M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, auteur de la question n° 1329, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Michelle Demessine. Je tiens à interpeller le Gouvernement sur un sujet qui m’est particulièrement cher : le combat contre les conséquences de l’utilisation de l’amiante.

Il me paraît bon de le rappeler, ce fléau a causé, et cause encore des maladies mortelles, notamment chez les salariés des grandes industries métallurgiques ou sidérurgiques qui ont été particulièrement touchés. Il suffit de se rendre régulièrement dans les assemblées générales de victimes de l’amiante, comme je le fais, pour réaliser l’ampleur du désastre.

Face à ce scandale sanitaire, les industriels qui ont exposé leurs salariés à l’amiante continuent à user de tous les arguments juridiques pour nier leurs responsabilités. C’est tout le sens de l’arrêt du Conseil d’État du 9 novembre 2015, qui a malheureusement donné gain de cause à la société des Constructions mécaniques de Normandie en condamnant l’État à lui verser 350 000 euros.

Par cet arrêt, la plus haute juridiction administrative a admis qu’un employeur condamné au titre de la faute inexcusable se retourne contre l’État pour réclamer un remboursement partiel des indemnités versées à ses salariés victimes de l’amiante !

Pour les victimes de l’amiante, leurs familles, les associations et les syndicats qui les soutiennent, cet arrêt résonne comme un coup de tonnerre. Elles n’acceptent tout simplement pas que les industriels mettent le prix de leurs fautes à la charge du contribuable. En outre, cet arrêt risque de faire « tache d’huile », puisque les groupes Latty et Eternit ont obtenu des jugements similaires et favorables devant les tribunaux administratifs de Nantes et de Versailles.

Pour entrer rapidement dans le détail de l’arrêt, l’État est condamné pour la période d’avant 1977, date du décret imposant une série de mesures à prendre lors de travaux au contact de l’amiante. Cependant, les règles en vigueur avant 1977 étaient déjà suffisamment précises pour constituer une obligation particulière de sécurité en matière d’amiante. Tout le monde connaissait déjà la dangerosité de ce matériau.

Ainsi, ne va-t-on pas vers une déresponsabilisation des employeurs dans la mise en danger de la santé de leurs salariés ? Si ce revirement jurisprudentiel était confirmé, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour éviter un recul important et dramatique de la responsabilité des entreprises face au fléau de l’amiante ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l’État et de la simplification. Madame la sénatrice, je vous prie d’excuser l’absence de M. le garde des sceaux, qui est retenu par d’autres obligations.

J’en profite pour saluer votre combat constant pour la défense des salariés victimes de l’amiante. Je sais que de nombreuses régions françaises sont concernées, mais votre région, le Nord de la France, a été particulièrement frappée. Permettez-moi d’associer à ce bref hommage mon amie et ancienne collègue Marie-Christine Blandin. Nous avons pu ensemble intervenir sur ces thématiques, qui intéressent à la fois la justice, la solidarité, la santé et l’écologie. Il s’agit donc de luttes que nous menons ensemble !

Vous interpellez le Gouvernement sur la manière dont la jurisprudence traite de la responsabilité des entreprises dans l’exposition de leurs salariés à l’amiante.

Il convient tout d’abord de rappeler un principe : les victimes doivent être indemnisées pour le préjudice qu’elles ont subi, et chacun doit payer à hauteur de sa responsabilité. C’est sur ce principe que se fonde la jurisprudence du Conseil d’État en matière d’exposition à l’amiante.

La responsabilité de l’État pour carence dans la prévention des risques liés à l’exposition des travailleurs aux poussières d’amiante a été reconnue pour la première fois le 3 mars 2004 par le Conseil d’État.

L’arrêt du 9 novembre 2015, que vous évoquez à juste titre, vise uniquement à préciser les conditions du partage de responsabilité entre l’État et l’employeur qui a été condamné par le juge judiciaire à réparer le préjudice résultant d’une exposition aux poussières d’amiante.

Ainsi, et c’est important, pour le Conseil d’État, la circonstance que l’employeur ait été condamné pour « faute inexcusable » ne fait pas obstacle à ce que la responsabilité de l’État puisse être engagée à raison de la faute commise, à condition qu’il en soit résulté un préjudice « direct et certain », selon les termes précis de l’arrêt.

Pour autant, il ne s’agit pas du tout de déresponsabiliser les employeurs.

D’abord, l’État, qui doit lui aussi être exemplaire, ne voit sa responsabilité engagée que sur les seules fautes liées aux obligations qui lui incombent directement. À ce titre, un recours de l’employeur contre l’État doit prouver la causalité directe entre la faute de l’État et les pathologies des victimes.

Ensuite, en cas de faute « particulièrement grave et délibérée », l’employeur demeure seul redevable de l’indemnisation de la victime et ne peut pas se retourner contre l’État.

Enfin, l’employeur poursuivi par une victime doit l’indemniser intégralement avant d’exercer un recours contre l’État.

Comme vous le voyez, la jurisprudence ne décharge aucunement les employeurs reconnus fautifs pour avoir mis leurs salariés en danger ; ils doivent assumer leurs responsabilités et indemniser les victimes de l’amiante.

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse juridiquement très argumentée.

Je persiste cependant à vouloir attirer l’attention du Gouvernement sur les dérives que l’on peut craindre du fait de l’extension d’une telle jurisprudence à l’ensemble des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Nous devons rester particulièrement vigilants dans la période de déréglementation à tout va que nous vivons. Je souhaite que la parole de l’État reste forte dans ce domaine.

gens du voyage et aires d’accueil

M. le président. La parole est à M. Alain Chatillon, auteur de la question n° 1268, adressée à Mme la ministre du logement et de l’habitat durable.

M. Alain Chatillon. Madame la ministre, j’attire votre attention sur un sujet préoccupant, celui de l’accueil des gens du voyage, en particulier dans mon département, la Haute-Garonne. Ma question concerne surtout l’occupation de l’aire d’accueil qui leur est dédiée dans les communes, comme la mienne, car c’est ce qui pose fréquemment des problèmes.

Depuis vingt ans, la commune de Revel a tenu ses engagements, en réalisant une aire d’accueil des gens du voyage. Il a fallu, seulement sept ans après, réhabiliter en totalité cet équipement, qui avait coûté un million d’euros, pour un montant supplémentaire de 500 000 euros.

Afin de remplir ses obligations relatives à la réglementation en vigueur, la commune a pris un arrêté municipal au mois de mars 1999, interdisant le stationnement des caravanes des gens du voyage en dehors de cette aire.

Depuis lors, chaque été, à Revel-Saint-Ferréol, site important du Lauragais qui accueille près de 130 000 touristes chaque année, des caravanes s’installent dans les zones industrielles, les zones touristiques, à l’entrée des campings, sans que l’on parvienne à trouver des solutions.

Je le rappelle, la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance autorise la mise en place d’une procédure d’évacuation administrative à l’encontre des gens du voyage stationnant illégalement sur un terrain. Le préfet de la région Midi-Pyrénées a d’ailleurs adressé aux maires du département de la Haute-Garonne un rappel concernant ce dispositif le 12 juillet 2012.

La négociation devient de plus en plus difficile ; je ne suis pas le seul maire à le dire. Certaines personnes, il faut le reconnaître, ont une conduite correcte. Mais d’autres se conduisent de plus en plus mal !

Nombre de maires du département de Haute-Garonne doivent gérer le même type de problèmes. Une telle situation ne pourra pas durer bien longtemps, car les habitants expriment leur mécontentement et reprochent leur laxisme aux politiques et à l’administration.

À l’heure où toutes les communes doivent restreindre leur budget d’investissement compte tenu de la baisse drastique des dotations de l’État, je vous demande comment trouver un équilibre acceptable pour tous.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur les aires d’accueil destinées aux gens du voyage et sur les difficultés que vous rencontrez.

Comme vous le savez, la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage vise à concilier les besoins en accueil des gens du voyage et les préoccupations des collectivités locales pour éviter les installations illicites.

La loi prévoit l’élaboration d’un schéma départemental pour l’accueil des gens du voyage, ainsi qu’un certain nombre de mesures définies en lien avec les représentants des gens du voyage. Le schéma de Haute-Garonne a été approuvé par arrêté conjoint du préfet et du président du conseil départemental ; il a été publié le 8 février 2013. Les prescriptions, à savoir 45 aires d’accueil, soit 969 places de caravanes, n’ont été réalisées qu’à hauteur de 60 %. La majorité des aires aménagées sont occupées toute l’année à 100 %. Votre commune a réalisé son aire d’accueil de 16 places.

Dans le département de Haute-Garonne, sur les cinq aires de grand passage inscrites au schéma initial et réinscrites dans le schéma révisé, aucune n’a été réalisée. Or le nombre des grands passages en période estivale augmente chaque année. Faute d’aire de grand passage, les groupes qui traversent le département sont amenés à stationner sur des terrains publics ou privés inadaptés. Il s’ensuit des dégradations, provoquant des situations conflictuelles avec les populations riveraines, d’où la nécessité, encore une fois, de créer des aires dédiées à ces passages de grands groupes, afin d’éviter ces stationnements illicites, qui mettent en difficulté les collectivités et les populations riveraines. La problématique doit être évoquée et traitée au sein de la commission départementale consultative de votre département.

Par ailleurs, une instruction annuelle du ministre de l’intérieur rappelle aux préfets de département l’importance que revêt une préparation en amont de ces arrivées de grands groupes de caravanes de gens du voyage et la nécessaire mobilisation de l’ensemble des acteurs concernés par ces déplacements. Cette instruction invite également les préfets de département à confronter leurs prévisions et, le cas échéant, à ajuster les dispositions prises lors d’échanges avec leurs collègues des départements limitrophes.

En ce qui concerne les procédures pour occupation illicite de terrains, les communes de plus de 5 000 habitants et les établissements publics de coopération intercommunale disposant de la compétence aménagement, entretien et gestion des aires d’accueil qui ont réalisé leurs obligations au titre du schéma départemental d’accueil et d’habitat des gens du voyage peuvent bénéficier de la procédure administrative de mise en demeure et d’évacuation forcée. La loi permet au préfet, saisi d’une demande du maire, du propriétaire ou du titulaire du droit d’usage du terrain, de mettre en demeure par arrêté les propriétaires de résidences mobiles qui stationnent irrégulièrement sur le terrain.

Le Gouvernement est attentif à garantir des droits effectifs aux gens du voyage, mais il est aussi sensible aux difficultés rencontrées par les élus. Il prête donc la plus grande attention aux réflexions des parlementaires sur ce sujet, notamment dans le cadre de la proposition de loi relative au statut, à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, texte qui a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 9 juin 2015 et qui, je l’espère, sera prochainement inscrit à l’ordre du jour du Sénat. Il entend soutenir les évolutions législatives nécessaires pour renforcer l’effectivité des droits des gens du voyage, mais aussi pour donner aux élus locaux des moyens de mettre fin aux occupations illégales en modernisant la procédure administrative de mise en demeure et d’évacuation forcée.

M. le président. La parole est à M. Alain Chatillon.

M. Alain Chatillon. Madame la ministre, j’entends bien vos propos. Mais, entre le verbe et la mise en place des mesures promises, il existe parfois un écart très important compte tenu des difficultés rencontrées, quelles que soient les sensibilités des membres du Gouvernement.

Le département de Haute-Garonne étant historiquement de votre sensibilité depuis soixante-dix ans, je serais très heureux si vous pouviez intervenir directement… Il ne faut pas pénaliser ceux qui ont fait le travail, comme cela se produit aujourd’hui !

rénovation des logements sociaux étudiants à nice

M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, auteur de la question n° 1313, adressée à Mme la ministre du logement et de l'habitat durable.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Madame la ministre, ma question porte sur l’intégration des résidences universitaires du centre régional des œuvres universitaires et scolaires, ou CROUS, dans le quota de logements prévus par la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU.

L’article 55 de cette loi impose un seuil minimal de 20 % de logements sociaux dans les communes de plus de 3 500 habitants, seuil porté à 25 % par la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social.

Toutefois, le manque de foncier disponible dans le département des Alpes-Maritimes ralentit la réalisation de ces logements. Plus encore, le problème du « fléchage » budgétaire ajoute un frein supplémentaire aux objectifs légaux, notamment pour les résidences universitaires.

La métropole Nice-Côte d’Azur et la ville de Nice sont très impliquées en faveur du logement locatif social, mais également en faveur du logement social étudiant. Depuis 2008, 1 038 logements ont été agréés, 308 ont été livrés, et 730 le seront d’ici à 2017. Ces nouveaux logements étudiants ont fait l’objet d’un agrément au titre du logement locatif social et sont ou seront bien intégrés au « quota SRU ».

Outre ces engagements financiers en faveur de la production nouvelle, nous apportons un soutien important au CROUS pour la réhabilitation des résidences existantes, particulièrement vieillissantes.

Ainsi, les résidences du CROUS datent des années soixante et soixante-dix. Elles représentent 2 200 logements ou chambres sur la seule commune de Nice, et elles ne sont pas comptabilisées en qualité de logement locatif social, malgré leur évidente vocation sociale, du fait d’un fléchage budgétaire différent de celui qui est consacré au parc social.

Pourtant, ces logements, réalisés selon d’anciennes normes et, pour partie, réhabilités ou en cours de réhabilitation, accueillent des étudiants aux ressources faibles, le plus souvent bénéficiaires de bourses universitaires.

Les critères d’occupation de ces logements devraient donc l’emporter sur les critères de financement afin de déterminer les agréments.

Madame la ministre, dès lors que les conditions d’attribution de ces logements répondent à des plafonds de ressources pour les occupants et obéissent à la même logique de solidarité que le parc social, comptez-vous modifier la loi afin d’intégrer et de comptabiliser l’ensemble des logements sociaux étudiants en logement social, qu’ils soient nouvellement produits ou rénovés ?

L’article 35 du projet de loi égalité et citoyenneté, qui est actuellement examiné par le Conseil d’État, prévoit des mesures relatives aux résidences universitaires. L’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance permettra-t-elle la reconversion des logements étudiants existants et rénovés pour encourager les collectivités à moderniser leurs résidences universitaires et leur permettre ainsi de les comptabiliser dans le quota des logements sociaux ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable. Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur la possibilité d’intégrer au décompte des logements sociaux réalisé au titre de l’article 55 de la loi SRU les résidences universitaires du CROUS dites d’« ancienne génération », en cours de réhabilitation dès lors que ces logements sont attribués à des étudiants à faibles ressources ou à des étudiants boursiers.

Vous le savez, la loi SRU impose à certaines communes l’obligation de disposer d’un taux minimal de logement social. Elle définit à ce titre les conditions à satisfaire pour que les logements puissent être pris en compte dans le cadre de l’inventaire SRU. Plus précisément, le principe général qui guide le décompte des logements SRU réside, d’une part, dans l’agrément de ces logements au titre du logement social ou à des fins sociales, donc au conditionnement de leur accès à des critères de ressources, en lien avec le financement par l’État – cela explique les difficultés actuelles concernant le CROUS –, et, d’autre part, dans la conclusion d’une convention ouvrant droit à l’aide personnalisée encadrant de manière pérenne les loyers ou redevances à verser par les occupants de ces logements. C’est à ce titre que les logements financés en prêts locatifs sociaux et destinés aux étudiants sont aujourd’hui pris en compte dans l’inventaire des logements locatifs sociaux SRU.

En revanche, si les logements des résidences du CROUS d’ancienne génération sont effectivement occupés par des étudiants à faibles ressources ou des étudiants boursiers, cela ne saurait en droit justifier leur comptabilisation SRU en qualité de logements locatifs sociaux pérennes, soumis à des conditions de loyers et de ressources et universellement accessibles au regard des critères que je viens de rappeler.

À cet égard, l’intégration a posteriori, et en pure opportunité, de ces résidences étudiantes dans la définition des logements sociaux mettrait à mal l’atteinte des objectifs de loi SRU.

Vous attirez mon attention sur les difficultés que rencontre le territoire niçois, qui se caractérise par une tension sur la demande en logement locatif social extrêmement élevée. Il s’agit – vous le savez parfaitement, étant très engagée sur la question – de l’un des territoires de France sur lequel la pression sur la demande est la plus forte ! Comme vous le rappelez, en dépit de l’engagement fort des collectivités et des acteurs, ainsi que des efforts récemment menés pour la construction de logements locatifs sociaux, le taux de logement social de la ville de Nice en regard des résidences principales n’a augmenté que de 10,7 % à 12,3 % de 2004 à 2015, alors que la ville doit disposer de 25 % de logements sociaux à l’horizon 2025.

Dans ces conditions, la réponse aux besoins émis par les ménages modestes de l’agglomération niçoise ne saurait donc être apportée par le décompte dérogatoire des logements CROUS d’ancienne génération. Les communes de l’agglomération doivent vous accompagner dans les efforts importants que vous déployez, pour poursuivre leurs engagements en faveur du développement de l’offre de logement locatif social, et prendre leur juste part à l’effort de solidarité.

Vous évoquez des difficultés spécifiques quant à la production d’une telle offre supplémentaire dans des territoires où le foncier est rare et cher, comme c’est le cas à Nice. Je tiens à rappeler que les efforts ne passent pas simplement par la construction. Des objectifs de rattrapage peuvent tout aussi bien être satisfaits par l’acquisition-amélioration de logements existants ou par la mobilisation du parc privé conventionné avec l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH. Je reste évidemment à votre disposition pour soutenir les efforts de votre agglomération, qu’il convient de souligner.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Madame la ministre, je suis très sensible au fait que vous reconnaissiez les efforts que nous consentons depuis quelques années déjà en faveur du logement locatif social, là où, pendant des années, sur notre territoire, cette question n’a effectivement pas constitué une priorité…

Pour autant, il me semble important d’avoir une vision pragmatique de la réalité. Dans un territoire tendu comme le nôtre, les élus manifestent une réelle volonté de poursuivre ces efforts en faveur de la production de logements sociaux, tous segments confondus, qu’il s’agisse de la production nouvelle à titre de vente en l’état futur d’achèvement, de la maîtrise d’ouvrage par les bailleurs sociaux – vous avez fait allusion aux acquisitions-améliorations : nous y avons recours, même si cela coûte plus cher –, ainsi que du conventionnement dans le parc privé, avec les contraintes budgétaires qui en découlent, puisque les enveloppes de l’ANAH sont assez contraintes : nous bataillons d’ailleurs au niveau du préfet de région pour obtenir le nécessaire.

Néanmoins, dans des communes situées dans un territoire tendu, comme la nôtre, il ne faut pas décourager les élus. Au contraire ! Là où des possibilités apparaissent pour intégrer des logements déjà existants dans le quota de logements sociaux – je pense évidemment plus particulièrement aux résidences universitaires qui n’obèrent pas nos efforts constants en la matière –, il convient de se doter d’une vision beaucoup plus pragmatique, afin d’accompagner les élus et de les encourager dans leurs efforts et leur politique volontariste. Nous enverrons ainsi un signe fort, au lieu d’en rester à des positions encore un peu trop dogmatiques : nous savons que, dans des territoires comme le nôtre, certains objectifs seront très difficiles à atteindre, y compris d’ici à 2025.

aide personnalisée au logement pour les apprentis

M. le président. La parole est à M. Henri Tandonnet, auteur de la question n° 1271, adressée à Mme la ministre du logement et de l'habitat durable.

M. Henri Tandonnet. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur la situation des apprentis. Au moment où l’on veut favoriser l’apprentissage, certains freins en matière de logement restent problématiques.

En effet, le logement est une condition importante, puisqu’il présente, le plus souvent, un double besoin : l’apprenti doit pouvoir se loger à proximité de son lieu de formation d’enseignement général, mais également sur le lieu de la formation professionnelle auprès du maître de stage.

La plupart du temps, l’apprenti est donc dans l’obligation de prendre un double logement, qu’il doit financer lui-même, ce qui constitue une lourde charge. Une aide personnalisée au logement, ou APL, peut être demandée auprès de la caisse d’allocations familiales. Elle n’est cependant pas toujours accordée, puisque les modalités d’attribution et le montant sont conditionnés aux trois critères suivants : l’âge du ou de la locataire ; son statut professionnel ; enfin, ses revenus de l’année n-2.

Ce troisième point est prédominant. Par conséquent, il est fréquent que le jeune apprenti soit contraint d’abandonner son projet professionnel faute de pouvoir financer seul le paiement intégral de son loyer.

Il ne semble pas cohérent que les revenus de l’année n-2 conditionnent l’obtention d’une APL. Certaines personnes se trouvent sanctionnées par rapport aux autres demandeurs du simple fait d’avoir perçu des revenus, souvent très modestes, deux ans auparavant. À n’en pas douter, c’est une anomalie qui ne s’inscrit absolument pas dans le sens d’une politique en faveur de l’apprentissage et de l’aide à l’insertion dans la vie professionnelle.

Madame la ministre, je souhaite donc connaître votre point de vue sur ce critère, qui paraît peu pertinent, ainsi que sur les modifications éventuelles qui pourraient rendre plus juste le dispositif d’obtention de l’APL, notamment pour les apprentis.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur le dispositif d’obtention par les apprentis des aides personnelles au logement, notamment sur le mode de calcul concernant leurs revenus.

En effet, les aides au logement sont calculées sur la base des revenus pris en compte au titre de l’impôt sur le revenu et perçus au cours de l’année civile n-2.

Il résulte de cette situation un décalage temporel important entre les revenus pris en compte pour le calcul des aides au logement et ceux qui sont perçus au moment où cette aide est versée. Ce décalage profite à l’allocataire lorsque ses revenus augmentent, mais peut en effet lui être défavorable en cas de diminution brutale de ses ressources. C’est pourquoi il est prévu des mesures d’abattement ou de neutralisation des ressources de l’année n-2, par exemple en cas de chômage ou d’admission au bénéfice du RSA socle.

Par ailleurs, en cas de double résidence, les apprentis bénéficient d’un abattement forfaitaire sur leurs ressources, majorant ainsi l’aide versée.

Enfin, il existe d’autres aides au logement destinées aux apprentis qu’il me semble utile de mobiliser. Le dispositif MOBILI-JEUNE, développé par Action Logement, vise tous les jeunes de moins de trente ans, étant en formation en alternance, sous contrat de professionnalisation ou d’apprentissage et percevant au plus 100 % du SMIC. L’entreprise qui accueille l’alternant doit cotiser au 1 % logement, ce qui est le cas dans toutes les entreprises de plus de vingt salariés.

MOBILI-JEUNE est une subvention pouvant atteindre 100 euros par mois, visant à prendre en charge tout ou partie de l’échéance du loyer, déduction faite des APL, pour une durée maximale de trois ans. Elle est disponible pour tous les types de logements : colocations, locations vides ou meublées, logement en foyer ou résidence sociale, en sous-location, mais exclusivement dans le parc social, en chambre en internat. L’occupation du logement doit être liée à la période de formation.

Cette aide MOBILI-JEUNE est cumulable avec les APL, mais aussi avec d’autres dispositifs d’Action Logement comme le dispositif Loca-pass, prêt à taux zéro pour financer tout ou partie d’un dépôt de garantie réclamé au locataire lors de son entrée dans les lieux. Ce prêt s’adresse également aux jeunes de moins de trente ans, en formation professionnelle ou en recherche d’emploi, mais aussi aux étudiants salariés en CDD de trois mois minimum, aux étudiants en stage conventionné ou encore aux étudiants boursiers d’État. Je mentionnerai enfin la garantie Loca-pass accordée également par les organismes d’Action Logement, qui permet de garantir au bailleur le paiement du loyer et des charges en cas de difficultés budgétaires temporaires du locataire. Cette garantie fait donc office de caution pour le bailleur.

Les apprentis peuvent enfin bénéficier du nouveau dispositif VISALE, pour Visa pour le logement et l’emploi, nouveau service en ligne d’Action logement, qui permet de cautionner les loyers du parc privé.

Enfin, il existe des aides spécifiques au logement pour les jeunes apprentis qui rencontrent des problèmes avec plusieurs résidences, afin de trouver des solutions d’hébergement temporaire. Des logements peuvent notamment être mis temporairement à leur disposition par les foyers de jeunes travailleurs, qui ont pour mission d’accueillir les jeunes en stage, en activité professionnelle ou en apprentissage jusqu’à trente ans.

En conclusion, les APL constituent certainement l’aide au logement à destination des jeunes apprentis la plus connue. Cette aide est complétée par des dispositifs d’aide spécifique, d’avance et de garantie, développés par Action Logement, mais également par des solutions d’hébergement en faveur de ces jeunes en apprentissage.