition des directives européennes, mais j’aimerais savoir, n’étant pas spécialiste, sur quels sujets des surtranspositions seraient intervenues depuis 2012 ? Je crois que vous n’en trouverez pas, puisqu’il me semble qu’il n’y en a pas !

Troisièmement, nous pouvons avoir une vision différente de la LME. J’observe, d’ailleurs, que l’article 1er porte non pas sur la loi de modernisation de l’économie, mais sur la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Je suis de ceux qui pensent qu’il faut revoir la LME de fond en comble ; vous l’aviez soutenue à l’époque et nous nous y étions opposés.

Quatrièmement, si un débat politique a pu avoir lieu sur les quotas laitiers, j’observe que la fin de ces quotas signifie la mort de certains éleveurs.

Cinquièmement, enfin, le dernier point qui peut nous séparer est le manque de volonté dont vous faites preuve pour soutenir M. le ministre sur les mesures qui vont dans le bon sens. Tout individu est critiquable, mais reconnaissez que l’engagement du Président de la République et du ministre de l’agriculture, lors du Conseil européen, a été positif.

Il faut aller plus loin et faire plus : sans aucun doute ! En tout cas, la discussion de cette proposition de loi ne doit pas être une occasion manquée. Mon groupe a choisi de ne pas adopter une attitude d’opposition. Nous avons la volonté de discuter et nous pensons que ce texte ne réglera pas tout, contrairement à ce que j’ai pu entendre. Certaines dispositions sont intéressantes et il faut les adopter.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Didier Guillaume. Dans le domaine de l’agriculture, nous devrions essayer de ne pas adopter d’attitudes exclusives, en faisant comme si certains avaient le monopole des bonnes idées. Nous sommes tous des fils ou des petits-fils de paysans – notre collègue Henri Cabanel est lui-même paysan –, et, pour rester fidèles à notre histoire et garantir l’avenir de notre pays, nous avons besoin de faire vivre, de défendre et de promouvoir l’agriculture ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. L’amendement n° 7, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter cet article par les mots :

, ces indicateurs et indices pouvant être régionaux, nationaux et européens,

La parole est à M. le rapporteur.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. Cet amendement vise à assurer que les indicateurs tiennent compte de la réalité du terrain. En effet, l’ensemble des producteurs interviennent sur des marchés d’échelle locale, régionale, nationale ou communautaire. Nous tenons donc à apporter cette précision à la rédaction que nous avions adoptée en première lecture.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Sagesse.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 7.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(L’article 1er est adopté.)

Article 1er (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi en faveur de la compétitivité de l'agriculture et de la filière agroalimentaire
Article 2

Article 1er bis

Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Le I de l’article L. 631-24 est ainsi modifié :

a) La seconde phrase du huitième alinéa est ainsi rédigée :

« Dès lors que l’acheteur a donné son accord au changement de producteur dans le cadre d’une reprise à un nouveau producteur satisfaisant aux conditions de capacité ou d’expérience professionnelle prévues à l’article L. 331-2 engagé dans la production depuis moins de cinq ans, l’acheteur est tenu de proposer au producteur un contrat d’une durée minimale prévue par le décret mentionné au cinquième alinéa du présent I, dont les conditions sont identiques à celles convenues avec le précédent producteur. » ;

b) Le neuvième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ce décret peut rendre incessibles les contrats de vente conclus entre producteurs et acheteurs de produits d’une ou de plusieurs productions. » ;

2° Le I de l’article L. 671-9 est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :

« 3° Le fait, pour tout bailleur, tout preneur sortant, tout exploitant agricole, tout intermédiaire ou tout acheteur de produits agricoles soit, d’avoir, directement ou indirectement obtenu une remise d’argent ou de valeurs en vue de procéder au transfert entre producteurs d’un contrat rendu obligatoire au titre du I de l’article L. 631-24, soit d’imposer ou tenter d’imposer la reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci.

« Les sommes indûment perçues sont sujettes à répétition et majorées d’un intérêt calculé à compter de leur versement et égal au taux de l’intérêt légal mentionné à l’article L. 313-2 du code monétaire et financier majoré de trois points.

« En cas de reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci, l’action en répétition peut être exercée dès lors que la somme versée a excédé ladite valeur de plus de 10 %.

« L’action en répétition exercée demeure recevable pendant toute la durée du contrat transféré et de ses renouvellements ou reconductions successifs. »

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Bizet, sur l’article.

M. Jean Bizet. Je veux rappeler, à l’occasion de la discussion de cet article, le principe de l’incessibilité des contrats laitiers que nous avions clairement évoqué lors de la première lecture.

Cela dit, on peut envisager la cession de contrats, à condition qu’elle intervienne au sein d’une même organisation de producteurs, ou OP. C’est d’ailleurs l’objet de l’amendement que va nous proposer M. le rapporteur.

Je crois très sincèrement que les OP devront évoluer vers un statut commercial. Ce serait un premier pas vers un redimensionnement et une association des OP, afin que celles-ci aient un caractère véritablement territorial et puissent, en quelque sorte, faire contrepoids aux transformateurs.

Au-delà, nous devons bien nous dire que nous ne ferons pas l’économie d’une restructuration de la filière laitière française. Pendant un certain nombre d’années, la production laitière a tenu lieu de politique d’aménagement du territoire. Aujourd’hui, la régionalisation de la production est en marche et il faudra l’accompagner.

Permettez-moi d’ajouter une observation – qui ne s’adresse pas à vous personnellement, monsieur le ministre ! – concernant l’accord obtenu sur la limitation de la production lors du conseil des ministres de l’agriculture du 12 mars dernier. Dans la mesure où cette limitation intervient sur une base volontaire, on le sait très bien, sur les vingt-huit États membres, vingt-six ont déjà augmenté leur production. Il n’y aura donc pas de modération de la production. Nous allons nous trouver dans le même cas de figure qu’en 2009 : la France sera le meilleur élève de la classe…