compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Jackie Pierre,

Mme Catherine Tasca.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 11 juin a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Convocation du Parlement en session extraordinaire

M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre communication du décret de M. le Président de la République en date du 12 juin 2015 portant convocation du Parlement en session extraordinaire.

Je donne lecture de ce décret :

« Le Président de la République,

« Sur le rapport du Premier ministre,

« Vu les articles 29 et 30 de la Constitution,

« Décrète :

« Article 1er - Le Parlement est convoqué en session extraordinaire le mercredi 1er juillet 2015.

« Article 2 - L’ordre du jour de cette session extraordinaire comprendra :

« 1. Le débat d’orientation des finances publiques ;

« 2. L’examen ou la poursuite de l’examen des projets de loi suivants :

« - Projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte ;

« - Projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ;

« - Projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi ;

« - Projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République ;

« - Projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense ;

« - Projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2014 ;

« - Projet de loi relatif à la réforme de l’asile ;

« - Projet de loi organique relatif à la consultation sur l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté ;

« - Projet de loi relatif à la modernisation du droit de l’outre-mer ;

« - Projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne ;

« - Projet de loi relatif au droit des étrangers en France ;

« - Projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées et visant à favoriser l’accès au service civique pour les jeunes en situation de handicap.

« 3. L’examen ou la poursuite de l’examen des propositions de loi suivantes :

« - Proposition de loi tendant à faciliter l’inscription sur les listes électorales ;

« - Proposition de loi relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre.

« 4. L’examen ou la poursuite de l’examen des projets de loi autorisant l’approbation des accords internationaux suivants :

« - Projet de loi autorisant l’approbation du protocole additionnel à la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc ;

« - Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis d’Amérique sur l’indemnisation de certaines victimes de la Shoah déportées depuis la France, non couvertes par des programmes français ;

« - Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Secrétariat de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et son Protocole de Kyoto concernant la vingt et unième session de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, la onzième session de la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties au Protocole de Kyoto et les sessions des organes subsidiaires ;

« - Projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre dans le domaine de l’enseignement ;

« - Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Belgique relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière.

« 5. Une séance de questions par semaine.

« Article 3 - Le Premier ministre est responsable de l’application du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

« Fait le 12 juin 2015.

« Par le Président de la République :

« Le Premier ministre,

« Manuel Valls »

Acte est donné de cette communication.

Mes chers collègues, la conférence des présidents, qui se réunira demain à dix-neuf heures trente, permettra d’établir le programme de la session extraordinaire. Il sera donné lecture de ses conclusions demain soir, à la reprise de la séance.

3

Candidatures à deux organismes extraparlementaires

M. le président. Je rappelle que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de deux sénateurs appelés à siéger, respectivement, au sein du conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine et au comité consultatif constitué au sein du Comité national de l’eau.

La commission des affaires sociales a fait connaître qu’elle propose la candidature de Mme Catherine Génisson pour siéger au sein du conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine.

La commission du développement durable propose la candidature de M. Henri Tandonnet pour siéger au comité consultatif constitué au sein du Comité national de l’eau.

Ces candidatures ont été publiées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

4

Dépôt d’un rapport

M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la mise en application de la loi du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission des finances.

5

Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi

M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume de Belgique relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 23 juillet 2014.

6

Communications du Conseil constitutionnel

M. le président. Par lettres en date du 11 juin 2015, M. le président du Conseil constitutionnel m’a communiqué : d’une part, les textes de cinq décisions rendues le 11 juin 2015 par lesquelles le Conseil constitutionnel, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques en application de l’article L. 52-15 du code électoral, a déclaré MM. François Aubey, sénateur du Calvados, Jean-Patrick Courtois, sénateur de Saône-et-Loire, Pierre Jarlier, sénateur du Cantal, et Aymeri de Montesquiou, sénateur du Gers, inéligibles pour une durée d’un an à compter de ces décisions et démissionnaires d’office de leur mandat de sénateur, et a décidé qu’il n’y avait pas lieu de déclarer M. Marc Laménie inéligible, en application de l’article L.O. 136-1 du code électoral ; d’autre part, le texte d’une décision rendue le 11 juin 2015 par laquelle le Conseil constitutionnel a rejeté une requête concernant les opérations électorales auxquelles il a été procédé, le 28 septembre 2014, pour l’élection de trois sénateurs dans le département du Calvados.

Acte est donné de ces communications.

7

Remplacements de sénateurs

M. le président. Conformément à l’article 32 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, M. le ministre de l’intérieur m’a fait connaître que, en application de l’article L.O. 320 du code électoral, Mmes Corinne Féret et Marie Mercier sont appelées à remplacer respectivement, en qualité de sénatrice du Calvados et de sénatrice de Saône-et-Loire, MM. François Aubey et Jean Patrick Courtois, démissionnaires d’office de leur mandat de sénateur.

Les mandats de ces deux sénatrices ont débuté le vendredi 12 juin à zéro heure.

8

Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire

M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il m’est particulièrement agréable de saluer la présence, dans notre tribune d’honneur, d’une délégation de députés de l’Assemblée nationale populaire de la République populaire de Chine, conduite par M. Chi Wanshun, membre du comité permanent de l’Assemblée nationale populaire, vice-président de la commission des affaires étrangères et président du groupe d’amitié Chine-France. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes se lèvent.)

Notre groupe d’amitié « France-Chine », animé par notre collègue Didier Guillaume, reçoit aujourd’hui au Sénat cette délégation, qui est arrivée en France hier.

Cette visite se déroule à Paris autour des thèmes des « positions respectives de nos deux pays sur le changement climatique dans la perspective de la Conférence de Paris de décembre 2015 et des efforts engagés pour parvenir à un accord général à Paris », d’une part, et de la législation sur l’assurance maladie, d’autre part.

Au Sénat, nous attachons une grande importance à la préparation de cette conférence de Paris. À cet égard, dans le cadre de l’union interparlementaire, se tiendra le 6 décembre au Sénat, après l’Assemblée nationale, une journée au cours de laquelle nous accueillerons nos homologues de l’Assemblée nationale populaire de la République populaire de Chine.

Votre visite s’achève demain. Soyez les bienvenus au Sénat, chers collègues chinois ! (Applaudissements.)

9

Scrutin pour l’élection d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République

M. le président. L’ordre du jour appelle le scrutin pour l’élection d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République, en remplacement de M. Jean-René Lecerf.

Je rappelle que la majorité absolue des suffrages exprimés est requise pour cette élection.

Le scrutin aura lieu dans la salle des conférences, où des bulletins de vote sont à votre disposition.

Le juge suppléant nouvellement élu sera immédiatement appelé à prêter serment devant le Sénat.

Je prie M. Jackie Pierre et Mme Catherine Tasca, secrétaires du Sénat, de bien vouloir présider le bureau de vote.

Mes chers collègues, je déclare ouvert le scrutin pour l’élection d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République. Il sera clos dans une demi-heure.

10

Débat préalable à la réunion du conseil européen des 25 et 26 juin 2015

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 25 et 26 juin 2015, organisé à la demande de la commission des affaires européennes.

Dans le débat, la parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de l’organisation de ce débat préalable.

L’ordre du jour du Conseil européen des 25 et 26 juin sera particulièrement dense. Outre des sujets programmés de longue date et tout à fait essentiels, comme la politique de sécurité et de défense commune ou l’approfondissement de l’Union économique et monétaire, seront abordées des questions liées à l’évolution de la situation en Europe qui nécessitent des débats et des décisions. Je pense en particulier à la crise des migrations en Méditerranée et aux demandes du Royaume-Uni.

Il s’agira du premier Conseil européen après les élections britanniques. Le Premier ministre du Royaume-Uni a indiqué qu’il présenterait à cette occasion les demandes spécifiques dont il souhaite l’examen en vue du référendum dans son pays. Le Conseil européen devra donc décider de la méthode selon laquelle celles-ci seront traitées.

Il est également possible, même si cela n’est pas inscrit à l’ordre du jour de ce Conseil européen, que la situation de la Grèce soit débattue, soit lors des sessions, soit en marge de ces dernières, compte tenu de l’évolution de la situation au sein de l’Eurogroupe. J’y reviendrai.

Je voudrais principalement centrer mon propos sur trois enjeux essentiels de l’ordre du jour : les questions migratoires, les questions de sécurité et de défense et les questions économiques.

L’Europe est confrontée à une crise d’une ampleur sans précédent sur les questions migratoires.

Au cours des derniers mois, le nombre d’arrivées de migrants en Europe s’est fortement accru, non seulement en Italie, mais aussi en Grèce et dans les Balkans. Cette situation est liée notamment aux guerres en Syrie, en Somalie, au Soudan, mais également à des dictatures, comme en Érythrée, et également à la pauvreté et au sous-développement dans de nombreux pays d’Afrique. À cela s’ajoute la situation d’un État failli, la Libye, devenue le lieu de tous les trafics, y compris le trafic d’êtres humains.

Les répercussions d’une telle situation se font ressentir dans toute l’Europe, y compris en France, et pas seulement dans les pays de premières arrivées. Face à l’urgence dramatique qui résulte des naufrages en Méditerranée, les chefs d’État et de gouvernement ont décidé, lors d’un Conseil européen extraordinaire le 23 avril dernier, de renforcer les moyens de surveillance des frontières extérieures dont dispose l’agence FRONTEX, ainsi que les opérations Triton et Poséidon, menées en Méditerranée pour sauver des vies humaines.

La France a rapidement répondu à cet appel en mettant des moyens navals et aériens supplémentaires à la disposition de FRONTEX. Toutefois, le Conseil européen a appelé à une réponse globale, qui porte sur la lutte contre les trafiquants, l’appui et la coopération avec les pays de transit et d’origine quand cela est possible, la solidarité et la responsabilité des États européens dans l’accueil des réfugiés et le traitement de l’immigration illégale.

À nos yeux, le respect de ces deux principes, responsabilité et solidarité, est essentiel.

La Commission a, depuis lors, formulé des propositions, dans le cadre de son agenda pour les migrations. Certes, ces propositions doivent être complétées et améliorées ; nous avons besoin d’un dispositif global, avec des dispositions étroitement interdépendantes.

Nous avons adopté avec l’Allemagne une position commune sur le mécanisme de répartition solidaire des personnes relevant d’une protection internationale, que l’on appelle parfois relocalisation. Cette position a été rappelée dans un communiqué conjoint de Bernard Cazeneuve et de son homologue Thomas de Maizière, le 1er juin dernier.

Nous sommes favorables à l’examen de la proposition de la Commission, mais nous souhaitons la renforcer et l’améliorer en la modifiant sur certains points.

Premièrement, le mécanisme de répartition solidaire, qui répond à une situation d’urgence, doit rester exceptionnel et temporaire. Nous ne souhaitons pas que les règles communes de Dublin concernant les conditions d’accueil des demandeurs d’asile en Europe soient remises en cause.

Deuxièmement, la relocalisation ne peut s’envisager qu’à condition que d’autres mesures destinées à encadrer l’afflux actuel de migrants soient également mises en place. Je pense en particulier, et c’est pour nous essentiel, à la création de zones d’attente ou d’accueil à la frontière, que la Commission a baptisées hotspots. Le dispositif doit permettre l’enregistrement de l’identité et de la situation des nouveaux arrivants, la prise d’empreintes digitales et l’identification rapide de ceux des migrants qui sont en « besoin manifeste de protection », à commencer par les Syriens et les Érythréens. Ils pourront être accueillis dans les différents États membres, conformément au mécanisme de répartition. Ces zones d’attente devront aussi permettre l’identification des personnes ne relevant pas de la protection internationale au sens du droit d’asile et devant faire l’objet d’un retour dans leur pays.

Les migrants n’appartenant à aucune de ces catégories verront leur situation traitée dans le cadre des procédures habituelles, notamment les procédures d’examen des demandes d’asile.

Pour mettre en place de telles zones d’attente, le soutien de l’Union européenne est indispensable ; on ne peut pas considérer que ces mesures sont à la charge de l’Italie ou de la Grèce seulement.

Soutien financier d’abord : la Commission a d’ores et déjà décidé une augmentation du budget de l’Union consacré à ces questions, et nous nous en félicitons.

Soutien juridique ensuite : il est essentiel que chaque État membre dispose des procédures pour organiser ces zones d’attente.

Soutien logistique enfin : il faut pleinement mobiliser FRONTEX, le bureau européen d’appui en matière d’asile, ou EASO, et Europol, dont les experts doivent être présents sur place.

Pour sa part, la France est prête à apporter un soutien plein et entier à l’Italie et à la Grèce, en mettant à disposition l’expertise nécessaire au fonctionnement de ces zones d’attente.

Troisièmement, l’effectivité d’une politique de retour est indispensable. Le commissaire Dimítris Avramópoulos a transmis des pistes intéressantes à cet égard.

C’est tout l’enjeu des accords de réadmission. Un dialogue politique à haut niveau en direction des principaux pays d’origine et de transit doit être engagé sans même attendre le sommet entre l’Union européenne et l’Afrique qui se tiendra sur ces sujets à Malte à l’automne prochain.

Le traitement de ces deux questions, mise en place des zones d’attente et effectivité d’un dispositif de retour à partir de celles-ci, devrait permettre l’adoption rapide d’un dispositif d’ensemble cohérent sur la base des propositions de la Commission.

Cela étant, il nous faudra également discuter des critères de répartition proposés par la Commission. En effet, la France souhaite que les efforts d’accueil antérieurs des demandeurs d’asile soient mieux pris en compte.

Vous le savez, à l’heure actuelle, cinq pays accueillent près de 75 % des demandeurs d’asile. Il faut donc que la solidarité s’exerce entre États membres dans ce domaine et que ce critère soit mieux pondéré dans la répartition proposée.

Le dispositif doit être complété par les autres volets de l’action européenne, en particulier la lutte contre le trafic de migrants, avec l’opération EUNAVFOR Med, pour laquelle nous demandons un mandat du Conseil de sécurité des Nations unies, afin de pouvoir intervenir en haute mer et, au besoin, dans les eaux territoriales libyennes.

En outre, et je l’ai indiqué, la coopération doit être renforcée avec les pays d’origine et, plus encore, avec les pays de transit. Le Niger exige une attention particulière. Ce pays est confronté à un afflux massif de migrants. Une grande partie des routes menant, plus au nord, en Libye passent par son territoire, en particulier par la ville d’Agadez. Le Niger a donc besoin d’un appui très fort de la part de l’Union européenne.

Le deuxième grand enjeu de ce Conseil européen est lié à l’emploi, à la croissance et à l’investissement.

Je me réjouis que nous ayons tenu l’objectif fixé par le Conseil européen quant au calendrier d’adoption du plan Juncker pour les investissements. Le règlement sur le Fonds européen pour les investissements stratégiques a bien été adopté. Il entrera en vigueur avant la fin du mois de juin. C’était l’objectif du Président de la République et du Conseil européen. Le plan d’investissement pourra donc entrer dans une phase opérationnelle dès le second semestre de cette année.

Sans attendre, la Banque européenne d’investissement, ou BEI, a retenu sur ses fonds propres plusieurs projets éligibles au plan Junker. Ce programme comprend en particulier deux projets français : un plan de 420 millions d’euros en faveur de l’innovation dans les PME et les ETI, conçu et proposé par Bpifrance, et un plan de rénovation énergétique de 40 000 logements, soutenu à hauteur de 400 millions d’euros.

M. François Marc. Très bien !

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Le Conseil européen traitera également de la stratégie numérique, et plus particulièrement de sa dimension « marché intérieur », sur la base de la communication de la Commission en date du 6 mai dernier.

En la matière, deux points seront particulièrement importants pour nous. D’une part, il faudra veiller à ce que cette stratégie reste globale. Elle doit porter à la fois sur la régulation des plateformes et sur la fiscalité juste, tout en assurant la protection des droits d’auteur et le financement de la création. D’autre part, cette stratégie doit permettre le soutien à l’investissement numérique en Europe. La croissance et la création d’emplois dans de très nombreux secteurs de l’industrie et des services en dépendent.

Le Conseil européen abordera également l’approfondissement de l’Union économique et monétaire, avec le rapport des présidents de la Commission européenne, du Conseil européen, de la Banque centrale européenne, la BCE et de l’Eurogroupe, un cinquième président, celui du Parlement européen, y contribuant désormais également.

Sur ce sujet aussi, une position commune franco-allemande structure aujourd’hui le débat.

L’enjeu, c’est l’avenir de la zone euro. Quelles leçons tirer de la crise ? Au-delà des mécanismes mis en place à la suite de cette dernière – je pense en particulier à l’Union bancaire et au mécanisme européen de stabilité –, comment faire en sorte que la zone euro contribue davantage non seulement à la stabilité, mais aussi à la croissance ?

Cette position franco-allemande, autour de laquelle les débats s’organisent, identifie quatre axes de travail.

Premièrement, il convient de définir une politique macroéconomique agrégée au niveau de la zone euro. À l’avenir, nous souhaiterions que les recommandations par pays, émises dans le cadre du semestre européen, découlent d’une recommandation à l’échelle de la zone euro tout entière. Ainsi, la situation de l’ensemble de cet espace serait analysée et prise en considération. Une stratégie de croissance et de convergence serait définie à ce niveau, puis déclinée pays par pays.

Deuxièmement, nous souhaitons placer un objectif de convergence économique, fiscale et sociale au cœur de la coordination des politiques économiques de la zone euro. Certes, on peut se féliciter de voir de nombreux pays européens sortir de la crise. Mais ce n’est pas le cas de tous les États membres ; j’ai déjà évoqué la situation de la Grèce. Aujourd’hui, nous assistons à une divergence des situations économiques entre États de la zone euro.

Troisièmement, la stabilité financière et les investissements sont une priorité. Le plan Juncker y répond en partie. Mais nous pensons qu’il faut également envisager une capacité budgétaire de la zone euro.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Quatrièmement, il faut assurer le renforcement de la gouvernance de la zone euro, pour accroître son efficacité et sa légitimité. À ce titre, la question du rôle des parlements nationaux et du Parlement européen dans la gouvernance de la zone euro se pose.

Nous sommes d’accord avec l’Allemagne pour que ce programme soit mis en œuvre dans le cadre institutionnel actuel, c’est-à-dire à traités constants. (MM. François Marc et Daniel Raoul acquiescent.) Ne faisons pas d’une hypothétique et, selon nous, improbable réforme des traités le préalable à une amélioration de la gouvernance de la zone euro et de l’efficacité de la coordination des politiques économiques en son sein.

Lors de ce Conseil européen, il sera important d’obtenir une réaffirmation de nos priorités en matière de lutte contre l’évasion fiscale et les stratégies d’optimisation agressives, afin que les travaux s’accélèrent sur la base des propositions de la Commission européenne.

M. le président. Je vous prie de bien vouloir vous diriger vers votre conclusion, monsieur le secrétaire d’État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. J’évoquerai donc plus rapidement le troisième enjeu, pourtant très important lui aussi, de ce Conseil, c’est-à-dire la mise en œuvre des décisions prises lors du Conseil européen de décembre 2013 en matière de sécurité et de défense.

L’évolution de l’environnement européen, la crise en Ukraine ou la situation en Irak, en Syrie ou en Libye rendent encore plus nécessaires les avancées que nous appelons de nos vœux à cet égard.

Il faut aller vers une stratégie européenne de sécurité intérieure. Les travaux vont se poursuivre sur la base de la proposition de la Commission.

L’élaboration d’une nouvelle stratégie de politique étrangère et de sécurité constitue un autre enjeu. La Haute représentante devrait soumettre une proposition.

La politique de sécurité et de défense commune doit permettre de renforcer le financement des opérations extérieures, notre base industrielle commune et notre capacité à agir ensemble pour assurer la sécurité du continent européen.

Tels sont les principaux sujets à l’ordre du jour du prochain Conseil européen. Je serai évidemment à votre disposition au cours de nos débats pour aborder d’autres points, comme la situation de la Grèce.

Nous voulons que ce Conseil permette d’avancer dans la direction d’une Europe de la croissance, c’est-à-dire une Europe qui protège et qui assume ses intérêts et ses valeurs. (M. le président de la commission des affaires européennes acquiesce.) Tels sont les axes de la politique européenne de la France ; ils seront évidemment au cœur des travaux du Conseil européen. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE. – M. le président de la commission des affaires européennes et M. Michel Mercier applaudissent également.)

M. le président. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a décidé d’attribuer un temps de parole de huit minutes aux porte-parole de chaque groupe politique.

La commission des finances et la commission des affaires européennes interviendront ensuite durant huit minutes chacune.

Le Gouvernement répondra aux commissions et aux orateurs. Puis, pour une durée d’une heure au maximum, nous aurons une série de questions, avec la réponse immédiate du Gouvernement ou de la commission des affaires européennes.

Dans la suite du débat, la parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du RDSE.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le prochain Conseil européen aura un ordre du jour très chargé.

Une fois encore, l’Ukraine sera parmi les principales préoccupations, car la situation y reste très fragile, malgré les accords de Minsk II. Régulièrement, le cessez-le-feu est menacé de part et d’autre. Force est d’admettre que nous sommes dans une impasse. Ce constat relance le débat sur la stratégie à adopter pour tenter de résoudre cette crise.

Les sanctions à l’égard de Moscou seront évidemment un point important de débat lors du prochain Conseil européen, puisqu’il sera procédé à leur évaluation. Nous le savons, deux lignes, celle du renforcement des sanctions et celle du maintien à leur niveau actuel de toutes les mesures adoptées, s’opposent.

Si l’effet des sanctions était facilement quantifiable, il serait plus aisé de se prononcer sur le principe de leur éventuel renforcement. Or, si l’on observe un net ralentissement de l’économie russe, le pays est d’abord profondément affecté par la baisse des cours du pétrole et du rouble, ainsi que par des problèmes structurels. La pression des sanctions est un fait, mais nous ne sommes pas certains de son ampleur et encore moins de son efficacité véritable.