M. Gilbert Barbier. Probablement !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. D’autres mesures concernent les entreprises. Elles s’inscrivent dans une démarche globale de simplification. Comme vous le savez, le projet de loi de finances pour 2015 prévoit la suppression d’un premier ensemble de petites taxes à faible rendement. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 comprend lui aussi un ensemble de mesures de simplification, plus nombreuses que les années précédentes.

Je terminerai en évoquant une disposition du projet de loi de financement de la sécurité sociale ajoutée par l’Assemblée nationale qui a suscité de nombreuses réactions la semaine dernière. Il s’agit du mécanisme anti-optimisation sur les dividendes des dirigeants de sociétés anonymes et de sociétés par actions simplifiées qui détiennent la majorité du capital.

Je ne développerai pas ici une longue analyse de cette disposition ; nous aurons le temps d’y revenir. Cependant, puisque le dispositif n’a pas été compris, il nous semble préférable qu’il soit retiré, l’objectif étant avant tout de compléter un dispositif anti-optimisation, et non, je le redis, d’obtenir du rendement.

D’aucuns croient que le fait de réguler les arbitrages entre dividendes et salaires reviendrait à nier la différence de nature entre les revenus d’activité et les dividendes versés par les sociétés par actions, lesquels rémunèrent le capital investi. En réalité, c’est précisément cette différence que les dispositions prises en 2013 ont pour objet de faire respecter. Là encore, nous aurons probablement l’occasion d’y revenir dans le débat.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai suivi avec attention les travaux de votre commission des affaires sociales. Nous allons maintenant échanger, arbitrer ; je ne doute pas que ce débat se déroulera dans le climat de courtoisie qui est habituel au Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, ayant écouté attentivement vos propos, j’ai cru comprendre que vous considériez avoir raison en tout ; permettez-moi de penser que la nouvelle majorité sénatoriale ne saurait avoir tort sur tout… Au cours de ce débat, je souhaite que nous puissions nous écouter mutuellement, échanger, débattre, et non pas nous combattre. Dans la période de crise que nous traversons, c’est la meilleure méthode, me semble-t-il, pour avancer, dans l’intérêt de nos concitoyens.

Notre constat est clair : notre pays est entré dans la crise avec un déséquilibre structurel de la sécurité sociale. Depuis de trop nombreuses années, les dépenses sont non seulement plus élevées, mais aussi plus dynamiques que les recettes, ce qui veut dire que nous finançons nos dépenses sociales, qui sont pourtant des dépenses courantes, par du déficit et de la dette.

Avec la crise, ce déficit n’a pas manqué de se creuser, tant sous l’effet d’une conjoncture difficile que sous celui de la persistance de ce déséquilibre.

En 2013, comme en 2012, le Gouvernement a répondu à ce déficit par une augmentation massive des prélèvements obligatoires : sur ces deux années, les recettes ont progressé de plus de 11 milliards d’euros, dont 7,6 milliards de recettes nouvelles.

Non seulement cet effort important demandé aux entreprises et aux ménages ne s’est pas accompagné des réformes nécessaires à la régulation des dépenses, mais il a, pour une grande partie, financé des dépenses nouvelles.

Ainsi, alors que la pression fiscale s’accentuait sur les familles imposables, le déficit de la branche famille se creusait sous l’effet de mesures nouvelles : allocation de rentrée scolaire, pour 400 millions d’euros, complément familial, pour 60 millions d’euros.

Autre exemple, la hausse des cotisations retraite a financé l’élargissement des conditions de départ à la retraite anticipé avant 62 ans, qui se traduit par une dépense supérieure à 830 millions d’euros en 2015 pour le seul régime général.

M. Jean-Pierre Caffet. On assume ces mesures !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Au total, malgré l’augmentation des prélèvements, le déficit des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse ne s’est réduit que de 3,1 milliards d’euros, pour s’établir à 16 milliards d’euros en 2013.

L’année 2014 témoigne des limites de cette politique, car les recettes ne rentrent pas. Elles devaient progresser de 10 milliards d’euros, dont la moitié au titre de recettes nouvelles ; or elles ont été rectifiées deux fois à la baisse, dans la loi de financement rectificative puis dans le présent projet de loi. Le déficit prévisionnel est de 15,4 milliards d’euros, soit 2,2 milliards d’euros de plus que prévu.

Pour 2015, un changement de politique est affiché : pas ou peu de recettes nouvelles, mais des compensations de la réduction des prélèvements, des économies par rapport à une trajectoire tendancielle et, au final, un objectif assez modeste de réduction des déficits de 2 milliards d’euros environ par rapport au déficit de 2014, lui-même quasiment équivalent à celui de 2013, comme l’a rappelé Mme la ministre.

Je dirai un mot sur les économies. Le Gouvernement avait annoncé, dans le programme de stabilité d’avril dernier, 21 milliards d’euros d’économies dans le champ des administrations de sécurité sociale, dont 9,6 milliards d’euros dès 2015, reposant en partie sur une absence de revalorisation de certaines prestations. Quelques mois plus tard, après une révision à la baisse des hypothèses d’inflation qui a mis à mal les économies liées à la non-revalorisation, cet objectif de 9,6 milliards d’euros d’économies est pourtant maintenu.

Le Gouvernement a défini les grandes masses, mais le détail reste méconnu ; les ministres nous en diront certainement plus au cours du débat. Pour l’essentiel, ces économies dépendent de mesures à prendre dans la future loi de santé ou de la contribution des régimes à gestion paritaire, sur lesquels le Gouvernement a peu de prise.

In fine, le ralentissement de la trajectoire de dépenses pourrait être moins sensible que prévu, ce qui aurait une incidence directe sur le solde des administrations de sécurité sociale.

Pour le moment, la compensation pérenne du pacte de responsabilité et de solidarité n’est pas totalement assurée.

Pour 2015, elle repose en partie sur la mesure relative aux caisses de congés payés, qui procure un gain de trésorerie non reconductible. La question sera beaucoup plus difficile à régler en 2016, avec la poursuite des allégements de cotisations et une nouvelle étape de la suppression programmée de la C3S.

Une autre inquiétude subsiste quant aux hypothèses macroéconomiques.

Ces deux dernières années, nous aurons connu une croissance de 0,4 % par an, et la fin de l’année 2014 ne laisse entrevoir aucun signe de reprise. Si cette situation perdure, l’objectif de 1 % de croissance pourrait ne pas être atteint, ce qui se traduirait par des recettes moindres en fin d’année.

La prévision de solde déficitaire établie à 13,2 milliards d’euros est donc soumise à de forts aléas. La réduction du déficit, déjà amoindrie en 2013, puis en 2014, pourrait donc être inférieure aux 2,2 milliards d’euros programmés.

La dette sociale dépasse les 160 milliards d’euros. C’est une anomalie dont nous nous accommodons collectivement, les gouvernements successifs s’étant refusés à augmenter la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS.

La dette sociale présente en principe une particularité, celle de faire l’objet d’un amortissement en vue de sa disparition progressive. Aujourd’hui, une part importante, plus de 17 %, est portée en trésorerie à l’ACOSS, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale. Par conséquent, non seulement elle n’est pas amortie, mais elle est très exposée à la volatilité des taux à court terme. Il y a là un pari collectif qui fait peser un risque supplémentaire sur les équilibres généraux de la sécurité sociale.

Voilà pour le constat. Il a semblé à la commission des affaires sociales que, au regard des défis actuels tenant à l’état des finances sociales, le compte n’y était pas, entre des prévisions que l’on ne saurait qualifier d’optimistes, mais que l’état de notre économie pourrait malheureusement démentir, et des économies au calibrage incertain, puisqu’il manque selon nous 1,8 milliard d’euros pour le périmètre du PLFSS.

Nous le reconnaissons bien volontiers, la tâche n’est pas aisée. L’économie de notre pays ne donne aucun signe de redémarrage et les marges de manœuvre sur les prélèvements sont largement épuisées. Il nous semble toutefois que le Gouvernement fixe des bornes étroites à son action.

Vous l’avez rappelé devant la commission des affaires sociales et encore tout à l’heure, madame la ministre, votre feuille de route est claire : pas de transferts de charges vers les patients, pas de réduction de l’accès aux soins, pas de réduction des effectifs hospitaliers.

Quand les dépenses sociales sont financées par des déficits, le transfert de charges est pourtant réel vers les contribuables, vers les générations à venir, alors qu’elles devront faire face à la fragilité financière des régimes de retraite.

Ce constat, à nos yeux, appelle des réformes, et des réformes justes, comme vous l’avez souligné.

C’est pourquoi nous pensons qu’il faut aller plus loin dans la maîtrise des dépenses. La réduction du déficit structurel, qui serait de la moitié du déficit total, reste devant nous.

Nous consacrons 27 % de la richesse nationale aux dépenses sociales, soit plus de 53 % du montant des prélèvements obligatoires : qui peut sérieusement plaider l’insuffisance de recettes ?

Avec une inflation très faible, la progression des dépenses reste trop rapide : en 2015, les dépenses d’assurance maladie devraient augmenter de près de 5 milliards d’euros pour le seul régime général. Cette tendance, vous en conviendrez, n’est pas soutenable.

Devant ce constat, nous n’avons pas souhaité rejeter ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, ni même le rebâtir totalement, exercice dont nous mesurons d’ailleurs parfaitement les limites.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Sur les orientations générales du texte, notre commission propose l’adoption de la première partie relative aux comptes de l’année 2013. Cette position n’est en rien une approbation de la politique menée, mais il s’agit d’un exercice clos et dûment certifié, sur lequel nous n’avons, de toute façon, plus prise.

Pour des raisons comparables, elle propose l’adoption des tableaux pour 2014, avec un amendement tendant à exprimer le refus de donner un blanc-seing au Gouvernement sur le financement, par le FSV, de mesures prises par décret.

En revanche, il me semble que nous ne pouvons adopter les équilibres généraux pour 2015 tels qu’ils nous sont proposés sans mesures d’économies supplémentaires.

Pour autant, le Gouvernement devrait reconnaître son texte, à l’issue des travaux de la commission des affaires sociales, car nous avons œuvré dans un esprit de responsabilité, souhaitant engager le dialogue avec le Gouvernement et avec l’Assemblée nationale sur le fondement de quelques marqueurs et de quelques signaux.

Nous refusons tout d’abord de nous accommoder d’une augmentation aussi forte des dépenses d’assurance maladie. Nous proposons ainsi 1 milliard d’euros d’économies supplémentaires sur différents postes, inspirées de propositions qui sont sur la table et dont nous devons nous saisir.

D’avance, je réponds à ceux qui contesteront nos chiffrages que nous les avons voulus prudents et qu’ils ne sont pas moins précis que ceux du Gouvernement.

Mme Nicole Bricq. Ils ne sont pas documentés !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous refusons la méthode retenue pour la branche famille, qui témoigne d’une absence de vision sur la politique familiale : d’effets d’annonce en démentis, la mesure proposée de modulation des allocations familiales nous semble aussi improvisée que complexe, sans parler des questions d’équité. En effet, pour notre part, nous ne distinguons pas entre les enfants selon qu’ils naissent dans une famille aisée ou dans une famille modeste. Si vous souhaitez prendre des mesures de solidarité, il faut en passer par l’impôt. Vous l’avez d’ailleurs fait par deux fois en abaissant le quotient familial.

En ce qui concerne les retraites, nous souhaitons tout d’abord appeler l’attention sur la situation du Fonds de solidarité vieillesse, laquelle est emblématique du financement de prestations non contributives à crédit : le déficit prévu du FSV en 2015, près de 3 milliards d’euros, est identique à celui de 2011.

Nous savons aussi, collectivement, que la loi de janvier 2014 ne garantit ni l’avenir ni la justice du système de retraites, et que cette réforme ne sera pas la dernière. Dès la fin de la période de programmation, en 2018, la question des retraites se posera de nouveau.

Sur ces points, la commission des affaires sociales a tracé des orientations et des pistes d’action. Nous tenons à souligner que le dérapage des comptes sociaux est non pas une fatalité, mais bien une anomalie. Le redressement, si l’on compare avec le budget de l’État, n’est pas hors de portée. Certains de nos voisins sont parvenus à l’obtenir sans que l’état sanitaire de leur population soit plus préoccupant que celui des Français. Nous devons donc nous y employer résolument, dans un esprit de responsabilité, avec un objectif partagé : garantir la performance, l’efficacité et la pérennité de notre système de protection sociale.

J’en viens aux dispositions relatives à l’assurance maladie.

Les mesures relatives à la branche maladie prévues par le projet de loi de financement de la sécurité sociale sont, pour l’essentiel, de nature technique. Depuis 2004, nous attendons l’ouverture d’un débat de fond sur la politique de santé de notre pays permettant de déterminer les contours des actions financées par l’assurance maladie. Ce débat devrait enfin avoir lieu à l’occasion de la discussion du projet de loi relatif à la santé qui a été présenté en conseil des ministres le 15 octobre dernier. Nous ne pouvons que nous en réjouir, car la jurisprudence constitutionnelle nous empêche bien souvent d’aborder ces questions essentielles dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale ; nous nous en rendons compte aujourd’hui encore !

Cependant, nous attendons tout au moins du projet de loi de financement de la sécurité sociale qu’il définisse le périmètre de la solidarité nationale en matière de santé et qu’il garantisse son équilibre financier. De ce point de vue, le texte du Gouvernement nous paraît incomplet.

Incontestablement, le contexte de crise limite les recettes en même temps qu’il rend nos concitoyens les plus fragiles davantage sensibles aux variations des prises en charge. Cela ne suffit pourtant pas à justifier la faiblesse des réformes structurelles qui nous sont proposées. En effet, à condition d’être soutenues par une véritable volonté, plusieurs mesures pourraient permettre d’engager la nécessaire réduction des dépenses de santé, sans pour autant porter atteinte à la qualité de la prise en charge médicale des Français.

Je pense d’abord au renforcement de la pertinence des actes. Je me suis, comme d’autres au sein de notre commission, exprimé à de nombreuses reprises sur le sujet au cours des dernières années. La Fédération hospitalière de France, la FHF, la Haute Autorité de santé, l’Académie nationale de médecine et la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale du Sénat estiment que près de 30 % des actes pris en charge ne seraient pas pertinents, ce qui se traduirait par un surcoût injustifié de près de 30 milliards d’euros pour l’assurance maladie. Devant ce gaspillage, le Gouvernement ne nous propose qu’une mesure législative qui devrait permettre d’économiser 50 millions d’euros, ainsi que des mesures réglementaires non détaillées, pour une économie estimée à 1,2 milliard d’euros. La commission des affaires sociales estime que ces propositions ne sont pas à la hauteur de l’enjeu et proposera donc de les compléter.

La Cour des comptes nous a également indiqué plusieurs pistes d’économies substantielles autant que consensuelles, notamment le désengorgement des urgences hospitalières, le développement du recours aux médicaments génériques ou encore la maîtrise des dépenses de personnel des hôpitaux.

Sur ce dernier point, il convient d’éviter les approximations. L’hôpital est le réceptacle de nombreux dysfonctionnements de notre système de soins et les difficultés auxquelles sont soumis ses personnels, voire la souffrance qu’ils endurent, doivent être prises en compte. (Mme Catherine Génisson s’exclame.)

Nous sommes conscients que la maîtrise de l’ONDAM hospitalier représente un effort considérable pour les établissements de soins, dont les coûts progressent spontanément plutôt de quelque 2,47 %. Il est indispensable de permettre à ces établissements d’assurer leur mission de service public dans des conditions acceptables. Dans un contexte financier contraint et pour éviter toute explosion des coûts hospitaliers, cela passe notamment par une meilleure gestion du temps de travail. Celle-ci peut être mise en œuvre au bénéfice tant des établissements que des personnels, car je pense qu’il y a moins de stress au travail quand le temps pour accomplir les missions correspond vraiment à l’ampleur des tâches à assumer. Il faut faire confiance aux acteurs de terrain et à leur sens des responsabilités pour agir au mieux dans l’intérêt collectif, mais je note que la FHF dénonce le peu de soutien dont bénéficient les directeurs dans leurs négociations avec les personnels.

Enfin, il faut permettre à notre système d’assurance maladie obligatoire de continuer à prendre en charge et à soutenir l’innovation. L’exemple du Sovaldi ne nous donne qu’un avant-goût des difficultés que nous allons rencontrer avec le retour – dont il faut par ailleurs se réjouir – de l’innovation dans le champ du médicament.

Le Gouvernement, devant une situation dont il n’avait pas encore mesuré l’ampleur au moment du vote de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale, nous propose –donc quelque peu en urgence – un dispositif visant spécifiquement à contenir les dépenses liées au traitement de l’hépatite C. Il nous semble que ce dispositif doit au moins être clarifié et réduit dans le temps. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 contient également une réforme du mécanisme général de régulation des dépenses de médicament.

La commission des affaires sociales vous soumet trois amendements visant à renforcer l’évaluation des médicaments soumis à remboursement. Le premier tend à mettre en place au 1er janvier 2016 une réforme, élaborée depuis plusieurs années par la Haute Autorité de santé, pour remplacer les critères actuels de service médical rendu et d’amélioration du service médical rendu, dont les périmètres sont mal définis, par un critère unique permettant de mesurer l’intérêt thérapeutique relatif, ou ITR, d’un médicament. Cette évolution nous paraît plus que jamais nécessaire, alors que le classement des médicaments selon leur degré d’amélioration du service médical rendu va être bouleversé par l’arrivée de nouvelles molécules apportant une innovation importante. Si nous ne nous dotons pas d’un instrument efficace pour comparer les produits de santé entre eux, le principe même de l’évaluation en vue du remboursement perdra tout son sens.

Toute évolution réglementaire d’ampleur doit s’accompagner d’un dialogue avec les entreprises du secteur. Nous prévoyons donc l’application de l’ITR dans un an et par décret, pour que le dialogue s’engage avec un objectif clair : permettre d’adapter l’évaluation des produits de santé aux enjeux de demain.

De même, la commission des affaires sociales considère que l’évaluation médico-économique doit être prise en compte au moment où se pose la question du remboursement. Je tiens à souligner qu’une évaluation médico-économique cherche à établir l’adéquation entre le coût d’un produit et son objectif en matière de santé publique. Il ne s’agit pas d’une évaluation médico-budgétaire qui soumettrait l’objectif de santé aux contraintes des finances publiques. C’est donc bien par une nouvelle perspective sanitaire que nous souhaitons compléter l’évaluation, ce qui paraît particulièrement important eu égard au coût des nouveaux traitements : 14 000 euros par mois et par patient pour le Sovaldi.

Enfin, nous estimons que, lorsqu’une firme prétend obtenir un prix élevé pour un produit présenté comme innovant, elle doit soumettre des évaluations qui garantissent le plus haut niveau de preuve scientifique. Comme le montre la revue Prescrire, de nombreuses affirmations sur les qualités du Sovaldi sont insuffisamment évaluées. Cela n’est pas acceptable, alors que la France a défini l’indication la plus large d’Europe pour la prise en charge de ce médicament. L’obligation pour la firme de fournir des études comparatives, lorsque le comparateur existe, est inscrite dans la loi sur la sécurité du médicament, mais soumise à un décret qui n’est jamais paru : nous la rendons donc d’application directe.

S’agissant du contenu du projet de loi de financement de la sécurité sociale, la commission des affaires sociales a approuvé les mesures concernant les hôpitaux qui rejoignent les préconisations du rapport présenté par nos collègues Jacky Le Menn et Alain Milon au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale sur la tarification à l’activité. Elles concernent le statut des hôpitaux de proximité, la prise en charge des actes innovants, les contrats d’amélioration des pratiques, ainsi que le contrôle de la pertinence des soins. Sur ce dernier point, la commission propose de compléter le dispositif, dont le champ se limite aux hôpitaux, afin de l’étendre aux soins de ville et aux relations ville-hôpital.

Pour renforcer l’accès aux soins, le Gouvernement propose de simplifier le régime du paiement des soins aux détenus, ce qui constitue une mesure de bonne gestion. Il renforce les mécanismes incitatifs pour l’installation des praticiens en zones sous-denses, persévérant ainsi dans l’empilement de mesures ponctuelles. Il aligne le régime de prise en charge par l’assurance maladie des vaccins effectués dans les centres de vaccination sur celui des vaccins réalisés en ville ou dans le cadre de la protection maternelle et infantile. La commission présentera un amendement visant à faire baisser le coût d’achat des vaccins par les structures publiques de vaccination.

Le PLFSS étend le mécanisme du tiers payant, qui existe déjà pour les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C, aux bénéficiaires de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, l’ACS. L’Assemblée nationale a également décidé que, comme ceux de la CMU-C, les bénéficiaires de l’ACS seraient dispensés de franchise et de participation forfaitaire.

La commission des affaires sociales du Sénat, comme la quasi-totalité des syndicats de médecins et des organismes complémentaires, est favorable à l’extension du tiers payant aux titulaires de l’ACS, car il s’agit d’une mesure qui favorise l’accès aux soins des publics fragiles.

La dispense de franchise et la participation forfaitaire nous paraissent en revanche soulever davantage de questions, madame la ministre. Tout d’abord, nous nous interrogeons sur la responsabilisation réellement induite par le paiement de ces sommes minimes, qui ne sont versées que pour 39 % des actes auxquelles elles pourraient s’appliquer, les 61 % restants en étant exonérés. Ensuite, nous doutons de la possibilité pratique de récupérer ces montants dans le cadre du tiers payant. C’est pourquoi la commission présentera un amendement tendant à supprimer la participation forfaitaire des bénéficiaires de l’ACS pour les actes médicaux, tout en maintenant le principe du paiement des franchises.

D’autres dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 correspondent à des mesures de rationalisation. L’une d’elles est attendue depuis longtemps par les associations de lutte contre le VIH.

Mme Annie David. Cinq minutes de dépassement !

Mme la présidente. Je vous invite à conclure, mon cher collègue !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il s’agit de l’article 33, qui tend à fusionner, à compter du 1er janvier 2016, les consultations de dépistage anonyme et gratuit du VIH et des hépatites et les centres d’information, de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles. La commission approuve cet article.

Parmi les autres mesures, je m’attarderai uniquement sur l’article 43 ter, qui vise à permettre la substitution par les génériques des médicaments nécessitant un inhalateur. Il vient contredire la position prise par le Gouvernement lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, et nous souhaitons, madame la ministre, que vous nous indiquiez en quoi la situation a évolué. Dans l’attente de cette discussion, nous avons déposé un amendement de suppression de cet article.

Madame la ministre, mes chers collègues, je vous ai fait part des réserves que m’inspire ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui reste, sur beaucoup de points, en deçà des mesures qu’exigerait la gravité de la situation financière de l’assurance maladie obligatoire. La commission des affaires sociales estime qu’il est possible d’aller plus loin : les mesures qu’elle vous propose marquent clairement la nécessité d’un changement d’orientation et aboutissent à une économie de 1 milliard d’euros sur l’ONDAM.

Ce montant serait obtenu grâce à une plus grande implication des pouvoirs publics pour garantir la pertinence des actes tant à l’hôpital qu’en ville, à des mesures en faveur de la prescription de génériques – la prescription en dénomination commune internationale, obligatoire au 1er janvier prochain, doit être rendue effective –, à un renforcement des conditions d’évaluation des médicaments dont les firmes demandent le remboursement et de la lutte contre les fraudes, à la réforme de la tarification des urgences hospitalières, à la mise en place d’un jour de carence pour les personnels hospitaliers, à la renégociation des accords relatifs au temps de travail au sein des établissements.

La commission des affaires sociales demande au Sénat d’adopter les amendements qu’elle propose, dans un esprit de responsabilité, et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, ainsi modifié. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)

Mme la présidente. Mon cher collègue, je vous ai laissé dépasser votre temps de parole puisque vous intervenez à un double titre : en tant que rapporteur général de la commission des affaires sociales et en tant que rapporteur pour l’assurance maladie. Il n’en ira pas de même pour les autres intervenants !

La parole est à M. René-Paul Savary, rapporteur.

M. René-Paul Savary, rapporteur de la commission des affaires sociales pour le secteur médico-social. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais rattraper le temps perdu ! (Exclamations amusées.)

Mme Nicole Bricq. Pas perdu !