Sommaire

Présidence de Mme Isabelle Debré

Secrétaire :

M. Philippe Adnot.

1. Procès-verbal

2. Commissions mixtes paritaires

3. Communication du Conseil constitutionnel

4. Décision du Conseil constitutionnel

5. Financement de la sécurité sociale pour 2015. – Discussion d’un projet de loi

Discussion générale :

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales

M. René-Paul Savary, rapporteur de la commission des affaires sociales pour le secteur médico-social

Mme Caroline Cayeux, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille

M. Gérard Roche, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse

M. Gérard Dériot, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles

M. Francis Delattre, rapporteur pour avis de la commission des finances

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales

M. Gilbert Barbier

M. Yves Daudigny

M. Jean Desessard

Mme Annie David

Mme Françoise Gatel

M. Jean-Noël Cardoux

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet

Mme Elisabeth Doineau

M. Jean-Baptiste Lemoyne

M. Éric Jeansannetas

Mme Michelle Meunier

Mme Catherine Génisson

Clôture de la discussion générale.

Renvoi de la suite de la discussion.

6. Communication du Conseil constitutionnel

7. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de Mme Isabelle Debré

vice-présidente

Secrétaire :

M. Philippe Adnot.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu intégral de la séance du 6 novembre a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Commissions mixtes paritaires

Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre les demandes de constitution de commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion : d’une part, du projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives ; et, d’autre part, du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à ces commissions mixtes paritaires selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.

3

Communication du Conseil constitutionnel

Mme la présidente. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 7 novembre 2014, une décision du Conseil relative à une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la capacité juridique des associations ayant leur siège social à l’étranger (n° 2014-424 QPC).

4

Décision du Conseil constitutionnel

Mme la présidente. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat une décision en date du 7 novembre 2014, prise en application de l’article 12 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, sur le droit de la propriété intellectuelle en Polynésie française (n° 2014-6 LOM).

Acte est donné de cette communication.

5

 
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015
Discussion générale (suite)

Financement de la sécurité sociale pour 2015

Discussion d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2015 (projet n° 78, rapport n° 83, avis n° 84).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015
Discussion générale (interruption de la discussion)

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale est un moment important, parce qu’il est l’occasion de rappeler que les Français sont attachés à leur modèle de protection sociale. Ils nous le disent : ils tiennent à ce modèle, dont la force est de s’adresser à tous, de la naissance à la fin de la vie. Ils savent que la sécurité sociale sera là pour eux, face à la maladie, au terme de leur carrière professionnelle, ou encore pour les aider dans l’éducation de leurs enfants.

Les Français sont attachés à ce que les principes qui fondent notre système de sécurité sociale soient garantis et que son fonctionnement soit assuré, et c’est pour protéger ce qui est au cœur du consensus républicain que nous faisons le choix résolu de la réforme.

En effet, nous ne pouvons accepter ni la régression ni le statu quo, qui seraient l’un et l’autre dangereux pour notre modèle social. Au contraire, nous devons sans cesse chercher à ce que celui-ci tienne mieux ses promesses de justice, qu’il s’adapte aux évolutions de notre société tout en étant soutenable financièrement.

Depuis deux ans, nous nous employons à réformer, à ramener notre système de protection sociale à l’équilibre. Ces efforts portent leurs fruits puisque, malgré la conjoncture économique, nous stabilisons en 2014 le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV. Nous améliorons le déficit de 800 millions d’euros pour le régime général et pour l’ensemble des régimes obligatoires de base. Entre 2011 et 2014, ce déficit du régime général aura été réduit d’un tiers.

Pour que ces efforts ne soient pas vains, il faut préserver les ressources de la protection sociale. C’est pourquoi, conformément à l’engagement pris au cours de l’examen de la loi de financement rectificative, l’intégralité des pertes de recettes engendrées par les exonérations prévues dans le pacte de responsabilité et de solidarité est compensée.

Nous revendiquons le choix de la réforme, mais de la réforme juste. Contrairement à ce qu’elle était pour la majorité précédente, pour nous, la réforme n’équivaut pas au recul social. Réformer, ce n’est pas remettre en cause les droits sociaux, ce n’est pas dérembourser, c’est transformer et aller de l’avant, faire des choix qui s’inscrivent dans le progrès, pour plus d’efficacité et de justice.

Le choix de la réforme juste, nous l’avons fait en matière de retraites dans le cadre de la loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites votée en janvier dernier. Cette réforme est efficace, puisqu’elle permet d’envisager le retour à l’équilibre de la Caisse nationale d’assurance vieillesse en 2017. Elle est juste, puisqu’elle consacre des droits nouveaux, comme la prise en compte de la pénibilité, dont je regrette que le Sénat ait jugé utile de la supprimer. Elle nous permet de renforcer les solidarités, avec la revalorisation à 800 euros, intervenue au 1er octobre dernier, de l’allocation de solidarité aux personnes âgées et avec le versement d’une prime exceptionnelle de 40 euros aux retraités qui perçoivent moins de 1 200 euros de pension globale.

En matière d’assurance maladie, nous engageons des réformes en profondeur tout en renforçant les droits. Tel est le sens du plan d’économies que j’ai présenté dès avril dernier et du projet de loi relatif à la santé qui a été présenté le 15 octobre en conseil des ministres.

En effet, efficacité et justice ne sont pas dissociables, en matière d’assurance maladie comme ailleurs : nous allons chercher les économies non pas dans l’abaissement de la qualité des soins ou dans la dégradation des conditions de prise en charge, mais dans les réformes structurantes dont notre système de santé a besoin. C’est en le transformant qu’il répondra mieux aux besoins de nos concitoyens et aux attentes des professionnels de santé, et qu’il permettra à tous de continuer à avoir accès à des soins de qualité et à l’innovation, tout en assurant la maîtrise de nos dépenses.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale met ainsi en œuvre à la fois les orientations de la stratégie nationale de santé et celles du plan d’économies, selon quatre orientations.

La première est l’amélioration de la pertinence des soins pour éviter les actes inutiles.

C’est un enjeu d’économies comme de santé publique. Ce projet de loi comporte des mesures en ce sens, visant notamment à donner aux agences régionales de santé toute une série d’outils pour agir sur le comportement des établissements qui auront été ciblés en raison de problèmes significatifs de non-pertinence dans leurs pratiques et prescriptions.

La deuxième orientation est l’amélioration de l’efficience de la dépense hospitalière.

Avec les groupements hospitaliers de territoire, le projet de loi relatif à la santé fournira des outils nouveaux aux hôpitaux pour qu’ils puissent mutualiser leurs achats et leurs fonctions supports. Nous nous engageons dans la transformation de l’organisation territoriale des soins hospitaliers pour permettre aux hôpitaux de mieux répondre à ces exigences. Nous définissons donc un mode de financement adapté aux hôpitaux de proximité, qui doit leur permettre de jouer leur rôle de coordination entre ville, hôpital et secteur médico-social.

La troisième orientation consiste en la mise en place du virage ambulatoire de notre système de soins pour améliorer la qualité de la prise en charge de proximité tout en maîtrisant les dépenses.

Le renforcement des soins primaires de premier recours se traduit dans le choix de fixer, pour la deuxième année consécutive, un taux de progression de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie – l’ONDAM – « soins de ville » à 2,2 %, soit un taux plus élevé que l’ONDAM des établissements de santé, qui progressera de 2 %. J’ai demandé aux directeurs généraux des agences régionales de santé d’être mobilisés pour organiser et favoriser ce virage ambulatoire dans les territoires. À ce titre, 19 millions d’euros d’aides sont prévus dans le Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés pour accompagner ces derniers dans leurs projets de développement de la chirurgie ambulatoire.

Avec le soutien du Gouvernement, l’Assemblée nationale a adopté un amendement visant à créer un cadre d’expérimentation pour les hôtels hospitaliers, afin d’accompagner à la fois les établissements et les patients lors du moment sensible qu’est la sortie d’hôpital.

Parce que le virage ambulatoire suppose des soins en ville structurés, nous poursuivons la démarche engagée avec le pacte territoire-santé, qui prévoit des mesures incitatives à l’installation des médecins en zones sous-denses. En 2013, nous avons créé une prise en charge du congé maternité pour les médecins généralistes qui s’engagent à s’installer de manière durable dans ces zones. Ce dispositif incitatif donnant de bons résultats, nous allons l’étendre à d’autres médecins, spécialistes cette fois. Nous créons également une aide pour tenir compte des difficultés spécifiques de l’activité des médecins en zones isolées, notamment en montagne.

J’en viens enfin à la quatrième orientation de la stratégie nationale de santé et du plan d’économies : l’action sur les prix des médicaments et le développement des génériques.

Nous ferons baisser les prix des médicaments qui ne présentent pas d’amélioration du service médical rendu pour les patients, tout en continuant à soutenir l’innovation. Les médecins, en ville comme à l’hôpital, seront incités à prescrire des génériques. Je présenterai prochainement un plan d’action sur les génériques qui détaillera les actions que j’entends mener dans ce domaine.

Par ailleurs, de manière spécifique, face à la progression exponentielle des dépenses de traitement de l’hépatite C, nous proposons d’adopter des mesures très fortes de refonte de la régulation des dépenses de produits de santé.

Je veux avant tout rappeler que ces traitements représentent une excellente nouvelle en matière de santé publique, car ils apportent à un grand nombre de malades une amélioration réelle de leur état de santé. (M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales acquiesce.)

Notre système de santé garantit un large accès des patients à l’innovation thérapeutique, et nous en sommes fiers. Nous devons préserver cette situation. Aussi, pour répondre à l’enjeu spécifique du traitement de l’hépatite C, je propose la création dès 2014 d’un mécanisme de régulation pour les seuls médicaments destinés au traitement de cette affection. Ce mécanisme permettra de faire supporter aux laboratoires concernés un éventuel dépassement de l’enveloppe affectée à ces traitements.

Les économies que nous réalisons nous permettront d’investir dans le renforcement de la qualité de notre système de soins.

Nous investirons ainsi 34 millions d’euros, dès 2015, dans l’incitation financière à l’amélioration de la qualité des soins dans les établissements de santé. Nous vous proposons également de faciliter la prise en charge des actes innovants et des actes issus d’expérimentations.

En outre, 15 millions d’euros iront au déploiement des équipements d’imagerie médicale, afin de réduire les délais d’attente. De même, nous financerons le déploiement de la télémédecine.

Ces économies permettent également de poursuivre l’effort en direction des personnes âgées et handicapées. Avec Ségolène Neuville, nous continuons à soutenir les créations de places dans les établissements et services pour personnes handicapées et nous investissons dans la création d’unités de consultation en ville. Cela garantit aux personnes handicapées l’accès aux soins courants dans un cadre adapté, avec des locaux mis en accessibilité et des professionnels formés.

Laurence Rossignol et moi nous attachons à soutenir le renforcement du niveau d’encadrement en soins des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, avec 100 millions d’euros consacrés à leur médicalisation. Nous investirons 20 millions d’euros dans les parcours des personnes âgées en risque de perte d’autonomie – une expérimentation que j’ai lancée voilà quelques semaines en région Centre, dans le département d’Indre-et-Loire.

Vous débattrez, au premier semestre de 2015, du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, que l’Assemblée nationale a examiné en première lecture il y a deux mois. Il s’agit d’une réforme de progrès, qui améliorera concrètement la vie quotidienne de très nombreuses personnes et de leurs familles. La contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, destinée à financer cette réforme, sera bien affectée à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA. La part de ces ressources non consommée en 2015 servira à la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées, en finançant un plan pluriannuel d’aide à l’investissement sur la période 2015-2017.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne se limite pas à la structuration des économies qui sont annoncées ; il contribue aussi à ces priorités de la stratégie nationale de santé que sont l’accès aux soins et la prévention.

L’investissement en faveur de la prévention est soutenu : les crédits de prévention du régime général progresseront entre 2015 et 2017. Nous aidons les centres de vaccination à développer leur activité de vaccination gratuite. Nous réformons le dispositif de dépistage du VIH et des infections sexuellement transmissibles, en posant les bases d’un dispositif unique de dépistage, plus performant et plus accessible aux publics qui en ont le plus besoin.

Nous renforcerons l’accès aux soins par la mise en place du tiers payant. Il s’agit d’une réforme qui changera, à terme, le quotidien de tous les Français, et dont le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale engage la première étape dès 2015 pour les bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé.

L’accès aux soins est notre priorité et, je le dis avec force, je ne crois pas à l’idée erronée d’une « responsabilisation » des patients, qui revient à considérer que les malades se soignent par plaisir. Dans le contexte financier contraint que nous connaissons, nous refusons tout transfert de charges vers les patients : ni déremboursement, ni forfait, ni franchise. Les résultats sont là : la part des dépenses de soins à la charge des ménages a reculé de 2011 à 2013, passant de 9,2 % des dépenses de soins à 8,8 %, alors que le chemin inverse avait été parcouru au cours du quinquennat précédent.

Avec ce projet de loi, nous poursuivons la reconquête de la prise en charge par l’assurance maladie. J’ai ainsi déposé, à l’Assemblée nationale, un amendement qui vise à supprimer les franchises médicales pour les bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé, soit plus d’un million de personnes vivant sous le seuil de pauvreté. Nous mettons fin, de cette manière, à l’un des éléments les plus iniques de l’héritage des dix années au pouvoir de la majorité précédente, qui consistait à faire payer des personnes pauvres pour accéder aux soins. C’est une mesure exemplaire de la réforme juste, qui prouve que nous savons, dans un contexte inédit de contraintes et d’économies, réaliser une véritable reconquête sociale.

Mesdames, messieurs les sénateurs de la nouvelle majorité sénatoriale, j’ai pris connaissance avec grand intérêt de vos amendements et contre-propositions d’économies sur l’assurance maladie. Pour vous, le Gouvernement n’en fait pas assez en matière d’économies de santé, puisque vous proposez de réaliser 1 milliard d’euros d’économies supplémentaires, au-delà des objectifs que nous nous fixons. Le comité d’alerte de l’ONDAM a pourtant considéré que les objectifs du programme d’économies proposé par le Gouvernement étaient plus exigeants que ceux qui avaient été présentés au cours des dernières années et que leur réalisation nécessiterait un pilotage serré.

Vous prétendez faire davantage en matière de substitution de génériques : c’est fort intéressant et fort louable, mais la seule mesure que vous proposez dans ce domaine consiste à supprimer un amendement de l’Assemblée nationale qui permet d’étendre les possibilités de substitution aux sprays, ce qui prouve bien le manque de cohérence de vos propositions.

Vous voulez renforcer les conditions de prise en charge des médicaments par l’assurance maladie, mais vous proposez la suppression du mécanisme permettant de limiter les dépenses au titre du traitement de l’hépatite C, le Sovaldi, qui est une garantie d’accès à l’innovation et de prise en charge des patients.

Vous prétendez faire davantage en matière de pertinence des prescriptions, mais vos seules propositions consistent à faire ce qui existe déjà, à savoir étendre les actions de pertinence aux soins de ville. De même, vous voulez supprimer ou vider de sa portée l’article 44, qui tend à inciter les établissements de santé à être plus vigilants quant à la pertinence de la prescription.

En résumé, vous avancez des économies de posture, dont nous aurons sans aucun doute l’occasion de débattre au cours des jours prochains, et vous reculez au contraire lorsqu’il s’agit de prendre de véritables mesures qui heurtent des intérêts particuliers. Ce n’est que lorsqu’il s’agit de réduire les droits sociaux que vous êtes prêts à proposer des mesures d’économies. C’est ainsi que, après avoir supprimé le compte de prévention de la pénibilité, vous souhaitez reporter à 64 ans l’âge légal de la retraite.

En privilégiant la réduction des droits, l’opposition montre qu’elle n’est pas prête à faire des choix structurants tels que ceux que nous défendons, animés d’une volonté d’agir avec à la fois efficacité et justice.

C’est ce même double objectif qui nous guide dans la réforme de la politique familiale.

Parce que la famille est le premier cercle de socialisation et de solidarité, il est nécessaire que la cellule familiale joue son rôle pour que les enfants progressent vers l’autonomie et deviennent des adultes investis dans la société. Si les familles sont fortes et soutenues, alors leurs enfants peuvent être égaux dans leurs destinées, vivre ensemble et se respecter. Voilà pourquoi la politique familiale est l’un des socles du pacte républicain auquel nous sommes attachés.

Mais la politique familiale doit être adaptée pour répondre aux évolutions de la société et promouvoir une meilleure articulation entre vie professionnelle et vie familiale. C’est pour cette raison que nous avons lancé un plan ambitieux permettant l’accueil des enfants de moins de 3 ans, avec la création de 100 000 places de crèche supplémentaires au cours des années à venir – 40 000 l’ont déjà été –, la création de postes d’assistante maternelle ou l’ouverture de 75 000 places d’accueil à l’école pour les enfants de moins de 3 ans. En effet, on ne peut pas réduire la politique familiale à des prestations.

Pour ce qui est des prestations, en faisant le choix de la modulation des allocations familiales, le Gouvernement a fait celui d’une réforme forte en matière de justice et de responsabilité.

Cette proposition a donné lieu à l’expression de nombreuses contrevérités au cours des dernières semaines.

L’universalité, ce n’est pas l’uniformité ; cela ne l’a jamais été. Par exemple, si l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, est une prestation universelle, son montant varie. La solidarité nationale, en termes d’universalité, est assurée, puisque toutes les familles qui ont droit aujourd’hui à des allocations familiales continueront à en toucher, même si, dans certains cas, leur montant sera diminué.

La modulation des allocations familiales ne remet pas davantage en cause les fondements de la sécurité sociale et la politique familiale n’est pas comparable à l’assurance maladie. C’est une réforme de justice, que les Français soutiennent car ils savent qu’elle ne demandera un effort qu’aux 11 % des familles les plus aisées et ne concernera pas les classes moyennes. En effet, seules les familles qui, avec deux enfants, ont un revenu supérieur à 6 000 euros par mois seront concernées. En deçà de 6 000 euros par mois de revenu net, les familles continueront à toucher le même montant d’allocations. Au-delà de 6 000 euros, les allocations familiales seront réduites de moitié et, au-delà de 8 000 euros, leur montant sera divisé par quatre.

Les Français sont attachés à leur modèle social, mesdames, messieurs les sénateurs, et rien ne met plus en danger la protection sociale que l’immobilisme. C’est pourquoi le Gouvernement engage des réformes structurantes pour notre protection sociale, laquelle doit permettre de mieux protéger et de mieux accompagner les familles et l’ensemble de nos concitoyens.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale dont nous entamons la discussion est un texte qui renforce la solidarité, dans un contexte où nous devons mieux répondre aux exigences d’une société qui évolue. Il s’agit, là encore, de faire preuve à la fois d’efficacité et de justice, les deux principes qui guident l’action du Gouvernement en matière sociale. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, après que Mme la ministre vous a présenté les mesures les plus importantes de ce PLFSS, il me semble nécessaire, de mon côté, de rappeler les orientations du Gouvernement sur le plan économique et financier, ainsi que ses engagements budgétaires.

Dans un premier temps, je souhaite rappeler que le PLFSS pour 2015 s’inscrit dans une stratégie qui conjugue, d’une part, le redressement des comptes publics, avec des efforts d’économies, et, d’autre part, la création d’emplois et d’activité, avec la mise en œuvre du pacte de responsabilité et de solidarité. Ce sont les deux piliers du redressement, budgétaire et économique.

Notre stratégie consiste d’abord à rétablir l’équilibre structurel de nos comptes selon un rythme adapté à la conjoncture, ce qui implique de réaliser des économies. Cet objectif est constant depuis notre arrivée aux responsabilités : atteindre l’équilibre structurel de nos comptes publics.

Cet effort est nécessaire, incontournable pour l’avenir de la protection sociale elle-même, afin que nous dépensions moins pour le service de la dette et que nous soyons capables de faire face à nos besoins sociaux. Notre volonté de maîtrise des déficits est la même aujourd’hui qu’en 2014. Elle n’a pas changé, en dépit du contexte économique défavorable, et malgré les difficultés pour réaliser les économies nécessaires, qu’il ne faut pas minimiser.

Le Président de la République, le Premier ministre, le ministre des finances et moi-même l’avons dit à plusieurs reprises : toutes les économies prévues doivent être réalisées pour atteindre notre objectif de 50 milliards d’euros d’économies sur l’ensemble des administrations publiques, dont 21 milliards d’euros dès l’année prochaine. Nous maintenons cet objectif sans le durcir, afin de permettre un rythme d’assainissement de nos comptes qui soit compatible avec le retour progressif de la croissance.

Sur l’État et ses agences, 19 milliards d’euros seront économisés en trois ans, dont 7,7 milliards d’euros dès 2015. Les dépenses des ministères diminueront de 1,8 milliard d’euros par rapport à leur niveau dans le budget initial de 2014.

Sur les collectivités locales, ce sont 3,7 milliards d’euros d’économies par an qui sont prévues, pour un total de 11 milliards d’euros en trois ans.

Pour l’ensemble de la protection sociale, incluant la sécurité sociale, l’assurance chômage et les retraites complémentaires obligatoires, cela signifie environ 20 milliards d’euros d’économies sur trois ans, à mettre en regard des 450 milliards d’euros de dépenses pour les seuls régimes obligatoires de base de la sécurité sociale. Cet effort représente 40 % du total visé au titre du plan de 50 milliards d’euros d’économies. C’est une proportion proche de la part que représentent les dépenses sociales dans l’ensemble des dépenses publiques.

Les mesures prévues par le PLFSS poursuivent cet effort, de manière juste et mesurée, mais avec détermination. Certains nous reprochent de ne pas faire de « vraies » économies, car les dépenses continuent à augmenter. C’est faux. Comme je l’ai rappelé, il est légitime que certaines dépenses augmentent en valeur, avec le vieillissement de la population et l’arrivée de traitements efficaces, notamment celui contre l’hépatite C qu’a évoqué Marisol Touraine. Faire en sorte que les dépenses augmentent moins qu’elles ne le feraient spontanément, cela implique de réaliser des efforts, de prendre des mesures, et donc de faire de vraies économies.

Certains responsables de l’opposition proposent de faire 110 milliards, voire 150 milliards d’euros d’économies. Comment peuvent-ils y croire eux-mêmes, alors qu’ils n’ont pas pris de mesures entre 2002 et 2012 ?

M. Gilbert Barbier. C’est l’éternelle question !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Quand j’entends proposer une hausse de TVA de 3,5 points, qui aboutirait à prélever 20 milliards d’euros supplémentaires sur les ménages, notamment sur les plus modestes d’entre eux, et réclamer la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, je constate qu’il n’y a pas là l’ombre d’une économie. Je constate aussi que, décidément, nous n’avons pas le même objectif.

M. Francis Delattre. Vous caricaturez !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Où réaliser ces économies ? Où retrouver des marges de manœuvre ? En réalité, il est nécessaire, pour que l’effort soit équilibré et supportable, de réaliser des économies dans plusieurs domaines.

Vous le savez, nous prévoyons 9,6 milliards d’euros d’économies sur la sphère sociale pour 2015. Sur ce total, 4 milliards d'euros proviennent des réformes passées.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Il s’agit notamment des mesures relatives à la branche famille – 600 millions d'euros –, des économies sur les retraites de base – 1,5 milliard d'euros –, avec principalement le décalage de la date de revalorisation des retraites d’avril à octobre, qui n’a pas produit d’économies en 2014 mais en produira en 2015. Enfin, les régimes gérés par les partenaires sociaux sont associés à l’effort : en particulier, les régimes de retraite complémentaires et l’UNEDIC y contribuent respectivement pour 850 millions et pour 1 milliard d'euros, à travers notamment la nouvelle convention d’assurance chômage.

Les mesures nouvelles représentent 5,6 milliards d'euros d’économies. Une partie de ces mesures sont inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, tandis que les autres débordent du champ de ce dernier, qui, rappelons-le, ne concerne que les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale.

Les mesures inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale ont été détaillées lors de la commission des comptes. En particulier, près de 3,2 milliards d’euros d’économies sont réalisés sur les dépenses d’assurance maladie ; c’est un tiers de plus que l’année dernière. Marisol Touraine vous en a longuement parlé, en détaillant les grands axes de la stratégie nationale de santé.

À ces 3,2 milliards d'euros s’ajoutent environ 200 millions d'euros au titre de la réforme du capital décès et quelque 700 millions d’euros d’économies réalisées dans le cadre de la réforme des prestations familiales en 2015. Marisol Touraine a longuement exposé la modulation des allocations familiales en fonction des ressources. Cette mesure, issue des discussions entre les députés et le Gouvernement, permettra à terme de réaliser environ 800 millions d'euros d’économies sur les dépenses de la branche famille, qui, je le rappelle, est déficitaire de plus de 2,9 milliards d’euros cette année.

Je tiens en parallèle à souligner l’importance de l’effort financier qui continue à être réalisé en faveur des familles, notamment en matière d’aides à la garde des jeunes enfants, lesquelles représentent aujourd’hui plus de 9 milliards d’euros, soit un investissement considérable.

En outre, les organismes de protection sociale, notamment ceux du régime général, se sont fixé des objectifs ambitieux en matière d’efficacité et de productivité : près de 500 millions d’euros seront économisés au travers de la diminution des coûts de gestion, grâce en particulier aux évolutions prévues par les conventions d’objectifs et de gestion, qui viennent d’être renégociées.

Outre ces mesures inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, des économies seront réalisées dans les autres secteurs de la protection sociale. Ainsi, les coûts de gestion de l’UNEDIC seront réduits d’un montant de 200 millions d'euros. Il faut également tenir compte des effets, en 2015, du calendrier législatif d’adoption de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement.

Par ailleurs, les prévisions de consommation des crédits d’intervention des fonds d’action sanitaire et sociale des caisses de sécurité sociale, cohérentes avec la consommation observée en 2014, conduisent à prévoir de moindres dépenses.

Enfin, d’autres mesures de moindre importance contribuent aux économies ; je pense par exemple à la lutte contre la fraude, ou encore à certaines mesures relatives aux aides au logement.

Comme vous le savez, ces économies s’accompagnent de la mise en œuvre d’engagements forts du Gouvernement et du Président de la République : poursuite des revalorisations exceptionnelles de prestations sociales dans le cadre du plan pauvreté, mesures de justice dans le domaine des retraites pour les femmes, les jeunes, les carrières longues et les carrières heurtées, absence de déremboursement ou de transfert de prise en charge aux complémentaires en matière de santé.

La commission des affaires sociales du Sénat s’est demandé si les montants d’économies anticipés par le Gouvernement pour les régimes paritaires de retraite et d’assurance chômage constituaient une feuille de route fixée aux partenaires sociaux. En réalité, les partenaires sociaux se sont eux-mêmes fixé une feuille de route, contenant des montants d’économies précis, et, malgré les difficultés qu’ils rencontrent pour les réaliser, ils n’ont pas revu leurs objectifs à la baisse. Ils savent en effet, comme le Gouvernement, la nécessité de rétablir les comptes des régimes.

Au-delà de ces économies, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 permet de préserver le financement de la sécurité sociale par la compensation du pacte de responsabilité et de solidarité, sans mesure de recette supplémentaire pesant sur les ménages et les entreprises.

Le Gouvernement avait pris des engagements très clairs à l’occasion des débats sur le pacte de responsabilité et de solidarité, qui a été voté cet été. Ces engagements sont respectés.

Tout d’abord, les allégements de cotisations seront bien mis en œuvre au 1er janvier 2015. Les décrets relatifs à la mise en place du dispositif « zéro charge au SMIC » seront bientôt publiés, dans le délai prévu.

Ensuite, les allégements en faveur des indépendants seront pris en compte dans les appels de cotisations de 2015. La réduction de cotisations, d’un montant de 1 milliard d’euros, sera donc appliquée dès le début de 2015. S’y ajoute 1 milliard d’euros de baisse de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, ciblée d’abord sur les petites et moyennes entreprises, puisque les deux tiers des redevables seront totalement exonérés de cette contribution dès 2015. Les conséquences de cette baisse des recettes de C3S sur les affectataires – dont le régime social des indépendants, le RSI – sont neutralisées par des ressources équivalentes. Comme cela avait été clairement dit lors des débats, l’opération n’affecte en rien l’indépendance de ce régime ; Marisol Touraine et moi-même l’avons officiellement confirmé à ses responsables.

Enfin, comme le Gouvernement s’y était engagé et comme la loi de financement rectificative en avait instauré le principe, les lois financières prévoient les modalités de la compensation intégrale des pertes de recettes induites par le pacte de responsabilité et de solidarité.

Cette compensation s’inscrit dans une logique de rationalisation. Certaines recettes communes sont confiées intégralement à la sécurité sociale, tandis que des dépenses partagées seront désormais prises en charge intégralement par l’État. Une partie de la compensation se fera ainsi sous forme de reprise de certaines dépenses de la sécurité sociale par l’État.

En pratique, la fraction des aides personnalisées au logement, les APL, aujourd’hui financée par la branche famille sera désormais supportée par le budget de l’État, qui en finançait d’ores et déjà près de 40 %. Cette opération de transfert de dépenses n’a pas de conséquence pour les bénéficiaires. Les règles d’attribution, de calcul et de gestion par les caisses d’allocations familiales ne sont en aucune façon modifiées.

En outre, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 transfère à la sécurité sociale l’intégralité du produit des prélèvements sociaux sur les revenus du capital, dont le taux cumulé s’élève à 15,5 %. L’affectation de l’intégralité de cette ressource à la sécurité sociale représente un transfert de 2,5 milliards d’euros. Cela assure une forme d’unité et de cohérence. Les fonds qui bénéficiaient antérieurement d’une partie de ces prélèvements feront l’objet de dotations de l’État.

La compensation s’appuie également, pour l’année 2015, sur un apport exceptionnel issu de la réforme du recouvrement des cotisations dues par les caisses de congés payés existant dans certains secteurs. Je tiens à apporter trois précisions sur cette mesure.

Tout d’abord, il n’y a là aucune remise en cause du rôle et des missions de ces caisses. Elles continueront d’assurer la gestion des congés de manière mutualisée, comme auparavant.

Ensuite, cette mesure n’a de conséquence ni pour les salariés, bien entendu, ni pour les employeurs. En effet, les cotisations ainsi prélevées de manière anticipée à partir de 2015 ont déjà été acquittées par ces derniers auprès des caisses de congés. Ce n’est pas à l’employeur que l’on demande de verser plus tôt, mais aux caisses qui détiennent déjà les fonds. Pour l’employeur, cela ne change donc rien au plan financier.

Enfin, la mise en place d’un prélèvement à la source intégral à l’horizon 2018 n’est pas non plus une charge supplémentaire pour les employeurs. Certaines contributions dues au titre des indemnités de congés sont déjà prélevées à la source, et la mise en place du système permettra de simplifier les relations entre les caisses de congés et les employeurs. Nous nous donnerons tout le temps nécessaire afin que cette transition se fasse de manière favorable pour tout le monde, et nous sommes prêts à débattre du calendrier et des modalités avec l’ensemble des acteurs.

La commission des affaires sociales du Sénat signale que la compensation n’est que temporaire. Cela est vrai, mais elle atténue tout de même durablement la charge de la dette. Chacun pourra convenir, je pense, qu’il serait irresponsable de chercher à réduire nos déficits par des mesures d’économie tout en refusant une disposition sans incidence pour les salariés ni pour les entreprises.

Parallèlement à ces mesures, le projet de loi de finances pour 2015 assure, comme le prévoyait la loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, le transfert au Fonds de solidarité vieillesse des produits générés par la fiscalisation, à compter de 2014, des majorations de pension, soit 1,2 milliard d’euros de recettes supplémentaires.

Enfin, le Gouvernement met en œuvre des mesures d’équité et de rationalisation et de simplification des prélèvements sociaux, mais à rendement global constant.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne comprend aucune mesure d’accroissement des prélèvements sur les entreprises ou les ménages.

Les mesures de rationalisation et de simplification dans le domaine des prélèvements obligatoires sont une priorité. Il s’agit tout d’abord de mesures d’équité et de justice, dont la première concerne les ménages. Elle vise à modifier le critère en fonction duquel on détermine si un retraité ou un chômeur doit payer la CSG au taux réduit de 3,8 % ou au taux normal, fixé à 6,2 % pour les chômeurs et à 6,6 % pour les salariés. En effet, le critère actuel dépend du montant d’impôt dû, mais pas du niveau du revenu lui-même. Cela signifie qu’un retraité qui touche une pension faible mais ne bénéficie pas de réductions d’impôts peut être soumis au taux normal, alors qu’un autre qui touche une pension plus élevée mais bénéficie de réductions d’impôts importantes peut relever du taux réduit. Cela n’est ni juste ni compréhensible, comme l’ont démontré de nombreux travaux parlementaires. Ces travaux proposent de retenir un critère de revenu fiscal de référence, sans modification des taux en vigueur. Il s’agit d’une réforme à rendement global nul. Pour les personnes qui ont peu de réductions d’impôts ou pas du tout, le nouveau seuil fixé sera plus favorable que le seuil actuel. J’insiste sur ce point : il ne s’agit en aucune manière d’une hausse de la CSG des retraités, dont les taux ne bougent pas, mais bien d’une mesure de justice, d'ailleurs conforme à ce qui a été fait depuis plusieurs années en matière d’imposition locale.

S'agissant toujours des ménages, l’Assemblée nationale a adopté, à la suite des débats qui ont eu lieu cet été, une mesure ciblée en faveur de l’emploi à domicile. Il s’agit d’un doublement de l’exonération de 75 centimes pour les services de garde d’enfants. Le Gouvernement a proposé cette mesure de compromis, parce qu’il n’est pas possible de mettre en œuvre une mesure généralisée représentant un coût de 200 millions d'euros pour la sécurité sociale quand on cherche partout ailleurs des économies. En outre, comme vous le savez, la Cour des comptes critique les aides au secteur des services à la personne, qui sont déjà considérables et trop peu ciblées. Cette position de compromis cible les besoins prioritaires ; je pense que nous aurons l’occasion d’approfondir la réflexion sur ce sujet dans la suite du débat.

M. Gilbert Barbier. Probablement !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. D’autres mesures concernent les entreprises. Elles s’inscrivent dans une démarche globale de simplification. Comme vous le savez, le projet de loi de finances pour 2015 prévoit la suppression d’un premier ensemble de petites taxes à faible rendement. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 comprend lui aussi un ensemble de mesures de simplification, plus nombreuses que les années précédentes.

Je terminerai en évoquant une disposition du projet de loi de financement de la sécurité sociale ajoutée par l’Assemblée nationale qui a suscité de nombreuses réactions la semaine dernière. Il s’agit du mécanisme anti-optimisation sur les dividendes des dirigeants de sociétés anonymes et de sociétés par actions simplifiées qui détiennent la majorité du capital.

Je ne développerai pas ici une longue analyse de cette disposition ; nous aurons le temps d’y revenir. Cependant, puisque le dispositif n’a pas été compris, il nous semble préférable qu’il soit retiré, l’objectif étant avant tout de compléter un dispositif anti-optimisation, et non, je le redis, d’obtenir du rendement.

D’aucuns croient que le fait de réguler les arbitrages entre dividendes et salaires reviendrait à nier la différence de nature entre les revenus d’activité et les dividendes versés par les sociétés par actions, lesquels rémunèrent le capital investi. En réalité, c’est précisément cette différence que les dispositions prises en 2013 ont pour objet de faire respecter. Là encore, nous aurons probablement l’occasion d’y revenir dans le débat.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai suivi avec attention les travaux de votre commission des affaires sociales. Nous allons maintenant échanger, arbitrer ; je ne doute pas que ce débat se déroulera dans le climat de courtoisie qui est habituel au Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, ayant écouté attentivement vos propos, j’ai cru comprendre que vous considériez avoir raison en tout ; permettez-moi de penser que la nouvelle majorité sénatoriale ne saurait avoir tort sur tout… Au cours de ce débat, je souhaite que nous puissions nous écouter mutuellement, échanger, débattre, et non pas nous combattre. Dans la période de crise que nous traversons, c’est la meilleure méthode, me semble-t-il, pour avancer, dans l’intérêt de nos concitoyens.

Notre constat est clair : notre pays est entré dans la crise avec un déséquilibre structurel de la sécurité sociale. Depuis de trop nombreuses années, les dépenses sont non seulement plus élevées, mais aussi plus dynamiques que les recettes, ce qui veut dire que nous finançons nos dépenses sociales, qui sont pourtant des dépenses courantes, par du déficit et de la dette.

Avec la crise, ce déficit n’a pas manqué de se creuser, tant sous l’effet d’une conjoncture difficile que sous celui de la persistance de ce déséquilibre.

En 2013, comme en 2012, le Gouvernement a répondu à ce déficit par une augmentation massive des prélèvements obligatoires : sur ces deux années, les recettes ont progressé de plus de 11 milliards d’euros, dont 7,6 milliards de recettes nouvelles.

Non seulement cet effort important demandé aux entreprises et aux ménages ne s’est pas accompagné des réformes nécessaires à la régulation des dépenses, mais il a, pour une grande partie, financé des dépenses nouvelles.

Ainsi, alors que la pression fiscale s’accentuait sur les familles imposables, le déficit de la branche famille se creusait sous l’effet de mesures nouvelles : allocation de rentrée scolaire, pour 400 millions d’euros, complément familial, pour 60 millions d’euros.

Autre exemple, la hausse des cotisations retraite a financé l’élargissement des conditions de départ à la retraite anticipé avant 62 ans, qui se traduit par une dépense supérieure à 830 millions d’euros en 2015 pour le seul régime général.

M. Jean-Pierre Caffet. On assume ces mesures !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Au total, malgré l’augmentation des prélèvements, le déficit des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse ne s’est réduit que de 3,1 milliards d’euros, pour s’établir à 16 milliards d’euros en 2013.

L’année 2014 témoigne des limites de cette politique, car les recettes ne rentrent pas. Elles devaient progresser de 10 milliards d’euros, dont la moitié au titre de recettes nouvelles ; or elles ont été rectifiées deux fois à la baisse, dans la loi de financement rectificative puis dans le présent projet de loi. Le déficit prévisionnel est de 15,4 milliards d’euros, soit 2,2 milliards d’euros de plus que prévu.

Pour 2015, un changement de politique est affiché : pas ou peu de recettes nouvelles, mais des compensations de la réduction des prélèvements, des économies par rapport à une trajectoire tendancielle et, au final, un objectif assez modeste de réduction des déficits de 2 milliards d’euros environ par rapport au déficit de 2014, lui-même quasiment équivalent à celui de 2013, comme l’a rappelé Mme la ministre.

Je dirai un mot sur les économies. Le Gouvernement avait annoncé, dans le programme de stabilité d’avril dernier, 21 milliards d’euros d’économies dans le champ des administrations de sécurité sociale, dont 9,6 milliards d’euros dès 2015, reposant en partie sur une absence de revalorisation de certaines prestations. Quelques mois plus tard, après une révision à la baisse des hypothèses d’inflation qui a mis à mal les économies liées à la non-revalorisation, cet objectif de 9,6 milliards d’euros d’économies est pourtant maintenu.

Le Gouvernement a défini les grandes masses, mais le détail reste méconnu ; les ministres nous en diront certainement plus au cours du débat. Pour l’essentiel, ces économies dépendent de mesures à prendre dans la future loi de santé ou de la contribution des régimes à gestion paritaire, sur lesquels le Gouvernement a peu de prise.

In fine, le ralentissement de la trajectoire de dépenses pourrait être moins sensible que prévu, ce qui aurait une incidence directe sur le solde des administrations de sécurité sociale.

Pour le moment, la compensation pérenne du pacte de responsabilité et de solidarité n’est pas totalement assurée.

Pour 2015, elle repose en partie sur la mesure relative aux caisses de congés payés, qui procure un gain de trésorerie non reconductible. La question sera beaucoup plus difficile à régler en 2016, avec la poursuite des allégements de cotisations et une nouvelle étape de la suppression programmée de la C3S.

Une autre inquiétude subsiste quant aux hypothèses macroéconomiques.

Ces deux dernières années, nous aurons connu une croissance de 0,4 % par an, et la fin de l’année 2014 ne laisse entrevoir aucun signe de reprise. Si cette situation perdure, l’objectif de 1 % de croissance pourrait ne pas être atteint, ce qui se traduirait par des recettes moindres en fin d’année.

La prévision de solde déficitaire établie à 13,2 milliards d’euros est donc soumise à de forts aléas. La réduction du déficit, déjà amoindrie en 2013, puis en 2014, pourrait donc être inférieure aux 2,2 milliards d’euros programmés.

La dette sociale dépasse les 160 milliards d’euros. C’est une anomalie dont nous nous accommodons collectivement, les gouvernements successifs s’étant refusés à augmenter la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS.

La dette sociale présente en principe une particularité, celle de faire l’objet d’un amortissement en vue de sa disparition progressive. Aujourd’hui, une part importante, plus de 17 %, est portée en trésorerie à l’ACOSS, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale. Par conséquent, non seulement elle n’est pas amortie, mais elle est très exposée à la volatilité des taux à court terme. Il y a là un pari collectif qui fait peser un risque supplémentaire sur les équilibres généraux de la sécurité sociale.

Voilà pour le constat. Il a semblé à la commission des affaires sociales que, au regard des défis actuels tenant à l’état des finances sociales, le compte n’y était pas, entre des prévisions que l’on ne saurait qualifier d’optimistes, mais que l’état de notre économie pourrait malheureusement démentir, et des économies au calibrage incertain, puisqu’il manque selon nous 1,8 milliard d’euros pour le périmètre du PLFSS.

Nous le reconnaissons bien volontiers, la tâche n’est pas aisée. L’économie de notre pays ne donne aucun signe de redémarrage et les marges de manœuvre sur les prélèvements sont largement épuisées. Il nous semble toutefois que le Gouvernement fixe des bornes étroites à son action.

Vous l’avez rappelé devant la commission des affaires sociales et encore tout à l’heure, madame la ministre, votre feuille de route est claire : pas de transferts de charges vers les patients, pas de réduction de l’accès aux soins, pas de réduction des effectifs hospitaliers.

Quand les dépenses sociales sont financées par des déficits, le transfert de charges est pourtant réel vers les contribuables, vers les générations à venir, alors qu’elles devront faire face à la fragilité financière des régimes de retraite.

Ce constat, à nos yeux, appelle des réformes, et des réformes justes, comme vous l’avez souligné.

C’est pourquoi nous pensons qu’il faut aller plus loin dans la maîtrise des dépenses. La réduction du déficit structurel, qui serait de la moitié du déficit total, reste devant nous.

Nous consacrons 27 % de la richesse nationale aux dépenses sociales, soit plus de 53 % du montant des prélèvements obligatoires : qui peut sérieusement plaider l’insuffisance de recettes ?

Avec une inflation très faible, la progression des dépenses reste trop rapide : en 2015, les dépenses d’assurance maladie devraient augmenter de près de 5 milliards d’euros pour le seul régime général. Cette tendance, vous en conviendrez, n’est pas soutenable.

Devant ce constat, nous n’avons pas souhaité rejeter ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, ni même le rebâtir totalement, exercice dont nous mesurons d’ailleurs parfaitement les limites.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Sur les orientations générales du texte, notre commission propose l’adoption de la première partie relative aux comptes de l’année 2013. Cette position n’est en rien une approbation de la politique menée, mais il s’agit d’un exercice clos et dûment certifié, sur lequel nous n’avons, de toute façon, plus prise.

Pour des raisons comparables, elle propose l’adoption des tableaux pour 2014, avec un amendement tendant à exprimer le refus de donner un blanc-seing au Gouvernement sur le financement, par le FSV, de mesures prises par décret.

En revanche, il me semble que nous ne pouvons adopter les équilibres généraux pour 2015 tels qu’ils nous sont proposés sans mesures d’économies supplémentaires.

Pour autant, le Gouvernement devrait reconnaître son texte, à l’issue des travaux de la commission des affaires sociales, car nous avons œuvré dans un esprit de responsabilité, souhaitant engager le dialogue avec le Gouvernement et avec l’Assemblée nationale sur le fondement de quelques marqueurs et de quelques signaux.

Nous refusons tout d’abord de nous accommoder d’une augmentation aussi forte des dépenses d’assurance maladie. Nous proposons ainsi 1 milliard d’euros d’économies supplémentaires sur différents postes, inspirées de propositions qui sont sur la table et dont nous devons nous saisir.

D’avance, je réponds à ceux qui contesteront nos chiffrages que nous les avons voulus prudents et qu’ils ne sont pas moins précis que ceux du Gouvernement.

Mme Nicole Bricq. Ils ne sont pas documentés !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous refusons la méthode retenue pour la branche famille, qui témoigne d’une absence de vision sur la politique familiale : d’effets d’annonce en démentis, la mesure proposée de modulation des allocations familiales nous semble aussi improvisée que complexe, sans parler des questions d’équité. En effet, pour notre part, nous ne distinguons pas entre les enfants selon qu’ils naissent dans une famille aisée ou dans une famille modeste. Si vous souhaitez prendre des mesures de solidarité, il faut en passer par l’impôt. Vous l’avez d’ailleurs fait par deux fois en abaissant le quotient familial.

En ce qui concerne les retraites, nous souhaitons tout d’abord appeler l’attention sur la situation du Fonds de solidarité vieillesse, laquelle est emblématique du financement de prestations non contributives à crédit : le déficit prévu du FSV en 2015, près de 3 milliards d’euros, est identique à celui de 2011.

Nous savons aussi, collectivement, que la loi de janvier 2014 ne garantit ni l’avenir ni la justice du système de retraites, et que cette réforme ne sera pas la dernière. Dès la fin de la période de programmation, en 2018, la question des retraites se posera de nouveau.

Sur ces points, la commission des affaires sociales a tracé des orientations et des pistes d’action. Nous tenons à souligner que le dérapage des comptes sociaux est non pas une fatalité, mais bien une anomalie. Le redressement, si l’on compare avec le budget de l’État, n’est pas hors de portée. Certains de nos voisins sont parvenus à l’obtenir sans que l’état sanitaire de leur population soit plus préoccupant que celui des Français. Nous devons donc nous y employer résolument, dans un esprit de responsabilité, avec un objectif partagé : garantir la performance, l’efficacité et la pérennité de notre système de protection sociale.

J’en viens aux dispositions relatives à l’assurance maladie.

Les mesures relatives à la branche maladie prévues par le projet de loi de financement de la sécurité sociale sont, pour l’essentiel, de nature technique. Depuis 2004, nous attendons l’ouverture d’un débat de fond sur la politique de santé de notre pays permettant de déterminer les contours des actions financées par l’assurance maladie. Ce débat devrait enfin avoir lieu à l’occasion de la discussion du projet de loi relatif à la santé qui a été présenté en conseil des ministres le 15 octobre dernier. Nous ne pouvons que nous en réjouir, car la jurisprudence constitutionnelle nous empêche bien souvent d’aborder ces questions essentielles dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale ; nous nous en rendons compte aujourd’hui encore !

Cependant, nous attendons tout au moins du projet de loi de financement de la sécurité sociale qu’il définisse le périmètre de la solidarité nationale en matière de santé et qu’il garantisse son équilibre financier. De ce point de vue, le texte du Gouvernement nous paraît incomplet.

Incontestablement, le contexte de crise limite les recettes en même temps qu’il rend nos concitoyens les plus fragiles davantage sensibles aux variations des prises en charge. Cela ne suffit pourtant pas à justifier la faiblesse des réformes structurelles qui nous sont proposées. En effet, à condition d’être soutenues par une véritable volonté, plusieurs mesures pourraient permettre d’engager la nécessaire réduction des dépenses de santé, sans pour autant porter atteinte à la qualité de la prise en charge médicale des Français.

Je pense d’abord au renforcement de la pertinence des actes. Je me suis, comme d’autres au sein de notre commission, exprimé à de nombreuses reprises sur le sujet au cours des dernières années. La Fédération hospitalière de France, la FHF, la Haute Autorité de santé, l’Académie nationale de médecine et la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale du Sénat estiment que près de 30 % des actes pris en charge ne seraient pas pertinents, ce qui se traduirait par un surcoût injustifié de près de 30 milliards d’euros pour l’assurance maladie. Devant ce gaspillage, le Gouvernement ne nous propose qu’une mesure législative qui devrait permettre d’économiser 50 millions d’euros, ainsi que des mesures réglementaires non détaillées, pour une économie estimée à 1,2 milliard d’euros. La commission des affaires sociales estime que ces propositions ne sont pas à la hauteur de l’enjeu et proposera donc de les compléter.

La Cour des comptes nous a également indiqué plusieurs pistes d’économies substantielles autant que consensuelles, notamment le désengorgement des urgences hospitalières, le développement du recours aux médicaments génériques ou encore la maîtrise des dépenses de personnel des hôpitaux.

Sur ce dernier point, il convient d’éviter les approximations. L’hôpital est le réceptacle de nombreux dysfonctionnements de notre système de soins et les difficultés auxquelles sont soumis ses personnels, voire la souffrance qu’ils endurent, doivent être prises en compte. (Mme Catherine Génisson s’exclame.)

Nous sommes conscients que la maîtrise de l’ONDAM hospitalier représente un effort considérable pour les établissements de soins, dont les coûts progressent spontanément plutôt de quelque 2,47 %. Il est indispensable de permettre à ces établissements d’assurer leur mission de service public dans des conditions acceptables. Dans un contexte financier contraint et pour éviter toute explosion des coûts hospitaliers, cela passe notamment par une meilleure gestion du temps de travail. Celle-ci peut être mise en œuvre au bénéfice tant des établissements que des personnels, car je pense qu’il y a moins de stress au travail quand le temps pour accomplir les missions correspond vraiment à l’ampleur des tâches à assumer. Il faut faire confiance aux acteurs de terrain et à leur sens des responsabilités pour agir au mieux dans l’intérêt collectif, mais je note que la FHF dénonce le peu de soutien dont bénéficient les directeurs dans leurs négociations avec les personnels.

Enfin, il faut permettre à notre système d’assurance maladie obligatoire de continuer à prendre en charge et à soutenir l’innovation. L’exemple du Sovaldi ne nous donne qu’un avant-goût des difficultés que nous allons rencontrer avec le retour – dont il faut par ailleurs se réjouir – de l’innovation dans le champ du médicament.

Le Gouvernement, devant une situation dont il n’avait pas encore mesuré l’ampleur au moment du vote de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale, nous propose –donc quelque peu en urgence – un dispositif visant spécifiquement à contenir les dépenses liées au traitement de l’hépatite C. Il nous semble que ce dispositif doit au moins être clarifié et réduit dans le temps. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 contient également une réforme du mécanisme général de régulation des dépenses de médicament.

La commission des affaires sociales vous soumet trois amendements visant à renforcer l’évaluation des médicaments soumis à remboursement. Le premier tend à mettre en place au 1er janvier 2016 une réforme, élaborée depuis plusieurs années par la Haute Autorité de santé, pour remplacer les critères actuels de service médical rendu et d’amélioration du service médical rendu, dont les périmètres sont mal définis, par un critère unique permettant de mesurer l’intérêt thérapeutique relatif, ou ITR, d’un médicament. Cette évolution nous paraît plus que jamais nécessaire, alors que le classement des médicaments selon leur degré d’amélioration du service médical rendu va être bouleversé par l’arrivée de nouvelles molécules apportant une innovation importante. Si nous ne nous dotons pas d’un instrument efficace pour comparer les produits de santé entre eux, le principe même de l’évaluation en vue du remboursement perdra tout son sens.

Toute évolution réglementaire d’ampleur doit s’accompagner d’un dialogue avec les entreprises du secteur. Nous prévoyons donc l’application de l’ITR dans un an et par décret, pour que le dialogue s’engage avec un objectif clair : permettre d’adapter l’évaluation des produits de santé aux enjeux de demain.

De même, la commission des affaires sociales considère que l’évaluation médico-économique doit être prise en compte au moment où se pose la question du remboursement. Je tiens à souligner qu’une évaluation médico-économique cherche à établir l’adéquation entre le coût d’un produit et son objectif en matière de santé publique. Il ne s’agit pas d’une évaluation médico-budgétaire qui soumettrait l’objectif de santé aux contraintes des finances publiques. C’est donc bien par une nouvelle perspective sanitaire que nous souhaitons compléter l’évaluation, ce qui paraît particulièrement important eu égard au coût des nouveaux traitements : 14 000 euros par mois et par patient pour le Sovaldi.

Enfin, nous estimons que, lorsqu’une firme prétend obtenir un prix élevé pour un produit présenté comme innovant, elle doit soumettre des évaluations qui garantissent le plus haut niveau de preuve scientifique. Comme le montre la revue Prescrire, de nombreuses affirmations sur les qualités du Sovaldi sont insuffisamment évaluées. Cela n’est pas acceptable, alors que la France a défini l’indication la plus large d’Europe pour la prise en charge de ce médicament. L’obligation pour la firme de fournir des études comparatives, lorsque le comparateur existe, est inscrite dans la loi sur la sécurité du médicament, mais soumise à un décret qui n’est jamais paru : nous la rendons donc d’application directe.

S’agissant du contenu du projet de loi de financement de la sécurité sociale, la commission des affaires sociales a approuvé les mesures concernant les hôpitaux qui rejoignent les préconisations du rapport présenté par nos collègues Jacky Le Menn et Alain Milon au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale sur la tarification à l’activité. Elles concernent le statut des hôpitaux de proximité, la prise en charge des actes innovants, les contrats d’amélioration des pratiques, ainsi que le contrôle de la pertinence des soins. Sur ce dernier point, la commission propose de compléter le dispositif, dont le champ se limite aux hôpitaux, afin de l’étendre aux soins de ville et aux relations ville-hôpital.

Pour renforcer l’accès aux soins, le Gouvernement propose de simplifier le régime du paiement des soins aux détenus, ce qui constitue une mesure de bonne gestion. Il renforce les mécanismes incitatifs pour l’installation des praticiens en zones sous-denses, persévérant ainsi dans l’empilement de mesures ponctuelles. Il aligne le régime de prise en charge par l’assurance maladie des vaccins effectués dans les centres de vaccination sur celui des vaccins réalisés en ville ou dans le cadre de la protection maternelle et infantile. La commission présentera un amendement visant à faire baisser le coût d’achat des vaccins par les structures publiques de vaccination.

Le PLFSS étend le mécanisme du tiers payant, qui existe déjà pour les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C, aux bénéficiaires de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, l’ACS. L’Assemblée nationale a également décidé que, comme ceux de la CMU-C, les bénéficiaires de l’ACS seraient dispensés de franchise et de participation forfaitaire.

La commission des affaires sociales du Sénat, comme la quasi-totalité des syndicats de médecins et des organismes complémentaires, est favorable à l’extension du tiers payant aux titulaires de l’ACS, car il s’agit d’une mesure qui favorise l’accès aux soins des publics fragiles.

La dispense de franchise et la participation forfaitaire nous paraissent en revanche soulever davantage de questions, madame la ministre. Tout d’abord, nous nous interrogeons sur la responsabilisation réellement induite par le paiement de ces sommes minimes, qui ne sont versées que pour 39 % des actes auxquelles elles pourraient s’appliquer, les 61 % restants en étant exonérés. Ensuite, nous doutons de la possibilité pratique de récupérer ces montants dans le cadre du tiers payant. C’est pourquoi la commission présentera un amendement tendant à supprimer la participation forfaitaire des bénéficiaires de l’ACS pour les actes médicaux, tout en maintenant le principe du paiement des franchises.

D’autres dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 correspondent à des mesures de rationalisation. L’une d’elles est attendue depuis longtemps par les associations de lutte contre le VIH.

Mme Annie David. Cinq minutes de dépassement !

Mme la présidente. Je vous invite à conclure, mon cher collègue !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il s’agit de l’article 33, qui tend à fusionner, à compter du 1er janvier 2016, les consultations de dépistage anonyme et gratuit du VIH et des hépatites et les centres d’information, de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles. La commission approuve cet article.

Parmi les autres mesures, je m’attarderai uniquement sur l’article 43 ter, qui vise à permettre la substitution par les génériques des médicaments nécessitant un inhalateur. Il vient contredire la position prise par le Gouvernement lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, et nous souhaitons, madame la ministre, que vous nous indiquiez en quoi la situation a évolué. Dans l’attente de cette discussion, nous avons déposé un amendement de suppression de cet article.

Madame la ministre, mes chers collègues, je vous ai fait part des réserves que m’inspire ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui reste, sur beaucoup de points, en deçà des mesures qu’exigerait la gravité de la situation financière de l’assurance maladie obligatoire. La commission des affaires sociales estime qu’il est possible d’aller plus loin : les mesures qu’elle vous propose marquent clairement la nécessité d’un changement d’orientation et aboutissent à une économie de 1 milliard d’euros sur l’ONDAM.

Ce montant serait obtenu grâce à une plus grande implication des pouvoirs publics pour garantir la pertinence des actes tant à l’hôpital qu’en ville, à des mesures en faveur de la prescription de génériques – la prescription en dénomination commune internationale, obligatoire au 1er janvier prochain, doit être rendue effective –, à un renforcement des conditions d’évaluation des médicaments dont les firmes demandent le remboursement et de la lutte contre les fraudes, à la réforme de la tarification des urgences hospitalières, à la mise en place d’un jour de carence pour les personnels hospitaliers, à la renégociation des accords relatifs au temps de travail au sein des établissements.

La commission des affaires sociales demande au Sénat d’adopter les amendements qu’elle propose, dans un esprit de responsabilité, et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, ainsi modifié. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)

Mme la présidente. Mon cher collègue, je vous ai laissé dépasser votre temps de parole puisque vous intervenez à un double titre : en tant que rapporteur général de la commission des affaires sociales et en tant que rapporteur pour l’assurance maladie. Il n’en ira pas de même pour les autres intervenants !

La parole est à M. René-Paul Savary, rapporteur.

M. René-Paul Savary, rapporteur de la commission des affaires sociales pour le secteur médico-social. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais rattraper le temps perdu ! (Exclamations amusées.)

Mme Nicole Bricq. Pas perdu !

Mme Catherine Génisson. Vous êtes presque désagréable !

M. René-Paul Savary, rapporteur pour le secteur médico-social. Perdu au sens temporel et non pas intellectuel, monsieur le rapporteur général, que les choses soient claires ! (Sourires.)

Madame la ministre, vous avez tenu des propos offensifs ; pour notre part, nous allons être constructifs !

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale fixe l’ONDAM médico-social à 17,9 milliards d’euros pour l’année prochaine, en progression de 2,2 % par rapport à 2014. L’objectif global de dépenses, l’OGD, devrait quant à lui s’établir à 19,2 milliards d’euros, soit une hausse de 2,5 %.

Pour construire l’OGD, le Gouvernement prévoit de compléter l’enveloppe qu’aura votée le Parlement par une fraction égale à 1,2 milliard d’euros du produit de la contribution de solidarité pour l’autonomie, la CSA, ainsi que par un prélèvement de 110 millions d’euros sur les réserves de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA.

Longtemps, l’ONDAM médico-social a été privilégié. Sa progression, plus soutenue que celle des autres enveloppes composant l’ONDAM, était le reflet des efforts substantiels réalisés en termes de création de places et de renforcement de l’encadrement en soins dans les structures médico-sociales. Après un exercice budgétaire au cours duquel le secteur médico-social aura très fortement contribué à la maîtrise de l’ONDAM, l’année 2015 marque un quasi-réalignement de la progression de l’ONDAM médico-social sur celle des autres dépenses d’assurance maladie.

La commission des affaires sociales a estimé, madame la ministre, qu’il s’agissait là d’un choix responsable au regard de l’exigence de redressement de nos finances sociales.

M. René-Paul Savary, rapporteur pour le secteur médico-social. Bien que ralentie, l’augmentation de l’OGD permettra malgré tout d’allouer 476 millions d’euros de crédits supplémentaires au secteur médico-social afin de permettre, outre le renforcement des moyens existants, l’achèvement du processus de médicalisation des EHPAD, la poursuite de l’ouverture du tarif global dans ces établissements et celle des plans de création ou de rénovation de places.

Je tiens cependant à faire part de mes inquiétudes quant à la méthode de construction de l’OGD. En 2015, comme en 2014, celui-ci sera alimenté par une partie des réserves de la CNSA. Or ces réserves sont en diminution constante depuis plusieurs années. Il est dès lors plus que probable que, à un horizon relativement proche, ce mécanisme d’abondement de l’OGD doive être abandonné.

En outre, la répartition du produit de la CSA au sein du budget de la CNSA, qui obéit à des règles bien complexes, avouons-le, ne doit pas conduire à désavantager certains acteurs au profit d’autres. C’est pour cette raison que la commission des affaires sociales a adopté, sur ma proposition, un amendement tendant à rétablir davantage d’équité dans l’utilisation de cette ressource : une moitié ira à la prise en charge des soins, via l’OGD, l’autre moitié à la compensation des dépenses engagées par les départements au titre de l’allocation personnalisée pour l’autonomie, l’APA, et de la prestation de compensation du handicap, la PCH. Il s’agit là d’un équilibre raisonnable, qui devrait contribuer à limiter la baisse continue du taux de couverture par la CNSA des dépenses au titre de la prestation de compensation du handicap. Pour mémoire, celui-ci, qui était supérieur à 45 % en 2010, n’est plus que de 34,5 % en 2014, ce qui devient insupportable pour les conseils généraux !

J’ai par ailleurs proposé à la commission des affaires sociales un autre amendement visant à supprimer les dispositions de l’article 53, qui tendaient à asseoir la contribution de la CNSA au financement de trois agences –l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux, l’ANESM, l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux, l’ANAP, et l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation, l’ATIH – sur le seul produit de la CSA, et non sur l’OGD dans son ensemble, comme le prévoyait initialement la loi.

L’année prochaine, l’ensemble du produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, sera – enfin ! – affecté au budget de la CNSA. Le Gouvernement s’y est engagé : cette ressource dynamique, dont le produit devrait s’élever à 680 millions d’euros l’année prochaine, sera entièrement consacrée au financement de la mise en œuvre de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement, une fois que celle-ci aura été définitivement votée. Si le Sénat peut se satisfaire de cette nouvelle, il n’en reste pas moins attentif à la date d’inscription de l’examen de ce texte à son ordre du jour.

Nous avons également accueilli avec attention une autre annonce du Gouvernement, celle du financement d’un plan d’aide à l’investissement dans le secteur médico-social avec la part du produit de la CASA qui ne sera pas utilisée l’année prochaine pour le financement de la mise en œuvre de la loi. Ce plan a vocation à s’étendre sur la période allant de 2015 à 2017. L’effort est bienvenu, car les besoins sont criants et nombre de structures sont vieillissantes, notamment en ce qui concerne les hébergements pour personnes âgées.

Sur mon initiative, la commission des affaires sociales a adopté un amendement visant à inscrire dans la loi cet engagement. Dans l’hypothèse où le projet de loi serait adopté à la fin du premier semestre de 2015, ce sont un peu plus de 100 millions d’euros par an qui pourraient être consacrés, sur trois années, au soutien à cet investissement nécessaire à nos personnes âgées ou handicapées, ainsi qu’à la relance d’une croissance qui nous fait cruellement défaut.

L’Assemblée nationale avait inséré deux articles additionnels tendant à demander au Gouvernement de remettre au Parlement deux rapports, portant l’un sur la fiscalité des EHPAD, l’autre sur les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, les CPOM. Nous savons tous quelle est la portée réelle de telles demandes de rapports, qui risquent fort de n’être qu’un moyen de retarder la prise de décision dans un secteur où celle-ci est déjà trop souvent longue et difficile. En conséquence, la commission des affaires sociales a fait le choix de proposer la suppression de ces deux articles.

Beaucoup des enjeux qui touchent au secteur médico-social sont largement connus et documentés. Il faut désormais donner la priorité à l’action, en ayant un objectif en tête : la simplification !

S’agissant des moyens alloués aux structures médico-sociales, il est essentiel, madame la ministre, de clarifier le partage des responsabilités entre financeurs, puis, à terme, d’envisager les transferts de charges nécessaires. Je pense en particulier aux foyers d’accueil médicalisé, les FAM, et aux maisons d’accueil spécialisées, les MAS, qui prennent en charge des publics aux caractéristiques souvent proches, mais font l’objet de financements bien distincts. Je pense également, pour les EHPAD, au partage des financements entre conseils généraux et assurance maladie pour la rémunération des aides-soignants et des aides médico-psychologiques.

Pour ce qui est des EHPAD, le Gouvernement s’était engagé à mettre en place à l’automne un groupe de travail chargé de réfléchir à une allocation plus simple et plus objective des moyens. Je souhaite que les débats qui vont s’engager sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale puissent être l’occasion de faire le point sur les contours, les objectifs et le calendrier de ces travaux. Nous attendons des éclaircissements de votre part sur ce point, madame la ministre.

Nous le savons bien, toute réforme ambitieuse de la tarification crée des gagnants et des perdants. Elle est donc difficile à mener dans des périodes où les enveloppes de financement progressent peu, pour ne pas dire trop peu ! Des solutions raisonnables, acceptables pour les gestionnaires et lisibles pour les usagers, peuvent, malgré tout, être trouvées.

Cela suppose en premier lieu que les études de coûts qui ont été engagées dans le secteur deviennent de véritables outils d’aide à la décision et qu’un effort renouvelé soit mené pour assurer la pluriannualité des financements. Cela nécessite également que soit trouvée une solution à la persistance de financements en « silos » qui, trop souvent, bloquent toute perspective de coopération entre structures médico-sociales, ainsi qu’entre ces dernières et le secteur sanitaire.

Or la coordination entre les intervenants, voire leur intégration, est essentielle pour éviter les ruptures de prise en charge et permettre la construction de parcours dans lesquels les personnes en situation de handicap ou de perte d’autonomie puissent se sentir efficacement accompagnées. Au-delà des financements, c’est également la question de l’interopérabilité des systèmes d’information qui doit être traitée, afin d’assurer un partage fluide de l’information entre les professionnels.

À toutes ces questions, les expérimentations relatives aux parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d’autonomie, les PAERPA, lancées par le Gouvernement au début de l’année 2013, ont pour objet de répondre. Leur mise en œuvre a nécessité des travaux préparatoires longs et la mise en place de structures de pilotage dont la lourdeur inquiète les acteurs de terrain. Espérons malgré tout qu’elles permettront de tracer les voies vers un travail plus intégré des professionnels chargés d’accompagner ces publics. C’est en tout cas le message qu’ils m’ont transmis à travers les différentes auditions que j’ai pu réaliser dans le cadre de la préparation de ce rapport.

Le devoir de simplification et de clarification s’applique également à la gouvernance du secteur médico-social. Les Français doivent pouvoir être en mesure d’identifier plus clairement qui sont les autorités responsables en matière d’accompagnement du handicap et de perte d’autonomie.

Sur ces questions, les conseils généraux ont su de longue date affirmer leur expertise et leur savoir-faire. Mais ils vont disparaître…

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. On verra ! Ce n’est pas sûr !

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Nous allons nous battre !

M. René-Paul Savary, rapporteur pour le secteur médico-social. Ils constituent aujourd’hui les maillons indispensables à la construction de parcours de vie adaptés aux besoins des personnes les plus fragiles. Les nouveaux conseils départementaux devront, pour exercer pleinement leurs missions, être pleinement soutenus et confiants dans leur avenir. Aussi, je forme le vœu que l’examen du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République et du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement soit l’occasion d’affirmer la place qui doit être la leur pour répondre aux besoins des personnes en difficulté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Caroline Cayeux, rapporteur.

Mme Caroline Cayeux, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la politique familiale est l’un des atouts de notre pays. Elle a permis à la France de connaître depuis 1945 l’une des démographies les plus dynamiques d’Europe et un taux d’activité des femmes supérieur à la moyenne des pays de l’Union européenne et de l’OCDE. Elle mérite donc mieux que la gestion empirique et comptable qui est celle du Gouvernement depuis 2012.

Depuis 2008, la branche famille connaît, il est vrai, un déficit récurrent. La crise économique que notre pays traverse explique en partie cette situation. Les prestations prises en charge par la branche famille au nom de la solidarité entre les caisses de sécurité sociale jouent également un rôle.

Toutefois, l’incapacité du Gouvernement à ramener la branche sur une trajectoire d’équilibre est préoccupante.

Alors que le solde semblait sur la voie d’un lent retour à l’équilibre à partir de 2011, l’année 2013 a marqué une nouvelle dégradation spectaculaire, le déficit atteignant le niveau sans précédent de 3,3 milliards d’euros. En 2014, le solde devrait encore être négatif, à hauteur de 2,9 milliards d’euros, soit 600 000 euros de plus que l’objectif adopté en loi de financement.

Alors, afin de ramener le déficit à 2,3 milliards d’euros en 2015 sans augmenter les prélèvements obligatoires, le Gouvernement a prévu des économies en dépenses qu’il a chiffrées à 700 millions d’euros, bien que le total des mesures finalement annoncées ne représente que 530 millions d’euros.

Le projet de loi qui nous est présenté s’appuie en outre sur un scénario macroéconomique que le Haut Conseil des finances publiques, dont le sens de l’euphémisme commence à être bien connu de notre commission, a qualifié d’« optimiste ». Selon les hypothèses retenues, les dépenses, contenues par la faiblesse de l’inflation, seraient supérieures aux recettes, dont la progression serait limitée en raison de l’atonie de la croissance et de la persistance du chômage.

Sur ce dernier point, l’échec du Gouvernement – pour reprendre les mots mêmes du ministre du travail – est patent, et l’on ne peut que douter du caractère réaliste de l’objectif retenu.

C’est la politique économique du Gouvernement qui tue l’emploi, et ce sera aux familles d’en faire les frais ! Ces nouvelles économies qui leur sont imposées sont douloureuses et injustes au regard des sacrifices qu’elles ont déjà consentis.

On ne peut que déplorer que la famille soit, une nouvelle fois cette année, considérée comme une variable d’ajustement du budget de la sécurité sociale.

En effet, depuis trois ans, les efforts financiers demandés aux familles ont été considérables.

La revalorisation de l’allocation de rentrée scolaire, décidée dans une certaine précipitation à l’été de 2012, ayant coûté 400 millions d’euros à la branche et contribué à l’explosion du déficit en 2013, le Gouvernement a mis en œuvre en 2014 plusieurs coups de rabot et mesures de gel. Ils viennent s’ajouter aux deux abaissements successifs du plafond du quotient familial, qui ont abouti à une ponction sur les familles contribuables de 500 millions d’euros en 2013, puis de 1,2 milliard d’euros en 2014.

Ces efforts demandés aux familles participent à l’étranglement fiscal des classes moyennes provoqué par la politique menée depuis 2012.

Mme Michelle Meunier. Il ne faut pas exagérer !

Mme Caroline Cayeux, rapporteur pour la famille. Le projet de loi soumis à notre commission a connu, vous le savez, une préparation difficile. Je voudrais m’attarder, mes chers collègues, sur deux des trois mesures finalement retenues, l’une de nature législative, l’autre de nature réglementaire, qui nous paraissent particulièrement préoccupantes.

L’universalité est une pierre angulaire de notre système de politique familiale, et ce depuis son origine, en 1945.

Alors que la fiscalité remplit un rôle de redistribution verticale, des ménages aisés vers les ménages modestes, et que de nombreuses prestations spécifiques visent à aider les familles qui se trouvent en situation de précarité financière, les allocations familiales jouent un rôle de redistribution horizontale, en faveur des familles qui ont charge d’enfants.

Partant du principe qu’un enfant né dans une famille « aisée » ne mérite pas moins de la part de la solidarité nationale qu’un enfant né dans une famille « modeste », les concepteurs de notre politique familiale ont souhaité que les allocations familiales soient versées sans condition de ressources.

Cette idée semblait d’ailleurs faire consensus jusqu’à une date récente. Le Président de la République tenait en effet à ce sujet les propos suivants, en mars 2012, devant l’Union nationale des associations familiales, l’UNAF : « Je reste très attaché à l’universalité des allocations familiales, qui sont aussi un moyen d’élargir la reconnaissance nationale à toute la diversité des formes familiales. Elles ne seront donc pas soumises à conditions de ressources. »

Toutefois, le 9 octobre dernier, c’est-à-dire le lendemain du dépôt du présent projet de loi à l’Assemblée nationale, ce principe fondamental n’était plus, et pouvait, selon les mots du Président de la République, devenir utile : il devenait « une technique pour faire des économies ». Les familles, mes chers collègues, sont donc réduites à « une technique pour faire des économies » : ces mots font froid dans le dos ! (M. Yves Daudigny proteste.)

L’article 61 A du projet de loi que nous avons à examiner prévoit en effet la réduction drastique des allocations familiales pour les familles dites « aisées », qui sont en réalité celles des classes moyennes. Cela a été dit, une famille de deux enfants dont le revenu mensuel est supérieur à 8 000 euros ne touchera plus que 33 euros d’allocations mensuelles. À ce niveau, l’universalité n’existe plus.

Ne nous laissons pas abuser par la belle ambition de justice sociale avancée par le Gouvernement : c’est bien un froid calcul budgétaire qui conduit à remettre en cause le principe généreux et humaniste de l’universalité.

Si la remise en cause de ce principe fondamental est dangereuse au fond, la méthode choisie par le Gouvernement est, de plus, particulièrement contestable et témoigne d’un manque de considération à l’égard des familles.

La modulation des allocations familiales ne figurait pas dans le texte initial du Gouvernement. Elle n’a donc fait l’objet d’aucune discussion, que ce soit lors de votre audition, madame la ministre, ou de celle de Mme Rossignol par la commission des affaires sociales. Elle n’a pas fait l’objet des consultations destinées à garantir la sécurité juridique du dispositif, et les acteurs concernés – associations familiales, CNAF – ont été mis devant le fait accompli, sans concertation préalable.

Il résulte de cette méthode une impréparation dommageable pour les familles. Quelles seront en effet les modalités des échanges d’informations entre les CAF et les services fiscaux ? Comment les changements de situation seront-ils pris en compte ? Une distinction sera-t-elle prévue entre les familles biactives et celles où seul un des parents travaille ? Enfin, l’alourdissement de la charge de travail des CAF, alors que la nécessité d’un effort de simplification a été inscrite dans la convention d’objectifs et de gestion signée en juillet 2013, n’a pas été anticipé, pas plus que la mobilisation des moyens humains supplémentaires qui seront nécessaires.

Les allocations de 450 000 familles seront divisées par deux, celles de 150 000 autres le seront par quatre. Au total, 600 000 familles sont donc stigmatisées et trahies par le Gouvernement ! Là où celui-ci évoque des analyses macroéconomiques, des statistiques ou des économies d’échelle, je vous parle pour ma part de familles et d’enfants.

Pour certaines de ces familles, la perte de revenu peut sembler marginale, mais c’est justement à la marge que se prennent les décisions d’investissement ou d’endettement. La réduction proposée des allocations familiales obligera de nombreuses familles à renoncer à leurs projets, notamment d’achat de logement. Quel bien mauvais signal envoyé à des milliers d’entre elles !

En réduisant considérablement, aujourd’hui, les allocations des ménages dits « aisés », avant – on peut le craindre ! – de les supprimer demain, le Gouvernement ouvre la porte à une remise en cause de l’universalité dans d’autres domaines. En effet, une fois cette brèche ouverte, le même raisonnement ne risque-t-il pas d’être appliqué à l’assurance maladie, voire à l’enseignement public ?

M. Yves Daudigny. C’est vous qui le dites !

Mme Caroline Cayeux, rapporteur pour la famille. La remise en cause de l’universalité des allocations familiales, qui fait sans contestation possible partie des principes fondateurs de notre modèle social et qu’il devrait incomber à l’État de défendre, fait donc peser une menace réelle sur la pérennité de notre modèle de sécurité sociale fondé sur la solidarité.

Il est dans notre République des principes forts et des acquis sociaux dont la valeur n’a pas de prix, des valeurs qui ont été à l’origine du progrès social et qui doivent impérativement être préservées et protégées par l’État. L’universalité fait incontestablement partie de celles-ci.

Je présenterai donc un amendement visant à supprimer l’article 61 A. Par cohérence, l’article 62 fixant l’objectif de dépenses de la branche pour 2015 devra également être amendé.

La nouvelle réforme du congé parental est elle aussi inquiétante. Présentée dans le cadre de la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, elle vise à inciter les pères à prendre une part du congé parental, afin de réduire l’éloignement des femmes du marché du travail.

Toutefois, en prévoyant finalement de porter la durée réservée au second parent à douze mois, au lieu de six, le Gouvernement détourne ce texte de son objectif, pour en faire une nouvelle mesure d’économie, en pariant sur le fait que les pères ne prendront pas le congé qui leur est réservé.

Nous partageons tous, chers collègues, la volonté de voir s’améliorer la situation des femmes sur le marché du travail. Cependant, imposer aux familles un partage du congé parental, alors que l’égalité salariale au sein du couple est encore rare, revient à nier les contraintes économiques réelles qui conduisent, dans plus de 95 % des cas, à ce que le congé parental soit pris uniquement par la mère. La liberté de choix des familles en matière d’éducation est un principe qui doit rester intangible.

Concrètement, la grande majorité des familles qui ne pourront se permettre de sacrifier le salaire le plus élevé du couple pendant un an perdront une année de congé parental. C’est d’ailleurs là l’objectif à peine déguisé du Gouvernement, la logique comptable primant sur l’intérêt des familles et de leurs enfants.

La mesure proposée pose en outre la question de l’accueil du jeune enfant et du rôle des communes, qui seront ici mises à contribution. Les solutions individuelles ou collectives sont en effet plus coûteuses, à la fois pour les familles et pour les finances publiques.

Cette réforme pénalisera donc lourdement les ménages et pèsera sur les budgets locaux, même si vous annoncez, madame la ministre, un plan ambitieux pour la garde des enfants. C’est pourquoi nous avons, avec Fabienne Keller et mes collègues, déposé un amendement visant à ce que le Gouvernement fournisse une réelle étude de l’impact économique, social et financier de cette mesure.

Mes chers collègues, vous le constatez, le volet relatif à la famille du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 témoigne très nettement d’une absence de vision globale, et sacrifie une fois de plus les familles sur l’autel du redressement des comptes.

Pour conclure, permettez-moi de soumettre à votre réflexion – une fois n’est pas coutume ! – une déclaration de Mme Martine Aubry : « Il faut arrêter d’entrer dans tous les dossiers par l’argent, même si c’est important. Pourquoi est-ce qu’on ne présente pas une grande politique familiale du XXIe siècle, plutôt que de parler tout de suite des milliards qu’on va pouvoir récupérer ? »

Elle a raison ! La vraie question qui se pose est de savoir quelle politique familiale nous voulons pour notre pays.

Au lieu de relever d’une grande cause nationale, les familles sont réduites dans ce projet de loi au rôle de variable d’ajustement comptable. Sommes-nous prêts, mes chers collègues, à sacrifier les principes fondamentaux de notre politique familiale ? En avons-nous le droit ? Prenons-nous la responsabilité de voter un texte qui va contre l’intérêt des familles, pour atteindre des objectifs strictement budgétaires ?

Les familles sont la vitalité de la France, ne l’oublions pas trop vite, ni trop facilement ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Roche, rapporteur.

M. Gérard Roche, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse. Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette année, la situation de la branche vieillesse de la sécurité sociale et, plus largement, celle de notre système de retraites ne sont pas au cœur de l’actualité. Pourtant, je suis persuadé que la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites a apporté une réponse très insuffisante au lancinant problème de la soutenabilité financière de notre modèle de retraite par répartition.

Comme vous le savez, mes chers collègues, les pensions de retraite sont la première dépense sociale de notre pays. À elles seules, les dépenses de la branche vieillesse des régimes obligatoires de base représentent 224 milliards d’euros, soit 11 % de la richesse nationale.

Confronté à la baisse du ratio actifs cotisants/retraités, provoquée par le départ à la retraite des générations du baby-boom et, dans une moindre mesure, par l’allongement de l’espérance de vie, notre système de retraites a fait l’objet d’une première réforme en 1993, puis d’une deuxième dix ans plus tard, en 2003. Malgré ces deux réformes, la branche vieillesse de la sécurité sociale est devenue déficitaire depuis 2005.

La crise économique qui a frappé notre pays à partir de 2008 a entraîné un creusement sans précédent de ce déficit, puisque celui-ci a atteint, Fonds de solidarité vieillesse compris, 15 milliards d’euros en 2010. Pour faire face à cette situation exceptionnelle, le Parlement a adopté la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, qui a relevé l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans, et l’âge du bénéfice du taux plein sans décote de 65 à 67 ans.

Sous l’effet de ces mesures, mais aussi de l’affectation année après année de recettes nouvelles, dont le total atteindra 30 milliards d’euros en 2018, le déficit s’est réduit, passant à 11,3 milliards en 2011, à 10,2 milliards en 2012 et à 6,5 milliards en 2013.

Alors qu’elle s’était vivement opposée à la réforme de 2010, la nouvelle majorité parvenue au pouvoir en 2012 a rapidement compris que non seulement la loi qu’elle avait tant critiquée était absolument indispensable, mais qu’elle était même insuffisante pour permettre un retour à l’équilibre du système de retraites à l’horizon 2020, compte tenu de la situation économique de notre pays. C’est ainsi que le Parlement a adopté la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, qui fera notamment passer de 167, en 2020, à 173, en 2035, le nombre de trimestres nécessaires pour bénéficier d’une pension de retraite à taux plein.

Cette loi a eu un impact financier sur les comptes de la branche vieillesse dès 2014, notamment par le biais des hausses de cotisations et du décalage de six mois de la revalorisation des pensions qu’elle prévoyait. Le déficit de la branche vieillesse serait ainsi ramené à 5,4 milliards d’euros en 2014, FSV compris. Néanmoins, sa réduction marquerait le pas en 2015, puisqu’il atteindrait 4,2 milliards d’euros, soit 1,2 milliard d’euros de moins seulement que cette année.

Plus préoccupant, le retour à l’équilibre de la branche vieillesse semble désormais repoussé sine die.

Certes, le Gouvernement prévoit que le régime général sera en léger excédent en 2017 et que l’ensemble des régimes de base seront à l’équilibre à cette date. Mais ces prévisions se fondent sur des hypothèses macroéconomiques que le Haut Conseil des finances publiques qualifie d’« optimistes ». Plus grave encore à mes yeux, le Gouvernement semble avoir totalement renoncé à juguler le déficit du FSV, qu’il évalue à 2,4 milliards d’euros en 2017, soit un niveau à peine inférieur à celui qui est annoncé pour 2015 !

En déficit structurel depuis 2009, le FSV, qui vient alimenter année après année la dette portée par la CADES, apparaît en réalité comme un outil commode, permettant aux pouvoirs publics de présenter des comptes sous-estimant artificiellement la gravité de la situation.

À plus long terme, la soutenabilité financière de notre système de retraites par répartition, qui dépend étroitement de la croissance économique, apparaît encore moins garantie, compte tenu de la gravité de la crise que traverse notre pays et dont les effets sur la croissance potentielle sont difficiles à évaluer.

Ainsi que je viens de vous l’expliquer, mes chers collègues, la loi adoptée l’an dernier n’a pas apporté une réponse suffisante au triple choc que constituent la faiblesse persistante de la croissance, le « papy-boom » et l’allongement de l’espérance de vie. Une nouvelle réforme des retraites est donc indispensable. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

À l’instar des autres membres du groupe UDI-UC, je suis favorable à l’instauration d’un régime de retraite universel par points ou en comptes notionnels, inspiré du modèle suédois. Le Sénat a d’ailleurs adopté l’an dernier, sur notre initiative, un amendement en ce sens.

Mme Nicole Bricq. Il ne fallait pas supprimer le compte de prévention de la pénibilité, alors !

M. Gérard Roche, rapporteur pour l’assurance vieillesse. Dans l’attente de cette réforme systémique, il n’existe que trois paramètres sur lesquels jouer pour rééquilibrer notre système actuel de retraites par répartition : les taux de cotisations vieillesse, le niveau des pensions et les bornes d’âge.

Relever encore les taux de cotisations vieillesse paraîtrait bien hasardeux, après les multiples hausses auxquelles a déjà eu recours le Gouvernement depuis deux ans et demi. Du reste, celui-ci semble avoir enfin compris qu’il était urgent de redonner de la compétitivité à nos entreprises et de favoriser l’emploi en abaissant le coût du travail.

Solliciter de nouveau les retraités, alors qu’ils sont nombreux à connaître des fins de mois difficiles, serait une erreur. Il faut au contraire s’attacher à préserver leur niveau de vie et leur pouvoir d’achat.

J’appelle donc de mes vœux de nouvelles mesures de relèvement des bornes d’âge, dont l’effet très favorable sur les finances de la branche vieillesse, surtout à moyen et à long termes, n’est plus à démontrer.

En vertu de la réforme des retraites de 2010, l’âge légal est actuellement repoussé chaque année de cinq mois jusqu’au 1er janvier 2017, date à laquelle il sera de 62 ans pour la génération née en 1955. Pourquoi ne pas envisager de poursuivre ce relèvement progressif au-delà de cette date, en prévoyant que l’âge légal passerait à 62 ans et 5 mois en 2018, puis à 62 ans et 10 mois en 2019, avec l’objectif de parvenir à 64 ans en 2024 ? Un amendement en ce sens, adopté par la commission des affaires sociales, vous sera présenté au cours de l’examen du présent projet de loi.

Naturellement, je suis bien conscient qu’une telle mesure réclamera des efforts importants de la part de nos compatriotes, mais plusieurs dispositifs permettent de tenir compte des situations particulières des salariés qui ont travaillé longtemps ou dans des conditions pénibles.

Je rappelle que le dispositif de départ anticipé pour carrière longue a été créé en 2003, puis assoupli en 2010, avant d’être considérablement élargi par le décret du 2 juillet 2012. Son accès a encore été facilité par la loi du 20 janvier 2014.

Par ailleurs, même si l’on peut formuler des réserves sur les conditions de sa mise en œuvre – j’y reviendrai –, le principe de la création d’un compte personnel de prévention de la pénibilité tend, entre autres possibilités, à permettre aux salariés qui ont été exposés pendant longtemps à des facteurs de pénibilité d’obtenir des trimestres supplémentaires afin de partir à la retraite avant l’âge légal.

C’est précisément parce que des différenciations entre catégories de salariés sont désormais possibles, selon qu’ils ont commencé à travailler jeunes ou non, selon qu’ils ont été exposés à des facteurs de pénibilité ou non, qu’un relèvement de l’âge légal de départ à la retraite, mesure que rend nécessaire la situation de notre système de retraites, pourra s’effectuer avec équité et que je me permets de le préconiser devant vous.

Je souhaiterais dire quelques mots sur le compte personnel de prévention de la pénibilité.

Mme Nicole Bricq. Il n’y en a plus !

M. Gérard Roche, rapporteur pour l’assurance vieillesse. En tant qu’ancien médecin, j’estime que ce dispositif, bien qu’imparfait, a le mérite de proposer une réponse plutôt séduisante, d’un point de vue intellectuel, au problème de la pénibilité du travail.

Cependant, comme chacun d’entre vous, j’ai pu constater sur le terrain la vive inquiétude des artisans et des patrons de TPE-PME, qui craignent que la complexité de ce nouveau système, qu’ils sont nombreux à percevoir comme une « usine à gaz », ne vienne alourdir un peu plus encore la gestion de leur personnel et ne soit source de contentieux. C’est cette inquiétude que certains de nos collègues ont voulu relayer en votant la semaine dernière, au cours de l’examen du projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises, la suppression du compte de prévention de la pénibilité.

La décision du Premier ministre de ne faire entrer en vigueur au 1er janvier 2015 que les quatre facteurs de pénibilité les plus simples à évaluer est sage,…

Mme Nicole Bricq. Ah, tout de même !

M. Gérard Roche, rapporteur pour l’assurance vieillesse. … car cela permettra à toutes les parties prenantes de s’approprier progressivement un dispositif dont la nouveauté peut légitimement effrayer.

La mission confiée à M. Michel de Virville, qui consistera à accompagner les branches professionnelles dans l’élaboration de référentiels permettant aux entreprises d’identifier le caractère pénible ou non des tâches effectuées par leurs salariés, devrait elle aussi être de nature à apaiser un certain nombre de tensions.

MM. Yves Daudigny et Claude Dilain. Très bien !

M. Gérard Roche, rapporteur pour l’assurance vieillesse. Le Président de la République a en outre annoncé jeudi dernier, lors d’un entretien télévisé, une future mission visant à « simplifier au maximum » – ce sont ses termes – l’application de ce dispositif et qui associera un parlementaire et un chef d’entreprise.

Toutefois, je tiens dire à que si, d’ici au 1er janvier 2016, date prévue pour l’entrée en vigueur des six autres facteurs de pénibilité, les inquiétudes des employeurs demeuraient toujours aussi vives, le Parlement devrait prendre en compte leurs revendications et remettre l’ouvrage sur le métier.

En conclusion, je voudrais redire avec solennité que j’ai pleinement conscience que le relèvement progressif de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans en 2024, s’il peut être envisagé par les sénateurs de notre majorité, est susceptible de choquer nos collègues de gauche. Néanmoins, dans la mesure où le départ anticipé pour carrière longue et le compte personnel de prévention de la pénibilité, sous réserve de simplifications significatives, permettront toujours un départ avant l’âge légal pour ceux qui auront travaillé très jeunes ou dans des conditions pénibles, je veux croire qu’un accord est possible. Le Sénat montrerait alors à tous qu’il peut être force de propositions courageuses, grâce à l’intelligence du consensus. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Dériot, rapporteur.

M. Gérard Dériot, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, après un déficit continu entre 2009 et 2012 dans un contexte de crise, la branche AT-MP – accidents du travail et maladies professionnelles – a renoué avec les excédents en 2013.

Compte tenu de son mode de financement assurantiel, cette évolution doit s’interpréter comme un retour à la normale. Toutefois, la situation reste fragile. Le solde serait ramené de 638 millions d'euros en 2013 à 216 millions d'euros cette année, puis à 195 millions d'euros l’année prochaine.

En outre, le retour à l’équilibre ne doit pas faire oublier l’existence d’une dette importante, qui s’élevait à 1,8 milliard d’euros à la fin de l’année 2013, sans qu’aucune stratégie de remboursement ait été définie. Peut-être aurez-vous l’occasion, madame la ministre, de nous éclairer sur les conditions dans lesquelles seront apurés ces déficits cumulés ? Elles restent pour l’heure particulièrement floues.

Nous devons bien sûr nous féliciter de la baisse tendancielle du nombre des sinistres. Cependant, comme je l’ai souligné en commission, il faut garder à l’esprit les évolutions contrastées que recouvre cette tendance générale.

Tout d’abord, le nombre d’accidents du travail s’établit à un niveau historiquement bas. Il est d’environ 904 000 pour le régime général en 2013, contre 943 000 en 2012. À l’inverse, les accidents de trajet connaissent une hausse significative, de l’ordre de 7 %, entre 2007 et 2013. Par rapport aux accidents de la route en général, l’existence probable d’une causalité au moins en partie spécifique aux accidents de trajet n’a toutefois pas fait l’objet d’analyses approfondies. Le nombre des maladies professionnelles a crû, quant à lui, de 3,6 % par an en moyenne entre 2007 et 2013. La fréquence des maladies ayant entraîné un arrêt de travail a doublé depuis 2001.

Au total, la situation du monde du travail au regard des risques professionnels reste préoccupante. La commission des affaires sociales considère que la plus grande vigilance est de mise sur la poursuite des efforts de prévention déjà engagés.

Nous devrons en particulier être attentifs à la mise en œuvre de la nouvelle convention d’objectifs et de gestion de la branche pour 2014 à 2017. Sa première orientation consiste à assurer une prévention des risques fondée sur le ciblage et l’évaluation. Les actions doivent notamment se concentrer sur trois risques prioritaires : les troubles musculo-squelettiques, les TMS, les risques de chute dans le secteur du BTP et l’exposition à certaines substances cancérogènes. À l’heure où la logique de simple réparation des dommages risque de faire de l’ombre à l’objectif de prévention, qui constitue pourtant la vocation historique de la branche, les perspectives ainsi définies constituent donc un motif de satisfaction.

En ce qui concerne les dépenses de la branche, mes chers collègues, je souhaite attirer votre attention sur deux points particuliers, relatifs aux charges de transfert, qui appellent davantage de réserves.

Il s’agit tout d’abord du versement à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des accidents du travail et maladies professionnelles. Madame la ministre, le Gouvernement a fixé le montant de ce versement à 1 milliard d’euros dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, soit une hausse de 26,6 % par rapport au montant retenu ces trois dernières années.

Aussi le montant de cette participation atteint-il aujourd’hui un niveau historiquement haut. Sa progression continuelle, entièrement supportée par la part mutualisée du financement de la branche AT-MP, ne peut conduire qu’à un certain scepticisme quant à la réalité des efforts engagés pour lutter contre la sous-déclaration et inciter à la prévention. Il nous paraît indispensable de les relancer et de les accentuer.

En particulier, comme l’a indiqué le président de la commission d’évaluation de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles, une réflexion d’ensemble sur la possibilité de reconstituer les parcours individuels des salariés est nécessaire, notamment pour les intérimaires, qui sont confrontés à toutes sortes de nuisances dont l’énumération a posteriori n’est pas aisée. Le montant de 1 milliard d'euros retenu par le Gouvernement, en hausse de 26,6 %, pour un plafond fixé par la commission d’évaluation de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles à 1,3 milliard d'euros, fait craindre que cette participation ne soit devenue une véritable variable d’ajustement pour l’équilibre de la branche maladie, ce qui serait tout de même difficile à accepter pour ceux qui financent cette branche, c'est-à-dire les employeurs et les entreprises.

Par ailleurs, le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA, fait face depuis 2013 à une croissance importante de ses dépenses, résultant d’une activité plus soutenue. À l’instar des représentants de l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante, l’ANDEVA, que nous avons entendus, nous devons bien sûr nous réjouir de cette évolution : les offres d’indemnisation du fonds sont aujourd’hui plus rapides et plus nombreuses.

Après l’effort important consenti par la branche AT-MP du régime général en faveur du FIVA en 2014, la dotation prévue pour 2015 s’élève à 380 millions d’euros, soit une baisse de 12,6 % par rapport à 2014. La direction de l’établissement a assuré que cette dotation lui paraissait suffisante pour couvrir ses dépenses prévisionnelles, d’autant que sa réserve prudentielle représente un peu plus de deux mois de dépenses.

Nous déplorons cependant – c’est malheureusement devenu une triste habitude – le net désengagement de l’État du financement du FIVA. Après deux années de participation nulle, le niveau de la dotation complémentaire de l’État, fixé à 10 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2015, reste selon nous bien trop faible.

Je rappelle que la mission commune d’information sénatoriale sur le bilan et les conséquences de la contamination par l’amiante, présidée par l’actuel rapporteur général de la commission des affaires sociales et dont Jean-Pierre Godefroy et moi-même étions les rapporteurs, avait jugé légitime de prévoir un engagement de l’État à hauteur d’un tiers du budget du FIVA, au regard tant de ses missions régaliennes que de son rôle en tant qu’employeur. J’ajoute que la dette du FIVA devrait atteindre 26 millions d’euros à la fin de l’année 2015.

Si la situation budgétaire du Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le FCAATA, n’appelle pas de remarques particulières, la question de l’ouverture d’une nouvelle voie d’accès individuelle à l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, l’ACAATA, reste posée. Pour l’heure, le rapport qui devait être remis au Parlement sur cette question en vertu de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 n’a toujours pas vu le jour. Madame la ministre, pourriez-vous nous indiquer ce qu’envisage le Gouvernement au vu des premiers éléments d’analyse dont il dispose ?

Pour finir, je rappelle que, au-delà des dispositions relatives aux dépenses, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 comporte deux articles importants qui concernent directement la branche AT-MP : les articles 16 et 59 introduisent des mesures de simplification et d’équité, en particulier pour les non-salariés agricoles. La commission des affaires sociales y est bien sûr favorable.

Toutefois, nous restons, vous l’aurez compris, très réservés sur les orientations budgétaires définies pour 2015, s’agissant en particulier des dépenses de transfert assumées par la branche AT-MP. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Francis Delattre, rapporteur pour avis de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans le domaine des dépenses sociales, 93 % des Français estiment qu’il est urgent que des réformes soient entreprises, selon une étude réalisée par l’IFOP pour le journal L’Opinion. Ils sont 65 % à juger qu’il est nécessaire de faire des économies budgétaires, quitte à moderniser, voire, à privatiser des services à utilité réduite.

Les Français sont prêts pour des réformes. Ce texte devrait donc être une bonne occasion d’en engager. Il est important de noter qu’il ne sera pas possible de faire des économies, sauf à repenser l’organisation de notre modèle social que, paraît-il, le monde entier nous envie – mais avec 5 millions de chômeurs, on peut en douter…

La maîtrise comptable n’est plus suffisante. Le constat est clair : aucune des branches n’est à l’équilibre, ce qui risque à terme d’avoir des répercussions sur la qualité des soins, bien sûr, mais également sur la natalité et sur les niveaux des retraites.

Vous affirmez que ce texte permet « d’assurer la pérennité du système en maîtrisant les dépenses », tout en « transformant notre système de santé ». En réalité, l’objectif est de mettre un peu plus sous tutelle le secteur libéral et de privilégier le pôle public pour arriver, à terme, à un système de santé totalement contrôlé et étatisé, ce qui entraînera un certain nombre d’effets pervers que nous connaissons bien.

De même, le Gouvernement prétendait redresser durablement l’assurance vieillesse en 2013. Aujourd’hui, votre loi est déjà dépassée, madame la ministre. Ce texte finalise en réalité vos renoncements, le plus important étant le renoncement à maîtriser le déficit de la sécurité sociale. Les objectifs prévus dans la loi de finances de la sécurité sociale pour 2014 ne sont déjà pas respectés. Qu’en sera-t-il en 2015 ?

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 s’inscrit dans la perspective définie par le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, examiné par le Sénat la semaine dernière. La programmation pluriannuelle fixe l’objectif du retour du déficit effectif en deçà de 3 % du produit intérieur brut, le PIB. Pour ce faire, le Gouvernement envisage de réaliser 21 milliards d’euros d’économies dans le champ des administrations de sécurité sociale entre 2015 et 2017, sur un effort total de 50 milliards d’euros.

L’importance de la contribution des administrations de sécurité sociale se justifie, d’une part, par le poids de leurs dépenses dans les dépenses publiques totales – 43 % – et, d’autre part, par le niveau incontestablement élevé des dépenses sociales en France. Celles-ci excèdent de 6,7 points de PIB la moyenne des dépenses sociales enregistrées dans la zone euro en 2013.

Les dépenses sociales représentent donc l’essentiel de la différence entre le niveau de la dépense publique en France et le niveau moyen constaté dans la zone euro.

Toutefois, le plan d’économies du Gouvernement sur les administrations de sécurité sociale nous semble, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, très fragile.

Tout d’abord, il est envisagé de réaliser 10 milliards d’euros d’économies, sur les 21 milliards d’euros prévus, dans le champ des dépenses d’assurance maladie, sans qu’aucune méthodologie ne soit réellement évoquée. Le projet de loi de programmation des finances publiques se borne à fixer le taux d’évolution de l’objectif national d’assurance maladie à 2 % en moyenne entre 2015 et 2017. Or, dans son avis d’octobre dernier, le Comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie a souligné que ces objectifs ne seraient pas tenables si des réformes de structure n’étaient pas engagées rapidement. Comme d’autres collègues, il me semble que nous ne parviendrons pas à réduire durablement l’accroissement tendanciel des dépenses de santé sans réformes structurelles sérieuses.

Ensuite, les 11 milliards d’euros d’économies restants seraient réalisées sur les autres dépenses de protection sociale : 2,9 milliards d’euros d’économies résulteraient de décisions déjà prises en 2013 en matière de retraites et de politique familiale, 2 milliards d’euros d’économies seraient réalisées sur les régimes de retraite complémentaires AGIRC-ARRCO, ou encore 2 milliards d’euros d’économies proviendraient de la réforme de l’assurance chômage. Or chacun connaît ici l’état des discussions en cours sur cette réforme. Monsieur le secrétaire d’État, nous n’avons pas entendu parler d’une nouvelle convention…

Le flou persistant entourant les 9,6 milliards d’euros d’économies prévues en 2015 est particulièrement frappant et altère la crédibilité du plan. Le 21 octobre dernier, devant l’Assemblée nationale, M. le secrétaire d’État a communiqué certaines précisions – les mêmes que celles qu’il vient de nous donner largement dans son propos liminaire. Les 9,6 milliards d’euros se répartiraient entre 4 milliards d’euros de mesures déjà engagées, mais sans effet véritablement quantifié à ce jour, et 5,6 milliards d’euros de mesures nouvelles.

De plus, les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale supporteraient la majorité des économies, soit environ 6,7 milliards d’euros, contre seulement 2,9 milliards d’euros pour les autres administrations de sécurité sociale, telles que l’assurance chômage et les régimes de retraite complémentaires. Le présent projet de loi de financement intégrerait, quant à lui, environ 4,6 milliards d’euros d’économies au titre de l’exercice 2015.

En y regardant de plus près, ce plan d’économies suscite quelques interrogations.

D’abord, les 600 millions d’euros d’économies censées provenir de la réforme de la politique familiale engagée fin 2013 ne correspondent pas aux prévisions transmises il y a un an et confirmées, monsieur le secrétaire d’État, en septembre 2014. Les mesures adoptées à la fin de l’année 2013 ne devraient en effet entraîner que 290 millions d’euros d’économies. Nous sommes donc loin des 600 millions d’euros annoncés, sauf à anticiper un prélèvement sur le Fonds national d’action sociale de la Caisse nationale d’allocations familiales.

Parmi les mesures déjà engagées, 450 millions d’euros d’économies dans le champ des autres administrations de sécurité sociale ne sont pas détaillées. M. le secrétaire d’État chargé du budget a seulement indiqué que ces économies devraient provenir de la « consolidation de la situation financière des régimes complémentaires » en 2014. Quels sont les régimes complémentaires concernés, monsieur le secrétaire d’État ? Quelles mesures ont-ils mises en œuvre ? Nous aimerions avoir quelques explications, car nous n’en avons reçu aucune jusqu’à présent.

Enfin, parmi les mesures nouvelles, un ensemble de 500 millions d’euros n’est pas non plus documenté. Il correspondrait en partie aux effets du décalage de l’adoption du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement et de mesures sur les aides au logement. Pour quels montants précis ? Là encore, des incertitudes demeurent et nous sommes dans le flou.

Au total, sur les 9,6 milliards d’euros prévus, au moins de 1,5 milliard à 2 milliards d’euros d’économies semblent très hypothétiques. Reposant en partie sur des effets d’arrondis et sur l’anticipation de la moindre consommation de certains fonds d’action sanitaire et sociale, le plan d’économies du Gouvernement sur la protection sociale est de toute évidence très fragile.

Après ces quelques éléments de réflexion, j’en viens, mes chers collègues, à l’avis de la commission des finances sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.

Le projet de loi repose sur des hypothèses macroéconomiques manifestement optimistes. Ainsi, le taux de croissance du PIB est-il évalué à 1 %, alors que la Commission européenne le situe à 0,7 % et d’autres organismes à 0,5 %. Même à 0,5 %, monsieur le secrétaire d’État, signez tout de suite ! Quant au taux de croissance de la masse salariale, il est estimé à 2 %. Faute d’inflation, c’est peu probable.

Ce texte marque l’abandon de l’objectif de retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale à l’horizon de 2017. Après la stagnation des déficits aux alentours de 15,4 milliards d’euros en 2014, le déficit de l’ensemble des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, ne devrait diminuer que de 1,1 milliard d’euros en 2015. Compte tenu du net ralentissement de la réduction des déficits, un déficit de l’ordre de 6 milliards d’euros devrait persister en 2017.

Ce projet de loi porte aussi les prémices de la généralisation du tiers payant, annoncée par la ministre des affaires sociales et de la santé, à l’horizon de 2017. La généralisation du tiers payant à l’ensemble des assurés comporte des difficultés techniques, mais aussi des risques financiers majeurs concernant le recouvrement de la participation de 1 euro par acte et des franchises. Elle pourrait en outre entraîner une multiplication du nombre d’actes.

Afin de marquer son désaccord avec l’objectif de généralisation du tiers payant fixé par le Gouvernement, la commission des finances a adopté un amendement visant à supprimer l’article 29 du présent projet de loi, qui marque en réalité la première étape de cette généralisation.

Le texte qui nous est transmis par l’Assemblée nationale est encore plus critiquable que le projet de loi initial. Il comporte en particulier deux mesures avec lesquelles la commission des finances est en désaccord. Nous vous ferons même une proposition concernant la première d’entre elles : la soumission aux cotisations sociales des dividendes versés par des sociétés anonymes, les SA, ou des sociétés par actions simplifiées, les SAS, à leurs dirigeants.

M. Jean Desessard. C’est une bonne mesure !

M. Francis Delattre, rapporteur pour avis de la commission des finances. Il n’est pas illégitime de vouloir prévenir certains comportements d’optimisation fiscale ou sociale, mais cette mesure a pris de court l’ensemble des acteurs économiques et leur envoie un mauvais signal. Nous souhaiterions que soit étudié un système prenant en compte, pour la part salariale, le plafond de la sécurité sociale, qui est de l’ordre de 37 000 euros. En dessous de ce montant, il s’agirait incontestablement de charges sociales. Au-dessus, il s’agirait de la part de la rémunération du risque, donc du capital. Les choses seraient claires. Nous serions prêts à vous suivre sur un dispositif de cette nature.

La seconde mesure est la modulation du montant des allocations familiales en fonction du revenu. Sur ce sujet, je poserai deux questions, la première à Mme la ministre des affaires sociales, la seconde à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

Nous avons tous en tête le slogan de campagne du candidat François Hollande : « le changement, c’est maintenant ». De même, nous n’avons pas oublié l’engagement n° 15 : « je ferai contribuer les plus fortunés des Français à l’effort national en créant une tranche supplémentaire de 45 % » et, s’agissant des ressources de la politique familiales, « je maintiendrai toutes les ressources affectées à la politique familiale ». Madame la ministre, pensez-vous que toutes les ressources qui étaient affectées à la politique familiale le sont toujours ?

Enfin, François Hollande s’était engagé à rendre « le quotient familial plus juste, en baissant le plafond pour les ménages les plus aisés », arguant que cela concernerait « moins de 5 % des foyers fiscaux ». Monsieur le secrétaire d’État, considérez-vous que la nouvelle mesure concernera moins de 5 % des foyers fiscaux ? Nous vous remercions de nous éclairer sur ce point.

La commission des finances est en tout cas favorable à l’amendement de suppression que vient d’évoquer excellemment notre collègue Caroline Cayeux.

Au-delà de ces points de désaccord, la commission des finances a adopté plusieurs propositions qui traduisent son engagement à maîtriser les dépenses de protection sociale. Elle a tout d’abord approuvé la proposition de la commission des affaires sociales consistant à réaliser 1 milliard d’euros d’économies supplémentaires dans le périmètre de l’ONDAM.

Elle propose ensuite de renforcer le dispositif actuel de lutte contre la fraude aux cotisations sociales.

Enfin, la commission des finances propose l’adoption d’un amendement visant à instaurer trois jours de carence dans la fonction publique hospitalière. Les dépenses de personnel représentant environ 70 % des charges des hôpitaux, il est essentiel d’agir dans ce domaine afin de maîtriser cette difficulté. À cet égard, le rétablissement de la journée de carence et son extension à deux jours supplémentaires seraient à la fois cohérents avec les règles applicables dans le secteur privé – ce serait un élément de justice – et constitueraient un signal fort contre l’absentéisme. Sur le fondement des économies constatées en 2012, on peut estimer que trois jours de carence dans la fonction publique hospitalière permettraient de réaliser entre 150 millions et 180 millions d’euros d’économies par an.

En conclusion, mes chers collègues, la commission des finances a émis un avis favorable à l’adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, sous réserve de l’adoption des modifications que je viens d’évoquer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 va nous permettre de dresser de nouveau un bilan de l’action menée par le Gouvernement en matière de finances sociales.

Le déficit du régime général de la sécurité sociale en France s’aggraverait pour atteindre 10 milliards d’euros en 2015, sans nouvelle mesure d’économies, indiquait, il y a quelques semaines encore, la Commission des comptes de la sécurité sociale, ajoutant que l’objectif d’un retour à l’équilibre des comptes sociaux, qui, rappelons-le, reste un impératif, est repoussé au-delà de 2017. Pourtant, le Gouvernement visait un retour au quasi-équilibre des régimes de base de la sécurité sociale en 2017. Cette trajectoire est donc plus que compromise.

Depuis 2010, année où le fameux « trou de la sécu » avait atteint 23,9 milliards d’euros, le déficit a diminué chaque année. Mais la Cour des comptes vient de sonner l’alerte : si la réduction des déficits de la sécurité sociale s’est poursuivie en 2013, elle a eu tendance à marquer le pas, en raison, probablement, de la conjoncture économique.

Or tout système de santé doit viser une dépense de soins efficiente, assise sur un financement équitable. Le Gouvernement, à l’instar d’autres avant lui, a bâti le projet de loi de financement de la sécurité sociale en se fondant sur des hypothèses économiques pour le moins optimistes : il a fixé l’objectif de croissance du PIB à 1 % et l’évolution de la masse salariale à 2 %, ce qui, comme le considère le Haut Conseil des finances publiques, semble peu réaliste. Or c’est à partir de l’estimation de la croissance qu’ont été indexées les prévisions de la dette.

La première question, toute simple, que nous devons tous nous poser est la suivante : quels sont les leviers d’amélioration ?

Pour diminuer le déficit, le premier levier à actionner consiste à augmenter les recettes. Faute de croissance, cela passerait par l’augmentation et la multiplication des taxes. Or même la Commission européenne estime qu’il y a trop d’impôts en France, la ligne rouge ayant été dépassée en matière de fiscalisation. Les contribuables français paient trop d’impôts. Par ailleurs, s’attaquer délibérément à l’esprit d’entreprise en ciblant les entreprises, les PME et leurs dirigeants n’est pas non plus la solution.

La deuxième possibilité réside dans la limitation des dépenses.

Je le concède, les économies sont difficiles à trouver. Madame la ministre, vous avez vous-même annoncé qu’il n’y aurait pas de déremboursement de médicaments ni de gel des prestations familiales en 2015. Toutefois, certaines aides seront revues à la baisse, par exemple au travers de la modulation des allocations familiales en fonction du revenu, une mesure adoptée, il y a quelques jours, par l’Assemblée nationale et qui a provoqué la colère de nombreuses familles et des associations familiales. En effet, ces dernières estiment que cette nouvelle disposition, qui s’ajoute à la réforme du congé parental et à la baisse du quotient familial, marque un tournant historique pour notre pays en matière de politique familiale.

Pour que la sécurité sociale mette en œuvre des principes de solidarité adaptés aux enjeux des sociétés actuelles, il est plus que temps, pour beaucoup, de s’interroger sur les redistributions effectives du système, en corrigeant les composantes qui apparaissent parfois profondément injustes. Une meilleure focalisation des prestations de protection sociale, visant à aider en priorité ceux qui sont en réalité les plus nécessiteux, serait de nature à contenir les besoins de financement.

Mme Michelle Meunier. C’est ce que nous faisons !

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Une telle évolution permettrait de ne pas augmenter les prélèvements sociaux et éviterait, ainsi, de pénaliser l’emploi.

Si l’urgence budgétaire nous impose d’engager une telle réflexion à marche forcée, il s’agit aussi, pour nous tous, mes chers collègues, d’une formidable occasion de revendiquer que des réformes répondent aux enjeux contemporains de la solidarité.

Or, avec les seules réformes, plutôt marginales, qui nous sont proposées, on ne saurait, me semble-t-il, prétendre réduire durablement la dette de la sécurité sociale au cours des années à venir, d’autant que le contexte actuel est tendu.

Les décisions budgétaires imposent de faire des choix ; ceux-ci peuvent être audacieux et traduire une véritable volonté politique. La protection sociale, dans son intégralité, mérite une telle volonté. Comment imaginer que l’organisation de la protection sociale, dont l’architecture générale a été pensée au lendemain de la guerre, puisse encore être adaptée aux défis des sociétés contemporaines ? (M. Jean Desessard s’exclame.)

Vous le savez, mes chers collègues, l’assurance maladie est un chantier permanent. Pour s’en tenir à l’histoire récente, depuis le plan Barre de 1976, pas moins de vingt réformes se sont succédé en moins de quarante ans, pour des résultats qui n’ont pas toujours été à la hauteur de nos attentes ni de nos espérances.

Certaines solutions consensuelles ont déjà été mises en œuvre par des gouvernements de tout bord : réduire les remboursements de médicaments, favoriser le recours aux produits génériques, accroître l’efficacité de la médecine en engageant des campagnes de prévention ou une rationalisation de la carte hospitalière...

Ces propositions sont, on le sait, largement insuffisantes. Il faut aller plus loin, ne l’oublions pas, d’autant que le système de santé français est l’un des plus coûteux au monde : les dépenses de santé représentent près de 12 % de notre PIB.

Toutes les études s’accordent à expliquer que notre système est difficilement soutenable à long terme. Dès lors, comment garantir à tous un système de santé de qualité, dont le financement serait pérenne, alors même que nous savons que nos dépenses de santé augmentent plus rapidement que notre PIB ?

Mes chers collègues, la sécurité sociale aura soixante-dix ans en 2015. L’assurance maladie s’est construite depuis 1945 sur trois principes fondamentaux : l’égalité d’accès aux soins, la qualité des soins et la solidarité. Elle permet ainsi à chacun de se faire soigner selon ses besoins, quels que soient son âge et son niveau de ressources. Aujourd’hui, elle garantit l’accès aux soins à plus de 55 millions de personnes.

Pourtant, la notion de « santé » n’est pas statique : elle évolue constamment en fonction des maladies, des épidémies, des conditions de vie, de l’alimentation, des progrès médicaux, des relations avec d’autres sociétés. Elle répond aux perpétuels changements auxquels est soumis l’individu. On vit plus vieux en France, mais on vit aussi plus longtemps malade. La santé reste considérée comme un bien collectif. C’est pourquoi les individus attendent de l’État une politique et des actions susceptibles de préserver la santé et de l’améliorer.

Le retour indispensable à l’équilibre des comptes passe, d’abord, par une progression des ressources. Priorité doit être donnée à la remise en cause des niches sociales. Ces niches – l’ensemble des exonérations, réductions ou autres abattements qui s’appliquent aux cotisations et contributions sociales – créent un manque à gagner pour la sécurité sociale.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. D’ailleurs, en matière de finances publiques, la Cour des comptes estime que ces dispositifs coûtent entre 67 milliards et 73 milliards d’euros…

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. … si l’on additionne les exonérations de cotisations et leur compensation, soit bien plus que les quelque 40 milliards d’euros évoqués dans les rapports officiels.

Même si la Cour des comptes salue les efforts réalisés au cours de ces dernières années pour réduire ces niches, en tenant compte des mesures annoncées dans le cadre de la réforme des retraites, elle exhorte le Gouvernement à les « prolonger avec plus de vigueur ».

Côté dépenses, les pistes d’économie pourraient concerner, d’abord, les hôpitaux. Les établissements doivent accroître la productivité et adopter des mesures d’organisation et de restructuration, car les efforts de redressement paraissent lents. Il est nécessaire de poursuivre le mouvement engagé, de réorganiser et de restructurer les choses pour voir où nous pourrions réaliser des économies et trouver certaines marges de manœuvre.

En termes d’organisation d’abord, l’une des premières faiblesses du système de santé français reste les coûts administratifs particulièrement élevés. Une meilleure coordination entre la médecine de ville et l’hôpital semble nécessaire.

Par ailleurs, avec une dépense de santé plus élevée que dans nombre de pays développés, les performances françaises en matière de santé sont plutôt bonnes, mais révèlent des inégalités sociales particulièrement marquées.

Aussi, afin d’améliorer l’efficacité du système de santé dans son ensemble, deux pistes me semblent intéressantes.

Tout d’abord, il conviendrait d’allouer davantage de moyens aux agences régionales de santé, les ARS, et de les impliquer plus activement dans le pilotage des politiques de santé. Elles auraient la faculté de répartir au mieux l’enveloppe entre la médecine ambulatoire, l’hôpital et le secteur médico-social. Elles auraient aussi la maîtrise des conventionnements et des modalités de rémunération des professionnels de santé. Mettre ces agences au centre des dispositifs de pilotage permettrait de mieux adapter l’offre de soins aux besoins de chaque région et d’optimiser les moyens pour l’ensemble des modes d’intervention.

Ensuite, il faudrait favoriser la montée en puissance des systèmes d’information de santé afin d’en tirer parti, à l’image de ce qui s’est fait pour le dossier médical personnel, qui existe depuis plusieurs années. Cet outil, visant à regrouper les données médicales de chaque patient dans un dossier individuel, a pour objet d’améliorer la communication entre les professionnels de santé et d’éviter les examens redondants ou inutiles.

Qu’il s’agisse de mesurer la qualité des soins, de fixer les modes de rémunération en s’appuyant sur une connaissance plus fine des pratiques médicales ou encore d’évaluer plus précisément les médicaments et les technologies médicales, nous devons engager une évolution profonde des systèmes d’information, car ces derniers permettront de réaliser rapidement non seulement des gains en matière de qualité de soins, mais aussi de substantielles économies.

En termes d’économies financières, ensuite – dans ce secteur, le champ d’intervention est très vaste –, il faudra aller plus loin encore en ouvrant probablement des débats, que je sais par avance passionnés, sur un retour aux 39 heures, une proposition que certains jugent explosive ; l’instauration d’une seconde journée de solidarité – la journée de solidarité mise en place rapporte environ 2 milliards d’euros par an ! – ou encore le retour d’un jour de carence pour l’ensemble des salariés du secteur public, supprimé dans le cadre de la loi de finances pour 2014, avec un renforcement du contrôle du bien-fondé des arrêts maladie.

Parmi les pistes que nous pourrions examiner, et pour n’en prendre qu’une, nous pourrions tout simplement nous demander comment réguler l’offre et la demande de soins.

Pour répondre à cette question et pour être le plus précis possible dans cette réflexion, il est souhaitable de se positionner du côté, d’une part, du patient et, d’autre part, du médecin.

Concernant les patients, le challenge est de trouver le bon équilibre entre la responsabilisation des individus et la prise en charge des besoins réels. Ainsi, les termes de l’arbitrage principal du côté de la demande de soins sont relativement clairs. L’assurance vise à transférer du pouvoir d’achat à des individus lorsqu’ils sont victimes d’un risque. Lorsque ce transfert prend la forme d’une indemnisation forfaitaire, le mécanisme d’assurance n’entraîne pas de distorsion des incitations. Toutefois, lorsqu’il passe par une réduction du prix acquitté pour les soins, l’assuré pourra être incité à consommer davantage, tant en quantité qu’en qualité.

M. Gilbert Barbier. C’est évident !

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Lors d’une maladie, si l’assuré peut connaître le diagnostic, l’assureur, quant à lui, n’est informé que des soins prescrits et consommés.

Comme le souligne l’Institut Montaigne, cette asymétrie d’information, qui pèse moins dans le cas de soins hospitaliers, contraint tout mécanisme d’assurance santé à choisir entre une couverture plus générale, bonne en termes d’accès aux soins, mais favorisant la consommation excessive, et une couverture moindre qui, par la responsabilisation du patient, pourra conduire ce dernier à une modération vertueuse au prix d’une moins bonne prise en charge, y compris pour ce qui concerne les dépenses correspondant à un indubitable besoin de soins.

Ainsi, les termes de l’arbitrage plaident pour une bonne couverture des soins très coûteux, dont la mise en œuvre résulte davantage d’une décision des professionnels de santé que du choix des patients eux-mêmes. À l’inverse, en ce qui concerne les dépenses de faible ampleur, il est à peu près équivalent qu’elles soient payées sous la forme d’une cotisation plus onéreuse ou lors de la consultation médicale.

Tournons-nous maintenant du côté des médecins. Il faut reconnaître que l’organisation de la médecine peut paraître encore archaïque, du fait principalement du maintien de la rémunération à l’acte des médecins. Dès lors, comment s’étonner qu’avec une valeur basse de ce tarif certains médecins cherchent à multiplier le nombre de consultations en diminuant le temps accordé à chaque patient, quitte à l’inviter à revenir ?

Peut-être pourrions-nous nous orienter, comme le propose Pierre-Yves Geoffard et à la suite d’autres pays européens, vers une formule de paiement à la performance. Dans un tel modèle, la politique de santé publique reposerait sur la définition de missions de service public et sur leur délégation selon des critères de performance, déclinés en termes de rémunération ; par ce mécanisme, elle irriguerait l’ensemble de la population à travers les cabinets médicaux.

Je pense que des évolutions sont également nécessaires en matière de retraites. De fait, nous savons que le système français des retraites par répartition accuse lui aussi un déficit important. Nombreux sont ceux qui pensent que la retraite à soixante ans, instaurée en 1983, porte une grande responsabilité dans les problèmes actuels ! (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.) Le déficit que nous constatons aujourd’hui est la conséquence de l’obsolescence de notre système, tout à la fois archaïque, opaque et inégalitaire.

Pourtant, il est possible de retrouver l’équilibre. Pour y parvenir, nous pouvons d’ailleurs nous inspirer d’autres pays, qui, eux, ont réussi des réformes structurelles.

Trois principes fondateurs de notre pacte républicain devraient guider une réforme des retraites. Ce sont les trois idéaux réunis par la devise de notre République : liberté, fraternité et égalité.

Aujourd’hui, le système français des retraites est en mauvaise posture à court terme ; à long terme, les perspectives sont encore pires. De plus, il y a peu à attendre des autres branches de la protection sociale : l’assurance maladie est fortement déficitaire, tandis que l’assurance chômage doit faire face à une situation de l’emploi dégradée, sans parler des dépenses relatives à la dépendance, qui ont les plus grandes chances d’augmenter.

L’État finance par l’emprunt plus du tiers de ses dépenses. Quant au Fonds de réserve pour les retraites, ses recettes ont été attribuées à la sécurité sociale et ses avoirs seront dépensés progressivement, sans que ce sacrifice ne change sensiblement la donne.

Dès lors, il faut soit se résigner à continuer d’emprunter pour équilibrer le budget, ce qui conduirait la dette du système des retraites à dépasser une année de PIB, soit prendre de nouvelles mesures efficaces pour amener les retraites à l’équilibre financier, en ayant le courage de procéder à une réforme structurelle d’envergure du système actuel de retraites par répartition. Je rappelle d’ailleurs que le principe d’une telle réforme systémique, nécessaire et réalisable à long terme, a été inscrit dans la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites sur l’initiative de notre assemblée.

Mme Nicole Bricq. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Caffet. Mais avec quelles suites ?

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Nous ne pouvons plus nous contenter d’agir sur les seuls paramètres de la durée d’assurance de référence et de la fourchette des âges légaux de départ à la retraite. Il importe d’aboutir à un régime unique, moderne, dans lequel les droits à pensions se calculeraient en points – une idée chère à Mme la présidente – et dans lequel la retraite se prendrait à la carte, avec possibilité de liquidation fractionnée et rétractable. La neutralité actuarielle et le respect de l’équité intergénérationnelle y seraient de rigueur, et le recours à la solidarité n’y serait pas moindre, mais plus intelligent et mesurable.

M. René-Paul Savary. Très bien !

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. En vérité, il faut réfléchir à une réforme structurelle assurant l’équilibre financier grâce à la création d’une variable de commande qui fait aujourd’hui défaut, et qui miserait sur la liberté responsable en donnant à chacun le choix soit de partir tôt avec une pension modeste, soit plus tard avec une pension plus confortable.

Il faudra rapidement songer à mettre en place une réforme structurelle d’envergure, qui devra tenir compte de l’adoption du principe de contributivité et du principe des cotisations définies. Elle devra aussi énoncer une règle de l’équilibre budgétaire des retraites et instaurer une retraite à la carte avec neutralité actuarielle. Il faudra également opérer la fusion de tous les régimes de retraite par répartition au sein d’un régime national unique fonctionnant par points ou encore mettre en place une garantie de pension inspirée du dispositif du RSA.

Enfin, il est un autre sujet auquel nous devons tous réfléchir : la nécessaire réforme du financement de la protection sociale.

Sur quelle base repose vraiment le financement de la protection sociale ? Avant tout, sur les salaires. En effet, les trois quarts des ressources sont constituées de prélèvements assis sur les revenus d’activité : les cotisations sociales, bien sûr, qu’elles soient patronales ou salariales, mais aussi la CSG. Aujourd’hui, donc, le financement de la protection sociale repose encore largement sur les revenus du travail.

Or un mode de financement de la protection sociale fondé sur des cotisations assises sur les salaires présente le triple défaut de peser sur les coûts de production des entreprises, de taxer davantage le travail que le capital et de ne pas être redistributif. C’est pourquoi il importe de réfléchir à un nouveau mode de financement, plus légitime, qui vise non seulement la neutralité économique, mais aussi une plus grande solidarité sociale.

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes tous convaincus qu’il faudra une volonté audacieuse et combative pour mener à bien les nouvelles réformes qui apporteront les changements nécessaires.

Du moins les principes qui sous-tendent ces réformes sont-ils simples : une définition collective, transparente et démocratique des priorités de santé publique ; une déclinaison de ces priorités par des délégations de service public associées à des modes de rémunération cohérents ; la responsabilisation des acteurs individuels et collectifs, du côté tant de la demande que de l’offre de soins ; une évolution du système d’information qui soutienne l’ensemble des réformes.

J’ai tenu à présenter ces observations avant le début de l’examen des articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale, dont certaines mesures susciteront de longs débats, s’agissant aussi bien des recettes que des dépenses. En tout état de cause, je reste persuadé que des modalités de construction plus rigoureuses sont indispensables pour peser plus réellement et plus efficacement sur nos dépenses, au sein desquelles les marges d’économies sont considérables ; ces marges, il nous appartient de les trouver. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, à écouter Mme la ministre et vous-même, monsieur le secrétaire d’État, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes…

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Nous ne disons pas cela !

M. Gilbert Barbier. … et vous seriez sur la bonne voie pour faire disparaître les déficits sociaux à un horizon tout proche, retardé tout de même, si j’ai bien compris, de deux années supplémentaires. Selon vous, nous aurions le meilleur système de santé possible et un accès aux soins de qualité serait garanti à tous.

Quel dommage, ce langage de circonstance ! Quel dommage de ne pas reconnaître, ici ou là, quelques graves insuffisances. Car si tout n’est certes pas tout noir, tout n’est pas non plus tout blanc !

Je n’ignore pas les contraintes du moment ; mais sont-elles une raison pour ne pas s’attaquer à des réformes profondes propres à apporter des solutions pérennes à un système à bout de souffle dans de nombreux domaines ?

À cet égard, j’ai observé que Mme la ministre avait utilisé l’expression de « réformes structurantes », alors que M. le secrétaire d’État a parlé de « réformes structurelles ». J’avoue qu’il y a là une distinction qui m’échappe un peu et au sujet de laquelle il serait utile que nous obtenions quelques éclaircissements.

Vous me répondrez, monsieur le secrétaire d’État, comme vous l’avez fait devant l’Assemblée nationale, que la majorité précédente est responsable de la situation présente. Certes, elle n’est pas exempte de reproches, mais l’argument est un peu dépassé : il n’est plus audible, il lasse et il ne convainc plus. À la vérité, nous serions en droit d’espérer d’autres réponses au bout de trois ans de gestion.

D’autant qu’il y a urgence à lancer de véritables réformes, « des réformes structurelles seules à même d’infléchir durablement l’évolution tendancielle des dépenses », comme le signale la Cour des comptes. Il y a urgence à traiter les déficits chroniques de l’assurance maladie et de l’assurance vieillesse, ce qu’on ne fera pas en se contentant de manier ce magnifique instrument qu’est le rabot.

Or, cette année comme les précédentes, vous avez raboté. À la vérité, vous rabotez toujours un peu plus et toujours les mêmes : les retraités, la médecine de ville, l’industrie pharmaceutique, les médecins. Cette année, de surcroît, vous avez choisi de vous en prendre plus particulièrement à la politique familiale.

D’ailleurs, s’agissant des médecins, Mme la ministre va réussir le tour de force de rassembler contre son projet de loi relatif à la santé la quasi-totalité des syndicats médicaux, sans compter l’Académie de médecine – exploit qui n’a que peu de précédents !

En ce qui concerne les articles d’équilibre, nous avons besoin de patience, de persévérance et d’une bonne dose de paracétamol pour pouvoir nous y retrouver. La Cour des comptes n’a-t-elle pourtant pas demandé au Gouvernement d’« assurer une information appropriée du Parlement sur la formation des soldes retracés par les tableaux d’équilibre, en mettant fin aux contractions injustifiées de produits et de charges » ?

N’a-t-elle pas aussi signalé, entre autres défis, ceux « des lois de financement à moderniser », « des dépenses de ville à réguler beaucoup plus vigoureusement » et « des gains d’efficience à mobiliser plus fermement à l’hôpital » ?

Les économies évoquées par le Gouvernement n’existent que par rapport à un tendanciel plus théorique que réaliste. Il serait tellement plus clair pour tout le monde de présenter l’évolution des dépenses et des recettes en valeur absolue !

Cette année, comme nous l’avons fait en 2013 et comme certainement nous le ferons en 2015, nous allons transmettre aux générations futures une dette supplémentaire de 15 milliards d’euros, contractée pour couvrir ce qui n’est, comme cela a été signalé, que le fonctionnement au jour le jour de notre système. Madame la ministre, s’il y a une politique inique, je crois bien que c’est celle-là ! Vous entendez d’ailleurs créer quelques dépenses supplémentaires, comme le tiers payant généralisé. Dormez, bonnes gens, vous serez soignés gratis et vos enfants paieront !

Pour m’en tenir seulement à la santé publique, malgré vos paroles lénifiantes, le constat est alarmant : notre système de santé, quoi que vous en disiez, se dégrade, et notre système de soins est malade. Ainsi, un constat s’impose avec de plus en plus d’évidence : des distorsions considérables existent en matière d’accès à des soins de qualité dispensés avec une sécurité assurée.

Nos hôpitaux généraux sont en grande difficulté et les faits malheureux d’Orthez ne sont que la manifestation d’un mal lancinant. Alors que les vacances de postes médicaux se multiplient, les établissements ont recours à des personnels dont il serait indispensable de vérifier la formation, la compétence et l’équivalence des diplômes. Il serait également nécessaire d’encadrer les abus de certaines officines pourvoyeuses de personnel de remplacement.

En 2008, une étude de l’Inspection générale des affaires sociales a dénombré près de cent trente plateaux techniques qui fonctionnaient de manière insuffisante, voire dangereuse. Les évolutions ayant été peu nombreuses depuis cette date, il serait urgent, madame la ministre, de faire à nouveau le point sur la question. Le problème réside dans le trop grand nombre d’établissements et de services. Il faudrait donc, comme vient de le souligner M. le président de la commission des affaires sociales, rationaliser les structures et en reconvertir, voire en fermer certaines.

Nos concitoyens ont le droit de bénéficier, quelle que soit leur situation sociale ou géographique, de soins de qualité optimale. On ne peut pas faire tout partout, et tout bien !

Les évolutions de la médecine conduisent à une plus grande spécialisation, et c’est bien ainsi. Seulement, une médecine à deux vitesses s’installe : d’un côté, les patients qui savent et se renseignent, de l’autre ceux qui ont encore une confiance aveugle dans le système. Vous le savez, madame la ministre, et je comprends que cela vous gêne. À tel point que vous prévoyez, dans votre projet de loi relatif à la santé, de verrouiller les données épidémiologiques et statistiques sur la morbidité des établissements et des services.

Ces paroles peuvent paraître brutales, mais il convient de rappeler la réalité de cette dégradation quotidienne.

La restructuration est un sujet bien sûr déplacé, c'est un tabou auquel vous n’osez pas toucher. Le directeur de la Caisse nationale d’assurance maladie, la CNAM, que j’interrogeais il y a un an, avouait qu’il s’agissait d’un mur infranchissable. Pourtant, il y a là un gisement d’économies importantes et un facteur d’amélioration de la qualité des soins. Il est temps d’admettre que les emplois hospitaliers ne peuvent être la variable d’ajustement de la désindustrialisation locale.

J’en viens à un sujet que vous avez évoqué, celui de la prévention et de la politique vaccinale. En septembre dernier, le président du Haut Conseil de la santé publique a fait part de son inquiétude et de son agacement devant la politique vaccinale, la taxant de politique « illisible, complexe et inégalitaire ». Il demandait que le programme 2012-2017 soit effectivement mis en œuvre. Cette insuffisance générale se retrouve dans la couverture vaccinale contre la rougeole, les infections à méningocoques, les papillomavirus, l’hépatite B, sans parler de la grippe endémique.

Sans vous inspirer des déboires de votre prédécesseur, vous envisagez de demander aux pharmaciens de vacciner. La malheureuse expérience de l’épidémie H1N1 devrait, à mon humble avis, vous inspirer la plus grande prudence. Ne vaudrait-il pas mieux, autant que faire se peut, éviter de court-circuiter les médecins dans ce domaine ?

Un autre sujet d’inquiétude est l’allongement important des délais pour obtenir un examen en IRM, ce qui entraîne une dégradation patente des soins. J’ai pris bonne note de vos promesses. Mais en attendant, je citerai les propos du président de la Fédération nationale des médecins radiologues : les délais d’attente sont devenus insupportables pour les patients en 2014, la pire année depuis onze ans ; le délai moyen est passé de 30,5 jours en 2013 à 37,7 jours en 2014. Cette personne est sûrement très mal intentionnée, toujours est-il que les conséquences de cet état de fait en pathologie tumorale sont particulièrement préjudiciables. Le raccourcissement des délais à vingt jours en moyenne n’était-il pas l’un des objectifs du troisième Plan cancer ?

Que dire des incidences en matière d’accidents vasculaires cérébraux et de pathologies intracrâniennes ? On opère en urgence des patients qui n’auraient pas forcément eu besoin de l’être si l’on avait pu pratiquer cet examen.

Le directeur général de la CNAM a soulevé le problème, mais vous craignez, madame la ministre, une augmentation trop rapide du nombre d’examens et vous voulez maîtriser les coûts en limitant les autorisations.

Il serait pourtant plus logique, selon moi, de réduire ou de supprimer les remboursements en pathologies traumatiques musculaires et ostéoarticulaires, pour lesquelles on pratique des examens à tout-va, avec de véritables abus. Pour commencer, cela libérerait des plages pour les malades chez qui l’on suspecte un cancer du sein ou de la prostate… Mais là aussi, vous préférez sortir le « rabot » et interdire les installations !

J’en viens au médicament qui est j’en conviens, la variable d’ajustement traditionnelle. Une fois de plus, vous faites peser sur lui l’essentiel des mesures d’économies sans trop de discernement : 1,1 milliard d’euros d’économies à faire, je crois. À la limite, pourquoi pas encore cette année ? Je pense qu’il faudrait faire preuve de plus d’acuité en ajustant le remboursement là où l’efficacité est prouvée.

Je l’ai répété maintes fois : notre système de commissions et d’agences est d’une complexité sans nom. Force est de constater qu’il faudra, là encore, beaucoup de persévérance pour s’y retrouver. Les nouvelles dispositions contenues dans ce projet de loi ne traduisent pas la simplification administrative annoncée…

Aussi, à ce stade de la discussion, n’évoquerai-je que quelques points dont nous pourrons débattre au moment de la discussion des articles. Parmi les dix blockbusters représentant près de 6 milliards d’euros, pourquoi continuer à rembourser certains d’entre eux, alors que leur amélioration du service médical rendu, ASMR, est classée en catégorie V ?

Pourquoi continuer à rembourser les médicaments en sus de tarification ayant des équivalents en autorisation de mise sur le marché, AMM, si ce n’est pour faire glisser des dépenses hospitalières vers la médecine de ville ? (Mme Catherine Génisson acquiesce.)

Madame la ministre, s'agissant des médicaments traitant de la dégénérescence maculaire liée à l’âge, la DMLA, où en sont les négociations promises il y a plus d’un an ? Je ne suis pas le seul à insister sur ce point, le rapporteur de l’Assemblée nationale vous a interpellé plusieurs fois à ce sujet, et il y a des économies importantes à la clé…

Autre question que pose ce budget : les cotisations dues avec l’application du fameux W sont-elles cumulatives avec celles dues au titre du nouveau L ? Je n’ai pas trouvé la réponse ! (Sourires.)

Je pourrais poursuivre sur les remises, les rétrocessions, les ruptures d’approvisionnement, les génériques, les « biosimilaires », sans parler des produits de santé. Je m’interroge également sur ce revirement incompréhensible s’agissant du plasma industriel importé, qui remet très sérieusement en cause la collecte sanguine et suscite l’inquiétude légitime des associations.

Tous les acteurs du secteur du médicament, du fabricant au patient, et principalement ce dernier, ont besoin de clarté, de transparence. Or certaines dispositions de ce texte ne vont malheureusement pas dans ce sens.

Pour conclure sur la transparence prônée par le président de la commission des affaires sociales, à quand l’open data à la CNAM ? La caisse détient les données nécessaires pour savoir qui fait quoi et comment. Elles permettraient de traiter directement les problèmes qui minent notre système. Alors, pourquoi ne pas ouvrir cette base de données ? Le directeur général de la CNAM nous a expliqué qu’il faudrait une loi pour cela…

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, nous sommes tous attachés à notre système de protection sociale. Je ne fais pas de procès d’intention, mais pour le conserver, il faudrait au moins abandonner la solution du rabot et agir avec plus de finesse, en commençant par engager une vraie concertation avec tous les acteurs de la santé publique. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 que nous examinons aujourd'hui s’inscrit clairement dans une perspective globale.

Je pourrais trouver, dans l’avant-propos du rapport consacré à l’assurance maladie, la confirmation de la justesse des orientations que vous avez données, madame la ministre, à votre politique sociale depuis 2012.

Il se confirme qu’il était en effet indispensable, pour lui redonner sens, d’inscrire le pilotage des finances sociales dans le cadre d’une politique de santé publique qui a été – vous le relevez, monsieur le rapporteur général, dans ce même avant-propos – laissée à l’abandon durant dix ans.

Ce cadre a été effectivement redéfini. C’est celui de la stratégie nationale de santé, qui fixe trois axes d’action majeurs pour l’avenir : une politique de prévention intégrant l’ensemble des déterminants de santé ; une offre de premier recours à la base d’un parcours simplifié et décloisonné ; une nouvelle démocratie sanitaire intégrant un pilotage national.

Le projet de loi portant adaptation de la société au vieillissement, tant attendu et d’ores et déjà adopté à l’Assemblée nationale, constitue l’un des volets de ce programme. Le projet de loi de santé publique présenté en conseil des ministres le 15 octobre dernier, et dont l’importance est soulignée dans le même avant-propos, poursuit la mise en œuvre de cette stratégie. Et il en va de même de ce projet de loi de financement pour 2015, pour une grande part de ses dispositions.

Mesures de prévention, de contrôle de la pertinence des soins, de maîtrise des dépenses de médicament et de promotion des génériques, d’amélioration du coût, de la qualité et de la sécurité des soins hospitaliers, engagement d’un « virage » ambulatoire : ce texte met en œuvre concrètement les axes de cette stratégie. L’ensemble de ces réformes sont l’expression cohérente de ces objectifs nettement fixés dans le long terme.

La mise en œuvre du pacte de responsabilité et de solidarité engagée par les projets de loi rectificatifs de l’été dernier et la poursuite du désendettement des comptes sociaux constituent les deux autres axes de ce projet.

En 2014, le contexte économique reste fragile, même si cela n’est pas propre à la France. Notre protection sociale, toujours majoritairement financée par les cotisations sur les revenus professionnels, reste fortement dépendante de l’évolution de la masse salariale. La trajectoire pluriannuelle de redressement fixée à l’horizon 2018 s’infléchit en conséquence. Cela n’altère pas la fermeté du choix de redressement des comptes sociaux et de retour à l’équilibre.

À cet égard, il est nécessaire de rappeler le chemin déjà parcouru. Grâce aux lois de finances et de financement de 2012, qui ont mis un coup d’arrêt à la dérive financière que nous avons connue, il est considérable.

Le déficit de l’ensemble des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse, qui s'élevait à près de 30 milliards d’euros en 2010, a été divisé par deux : il se monte à 15,7 milliards d’euros fin 2014. L’effort est maintenu en 2015 pour ramener le solde négatif à 13 milliards d’euros, soit une amélioration de 2,7 milliards par rapport à l’année précédente.

La décrue progressive des déficits du régime général se poursuit en 2014 – le déficit global est réduit de 12,5 à 11,6 milliards d’euros –, mais de manière toutefois inégale selon les branches.

Le déficit du régime de retraite est divisé par trois en deux ans, notamment grâce à l’évolution progressive de la durée d’assurance requise et des cotisations – la part déplafonnée salariés et employeurs augmente de 0,15 point en 2014 et de 0,05 point entre 2015 et 2017– mise en place par la réforme du 20 janvier 2014.

L’article 5 de ce projet confirme par ailleurs les deux mesures annoncées en faveur des petites retraites, avec le versement d’une prime de 40 euros et une seconde revalorisation du minimum vieillesse pour atteindre le plafond de 800 euros pour une personne seule et de 1 242 euros pour un couple.

Le solde de la branche famille s’améliore également par rapport à 2013 et la branche accidents du travail-maladies professionnelles reconduit son excédent. De même, les autres régimes obligatoires de base améliorent leurs comptes, avec un déficit ramené de 1,8 milliard en 2012 à 100 millions en 2014.

Au contraire, la branche maladie et le FSV, le Fonds de solidarité vieillesse, voient leurs soldes se dégrader. Pour contenir leur évolution tendancielle, l’ONDAM est fixé pour 2015 à 2,1 % et nécessite la programmation de 3,2 milliards d’économies. Je tiens à le préciser, toutes les économies ont toujours été calculées par rapport aux évolutions tendancielles, cela ne date pas de 2012…

Vous le constatez chiffres en main : même s'ils peuvent apparaître encore insuffisants, les résultats sont là ! La caractéristique de cette politique de maîtrise des dépenses est d’être menée sans réduction de couverture sociale, sans déremboursement et sans augmentation de forfaits. Ce point doit être souligné avec force. Les dépenses de chaque branche augmentent à périmètre constant et les efforts sont répartis équitablement avec la volonté permanente d’améliorer la qualité des soins et de réduire les inégalités d’accès.

Les résultats sont de nouveau là, qui établissent que le reste à charge des ménages diminue, comme vous l'avez souligné, madame la ministre. C’est en outre confirmé par l’analyse de l’assurance maladie qui relève, dans son rapport sur l’évolution des charges et produits pour 2015 que, « comparée à d’autres pays de l’OCDE où un coup de frein brutal a suivi de fortes augmentations, la France se caractérise par une croissance globalement modérée depuis 2000 et par une trajectoire de ralentissement progressif qui a permis de préserver le fonctionnement du système de santé d’à-coups majeurs. L’ONDAM est respecté depuis 2010, avec une stabilité de la part des dépenses financée publiquement ». Compte tenu du contexte, le rythme de maîtrise des coûts adopté par le Gouvernement depuis 2012 est le bon. Mon cher collègue rapporteur général de la commission des affaires sociales, vous faites vôtre cet avis, que vous mentionnez dans votre rapport. Dans le même temps, pouvez-vous proposer une réduction supplémentaire de 1 milliard d’euros, qui s’ajouterait aux réductions déjà programmées ? Il y a là une contradiction.

Les hypothèses macroéconomiques retenues, qui sous-tendent ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, font l’objet de discussions. Permettez-moi de les rappeler : une croissance de 1 % du PIB et une augmentation de 2 % de la masse salariale. Elles sont pourtant plus prudentes que celles recueillant un consensus parmi les économistes et identiques à celles annoncées par le Fonds monétaire international, le FMI. L’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE, est même légèrement plus optimiste. Certes, ces hypothèses supposeront un pilotage serré, cela a été dit. Toutefois, elles sont loin d’être infondées.

La question du transfert à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, de la dette portée par l’ACOSS a été posée. Depuis 2007, en effet, la structure de son financement s’est diversifiée, puisqu’elle est désormais autorisée à émettre directement sur les marchés financiers des billets de trésorerie et, depuis 2009, des Euro commercial papers. Je rappellerai sur ce point ma position, qui est restée constante : dette et trésorerie ne doivent pas être confondues. Mais il nous faut également tenir compte d’un taux d’amortissement de 0,137 %, soit des conditions historiquement favorables. C’est pourquoi l’article 19 prévoit de faire bénéficier le régime agricole de ces conditions de financement, en lui donnant accès aux prêts de l’ACOSS, ce qui lui permettra de réaliser une économie de 30 millions d’euros. Envisager un nouveau transfert, au-delà des 10 milliards d’euros annuels prévus par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, supposerait d’attribuer de nouvelles ressources, à proportion équivalente, à la CADES. Or tous les gouvernements se sont refusés à augmenter la CRDS. Pour l’instant, ce ne serait donc pas de bonne gestion. Enfin, pour mesurer la portée de la mesure prévue, je rappelle que si l’article 27 tend à établir le plafond de couverture du besoin de trésorerie pour 2015 à 36,3 milliards d’euros, soit 1,8 milliard d’euros de plus qu’en 2014, celui-ci avait été porté en 2010 à plus de 65 milliards d’euros.

S’agissant justement de gestion, vous aurez certainement relevé, mes chers collègues, que la Cour des comptes s’est trouvée en mesure de certifier, pour la première fois, la totalité des comptes des entités du régime général ! Cette gestion plus rigoureuse a été confirmée par le rapport pour avis de la commission des affaires sociales relatif au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

La compensation des mesures prévues par le pacte de responsabilité et de solidarité votée en projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative en juillet dernier fait l’objet de l’article 28 du projet de loi de finances pour 2015, qui vise à transférer à l’État la part des aides personnalisées au logement financée par la branche famille à hauteur de 4,75 milliards d’euros, et de l’article 14 de ce PLFSS, qui tend à anticiper le versement au régime général des cotisations et contributions dues sur les indemnités versées par les caisses de congés payés à hauteur de 1,52 milliard d’euros. Pour être précis, une majoration de 0,02 % de la fraction de TVA nette affectée au régime général complète de 30 millions d’euros ce dispositif, qui est donc compensé, comme cela était prévu, à l’euro près.

Mes chers collègues, notre objectif commun est de faire en sorte que chacune et chacun continuent, à l’avenir, à bénéficier du haut niveau de protection sociale qui caractérise notre pays et qui permet, mieux que partout ailleurs, d’amortir les effets de la crise. Face à un lourd passif, les marges, personne ne le conteste, sont étroites, entre la nécessité de poursuivre le désendettement sans obérer la croissance et l’obligation d’engager des réformes structurantes de long terme, malgré nombre de corporatismes. Mais ces marges existent.

En commission des affaires sociales, de nombreuses mesures du texte ont été approuvées. Il n’y a en effet pas de raison de s’opposer – c’est vous qui le dites, monsieur le rapporteur général –, s’agissant de l’hôpital, aux dispositions de l’article 36 visant à améliorer la qualité et la sécurité des soins, ni à celles de l’article 37, qui tend à reconnaître le rôle des hôpitaux de proximité, de l’article 42, dont l’objet est de contrôler la pertinence des soins, ou des articles 11 et 41, qui introduisent des mesures favorables à l’innovation. La commission a également adopté l’article 32 portant simplification du financement des soins aux personnes détenues, comme elle pourra approuver les mesures de simplification et de rationalisation de la gestion aux articles 8, 12, 13, 15, 16, 17 et 18. De la même manière, l’article 33, relatif aux mesures de prévention, visant à fusionner les CDAG, les centres de dépistage anonymes et gratuits, et les CIDDIST, les centres d’information, de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles, ainsi que les articles 38, 39 et 40 relatifs aux missions du Fonds d’intervention régional, au contrat de praticien territorial et à l’exercice en zone touristique, pourront également recueillir son accord.

Ce texte comporte par ailleurs, et ce n’est pas le point le moins important, de nombreuses mesures de justice.

Tout d’abord, le financement progresse globalement. L’évolution de l’ONDAM est supérieure à l’évolution du PIB en valeur, ce qui dément tout constat d’austérité.

Ensuite, le tiers payant est étendu aux bénéficiaires de l’aide pour l’acquisition d’une complémentaire santé, tandis que les participations forfaitaires et les franchises sont supprimées.

Par ailleurs, l’établissement d’un calcul plus équitable de la CSG – cela a été expliqué – sur les revenus de remplacement constitue également une mesure de justice, tout comme l’extension du transfert de l’indemnité maternité au père en cas de décès de la mère et l’ouverture des indemnités journalières aux conjoints et aux aides familiaux des exploitants agricoles en cas d’accident ou de maladie professionnelle, ce dès le 1er janvier 2015.

Autre mesure de justice, comme le considère à juste titre la majorité des Français : la modulation des allocations familiales adoptée par l’Assemblée nationale.

Madame la rapporteur pour la famille, il est abusif d’affirmer que le principe d’universalité est l’une des pierres angulaires de la politique familiale depuis son origine. En 1945, les allocations n’étaient pas versées à tous, même si, j’en conviens, la loi du 22 août 1946 en a étendu le nombre des bénéficiaires. Toutefois, depuis lors, le premier enfant n’ouvre toujours pas droit aux allocations familiales. L’universalité n’exclut nullement une condition de ressources, comme c’est d’ailleurs le cas pour l’APA, l’Allocation personnalisée d’autonomie, ce que personne ne conteste, vous l’avez dit, madame la ministre.

C’est un peu moins d’égalité pour un peu plus d’équité. Annoncer qu’une réduction de 65 euros des allocations pour les couples avec deux enfants bénéficiant de revenus mensuels supérieurs à 6 000 euros détruira les familles est évidemment quelque peu excessif. C’est oublier que la logique profonde de la politique d’aide aux familles est d’abord une logique de solidarité, comme l’énonce d’ailleurs très clairement l’ordonnance du 4 octobre 1945, laquelle, dans sa rédaction, inclut la famille – nous reviendrons sur ce point.

Enfin, pour ma part, je n’oublie pas que, fin 2009, la majorité de cette assemblée a approuvé une ponction de 0,28 point de CSG dans les ressources de la branche famille pour le transférer à la CADES, en compensant sans état d’âme ce manque à gagner par un « panier » que l’on a pu qualifier de « percé », dans la mesure où il n’était pas constitué de recettes pérennes. Cette décision, qui a réellement mis en danger le financement de la politique familiale, nous oblige aujourd’hui à combler un déficit injustifié.

Ce projet de loi comporte d’autres dispositions essentielles, particulièrement dans le secteur du médicament, alors que les exigences tarifaires de certains laboratoires – exigences, en l’espèce, de strict rendement financier, puisqu’il ne s’agit pas de rémunérer la recherche – concernant de nouvelles molécules destinées à un grand nombre de patients nous obligent à reconsidérer les cadres juridiques de la mise sur le marché. Il est indispensable et responsable de réagir immédiatement, sauf à prendre le risque soit d’obérer gravement les comptes de l’assurance maladie, soit de priver nombre de patients de l’accès à un traitement, ce qui n’est pas pensable.

C’est la raison pour laquelle nous soutiendrons les dispositions que vous proposez à l’article 3, madame la ministre, d’autant que la procédure prévue, tout comme celle de l’article 10 relatif à la clause de sauvegarde, privilégie constamment la négociation conventionnelle entre les laboratoires et le CEPS, le comité économique des produits de santé.

Je souhaite enfin évoquer le bilan établi par la Cour des comptes à la demande de notre commission des affaires sociales sur les relations conventionnelles entre l’assurance maladie et les professions libérales de santé dans un rapport publié en juin 2014 et annexé à celui que j’ai eu l’honneur de présenter le mois suivant. À l’occasion de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques, l’une des préconisations de la cour, visant à associer le Parlement à ces relations par la présentation des orientations prises en amont des négociations, ainsi que d’un bilan annuel des résultats des actions conventionnelles, a été proposée et adoptée. Elle contribuera à renforcer l’information des membres des commissions chargées des affaires sociales de l’Assemblée nationale et du Sénat, ce dont je me félicite.

Il est en effet normal, et même d’ordre constitutionnel, me semble-t-il, que le Parlement soit informé régulièrement et exerce son contrôle sur les procédures conventionnelles, compte tenu de leurs conséquences sur les finances sociales.

Un mot encore – ce ne sera pas le plus agréable pour vous, monsieur le secrétaire d’État –, pour rappeler le vote unanime de la Haute Assemblée en faveur de l’emploi à domicile.

L’amendement adopté à l’Assemblée nationale constitue un progrès, dont le périmètre reste toutefois restreint. Nous vous proposerons d’y revenir ; j’espère que vous saurez nous entendre.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, ce projet est nécessaire et responsable dans le contexte que nous connaissons en France et en Europe. Il est équilibré pour ce qui concerne la répartition des efforts. Il introduit de nouvelles mesures de justice. Il est ambitieux pour l’avenir.

J’en veux pour preuve les amendements présentés par la majorité sénatoriale, qui ne visent, si l’on excepte la suppression de trois mesures de justice, ni à apporter des modifications majeures ni à changer de direction.

Pour ces raisons, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous pouvez compter sur le soutien du groupe socialiste au cours des jours à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les écologistes se félicitent d’un certain nombre de mesures positives de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Pour ce qui concerne le chapitre « Amélioration de l’accès aux soins », ils se réjouissent de mesures qui font écho aux quarante propositions du rapport remis par ma collègue Aline Archimbaud au Premier ministre en septembre 2013.

Nous saluons ainsi les dispositions visant à accorder, dès le 1er juillet 2015, le tiers payant intégral aux bénéficiaires de l’ACS, l’aide pour l’acquisition d’une complémentaire santé, et à supprimer les franchises médicales pour ces mêmes bénéficiaires.

Nous nous félicitons également de la prise en compte de la prévention dans les lignes budgétaires du Fonds d’intervention régional destinées aux actions initiées par les agences régionales de santé.

Nous saluons le fait que la tarification à l’activité prenne désormais en compte la qualité et la sécurité des soins, ainsi que le contexte dans lequel s’insère la structure hospitalière.

Certes, nous aurions pu prendre en compte également la précarité des publics en intégrant cette donnée aux critères de rémunération des soignants libéraux comme des structures de santé.

De même, des mesures de simplification sont nécessaires. Celles qui ont été présentées par Aline Archimbaud dans son rapport font l’unanimité parmi les associations, les travailleurs sociaux, les acteurs de l’assurance maladie et les professionnels de santé qu’elle a entendus durant plusieurs mois dans le cadre de sa mission.

En effet, dans son sixième rapport d’évaluation de la loi du 27 juillet 1999 portant création d’une couverture maladie universelle, dite loi CMU, rendu public voilà quelques jours, le Fonds CMU fait un constat accablant sur l’aide pour l’acquisition d’une complémentaire santé, pour laquelle le non-recours atteint des records. Si, selon les estimations, entre 2,7 à 3,9 millions de personnes sont éligibles à cette aide, seulement 26 % à 38 % d’entre elles y ont effectivement recours.

Les articles 29 et 29 bis de ce texte, qui exonèrent les bénéficiaires de l’ACS de franchises médicales tout en les rendant éligibles au tiers payant intégral, ne concerneront donc en définitive que trop peu de personnes tant que nous ne nous attaquerons pas à la simplification des démarches pour accéder à cette aide.

Mes chers collègues, je vous invite – et vous incite – à tenter de compléter le formulaire de demande de l’ACS et de franchir toutes les étapes du parcours du combattant, du rassemblement des nombreuses pièces demandées à la signature d’un contrat avec un organisme de complémentaire santé en passant par l’obtention de l’attestation de la caisse primaire d’assurance maladie.

C’est en ce sens que notre groupe vous proposera un amendement de simplification. Celui-ci vise à rendre possible l’utilisation du revenu fiscal de référence – qui tient en une seule pièce – pour la constitution du dossier plutôt que de demander aux candidats de justifier de toutes leurs ressources, ce qui peut représenter jusqu’à cent pièces administratives pour une personne.

C’est une mesure qui simplifierait la vie de tout le monde, des usagers mais également des personnels des caisses d’assurance maladie qui perdent trop de temps à éplucher des dossiers d’une épaisseur considérable et qui souvent font le travail en double par rapport à d’autres administrations.

Le secrétariat général pour la modernisation de l’action publique, le SGMAP, explique par ailleurs qu’en s’attaquant aux obstacles qui constituent ce parcours du combattant de l’accès aux soins, on améliore l’état de santé global de la population tout en dégageant un gisement d’économies substantielles, qu’il appelle « le gisement moins de maladies ».

Attachés à la pérennité de notre système de protection sociale, nous vous proposons une mesure d’économie à la fois juste et durable.

Par ailleurs, notre groupe continue de vous proposer, projet de loi de financement après projet de loi de financement, des mesures de fiscalité comportementale sur le tabac, l’huile de palme, l’aspartame ou encore le mercure dentaire. Nous vous présenterons ces mesures en détail au cours du débat.

Venons-en au point essentiel du financement.

Nous assistons de manière tendancielle à une diminution des recettes de la sécurité sociale, particulièrement pour 2015.

Les mesures du pacte de compétitivité ont induit, sans contrepartie, des baisses de charges en faveur des entreprises. La conséquence est nette sur les recettes de la sécurité sociale : moins 5,9 milliards d’euros en 2015, et même moins 6,3 milliards d’euros si l’on inclut la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Cette somme est considérable, elle représente plus de la moitié du déficit prévu pour 2015.

Certes, le Gouvernement s’est engagé à compenser formellement cette perte de recettes. Mais il s’agit, monsieur le secrétaire d'État, d’un trompe-l’œil. En effet, clairement, c’est non pas avec des recettes nouvelles que l’État compense la perte de recettes pour la sécurité sociale, mais bel et bien avec les économies réalisées sur l’assurance maladie et la politique familiale. C’est d’ailleurs comme cela que le Gouvernement lui-même présente la situation lorsqu’il explique que le pacte de responsabilité sera financé en 2015 par 21 milliards d’euros d’économies, dont 9,6 milliards d’euros sur la sécurité sociale.

Il est inquiétant de constater que le Gouvernement s’engage à des baisses de cotisations annuelles et ne les finance qu’avec une mesure par définition non reconductible l’année prochaine. Sur les quelque 6 milliards d’euros à compenser au titre du pacte en 2015, 1,5 milliard d’euros seront par exemple trouvés par un prélèvement sur la trésorerie des caisses de congés payés, comme le prévoit l’article 14. On peut s’interroger sur l’impact financier d’une telle mesure sur ces caisses.

En outre, aux termes de l’article 22, qui concerne l’exit tax, l’État récupère d’une main ce qu’il accorde de l’autre en promettant des compensations. Ce dispositif visant à prévenir l’exil fiscal a en effet pour objet de transférer 445 millions d’euros de recettes de la sécurité sociale vers l’État, ce qui permet donc au Gouvernement de recouvrer une partie de la compensation.

Au-delà des pertes de recettes dues au pacte de responsabilité, on ne peut que s’inquiéter de la volonté du Gouvernement de revenir, sous la pression du MEDEF, sur l’amendement Bapt concernant la taxation des dividendes octroyés aux dirigeants. Sur l’initiative, donc, de Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les recettes et l’équilibre général, l’Assemblée nationale a en effet adopté un amendement visant à dissuader les dirigeants d’entreprise de se rémunérer en dividendes plutôt qu’en salaire, par une augmentation adéquate de la fiscalité. Les écologistes saluent cette mesure et voteront pour son maintien au sein de ce texte.

Nous regrettons que les possibilités de recours à l’emprunt des organismes de financement de la sécurité sociale soient accrues, aux termes de l’article 27. Après la fiscalisation, voici donc venu le temps de la financiarisation de notre modèle social, qui nous placera à terme dans une grande dépendance à l’égard des taux d’intérêt.

Dernier point, concernant la politique familiale, nous avons un article majeur à étudier, fruit d’un accord entre le groupe socialiste à l’Assemblée nationale et le Gouvernement : la modulation des allocations familiales selon le revenu.

Cette mesure remet en cause un principe fondamental de notre sécurité sociale, à savoir l’universalité des allocations familiales. (M. Jean-Baptiste Lemoyne opine.) Les prestations doivent être les mêmes pour tous et la redistribution doit s’exercer selon le principe suivant : « on cotise selon ses moyens et l’on reçoit selon ses besoins ».

Pour ne pas être confondus avec ceux qui défendent une politique nataliste, les écologistes sont partisans d’une allocation dès le premier enfant. L’universalité pour tous les enfants, cela signifie un droit à l’éducation et à la prise en charge de chaque enfant.

L’instauration d’un seuil de modulation porte un coup fatal au principe d’universalité. Il a été décidé de réduire les allocations pour les ménages gagnant plus de 6 000 euros. Mais si demain il faut faire plus d’économies, on baissera ce seuil à 5 000 euros, et ainsi de suite ! Lorsqu’on touche à un tabou, où est la limite ? Un principe doit être respecté dans son intégralité, autrement il n’est pas absolu et n’est rien d’autre qu’une somme de parties.

On ne fera pas œuvre de justice sociale en s’attaquant à l’universalité des allocations familiales.

Mme Nicole Bricq. Leur uniformité !

M. Jean Desessard. C’est au quotient familial qu’il fallait s’attaquer ! Car il est injuste ! Le Gouvernement et les parlementaires socialistes se disent attachés au principe d’universalité. Si tel est le cas, il existe une mesure bien plus efficace pour davantage de justice sociale : la suppression du quotient familial !

Voilà un avantage fiscal inégal, puisqu’il bénéficie en majorité aux plus aisés. Ainsi, pour une famille dont les parents touchent à eux deux le SMIC, le quotient familial représente un avantage de 279 euros par an et par enfant, tandis que pour une famille dont les parents perçoivent à eux deux six fois le SMIC, le quotient familial représente un avantage de 2 000 euros par an et par enfant !

Mes chers collègues du groupe UMP, vous affirmez être attachés au principe d’universalité : dans ce cas, maintenez la même allocation pour tous les enfants, mais supprimez le quotient familial, qui est par nature inégal puisqu’il profite aux familles les plus riches.

M. Francis Delattre. Nous sommes pour la fiscalisation !

M. Jean Desessard. Les écologistes sont favorables à la suppression de la modulation des allocations familiales et à celle du quotient familial. Ainsi, la même somme serait attribuée pour chaque enfant, indépendamment du milieu dans lequel celui-ci est né. Il s’agirait d’une vraie réforme de justice sociale.

En conclusion, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale comporte des avancées intéressantes dans le domaine de l’accès aux soins et de la prévention, mais il est plombé par une réduction des recettes dont la compensation est loin d’être idéale. Peut-on offrir davantage de services et créer des emplois avec moins de recettes ? Comment faire plus avec moins ?

Mme Nicole Bricq. En faisant mieux !

M. Jean Desessard. De deux choses l’une, soit cela signifie que l’on engage une vraie réforme générale, soit cela veut dire qu’auparavant on faisait mal ! Nous savons tous ce qui se cache derrière les mots : « rentabilité à l’hôpital ». Allez voir le film Hippocrate.

Mme Nicole Bricq. Je l’ai vu !

M. Jean Desessard. Ce film n’est pas extraordinaire, mais il décrit très bien la misère du secteur hospitalier.

M. Yves Daudigny. Ça reste du cinéma !

Mme Laurence Cohen. On peut aussi aller voir sur place !

M. Jean Desessard. Si votre idée est de faire mieux en faisant travailler davantage les agents, c’est que vous méconnaissez complètement le terrain. Préparez-vous à un dur retour à la réalité.

Enfin, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale comporte une mesure, la modulation des allocations familiales, qui est contraire au principe d’universalité. En l’état, le groupe écologiste du Sénat, à l’instar des députés écologistes, ne votera pas ce projet de loi de financement. (Mme Laurence Cohen applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, « notre modèle social rassemble les Français, ils nous le disent : ils tiennent à ce modèle dont la force est de s’adresser à tous, depuis la naissance jusqu’à la fin de la vie, et dont l’objectif est de soutenir davantage ceux qui en ont le plus besoin ».

Vous aurez reconnu, madame la ministre, les paroles que vous avez prononcées devant l’Assemblée nationale ; vous les avez d’ailleurs reprises tout à l’heure à cette tribune. Je les cite d’autant plus facilement que je les approuve entièrement. Elles sont dans l’esprit du programme du Conseil national de la Résistance, au nom duquel Ambroise Croizat, ministre communiste, a mis en œuvre notre protection sociale.

Je vous approuve encore lorsque vous dites que, « quels que soient les succès de notre modèle social, nous devons sans cesse l’adapter, pour faire en sorte qu’il tienne mieux ses promesses de justice, qu’il réponde aux évolutions de notre société et, bien évidemment, qu’il soit soutenable financièrement ».

Oui, les élus du groupe communiste, républicain et citoyen pensent que notre modèle social a su rester moderne et que, en effet, il doit être soutenable financièrement.

Là où je ne peux plus vous suivre, c’est dans la voie que vous empruntez pour répondre à cet impératif de soutenabilité. Vous faites le choix résolu de la réforme, dites-vous. Mais en réalité, dans la foulée de vos prédécesseurs, vous persistez à baisser les dépenses sans prévoir de nouvelles recettes.

Avec ce texte, le Gouvernement persévère dans son objectif de réduction des déficits, concrétisé par des économies de 21 milliards d’euros, dont 9,6 milliards d’euros sur le financement de la santé et la protection sociale.

En outre, ce texte concrétise une part du pacte de responsabilité et compense les 6,3 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales patronales, alors même que ces mesures n’ont jamais fait la preuve de leur efficacité.

Dans un contexte économique moribond et de croissance quasi nulle, les espoirs de générer davantage de recettes semblent s’envoler. Nous nous interrogeons sur la sincérité de vos prévisions budgétaires, qui paraissent irréalistes au regard de l’austérité que vous imposez au pays et eu égard aux récentes déclarations du ministre Michel Sapin devant la Commission européenne sur le budget de la France.

Continuer à diminuer les dépenses est pour mon groupe un non-sens et un aveuglement en considération des souffrances ressenties par nos concitoyens.

En outre, la compensation du pacte de responsabilité, qui exigera, rappelons-le, 50 milliards d’euros d’économies d’ici à 2017, est réalisée par des jeux d’écriture dans la mesure où aucune recette nouvelle n’est créée.

Cette compensation est en réalité un vaste phénomène de vases communicants entre le budget de l’État et celui de la sécurité sociale. Comme le soulignait notre ancien rapporteur général Yves Daudigny, c’est une tuyauterie complexe de transferts de financements. Quoi qu’il en soit, ces jeux d’écriture qui ne seront pas éternellement renouvelables. Tôt ou tard, vous devrez affronter la question de l’augmentation des recettes.

En l’espèce, le dogmatisme est du côté du Gouvernement. Il faut en effet être mû par une forte conviction théorique pour décider d’amplifier une politique menée depuis vingt ans de réduction du prétendu « coût du travail », alors que la pratique, les statistiques et les études empiriques montrent que celle-ci est inefficace en matière de création d’emplois et lourde de conséquences pour les comptes sociaux et publics.

Chaque année, ce sont en effet près de 30 milliards d’exonérations de cotisations sociales qui sont consenties aux employeurs, sans que ne soient jamais exigées d’eux des contreparties claires, précises et concrètes. Le fondement de ces mécanismes de réduction des cotisations sociales repose sur une approche libérale de l’économie, selon laquelle plus le prétendu coût du travail serait réduit, plus les employeurs auraient tendance à recruter.

Qui plus est, ces exonérations de cotisations sociales appauvrissent tout à la fois les comptes sociaux et les salariés, car l’effet « trappe à bas salaires », à savoir le tassement des salaires pour que les employeurs conservent le bénéfice des exonérations de cotisations sociales, est indéniable.

Très clairement, plutôt que de faire le choix de renforcer le pouvoir d’achat des salariés en augmentant les salaires, c’est-à-dire en opérant un nouveau partage des richesses entre capital et travail en faveur du travail, vous faites le choix de réduire les cotisations sociales, ce qui, mécaniquement, conduira à une hausse des taxes et impôts affectés pour compenser ces moindres recettes.

Ainsi, comme le rappelait Nicolas Sansu dans son rapport sur la proposition de loi relative à la modulation des contributions des entreprises, présentée par les parlementaires communistes, « la distorsion en faveur du capital a d’abord permis d’augmenter les dividendes versés aux actionnaires, renforçant la logique de domination de la finance sur l’économie réelle ».

Quant à ma collègue Michelle Demessine, elle dénonce dans son rapport La réalité de l’impact sur l’emploi des exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises, dont le Sénat n’a d’ailleurs pas adopté les conclusions, « la course sans fin à la baisse des salaires, qui alimente la déflation en Europe, alors que nous avons besoin de croissance et de soutien à la consommation ». Enfin, écrit-elle encore, « focalisés depuis vingt ans sur le coût du travail, les pouvoirs publics ont négligé d’autres enjeux : développement des entreprises, promotion de l’emploi et des qualifications ».

Autre point de désaccord, les compensations prévues pour pallier ces réductions de recettes se traduiront logiquement par un accroissement de la fiscalisation de notre système de protection sociale, et par une hausse soit de la CSG soit de la TVA, impôts majoritairement supportés par les ménages. Cela revient à reprendre sous forme de taxes et d’impôts affectés les exonérations de cotisations salariales consenties ! Au passage, on dissimule comment ce PLFSS organise un transfert du financement des entreprises vers les salariés eux-mêmes.

De plus, les pertes de recettes organisées au profit du patronat entraîneront mécaniquement une baisse des prestations sociales et une dégradation des services proposés à la population.

Vos décisions, madame la ministre, ne seront pas sans conséquences pour nos concitoyens, notamment pour les classes populaires. Vous exigez de leur part des efforts sans en demander en retour au patronat. Autrement dit, vous faites payer la crise à celles et ceux qui la subissent le plus.

Selon le Gouvernement, ce PLFSS facilitera l’accès aux soins, réorientera le système de santé vers la proximité et la qualité et favorisera la prévention. Dans le même temps, comme vient également de le dénoncer notre collègue Jean Desessard, vous fixez l’ONDAM à 2,1 % – soit son taux le plus bas depuis sa création –, ce qui représente 3,2 milliards d’euros d’économie pour 2015. Ce faisant, alors que vous connaissez parfaitement la situation de déficit de nombreux hôpitaux, vous accentuez les fermetures de services, les réductions de personnel et les inégalités d’accès aux soins.

De même, le virage ambulatoire que vous souhaitez prendre revêt plus une finalité d’économie que d’adaptation aux progrès de la prise en charge des patients pour certains actes. Prenez garde à la sortie de route, car ce virage nécessite préalablement de réorganiser les pratiques, de former les praticiens et de créer de nouveaux lieux d’accueil. Il faut donc rester prudent sur le montant des économies envisagées.

Il faut aussi se demander jusqu’où l’on peut réduire la durée d’hospitalisation des patients sans nuire à la qualité de la prise en charge. Là encore, les inégalités sociales et territoriales sont fortement marquées : le retour chez soi après une intervention en ambulatoire ne peut être envisagé de la même manière pour tous les patients. Il faut tenir compte du cadre de vie, de l’environnement familial ou de la situation géographique de chacun.

Au-delà de l’hôpital, les économies seront pour l’essentiel réalisées à hauteur de 1 milliard d’euros grâce à « la pertinence et le bon usage des soins ». Si nous partageons votre souci de mieux gérer le prix des médicaments et des dispositifs médicaux, et de favoriser la prescription de génériques, nous contestons le recours au concept de « pertinence » dans le domaine médical.

Selon nous, les soins sont pertinents dès qu’un professionnel de santé estime qu’ils sont nécessaires à l’établissement d’un diagnostic ou d’un traitement. Entrer dans une telle discussion entrouvre une porte au débat sur l’opportunité des soins en fonction des individus. La seule pertinence que nous acceptons, c’est celle d’une meilleure coordination et transmission des informations entre les praticiens de santé de ville et des hôpitaux, ainsi que d’une meilleure coordination pour prendre en charge les aspects administratifs des dossiers des patients.

Par ailleurs, nous sommes particulièrement préoccupés par le renforcement de l’autoritarisme des ARS, qui seront désormais les gendarmes des établissements de santé puisqu’elles détiendront le pouvoir de les sanctionner en cas de non-respect des objectifs contractuels. Cette conception des relations entre les organismes de l’État ne nous semble pas correspondre aux attentes d’un système de soins « pertinent ».

Concernant la branche famille, l’annonce par le Gouvernement de la modulation des allocations familiales en fonction des revenus est extrêmement grave à nos yeux. C’est la remise en cause de l’universalité de la protection sociale, pourtant pierre angulaire de notre système de politique familiale, issue du principe même de sécurité sociale héritée du Conseil national de la Résistance, fondée sur deux bases essentielles : la solidarité et l’universalité.

Ainsi, alors même que la fiscalité remplit un rôle de redistribution verticale, des ménages aisés vers les ménages modestes, et alors que de nombreuses prestations spécifiques visent à aider les familles qui se trouvent en situation de précarité financière, les allocations familiales jouent un rôle de redistribution horizontale en faveur des familles qui ont des enfants à charge, sans considération du milieu social dans lequel grandit un enfant ni des conditions de ressources.

Avec cette réforme, vous divisez les familles entre elles et confondez l’objectif de la politique familiale d’aide à l’enfant avec celui d’une politique sociale de redistribution des revenus.

Mme Annie David. Nous sommes, pour notre part, tout à fait favorables à l’idée de combattre les inégalités sociales par une politique fiscale juste,…

M. Jean Desessard. Suppression du quotient familial !

Mme Annie David. … passant notamment par la réintroduction de tranches fiscales, par une augmentation du SMIC et des salaires, par l’égalisation par le haut des salaires féminins et masculins et par un meilleur partage des richesses du travail.

Enfin, selon le Gouvernement, l’ambition de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est de soutenir le pouvoir d’achat des retraités les plus modestes. Or l’assurance vieillesse est fortement mise à contribution dans la réduction des déficits.

Le gel des pensions de retraite est loin d’être compensé par la prime exceptionnelle de 40 euros pour les petites retraites et la revalorisation du minimum vieillesse. Et ce, d’autant plus que la révision du calcul du taux de CSG appliqué aux revenus de remplacement imposables va entraîner l’augmentation des cotisations pour un grand nombre de retraités.

Face à ce projet que nous ne pouvons accepter, aggravé – vous l’avez vous-même souligné, madame la ministre – par la droite sénatoriale qui a introduit des mesures réduisant encore les dépenses de l’assurance maladie de 1 milliard d’euros, tendant au report de l’âge de départ à la retraite ou à l’introduction d’une journée de carence dans la fonction publique, le groupe communiste, républicain et citoyen soutient un projet alternatif visant à réaffirmer que les déficits de la sécurité sociale ne s’expliquent pas par des dépenses excessives, mais sont la conséquence d’un manque à gagner considérable du côté des recettes. Ce projet redonne tout son sens à notre système de protection sociale et mérite que vous en preniez connaissance, madame la ministre.

Au cours du débat, nous vous proposerons de créer de nouvelles recettes à partir de deux leviers : d’une part, en alignant la contribution des revenus financiers sur ceux du travail ; d’autre part, en instaurant une modulation des cotisations sociales employeurs en fonction des politiques salariales et d’emplois.

Au-delà de ces nouvelles recettes, nous vous proposerons également de récupérer le manque à gagner des fraudes aux cotisations sociales des employeurs.

Enfin, nous proposerons de mettre en place un véritable plan d’investissement pluriannuel pour la santé publique, afin de répondre aux enjeux de prévention et d’accès aux soins.

Tout d’abord, nous proposons de réformer notre assiette de cotisations sociales en alignant les revenus financiers sur les taux actuels des cotisations sociales « employeur » de chaque branche de la sécurité sociale. Nous pourrions ainsi générer 87,45 milliards d’euros de recettes supplémentaires – soit 42,75 milliards d’euros pour la branche maladie, 27,08 milliards d’euros pour la branche vieillesse et 17,62 milliards d’euros pour la branche famille. En rendant moins incitatifs les revenus financiers, cette cotisation sociale additionnelle permettrait d’engager le combat contre la spéculation et pousserait la réorientation de l’activité économique vers la production de richesses réelles.

Ensuite, parallèlement, nous proposerons d’instaurer un dispositif de modulation des cotisations sociales patronales en fonction de règles simples : plus les entreprises sont vertueuses, moins leur part de cotisations sociales est élevée.

Je tiens à rappeler que le coût du capital imposé aux entreprises et à leurs salariés représentait en 2012 pas moins de 299 milliards d’euros, plus de deux fois ce qu’elles ont acquitté au titre des cotisations patronales. En 2013, les distributions de dividendes des entreprises du CAC 40 se sont établies à 31 milliards d’euros, faisant de la France la championne d’Europe des dividendes versés aux actionnaires. En l’occurrence, on peut parler du coût du capital !

Votre gouvernement souhaite introduire la modulation dans le système de sécurité sociale. Je vous en propose là une autre application : modulons les cotisations sociales des entreprises en fonction de leur revenu et préservons l’universalité des prestations familiales !

À ces nouvelles recettes doivent s’ajouter les actuelles qui ne sont pas perçues – et je fais ici référence aux fraudes aux cotisations employeurs. La Cour des comptes a estimé leur montant entre 20 et 25 milliards d’euros. Certains contestent ces chiffres, mais vous prévoyez de n’en récupérer que 76 millions. Pourquoi si peu ? La lutte contre les fraudes devrait être une priorité plutôt que d’étendre les exonérations aux entreprises. Encore faut-il permettre aux agents chargés du contrôle des cotisations de faire leur travail, et non réduire leurs effectifs.

Enfin, nous demandons la mise en place d’un plan pluriannuel d’investissement dans la santé publique. Les mesures proposées d’extension de l’ACS, d’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, d’amélioration du dépistage du VIH, de prévention ou d’accès à la vaccination vont certes dans le bon sens, mais sont loin d’être suffisantes. Elles sont, hélas, trop rares pour justifier une véritable politique de réduction des inégalités d’accès aux soins. Elles auraient dû s’accompagner d’une politique plus ambitieuse, faisant le choix de la suppression des franchises médicales, de l’interdiction des dépassements d’honoraires, de la généralisation du tiers payant, de l’accroissement de la part de remboursement par l’assurance maladie, qui constituent autant d’obstacles dans l’accès aux soins.

Cette politique ambitieuse vous permettrait de développer massivement les places et les structures d’accueil des jeunes enfants au sein d’un service public de la petite enfance. Elle vous permettrait également de veiller à la qualité de l’organisation et de l’offre de soins hospitaliers, et à tarifs opposables sur tout le territoire. C’est le sens du projet alternatif que nous défendons, un projet ambitieux de justice sociale, redonnant toute sa force à notre système de protection sociale imaginé et mis en œuvre au sortir de la guerre.

En cela, nous ne sommes pas opposés au changement. Celui-ci ne nous fait pas peur et nous ne souhaitons pas condamner notre modèle social en le maintenant dans les ornières de l’immobilisme. Bien au contraire, nous voulons lui rendre son éclat, l’éclat d’un « plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État. » Vous aurez reconnu, mes chers collègues, un alinéa du programme du Conseil national de la Résistance. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC – M. Jean Desessard applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel.

Mme Françoise Gatel. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, je suis honorée que ma première intervention dans cet hémicycle porte sur un texte aussi important que le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cependant, mon enthousiasme est largement tempéré par les constats qui s’imposent.

Avant toute chose, je tiens à remercier notre président et nos rapporteurs pour l’excellence de leur travail. Au nom du groupe UDI-UC, je me concentrerai sur les équilibres généraux du texte et les perspectives qu’il ouvre. Puis, ma collègue Élisabeth Doineau présentera la position de notre groupe sur les différentes mesures.

En ce qui concerne les soldes consolidés, le moins que l’on puisse dire est qu’ils sont inquiétants, car ce projet de loi confirme l’enrayement de la dynamique de réduction des déficits sociaux.

Depuis 2008, d’importants efforts ont été consentis pour les résorber. Toutefois, ils représentent encore un montant vertigineux de plus de 15 milliards d’euros.

Surtout, depuis 2013, la dynamique vertueuse s’est essoufflée, puisque la résorption du déficit a quasiment stagné entre 2013 et 2014. Il risque fort d’en être de même entre 2014 et 2015 au vu des hypothèses macroéconomiques optimistes retenues.

Le Gouvernement mise sur une croissance de 1 % du PIB et de 2 % de la masse salariale en 2015 alors que celle-ci a été de 1,6 % en 2014. Chacun le sait, la masse salariale est une variable-clé, car c’est sur elle que sont assises les cotisations sociales qui représentent encore plus des deux tiers du financement de la protection sociale.

Une véritable incertitude plane donc sur les recettes de la sécurité sociale.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne prévoit pas d’augmentation de recettes. La recherche de l’équilibre passe uniquement par des diminutions de dépenses. Cela mérite d’être salué, à condition que ces diminutions soient réellement au rendez-vous, ce qui, hélas ! ne semble pas être le cas.

Toute la stratégie budgétaire du Gouvernement repose sur une réduction de dépenses de 9,6 milliards d’euros pour la protection sociale dès 2015. Or M. le rapporteur général l’a très bien exposé, le présent projet de loi ne permet de retracer qu’une partie de cette somme.

Madame la ministre, où sont donc passés les milliards d’euros manquants ? Cette question n’a pas reçu de réponse à l’Assemblée nationale. Je ne doute pas que vous aurez à cœur de nous en donner une au Sénat.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale présente donc des recettes incertaines et un plan d’économies incomplet : autant dire que des doutes s’imposent sur sa sincérité et sa contribution au retour à l’équilibre des comptes sociaux.

Certes, la situation est difficile. Le remède ne peut être un claquement de doigts. La gravité de la situation impose à tous courage et lucidité, qualités dont ce texte ne peut se prévaloir. En effet, il faut avouer, pour utiliser une métaphore maritime d’actualité avec l’arrivée de la Route du Rhum, qu’avec ce projet de loi financement de la sécurité sociale, vous écopez, vous colmatez, mais le navire poursuit sa dérive. Il faut le renflouer durablement et retrouver le cap de l’équilibre ! La navigation à vue n’a jamais constitué une politique.

Ce projet délaisse les sujets majeurs qui inquiètent profondément les élus locaux et nos concitoyens – les déserts médicaux, la permanence des soins. Il fragilise la politique familiale, véritable réussite de notre pays qui a permis une démographie dynamique, un taux d’emploi significatif des femmes.

Il l’affaiblit par la réforme du congé parental, décidée sous le prétexte fallacieux de l’égalité entre les femmes et les hommes. Or cette réforme retirera la liberté aux familles, et ignore la réalité et la diversité de la vie professionnelle.

Il la fragilise de façon inéquitable par la réforme des allocations familiales alors qu’il existe dans la fonction publique un supplément familial dont la modulation n’a jamais été évoquée.

Vous n’affrontez pas les vrais gisements équitables d’économie, comme le rétablissement du jour de carence dans la fonction publique.

Vous éludez le lancinant problème du financement des retraites, première dépense sociale de notre pays, largement évoqué par M. le rapporteur Gérard Roche.

Vous annoncez, et en soi c’est une bonne nouvelle, la création de places de crèches supplémentaires alors que nos collectivités locales, soumises à une véritable disette budgétaire, ne pourront assurer leur part du coût de fonctionnement de ces structures.

Pour conclure, l’objectif de retour à l’équilibre des comptes sociaux semble renvoyé sine die. Nous aurions souhaité, parce que l’état du pays le nécessite, plus de réalisme, de courage et d’ambition. Nous ne pouvons que constater, avec regret, que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est incertain et reste, sur de nombreux points, comme l’a souligné M. le rapporteur général, très en deçà des mesures qu’exige la gravité de la situation.

En ce sens, je ne peux que souhaiter, madame la ministre, une écoute extrêmement attentive de votre part aux amendements que présenteront la commission et les membres du groupe UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.

M. Jean-Noël Cardoux. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pardonnez-moi, une fois n’est pas coutume, de commencer mon intervention en vous livrant quelques chiffres, mais ils sont édifiants et viendront compléter les propos des précédents orateurs.

Le déficit cumulé de trésorerie de l’ACOSS en 2014 était de 33 milliards d’euros. En outre, le bilan provisoire au cours de cette année fait état d’une évolution de la masse salariale de 1,6 % alors que les prévisions étaient de 2,2 %, et des encaissements en recul de 2,9 milliards d’euros.

Le déficit global de la sécurité sociale en 2014 sera de 15,4 milliards d’euros, alors que le chiffre annoncé dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 était de 10 milliards d’euros. Pour 2015, les prévisions sont de 13,4 milliards d’euros, avec un retour à l’équilibre en 2019, deux ans après l’échéance de l’actuel mandat présidentiel. Chacun appréciera…

La croissance prévue pour 2014 était de 0,8 % : elle sera de 0,4 %. Pour 2015, la croissance annoncée est de 1 %, chiffre jugé largement irréaliste par le Haut Conseil des finances publiques.

L’ONDAM affichera un taux de progression de 2,1 %, sans véritable réforme de fond – j’y reviendrai – ; par conséquent, ce chiffre sera probablement dépassé.

J’ajoute, et je ne partage pas du tout l’optimisme du Gouvernement, que la généralisation programmée du tiers payant entraînera nécessairement le développement de ce qu’il convient malheureusement de qualifier d’assistanat, avec un effet direct sur les dépenses de la sécurité sociale.

Comme l’a justement souligné M. le rapporteur général dans son propos, que se passera-t-il si les taux d’intérêt, particulièrement bas en ce moment, remontent significativement ? Récemment, cela n’a échappé à personne, la Réserve fédérale américaine, la FED, a décidé de stopper ses perfusions financières dans l’économie des États-Unis, tout simplement parce que la croissance est revenue – elle est de 3 % ! Dans ces conditions, on peut prévoir une augmentation des taux américains au cours du premier semestre de 2015, ce qui, mécaniquement, conduira probablement à une remontée des taux européens. Je crains alors que notre système n’explose !

Notons-le au passage, comme l’a indiqué le directeur de l’ACOSS dans son rapport annuel, l’Agence finance son déficit à un taux extrêmement bas de 0,1 %, alors qu’en 2008, au plus fort de la crise, elle empruntait à 4,50 %, ce qui engendrait 800 millions d’euros d’intérêts annuels. La charge annuelle n’est donc plus que de 25 millions d’euros.

Ces chiffres devraient nous permettre de relativiser ce que nous entendons depuis quelques années sur l’héritage : l’année 2008 a été exceptionnelle, car elle a marqué le début de la crise économique mondiale qui a laissé des traces. La plupart des pays européens se sont redressés, mais pas le nôtre.

Je tiens également à signaler que les dépenses publiques de notre pays représentent actuellement 57 % du PIB, classant la France au deuxième rang des pays industrialisés en Europe, le premier étant, me semble-t-il, la Finlande.

Si ce scénario catastrophe devait se produire, malheureusement, M. Daudigny y a fait référence tout à l’heure, je ne vois pas comment nous pourrions échapper à un nouveau transfert de la dette sociale vers la CADES, avec les problèmes que cela poserait. Espérons que les taux demeurent bas, mais j’avoue ne pas trop y croire…

Devant un tel constat pour le moins inquiétant, le Gouvernement fait des efforts dans la bonne direction, mais sans réelle vision d’avenir.

Nous n’avons trouvé aucune mesure volontariste, aucune réforme structurelle dans ce projet, mais uniquement ce que je qualifierai d’« ajustement », un peu comme un boutiquier, un petit commerçant en fin de carrière – pardonnez-moi cette comparaison un peu prosaïque – cherchant à vendre son fonds de commerce, procédant à du colmatage et vivant d’expédients jusqu’à son départ, en laissant le soin à son successeur d’effectuer les réformes de fond ! (M. Jean Desessard s’exclame.)

Je vous donnerai le détail de ces mesures « à la petite semaine » qui, une fois de plus, auront un effet – j’insiste sur ce point – sur les revenus des classes moyennes : augmentation de la CSG sur les revenus de remplacement, pour les retraités moyens, en vertu de l’article 7 ; encadrement des assiettes forfaitaires ; assujettissement des rémunérations des personnes chargées d’un service public ; forfaitisation du capital décès ; anticipation du versement des cotisations des caisses de congés payés. Avec cette dernière mesure, nous sommes là au cœur de cette politique de boutiquier. Ce coup, vous le ferez une fois, ce qui rapportera 1,5 milliard d’euros de trésorerie – ce n’est pas négligeable –, mais vous ne le referez pas l’année prochaine ! C’est l’exemple même de ces petits colmatages de brèches, sans véritable réforme de fond.

Citons encore le décalage des allocations de naissance et, bien entendu, la modulation des allocations familiales en fonction du revenu, battant en brèche l’universalité du système, ce que Caroline Cayeux et certains orateurs précédents ont dénoncé. Il s’agit d’une nouvelle attaque en règle contre la famille – nous y sommes habitués depuis quelques années –, ce qui ouvre la porte à toutes les dérives concernant d’autres catégories de prestations – nous l’avons aussi souligné.

Monsieur Desessard, je suis d’accord avec vous. Il convenait de maintenir l’universalité du système et c’est en amont qu’il aurait fallu résoudre le problème, en décidant le prélèvement de sommes supplémentaires sur les revenus aisés. Néanmoins, nous estimons, et c’est là que nous divergeons totalement, que ces fameux revenus moyens ou aisés ont suffisamment été taxés depuis quelques années et ne doivent pas de nouveau être mis à contribution.

Signalons aussi la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, sur trois ans avec le transfert sur le budget général de la sécurité sociale, ce qui représentait tout de même 2,5 milliards d’euros de ressources pour le régime social des indépendants, le RSI, et 2,5 milliards d’euros pour le Fonds de solidarité vieillesse.

Toutes ces mesures « à la petite semaine » doivent permettre de faire des économies et d’atteindre l’objectif de 2,1 % de progression de l’ONDAM. Comme l’a souligné M. le président de la commission des affaires sociales, c’est un objectif sans déremboursement ni franchise.

Nous ne le répéterons jamais assez, ce sont les classes moyennes qui, encore une fois, vont être touchées, d’autant que le risque d’augmentation des taux d’intérêt en filigrane constituerait une véritable bombe à retardement !

Devant ce constat, des réformes de fond sont nécessaires.

Mme Michelle Meunier. Lesquelles ?

M. Jean-Noël Cardoux. Il ne suffit pas de critiquer, il convient aussi d’apporter des solutions.

Nous proposerons l’instauration de jours de carence comme dans la fonction publique hospitalière au niveau du secteur privé, ce qui rapporterait tout de même 65 millions d’euros.

Par ailleurs, nous prévoyons la participation des salariés à une journée nationale. Toutefois, comme l’a souligné M. le président de la commission, nous ne pouvons pas proposer d’amendement à ce sujet, car la complexité de notre régime social et de notre droit du travail est telle qu’une mesure de ce type nécessite en amont des consultations des partenaires sociaux. Cela étant, cette disposition figurera dans une proposition de loi que nous élaborerons et qui instaurera d’une autre journée de solidarité baptisée CEFSS, contribution à l’équilibre financier de la sécurité sociale.

Notre objectif est bien évidemment d’éviter de charger encore les entreprises, car certaines d’entre elles, les plus importantes, ont accepté de prendre en charge la première journée de solidarité à travers la cotisation de 0,3 %. Nous souhaiterions plutôt que les salariés abandonnent un jour de RTT, car ils en ont suffisamment à leur disposition. De surcroît, l’état financier dans lequel se trouve notre pays pourrait inciter toutes les personnes concernées à accepter ce petit effort supplémentaire, à condition qu’on les informe sur la destination de ces fonds. Ne l’oublions pas, cette recette atteindrait environ 2 milliards à 2,5 milliards d’euros par an.

D’autres mesures peuvent être envisagées ; je les mentionne, même si elles relèvent du projet de loi de finances.

On pourrait, dans un premier temps, instituer une franchise de 50 euros au titre de l’aide médicale d’État, l’AME. Rappelons que le précédent gouvernement avait instauré une telle franchise, d’un montant de 30 euros, et que l’actuelle majorité l’a supprimée. Il conviendrait en outre de réfléchir, à terme, à une suppression totale de ce dispositif, sans abandonner l’objectif sanitaire visé. En effet, le coût de l’AME, dont nous connaissons les dérives, est tout de même estimé à 800 millions d’euros pour 2015.

Par ailleurs, il faut étendre au secteur public le dispositif du jour de carence appliqué dans le secteur privé. Cette mesure, qui relève de la simple équité, permettrait de dégager 200 millions d’euros par an.

Enfin, il faut agir beaucoup plus fortement que ne l’envisage le Gouvernement sur la pertinence des soins, pour éviter les actes inutiles. Alain Milon a insisté sur cet enjeu.

Je mentionnerai trois autres sujets sensibles, qu’il ne faut pas occulter et dont, sauf erreur de ma part, aucun orateur n’a fait état jusqu’à présent.

Le premier est le fameux supplément familial de traitement, le SFT. En 2012, cette charge a représenté 2,3 milliards d’euros. Si une prestation est inéquitable, c’est bien celle-là ! (M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales acquiesce.) Calculée en fonction des enfants, elle croît avec les revenus. Elle ne bénéficie qu’à la fonction publique…

M. Yves Daudigny. Parlons du traitement global !

M. Jean-Noël Cardoux. … et se cumule avec les allocations familiales, que le Gouvernement veut précisément moduler pour les ménages les plus aisés !

Je précise à cet égard que, pour un couple comptant quatre enfants et percevant 8 000 euros de revenus mensuels, la perte suscitée par cette réforme s’élèverait à 8 000 euros, ce qui représente un mois complet de salaire. Il faudra bien que l’on parle un jour ou l’autre du supplément familial de traitement et que l’on trouve des solutions.

Le deuxième sujet que je veux aborder est le coût des agences satellites de l’État dans les domaines sanitaire et médico-social.

Mes chers collègues, il s’agit là d’un authentique serpent de mer. De nombreux rapports ont déjà préconisé de réduire le nombre de ces agences. Comme beaucoup d’études similaires, ils n’ont pas été suivis d’effet. À cet égard, il faut garder à l’esprit quelques chiffres synthétiques. En appliquant des critères extrêmement restrictifs, on a dénombré une quinzaine d’agences dans les seuls domaines sanitaire et médico-social. En 2013, ces structures employaient près de 30 000 personnes – 29 045, pour être tout à fait précis – et leurs budgets de fonctionnement cumulés s’élevaient à 3,5 milliards d’euros.

Certes, le Gouvernement a amorcé une première refonte de ces agences : à la suite d’un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, trois d’entre elles, qui faisaient doublon, vont être fusionnées.

Toutefois, il reste beaucoup à faire ! Prenons par exemple la Haute Autorité de santé, ou HAS, l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux, l’ANAP, et l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux, l’ANESM. Ces trois structures disposent de compétences tout à fait voisines. Elles mériteraient, elles aussi, que l’on analyse de manière un tant soit peu approfondie les économies qu’engendrerait leur restructuration, leur fusion, voire leur suppression. En effet, je ne suis pas certain que toutes soient réellement utiles.

Troisièmement – Alain Milon a évoqué, il y a quelques instants, l’injustice découlant d’un financement exclusif de la politique familiale par les salaires –, il faut instituer la fameuse TVA anti-délocalisation.

M. le secrétaire d'État chargé du budget a avancé au début de la discussion générale que cette mesure était antisociale, étant donné qu’elle touchait les faibles revenus. Or c’est faux ! Comme chacun sait, dans le projet élaboré par le précédent gouvernement, seule la TVA au taux normal était fléchée. Les TVA à taux réduit, qui frappent les biens de première nécessité, partant les plus démunis, n’étaient pas visées.

Il est même nécessaire d’aller plus loin encore dans ce sens : nous l’avons dit et répété, il faut élaborer des mécanismes pour que les biens de première nécessité restent, à l’avenir, taxés au même niveau qu’aujourd’hui, voire pour que leur taxation diminue.

Parallèlement, il convient d’augmenter légèrement la TVA à taux moyen et de fixer un taux de TVA majoré frappant un certain nombre de produits haut de gamme, qui sont souvent importés. M. Desessard ne me contredira pas si je cite les gros véhicules ou les 4x4, qui polluent et émettent tant de gaz à effet de serre. (M. Jean Desessard sourit.) Ce levier nous permettrait de dégager des recettes considérables et, parallèlement, de supprimer l’imposition des salaires destinée au financement de la politique familiale. Rien ne justifie en effet que les entreprises financent seules cette politique.

Enfin, M. Roche l’a souligné, il faudra bien réformer le régime des retraites. Le report de l’âge de départ à la retraite est incontournable. L’alignement des régimes du privé et du public est fréquemment évoqué, et il faudra bien le mettre en œuvre.

Au surplus, il faudra rouvrir le débat de fond sur la retraite par points. Chacun s’accorde à dire que cette réforme serait très bonne, mais personne n’a voulu pousser le raisonnement à son terme et l’appliquer. Un tel système est déjà en vigueur pour les retraites complémentaires et il est plus juste que le dispositif actuel.

Qui plus est – nous l’avons déjà souligné –, un dispositif de retraites par points, bien aménagé, aurait le mérite de nous débarrasser de ce serpent de mer qu’est devenu le compte pénibilité. C’est, là aussi, une réforme structurelle à laquelle il faut s’attacher.

Mes chers collègues, on pourrait encore parler longuement de ces divers sujets…

M. Jean Desessard. Certes, pendant trois minutes trente-six ! (Sourires.)

M. Jean-Noël Cardoux. Cela étant, les précédents intervenants du groupe auquel j’appartiens ont tous exposé des objectifs tout à fait cohérents et opérationnels. Pour ma part, je me suis borné à résumer l’ensemble des solutions avancées, en apportant au débat quelques idées supplémentaires. Toutes les pistes que les différents orateurs de la majorité sénatoriale ont présentées constituent la trame de véritables réformes structurelles.

Nos compatriotes sont conscients de la situation dans laquelle se trouve notre pays. Je l’ai déjà dit, ils sont prêts à affronter tous les chantiers que nous leur proposerons d’ouvrir, à condition que nous conduisions ces derniers de manière exemplaire et, surtout, que les efforts soient équitablement répartis, ce qui n’est pas le cas actuellement.

Je conclurai par une phrase lapidaire qui, à mon sens, traduit la pensée de nombreux membres de la majorité sénatoriale : le temps des expédients et des mesures « sparadrap » est révolu, celui du volontarisme et du courage est arrivé ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)

Mme Caroline Cayeux, rapporteur pour la famille. Bravo !

(M. Jean-Pierre Caffet remplace Mme Isabelle Debré au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet

vice-président

M. le président. La parole est à Mme Elisabeth Doineau.

Mme Elisabeth Doineau. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, si l’enthousiasme de notre collègue Françoise Gatel a été tempéré par le manque de fiabilité des équilibres budgétaires, peut-on trouver dans les pistes tracées par le Gouvernement des raisons de se réjouir ?

Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale a des résonances très concrètes dans la vie des Français. Ces derniers sont attachés à leur modèle social, mais ils savent également que la fuite en avant n’est plus possible.

Notre sentiment général est le suivant : certaines mesures proposées vont dans le bon sens. Las, une fois de plus, les réformes structurelles qui s’imposent sont ajournées. Ce constat se vérifie, hélas, pour chacune des branches, à commencer par l’assurance maladie.

Certes, nous ne pouvons que souscrire à l’extension du tiers payant intégral aux bénéficiaires de l’assurance complémentaire santé. C’est une mesure de solidarité que nous soutenons. Cependant – c’est une évidence –, pour garantir la solidarité, il faut également parvenir à réduire les dépenses sans altérer la qualité des soins.

C’est dans cette perspective que le Gouvernement souhaite accentuer le « virage ambulatoire », en accroissant le nombre de retours à domicile le jour même des interventions chirurgicales et en accélérant la mise en œuvre des programmes de retour à domicile déjà existants, comme pour les sorties de maternité. Pourquoi pas ? Deux questions méritent toutefois d’être posées de prime abord.

Premièrement, sommes-nous sûrs que les solutions envisagées ne dégraderont pas la qualité des soins ? Aujourd’hui, nous n’avons aucune garantie. J’admets que l’accentuation du « virage ambulatoire » est digne d’intérêt, tant on connaît les contraintes en termes de places et de personnels dans les hôpitaux. Néanmoins, qu’en est-il de la sécurisation de la sortie du patient ?

Deuxièmement, le gain escompté est-il à la mesure des enjeux ? À l’évidence, tel n’est pas encore le cas. M. le rapporteur général, Jean-Marie Vanlerenberghe, l’a clairement exposé : selon une étude de la Fédération hospitalière de France, la FHF, reprise dans le rapport de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale – la MECSS – sur le financement des établissements de santé, quelque 28 % des actes médicaux sont inutiles ou redondants. Ces actes superflus représentent un gaspillage de 30 milliards d’euros, un montant nettement supérieur au milliard espéré de la chasse aux soins et prescriptions inutiles qui est menée au travers du présent texte.

Comment expliquer un tel décalage ? Certes, ces 30 milliards d’euros ne sont en aucun cas une fin en soi et ne seront probablement jamais atteignables. Néanmoins, un tel constat prouve bien qu’il existe un gisement d’économies à réaliser.

C’est la même interrogation qui, au total, s’impose en matière de médicaments. Le Gouvernement entend accroître l’effort accompli pour réduire le prix de ces derniers et développer les génériques.

Sur le principe, nous ne pouvons qu’être favorables à cette initiative, car les génériques permettent de réduire significativement le coût des traitements pour les patients. Toutefois, si l’on pose à ce domaine comme au précédent la question de la qualité, on doit admettre que certaines molécules ne sont pas substituables. Aussi le système mis en place en la matière est-il d’une complexité kafkaïenne.

En effet, le médecin doit systématiquement spécifier par écrit sur l’ordonnance les princeps n’étant pas substituables pour permettre au patient de bénéficier du tiers payant, puisque la règle qui prévaut aujourd’hui est celle du « tiers payant contre générique ». Cette procédure est particulièrement contraignante pour les traitements de longue durée.

On nous parle sans cesse du choc de simplification. Ce dernier n’est visiblement pas à l’œuvre pour les médicaments génériques, et l’on ne peut que le déplorer pour le patient.

Plus fondamentalement, l’incitation toujours croissante au recours aux génériques ne risque-t-elle pas de devenir une fin en soi, au détriment de la santé du patient ? Qu’adviendra-t-il quand le pharmacien préfèrera fournir un générique afin de respecter les quotas, alors que ce médicament est moins performant qu’un princeps ou mal adapté à la pathologie du patient ?

Ces questions relatives à la qualité étant posées, interrogeons les gains attendus des mesures avancées, qui, eux aussi, sont incertains.

Est-on sûr de pouvoir dégager un milliard d’euros d’économies, alors que ce plan de développement des médicaments génériques est le énième d’une longue série ? Quelles garanties avons-nous que ces actions iront plus loin que les précédentes ? Dans l’ensemble, l’impression qui se dégage est celle d’un bégaiement législatif.

Je rappelle que les principales mesures du PLFSS pour 2014 visaient déjà à favoriser le développement de la chirurgie ambulatoire, à baisser les prix des médicaments et à promouvoir l’usage des génériques. Ces actions ont-elles donné des résultats ? N’y aurait-il pas d’autres pistes d’avenir ? À nos yeux, la réponse est oui. Il existe en effet des solutions véritablement innovantes.

Je pense à la totale fragmentation du médicament, déjà adoptée par de nombreux pays européens. Je pense à l’essor de la médecine génomique, qui nous permettrait de passer dans les faits d’une logique de réparation à une logique de prévention. Je pense, enfin, à une réforme structurelle de l’exercice libéral de la médecine.

Mes chers collègues, on accable l’hôpital de tous les maux, on l’accuse de tous les déficits, alors que, en réalité, il représente moins de la moitié de la consommation des soins et biens médicaux et seulement le tiers des dépenses globales de santé. En réalité, l’heure n’est pas à la remise en cause des hôpitaux, même s’il reste beaucoup à faire sur ce front. Pourquoi ne pas rétablir le jour de carence ? Selon la Fédération hospitalière de France, on économiserait ainsi jusqu’à 75 millions d’euros.

Beaucoup plus sûrement, l’heure est à la remise à plat du système de médecine libérale. Je rappelle que les médecins libéraux ont une mission de service public à assumer. Or de plus en plus de territoires sont confrontés à la désertification médicale. Le rapport d’information qu’Hervé Maurey a consacré à ce sujet est remarquable, et je vous invite, mes chers collègues, à le relire.

Faisant leurs les conclusions de ces travaux, les membres du groupe UDI-UC souhaitent étendre aux médecins le conventionnement sélectif, qui existe déjà pour les principales autres professions de santé, en fonction de la nature des zones d’installation, selon qu’elles sont surdotées ou sous-dotées. Il s’agirait d’une véritable réforme de structure.

A contrario, l’article 38 du présent PLFSS n’a qu’une portée incitative. Aussi, je crains que, comme ceux qui l’ont précédé, le dispositif qu’il contient ne se révèle inefficace. J’ajoute que les représentants des infirmiers, tout comme ceux des masseurs-kinésithérapeutes, auditionnés lors de l’élaboration du rapport sur la désertification médicale, se déclarent satisfaits du dispositif de régulation par le conventionnement sélectif. En quelques années, ce système a prouvé son efficacité pour réduire les écarts de densité.

Je ne dirai qu’un mot du secteur médico-social : le flou entretenu au sujet du calendrier du projet de loi relatif au vieillissement n’est-il pas en décalage avec les besoins criants qu’éprouvent de nombreux EHPAD sur notre territoire ?

Au sujet de la branche vieillesse, nous ne pouvons que souscrire aux mesures de solidarité proposées.

Je songe tout d’abord au versement d’une prime – son montant est si modeste que je peine à le rappeler : 40 euros – aux retraités percevant moins de 1 200 euros bruts par mois, soit 6,5 millions de Français et 42 % des pensionnés. De même, le relèvement de l’allocation de solidarité aux personnes âgées de 792 euros à 800 euros par mois pour une personne seule reçoit notre soutien, tout comme, enfin, le passage au taux réduit de CSG des retraites les plus modestes.

Toutefois, au-delà de ces avancées sociales, se pose la question de la pérennité et de l’avenir de notre système de retraite. En effet, la branche devrait être à l’équilibre à l’horizon 2017, mais cette joie sera de courte durée, puisque le déficit devrait repartir dès l’année suivante, pour atteindre 1,6 milliard d’euros…

Face à ce constat, le groupe UDI-UC propose de fixer un calendrier pour la mise en œuvre d’une réforme systémique des retraites visant à établir un régime universel par points, ou en comptes notionnels, à partir du premier semestre de 2018.

Le Sénat avait déjà fait adopter le principe de ce système lors de l’examen de la réforme de 2013. Il pourrait s’appuyer sur le septième rapport du Conseil d’orientation des retraites du 27 janvier 2010, qui en détaille les options et les modalités techniques. Cette évolution serait bien sûr précédée d’une conférence sociale et d’un débat national, afin que partenaires sociaux et société civile y soient pleinement associés. Je le rappelle, le régime par point est un système universel qui garantit l’équilibre financier des retraites et assure l’équité, la transparence et la justice pour tous.

Enfin, faute d’avoir fait tout le reste, le Gouvernement décide de s’attaquer à la seule politique qui fait l’unanimité en France et que l’on nous envie dans le monde entier : la politique familiale. L’Assemblée nationale a voté la modulation des allocations en fonction du revenu. Je vous propose, mes chers collègues, de revenir sur cette mesure et de réaffirmer l’universalité et l’uniformité des allocations.

Mme Caroline Cayeux, rapporteur pour la famille. Très bien !

Mme Elisabeth Doineau. C’est une question de principe : quelle société voulons-nous ? Où s’arrêtera la logique qui sous-tend la fin de l’uniformité ? À l’avenir, quid de la santé et de l’éducation, par exemple ? Puisque la modulation des allocations est justifiée par un souci d’équité, pourquoi ne pas les faire entrer plutôt dans l’assiette de l’impôt sur le revenu ? Ne serait-ce pas à la fois plus pertinent et plus équitable ? À tout le moins, c’est une piste que nous vous invitons à envisager.

En réalité, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, comme l’était déjà le projet de loi de financement rectificative de juillet dernier, n’est qu’une « grande illusion ». Les hypothèses de croissance du PIB et de la masse salariale adoptées par le Gouvernement, respectivement 1 % et 2 % en 2015, sont très, voire trop, optimistes. La seconde variable est essentielle, dans la mesure où les cotisations sociales, qui représentent encore plus des deux tiers du financement de la protection sociale, sont assises sur la masse salariale.

Or la Commission européenne juge ces prévisions irréalistes et considère que la France ne tiendra pas ses objectifs budgétaires l’an prochain. Le Gouvernement peine à définir précisément où, par quels moyens et à quel niveau se feront les économies. Pour résumer, les économies en dépenses sont souvent incertaines et les prévisions de recettes devront être sévèrement révisées.

À l’instar de la loi de financement rectificatif de la sécurité sociale de juillet dernier, ce texte semble n’avoir d’autre vocation que l’affichage, et se limite à un grand numéro d’illusionnisme. Plutôt que de chercher à imiter Harry Houdini, mes chers collègues, je vous propose de choisir comme modèle son contemporain, le sénateur Georges Clemenceau, et de devenir ainsi de courageux réformateurs. À défaut, les réformes de structure devront une nouvelle fois attendre ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous voici réunis pour un moment traditionnel, non pas tant parce que ce rendez-vous est prévu par notre Constitution depuis 1996 que parce qu’il nous revient de constater, à nouveau, un certain nombre de déséquilibres budgétaires et financiers, s’agissant du financement de notre protection sociale.

À cet égard, les alternances, reconnaissons-le, n’ont pas empêché une certaine continuité, qui doit naturellement nous inciter collectivement à l’humilité.

Si la précédente majorité avait engagé certaines réformes structurelles, par exemple celle des retraites, les copies présentées chaque année par les gouvernements qui se sont succédé depuis 2012 en ont malheureusement manqué. Seules des recettes supplémentaires prises sur les ménages et sur les acteurs économiques ont permis d’atténuer un peu, trop peu, les déficits.

Ce n’est pas moi qui le déclare ex cathedra, mais le Premier président de la Cour des comptes, qui souligne dans le rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale que « en 2013, la réduction du déficit de la sécurité sociale […] a été plus lente que prévu ». Il précise que, à la différence de la période 2008-2012, « la dégradation de la conjoncture économique n’en est pas la cause principale : la majeure partie du déficit du régime général et du fonds de solidarité vieillesse est structurelle ».

Madame la ministre, vous parlez d’« économies de posture » pour qualifier les résultats du travail de notre commission. C'est d’autant plus dur que votre projet est plein d’économies en trompe l’œil !

Vous vous êtes assigné un objectif de 9,6 milliards d’euros d’économies, mais, lorsque l’on entre dans le détail, force est de constater que le volontarisme affiché relève de la méthode Coué.

En effet, les économies évoquées, tout d'abord, apparaissent très aléatoires, avec le risque que le compte n’y soit pas en exécution. Les 3,2 milliards d’euros de dépenses sous ONDAM ne sont pas tant des économies que de moindres augmentations ou des dépenses évitées. La Cour des comptes, dans le même rapport, nous appelle d'ailleurs à ne pas les qualifier improprement de « mesures d’économies ».

Les économies réelles, ensuite, ne sont pas tant le fruit de vos décisions que la conséquence de celles d’autres acteurs, en particulier les partenaires sociaux, la nouvelle convention d’assurance chômage ou l’accord sur les retraites complémentaires générant 2 milliards d’euros d’économies.

Au total, notre rapporteur général l’a noté, quelque 3 milliards d’euros d’économies risquent de faire défaut.

L’absence de mesures structurelles apparaît également dans la compensation du pacte de responsabilité. Madame la ministre, vous devez prendre les mesures afférentes, et une grande part de ces compensations – à peu près 25 % – repose sur une ponction de 1,5 milliard d’euros sur la trésorerie des caisses de congés payés, en passant au prélèvement à la source. Vous voilà donc réduits à jouer avec des symboles pourtant issus du Front populaire,…

M. Jean-Baptiste Lemoyne. … permettant la portabilité des droits à congés dans des professions comme le BTP. Léon Blum, là où il nous regarde, doit en être retourné !

Il s’agit là, typiquement, d’une mesure à un coup, loin de la fiscalité anti-délocalisation que la précédente majorité nationale avait fait adopter, comme le rappelait Jean-Noël Cardoux, et dont on a pu mesurer les effets bénéfiques dans d’autres pays. Le président Milon l’affirmait : il est urgent de faire évoluer l’assiette de financement de la protection sociale.

Il en va de même concernant les retraites, puisque ce projet de loi de financement de la sécurité sociale prend acte du coût important du décret du 2 juillet 2012, qui a élargi considérablement le dispositif de départ anticipé pour carrières longues, et en change même la nature, avec 830 millions d’euros consacrés à son financement pour 2015. Pourtant, le courage aurait consisté à poursuivre le relèvement progressif de l’âge légal de départ à la retraite.

Il y a bien une mesure structurelle dans ce plan, sous une apparence de justice sociale : la remise en cause du versement universel et égal des allocations familiales pour tout enfant de France.

Vous avez donné votre feu vert à la modulation des allocations familiales en fonction des revenus. Néanmoins, qui nous dit que, demain, vous ne ferez pas de même pour les remboursements de l’assurance maladie ou pour tout autre pan de la protection sociale ? Nos collègues du groupe CRC ne s’y sont d'ailleurs pas trompés, en votant contre cette disposition en commission. Et nous avons entendu aujourd’hui des propos allant dans le même sens.

Avec cette décision, qui intervient après l’abaissement à deux reprises du quotient familial et d’autres choix ciblant spécifiquement les familles, vous risquez de porter un coup au consentement à l’impôt en général. Ainsi, on a déjà repéré un foyer de phobie administrative du côté de la Saône-et-Loire… Espérons que cette pathologie ne se développe pas ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Éric Jeansannetas. Voilà des propos qui ne servent à rien !

M. Claude Dilain. C’est hors sujet !

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Chers collègues, la diminution du consentement à l’impôt est un problème que l’on constate vraiment sur le terrain, je puis vous l’assurer. Nous ne devons pas le minorer, compte tenu de l’état d’ébullition de certains secteurs de la société et du monde économique.

Mme Éliane Assassi. Il n'y a pas que les entreprises : les gens souffrent aussi !

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Je les inclus dans mes propos, chère collègue !

Après ces éléments préliminaires relatifs au cadrage macroéconomique du projet de loi de financement de la sécurité sociale, permettez-moi d’évoquer quelques points en particulier.

Concernant la démographie médicale, vous proposez, aux articles 38 et 39, deux dispositions incitatives afin de favoriser l’installation ou le maintien dans des zones sous-denses. Naturellement, tout ce qui va dans le sens d’une meilleure attractivité de l’exercice en milieu rural ou périurbain ne peut qu’être encouragé. D’ailleurs, avec un certain nombre de collègues du groupe UMP, nous vous proposons de compléter cette boîte à outils en rendant plus attractif le cumul emploi-retraite pour répondre au défi de la pénurie médicale.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Nous devons réfléchir sur ce point : la seule logique incitative nous permettra-t-elle de répondre aux enjeux de la desserte en soins ? Je m’interroge.

Évoquons le cas de l’Yonne, que je connais comme vous, madame la ministre. Désormais, même dans des villes comme Sens, les départs à la retraite de médecins ne sont pas compensés.

Quant à la situation en milieu rural, elle devient purement et simplement alarmante en de nombreux endroits. Il est urgent de réfléchir à des mesures qui, pour celles et ceux qui choisiront de s’engager dans cette belle et noble carrière en toute connaissance de cause, introduiront peut-être de légères contraintes. Je le sais, ce point fait débat sur toutes les travées, selon des clivages qui ne sont pas politiques, mais qui tiennent à l’appréciation des uns et des autres et à leur vécu. En tout cas, ce débat n’est pas mineur.

M. Jean Desessard. Et le numerus clausus ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Je vous signale, en outre, la crainte de certains médecins quant à l’augmentation du poids de la gestion bureaucratique qu’entraînera l’extension du tiers payant. Cette mesure mobilisera du temps par individu et des coûts qui s’apparentent à des transferts de charges. Je tenais à vous faire part de ce retour du terrain.

J’en viens maintenant à un sujet qui, malheureusement, est trop souvent traité à travers le prisme médiatique des bons et des méchants : la fiscalité du tabac et de la situation des buralistes, véritables agents de service au public en milieu rural.

En effet, nous aurons à débattre d’un amendement introduit à l’Assemblée nationale par Mme Delaunay, visant à augmenter significativement le prix des cigarillos. En milieu rural, cette mesure me fait craindre une explosion de la consommation en dehors du circuit autorisé, qui mettrait encore plus en péril la position des buralistes. Or ceux-ci sont souvent le dernier commerce subsistant en milieu rural.

Je ne méconnais pas les impératifs de santé publique, que nous partageons tous depuis de nombreuses années, mais nous devons absolument légiférer sur ce sujet d’une main tremblante.

Tels sont les points sur lesquels je souhaitais appeler l’attention du Gouvernement et de la Haute Assemblée au moment où nous allons entrer de plain-pied dans ce marathon budgétaire et où, dans la tradition du Sénat, nous attendons du Gouvernement, madame la ministre, un examen attentif des propositions émises par les sénateurs, sans que soit balayé d’un revers de main le travail accompli par les rapporteurs, par les membres de la commission des affaires sociales et par tous les autres membres de cette assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Éric Jeansannetas.

M. Éric Jeansannetas. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je suis ravi de prendre la parole dans le cadre de l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, car le secteur médico-social, que j’entends ici évoquer et défendre, y tient une place particulièrement importante, démontrant une fois de plus que le Gouvernement en a fait une priorité.

En effet, ce texte apporte une traduction financière à la volonté et aux engagements des ministres, ainsi qu’aux travaux des nombreux parlementaires qui sont mobilisés, au quotidien, sur ces questions importantes.

Il ne s’agit pas seulement, en effet, de mesures budgétaires. En tant que conseiller général, je suis confronté, comme d’autres ici, à ces questions au quotidien. Elles sont cruciales, notamment cette année, au regard de deux textes majeurs : le grand chantier de l’autonomie, qui a été ouvert, et le futur projet de loi de santé publique. Les années 2014 et 2015 verront donc enfin se concrétiser des mesures majeures en faveur des personnes dépendantes.

Mes chers collègues, j’évoquerai ainsi devant vous, dans un premier temps, le financement ambitieux de ce volet médico-social, en insistant sur l’augmentation des ressources de la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, et en particulier sur l’affectation de la CASA, la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie. Puis, je vous démontrerai que ce projet de loi acte le financement pérenne de l’adaptation de la société au vieillissement de la population.

J’évoquerai donc, tout d'abord, la question du financement. Quelles réponses sont apportées aux besoins des personnes âgées et handicapées ?

Pour l’année 2015, le sous-ONDAM médico-social atteint 17,9 milliards d’euros, soit une progression de 2,2 %. Il s'agit d’une belle hausse, qui marque une volonté politique affirmée, et ce malgré les contraintes économiques et budgétaires que nous connaissons.

Outre cet apport, le volume des recettes fiscales de la CNSA devrait croître de 400 millions d’euros, l’agrégat CSG-CRDS-CSA abondant son budget de 4,2 milliards d’euros. Cette forte croissance s’explique en partie par l’affectation intégrale de la CASA à la CNSA. J’insiste sur ce point : cette ressource dynamique est cette année intégralement affectée à la CNSA.

Je profite de cette occasion pour saluer cette mesure tant attendue ces deux dernières années. L’affectation de la CASA a en effet été l’objet de vifs débats ; souvenez-vous, mes chers collègues, quand la CNSA a été confrontée à un afflux considérable de ressources destinées au financement du projet de loi sur la perte d’autonomie, un projet que nous attendions tous, qui avait été promis par tant de ministres de droite et qui a été mis en œuvre, enfin, par le Président de la République François Hollande.

Dans cette attente, en 2013 et en 2014, une fraction de la CASA avait été exceptionnellement fléchée par la loi de financement de la sécurité sociale vers le Fonds de solidarité vieillesse, afin de mobiliser utilement ce surcroît de ressources en faveur des personnes âgées. Avec l’action de nos collègues députés socialistes, une partie de ces crédits, à hauteur de 100 millions d’euros, avait néanmoins été sauvée dans le budget de la CNSA pour 2014, afin de financer des mesures d’investissement dans le budget médico-social.

Saluons donc ce retour à la normale pour 2015, avec cette pleine affectation des ressources CASA et de la fraction de CSG à la CNSA, ce qui représente au total 683 millions d’euros. Cette mesure constitue les prémices évidentes de l’élargissement des missions de la Caisse au cours des prochains mois, et ce grâce à l’adoption prochaine du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement. Marisol Touraine et Laurence Rossignol s’y étaient engagées, et je suis heureux de pouvoir les en remercier.

Quelle est la traduction concrète de ce budget ? Quelles sont les mesures nouvelles pour 2015 ?

Les moyens d’accompagnement de la montée en âge vont augmenter, qualitativement et quantitativement. Les moyens dévolus au financement des places et services existants seront revalorisés. Notons que la médicalisation des établissements se poursuit et porte ses fruits. Ce sont quelque 100 millions d’euros que ce projet de loi entend consacrer à la médicalisation des EHPAD, les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes. Ce processus vise à accroître l’offre sanitaire de ces établissements en améliorant l’encadrement médical des personnes âgées et en augmentant les postes de personnel médical.

Quelque 47,4 millions d’euros seront déployés au titre des plans solidarité grand âge et Alzheimer, ainsi que pour la mise en place du plan dédié aux maladies neurodégénératives. Soulignons les 20 millions d’euros destinés à soutenir les expérimentations dites « personnes âgées en risque de perte d’autonomie », qui entendent favoriser la prise en charge pluridisciplinaire des personnes âgées en situation de fragilité ou bien atteintes d’une maladie chronique.

L’effort en faveur des personnes porteuses de handicaps se poursuit également, avec 145 millions d’euros destinés à la création de places dans les multiples structures d’accueil adaptées. Rappelons, toutefois, que ces créations de places sont encore loin de répondre à la forte demande, notamment à celle qui est relative aux enfants porteurs de handicaps rares, ce qui contraint parfois à l’expatriation, notamment vers la Belgique.

Il était temps d’ailleurs que l’accord-cadre signé en 2011 entre la France et la Belgique trouve une application concrète et permette, enfin, à des inspecteurs français de se rendre dans les centres belges. Ce sera bientôt chose faite, et je salue le travail de Ségolène Neuville, qui s’est rendue sur place la semaine dernière.

Concernant les MDPH, les maisons départementales des personnes handicapées, si le nombre de demandes a augmenté de 6,4 %, le délai moyen de traitement s’améliore malgré tout, en particulier pour les demandes formulées par les adultes. La situation des MDPH demeure toutefois très contrastée d’un territoire à l’autre, qu’il s’agisse de leur mode de gestion ou bien de leurs systèmes d’information.

Je tiens à le rappeler aujourd’hui : il n’y aura pas de pilotage ambitieux de la politique du handicap sans une véritable définition de la demande agrégée au niveau national, ni sans coordination des structures, entre elles, mais aussi avec l’ensemble des acteurs du handicap. Ce chantier de mise en cohérence et de rationalisation, je l’appelle de mes vœux.

Quelque 21,4 millions d’euros seront alloués à la poursuite du plan autisme 2013-2017. Notons que le déroulement du plan autisme 2013-2015 produit des résultats particulièrement satisfaisants,…

Mme Caroline Cayeux, rapporteur pour la famille. Vraiment ?

M. Éric Jeansannetas. … grâce à la concertation avec les familles, mais aussi à l’efficacité du pilotage et du suivi ministériel. Nous avons enfin compris qu’il fallait faire correspondre la conduite administrative des projets avec les projets de vie des individus, et il s'agit d’un vrai motif de satisfaction.

Mes chers collègues, il importe de replacer ce projet de loi de financement de la sécurité sociale dans son contexte, afin d’en prendre la pleine mesure.

L’année 2015 verra la mise en œuvre des mesures prévues par le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement, que nous examinerons prochainement. Ce projet de loi acte en conséquence le financement pérenne de ce grand chantier qu’est l’autonomie. Ils forment tous deux un ensemble cohérent. S’articulant directement avec le projet de loi, les ressources nouvelles seront également consacrées à d’importantes mesures, très attendues par notre assemblée.

Revenons brièvement sur les principales mesures financées par la CASA, telles qu’elles sont envisagées par le projet de loi : 140 millions d’euros pour améliorer l’accès aux aides techniques, 5 millions d’euros pour consolider les moyens de la CNSA afin d’élargir les aides aux actions de soutien, 1 million d’euros pour l’appui et la formation en matière d’accueil familial, 40 millions d’euros pour la création d’un forfait autonomie, entre autres.

Au total, ce sont 645 millions d’euros que la CASA va financer. Notons que le différentiel entre le produit de la CASA et le coût des mesures liées à l’APA, l’allocation personnalisée d’autonomie, dégage des ressources pour le financement d’autres mesures pérennes. C’est le cas du plan d’aide à l’investissement de la CNSA, ainsi que de la professionnalisation des services de soins infirmiers à domicile.

Néanmoins, le projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement ne se réduit pas à des mesures de gestion de crédits : il concerne également l’amélioration de la gouvernance de ces politiques.

Mieux appréhender l’avancée en âge, c’est aussi développer des politiques de l’habitat qui prennent en compte ces questions touchant à la vie quotidienne. Une mesure complémentaire illustre l’approche transversale nécessaire à l’avancée en âge et sera en partie financée par le présent projet de loi : la CNSA versera 40 millions d’euros à l’Agence nationale de l’habitat pour atteindre l’objectif d’adaptation des logements privés.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale envoie un signal fort à l’ensemble de la société, qui nous attend depuis bien longtemps sur tous ces sujets. Nous nous devons d’en prendre la pleine responsabilité. Je salue l’ambition du Gouvernement sur ces questions et, comme l’a dit notre collègue Yves Daudigny tout à l’heure, le groupe socialiste apporte son entier soutien à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier.

Mme Michelle Meunier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne reviens pas sur le contexte dans lequel s’inscrit ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous le connaissons tous, et il vient d’être rappelé par les orateurs précédents.

La stratégie gouvernementale est claire : le déficit du régime général doit être réduit à 10,5 milliards d’euros en 2015. Cet effort de redressement impose des contraintes difficiles, mais il est nécessaire. Il doit être assorti de mesures justes, qui donnent du sens à la politique mise en œuvre.

Pour ma part, j’aimerais revenir plus particulièrement sur les dispositions relatives à la branche famille, qui ont fait parler d’elle dans le débat public, à l’Assemblée nationale et maintenant au Sénat.

Son déficit, hérité de la précédente majorité, je le rappelle,…

M. Gérard Dériot. Ah, cela manquait ! (Sourires sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

Mme Michelle Meunier. … s’élève à environ 3 milliards d’euros. Aussi, depuis 2012, le Gouvernement affiche son ambition de ramener les comptes à l’équilibre et souhaite, à cette fin, mener une politique familiale plus juste, plus efficace et plus utile, notamment en ciblant et en répartissant mieux les aides et les dispositifs.

La mesure principale qui nous est présentée dans ce cadre est contenue à l’article 61 A du projet de loi et consiste en une modulation des allocations familiales selon les revenus du foyer.

Cette disposition a fait parler d’elle, et c’est peu dire ! Elle a été au cœur de la polémique ces dernières semaines et a suscité le débat au sein même de notre commission des affaires sociales. Et pourtant !

Je salue le travail qui a été accompli à l’Assemblée nationale : je pense notamment à ma collègue de Loire-Atlantique, Marie-Françoise Clergeau, qui a su proposer une mesure responsable permettant près de 800 millions d’euros d’économies en année pleine pour garantir la pérennité du financement de la branche famille, tout en préservant les ménages les moins aisés et les classes moyennes.

Beaucoup de propos qui, à mon sens, sont hasardeux, de contre-vérités et d’inexactitudes ont circulé sur le sujet et j’aimerais ici rappeler le sens de la mesure, ainsi que le mécanisme proposé pour sa mise en œuvre. Au préalable, je tiens à souligner que ce dispositif ne sort pas de nulle part : il a été étudié de façon approfondie et sérieuse par le Haut Conseil de la famille, qui est une instance pluraliste et reconnue.

Tout d’abord, l’universalité, au cœur de la politique familiale française, n’est nullement remise en cause : toutes les familles de deux enfants ou plus continueront à bénéficier des allocations familiales. Toutefois, le principe d’universalité des droits n’exclut nullement de tenir compte des ressources et de la situation réelle des familles dans le versement des aides.

Pourquoi opposer respect de l’universalité et mise en œuvre d’une politique de justice sociale ? Pourquoi ne pas faire les deux ? Notre collègue Caroline Cayeux, rapporteur de la commission des affaires sociales, a indiqué lors des travaux en commission qu’« un enfant né dans une famille aisée ne mérit[e] pas moins de la part de la solidarité nationale qu’un enfant né dans une famille modeste ».

Je pense, au contraire, qu’un enfant né dans une famille modeste, parce qu’il n’est pas en position d’égalité sur la ligne de départ de son parcours de vie, mérite un peu plus de soutien.

M. Claude Dilain. Très bien !

Mme Michelle Meunier. L’idée d’hérédité de la pauvreté n’est pas nouvelle, et elle vient d’ailleurs d’être rappelée par le Secours catholique et l’UNICEF, le Fonds des Nations unies pour l’enfance.

Cette insupportable « fatalité » doit être combattue, jour après jour. Et ne pas accorder les mêmes ressources aux familles pauvres et aux familles les plus aisées pour, au final, permettre aux enfants d’avoir les mêmes chances et les mêmes possibilités de construire leur vie n’est pas scandaleux. N’ayons pas honte de le réaffirmer. Tel est le sens du système redistributif français, telle est notre conception de la solidarité nationale.

On nous dit, aussi, que la prétendue remise en cause de l’universalité des allocations familiales cacherait d’obscurs projets de remise en cause dans d’autres domaines… Lesquels ? Dans quel cadre, et pour quoi faire ?

Cessons de jouer sur les peurs et d’entretenir de faux débats. Soyons précis, soyons factuels, soyons concrets : la modulation proposée entraînera une baisse des allocations pour les 12 % de familles les plus aisées, c’est-à-dire celles dont les revenus sont supérieurs à 6 000 euros mensuels – baisse ne voulant pas dire suppression. Rappelons, au passage, que la moitié des salaires perçus en France sont inférieurs à 1 700 euros par mois.

Il y a donc matière à réfléchir sur l’injustice prétendue de cette mesure. Le dispositif proposé est simple, lisible et compréhensible par tous : les familles qui, avec deux enfants, ont un revenu inférieur à 6 000 euros par mois continueront de toucher le même montant d’allocations. Au-delà de 6 000 euros de revenu, soit pour 450 000 familles environ, les allocations familiales seront divisées par deux. Au-delà de 8 000 euros, elles seront divisées par quatre. Quelque 150 000 familles sont concernées.

Pour éviter les effets de seuil, un complément dégressif à l’allocation sera versé lorsque les ressources du bénéficiaire dépassent l’un des plafonds, dans la limite des montants définis par décret.

Cette réforme du versement des allocations familiales est complétée par le rééquilibrage du partage du congé parental prévu par la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, que notre assemblée a adoptée en juillet dernier. Le mécanisme proposé prévoit que la durée du congé soit de six mois pour chaque parent pour le premier enfant et, pour les enfants suivants, de deux ans pour l’un des parents et d’un an pour l’autre.

J’ai déjà eu l’occasion de me prononcer plusieurs fois, dans cet hémicycle, en faveur de cette mesure qui encourage un partage plus équitable des responsabilités parentales. Il s’agit de rendre le congé parental plus égalitaire, en incitant les pères à réduire ou à interrompre leur activité professionnelle pour s’occuper de leur enfant et, ainsi, prendre toute leur place dans la vie de famille. L’effort n’est pas inutile lorsque l’on sait, comme cela a été rappelé, que 96 % des bénéficiaires actuels sont des femmes.

Toutefois, il s’agit aussi d’améliorer le retour à l’emploi des mères qui le souhaitent et, ainsi, de contribuer à l’égalité salariale et professionnelle entre les femmes et les hommes.

Inciter au retour des femmes dans l’emploi n’a pas de sens si rien n’est fait pour augmenter les capacités d’accueil de la petite enfance. Tel est le sens du plan du Gouvernement, qui confortera l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle en offrant 275 000 solutions d’accueil supplémentaires aux familles. Le Gouvernement a d’ailleurs annoncé, le 10 octobre dernier, qu’il allait accélérer la mise en œuvre de ce plan, pour atteindre une augmentation de 20 % du nombre de places d’accueil disponibles en cinq ans.

Ces mesures, qui s’adaptent aux réalités d’aujourd’hui et aux besoins des familles, permettent aussi de ne pas toucher à la prime à la naissance, à la majoration des allocations familiales et au complément de libre choix du mode de garde, des pistes qui avaient été évoquées en premier lieu.

Néanmoins la politique familiale menée depuis deux ans, ce n’est pas que cela ! C’est aussi, je le rappelle, l’augmentation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire pour trois millions de familles, la hausse de 50 % du complément familial pour 385 000 familles nombreuses, l’accroissement de 25 % de l’allocation de soutien familial pour 750 000 familles monoparentales, ainsi que l’augmentation du budget de la CNAF consacré à l’action sociale, avec une hausse de 7,5 % par an en moyenne. Au total, quelque 2,5 milliards d’euros supplémentaires ont été consacrés à la politique familiale depuis 2012.

On est loin du bilan, sans nuance, présenté par nos collègues de la droite : la gauche n’aimerait pas les familles,…

Mme Éliane Assassi. Pas toute la gauche !

Mme Michelle Meunier. … elle s’attaquerait aux classes moyennes et n’aurait de cesse d’utiliser l’outil fiscal, de décourager les Françaises et les Français et de diminuer leurs droits... Il n’en est rien !

Dans le débat qui est le nôtre aujourd’hui et qui va nous occuper tout au long de cette semaine, attachons-nous aux faits, rien qu’aux faits.

Les évolutions permises à l’Assemblée nationale sur la branche famille sont bonnes. Elles méritent le soutien du Sénat, loin des polémiques stériles et des cris d’orfraie.

Mes chers collègues, soyons un Sénat ouvert et constructif, un Sénat qui débat, qui propose, qui améliore, un Sénat qui pense aux familles, aux enfants et à leur avenir, et pas un Sénat qui détricote, qui déconstruit, qui rapetisse ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Vous nous avez montré comment faire depuis deux ans ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous examinons le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 dans un contexte économique contraint, avec une crise qui perdure et, s’agissant de notre protection sociale, des résultats de recettes qui se situent en deçà des prévisions affichées, en dépit d’un effort de maîtrise des dépenses.

Ce constat a été largement commenté par nombre d’intervenants précédents, et j’adhère particulièrement aux propos de notre collègue Yves Daudigny, votre prédécesseur, monsieur le rapporteur général.

Madame la ministre, dans cet environnement économique difficile, vous faites le choix clair de mesures devant garantir l’égalité d’accès aux soins de nos concitoyens.

Vous vous refusez à recourir aux déremboursements et à de nouvelles franchises : nous adhérons totalement à ces orientations. Dans le même temps, vous faites le choix de supprimer les franchises pour les personnes éligibles à la complémentaire santé, dispositif complémentaire de votre décision d’étendre le champ du tiers payant pour cette même catégorie de nos concitoyens. Nous ne pouvons que souscrire à ces dispositions, qui signent une politique « juste », telle que vous l’avez définie dans votre propos liminaire. Nous souhaitons connaître les dispositions techniques qui en permettront une application simple et, dès lors, efficace et convaincante.

Dans l’attente de la loi de santé publique – j’ai écouté avec intérêt les propositions du président de la commission, qui susciteront à n’en pas douter des débats passionnants et passionnés –, vous faites, madame la ministre, des choix qui irriguent progressivement, mais avec détermination, l’organisation de notre protection sociale et de notre système de santé.

Ainsi, vous prônez, pour les établissements de santé, plusieurs mesures inspirées des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, sur l’initiative de nos collègues Alain Milon et Jacky Le Menn.

Je pense notamment à la possibilité pour nos hôpitaux locaux d’être définis comme hôpitaux de proximité, avec la reconnaissance d’exercice de la médecine et, sur le plan financier, le bénéfice de mesures dérogatoires à la tarification à l’activité.

Vous soutenez les contrats d’amélioration de la sécurité et de la qualité des soins grâce à un financement spécifique de valorisation pour les activités de médecine, chirurgie et obstétrique.

Afin de développer la chirurgie ambulatoire dans des conditions optimales, en accompagnant des patients dont l’état ne nécessite plus une hospitalisation classique, mais requiert un suivi de soins, vous expérimentez des hôtels hospitaliers. Il s'agit d’une proposition intéressante, qui ne doit pas être confondue avec le développement des maisons d’accueil hospitalières, qui accompagnent aussi les patients et leurs aidants à leur sortie d’hospitalisation.

Ces maisons d’accueil hospitalières sont à but non lucratif. Au regard des services qu’elles rendent, elles ne doivent pas être mises en danger, même si elles doivent répondre, bien évidemment, aux exigences de sécurité et de qualité prescrites par le ministère des affaires sociales et de la santé.

Je me félicite de ces dispositions concernant les établissements de santé. Aussi, sans vouloir faire preuve de corporatisme hospitalier excessif, je veux répondre à ceux qui dénoncent le coût excessif de fonctionnement de nos hôpitaux, qui sont certainement les structures ayant connu le nombre le plus important de réformes au cours de ces trente dernières années, comme vous l’avez vous-même souligné, monsieur le président de la commission. Et si je soutiens de nécessaires réformes, je veux souligner combien nos hôpitaux sont importants dans le contexte difficile d’organisation de notre système de santé.

Nous devons être fiers de ces établissements, qui servent trop souvent de recours ultime et permanent, et qui subissent les conséquences d’une démographie médicale inadaptée, aujourd’hui dans son implantation, demain sans doute dans son volume d’offre.

Les difficultés de fonctionnement des urgences, en particulier leur surcharge d’activité, due souvent à un recours inapproprié à leurs services, sont la loupe des difficultés d’organisation de notre système de santé, notamment en matière de permanence des soins.

De simples mesures concernant leur organisation sont insuffisantes. Et après les propositions en matière de stratégie de santé, nous sommes dans l’attente de l’examen du projet de loi de santé publique, dont nous nous réjouissons, madame la ministre.

À propos de la démographie médicale, que je viens d’évoquer, je veux souligner l’intérêt du contrat de praticien territorial de médecine ambulatoire, après celui de praticien territorial de médecine, dont le bilan est positif.

Il est proposé d’étendre le dispositif à l’ensemble des médecins généralistes ou spécialistes, contre une modération de leurs dépassements d’honoraires. Sont également associées à cette proposition des mesures concernant la médecine ambulatoire en montagne.

Contrairement à l’appréciation de M. le rapporteur général, ce sont non pas des mesurettes, mais des propositions fortes, avancées en concertation avec les professionnels de santé. Elles apportent des réponses structurées au difficile sujet de la démographie médicale et permettent de sortir du débat binaire « incitation versus concertation ».

Dans le domaine du médicament, le PLFSS pour 2015 prévoit des mesures complémentaires concernant la prescription de génériques que nous nous devons d’accompagner.

Au regard des réticences qui existent encore concernant ces prescriptions, il me semble souhaitable qu’un rapport, parlementaire ou non, puisse objectiver les atouts des génériques et dresser la liste des améliorations possibles, en particulier au sujet de leur fabrication en France.

L’arrivée de nouveaux médicaments très efficaces, mais très coûteux, dans le traitement de l’hépatite C nous oblige à réfléchir à des mesures de régulation des prix et au problème de l’autorisation temporaire d’utilisation. Le PLFSS prévoit un dispositif de régulation des prix que notre groupe politique soutient. M. le rapporteur général nous proposera un amendement sur ce sujet, ce qui sera l’occasion de débats intéressants.

Toujours dans le domaine des médicaments, madame la ministre, vous proposez une mesure de sensibilisation à la prescription de produits de la « liste en sus », c'est-à-dire à la prescription de médicaments innovants prescrits à l’hôpital pour un usage ambulatoire dans le cadre de pathologies lourdes.

Cette mesure se fonde sur le constat que la prescription de ces spécialités donne lieu à des pratiques très hétérogènes. Par ailleurs, ces spécialités sont parfois prescrites en dehors de leur indication de mise sur le marché.

Dès lors, la mesure proposée consiste à valoriser financièrement la rationalisation de la prescription dans la « liste en sus ». J’adhère bien évidemment à cette proposition, et ne pense pas la remettre en cause quand, avec mon groupe politique, je souhaite qu’elle se décline sur un mode expérimental, assorti d’une évaluation.

En effet, nous sommes dans un domaine de prescriptions où il faut nécessairement prendre en compte l’innovation : je pense notamment aux thérapies géniques ou à la personnalisation de plus en plus fréquente des traitements. Aussi, il me semble important d’évaluer cette mesure.

Le dernier point que je souhaite évoquer est lié à l’article 51, qui vise la prescription et la tarification des plasmas thérapeutiques. C’est une question technique, mais fondamentale.

Nous connaissons tous le contexte législatif et la nécessité de nous mettre en conformité avec les décisions de la Cour de justice de l’Union européenne et du Conseil d’État. Actuellement, dans la législation française, l’ensemble des plasmas transfusionnels, quels que soient leurs types, sont classés en tant que produits sanguins labiles, et non en tant que médicaments du sang. Or, désormais, ces plasmas sont des médicaments. Et cette nouvelle définition change tout !

L’article 51, en l’état, acte qu’une partie des plasmas actuels devienne des médicaments, avec obligation d’obtenir une autorisation de mise sur le marché, ou AMM. Ils seront dès lors soumis à la concurrence du marché des médicaments, avec des incidences majeures.

D’une part, l’établissement français du sang verra son activité subir une perte importante dans l’attente de l’obtention de cette AMM, quand il faudra aussi avoir recours à des plasmas médicaments non présents sur le marché français.

D’autre part, cela pose un problème éthique, quand la très grande majorité des pays européens rémunèrent le don du sang, contrairement à la France, où le don est bénévole.

Aussi, madame la ministre, nous souhaitons que vous puissiez nous éclairer sur ces différents points. Nous souhaitons en particulier connaître les mesures qui permettront de pallier la baisse d’activité de l’établissement français du sang et, en conséquence, de ses revenus. Nous souhaitons aussi connaître les démarches que vous avez entreprises au niveau européen pour que la valeur de « don éthique » soit une valeur partagée.

En conclusion, madame la ministre, je souhaite que l’examen de ce PLFSS donne lieu à un débat constructif – je suis d’ailleurs certaine qu’il en sera ainsi –, pour le bien de nos concitoyens.

Au-delà des questions que je vous ai posées, je vous exprime très simplement mon soutien le plus sincère pour ce PLFSS pour 2015. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La discussion générale est close.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015
Discussion générale (suite)

6

Communication du Conseil constitutionnel

M. le président. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 10 novembre 2014, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État avait adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le cinquième alinéa de l’article 6 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association (Possibilité pour certaines associations de recevoir des libéralités) (2014-444 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

7

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 12 novembre 2014, à quatorze heures trente et le soir :

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2015 (n° 78, 2014-2015) ;

Rapport de M. Jean-Marie Vanlerenberghe, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 83, tome I, 2014-2015) ;

Rapport de M. Jean-Marie Vanlerenberghe, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 83, tome II, 2014-2015) ;

Rapport de M. René-Paul Savary, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 83, tome III, 2014-2015) ;

Rapport de Mme Caroline Cayeux, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 83, tome IV, 2014-2015) ;

Rapport de M. Gérard Roche, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 83, tome V, 2014-2015) ;

Rapport de M. Gérard Dériot, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 83, tome VI, 2014-2015) ;

Rapport de MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, René-Paul Savary, Mme Caroline Cayeux, MM. Gérard Roche et Gérard Dériot, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 83, tome VII, 2014-2015) ;

Rapport de MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, René-Paul Savary, Mme Caroline Cayeux, MM. Gérard Roche et Gérard Dériot, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 83, tome VIII, 2014-2015) ;

Avis de M. Francis Delattre, fait au nom de la commission des finances (n° 84, 2014-2015).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART