Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du numérique. Madame la sénatrice, la mobilisation des outils de la commande publique est essentielle pour stimuler et promouvoir l’activité productive et manufacturière, et par voie de conséquence l’emploi. Les récents chiffres concernant cette production sont plutôt rassurants et illustrent la priorité qui lui est donnée par le Gouvernement et Arnaud Montebourg, qui m’a demandé de vous transmettre ses excuses et de répondre à sa place à votre question.

Le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique a eu l’occasion de s’exprimer à maintes reprises sur la question de la commande publique.

Cette priorité s’est exprimée dans les orientations données aux grands opérateurs de l’État qui utilisent, pour satisfaire leurs besoins, les procédures de passation des marchés publics – en particulier dans les secteurs de l’énergie et des transports – organisées par une directive européenne.

Ce texte du 31 mars 2004 permet, sans considération de seuil, le recours à une procédure négociée à l’issue d’une consultation ouverte, transparente et non discriminatoire, fondée sur des spécifications techniques propres aux besoins de l’acheteur.

La préparation au défi de l’appel d’offres relatif aux compteurs Linky par les acteurs de la filière a, par exemple, été perçue comme une préoccupation immédiate de l’opérateur et de l’État. Les industriels présents dans notre pays ou souhaitant participer à ce grand projet ont eu le temps de construire des programmes de création ou d’adaptation de leur outil industriel en France, ce que justifient les quantités en jeu, sans équivalent en Europe.

De manière générale, les grands appels d’offres permettent d’intégrer une dynamique d’innovation très favorable au tissu des PME gravitant autour des grands groupes industriels, implantées sur l’ensemble du territoire et qu’il convient de privilégier. Ces PME représentent 57 % en volume des achats publics, mais seulement 27 % en valeur. Le Gouvernement a conscience de la priorité qui doit être accordée au ciblage de ces PME pour faire en sorte qu’elles deviennent plus compétitives grâce à la commande publique.

S’agissant tout particulièrement des drones tactiques, la société Sagem, du groupe Safran, a reçu, à la fin du mois de décembre dernier, une commande de la direction générale de l’armement, la DGA, portant sur cinq drones Sperwer supplémentaires au profit de l’armée de terre, dans le cadre des systèmes de drones tactiques intérimaires, ou SDTI. Le matériel sera livré en 2015.

Ce contrat impliquera les établissements Sagem de Dijon et de Poitiers pour les capteurs optroniques, de Fougères pour les cartes électroniques et de Montluçon pour les systèmes de pilotage, de navigation et l’intégration des drones, ainsi que de nombreuses sociétés françaises, notamment des PME fournisseurs de sous-ensembles du drone.

À partir de l’expérience acquise avec ce projet et en s’appuyant sur les commandes de la DGA pour ce drone, la société Sagem développe, avec tous ses partenaires, le système de drones tactiques endurant Patroller pour les marchés internationaux et pour répondre aux besoins futurs de l’armée de terre. Un cercle vertueux a donc été enclenché.

Pour ce qui concerne les matériels roulants, que vous avez mentionnés, en 2013, grâce à l’implication forte des régions, la SNCF a passé un ensemble important de commandes, notamment auprès de Bombardier – trains Regio 2N – et d’Alstom – rames Régiolis, adaptées aux longues distances –, sans oublier la commande, au mois de juillet de la même année, de quarante rames de TGV Alstom.

Ces commandes viennent nourrir l’activité des sites d’assemblage des deux constructeurs, notamment dans le Nord-Pas-de-Calais, mais aussi de toute une filière de fournisseurs, en particulier des PME. Elles sont la concrétisation d’efforts d’innovation associant les grands industriels et l’ensemble de la filière et des laboratoires.

Pour préparer une étape supplémentaire, l’initiative de la « nouvelle France industrielle », lancée par le Président de la République, comporte un plan industriel dédié à la conception et à l’industrialisation, à l’horizon 2018, d’un TGV du futur, plus économe et plus confortable. Ce plan, piloté par Alstom, associe des PME qui seront chargées d’apporter des solutions innovantes sur certains sous-ensembles.

À l’échelon national, le Gouvernement a fixé comme objectif qu’au moins 2 % du volume des marchés de l’État, de ses opérateurs et des hôpitaux soient attribués aux PME innovantes d’ici à 2020. À cette fin, chaque ministère a reçu pour instruction d’établir une feuille de route des achats innovants permettant aux entreprises de cibler les domaines porteurs pour lesquels les acheteurs recherchent des solutions innovantes. Un réseau de onze « référents achats innovants » appuiera des actions de sourcing, d’identification, et diffusera une large information sur les possibilités offertes par le code des marchés publics sur les achats pré-commerciaux et la nouvelle procédure du partenariat d’innovation.

Des expérimentations sont par ailleurs en cours pour utiliser l’open data, pour favoriser l’accès de ces entreprises innovantes à ces marchés.

Ces mesures permettront de donner son plein effet à une nouvelle procédure, introduite lors de la révision des directives sur les marchés publics au mois de mars dernier : le partenariat d’innovation. Cette procédure est très fortement soutenue par la France à Bruxelles. Son intérêt principal réside dans la possibilité pour le pouvoir adjudicateur de prévoir à la fois la recherche et la commercialisation du produit ou de la solution développés.

Il s’agit d’une procédure négociée par phases en vue du développement et de l’acquisition d’un produit, d’un service ou de travaux nouveaux et innovants, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une passation de marché distincte pour l’acquisition.

L’innovation est définie largement comme tout produit, service ou processus nouveau ou sensiblement amélioré et qui n’est pas encore disponible sur le marché. L’accès aux marchés publics est facilité pour les entreprises.

Au-delà du levier de l’innovation, le Gouvernement construit l’équivalent d’un Small Business Act à la française conforme aux règles européennes et à celles de l’Organisation mondiale du commerce.

L’allotissement, qui est la règle pour la passation des marchés en France, est désormais également inscrit dans les directives européennes, sur proposition du gouvernement français.

Au-delà de cette mesure très structurante, celui-ci a pris plusieurs dispositions visant à encourager l’accès des PME à la commande publique : d’une part, la création du médiateur des marchés publics, en 2012, a pour objet d’améliorer les relations au quotidien entre entreprises et acheteurs ; d’autre part, le service des achats de l’État s’assure que ces achats sont réalisés dans des conditions favorisant le plus large accès des PME à la commande publique ; il diffuse pour cela les bonnes pratiques et mène des actions auprès des acheteurs publics.

Madame la sénatrice, l’accès à la commande publique, en particulier pour les PME, est une priorité du Gouvernement. J’espère que cette réponse vous rassurera, si besoin était, sur l’engagement de l’État en faveur de nos entreprises et donc de l’emploi en France.

Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Schurch.

Mme Mireille Schurch. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de cette réponse très détaillée.

S’agissant d’Alstom, vous savez que le contrat-cadre fait référence à 1 000 commandes ; or, à ce jour, il est question de seulement 200 ou 250 commandes. Bien sûr, vous avez parlé du TGV, mais les trains Intercités et les trains grandes lignes seront-ils compris dans ce contrat-cadre ? Le cas échéant, il ne serait pas nécessaire de lancer de nouveaux appels d’offres. Vous ne m’avez pas tout à fait répondu sur ce point.

S’agissant des drones tactiques, vous m’avez expliqué qu’une commande portant sur cinq exemplaires avait été passée. C’est intéressant. Je suis sollicitée par les salariés des entreprises concernées, qui souhaiteraient un peu plus de lisibilité de la part du Gouvernement. Vous m’avez apporté des réponses extrêmement précises, ce dont je vous remercie.

La jurisprudence du Conseil d’État, ainsi que celle de la Cour de justice de l’Union européenne, permet d’introduire dans les appels d’offres un critère fondé sur l’implantation géographique s’il est justifié par les conditions d’exécution du marché et son objet, ainsi qu’un critère lié au développement durable. C’est en m’appuyant sur ces éléments juridiques que j’avais déjà alerté Arnaud Montebourg, alors ministre du redressement productif, sur l’appel d’offres relatif aux compteurs électriques intelligents dits « Linky ».

J’ai été heureuse de vous entendre parler du Small Business Act européen. J’encourage le Gouvernement à aller dans ce sens. Nous pourrons ainsi fixer des critères contraignants – environnementaux, de circuits courts – pour favoriser l’emploi en France. C’est bien ce qui nous est demandé. Cela permettrait à nos entreprises de se positionner sur des marchés publics nationaux et européens.

Enfin, le Front de gauche, dans son programme européen, entend également favoriser la relocalisation des entreprises en instaurant une taxe kilométrique à l’échelon national et européen et ce qu’il appelle des « visas sociaux et environnementaux » aux frontières de l’Union européenne. Ce sont là peut-être des pistes de travail.

Madame la secrétaire d’État, je ferai part de votre réponse aux salariés des deux entreprises en cause qui sont inquiets et qui demandaient une clarification.

modalités de contrôle des distributeurs de lait

Mme la présidente. La parole est à M. Rachel Mazuir, auteur de la question n° 730, adressée à M. le ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique.

M. Rachel Mazuir. La production de lait biologique en circuit court se développe dans l’Ain, département que j’ai l’honneur de présider. À cet égard, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la réglementation relative aux modalités de contrôle des distributeurs de lait.

L’ordonnance du 18 octobre 1945 relative au mesurage du volume des liquides dispose que les volumes de liquides qui font l’objet de transactions commerciales doivent être mesurés au moyen d’instruments de mesures légaux – c’est bien le moins ! L’installation et le contrôle des distributeurs de lait sont donc soumis au respect de ces mesures.

Concernant leur mise en service, ces distributeurs doivent être conformes aux dispositions de la directive européenne du 31 mars 2004 sur les instruments de mesure, transposée en France par le décret du 12 avril 2006 relatif à la mise sur le marché et à la mise en service de certains instruments de mesure et son arrêté d’application du 28 avril 2006.

C’est ainsi qu’ils doivent être équipés d’un débitmètre, un compteur certifié conforme, lequel garantit au consommateur que, quand il paie un litre de lait, la machine lui distribue bien un litre.

Concernant leur contrôle – c’est là où se pose un problème –, ces distributeurs sont soumis à l’arrêté du 28 juin 2002 fixant certaines modalités du contrôle métrologique des ensembles de mesurage de liquides autres que l’eau, dont l’article 5 précise que ces machines sont soumises à un contrôle en service annuel qui se compose à la fois d’une vérification – point qui nous intéresse plus particulièrement – et d’une révision périodiques, définies respectivement aux articles 30 et 34 du décret du 3 mai 2001 relatif au contrôle des instruments de mesure.

Ces contrôles sont effectués par un unique organisme en France, basé en Charente, le seul à avoir été agréé.

La révision périodique vise les opérations d’entretien, de maintenance et de réglage permettant de maintenir un instrument en conformité et, en particulier, de ramener ses erreurs au plus près du zéro. La vérification périodique, quant à elle, a pour objet de vérifier la conformité d’un instrument et, plus spécifiquement, de s’assurer que ses erreurs sont inférieures aux erreurs maximales tolérées, à savoir plus ou moins 1 %.

Pour les distributeurs de lait cru, la réglementation a déjà été aménagée, puisque l’organisme agréé est autorisé à procéder à la vérification périodique quand bien même la révision périodique n’aurait pas été réalisée. Cela permet de maintenir ces instruments en service tant que leurs performances métrologiques restent suffisantes, sans avoir besoin de faire intervenir un réparateur pour effectuer les opérations d’entretien, de maintenance et d’ajustage.

Fort de cette vérification, le gérant du distributeur de lait bénéficie d’une présomption de bonne foi, même si l’appareil en lui-même nécessiterait une intervention technique.

Pour autant, cette réglementation pénalise encore lourdement les agriculteurs désireux de se lancer dans ce type de commercialisation de leur lait – ils sont nombreux dans mon département.

Madame la secrétaire d’État, serait-il envisageable d’assouplir les opérations de contrôle des débitmètres des distributeurs de lait ? Certes, il semble délicat de supprimer l’article 5 de l’arrêté du 28 juin 2002, car de tels contrôles offrent une garantie pour la transaction. Pour autant, le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique entend-il revenir sur la périodicité de ces contrôles, qui, une fois la machine installée et donc homologuée, pourraient être espacés et non effectués tous les ans ? L’aménagement de cette réglementation encouragerait le développement de ce commerce du lait.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du numérique. Monsieur le sénateur, votre question porte sur les modalités de contrôle des distributeurs de lait.

En France, la vente de lait cru aux consommateurs relève de l’ordonnance du 18 octobre 1945 relative au mesurage du volume des liquides, laquelle dispose que les volumes de liquides qui font l’objet de transactions commerciales doivent être mesurés au moyen d’instruments de mesure légaux.

Les distributeurs de lait cru sont réglementés en tant qu’instruments de mesure de liquides autres que l’eau : d’une part, par le décret du 12 avril 2006 relatif à la mise sur le marché et à la mise en service de certains instruments de mesure et son arrêté d’application du 28 avril 2006 – transposition de la directive que vous avez citée – ; d’autre part, par l’arrêté du 28 juin 2002, qui concerne le contrôle en service des ensembles de mesurage de liquides autres que l’eau sur le territoire national.

Ce contrôle en service comprend une révision et une vérification annuelles. La révision est effectuée par un réparateur et la vérification par un vérificateur agréé accrédité par le Comité français d’accréditation, le COFRAC.

Cette réglementation spécifique a pour objet de protéger les consommateurs en leur garantissant l’exactitude des volumes qu’ils achètent.

Pour un litre de lait, la justesse demandée par la réglementation pour un ensemble de mesurage en service correspond à plus ou moins 1 % du volume, ce qui est du même ordre de grandeur que la tolérance à l’égard du volume contenu dans la bouteille de lait préemballé.

Dans le contexte du faible prix de vente du lait par les agriculteurs aux laiteries, des importateurs de matériels, principalement italiens, ont convaincu des agriculteurs, au lieu de vendre leur lait à 28 centimes le litre aux laiteries, de le vendre en direct aux consommateurs à 1 euro le litre, voire plus, et, pour ce faire, de s’équiper de distributeurs de lait.

Des difficultés sont apparues lors des contrôles en service, certains instruments étant hors tolérance, ou dès les premières pannes. En effet, certains importateurs n’assurent pas le service après-vente et le coût d’une intervention du fabricant sur site ou du retour de l’instrument à l’usine est très élevé. Nous sommes conscients de cet état de fait.

La situation a d’ailleurs déjà amené les services de l’administration à ne plus exiger la révision périodique des distributeurs de lait s’ils respectent les erreurs maximales tolérées en service, afin d’éviter un blocage du fait de l’absence de réparateurs pour effectuer la révision des instruments. Cette mesure sera sans doute prise en compte lors de la révision, toute prochaine, de l’arrêté du 28 juin 2002 précité. À cette occasion, la périodicité de la vérification pourra également être réexaminée.

Cependant, comme les résultats des contrôles effectués jusqu’à présent révèlent que le maintien des performances des instruments visés est peu satisfaisant dans le temps du point de vue de leur exactitude, une étude d’impact devra être menée pour évaluer les possibilités d’allongement du délai entre deux vérifications. En effet, il n’y a pas de raison de créer une différence en matière de garantie apportée au consommateur dans le domaine de la vente du lait via ces distributeurs automatiques par rapport aux autres modes de vente du lait.

Enfin, les volumes écoulés entre la vente aux laiteries et la vente directe aux consommateurs ne sont pas les mêmes et l’avantage pour les producteurs n’est pas si élevé que celui qui leur avait été initialement annoncé.

L’expérience de ces dernières années montre que les quantités de lait vendues directement à des consommateurs au moyen de chacun des distributeurs en cause sont, au final, faibles, de 40 litres par jour pour les fermes à 200 litres par jour pour des installations situées dans des lieux que l’on peut considérer comme très fréquentés. Par ailleurs, les contraintes d’exploitation sont importantes, en termes d’entretien sanitaire – nettoyage complet de l’appareil, avec élimination systémique du lait invendu – et de maintien en service, du fait de pannes fréquentes et de l’absence de service après-vente ; j’y ai déjà fait référence.

Un assouplissement de la réglementation ne nous semblerait donc pas de nature à favoriser le développement du commerce du lait, ce qui reste un objectif pour le Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. Rachel Mazuir.

M. Rachel Mazuir. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de votre réponse.

L’événement en question a fait la une de la presse dans le département que je préside, notamment dans le chef-lieu. Certains avaient alors observé que les Italiens s’étaient placés en dehors du droit, les exigences qui s’imposent chez nous ne s’appliquant pas chez eux. Bien entendu, on peut comprendre que, en tant que vendeurs des instruments, ils soient intéressés à en écouler le plus possible. Nous connaissons par ailleurs les problèmes d’hygiène que vous avez rappelés.

L’agriculteur concerné, dont les revenus étaient confortables, a vu son distributeur fermé par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, la DIRECCTE, laquelle a apposé sur son matériel un papillon rouge. Il a lui a fallu patienter pendant trente-quatre jours de fermeture avant que l’organisme agréé ne vienne procéder à des mesures et constater que l’écart, de 0,5 %, était parfaitement conforme. Au final, ce professionnel, qui a dû acquitter en plus les frais d’intervention, aura perdu près de 1 500 euros ! C’est tout de même une somme pour ce type de métiers, dont nous connaissons les difficultés.

J’ai bien compris que l’on réfléchissait à un assouplissement. À mon sens, il faudrait améliorer les contrôles en les rendant moins fréquents.

sénateurs non inscrits et questions parlementaires

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, auteur de la question n° 767, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

M. Jean Louis Masson. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, si nous sommes amenés à poser des questions orales en séance publique, c’est peut-être parce que le système des questions écrites fonctionne très mal…

En théorie, un gouvernement doit répondre à une question écrite dans un délai de deux mois. Dès lors, si les gouvernements – je parle des gouvernements en général, et pas seulement du gouvernement actuel – faisaient correctement leur travail, nous ne serions pas obligés de poser des questions orales en séance, d’autant qu’il faut s’inscrire un mois ou un mois et demi à l’avance. Cela permettrait aux parlementaires, et sans doute également aux ministres, d’économiser du temps de travail.

Cela fait quatre fois que je pose une question orale à M. le ministre de l’intérieur, et cela quatre fois qu’il ne vient pas ! Il se fait systématiquement représenter, dont deux fois par Mme la secrétaire d'État chargée du numérique, ce qui est bien sympathique, mais je ne vois pas forcément le rapport entre l’économie numérique et ce qui relève des attributions du ministère de l’intérieur.

Certes, on pourra toujours me rétorquer que les membres du Gouvernement sont solidaires et capables de s’exprimer sur l’ensemble des sujets… Mais, tant qu’à faire, l’auteur d’une question préférerait avoir en face de lui le ministre compétent, celui qui connaît les dossiers, plutôt qu’une personne lisant un papier rédigé par les services du ministère.

Il s’agit d’un problème important. Les questions orales et écrites constituent la base du contrôle de l’action gouvernementale, qui est l’une des missions du Parlement.

Pour ma part, j’y suis particulièrement attaché. En effet, les sénateurs non inscrits n’ont pas les mêmes facilités que les sénateurs appartenant à des groupes politiques. Or nous avons les mêmes droits. Nous demandons que l’on nous traite correctement et que l’on apporte dans les délais des réponses sérieuses et de bon sens à nos questions.

À la mi-avril, j’avais indiqué à M. le ministre de l’intérieur que plus de 200 de mes questions écrites – le chiffre a peut-être un peu évolué depuis – adressées à ses services demeuraient toujours sans réponse. Vous jugerez peut-être que je pose beaucoup de questions écrites. Mais c’est tout simplement parce que le Gouvernement ne répond pas ; certaines questions attendent une réponse depuis un an ou un an et demi. Si le Gouvernement répondait dans les délais, je n’aurais pas 200 questions en instance !

Dans un certain nombre de domaines, nous, sénateurs non inscrits, n’avons pas les moyens d’intervenir. Ainsi, nous ne pouvons ni appartenir aux commissions d’enquête ni utiliser les niches parlementaires pour faire examiner nos propositions de loi.

Par conséquent, nous sommes bien obligés de nous rabattre sur les possibilités qui nous restent. La moindre des choses serait tout de même de répondre correctement à nos questions. Cela éviterait de faire déplacer Mme la secrétaire d'État chargée du numérique pour remplacer M. le ministre de l’intérieur, qui ne peut jamais venir.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du numérique. Monsieur Masson, je dois effectivement vous prier d’excuser M. le ministre de l’intérieur, qui préside ce matin une réunion de préfets place Beauvau. La sécurité des Français est une priorité du Gouvernement. En tant que parlementaire représentant la nation, vous pouvez comprendre le besoin de répondre à de telles préoccupations. Mais je suis très heureuse de vous retrouver lors de cette séance de questions orales pour discuter des questions écrites, sujet que nous avions déjà abordé lors de notre précédente rencontre dans cet hémicycle.

Après vérification minutieuse auprès des services du ministère de l’intérieur et du Secrétariat général du Gouvernement, je suis en mesure de vous donner quelques statistiques précises concernant vos questions écrites, puisque le sujet, je le sais, vous tient à cœur.

Depuis le début de la présente législature, vous avez posé 1 493 questions écrites, soit 13 % de l’ensemble des questions écrites adressées par la totalité des membres du Sénat, quelle que soit leur appartenance politique. Pour l’heure, 1 088 réponses vous ont été fournies.

Vous soulevez le cas spécifique du ministère de l’intérieur. Sur les 1 493 questions écrites que vous avez posées au Gouvernement, 749, soit environ la moitié, ont été adressées à ce ministère.

À vous seul, vous êtes ainsi l’auteur de plus de la moitié des questions adressées au ministère de l’intérieur par la totalité des membres du Sénat. À ce jour, le ministère de l’intérieur, qui est donc très sollicité par vos soins, a répondu très précisément à 517 de vos questions écrites, ce qui représente 57 % de toutes ses réponses aux sénateurs.

Vous en conviendrez, vos questions écrites nécessitent une pleine mobilisation des fonctionnaires œuvrant à la sécurité des Français. Le Premier ministre a à cœur de respecter le Parlement faisant partie des institutions de la Ve République. L’efficacité des services administratifs à répondre à vos questions écrites en est la preuve.

Au regard de ces chiffres, vous concéderez donc que le ministère en cause n’a pas manqué de diligence particulière à votre égard.

Il me reste tout simplement à regretter votre déception quant au fait que je réponde, en tant que secrétaire d’État chargée du numérique, à votre question orale portant sur les questions écrites. Il se trouve que je suis membre du Gouvernement et que le ministre de l’intérieur m’a chargée de parler en son nom.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean Louis Masson. Madame la secrétaire d’État, c’est M. le ministre de l’intérieur qui fixe les dates de réunion place Beauvau et convoque les préfets. Ce n’est pas moi qui ai placé la réunion à laquelle vous avez fait référence en même temps que la séance des questions orales du Sénat, séance qui était d’ailleurs annoncée depuis plus deux mois. M. le ministre aurait donc pu retenir une autre date pour réunir les préfets.

Vous avez également mentionné le nombre de questions que j’ai posées. Mais la moitié de celles-ci sont de simples relances parce que le Gouvernement ne fait pas son travail !

La dernière fois, j’avais évoqué devant vous une question à laquelle le ministère de l’intérieur m’avait littéralement répondu n’importe quoi. Or, contrairement peut-être à d’autres collègues, je suis moi-même l’auteur de mes questions et je lis ce qu’on me répond. Et s’il m’arrive de reposer plusieurs fois la même question, c’est parce que je suis obligé d’interpeller le ministre pour me plaindre de ses réponses, ce qui n’arriverait pas si l’on me répondait correctement.

Souvenez-vous, madame la secrétaire d’État. La dernière fois, j’étais intervenu, j’y insiste, parce que l’on m’avait répondu n’importe quoi. Comme je l’ai indiqué dans le texte de ma question de ce jour, la réponse que j’avais alors reçue consistait seulement à souligner qu’il s’agissait d’un problème important et que l’on me répondrait prochainement ! (Mme la secrétaire d’État le conteste.) Vous-même aviez reconnu que c’était un peu problématique. Avec des réponses comme ça, il ne faut pas s’étonner que je repose mes questions !

Il serait, me semble-t-il, bon d’en informer le ministère de l’intérieur : je lis les réponses qui me sont adressées et j’examine leur contenu. Leurs auteurs devraient donc faire un peu plus attention.

Je ne vois pas en quoi il est choquant qu’un sénateur fasse son travail. On se plaint souvent de la faible activité des parlementaires ; pour une fois que l’un d’eux fait son travail… Il n’y a rien d’extraordinaire à ce qu’un sénateur interroge le ministre de l’intérieur sur les activités de ses services ou sur la vie des collectivités locales.

Madame la secrétaire d’État, j’espère que vous aurez l’amabilité de faire remonter tout cela à vos collègues et de les exhorter à ne pas me répondre n’importe quoi. Le délai de deux mois étant ce qu’il est, cela m’éviterait de reposer des questions auxquelles on ne me répond pas correctement ou de relancer le Gouvernement quand mes questions restent trois mois, quatre mois, voire six mois sans réponse. Je compte sur vous !

justice du XXIe siècle et création des tribunaux départementaux

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Alquier, auteur de la question n° 768, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Jacqueline Alquier. Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux et concerne la mise en œuvre des tribunaux départementaux de première instance, préconisés par la proposition n° 14 du rapport rédigé par M. Marshall, premier président de la cour d’appel de Montpellier.

Ce rapport, intitulé Les Juridictions du XXIsiècle, se situe dans le cadre de la réflexion nationale que le Gouvernement a engagée au cours de l’année 2013. Il a été débattu lors de rencontres nationales sur l’avenir de notre système judiciaire, en janvier 2014, puis un document, Les Scénarios de réforme, a été soumis par la Chancellerie à la concertation des juridictions.

Le 4 février, alertée par le bâtonnier de Castres, j’avais déjà interpellé le Gouvernement par courrier, car selon les critères d’effectifs, le nombre de magistrats du Tarn permet qu’un tribunal de première instance soit fixé à Albi, chef-lieu du département, le TGI de Castres devenant un site détaché.

Or, dans le contexte de ce département, cette décision irait à l’encontre des objectifs d’une réforme que vous avez souhaitée tournée vers le service rendu aux justiciables et respectant les exigences de proximité et de lisibilité.

En effet, la population du département se répartit en deux ensembles démographiques d’un volume quasi identique d’environ 190 000 habitants, l’un autour d’Albi et l’autre autour de Castres.

Les bassins d’emploi dans ces deux ensembles sont équilibrés, ainsi que le volume des contentieux dont sont saisis les deux TGI d’Albi et Castres.

Cette bipolarité équilibrée serait inévitablement mise à mal par le projet qui nous inquiète : la zone géographique ramenée au statut de juridiction détachée serait en situation de faiblesse, éloignée du centre des décisions judiciaires. Parallèlement, la juridiction qui se verrait attribuer le siège du tribunal de première instance serait saturée et ne pourrait faire face à un afflux d’activités en termes tant de personnel, de matériel que de locaux.

L’expérience d’autres départements, notamment de l’Aveyron, qui a vu le TGI de Millau devenir un site détaché, montre qu’à terme l’activité y a été quasiment réduite à néant.

Ainsi, si le concept d’une juridiction de première instance, que vous situez au cœur de la réforme à venir, est perçu positivement car il permettra d’uniformiser les pratiques, il apparaît que sa départementalisation systématique serait aberrante et contraire à l’esprit de la réforme que vous souhaitez, à savoir une réforme menée dans la concertation et permettant de rendre un meilleur service aux justiciables.

Permettez-moi de rappeler ici la recommandation n° 17 de deux de nos collègues sénateurs, Virginie Klès et Yves Détraigne, sur la question de l’opportunité d’un tribunal départemental de première instance : « Créer le tribunal de première instance au siège actuel de chaque TGI, sans imposer par principe un seul tribunal de première instance par département, et créer un réseau de chambres détachées correspondant aux implantations actuelles des tribunaux d’instance. »

Je demande donc à Mme la garde des sceaux de nous rassurer, d’abord sur le maintien d’une juridiction de plein exercice pour les deux TGI du Tarn, comme elle l’a fait, à ma connaissance, concernant un département voisin, celui de l’Aude, ensuite, plus largement, sur les moyens qui seront mis en œuvre pour pérenniser les juridictions de proximité, déjà attaquées en 2007 par la carte judiciaire qu’avait voulu imposer Mme Rachida Dati, alors garde des sceaux, à laquelle nous nous étions déjà opposés, avec succès, dans le département du Tarn, les arguments développés alors restant d’actualité.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.