M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.

M. Yannick Vaugrenard. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de votre réponse détaillée sur le plan juridique, et argumentée sur le plan politique et économique.

J’ai bien intégré qu’il serait possible de bénéficier d’une exonération de taxe foncière à partir de 2015. Mon interrogation portait uniquement sur la période 2009-2014. L’exonération aura-t-elle ou non un effet rétroactif ? J’espère pouvoir obtenir une réponse très rapidement – le plus tôt sera le mieux -, sachant que le port de Nantes - Saint-Nazaire représente 25 000 emplois. C’est un atout économique considérable.

J’y insiste, monsieur le secrétaire d’État, le montant de la taxe foncière pour les années 2009 à 2014 représente 1,8 million d’euros, ce qui n’est pas rien !

réduction des coûts de fonctionnement des agences de l’état

M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, auteur de la question n° 1147, adressée à M. le secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget.

Mme Corinne Imbert. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur le coût de fonctionnement des agences de l’État.

En effet, 1 244 agences de l’État sont répertoriées à ce jour par l’Inspection générale des finances, sans parler des nombreux comités dont la clarté des missions n’est pas d’une évidence naturelle… Sont dénombrés 560 opérateurs, le reste des structures étant des établissements publics et associations avec mission de service public.

Chaque année, le coût de fonctionnement de l’ensemble de ces agences est estimé à 50 milliards d’euros, malgré des recommandations visant à supprimer ou à réduire le champ de certaines d’entre elles. Il convient de noter que leur coût de fonctionnement a augmenté de 4,3 % par an entre 1986 et 2008, quand celui de l’État n’augmentait que de 2,6 %.

L’Inspection générale des finances, dans un rapport publié le 17 septembre 2012, dénonçait alors les effectifs pléthoriques et le coût de ces agences. Plus de 442 000 personnes y travailleraient, avec des salaires plus élevés que dans la fonction publique d’État traditionnelle.

De son côté, la Cour des comptes avait déjà qualifié l’Agence de financement des infrastructures de transport de France d’« inutile » dans son rapport annuel de 2009 et sa suppression était recommandée. Cependant, la structure a été pérennisée.

Outre la gestion douteuse de certaines agences dénoncée par la Cour des comptes, qui évoque un « cadre juridique dépourvu de stabilité et de clarté » au sujet de la Société de valorisation foncière et immobilière, des doublons existent, notamment dans le secteur de la santé.

Ainsi, l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux, la Haute Autorité de santé et l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux, ont pour même mission de faire des recommandations concernant le secteur médico-social.

Bien entendu, certaines agences de l’État, comme Météo France ou encore Pôle Emploi, ne sont pas concernées par ce constat, car elles remplissent une mission de service public indispensable.

En mai 2014, le Premier ministre avait promis de réduire les coûts afférents au fonctionnement des agences de l’État. L’Inspection générale des finances proposait, dans son rapport, de commencer par piocher dans les trésoreries excédentaires de ces agences, soit un fonds estimé à 2 milliards d’euros. Cette orientation va-t-elle être retenue et mise en œuvre ? Si oui, quelles seront les principales décisions à venir afin de réduire les coûts ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Madame la sénatrice, je pourrais répondre d’un mot à la dernière partie de votre question : oui, le Gouvernement entend bien aller dans le sens que vous évoquez. J’espère d’ailleurs que nous trouverons à nos côtés l’ensemble des sénatrices et des sénateurs pour poursuivre un travail qui a déjà été largement engagé.

Les agences de l’État interviennent effectivement dans de nombreux domaines, et je vous épargne leur énumération.

Conformément aux engagements du Premier ministre, la maîtrise des dépenses des opérateurs constitue un axe d’économie structurant pour la période 2015-2017. Ces organismes ont vu leurs ressources progresser parfois de plus de 15 % au cours du dernier quinquennat et ont ainsi bénéficié d’une situation financière souvent beaucoup plus favorable que celle des administrations de l’État, comme vous l’avez souligné.

Venant renforcer les mesures déjà prises en 2013 et en 2014, une série de réformes ont donc été engagées en 2015 pour mettre en meilleure adéquation les ressources et les besoins liés aux activités de ces agences, quelle que soit la nature du financement dont elles bénéficient, taxes affectées ou subventions pour charges de service public.

Des efforts substantiels ont ainsi été engagés, avec une réduction de 1,1 milliard d’euros des ressources fiscales affectées aux agences dès 2015. Une partie de ces économies ont pris la forme de contributions exceptionnelles au budget général pour les organismes ayant accumulé des fonds de roulement excédentaires. Ces mesures ont été donc mises en œuvre, mais pas toujours avec le soutien du Parlement…

Par ailleurs, ces dispositions transitoires ont été complétées par les baisses des plafonds de plusieurs taxes, ainsi que par une extension du champ du plafonnement, en vue d’une généralisation complète en 2016, afin d’aboutir à une diminution rapide de la dépense publique.

Les baisses de plafonds des taxes affectées aux agences se poursuivront, avec 195 millions d’euros d’économies supplémentaires en 2016 – nous aurons l’occasion d’en débattre lors de la discussion du prochain projet de loi de finances – et 142 millions en 2017.

De plus, le recours à ces ressources fera l’objet d’un encadrement plus strict, conformément aux règles prévues par le projet de loi de programmation des finances publiques pour 2014-2019.

Plus généralement, les subventions versées par l’État aux opérateurs ont été globalement stabilisées : la mise en œuvre de mesures de modernisation et de mutualisation, semblables aux principes et aux méthodes mises en place par les administrations de l’État, a permis de dégager près de 700 millions d’économies et d’absorber la croissance spontanée des dépenses, notamment en matière de masse salariale.

Vous avez également évoqué la multiplicité de ces agences. Le prochain projet de loi de finances, actuellement en cours de préparation, prévoira un certain nombre de fusions, notamment en matière de santé. Mais nous aurons l’occasion d’y revenir au cours des débats budgétaires de l’automne.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert.

Mme Corinne Imbert. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État. Je ne doute pas que nous tous, Gouvernement, élus, maires, présidents d’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, avons conscience de la nécessité de participer à l’effort national de réduction des dépenses publiques.

Il est donc important que l’État montre l’exemple et suive les recommandations de la Cour des comptes, notamment au sujet des agences de l’État, d’autant que les chambres de commerce et d’industrie ont été prélevées sur leur fonds de réserve. Pourquoi en irait-il autrement pour les agences de l’État ?

Quant aux collectivités, que nous représentons, elles ont subi des baisses de dotations drastiques. Pour les départements, avec le non-financement intégral des allocations individuelles de solidarité, ce n’est plus d’un effet ciseaux qu’il faut parler, mais d’un véritable couteau sous la gorge !

Je compte sur vous, monsieur le secrétaire d’État, et je prends acte de vos engagements. Comme l’ensemble de mes collègues, je suivrai toutes ces questions avec beaucoup d’attention.

projet de fermeture de la trésorerie de largentière

M. le président. La parole est à M. Jacques Genest, auteur de la question n° 1152, adressée à M. le ministre des finances et des comptes publics.

M. Jacques Genest. Monsieur le secrétaire d’État, par un courrier en date du 22 mai dernier, la direction départementale des finances de l’Ardèche a informé les élus qu’elle envisageait de fermer la trésorerie de Largentière au 1er janvier 2016 pour la fusionner avec celle qui est installée sur la commune de Joyeuse.

Pour motiver ce choix, la direction départementale évoque les « graves difficultés de fonctionnement » de cette trésorerie en se fondant sur la faiblesse des effectifs présents. En effet, seuls deux agents sont en poste dans cette trésorerie, et l’un d’eux doit être muté au 1er septembre. Sans être capable d’indiquer si ce dernier sera remplacé, la direction départementale avance que ce ne pourrait l’être que par « un jeune inexpérimenté ».

Nous sommes donc dans un cas d’espèce assez intéressant : alors que l’on serait en droit d’attendre de votre administration déconcentrée qu’elle veille à régler ses problèmes de gestion du personnel pour offrir aux usagers et aux élus le meilleur service, cette administration préfère invoquer ses propres dysfonctionnements pour expliquer la suppression envisagée.

Reconnaissez que c’est là une façon pour le moins surprenante de présenter les choses, et j’irais jusqu’à dire qu’elle contrevient d’une certaine manière au principe général du droit qui veut que nul ne puisse se prévaloir de sa propre turpitude.

Monsieur le secrétaire d’État, je tiens à préciser que Largentière est une sous-préfecture, ce qui la fonde à héberger un certain nombre de services publics et d’administrations. Par ailleurs, la commune de Joyeuse n’est située ni sur le même canton ni sur le territoire de la même intercommunalité ; on est donc en droit de s’interroger sur la pertinence d’un tel choix.

Au-delà, c’est surtout la question de l’attractivité et de la vitalité des petites communes qui est posée, ainsi que celle de la qualité du service rendu à nos concitoyens habitant ces territoires ruraux dont l’État ne cesse de se désengager.

Je souhaite donc savoir, monsieur le secrétaire d’État, si vous envisagez de proposer une alternative à ce projet qui inclue le maintien de ce service public de proximité.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur, mais, sachant comment des membres de votre groupe stigmatisent l’inflation des effectifs de la fonction publique, je ne peux m’empêcher de relever une certaine contradiction avec vos propos.

En premier lieu, le ministère des finances et des comptes publics contribue de façon exemplaire à la réduction du train de vie de l’État et voit donc ses moyens considérablement diminuer. J’en veux pour preuve l’effort qui lui sera une nouvelle fois demandé en 2016 en termes de suppressions d’emplois : la Direction générale des finances publiques contribuera en effet à elle seule à la moitié des suppressions d’emplois de l’ensemble des fonctionnaires d’État, et ce alors même que les attentes à son égard sont loin de se réduire et pourraient même s’accroître avec la mise en place de la retenue à la source.

En second lieu, et c’est bien le plus important, malgré ce contexte très contraint, la qualité de service et l’efficacité de l’action publique sur l’ensemble du territoire national restent bien sûr une priorité.

La DGFiP s’attache ainsi à adapter ses implantations à l’évolution des flux de populations, des attentes des usagers et des structures territoriales, à prendre en compte la récente loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, le développement de l’intercommunalité.

S’il apparaît que l’implantation d’une trésorerie ne répond plus aux attentes des différents publics, son regroupement avec une unité voisine peut ainsi être mis à l’étude.

La méthode appliquée par la DGFiP est déconcentrée, fondée sur le dialogue et sur l’appréciation des besoins au plus près du terrain. Les opérations de réorganisation sont réalisées à l’issue d’une concertation approfondie avec le préfet, les élus concernés, les personnels et les organisations syndicales. Chaque opération de regroupement nous est ensuite proposée pour validation.

S’agissant plus précisément de la trésorerie de Largentière, un projet de regroupement avec celle de Joyeuse, qui présente l’avantage d’être à mi-chemin entre le sud du département et la ville d’Aubenas, est effectivement à l’étude et a fait l’objet de concertations locales avec l’ensemble des acteurs.

Ce qui a été privilégié, à ce stade, c’est à la fois l’accessibilité de la commune de Joyeuse, mais aussi son importance relative, puisqu’elle compte déjà six emplois, alors qu’il n’y a plus que deux agents à Largentière.

Aucune décision n’est encore arrêtée, mais la directrice départementale des finances publiques de l’Ardèche a d’ores et déjà proposé, avec l’accord du préfet, l’organisation de permanences dans les locaux de la sous-préfecture de Largentière, afin de maintenir un accueil de proximité, comme vous le souhaitez, dans le cas où le projet de fusion serait mené à son terme.

Michel Sapin et moi-même rendrons nos décisions d’ici à la rentrée concernant non seulement le projet de regroupement de la trésorerie de Largentière avec celle de Joyeuse, mais aussi l’ensemble des projets sur tout le territoire national.

M. le président. La parole est à M. Jacques Genest.

M. Jacques Genest. Monsieur le secrétaire d’État, je connais bien cette administration pour avoir exercé comme inspecteur du Trésor pendant de nombreuses années.

Ce qui est grave ici, au-delà de la suppression de la trésorerie en faveur d’une commune voisine, qui a autant de mérites, c’est que Largentière est déjà une petite sous-préfecture. Et l’État irait en plus la déshabiller ?

Pour ce qui est des permanences, monsieur le secrétaire d’État, je sais ce qu’il en est, dans cette administration comme dans d’autres : des permanences sont instaurées pour faire plaisir aux élus puis disparaissent au bout de quelques mois, faute de personnel…

Il est vrai que l’effort très important demandé à la DGFiP va poser de sérieux problèmes, non seulement pour la gestion des collectivités locales - les trésoreries ayant de plus en plus de mal à assurer leurs missions, car leurs personnels ne sont pas assez nombreux -, mais également pour le recouvrement des impôts, qui reste une priorité essentielle de l’État.

Je suis vraiment très inquiet pour le fonctionnement de ces administrations.

M. le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.)

PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Dossier législatif : projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d'habitation et de la voirie pour les personnes handicapées et visant à favoriser l'accès au service civique pour les jeunes en situation de handicap
Discussion générale (suite)

Accessibilité pour les personnes handicapées

Adoption des conclusions d’une commission mixte paritaire

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées et visant à favoriser l’accès au service civique pour les jeunes en situation de handicap (texte de la commission n° 638, rapport n° 637).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d'habitation et de la voirie pour les personnes handicapées et visant à favoriser l'accès au service civique pour les jeunes en situation de handicap
Article 1er bis

M. Philippe Mouiller, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous voici arrivés à la dernière étape de la ratification de l’ordonnance du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées. Lors de la réunion de la commission mixte paritaire, le jeudi 16 juillet, nos deux assemblées sont parvenues, à une très large majorité, à s’accorder sur un texte commun. Je m’en félicite, et je tiens à remercier chaleureusement du travail accompli en commun Claire-Lise Campion et Christophe Sirugue, rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale.

Le 2 juin dernier, le Sénat avait adopté un texte qui modifiait de façon substantielle l’ordonnance du 26 septembre 2014, sans toutefois en bouleverser l’équilibre.

L’Assemblée nationale nous a rejoints sur la majorité de nos propositions. Je pense notamment à l’encadrement des possibilités de prorogation des délais de dépôt des agendas d’accessibilité programmée, les Ad’AP, aux ressources qui viendront alimenter le fonds national d’accompagnement de l’accessibilité universelle, ainsi qu’à l’évaluation de la mise en œuvre de l’ordonnance, qui devra être réalisée d’ici au 31 décembre 2018. Une mesure de simplification adoptée au Sénat en séance publique a également été approuvée par l’Assemblée nationale : il s’agit de porter de 500 à 1 000 habitants le seuil de population à partir duquel une commune a l’obligation d’élaborer un plan de mise en accessibilité de la voirie et des espaces publics, un PAVE.

Le Sénat avait prévu, concernant les conditions dans lesquelles une assemblée générale de copropriétaires peut s’opposer à la réalisation de travaux de mise en accessibilité d’un établissement recevant du public, un ERP, que ces refus devraient faire l’objet d’une décision motivée. L’Assemblée nationale est allée plus loin, en indiquant que, lorsque le propriétaire ou l’exploitant d’un ERP existant prend à sa charge l’intégralité du coût des travaux, l’assemblée générale ne peut s’y opposer que dans le cadre des trois dérogations déjà prévues par la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Au final, il me semble que l’équilibre auquel nous sommes parvenus permettra de limiter au minimum les situations de blocage, tout en respectant le droit de propriété.

L’Assemblée nationale avait également adopté un amendement tendant à prévoir qu’une autorité organisatrice de transports, une AOT, ne peut pratiquer un tarif supérieur à celui qui est applicable aux autres voyageurs pour le transport à la demande mis en place au bénéfice des personnes handicapées dans un même périmètre de transport urbain. Après un débat nourri en commission mixte paritaire, nous sommes parvenus à une nouvelle rédaction qui me paraît plus équilibrée et moins de nature à faire peser sur les AOT des charges excessives.

La commission mixte paritaire n’est en revanche pas revenue sur la suppression par l’Assemblée nationale des dispositions visant à assouplir les règles de mise en accessibilité applicables aux bailleurs sociaux lorsqu’ils construisent directement leurs logements. Je rappelle que la commission des affaires sociales n’avait émis un avis favorable sur ces dispositions qu’eu égard aux garanties qu’avait apportées le Gouvernement au travers d’un sous-amendement. Nous avons depuis entendu les arguments développés par l’Assemblée nationale, et il nous semble aujourd’hui qu’il convient de faire preuve de prudence face à une mesure qui, même si elle peut paraître légitime, n’est pas suffisamment évaluée et dont l’adoption risquerait d’ouvrir la voie à une remise en cause des principes de la loi du 11 février 2005.

Nos deux assemblées ne sont pas revenues sur l’échéance du 27 juin, date avant laquelle devaient être formulées les demandes de prorogation du délai de dépôt des Ad’AP, ni sur celle du 27 septembre, passée laquelle l’ensemble des agendas devront avoir été transmis aux préfectures. Je tiens toutefois à revenir sur une inquiétude que j’ai déjà exprimée la semaine dernière en commission mixte paritaire : la date du 27 juin ne me semble pas avoir été correctement intégrée par les responsables d’établissements recevant du public qui auraient pu bénéficier d’une prorogation du délai de dépôt. Par conséquent, nous risquons d’assister, au mois de septembre, à un afflux massif de dossiers qui n’auront pas été suffisamment préparés et que les préfectures n’ont pas les moyens de traiter.

De plus, au 1er juillet 2015, 3 200 Ad’AP avaient été déposés en préfecture. Le nombre d’ERP concernés est certainement bien plus élevé, puisqu’un Ad’AP peut porter sur plusieurs d’entre eux. Mais c’est encore peu au regard du nombre de dossiers attendus. Les prochaines semaines seront donc cruciales, d’une part pour les responsables d’ERP, d’autre part pour les services préfectoraux. Je pense qu’il nous faudra être particulièrement attentifs à ce que les efforts d’accompagnement déjà déployés soient renforcés d’ici à la fin du mois de septembre. J’exprime une nouvelle fois mes craintes quant au nombre de personnels ayant été affectés au traitement des dossiers d’Ad’AP dans les préfectures. Madame la secrétaire d’État, du bon déroulement de cette ultime phase dépendra la crédibilité de l’ensemble de la démarche : il serait regrettable qu’elle se trouve entachée à l’automne en raison d’une surcharge de travail dans les préfectures qui aurait été trop peu anticipée.

Au regard de tous ces éléments, je pense que nous pouvons très largement nous retrouver pour adopter aujourd’hui le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC, ainsi que sur celles du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, au nom de la commission mixte paritaire.

Mme Claire-Lise Campion, au nom de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, chers collègues, j’aborderai à mon tour quelques-unes des dispositions de l’ordonnance, sur lesquelles nous avons pu avancer de façon concertée avec l’Assemblée nationale.

La première d’entre elles concerne la mise en accessibilité des points d’arrêt du réseau de transports scolaires pour les élèves en situation de handicap. L’ordonnance du 26 septembre 2014 disposait initialement que les représentants légaux d’un élève, lorsque le projet personnalisé de scolarisation, le PPS, prévoit l’utilisation du réseau de transports scolaires et que l’enfant est scolarisé à temps plein, pourraient demander la mise en accessibilité des points d’arrêt les plus proches de l’établissement fréquenté par l’élève et de son domicile.

Afin d’éviter que les parents ne se retrouvent isolés dans leurs démarches, le Sénat a souhaité qu’ils puissent bénéficier de l’appui de l’équipe pluridisciplinaire de la maison départementale des personnes handicapées, la MDPH, lorsqu’ils formulent une demande de mise en accessibilité. L’Assemblée nationale est allée plus loin en prévoyant que cette demande pourrait être effectuée que l’enfant soit scolarisé à temps plein ou à temps partiel. Il s’agit là d’une avancée pour ces jeunes et pour leurs familles.

Je me suis exprimée, lors de la première lecture, sur l’enjeu que représente la formation des professionnels en contact avec le public aux questions relatives à l’accueil et à l’accompagnement des personnes handicapées. Le Sénat avait renforcé le dispositif de l’ordonnance sur ce point en prévoyant que les employeurs de ces professionnels devraient proposer à leurs salariés des formations en la matière. L’Assemblée nationale a conforté ces dispositions en rendant cette formation obligatoire dans les établissements recevant du public dont la capacité d’accueil est supérieure à 200 personnes. Là encore, je me félicite des avancées auxquelles sont parvenues nos deux assemblées.

Je suis également heureuse que l’Assemblée nationale ait conservé dans le projet de loi une disposition introduite au Sénat concernant le service civique des jeunes en situation de handicap. J’avais déposé, au mois de mars dernier, une proposition de loi leur ouvrant la possibilité de s’engager dans cette voie jusqu’à l’âge de 30 ans, quand la règle de droit commun établit l’âge limite à 25 ans. L’objectif est de laisser davantage de temps à ces jeunes, qui ne représentent malheureusement qu’une infime part des effectifs du service civique, pour prendre la décision de s’engager dans le dispositif. En reprenant cette mesure dans le présent projet de loi, nous introduisons un assouplissement bienvenu, me semble-t-il, conforme à notre objectif de rendre la société plus inclusive et plus accessible.

Isabelle Debré et moi avons travaillé sur la loi de 2005 dans le cadre de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois. Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault m’a ensuite confié des missions sur le thème de l’accessibilité. Voilà donc maintenant plusieurs années que je travaille sur ce sujet.

La France s’est fixé des objectifs ambitieux en la matière au travers de la loi du 11 février 2005. Je suis convaincue que, depuis cette date, les esprits ont profondément évolué et qu’une véritable dynamique s’est enclenchée en vue d’atteindre l’objectif d’accessibilité universelle. Pour autant, je comprends l’impatience, voire le découragement, que peuvent parfois ressentir les personnes handicapées et leurs familles, qui demeurent confrontées à des obstacles encore trop nombreux dans l’accomplissement des actes de la vie quotidienne. Je comprends également les craintes des collectivités territoriales ou des acteurs économiques face à une réglementation complexe, parfois difficile et coûteuse à mettre en œuvre.

Tout l’enjeu de la concertation que j’ai menée au cours de l’hiver 2013-2014 avec l’ensemble des parties prenantes était de trouver un juste équilibre entre la réponse aux attentes légitimes des uns et la prise en compte des contraintes, des difficultés des autres. Je pense que le texte de l’ordonnance, tel qu’il a été modifié par nos deux assemblées, traduit fidèlement cet équilibre.

À mon tour, je remercie sincèrement Philippe Mouiller et Christophe Sirugue de leur travail et de leur engagement, et je forme le vœu que nous puissions parvenir au consensus le plus large possible sur le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE, ainsi que sur les travées de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénatrices et sénateurs, je souhaite tout d’abord vous remercier très sincèrement de la qualité du travail accompli sur ce projet de loi. En effet, vous avez su améliorer le texte tout en veillant à en préserver les grandes lignes : avancer résolument vers l’accessibilité en faisant en sorte que chaque gestionnaire ou chaque propriétaire d’établissement se fixe des objectifs et des délais précis ; avancer avec pragmatisme en se dotant de règles simples, appliquées sous l’autorité des préfets.

L’Assemblée nationale a su compléter le texte du Sénat ; c’est une bonne chose. Cette convergence de vues entre parlementaires a permis aux deux chambres de se mettre rapidement d’accord sur un texte commun.

Je tiens à rendre hommage à l’excellent travail conduit depuis 2012 par la sénatrice Claire-Lise Campion, qui, sur ce sujet de l’accessibilité, a été de toutes les négociations, de toutes les tables rondes et de tous les colloques. Vos travaux, madame la sénatrice, ont permis de proposer le principe des agendas d’accessibilité programmée, ainsi que la simplification de certaines normes, nécessaire pour faciliter concrètement la mise en accessibilité. Je remercie également M. le sénateur Philippe Mouiller pour son remarquable travail et son implication sur ce dossier.

De quoi s’agit-il ? Quels sont les objectifs visés au travers de ce texte ?

Ce projet de loi ratifie l’ordonnance du 26 septembre 2014 relative à l’accessibilité et tend à faire entrer les gestionnaires d’établissements recevant du public, ainsi que les autorités organisatrices de transports, dans une démarche de mise en accessibilité : pour 80 % de ces établissements, ceux dits de catégorie 5, les travaux nécessaires devront être réalisés dans un délai de trois ans au maximum à partir du 27 septembre prochain ; les gestionnaires des autres, notamment ceux de patrimoines importants ou d’une capacité d’accueil plus importante, pourront disposer d’un délai plus long, pouvant aller jusqu’à six, voire neuf ans, sous réserve de l’acceptation de leur demande par le préfet.

D’ores et déjà, la quasi-totalité des régions se sont engagées en faveur du dépôt d’un Ad’AP en matière de transports dans le délai de l’ordonnance.

Le Sénat a notamment pris soin de préciser l’ordonnance sur certains points essentiels, en particulier en matière de prorogation des délais de dépôt des agendas d’accessibilité programmée. Il a également souhaité donner au projet de loi une portée plus large, pour favoriser l’accessibilité universelle au bénéfice des personnes en situation de handicap. Ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez rendu obligatoire l’offre de formation à l’accueil et à l’accompagnement des personnes handicapées pour les personnels des établissements recevant du public. C’est vraiment une excellente chose !

J’évoquerai aussi la mesure ouvrant l’accès au service civique pour les jeunes adultes handicapés jusqu’à l’âge de 30 ans, au lieu de 25 ans. C’est à Claire-Lise Campion que nous devons l’inscription de ce principe dans la loi ; nous pouvons l’en remercier.

Je terminerai en affirmant toute la volonté du Gouvernement de rendre effective la loi du 11 février 2005, dont nous n’abandonnons pas l’objectif de mise en accessibilité, bien au contraire : le présent projet de loi en est la preuve ! Notre prochaine échéance, c’est le 27 septembre 2015. Chacun d’entre nous doit contribuer à la réalisation de cet objectif. Soyez assurés en tous cas de l’engagement du Gouvernement pour préparer, dès à présent, les conditions d’une évaluation rigoureuse de l’application de ce texte, à laquelle je vous sais particulièrement sensibles. Si nous voulons faire progresser concrètement l’accessibilité pour les personnes handicapées, nous devons nous astreindre à évaluer de façon extrêmement rigoureuse la mise en œuvre de l’ordonnance et des aménagements de normes qui y sont associés.

J’ai la conviction que c’est grâce à des rendez-vous transparents et réguliers que nous saurons rendre concrète l’accessibilité universelle. Comme vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, nous voici parvenus au terme du processus parlementaire, mais notre travail est très loin d’être achevé. Je compte sur vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour évaluer l’application de la loi, certes, mais aussi pour expliquer ce que sont les agendas d’accessibilité programmée, pour rassurer les élus locaux, les commerçants, les associations, nationales et locales, représentant les personnes handicapées, leur expliquer la teneur du texte et leur montrer que l’accessibilité est réalisable.

Pour conclure, je suis profondément convaincue du bien-fondé de ce texte ; il nous appartient maintenant de le faire vivre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe RDSE, ainsi que sur les travées de l’UDI-UC.)