M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau.

Mme Élisabeth Doineau. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, notre appréciation du présent projet de loi est contrastée.

Nous sommes bien loin du premier élan qui avait présidé à l’organisation, en 2011, du grand débat national sur la dépendance. La reconnaissance et la création d’un cinquième risque ne sont clairement plus d’actualité.

Faut-il y voir un manque d’ambition ou un signe de réalisme, compte tenu de l’état de nos finances publiques ? Il n’est désormais question que d’aménagements ponctuels et pragmatiques, sous-calibrés par rapport à l’ampleur des besoins réels.

Cependant, même dans cette optique moins-disante, le présent projet de loi souffre de lacunes et de limites importantes. J’en évoquerai deux.

Première limite majeure, ce texte ne porte presque exclusivement que sur l’aide à domicile. Autrement dit, il n’aborde qu’à la marge la prise en charge en établissement.

En matière de dépendance, c’est peut-être le reste à charge, pour la personne âgée et sa famille, qui constitue le problème le plus important, cela a été dit tout à l'heure. Il conviendrait de s’y attaquer urgemment. Or ce sujet est maintenant renvoyé à l’horizon du rétablissement des comptes publics… Je vous laisse en estimer la date ! Nous ne pouvons que le regretter vivement.

La seconde limite majeure du texte touche, bien sûr, au financement de ses dispositions. À cet égard, la réforme a le vice de sa vertu. La construction financière du projet de loi était à la fois originale et innovante, puisque ses mesures ont été calibrées en fonction des financements disponibles. Tout est paramétré en fonction du produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA.

C’est évidemment une démarche dont il faut s’inspirer et qui devrait même devenir un principe élémentaire de l’action publique, dans la mesure où la réforme est ainsi, par nature, financée. C’est bien cela la vertu budgétaire : ne pas dépenser plus que l’on ne dispose.

Toutefois, le financement imparti à la réforme est dès le départ notoirement insuffisant. C’est sur ce point que se situe le principal problème, le vice. La CASA rapportera un peu plus de 650 millions d’euros. Or les besoins financiers en matière de dépendance, qui sont connus, s’avèrent sans commune mesure.

Le ministère lui-même vient de publier une étude sur le coût de la dépendance pour les finances publiques en 2011 et sur son évolution à l’horizon 2060. En 2011, les dépenses publiques de prise en charge de la perte d’autonomie ont atteint plus de 21 milliards d’euros au titre de la santé, du médico-social et de l’hébergement. À l’horizon 2060, ce chiffre serait de 35 milliards d’euros ! Dans ces conditions, que représentent les 650 millions d’euros de la CASA ? Évidemment, une faible part, qu’il convient donc de remettre en perspective.

Face à un tel constat, nous aurions pu éluder le débat, en déposant une motion tendant à opposer la question préalable. Nous nous y sommes refusés pour deux raisons : d’une part, la question de la dépendance a été trop souvent reportée, alors même qu’elle est attendue par tous ; d’autre part, il faut aussi reconnaître certains mérites au projet de loi qui nous est soumis, surtout tel qu’il ressort des travaux de notre commission.

J’en profite pour féliciter nos rapporteurs, Gérard Roche et Georges Labazée, de leur implication et de la qualité des propositions qu’ils nous ont faites.

Le premier mérite du texte, selon nous, réside dans son esprit. En effet, il vise à battre en brèche la peur et la culpabilité de vieillir à l’œuvre dans la société.

Nous devons commencer à changer le regard que nous portons sur nos aînés. Nous partons trop souvent du postulat que les familles ne peuvent plus les prendre en charge. Pourtant, d’une manière ou d’une autre, nous devrons évoluer.

Par ailleurs, le texte comporte un certain nombre d’avancées réelles qu’il n’est pas question de minimiser.

Nous soutenons évidemment la revalorisation des prestations de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA. Même si elle est encore insuffisante, cette réévaluation n’en demeure pas moins appréciable.

Même avis concernant la revalorisation de la rémunération des travailleurs de l’aide à la personne. Bien que celle-ci soit bien modique, elle a au moins le mérite d’en finir avec le gel des salaires.

Sur le plan financier, la commission a sanctuarisé la clé de répartition des fonds issus de la CASA, ce qui représente un réel avantage en matière de transparence et de sécurisation financière du système.

De même, nous prenons acte de la réforme de la gouvernance à l’échelle locale, avec la création de la conférence des financeurs, des conseils départementaux de solidarité pour l’autonomie, les CDSA, et des maisons départementales de l’autonomie, les MDA. Nous appelions de nos vœux une telle évolution, qui intègre handicap et vieillissement. Une telle architecture a été très opportunément complétée par la commission, qui a conféré au département un rôle de pilote. Ce chef de filat annonce l’élaboration future des schémas départementaux de l’autonomie.

Autre point très positif du texte, l’expérimentation d’un modèle intégré d’organisation et de financement des services polyvalents d’aide et de soins à domicile, les SPASAD. Toutefois, nous pensons qu’il faut aller plus loin en prévoyant aussi un cadre juridique pour les SPASAD, qui devraient prendre la forme de groupements de coopération sociale et médico-sociale, les GCSMS. Nous défendrons d’ailleurs un amendement en ce sens.

À l’échelle nationale, la solution retenue par notre commission de créer un Haut Conseil de l’âge plutôt qu’un Haut Conseil de la famille et des âges de la vie nous semble préférable. Elle permet à la fois à la réforme de se concentrer sur la question du vieillissement et, surtout, de proposer une gouvernance nationale s’articulant de manière plus cohérente avec la gouvernance locale.

Nous ne pouvons également que soutenir la redéfinition des foyers-logements en résidences autonomie et, surtout, la création du forfait autonomie correspondant, d’autant que notre commission a opportunément élargi la possibilité de le percevoir aux établissements percevant aussi le forfait soins, dont l’objet est différent.

Il est prévu que quarante millions d’euros de la CASA y soient dédiés, ce qui représente un financement encore une fois peu significatif, lorsqu’il est rapporté à chaque département.

Enfin, nous nous réjouissons de la création du droit au répit pour les aidants, un premier pas modeste, mais notable, et d’une meilleure reconnaissance par le texte des accueillants et aidants familiaux.

Ces quelques améliorations ne seront pas suffisantes pour vieillir dans de meilleures conditions.

Je tiens sur ce point à dire un mot de ce qui constituera, à l’évidence, le cœur de nos débats, à savoir la distinction entre autorisation et agrément, sur laquelle mon collègue Jean-Marie Vanlerenberghe interviendra également. Sur ce sujet, tout le monde est d’accord sur le constat, y compris le Gouvernement, comme j’ai cru le comprendre à l’instant. Dès lors, la question est de savoir comment nous pourrons aboutir ensemble à un modus vivendi.

Même si notre appréciation de ce texte est contrastée, vous l’avez compris, le groupe UDI-UC le votera, parce qu’il va dans la bonne direction. Nous regrettons néanmoins de trop timides avancées, à petits pas comptés.

M. Jean Desessard. C’est l’âge !

Mme Élisabeth Doineau. Nous avançons, si je puis me permettre cette image, avec un déambulateur ! (Sourires.)

Le texte traduit donc de bonnes intentions, ce qui ne m’empêche pas de rester inquiète. Car, si nous restons trop prudents, nous pourrons nous remémorer à bon escient les paroles d’Alfred de Musset, lequel affirmait « Je suis venu trop tard dans un monde trop vieux. » (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Noël Cardoux. Madame la secrétaire d’État, vous ne serez pas surprise, je modifierai volontiers, pour ma part, l’appellation donnée par le Gouvernement à ce projet de loi et le nommerai, de façon plus prosaïque, « projet de loi d’utilisation des 650 millions d’euros de la CASA ». En effet, les précédents orateurs l’ont souligné, l’exercice se borne à cela !

Lors de votre audition par la commission, madame la secrétaire d’État, vous avez présenté comme vertueux le fait que le texte ne prévoie aucune dépense qui ne serait pas financée par la CASA.

Toutefois, même si ce projet de loi, dont la logique est certes vertueuse, vise à apporter de l’aide aux personnes vulnérables, âgées et dépendantes, il manque de souffle et d’ambition en raison d’un financement très limité.

M. Milon l’a souligné, il aurait été nécessaire d’aller encore plus loin et de faire preuve de beaucoup plus d’ambition. Nous serons contraints de revenir un jour ou l’autre sur ce sujet, et sans doute même assez rapidement.

Je ne reviendrai pas sur les deux chiffres rappelés par notre collègue Élisabeth Doineau sur le coût de la dépendance dans notre pays, qui s’élève à 21 milliards d’euros en 2015, soit 1,05 % du PIB, et atteindra 33 milliards d’euros en 2060, soit 1,17 % du PIB.

Les 650 millions d’euros de la CASA représentent donc 2,5 % du coût actuel de la dépendance, ce qui peut sembler peu élevé, vous l’avez souligné, mes chers collègues.

Nous travaillons pour « augmenter » de 2,5 % – c’est très peu – le coût de la dépendance, au travers d’une approche purement comptable. Je rappelle en outre que le financement est assuré à concurrence de 65 % par des fonds publics et de 35 % par les bénéficiaires.

Madame la secrétaire d’État, je vous donne quitus de ce que vous avez dit tout à l’heure. Il est encourageant pour les présidents de conseils généraux, qui mènent leur campagne électorale et ne sont donc pas présents aujourd'hui, que les charges supplémentaires prévues soient compensées au niveau départemental. Cela n’a pas toujours, voire jamais, été le cas. Nous en prenons solennellement acte, et nos collègues des conseils généraux passeront le message à leurs collègues absents.

Je voudrais aussi remercier les rapporteurs, qui se sont livrés à un exercice difficile nécessitant beaucoup de travail. Dans le cadre d’un financement très limité, ils ont apporté des améliorations considérables à ce texte, qui va dans le bon sens.

Je citerai les principaux aménagements : la sanctuarisation des produits de la CASA au sein de la CNSA, en pourcentage et non en volume ; l’amélioration de la gouvernance tant départementale que nationale, avec l’affirmation du département comme chef de file de la prise en charge des personnes âgées et le rétablissement du Haut Conseil de l’âge ; la composition du conseil de la CNSA, où les présidents des conseils généraux entrent d’une manière solennelle ; la proposition de mettre en place sur deux ans un système d’expérimentation pour les services d’aide à domicile, les SAD. Permettez-moi en effet de rappeler l’effet pervers de la loi Borloo, qui visait à concilier l’objectif social d’aide de l’aide départementale aux personnes dépendantes avec un objectif de création d’emplois dans le domaine concurrentiel. Or on sait très bien que le télescopage de ces deux notions n’était pas possible. Nous sommes aujourd'hui au pied de la montagne que nous avons créée à cette époque.

Toutefois, le texte ne prévoit aucune réforme de fond. En effet, il ne vise qu’une réorganisation a minima de l’APA, malgré un fléchage visant à une diminution sensible du reste à charge. Il aurait été préférable de mieux répartir cette allocation, de la réformer, et surtout d’en fixer l’échelle pour qu’elle soit attribuée en fonction des revenus et non des GIR.

Comme l’a souligné notre collègue à l’instant, le texte ne prévoit pas non plus de réforme de la tarification des EPHAD, qui aurait permis de différencier les attributaires de l’aide sociale et les non-attributaires. Or les départements demandent justement une tarification différenciée.

Nous savons, madame la secrétaire d’État, que deux groupes de travail ont été mis en place. Cependant, nous savons aussi qu’il n’y avait aucune marge financière pour cette réforme de la tarification. C’est pourquoi je crains qu’elle ne soit repoussée aux calendes grecques.

Le projet de loi prévoit la création d’un forfait autonomie à la charge des départements pour les résidents des foyers-logements, mais aucune indication n’est donnée sur son financement. L’aide aux aidants, abordée par notre collègue Desessard, est méritoire. Cependant, nous n’avons pas la même approche : 500 euros par an pour les aidants, c’est quelque chose ; toutefois, par rapport aux enjeux, c’est extrêmement faible.

Les services d’aide à domicile sont réformés a minima, alors que ce secteur est au bord de l’éclatement, nous en avons beaucoup parlé.

Cette liste n’est pas exhaustive, mais elle montre bien le manque d’ambition de ce texte, qui aurait dû aller plus loin, en s’appuyant sur de nouvelles sources de financement.

Nous avons évoqué tout à l’heure la démarche adoptée par le précédent gouvernement, qui prévoyait des pistes de financement s’agissant du fameux cinquième risque. C’est sur ce point que réside la principale critique que l’on peut faire à ce projet de loi. En effet, il ne comporte aucun effort original de recherche de financement. Notre groupe souhaiterait se consacrer à cette question, afin de permettre une évolution.

Bien entendu, on ne peut pas, en quelques minutes, aborder tous les financements possibles. Néanmoins, nous pouvons en retenir trois particulièrement importants.

Il s’agit d’abord d’une réforme des services de l’aide à domicile, instaurée par les rapporteurs dans le cadre du fameux article 32. Toutefois, pour apporter une bouffée d’oxygène à ces services, il faudrait une réflexion approfondie sur l’approche fiscale de leur tarification, en particulier en utilisant la TVA comme un levier. Car les prestations ne sont pas soumises à la TVA, ce qui engendre l’assujettissement à la taxe sur les salaires, laquelle n’est pas négligeable, des associations ou des entrepreneurs privés.

À l’inverse, un assujettissement à la TVA permettrait non seulement une exonération de la taxe sur les salaires, mais aussi la récupération en amont de la TVA sur les investissements et les frais. Peut-être faudrait-il également réfléchir à une TVA différenciée : elle serait extrêmement réduite pour les prestations à caractère social, destinées aux GIR concernés et aux personnes à très faibles revenus.

M. Jean Desessard. Absolument !

M. Jean-Noël Cardoux. En revanche, on pourrait imaginer une TVA à taux normal pour ce qui doit entrer dans le domaine concurrentiel, au titre de la loi Borloo. Même si c’est un exercice difficile, cette piste mérite d’être creusée.

Deuxième source de financement, que nous devons aborder et qui a été timidement évoquée dans un rapport annexé au projet de loi : la mise en place d’une couverture assurantielle privée. Nous devons aller au bout de cette démarche. En effet, nous savons très bien qu’une personne de trente ou quarante ans en activité risque un jour de devenir dépendante. Par conséquent, il serait prudent de lui permettre de s’assurer. En Allemagne, par exemple, il est obligatoire de cotiser pour la future dépendance.

Cette démarche semble difficile à entreprendre en France, alors que d’autres pays européens, et non des moindres, l’ont fait. Certains produits existent déjà sur le marché, mais leur diffusion reste limitée, car seulement 5 millions de personnes sont concernées. Nous avons pu en examiner quelques-uns : sachez, par exemple, qu’une personne de cinquante ans désireuse de s’assurer contre la dépendance peut espérer percevoir, moyennant une cotisation mensuelle de l’ordre de 30 à 40 euros, une rente mensuelle de 500 euros si, par malheur, elle est confrontée à la dépendance l’âge venant. Ce n’est tout de même pas négligeable ! Un tel apport pourrait aider la personne à continuer à vivre chez elle ou contribuer à financer son hébergement en EHPAD.

Je pense que nous devrions mettre en place des incitations à la souscription de tels produits, notamment fiscales, sous forme de déduction de la cotisation du revenu imposable. Nous pourrions aussi inclure ces dispositifs dans les contrats collectifs d’entreprise.

Nous pourrions également prendre des mesures un peu plus coercitives, en prévoyant la mise en jeu de l’obligation alimentaire ou l’exercice d’un recours sur la succession des personnes dépendantes ayant refusé de s’assurer quand elles en avaient la possibilité. Il me semble que cela relève d’une démarche d’équité.

Le dernier moyen de financement envisageable que je souhaite évoquer va peut-être faire pousser des cris sur certaines travées, mais il faut bien trouver de l’argent !

Notre collègue Desessard a proposé la création d’un ticket autonomie solidarité. Un tel dispositif me paraît tout à fait vertueux, mais qui va payer ? Les 650 millions d’euros de la CASA sont totalement utilisés. Il faudra bien gager votre amendement d’une façon ou d’une autre, monsieur Desessard.

Mme Annie David. La CASA des actionnaires !

M. Jean-Noël Cardoux. Je reviens sur une idée que nous avions avancée lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale : l’instauration d’une deuxième journée de solidarité, qui pourrait permettre de dégager 2,5 milliards d’euros par an, au bénéfice soit de l’équilibre des comptes de la sécurité sociale, soit du financement de la prise en charge de la dépendance.

M. Roche a rappelé que nous n’avons pas voulu généraliser la CASA aux professions indépendantes. Commençons par mettre les chiffres en parallèle : l’extension de la CASA aux professions indépendantes représente 250 millions d’euros, la création d’une deuxième journée de solidarité 2,5 milliards d’euros ! Par ailleurs, la première de ces mesures pèserait sur les entreprises, la seconde sur les salariés. Tout cela est compliqué,…

M. Jean-Noël Cardoux. … mais ce n’est pas une raison pour limiter notre réflexion !

C'est pourquoi, en dépit des objections de toute nature que l’on ne manquera pas d’opposer à l’instauration d’une autre journée de solidarité, le groupe UMP créera dans les semaines à venir un groupe de travail – le président Retailleau en a accepté le principe – afin d’étudier cette proposition et de voir comment, en concertation avec les partenaires sociaux, il serait possible de la mettre en œuvre. Compte tenu des chiffres que j’ai évoqués, les enjeux sont considérables.

Voilà les quelques pistes que je voulais mettre en lumière ; il en existe bien d’autres. Pour conclure, sans nier l’aspect vertueux de ce texte, qui va dans le sens de l’amélioration de la condition des personnes âgées, son manque d’ambition et de financement conduira le groupe UMP à s’abstenir.

J’espère, madame la secrétaire d’État, chers collègues, que nous pourrons débattre sereinement ensemble de nos propositions, dont certaines peuvent paraître quelque peu « décoiffantes », dans un climat de concertation et avec la volonté d’aboutir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaiterais tout d’abord rendre hommage à notre collègue et ami Claude Dilain, parti bien trop tôt. Il devait être le chef file de notre groupe sur ce texte. Toutes mes pensées vont vers lui et ses proches.

D’ici à 2035, notre pays connaîtra un important vieillissement de sa population, en raison de l’arrivée progressive à l’âge de soixante ans des générations du baby-boom et de l’accroissement de l’espérance de vie. Selon certaines études, en 2060, environ un tiers des Français auront plus de soixante ans, tandis que près de 5 millions de personnes devraient être âgées de plus de quatre-vingt-cinq ans.

Ce texte témoigne de la volonté du Gouvernement d’anticiper ce phénomène et confirme son engagement à faire face et à adapter notre société aux défis du XXIe siècle. Il était très attendu, et depuis longtemps.

Mes chers collègues, j’ai entendu vos critiques et je crois sincèrement que certaines d’entre elles sont très malvenues. Laissez-moi vous rappeler que les gouvernements précédents n’ont cessé de promettre une grande réforme, sans jamais la mettre en œuvre.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Patricia Schillinger. Nicolas Sarkozy en avait fait une priorité de son mandat, mais rien n’a été fait ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Jean Desessard. Rien de rien !

Mme Patricia Schillinger. Lors de sa campagne pour l’élection présidentielle, le candidat François Hollande s’était engagé à réformer la prise en charge de la dépendance pour mieux accompagner la perte d’autonomie. Par ce projet de loi, qui répond aux attentes des personnes âgées, il tient aujourd’hui sa promesse.

J’entends aussi les critiques sur le financement de cette réforme, qui ne serait pas au rendez-vous. C’est faux ! Le produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie financera les mesures contenues dans ce projet de loi. Pour le présent exercice, environ 645 millions d’euros seront consacrés à la mise en application de ces mesures, sans prélèvements nouveaux.

Ce financement sera réparti entre le volet « accompagnement », le volet « anticipation et prévention » et le volet « adaptation ». Rappelons aussi que le total des prestations versées par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, au titre du soutien aux personnes en perte d’autonomie atteint 22 milliards d’euros, montant auquel s’ajoutent les interventions des conseils généraux.

Par ailleurs, je souhaite insister sur le fait que ce texte ne porte pas que sur l’aspect financier. Il s’inscrit dans une approche globale et transversale.

L’ambition qui le sous-tend est d’anticiper les conséquences du vieillissement de la population et de répondre le mieux possible, en cas de perte d’autonomie, aux attentes des personnes en matière de logement, de transports, d’accompagnement, de soins, de vie sociale et citoyenne…

Dorénavant, le phénomène du vieillissement de notre société sera pris en compte dans l’ensemble des politiques publiques. Il s’agira de préserver au mieux l’autonomie des personnes âgées en leur apportant tout le soutien possible.

Je me réjouis que la prévention soit érigée en priorité. L’anticipation doit permettre de repérer et de combattre l’apparition des premiers facteurs pouvant conduire à une perte d’autonomie. Il s’agit, grâce à des moyens financiers dédiés, d’engager une politique de prévention qui facilite l’accès aux aides techniques et aux actions collectives, ainsi que de combattre l’isolement au travers, notamment, du programme de mobilisation nationale contre l’isolement social des âgés, ou MONALISA. Ce programme est essentiel quand on sait que le départ à la retraite est souvent un moment de rupture difficile pour les personnes concernées et que 1,2 million de nos concitoyens âgés de plus de soixante-quinze ans souffrent d’isolement relationnel.

Ce projet de loi vise à favoriser une meilleure nutrition, un meilleur usage du médicament, une meilleure adaptation des réponses sanitaires et met en place des actions de prévention du suicide. Il tend également à assurer un meilleur accompagnement des travailleurs en fin de carrière, à reconnaître et à valoriser l’engagement citoyen des personnes âgées, à former le grand public au repérage des situations de fragilité.

Il s’agit de généraliser l’organisation d’actions de prévention individuelles et collectives telles que l’organisation d’activités physiques adaptées, d’ateliers de prévention des chutes, d’actions contre la dénutrition et pour la préservation de la mémoire.

En matière de prévention, il s’agit aussi de fournir des logements adaptés aux personnes âgées quand leur maintien à domicile n’est plus possible. Pour cela, le texte prévoit de renforcer les missions des logements foyers, rebaptisés « résidences autonomie ».

La CASA permettra d’accompagner, de façon transitoire, la mise en œuvre, par l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, d’un plan national d’adaptation de 80 000 logements privés, ainsi que d’un plan d’aide à l’investissement dans les résidences autonomie. Seront proposées, dans ces dernières, toutes sortes de prestations pour améliorer le quotidien, notamment des actions visant à entretenir les facultés sensorielles, motrices et psychiques des résidants. Ce type d’habitat, intermédiaire entre le domicile ordinaire et l’EHPAD, constitue une solution constructive pour les personnes n’ayant pas besoin d’être placées dans un établissement très médicalisé. Par ailleurs, je me réjouis que la commission ait étendu, à l’article 11, le bénéfice du forfait autonomie à l’ensemble des résidences autonomie.

Au travers de ce texte, le Gouvernement mobilise tous les acteurs de la société dans la perspective d’une meilleure prise en compte des besoins des personnes âgées et d’une amélioration de leurs conditions de vie. Il s’agit d’intégrer le défi démographique dans l’aménagement des villes et des territoires. Les programmes locaux d’habitat et les plans de déplacements urbains, pour les transports, prendront pleinement en considération les problématiques du vieillissement. C’est donc toute la société qui est mobilisée.

Une des avancées majeures de ce texte concerne la revalorisation de l’APA. L’« acte II » de l’APA porte sur une augmentation du nombre d’heures d’aide à domicile pour les personnes âgées qui en ont le plus besoin. Une réduction du niveau de participation financière – le « ticket modérateur » – est également prévue, ainsi qu’une exonération de toute participation financière pour les bénéficiaires du minimum vieillesse. Il s’agit ici de relever les plafonds pour l’ensemble des GIR, avec un effort accentué pour les cas de perte d’autonomie les plus graves, ainsi que de faire baisser le reste à charge pour les familles. En résumé, plus d’aide pour les personnes âgées ayant une faible autonomie et une moindre contribution de leur part, avec une couverture sociale renforcée.

La création d’un droit au répit pour les aidants des personnes âgées est une autre mesure forte. La loi reconnaît et consacre le rôle de ces aidants au travers de l’instauration d’une prime de 500 euros par an. Cela leur permettra, par exemple, de financer une semaine d’hébergement temporaire, de manière à pouvoir partir en vacances, ou encore l’équivalent de quinze jours en accueil de jour afin de bénéficier de journées de répit. Cette somme peut également servir à renforcer temporairement l’aide à domicile – environ vingt-cinq heures supplémentaires, à répartir en fonction des besoins – pour permettre aux aidants de faire une « pause ». Cette mesure est essentielle pour ces derniers.

Aujourd’hui, 4,3 millions de personnes assistent régulièrement au moins un de leurs proches âgé de soixante ans ou plus, à leur domicile. Or 20 % des aidants présentent des symptômes de fatigue morale ou physique, entraînant des conséquences sur leur santé : 40 % des aidants dont la charge est la plus lourde se sentent dépressifs et 29 % déclarent consommer des psychotropes. Il est donc essentiel de les accompagner et de les soutenir.