Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Vincent Placé.

M. Jean-Vincent Placé. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le rail, vous le savez, tient une place toute particulière dans le cœur des écologistes. Aussi, je tiens à remercier nos collègues du groupe CRC d’avoir pris l’initiative de ce débat important.

La publication du rapport de la commission sur l’avenir des trains d’équilibre du territoire, présidée par notre estimé collègue le député Philippe Duron, a suscité un légitime émoi dans nos territoires. En effet, dans notre pays, les lignes des trains dits « intercités » sont autant d’artères qui irriguent l’économie, bien sûr, mais aussi les loisirs, la vie de nos concitoyennes et concitoyens dans tous ses aspects.

Il est pourtant un constat qui, je l’espère, fera consensus ici : il était nécessaire de poser enfin ce débat sans détours. Tel est, je le crois, le premier mérite du travail effectué par la commission dont je fus membre, ainsi que Jean-Jacques Filleul et Annick Billon, avec qui j’ai pu travailler dans un excellent climat.

Au-delà du constat d’un réseau vieillissant et confronté à de nombreuses difficultés, le rapport contient des propositions parfois difficiles à entendre, mais a le mérite de proposer une vision prospective qui manquait cruellement depuis des années, même si d’autres pistes restent à explorer.

Le constat, cela a été dit sur toutes les travées, est donc sans appel. Le réseau étant vieillissant, des problèmes de régularité se posent. Nous sommes face à une situation critique, dont nous sommes tous comptables. Faute de décisions stratégiques courageuses pendant des décennies, notre réseau rapide a vu son armature se réduire comme peau de chagrin. Dès lors s’est enclenché le cercle vicieux de la baisse de la fréquentation et de l’investissement sur des lignes qui présentaient pourtant encore, en 2008, un équilibre économique très enviable, par comparaison avec leurs concurrents TER et TGV.

La modernisation de ce réseau, essentiel en termes d’aménagement du territoire, est la condition de sa survie. Encore faut-il étudier de près la réalité des lignes, les besoins véritables des usagers ou les offres de transport alternatives. Tel est le travail de dentelle qu’a effectué la commission sur l’avenir des trains d’équilibre du territoire, sans dogmatisme.

La première chose que j’ai apprise lorsque je suis devenu vice-président chargé des transports de la région d’Île-de-France, voilà quelques années, c’est bien qu’il faut se méfier des évidences. Des élus locaux sincères, y compris écologistes, me réclamaient des tramways alors que, selon les projections effectuées, leur fréquentation aurait été insuffisante. Surtout, la création de lignes de tramways aurait pu entraîner une réduction du maillage de lignes de bus adapté à leur territoire.

Ce rapport a fait l’objet de bien des mauvais procès, pour ne pas avoir cédé à la facilité. Il propose de renforcer des lignes à fort potentiel et pose la question des « doublons ». La question des lignes d’autocars, abordée dans un texte que nous venons d’examiner, suscite un débat assez politique, mais il suffit de traiter la question de façon pragmatique, réaliste et concrète. L’importance accordée, sur toutes les travées, à la rénovation du matériel roulant relève du bon sens, et l’on ne peut qu’applaudir l’appel à un engagement fort de l’État, qui doit être aussi ferme que durable.

J’ai toujours été attaché à l’existence d’un opérateur national des transports, mais j’admets de façon réaliste qu’anticiper l’ouverture à la concurrence, c’est faire le choix de la responsabilité.

M. Louis Nègre. N’hésitez pas !

M. Jean-Vincent Placé. Anticiper l’ouverture à la concurrence, c’est non pas l’approuver, mais reconnaître qu’elle va se produire de toute façon et que, dès lors, il faut s’y préparer.

N’oublions pas qu’il s’agit bien d’un rapport. Le Gouvernement rendra sa feuille de route, à laquelle nous serons évidemment très attentifs, en particulier s’agissant de la méthode. Aucun plan, aucune mesure de fermeture, surtout, ne saurait être arrêté de manière brutale et sans concertation avec les acteurs locaux, sans proposer aucune alternative.

Permettez-moi, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, de vous soumettre quelques pistes de réflexion complémentaires, tout d’abord sur l’augmentation des coûts de production. Nous écologistes pensons qu’il faudrait diligenter un audit indépendant sur la convention des TET afin d’identifier les raisons de cette augmentation, qui ne sera pas tenable dans la durée.

Par ailleurs, une politique commerciale plus offensive permettrait une hausse substantielle des recettes voyageurs.

Enfin, la question des moyens sera évidemment essentielle. Nous ne pouvons plus renvoyer aux calendes grecques les investissements dans les infrastructures ou dans le renouvellement du matériel roulant.

Cela peut impliquer de rediscuter de certains grands projets. Ainsi, est-il bien nécessaire que l’État engage des milliards d’euros afin de réduire de quelques minutes la durée du trajet entre Paris et Brest ou pour desservir l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, dont la construction reste aléatoire ?... Compte tenu de la situation budgétaire qui est la nôtre, nous devons viser à la plus grande efficacité en matière de dépense publique.

Mes collègues écologistes des actuelles régions Rhône-Alpes, Auvergne, Centre et Pays de la Loire défendent l’idée de la mise en place d’un « train à haut niveau de service », s’appuyant sur une rénovation de l’existant et la création d’une ligne Lozanne-Roanne afin de relier dans des temps optimaux Lyon à Paris, à Tours, à Nantes, à Clermont-Ferrand et à Bordeaux. Cette solution serait probablement plus pertinente que les projets, chers et difficiles à mettre en œuvre, de lignes à grande vitesse, qu’il s’agisse de la liaison Paris-Orléans-Clermont-Ferrand-Lyon, dite « POCL », ou de la ligne Poitiers-Limoges.

Enfin, je veux me faire l’avocat des régions. Nous leur avons beaucoup demandé et elles ont largement pris leur part dans le développement local des mobilités. Certaines ne sont pas fermées aux transferts de lignes. Toutefois, nous ne pouvons leur confier ces lignes qu’avec les financements correspondants et un réseau au moins en partie rénové.

Mes chers collègues, dans l’intérêt de nos concitoyens, de la planète et de notre économie, nous devons pouvoir nous reposer sur un maillage Intercités solide et efficace, qui valorise le savoir-faire du monde ferroviaire français, à commencer par celui de ses cheminots. Le rapport Duron a jeté les premières bases de ce chantier aussi immense qu’urgent. Au nom du groupe écologiste, je salue l’énorme travail accompli. À présent, osons faire les choix qui s’imposent. L’efficacité ne s’oppose pas au service public, elle en fait partie. En l’occurrence, elle le protégera. (M. Jean-Jacques Filleul applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, si nous partageons le constat de l’abandon du réseau depuis des années établi par le rapport Duron, nous jugeons ses préconisations inacceptables. Elles sont d’ailleurs rejetées par de très nombreux élus et citoyens.

Jusqu’en 1994, la péréquation était la règle. Les tarifs, calculés au kilomètre, permettaient de financer les lignes déficitaires grâce aux lignes excédentaires. C’est le principe même du service public, aujourd’hui largement bafoué, le souci de la rentabilité financière ayant supplanté les valeurs de solidarité depuis un certain nombre d’années. Ce choix libéral me semble être consacré par le rapport Duron.

À partir de 1994, il a été décidé de passer à un système de tarification proche de celui qui est utilisé par les compagnies aériennes. En fonction de multiples critères, tels que la date de réservation, le degré de remplissage du train ou la période, on établit des tarifs illisibles, incompréhensibles pour l’usager.

Ce système a mis en lumière l’existence de lignes dites rentables et d’autres non rentables. À partir de là, des lignes ont été fragilisées, ce qui a conduit à des fermetures, à la désertification de nombreux territoires.

À l’échelon européen, l’ouverture à la concurrence du transport de voyageurs envisagée au travers du quatrième « paquet ferroviaire » conduira à ne faire circuler des trains que sur des lignes où les profits seront au rendez-vous. Les cartes montrent un vide dans le centre de la France ; la création d’un désert est confirmée.

La mise en œuvre des préconisations du rapport Duron aurait des effets dévastateurs, nous semble-t-il, sur la vie de nos territoires. Le secteur rural serait le premier touché, mais les villes moyennes seraient également lourdement affectées. La suppression de certaines lignes ou de certains arrêts dans des villes et des villages de province jusqu’à présent connectés au réseau ferroviaire conduirait à isoler ceux-ci. C’est d’ailleurs la crainte dont m’a fait part une habitante d’un village d’Indre-et-Loire : « Nous avons appris que la ligne SNCF Intercités Caen-Le Mans-Tours pourrait être supprimée. Cette décision, si elle était prise, isolerait encore un peu plus notre commune. C’est un nouveau village qui va mourir. »

M. Jean-Jacques Filleul. Il y a des TER !

Mme Marie-France Beaufils. Nous en reparlerons à propos de la ligne Saint-Paterne-Racan, cher collègue !

Tous les textes relatifs à la réforme territoriale recèlent ce risque de marginalisation de certains territoires. Il y a d’ailleurs une cohérence entre ces textes et les préconisations du rapport concernant les trains Intercités. Elle est révélatrice d’une volonté de concentrer les pouvoirs, l’économie, la finance dans des pôles bien définis et bien desservis par des moyens de transport performants. La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République témoigne d’une désastreuse reconfiguration de nos territoires : en privilégiant les intercommunalités, et surtout les grandes métropoles, en transférant les compétences de façon massive, on fera disparaître de nombreuses communes ; en les étouffant financièrement, on accélérera cette disparition.

La réduction de la dépense publique se traduit par la suppression des services publics au profit du secteur privé. La recherche de l’« équilibre comptable », en fait de la rentabilité, devient la règle pour tout. Le rapport Duron en a fait sa doctrine : là où il n’y aura pas de rentabilité, ce sera le désert.

Travailler à l’amélioration de la vie de nos concitoyens en tout point du territoire ne semble plus être à l’ordre du jour en ces temps de libéralisme exacerbé. Cette idéologie imprègne tous les pans de notre société. Elle est présente dans toutes les lois qui renforcent les fractures sociales et territoriales.

D’un côté, on fait des cadeaux exceptionnels aux grandes entreprises, en particulier avec le CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ; de l’autre, on met au régime sec les collectivités territoriales, dont les élus ne peuvent plus mettre en œuvre les programmes sur lesquels ils ont été élus. Le rapport Duron s’inscrit dans cette même ligne : ses auteurs préconisent de supprimer des lignes, des trains, des arrêts qui sont d’une grande utilité pour de nombreux habitants et de nombreux territoires, en espérant que les conseils régionaux prendront le relais. Mais avec quels moyens le pourraient-ils ?

La loi Macron facilitera la mise en œuvre des préconisations du rapport Duron : là où des lignes de chemin de fer seront supprimées, il sera dorénavant possible de faire circuler des cars. Quelle aubaine ! On a complètement oublié l’accident de Beaune de 1982…

Le système libéral n’a d’autre objectif que la disparition des services publics, le premier à disparaître devant être la SNCF. Quel acharnement !

Pis encore, les trains Intercités, dont la mission est de desservir les villes moyennes, sont le parent pauvre de l’offre ferroviaire, une situation que la FNAUT, la Fédération nationale des associations d’usagers des transports, et ses associations dénoncent depuis longtemps. Avec la mise en œuvre des propositions du rapport Duron, c’est la fracture territoriale qui sera sanctuarisée. En revitalisant quelques lignes, on privilégiera certains territoires. En supprimant des trains, on appauvrira des régions entières. Les inégalités seront ainsi aggravées.

L’intérêt général commande de s’adresser à l’ensemble des citoyens et des territoires. Le rapport Duron constate le mauvais état de nombreuses lignes. Nous connaissons cette situation depuis longtemps. De nombreux rapports, comme celui de l’École polytechnique fédérale de Lausanne, l’avaient déjà soulignée il y a de nombreuses années. Or rien n’a été fait depuis, ou si peu. Le service offert s’est donc dégradé, la réponse aux besoins des usagers n’est plus à la hauteur.

Des décisions, j’y insiste, auraient déjà dû être prises, mais il aurait peut-être fallu que l’État abandonne, par exemple, ses dividendes pour alimenter le fonds d’investissement de l’AFITF. Le président de la région Pays de la Loire l’affirme, les trains d’équilibre du territoire « sont financés à hauteur de 70 % par les usagers » et ils sont « vitaux pour l’aménagement du territoire et le service public de mobilité ». Tiendrez-vous compte, monsieur le secrétaire d’État, de la position du président de la région Basse-Normandie, qui déclare que « le retrait de l’État ou la suppression d’arrêts sur certaines lignes ferroviaires seraient un contresens à l’heure où la grande Normandie accueille la conférence des Nations unies sur les changements climatiques, s’investit pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre » ? Le président de la région Centre-Val de Loire a réagi face aux menaces qui pèsent sur la ligne Caen-Le Mans-Tours, qu’il ne veut pas voir disparaître. Dans l’Allier, dans le Cher, les menaces contre le train Intercités Montluçon-Paris mobilisent les parlementaires locaux, les maires des principales villes. La ligne Montluçon-Saint-Amand-Montrond-Vierzon-Paris est indispensable au développement économique de nos petites villes. L’hypothèse d’un désengagement de l’État de la ligne Bordeaux-Lyon via Montluçon est absolument inacceptable.

Je vous demande, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme le font de nombreux élus, usagers, salariés et syndicalistes, de ne pas suivre les préconisations de ce rapport. La création d’une agence ad hoc, par exemple, n’ouvrirait-elle pas la voie à la privatisation des trains d’équilibre du territoire ?

À Guéret, les samedi 13 et dimanche 14 juin, de nombreux élus et citoyens vous rappelleront que, pour eux, les services publics peuvent être l’axe fort de politiques en faveur des territoires et des habitants. Je vous demande de les écouter. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, parent pauvre plutôt que maillon faible du système ferroviaire, les trains d’équilibre du territoire n’ont pas fait l’objet des investissements nécessaires à leur renouvellement, alors qu’ils assurent un maillage du territoire – ils desservent plus de 300 villes – et remplissent une véritable mission de service public.

Ils sont victimes du « court-termisme » : en effet, il a fallu attendre qu’on n’ait plus le choix pour remplacer rapidement les trente-quatre rames diesel en fin de vie, grâce à une première tranche d’investissements de 510 millions d’euros. Aucune indication n’a été donnée par l’État pour les prochaines tranches de renouvellement, alors que l’âge moyen de ces trains est de trente-trois ans et demi. Dans cinq ans, la totalité des locomotives diesel seront radiées ; 40 % des locomotives électriques et 60 % des voitures seront en fin de vie.

Pour ce qui concerne les trains d’équilibre du territoire, on a appliqué une politique de l’urgence dépourvue de vision globale, comme l’a, à juste titre, dénoncé la Cour des comptes dans son rapport publié en février 2015.

Le débat sur l’avenir de ce service public demandé par nos collègues du groupe CRC est donc pertinent à l’heure de la remise du rapport de la commission Duron le 26 mai dernier.

Ce rapport n’a particulièrement pas épargné la région Midi-Pyrénées et la quatrième ville de France, la ville rose : il prévoit de supprimer les liaisons Bordeaux-Nice, Quimper-Toulouse, Bordeaux-Toulouse, Toulouse-Cerbère et Toulouse- Hendaye. On a donc pris la Garonne comme cible ! Les trains de nuit Paris-Toulouse et Paris-Rodez sont, quant à eux, finalement sauvés, mais pour combien de temps et dans quelles conditions de confort ?

Comment expliquer à nos concitoyens, monsieur le secrétaire d’État, que les lignes qu’ils empruntent vont être fermées sous prétexte qu’elles sont déficitaires et que les coûts d’exploitation sont trop élevés, la hausse de ces coûts étant due au vieillissement du matériel roulant, conséquence de la priorité longtemps accordée aux TER et aux TGV ?

Quand prendra-t-on en compte l’utilité sociale, économique et environnementale d’une ligne d’aménagement du territoire ?

Au lieu de raisonner en termes de suppression de lignes afin de réduire le déficit d’exploitation, il serait préférable de réfléchir à la modernisation de l’offre de TET et à l’amélioration du service, afin de rendre ces trains attractifs auprès des clients, comme ce fut le cas avec les TER, car le matériel vétuste coûte cher et décourage ces clients. Les besoins sont réels, mais l’offre n’est pas adaptée à la demande. Il est encore possible d’agir sur les horaires et les fréquences, sur le confort, avec l’installation de prises ou encore la mise en place de véritables services de restauration – on n’ose plus penser à la restauration à bord du Capitole ! –, de diminuer les temps de trajet et d’améliorer la ponctualité en investissant sur les TET, mais aussi sur le réseau.

Au final, nous sommes nombreux à craindre un abandon du rail au profit des autres modes de transport. Ces suppressions signeraient l’acte de décès d’un certain nombre de liaisons essentielles pour la survie de nos territoires ruraux.

La Cour des comptes a rappelé que si la réduction du nombre de lignes déficitaires contribuerait à diminuer le montant de la subvention d’exploitation, actuellement de 330 millions d’euros, le déficit global des trains Intercités ne pourra pas être substantiellement abaissé sans une clarification des modalités de son financement.

Si le rapport Duron fait état d’un coût difficilement soutenable pour le contribuable, on oublie souvent de mentionner que la SNCF finance elle-même sa propre subvention d’équilibre, au travers de la contribution de solidarité territoriale et la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires. On oublie également que les trains Intercités, avec un déficit moyen de 25 %, sont moins subventionnés que les TER ou les Transiliens, qui accusent respectivement un déficit moyen de 65 % et 62 %.

En revanche, nous soutenons la préconisation qui encourage le renforcement de la péréquation entre les modes de transport en faisant contribuer le transport routier, autocars compris.

Une autre solution proposée consiste à transférer certaines liaisons aux TER. Si ce transfert pourrait se justifier, soyons vigilants à ce qu’il ne se traduise pas par un désengagement de l’État envers les régions ! Comme le rappelle l’Association des régions de France, les économies découlant de la fermeture des lignes risqueraient d’être fictives si les charges étaient reportées sur le TER.

Enfin, pour conclure, si une chose est incontestable, c’est la nécessité pour l’État de prendre ses responsabilités en tant qu’autorité organisatrice des transports. En effet, il est le seul à pouvoir garantir l’aménagement équilibré des territoires. J’espère, monsieur le secrétaire d’État, qu’il s’agit bien encore d’une des priorités du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Adnot.

M. Philippe Adnot. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je n’ai pas l’habitude d’intervenir dans ce genre de débats ; cependant, je le ferai aujourd’hui. Il se trouve que, comme tout le monde, je suis concerné par les trains Intercités.

Je ne viens pas à la tribune pour commenter le rapport qui vient d’être publié ; je suis là pour commenter une réalité. Je commencerai par ouvrir une parenthèse : la SNCF est en train d’abandonner tout ce qui concerne le fret et les petites lignes. Je ne sais pas, mes chers collègues, si vous êtes bien au courant de ce qui se prépare : nous allons remettre sur les routes des dizaines de milliers de camions parce que les silos des coopératives qui sont embranchés sur les petites lignes ne disposeront plus de trains ayant le droit de circuler. Alors que la France organise une conférence sur l’environnement, nous allons « déverser » sur les routes des dizaines de milliers de camions supplémentaires.

Certes, cette réflexion ne relève pas exactement de notre débat sur les trains Intercités, mais elle montre bien qu’il n’y a pas une véritable volonté politique pour maîtriser ces problèmes.

Nous vivons tous la réalité de la diminution du nombre et de la baisse de la qualité des trains Intercités. Nous savons tous que plus cette situation perdurera, plus on nous démontrera que le nombre des personnes qui empruntent ces trains diminue, puisque ce service ne correspond plus à ce qui leur est nécessaire.

M. Philippe Adnot. De la sorte, on peut démontrer tout ce que l’on veut !

Je n’ai pas besoin de vous parler des conséquences sur les territoires : ils vont en mourir ! Manifestement, certains se satisferaient d’une situation dans laquelle n’existeraient plus que les grandes zones urbaines et, à côté d’elles, des déserts ! C’est là une partie du problème.

Or ces lignes étaient rentables – on a dit à quel moment elles l’étaient – et elles ont alors servi à financer les TGV : en effet, à l’époque, on reportait le bénéfice des lignes rentables sur les lignes à créer. On a donc largement « pompé » l’argent de ces lignes : on n’a pas remplacé le matériel, ni entretenu les lignes et ensuite on a dit : « Ce n’est pas de chance, les lignes ne sont pas rentables ! Il faudrait investir. » Demandons donc le retour sur investissement de l’époque où ces lignes étaient rentables !

Quelle France voulons-nous ? Est-ce faire de la politique que de maintenir les services là où ils sont rentables et de les supprimer là où ils ne le sont pas ?

Mme Évelyne Didier. C’est ce que l’on fait pour tout !

M. Philippe Adnot. C’est ce que l’on fait pour la téléphonie mobile, pour internet… Est-ce ce que nous voulons ? Est-ce en cela que consiste la volonté politique ?

En ce qui nous concerne, là où nous avons un peu de pouvoir, dans le département, nous commençons par développer internet pour ceux qui n’ont rien, et non pour ceux qui ont déjà tout ou presque tout.

La volonté politique consiste à faire le contraire du flux naturel des choses. Sinon, il ne s’agit pas de politique ! Il n’y a plus besoin, alors, de gouvernement, de SNCF… Si vous voulez tout privatiser, supprimer les services publics, si c’est là votre objectif d’équipement de notre pays, je vous dirai ce que j’en pense : je n’en suis pas ! Les Français ne vous suivront pas non plus. Nous n’accepterons pas cet abandon ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur les travées du RDSE et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est difficile d’être à la fois élu local et élu national, comme je le dis depuis longtemps dans cet hémicycle.

Selon moi, le récent rapport de la commission sur l’avenir des trains d’équilibre du territoire nous donne l’opportunité de débattre d’un sujet cher à beaucoup d’élus locaux et pourtant trop souvent passé sous silence au niveau national.

À cet égard, je dirai, comme M. Nègre, que la commission Duron était bienvenue, car elle a permis de poser un diagnostic auquel nous pouvons adhérer.

Je relèverai certains éléments de ce diagnostic.

Premièrement, les trains d’équilibre du territoire se révèlent – il faut regarder les choses en face – de plus en plus coûteux pour la puissance publique : le déficit d’exploitation est désormais supérieur à 300 millions d’euros par an.

Deuxièmement, la réflexion sur les dessertes n’a pas été engagée depuis plusieurs années ; ce point est également extrêmement important.

Troisièmement, la dégradation de l’offre et de la qualité de service est notable ; le matériel roulant est de plus en plus obsolète.

Quatrièmement, les trains d’équilibre sont concurrencés par le mode routier, comme mon collègue Louis Nègre, notamment, l’a très bien exposé : je pense au covoiturage, qui est aujourd’hui très important, et aux cars, qui seront demain beaucoup moins chers pour l’usager – c’est, en tout cas, ce qu’on nous annonce.

Enfin, pour terminer sur une note positive, le rapport montre bien que les trains d’équilibre, même non rentables, sont d’une absolue nécessité pour la desserte de certains territoires enclavés pour lesquels ni la route ni l’aérien ne sont des modes de transport appropriés.

Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? Cette situation s’explique par deux raisons principales. La première est la politique du « tout TGV », qui nous a conduits à laisser de côté les investissements d’infrastructure sur le réseau secondaire. Je l’ai dénoncé depuis plusieurs exercices dans les rapports spéciaux que j’ai rédigés sur ce sujet. La seconde raison est que l’État n’a pas pris la mesure de sa responsabilité en tant qu’autorité organisatrice des transports.

Que faire désormais ? Philippe Duron a une formule très séduisante : « ne laisser aucun territoire sans une solution de mobilité ». Nous adhérons à cette idée, bien sûr. Mais, monsieur le secrétaire d’État, comment le Gouvernement compte-t-il passer de la parole aux actes ?

Pour ma part, j’estime que la réflexion sur le futur des TET doit prendre en compte, d’une part, les besoins du territoire et, d’autre part, le coût économique du mode ferroviaire, qui repose sur une estimation des prévisions de trafic, des investissements en matériel roulant et, enfin, des investissements en infrastructures nécessaires pour rétablir une qualité de service décente, notamment en comparaison avec le mode routier.

La création de treize grandes régions doit permettre de transférer une partie des lignes TET aux régions, qui me semblent être des autorités organisatrices plus dynamiques.

Il convient également d’éviter - cela n’a pas été beaucoup dit jusqu’à présent – les doublons entre TER et TET ou entre TGV et TET. Si je prends un exemple local, le trajet Bordeaux-Toulouse peut être effectué soit en TET, soit en TGV pour le même prix, voire même pour un prix inférieur en TGV.

Mme Françoise Laborde. Il n’existe pas de TGV Bordeaux-Toulouse !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Si ! Or la majeure partie des voyageurs empruntent le TGV, ce qui rend le TET d’autant moins rentable. Il est tout de même nécessaire de prendre en considération cette question.

Je note enfin que la commission rappelle que l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire se rapproche, tout en se prononçant pour une simple expérimentation sur certains tronçons.