M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, pour présenter l'amendement n° 1260.

M. Michel Le Scouarnec. Par cet amendement, le groupe CRC demande la suppression des alinéas 99 et 100 de cet article, qui introduisent la procédure écrite en appel devant la juridiction prud’homale.

Si nous entendons la volonté du gouvernement de réduire les délais de jugement dans les cours prud’homales, nous nous opposons à sa manière de faire, qui ne saurait en aucun cas être efficace. La vraie raison de la lenteur de la justice prud’homale tient à son manque criant de moyens.

Instaurer la procédure écrite en appel ne conduira qu’à apporter plus de complexité et à allonger encore les délais. Les juges, débordés, pourront-ils suivre efficacement l’affaire ? J’en doute fortement ! Combien de temps durera l’échange des documents entre les parties ? Il est tellement plus simple et plus rapide, pour les salariés, de s’adresser directement à la juridiction pour avancer leurs arguments !

Par ailleurs, cette évolution pose question : le formalisme de ce type de dispositif est strict, alors que plus de 10 % des salariés se présentent en appel sans être accompagnés d’un avocat. Comment feront-ils demain, alors qu’ils ne disposent pas des compétences nécessaires pour maîtriser la méthodologie de la procédure écrite ? Une telle mesure nous semble donc constituer une entorse grave au principe d’accès universel des salariés à la justice.

L’objectif d’une bonne réforme des prud’hommes devrait être d’assurer une justice de qualité, dans ces jugements comme dans ses délais. Vous ne nous proposez que de pallier le manque de moyens.

En vertu de l’ensemble de ces principes, nous demandons la suppression des alinéas 99 et 100 de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Ces amendements tendent à revenir sur la décision de la commission spéciale de préciser que, en appel, la procédure est essentiellement écrite. Or cette évolution est une nécessité pour améliorer les délais de traitement. Je rappelle à cet égard que, dans plus de 90 % des cas, le justiciable est représenté en appel et sera donc aidé dans la conduite de la procédure.

S’agissant des 10 % de justiciables restants, je souhaite rappeler qu’il existe dans notre droit une procédure essentiellement écrite, qui n’exige pas forcément la présence d’un avocat ou d’un conseil et qui est souvent présentée comme un modèle d’accessibilité : la procédure devant le tribunal administratif, qui ne soulève pas de difficultés particulières. Mon sentiment personnel est qu’elle constitue un modèle en la matière.

Je rappelle en outre que nous n’avons prévu cette procédure écrite qu’en appel, alors que les principaux moyens de droit auront été échangés en première instance et qu’il convient d’arriver rapidement à une solution du litige.

Rien n’interdit, d’ailleurs, comme dans la procédure administrative, dont on dit qu’elle est essentiellement écrite, que les justiciables soient entendus à l’oral. C’est expressément prévu !

La commission spéciale émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Favorable !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 626 et 1260.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les trois premiers sont identiques.

L'amendement n° 170 rectifié est présenté par Mmes Lienemann et Claireaux.

L'amendement n° 953 rectifié est présenté par MM. Collombat, Arnell, Castelli, Collin, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Requier.

L'amendement n° 1261 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 129 à 132

Supprimer ces alinéas.

L’amendement n° 170 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 953 rectifié.

M. Jacques Mézard. Il s'agit ici d’une question importante. L’article 2064 du code civil est ainsi rédigé : « Toute personne, assistée de son avocat, peut conclure une convention de procédure participative sur les droits dont elle a la libre disposition, sous réserve des dispositions de l’article 2067.

Toutefois, aucune convention ne peut être conclue à l’effet de résoudre les différends qui s’élèvent à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du code du travail entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient. »

Qu’est-ce que la convention de procédure participative ? Je dois le rappeler à la fois à M. le ministre et à nos collègues du groupe socialiste : ce dispositif est né dans la loi du 22 décembre 2010, contre laquelle vous aviez tous fermement voté. Il s’agissait en réalité d’une véritable arnaque, fruit d’une négociation du gouvernement Fillon. (Protestations sur les travées de l'UMP.) Les avocats avaient accepté l’entrée du chiffre dans le droit en échange de cette procédure et de l’acte d’avocat. Or aucun des deux n’a jamais fonctionné !

Monsieur le ministre, une fois de plus, vous faites beaucoup mieux ! (M. le ministre sourit.) Vous considérez que ces conventions, qui ont échoué dans le reste du droit, vont fonctionner en droit du travail, alors même qu’elles sont absolument contraires à son esprit, lequel repose sur l’idée que le contrat de travail n’est pas conclu entre parties égales et sur le principe de subordination du salarié à l’employeur.

Votre projet va à l’encontre de toute la jurisprudence de la Cour de cassation, qui a toujours exigé les garanties les plus strictes dans les protocoles d’accord en matière de droit social. Vous considérez pourtant aujourd’hui que ces conventions de procédure participative peuvent être mises en œuvre, dans des conditions qui ne respectent pas les droits des salariés.

Il m’arrive de prendre des positions dans l’intérêt des employeurs, quand cela me semble juste. Par cette disposition, monsieur le ministre, vous faites quelque chose que vos prédécesseurs de droite n’avaient pas osé faire !

Mme Annie David. C’est vrai !

Mme Catherine Deroche, corapporteur. C’est un compliment, monsieur le ministre !

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement n° 1261.

Mme Annie David. Cet amendement étant identique à celui qui vient d’être présenté, je vais essayer de convaincre M. le ministre, si toutefois c’est possible, par des arguments différents de ceux de M. Mézard. Cette défense à deux voix sera peut-être efficace !

Je partage les positions exprimées par M. Mézard, sauf le rappel que, parfois, il défend les employeurs ! (Sourires.) Non, je dis cela pour rire : moi aussi, parfois, je défends les employeurs.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Là, c’est nous qui rions !

Mme Annie David. En attendant, nous vous demandons de supprimer ces alinéas. En effet, cette exception a été introduite dans le code civil parce que le CSP, le Conseil supérieur de la prud'homie, avait émis à la quasi-unanimité – organisations syndicales, salariales et patronales – un avis défavorable à l’extension de cette procédure aux conflits du travail. En effet, celle-ci est payante, alors que la conciliation prud’homale est gratuite, sans avocat obligatoire et avec un préliminaire de conciliation.

En ce qui nous concerne, nous combattons la logique qui entend traiter les différends entre employeurs et salariés ailleurs que devant le conseil de prud’hommes ; je rejoins en cela M. Mézard.

Nous nous opposons par conséquent à la volonté du Gouvernement de résoudre les litiges entre employeurs et salariés par d’autres voies que les prud’hommes. Nous sommes en effet conscients que les liens entre un employeur et un salarié n’unissent pas des personnes à égalité et sont bien des liens de subordination. De ce fait, les différends doivent se régler devant la justice prud’homale.

M. le président. L'amendement n° 483, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 130

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Le deuxième alinéa de l’article 2064 du code civil prévoit qu’« aucune convention ne peut être conclue à l'effet de résoudre les différends qui s'élèvent à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du code du travail entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient. »

Cet alinéa reconnaît la spécificité du droit du travail, qui, à la différence du droit civil, régit des relations non pas entre deux parties égales, mais entre deux personnes ayant un lien de subordination, à savoir l’employeur et son salarié.

En reconnaissant la possibilité d’établir une convention pour régir les rapports entre ces deux personnes, afin de favoriser les procédures participatives, cet alinéa du projet de loi remet en cause deux cents ans d’élaboration de notre droit du travail. Un tel bouleversement mériterait une véritable réforme, assortie d’un débat parlementaire dédié.

C’est pourquoi nous proposons la suppression de cet alinéa.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. La commission spéciale n’a pas modifié ce texte, car elle a considéré après réflexion qu’elle devait en rester à la version du Gouvernement. Elle émet donc nécessairement un avis défavorable aux différents amendements, et je suis certain que M. le ministre va encore conforter sa position ! (Sourires.)

M. Charles Revet. Encore heureux : c’est son texte que l’on veut supprimer !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Vous avez raison, monsieur le corapporteur, l’esprit de cohérence m’oblige à défendre ce texte, mais je le fais également par conviction.

Ces alinéas visent à permettre des modes alternatifs de règlement des conflits. Il me faut avant tout dire à M. Mézard que l’on ne réalise pas des réformes de ce type en faisant des trocs ! Monsieur le sénateur, vous avez donné le sentiment que, lors de la réforme de 2010, on avait créé l’acte d’avocat en contrepartie de la création d’un mode alternatif de règlement des conflits. Je n’ai pas à m’exprimer au nom de la majorité précédente, qui compte suffisamment de représentants dans la Haute Assemblée pour le faire,…

M. Roger Karoutchi. Voire… (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Emmanuel Macron, ministre. … mais, pour notre part, nous ne concevons pas cette réforme comme un troc. Que cherchons-nous à faire ? Quelle est la démarche d’ensemble ? Nous voulons trouver les voies et moyens d’une justice plus rapide et plus efficace.

Voilà pourquoi nous rendons possibles ces modes alternatifs de règlement des conflits et nous les rendons accessibles dans le domaine du droit du travail. Cependant, cela ne se fera pas en l’absence de toute règle, puisque nous soumettons le résultat de cette procédure à l’homologation du conseil des prud’hommes.

Par ailleurs, le consentement des deux parties demeure nécessaire. Je suis d’accord avec vous sur le caractère asymétrique de la relation de travail, que je n’ai jamais nié. Vous avez tout à fait raison de dire qu’il existe. Toutefois, lorsque les deux parties sont d’accord et que le consentement n’est pas biaisé, on peut entrer dans une procédure de médiation. Pourquoi voulez-vous interdire à deux parties qui y consentent de trouver une solution possible ?

M. François Pillet, corapporteur. Oui, c’est le bon sens !

M. Emmanuel Macron, ministre. La même logique sera à l’œuvre lors du bureau de conciliation et même lors du bureau de jugement, à travers le référentiel.

Par ailleurs, cette possibilité est offerte, mais elle n’est pas la seule voie. Sur ce point, votre raisonnement me gêne. Si ce mode alternatif de règlement des conflits constituait la seule voie, je pourrais à la rigueur comprendre votre argument malgré mes réserves. Mais tout de même, le droit commun existe ! Cette voie n’est ouverte que si les deux parties le souhaitent.

Passez-moi l’expression, mais je vous trouve sur ce point, monsieur Mézard, plus royaliste que le roi. (Sourires.)

M. Jacques Mézard. On est en 2015 !

M. Emmanuel Macron, ministre. C’était une provocation gratuite de ma part ! Enfin, une fois ce mode alternatif de règlement des conflits choisi et accepté par les deux parties, les accords qui en sont issus sont soumis à une homologation par le conseil des prud’hommes, ce qui n’est pas possible aujourd’hui.

Pour résumer, les parties ont tout à fait la possibilité de ne pas entrer dans cette procédure amiable. Elles n’y sont pas liées. Enfin, une fois qu’elles s’y sont engagées, il suffit qu’elles l’acceptent, et le processus d’homologation couronne le tout.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. En quoi est-ce que cela raccourcit la procédure ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Cela raccourcit la procédure si c’est un choix ! Laissez la liberté aux acteurs.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Une liberté sous tutelle !

M. Emmanuel Macron, ministre. Non ! C’est une liberté encadrée. Le pire des risques, pour aller dans votre sens, c’est que cela ne serve à rien. Si ce dispositif ne sert à rien, ce ne sera pas si grave. Toutefois, s’il peut être utile dans de nombreux cas, ce sera plus efficace, ce qui s’inscrit exactement dans l’esprit du texte que nous examinons depuis tout à l’heure. Par ailleurs, il est juste, puisqu’il y a l’homologation.

Ce dispositif ne mérite pas le faux procès qui lui a été intenté. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur tous ces amendements.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. J’avais déposé un amendement identique, qui n’a pas été soutenu.

Monsieur le ministre, pour la première fois peut-être depuis la création du droit du travail, on suit ici une logique de création de conventions de droit civil, sans se soucier de sanctuariser le droit du travail comme étant à part des conventions ou du droit civil classique.

Pour les raisons qu’ont très bien exprimées mes collègues, en particulier l’asymétrie entre les positions de l’employeur et du salarié, on peut se demander pourquoi l’État entend soudain modifier ce qui existe depuis des lustres. Ce n’est pas parce que la procédure serait ainsi plus rapide, car, s’il faut que l’accord soit homologué par les prud’hommes, le gain de temps sera maigre.

En réalité, de plus en plus d’entreprises, telle la société de taxis Uber, conçoivent des contrats de travail sous forme de conventions de droit civil et de droit des affaires et tentent ainsi s’exonérer des règles du salariat et du droit du travail. Ce phénomène existe dans tous les pays anglo-saxons. On prend donc à mes yeux ici un risque majeur, parce qu’il s’agit d’un bouleversement philosophique de notre rapport au droit.

Je soutiendrai par conséquent les amendements défendus par mes collègues.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, je me permets d’insister. De quoi est-il question ? Il s’agit ici bien du code civil, et non du code du travail ou du code de procédure civile. Ce point avait été abordé très clairement, en 2010, et le gouvernement Fillon n’avait alors pas voulu s’engager dans la voie qui est aujourd’hui la vôtre, et ce à juste titre.

La convention de procédure participative permet en effet de court-circuiter la procédure de droit commun et de placer le plus faible dans une situation encore inférieure. Voilà pourquoi, en ce qui concerne les transactions et les protocoles transactionnels en droit du travail, la chambre sociale de la Cour de cassation a toujours voulu faire en sorte qu’il y ait des règles extrêmement strictes. Ainsi, elle a toujours exigé que la procédure de licenciement soit engagée et qu’il ne puisse y avoir de protocole transactionnel qu’ensuite. Par conséquent, vous bouleversez aujourd’hui ces principes généraux de notre jurisprudence en matière de droit social !

Par ailleurs – ce n’est pas honteux –, il y avait bien eu à l’époque un échange : les avocats avaient accepté l’entrée du chiffre, c’est-à-dire des experts comptables, dans le droit et ils avaient reçu en échange la convention de procédure participative, ainsi que l’acte d’avocat. Alors que ni l’un, ni l’autre n’ont jamais fonctionné, vous utilisez à présent cette procédure.

On pourrait donc vous dire, monsieur le ministre : « Courbe la tête, fier Sicambre ! Adore ce que tu as brûlé et brûle ce que tu as adoré ! » (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Je voudrais à mon tour insister sur ce point.

Nous avons déposé ces amendements parce que, même après tout ce que nous avons pu entendre précédemment, ces deux alinéas sont ceux qui portent le plus atteinte à la justice prud’homale.

Monsieur le ministre, vous nous avez dit tout à l’heure vouloir professionnaliser cette justice prud’homale, en faire une justice presque comme une autre. Or on est là dans le droit du travail, dans des relations qui lient des personnes par un lien de subordination et qui mettent face à face des parties qui ne sont pas sur un pied d’égalité.

Pourtant, au travers de cette procédure que vous essayez d’instaurer, vous mettez en péril l’institution même de la juridiction prud’homale, qui fait tellement peur au grand patronat…

Mme Annie David. … et aux employeurs !

On entend dire depuis le début de l’examen de ce texte que les étrangers, notamment les Américains, ne veulent pas venir en France, parce qu’ils ont peur des prud’hommes et, bien évidemment, de l’ensemble du code du travail.

Le Gouvernement de M. Valls, dont M. Macron est un membre éminent, porte aujourd’hui de graves atteintes à la justice prud’homale et à des acquis sociaux qui ont permis, qu’on le veuille ou non, à un grand nombre de salariés de faire valoir leurs droits, bafoués dans les entreprises et réhabilités grâce à la justice prud’homale.

Monsieur le ministre, je trouve donc dommage et dommageable ce que vous faites au travers de cet article en général et de ces alinéas en particulier.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Je voudrais simplement apporter deux précisions.

Premièrement, tout l’argumentaire de Mme Lienemann tombe, parce qu’il ne s’agit en rien ici du code du travail.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce n’est pas vrai ! Le premier alinéa, c'est le code du travail !

M. Emmanuel Macron, ministre. Il s’agit ici du code civil. Si votre totem est le code du travail, vous êtes donc hors sujet. M. Mézard a bien dit qu’il était question ici du code civil. J’accepte la dynamique dans laquelle il se situe et je la respecte, mais il faut être juridiquement cohérent.

Deuxièmement, j’ai un dissensus avec vous, parce que, selon moi, que les parties soient libres d’entrer, ou non, dans cette procédure…

Mme Annie David. Elles ne le sont pas !

M. Emmanuel Macron, ministre. … constitue une différence fondamentale. Rien n’oblige le salarié à entrer dans cette procédure de convention collective, rien ! (M. Jacques Mézard proteste.) En outre, soyez cohérents avec l’ensemble de la réforme.

Mme Annie David. Je vous rappelle que nous y étions opposés, avec M. Mézard !

M. Emmanuel Macron, ministre. Vous avez mis en place un référentiel transparent, pour tous, au niveau du bureau de jugement. Par ailleurs, monsieur Mézard, si un intérêt pécuniaire existe chez l’une des parties, il se voit matérialisé au niveau du bureau de jugement par le référentiel, qui donne à voir ce que l’on peut espérer.

Aucun salarié ayant un référentiel plus généreux d’après le bureau de jugement n’acceptera une transaction extrajudiciaire moins généreuse ! Cela n’existe pas, et vous le savez, sauf à considérer qu’il existe une irrationalité collective, mais c’est une hypothèse à laquelle je ne souscris pas.

Par ailleurs, il ne s’agit en aucun cas d’une voie unique et imposée. Cette procédure est choisie par les deux parties et fait l’objet d’une procédure d’homologation.

Enfin, madame la sénatrice, cette réforme concerne le quotidien de nos concitoyens et de nos entreprises, contrairement à la question du délit d’entrave, sur laquelle nous reviendrons ultérieurement et pour laquelle nous avons véritablement la volonté d’engager une réforme en termes d’attractivité. Nous ne faisons pas là une réforme d’affichage !

Mme Annie David. Je n’ai pas parlé d’affichage !

M. Emmanuel Macron, ministre. Sinon, nous n’entrerions pas dans ce luxe de détails. Cette réforme, qui a du sens, vise à être efficace. Moi, ce qui m’intéresse, c’est de prendre non pas des mesures d’affichage, mais des mesures qui changent concrètement les choses. Et c’est bien de cela que nous débattons ! (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 953 rectifié et 1261.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 483.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 83, modifié.

(L'article 83 est adopté.)

Article 83
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Article 84 bis

Article 84

I. – Les 1° à 7° du I et les II, III, IV et V de l’article 83 de la présente loi sont applicables à compter de la publication de la même loi.

II. – Les 7° bis, 8° et 19° du I du même article sont applicables aux instances introduites devant les conseils de prud’hommes à compter de la publication de la présente loi.

III. – (Non modifié) Les 9° et 10° du même I entrent en vigueur à compter du premier renouvellement des conseillers prud’hommes qui suit la promulgation de la présente loi.

IV. – (Non modifié) Les 11° à 16° dudit I entrent en vigueur au plus tard le premier jour du dix-huitième mois suivant la promulgation de la présente loi.

V. – Les 17° et 18° du même I et le I bis entrent en vigueur au plus tard le premier jour du douzième mois suivant la publication de la présente loi.

VI. – (Non modifié) Le 20° dudit I est applicable aux instances qui font l’objet d’une procédure de départage à compter de la publication de la présente loi.

VII. – (Non modifié) Par dérogation au dernier alinéa de l’article L. 1442-13-2 du code du travail, les membres de la première commission nationale de discipline des conseillers prud’hommes sont désignés lors de l’entrée en vigueur du 13° du I de l’article 83 de la présente loi jusqu’au prochain renouvellement des membres du Conseil supérieur de la prud’homie.

M. le président. L'amendement n° 76, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Par cohérence avec notre amendement de suppression de l’article 83, nous demandons la suppression de l’article 84.

En effet, l’article 84 prévoit l’entrée en vigueur de la réforme des prud’hommes dès la promulgation de la loi s’agissant de la majorité des dispositions prévues à l’article 83, à l’exception des dispositions concernant le défenseur syndical, dont l’instauration est reportée d’un an.

Monsieur le ministre, j’aimerais savoir pour quelles raisons ces dispositions ne sont pas applicables à la même date.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Ma chère collègue, par coordination, vous avez défendu un amendement de suppression. Et par coordination également, l’avis de la commission spéciale est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

Mme Annie David. On ne sait donc rien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 76.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1759, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... – Au II de l’article 16 de l’ordonnance n° 2011-337 du 29 mars 2011 modifiant l'organisation judiciaire dans le département de Mayotte, l’année : « 2015 » est remplacée par l’année : « 2017 ».

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement vise à proroger de 2015 à 2017 la date limite de création d’un conseil des prud’hommes à Mayotte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1759.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 84, modifié.

(L'article 84 est adopté.)

Article 84
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Article 85

Article 84 bis

(Non modifié)

Par dérogation au premier alinéa de l’article L. 492-4 du code rural et de la pêche maritime, le prochain renouvellement des membres assesseurs des tribunaux paritaires des baux ruraux a lieu en janvier 2018.

Le mandat des membres assesseurs des tribunaux paritaires des baux ruraux en fonction à la date de promulgation de la présente loi prend fin à la date d’installation des membres assesseurs nouvellement élus. – (Adopté.)

Section 2

Dispositif de contrôle de l’application du droit du travail

Article 84 bis
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Articles additionnels après l’article 85

Article 85

Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi et relatives à l’accès au corps de l’inspection du travail par voie d’un concours réservé aux agents relevant du corps des contrôleurs du travail et remplissant des conditions d’ancienneté.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.

Mme Annie David. Cet article aborde une autre institution forte et marquante du monde du travail, à savoir l’inspection du travail.

Bien sûr, la commission spéciale a largement modifié la rédaction de cet article proposée par le Gouvernement, ce dont nous nous réjouissons. Nous remercions d'ailleurs Mme la corapporteur Catherine Deroche d’avoir proposé la suppression de la première habilitation visant à réformer par ordonnance l’inspection du travail. Désormais, il est seulement question d’ouvrir un concours spécifique aux contrôleurs du travail qui souhaitent accéder au corps des inspecteurs du travail, la réforme prévue par ordonnance étant supprimée.

Toutefois, monsieur le ministre, un rappel s’impose. En mars 2014, malgré la contestation du Sénat et le rejet de quatre syndicats sur six en comité technique paritaire, votre collègue Michel Sapin signait un décret sur la réorganisation de l’inspection du travail, parce que, ici même, nous avions repoussé la réforme qu’il portait. Cette réorganisation, adoptée en force, sans aucun consensus, a pour conséquence de remettre en cause l’indépendance des inspecteurs, notamment avec la création d’unités de contrôle locales regroupant huit à douze inspecteurs du travail placés sous la direction d’un responsable.

Le projet de loi prévoit d’aller plus loin dans cette réforme, qui plus est par voie d’ordonnance, alors que le Parlement a été informé depuis plus d’un an des intentions du Gouvernement en la matière.

En outre, une proposition de loi relative aux pouvoirs de l’inspection du travail a été déposée, mais elle n’a pas dépassé le stade de l’examen de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale il y a tout juste un an. Pourtant, elle aurait pu servir de base à un débat public au Parlement : le Sénat aurait pu en discuter et l’amender en vue d’aboutir à un texte acceptable pour les salariés et les fonctionnaires de l’inspection du travail. Néanmoins, de cela vous ne voulez pas !

Aujourd'hui, au lieu d’engager le débat, vous nous proposez de légiférer par ordonnance. C’est pourquoi nous continuons à demander la suppression de cet article, qui prévoit dorénavant d’autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures relatives à l’accès, par concours, des contrôleurs du travail au corps des inspecteurs du travail.

Sur la forme, tout d’abord, nous rejetons le recours à l’ordonnance sur un sujet si important, une réforme qui, je le répète, était dans les tiroirs du Gouvernement depuis de nombreux mois.

Sur le fond, ensuite, la présente disposition consiste en un transfert du corps des contrôleurs vers celui des inspecteurs. Or la principale difficulté rencontrée par l’inspection du travail dans l’exercice de ses prérogatives est liée au manque de moyens, notamment humains. Cette mesure ne répond pas à ce problème, parce qu’elle n’augmente pas l’effectif global – il s’agit simplement d’un transfert – et parce qu’elle diminue les effectifs à même de réaliser des contrôles sur le terrain.

La baisse du nombre de contrôleurs est d’autant plus préoccupante que ces derniers interviennent principalement dans les entreprises de moins de cinquante salariés, là où la présence syndicale est moins marquée et où les entraves aux droits des salariés peuvent, de ce fait, être nombreuses. J’en veux pour preuve le fait que l’essentiel des litiges portés devant les prud’hommes est le fait de salariés issus de petites et moyennes entreprises.