Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.

M. Bruno Sido. C’est dommage, car c’est intéressant !

Mme la présidente. Certes, mais Mme Kammermann a déjà dépassé son temps de parole d’une minute et demie !

Mme Christiane Kammermann. Je conclus donc.

La France se doit de créer les conditions optimales pour que ses soldats puissent exercer leur mission en toute sécurité, mais aussi dans la dignité. Pour ma part, je pense que le compte n’y est pas, ce qui n’est pas acceptable. Pour cette raison, je voterai contre ce budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Madame la présidente, monsieur le président du Sénat, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à remercier les rapporteurs et les intervenants de la qualité de leur rapport ou de leurs propos. C’est une habitude pour le budget de la défense, et je le constate de nouveau avec beaucoup de considération.

Je voudrais vous faire partager d’emblée ma conviction que le projet de loi de finances pour 2015 permettra, pour le ministère de la défense, l’application intégrale de la loi de programmation militaire votée, ici même, en décembre dernier.

J’ai bien pris note des interrogations de plusieurs orateurs et de certains rapporteurs et je vais essayer de leur répondre de manière circonstanciée. Mais, auparavant, je rappellerai rapidement le contexte dans lequel cet examen intervient.

Plusieurs d’entre vous l’ont dit, en ce moment même, nos armées, avec le professionnalisme et le dévouement que nous leur connaissons, interviennent sur plusieurs théâtres difficiles pour des missions essentielles à notre sécurité. J’ai pu apprécier et constater l’unanimité sur l’ensemble des travées pour reconnaître cette action, ce courage et pour assurer le soutien de la Nation à nos soldats engagés à l’heure où nous parlons.

L’actualité de ces derniers mois, en particulier, a été marquée par une aggravation inédite des menaces pesant sur nos intérêts de sécurité et par une amplification de nos engagements extérieurs. Tout cela met en lumière l’importance du vote qui nous rassemble ce soir.

Je ne pourrai pas répondre à l’ensemble des intervenants, mais la manière dont nous travaillons avec la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées me permet d’entretenir avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, un dialogue régulier et extrêmement fécond.

Je me limiterai à un certain nombre de points.

D’abord, je reviens rapidement sur la gestion 2014, puisque vous avez eu transmission du bilan semestriel détaillé en application de l’article 8 de la loi de programmation militaire, article 8 que vous aviez vous-mêmes suggéré.

La trajectoire de la loi de programmation militaire en 2014 a été respectée, en totalité.

Elle est respectée en matière de ressources humaines, puisque la cible de déflation pour 2014 de 7 881 emplois a été atteinte. Cela s’est traduit par une réduction significative de la masse salariale, désormais maîtrisée, comme certains d’entre vous ont bien voulu le reconnaître, puisqu’elle diminue en 2014 de près de 400 millions d’euros, conformément à la loi de finances initiale. La persistance des dysfonctionnements du logiciel Louvois sur laquelle je reviendrai a toutefois entraîné, M. del Picchia l’a rappelé, un surcoût de l’ordre de 160 millions d’euros, mais la masse salariale exécutée en 2014 diminuera de 240 millions d’euros.

La loi de programmation militaire en 2014 a été respectée aussi au plan capacitaire et industriel. Vous avez rappelé, monsieur Pozzo di Borgo, madame Demessine, l’importance qui s’attache au maintien du niveau de la préparation et de l’activité opérationnelles. J’avais dit, ici, à plusieurs reprises, la nécessité de maintenir l’entretien, le MCO, un élément stratégique qu’il faut reconnaître davantage. Pendant de nombreuses années, on a joué beaucoup sur la facilité qui consiste à réduire le MCO à la fois par des ponctions sur les stocks et par des baisses de crédits affectés. J’ai décidé de stopper et d’inverser cette tendance.

C’est ainsi que les crédits progressent de 4,3 % par an en moyenne. Cet effort a été respecté en 2014, et le sera aussi en 2015, et j’ai pour objectif de tout mettre en œuvre pour retrouver, à la fin de la loi de programmation militaire, les normes d’activité OTAN. Cela suppose une permanence de l’effort et une très grande vigilance, ce à quoi je m’emploie.

La trajectoire de la LPM est également respectée pour ce qui est des programmes d’armement. Tous les programmes ont été évoqués par les uns et par les autres pour l’année 2014 ou pour les engagements 2015, je n’y reviens pas. Relevons toutefois la notification de la commande de 12 avions MRTT, qui était attendue depuis très longtemps, ainsi que l’engagement sur le programme Scorpion. Je serai après-demain à Varces, auprès de la 27e brigade d'infanterie de montagne, et je pourrai annoncer officiellement la notification de la commande du programme Scorpion, dont chacun sait ici l’importance, cruciale, pour notre armée de terre.

En réalité, et c’est pourquoi je disais que la loi de programmation militaire est totalement respectée, tous les programmes d’armement en 2014 et tous les programmes d’armement en 2015 seront engagés conformément à la loi de programmation, bien que, en 2014 et en 2015, nous garantissions l’augmentation des crédits affectés au maintien en condition opérationnelle.

La trajectoire est donc parfaitement respectée.

M. Didier Guillaume. Très bien !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Elle l’est aussi en ce qui concerne les OPEX, mais j’y reviendrai.

On m’interrogeait régulièrement sur le surcoût qui, au-delà du socle des 450 millions d’euros inscrits, pouvait éventuellement ne pas être au rendez-vous. Ce surcoût s’élève à 605 millions d’euros. Il est au rendez-vous parce que ce surplus a été intégralement ouvert par le décret d’avance publié ce jour au Journal officiel sur le programme 178.

Donc, l’ensemble de la trajectoire est respecté. Il reste une interrogation, une préoccupation, que vous avez relevée, et que je partage, s’agissant du report de charges. Les annulations de crédits en fin de gestion devraient le dégrader transitoirement en fin d’année. Mais, d’une part, cette situation ne met pas en péril les trésoreries des fournisseurs, au prix d’une attention très forte de mes services, notamment au profit des PME ; d’autre part, en tenant compte des crédits dont la consommation n’interviendra qu’en 2015, le report de charges du ministère devrait globalement, dès le début de l’année 2015, se stabiliser globalement à son niveau de la fin de 2013.

Cela étant, il ne faut pas obligatoirement s’en réjouir, mais on sait que le report de charges est une vieille histoire, une bosse que, année après année, les différents ministres de la défense poussent avec plus ou moins de force et de bonheur. En tout cas, je partage les observations qui ont été faites au cours du débat sur ce point, et j’ai vraiment la conviction que l’objectif reste de résorber progressivement ce report de charges.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes totalement dans la trajectoire et nous le serons totalement aussi en 2015.

Je suis totalement déterminé à faire en sorte que la sanctuarisation des 31,4 milliards d’euros en crédits de paiement pour 2015 soit totalement respectée, conformément aux vœux et aux engagements du Président de la République.

J’entends bien que le budget et la loi de programmation militaire avec ses annuités sont difficiles à tenir, mais nous sommes au même niveau de montants et dans la même logique financière que lors des exercices précédents : nous aurons 31,4 milliards d’euros en 2015 ; nous avions 31,4 milliards d’euros en 2014 et 31,4 milliards en 2013, ainsi qu’en 2012. Il faut remonter à 2011 pour constater qu’il y avait moins.

Donc, il y a là une permanence de l’effort de la Nation pour sa défense que je tiens à saluer et qui sera aussi au rendez-vous de 2015. (M. Daniel Reiner acquiesce.)

Sur le budget de la défense pour 2015, j’ai entendu les observations du rapporteur spécial, M. Dominique de Legge, j’ai entendu les remarques des uns et des autres, et les observations du président de votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, M. Jean-Pierre Raffarin.

Pour ce qui est des ressources exceptionnelles, les REX, nous sommes parfaitement en harmonie avec l’application de la loi de programmation, article 3, annexe 5, paragraphe 1. Quelle que soit la ressource exceptionnelle que nous mobilisons, nous sommes dans cette logique qui a été validée par le Parlement.

En l’occurrence, en 2015, il était prévu de mobiliser les recettes issues de la cession de la bande des 700 mégahertz. Comme le Président de la République l’a confirmé dans la lettre qu’il a adressée au président de votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, le Premier ministre a lancé la procédure destinée à concrétiser le plus rapidement possible cette cession.

Mais les versements financiers dès 2015 me paraissent aléatoires. Le Gouvernement entend donc se prémunir contre ces aléas et le Président de la République m’a autorisé à lancer une opération innovante d’acquisition de matériels militaires à travers les sociétés de projet.

Cette solution est déjà inscrite dans la loi de programmation militaire, puisqu’il est prévu la possibilité de mobiliser des cessions d’actifs pour contribuer aux ressources exceptionnelles tout au long de l’exécution. La difficulté en la matière, qui peut aussi être une chance, tient au fait que les cessions d’actifs ne peuvent être mobilisées que si elles restent des opérations en capital. Or le seul moyen de se saisir de cette chance, en application de l’article 21 de la LOLF, c’est précisément la société de projet.

Nous sommes donc dans l’application stricte de la loi de programmation militaire et de la loi organique relative aux lois de finances. Maintenant, il faut réussir ! Mais, à tous ceux qui ont fait part de leur inquiétude, j’indique que nous sommes mus par une vraie volonté d’aboutir dans les plus brefs délais. Ce n’est pas une illusion budgétaire. C’est une volonté de mettre en œuvre immédiatement ces possibilités qui s’offrent à nous.

C’est la raison pour laquelle j’ai mobilisé un groupe de travail de haut niveau regroupant à la fois des hauts fonctionnaires du ministère de l’économie, du ministère de la défense, les industriels eux-mêmes ainsi que des juristes qui accompagnent cette démarche afin d’aboutir à un résultat opérationnel à la mi-2015, pour que ce dispositif, effectivement, puisse couvrir éventuellement, si les 700 mégahertz ne sont pas au rendez-vous, les financements d’acquisitions de matériels en bonne et due forme.

J’ai annoncé devant votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées que j’étais disponible pour évoquer toutes ces questions avec vous et que je mènerai ces opérations dans la plus grande transparence. Au fur et à mesure des étapes de la mise en œuvre de cette société de projet, j’informerai, pour débat et pour confrontation éventuelle, la commission des affaires étrangères, parce que je sais votre attachement à la bonne réussite de cette opération. Mesdames, messieurs les sénateurs, sachez que je m’engage personnellement sur ce dossier.

Monsieur Raffarin, vous avez apprécié l’engagement politique, mais vous doutez de l’efficacité financière. Permettez-moi donc modestement d’ajouter, à vos critères d’analyse, la ténacité inébranlable du ministre de la défense sur ce sujet !

Sur le financement des surcoûts OPEX, mettons-nous bien d’accord sur le fait qu’il est utile, pour le budget de la défense, que nous restions au socle de 450 millions d’euros en investissement de départ et en loi de finances initiale. L’enjeu, en effet, est de préserver les crédits d’investissement du ministère, à la condition évidemment que les surcoûts OPEX soient totalement reversés au budget de la défense en fin d’exercice. Cela a été le cas en fin d’année 2013, c’est le cas en fin d’année 2014 et tout me laisse à penser que ce sera le cas à la fin de 2015. De toute façon, c’est la loi et vous avez veillé, mesdames, messieurs les sénateurs, à faire en sorte qu’il y ait une clause de sauvegarde permettant de la mettre en œuvre de manière incontournable.

Le socle de 450 millions d’euros n’a pas été inscrit au hasard. Il était le résultat de la situation telle qu’on la connaissait au moment du débat sur la loi de programmation militaire, c'est-à-dire avant l’intervention en RCA et au moment où nous sortions d’Afghanistan et du Kosovo, au moment aussi où nous relativisions notre présence dans la Corne de l’Afrique.

Les autres opérations sont intervenues après, et il est logique que, devant des menaces, devant des risques, des décisions soient prises par le Président de la République, qu’elles fassent l’objet d’un débat devant les assemblées et que le financement des OPEX vienne s’ajouter pour permettre le financement de ces missions supplémentaires liées à la situation internationale.

Après ces observations sur les REX et les OPEX, je voudrais souligner la solidité du projet de loi de finances pour 2015. Les crédits de la mission « Défense » seront au rendez-vous, ce qui nous permettra de poursuivre l’exécution de la loi de programmation telle qu’elle a été engagée ; soyez assurés de mon extrême vigilance à cet égard.

Je voudrais maintenant revenir rapidement sur les observations que m’ont faites certains rapporteurs, en m’excusant de ne pas pouvoir répondre à tous.

Mmes Demessine et Kammermann se sont préoccupées de la situation de nos armées et de la vie quotidienne de nos militaires. J’ai mis en place un dispositif qui devrait permettre de traiter, d’ici à la fin de l’année 2015, la plus grande partie des 700 points noirs identifiés, après enquête, et nécessitant un plan d’urgence pour les infrastructures. D’autres points noirs resteront à résoudre progressivement tout au long de la loi de programmation militaire.

Je suis très attentif aux conditions de vie des soldats en opération comme en garnison. Il importe que la réforme du soutien, d’une part, et la mise en œuvre des plans d’urgence notamment pour les infrastructures, d’autre part, soient opérationnelles rapidement. J’ai bien intégré cette préoccupation.

Concernant le Service de santé des armées, monsieur Pozzo di Borgo, il est nécessaire d’assurer la pérennisation de l’excellence médicale dont bénéficient nos armées, en particulier les blessés en opération. Cela passe par une évolution de notre dispositif, qui permettra de garder huit hôpitaux sur neuf.

La programmation de la fermeture de l’hôpital du Val-de-Grâce est due à un certain nombre de nécessités opérationnelles. La rénovation de cet hôpital impliquant d’énormes investissements, nous avons été amenés à faire des choix. Il reste suffisamment de disponibilités dans les hôpitaux de Percy et de Bégin pour que la plateforme majeure de la région parisienne puisse être réalisée sans l’hôpital du Val-de-Grâce. En tout cas, monsieur. Pozzo di Borgo, nous sommes très attentifs à la pérennité du service de santé des armées, qui se modifie et se modernise dans le cadre du programme SSA 2020, lequel permettra d’en préserver le niveau d’excellence.

M. Pintat m’a interrogé sur le secteur spatial militaire. La loi de programmation militaire y consacre des moyens considérables. Là aussi, les engagements seront respectés, puisqu’une dizaine de satellites sont prévus, soit en décision, soit en développement, au cours de la LPM. Vous les avez cités, je n’y reviendrai pas. J’en profite pour me réjouir avec vous que la nouvelle feuille de route d’Ariane 6 ait été validée. Cette décision a des conséquences directes sur notre sécurité. Vous savez que la base industrielle dans le domaine des lanceurs est duale et concerne directement la dissuasion nucléaire. Cette avancée est donc tout à fait positive.

J’indique à MM. Reiner et Gautier, spécialistes des drones, que j’ai mis en place une stratégie complète d’acquisition de drones de toutes catégories. Dès ma prise de fonctions, devant l’urgence de la situation et l’absence de choix clairs depuis trop longtemps, j’ai pris la décision d’acquérir au plus vite ce qui se fait de mieux en matière de drone MALE, à savoir les drones américains Reaper. La suite a montré que c’était le bon choix.

Nos deux premiers vecteurs ont été immédiatement engagés au Sahel. Ils font aujourd'hui la preuve de toute leur efficacité.

Je vous confirme, monsieur Gautier, l’acquisition, dans quelques semaines, d’un troisième vecteur pour l’année 2014. Je commanderai en 2015 un deuxième système complet de trois drones supplémentaires.

Sur le long terme, j’ai la volonté de lancer, avec nos partenaires allemands et italiens, la réalisation d’un drone MALE entièrement européen à l’horizon 2025.

Sur le drone tactique de l’armée de terre, le processus sera également bouclé en 2015. C’est une nécessité, mais nous sommes obligés de passer par un appel d’offres. Nous avons souhaité une mise en œuvre dans les plus brefs délais, dès 2015, conformément à la loi de programmation militaire.

Toujours conformément à la loi de programmation militaire, nous avons décidé de lancer une coopération spécifique avec nos amis britanniques pour la définition du drone de combat futur. Nous avons programmé les financements nécessaires pour ce successeur lointain de l’avion de combat. C’est une vraie anticipation, mais c’est aussi un engagement pour l’avenir que nous prenons en liaison avec la Grande-Bretagne.

Vous m’avez interrogé sur le calendrier et la méthode des prochaines restructurations. À cet égard, ma méthode est celle du pragmatisme et non celle du dogmatisme. La question n’est donc pas de savoir s’il faut privilégier les dissolutions ou l’échenillage. Il ne s’agit pas non plus de dissoudre les unes après les autres des formations opérationnelles pour faire du chiffre dans une logique financière visant exclusivement la réduction de la masse salariale ; il s’agit de conduire une réflexion de fond, tenant compte de toutes les contraintes, opérationnelles et budgétaires au premier chef, pour garantir in fine la tenue des contrats opérationnels.

Le choix des restructurations prend du temps. Se déterminer trop vite risque de nous engager prématurément dans des décisions que nous regretterions ou même que nous ne pourrions mettre en œuvre le moment venu.

L’expérience de ces deux dernières années me montre qu’il faut peser très précisément tous ces choix. Ainsi, alors qu’il était initialement prévu de fermer la base de Luxeuil, nous y avons d’abord maintenu l’escadron de Mirages 2000-5, parce que c’était indispensable, puis nous avons décidé d’installer, en 2015, l’unité d’instruction Mirages 2000.

Il convient donc d’étudier avec la plus grande attention les mesures de restructuration. Je souhaite aboutir à un plan d’ensemble rapidement, mais je ne veux pas anticiper, pour éviter les malentendus ou les choix inopportuns. Dans ces conditions, je prends le temps nécessaire pour finaliser les études, en sachant que chacun est pressé de connaître le plan général ; j’espère pouvoir y parvenir rapidement.

M. del Picchia m’a interrogé sur le logiciel Louvois.

D’une part, je n’ai jamais polémiqué sur ce dossier et ne le ferai jamais.

M. Gérard Larcher, président du Sénat. C’est vrai !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Il faut tirer les conséquences de ce qui s’est passé sur le dispositif de paie des soldats, mais aussi sur la chaîne de décisions qui, par son caractère peu lisible, a permis une situation aussi aberrante.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. C’est sûr !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. C'est la raison pour laquelle j’ai modifié les processus de décision interne en tenant compte des leçons que l’on pouvait tirer de ce désastre – j’emploie le terme à dessein - et d’une irresponsabilité collective à l’égard de nos propres soldats. Je suis donc revenu sur ce dispositif, au risque d’être parfois perçu comme autoritaire.

D’autre part, j’ai pris la décision, l’année dernière, d’arrêter définitivement le dispositif Louvois et de repartir sur la base d’un nouveau processus que je souhaite mener à la manière d’un programme d’armement. Je serai demain à la Direction générale de l’armement pour constater l’avancement de ce travail de remplacement.

Trois prototypes sont désormais livrés, parmi lesquels nous allons sélectionner un nouveau système au milieu de l’année 2015. Les deux systèmes fonctionneront en parallèle sur l’exercice 2016, en double commande, en quelque sorte, afin d’éviter toute nouvelle perturbation. À la fin de l’année 2016, il ne devrait plus y avoir qu’un seul système qui, je l’espère, sera extrêmement performant et généralisé à l’ensemble des forces.

M. Jeanny Lorgeoux. Très bien !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. J’aborderai enfin brièvement la question du renseignement, en vous priant de m’excuser de ne pas reprendre tous les sujets évoqués ; nous y reviendrons en commission.

Plusieurs d’entre vous, je pense en particulier à M. Lorgeoux, ont fait référence au renseignement. Il s’agit de l’une des priorités de la loi de programmation militaire, et elle est totalement respectée. Elle repose sur un équilibre entre, d’une part, un accroissement réel des moyens techniques, humains et juridiques des services et, d’autre part, le renforcement du contrôle de leurs activités, souhaité par le Gouvernement comme par vos commissions.

Les crédits affectés au renseignement ont crû, à ma demande, de plus de 17 % depuis 2012. Je considère que c’est un choix de souveraineté. En 2015, 242 postes seront créés dans ce domaine, concernant à la fois la cyberdéfense, les sciences, les langues, l’analyse. Il nous paraît indispensable que notre pays ait les moyens d’assurer l’autonomie de ses décisions. Nous en mesurons toute l’importance dans les circonstances actuelles.

Madame la présidente, monsieur le président du Sénat, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis conscient des difficultés, mais l’année 2015 est une année pivot, essentielle, déterminante pour la pérennité de la loi de programmation militaire. Je sais que l’équation est délicate, mais je sais aussi que la présente loi de programmation militaire est celle qui convient à nos armées en ce qu’elle concilie l’équilibre entre le maintien d’un effort de défense important et une contribution structurelle de la défense au redressement des comptes publics, c'est-à-dire qu’elle permet, sur le long terme, l’autonomie stratégique et la souveraineté budgétaire.

Ce budget est ambitieux. Il comporte un grand nombre de priorités pour l’équipement des forces, la recherche, l’activité opérationnelle, la cyberdéfense ou encore le renseignement. Grâce à ce budget et à l’engagement de tous derrière elles, nos armées continueront en 2015 de faire la fierté des Français en garantissant leur souveraineté et leur sécurité. Vous m’avez assuré de votre vigilance quant à ma détermination : si j’ai l’honneur de solliciter de votre part un vote favorable, c’est précisément pour mener à bien cette mission au service de notre pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.)

défense

Défense - Compte d'affectation spéciale : Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l'État
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2015
Etat D
Défense - Compte d'affectation spéciale : Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l'État
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2015
Etat D

Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Défense », figurant à l’état B.

État B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Défense

46 538 093 580

36 790 763 254

Environnement et prospective de la politique de défense

1 350 090 770

1 333 872 141

Préparation et emploi des forces

8 783 103 088

7 087 734 433

Soutien de la politique de la défense

21 319 016 247

20 682 639 471

Dont titre 2

18 721 819 581

18 721 819 581

Équipement des forces

15 085 883 475

7 686 517 209

 

Mme la présidente. L'amendement n° II-129, présenté par MM. J. Gautier, Reiner et Pintat, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

 

(En euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Environnement et prospective de la politique de défense

0

0

0

0

Préparation et emploi des forces

0

0

0

0

Soutien de la politique de la défense

Dont titre 2 

0

0

0

0

Équipement des forces

100 000 000

     0    

100 000 000

    0   

Total

100 000 000

0

100 000 000

0

Solde

+ 100 000 000

+ 100 000 000

 

La parole est à M. Jacques Gautier, rapporteur pour avis.

M. Jacques Gautier, rapporteur pour avis. Dans les limites posées par l’article 40 de la Constitution et la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, cet amendement, adopté à l’unanimité par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, tend à rétablir les crédits de la mission « Défense » au niveau inscrit dans le projet de loi de finances pour 2015 avant l’examen par l’Assemblée nationale et l’adoption, en seconde délibération, de l’amendement du Gouvernement réduisant de 100 millions d'euros les crédits du programme 146 pour contribuer au financement des mesures nouvelles votées par les députés.

Ces 100 millions d'euros avaient été compensés à l’Assemblée nationale par un deuxième amendement du Gouvernement faisant appel à des recettes exceptionnelles. Nous vous avons dit les craintes que celles-ci nous inspirent.

Dans ces conditions, nous proposons de rétablir ces 100 millions d'euros.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. La commission des finances n’a pas été formellement saisie de cet amendement.

Je souscris totalement à l’objet de l’amendement : il n’est pas très correct de remplacer des recettes budgétaires certaines par des recettes exceptionnelles, dont chacun, au long de la soirée, a pu mesurer qu’elles étaient pour le moins incertaines ; M. le ministre l’a confirmé.

En même temps, je serais tenté de dire à nos collègues qui soutiennent cet amendement que la question ne porte pas, hélas, sur 100 millions d'euros, mais sur 2,2 milliards d'euros.

Autant donc je peux être d’accord avec l’intention de nos collègues, autant je suis dubitatif quant à la réponse apportée, à la faveur de cet amendement, à la question de fond qui nous est posée.

En conséquence, je me propose de m’en remettre à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Le Gouvernement comprend, mais ne partage pas. (Sourires.)

J’ai expliqué il y a quelques instants les raisons pour lesquelles j’étais tout à fait convaincu de la justesse des choix que je proposais et de la sanctuarisation des crédits du ministère de la défense.

Encore une fois, je comprends vos interrogations, sans les partager.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Reiner, pour explication de vote.

M. Daniel Reiner. Cet amendement a été adopté à l’unanimité par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Rien d’étonnant, du reste, à ce que l’amendement soit signé par les rapporteurs pour avis du programme 146 : dans cette affaire, il s’agit de la variable d’ajustement.

Parce que c’est aussi une façon de répondre à une mauvaise manière que l’on nous a faite en touchant, au dernier moment, à un budget dont on affirmait par ailleurs le caractère quasi sacré, le groupe socialiste votera cet amendement.

Cela étant, les assurances que le ministre vient de donner au sujet de l’ensemble des REX devraient lever les derniers doutes et redonner confiance au Sénat, dont je ne comprendrais pas qu’il ne vote pas ce budget, globalement amendé. Ce serait bien étrange, et cela n’aurait pas grande signification…

Je m’adresse donc à nos collègues de la majorité : le doute est maintenant levé, alors votons cet amendement pour permettre l’adoption du budget de la défense. Cette adoption aurait une forte signification pour nos forces armées, qui attendent le soutien de l’ensemble de la représentation nationale et donc du Sénat.