M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Grave !

M. Michel Teston. … majeure, en décidant de vendre les actifs de l’État dans les sociétés concessionnaires d’autoroutes. Cette décision a privé l’AFITF de ressources financières importantes.

Cette décision gouvernementale avait en réalité principalement pour objectif – soyons francs – de combler une partie du déficit budgétaire de l’État, car, sur les 14,8 milliards d’euros de la cession, seulement 4 milliards sont allés à l’AFITF.

L’État a dû alors rechercher des recettes nouvelles supplémentaires pour financer l’AFITF. Ainsi, lors de l’examen du projet de loi Grenelle I, le gouvernement Fillon a fait adopter la création d’une écotaxe poids lourds, qui apparaît comme une traduction de la directive Eurovignette et constitue une première et réelle prise en compte des externalités négatives de la route.

La mise en place de l’écotaxe a donc introduit l’idée d’une contribution des usagers d’une infrastructure de transport non concédée à l’effort national de financement des infrastructures de transport.

Toutefois, ce transfert partiel de la charge du financement des réseaux de transport sur une partie des usagers des routes nationales, en l’occurrence les entreprises de transport routier utilisant des véhicules poids lourds de plus de 3,5 tonnes, reposait sur une mise en œuvre complexe. En outre, le gouvernement Fillon a fait le choix d’externaliser la mise en œuvre et le recouvrement de cette taxe.

Depuis lors, monsieur le ministre, vous n’avez pas pu remettre en cause le contrat, mais vous avez, à juste titre, souhaité améliorer le dispositif en permettant aux transporteurs de répercuter la charge de la taxe sur les donneurs d’ordre, c'est-à-dire les chargeurs. Pour autant, cette avancée n’a pas suffi à améliorer l’acceptabilité sociale de cette mesure.

La suspension de la mise en œuvre de l’écotaxe et ses conséquences sur le budget de l’AFITF pose plus que jamais la question du financement suffisant et pérenne des infrastructures de transport.

Quelles sont aujourd’hui les solutions envisageables ? En attendant de connaître les conclusions de la mission d’information sur l’écotaxe mise en place à l’Assemblée nationale, ainsi que la décision du Gouvernement qui devrait suivre, l’État doit apporter à l’AFITF des crédits équivalant à la recette qui était attendue de l’écotaxe.

M. Louis Nègre. Très bien !

M. Michel Teston. À défaut, la plupart des programmes de régénération comme de développement d’infrastructures ne pourront pas être lancés.

Monsieur le ministre, je ne mésestime pas les difficultés pour le Gouvernement de dégager les moyens nécessaires en réalisant des économies sur d’autres lignes budgétaires, mais il me semble que c’est un passage obligé.

M. Louis Nègre. Nous sommes d’accord !

M. Michel Teston. À ce sujet, même si cette question fait moins débat qu’auparavant, le maintien de l’AFITF me paraît absolument nécessaire.

M. Michel Teston. En plus des crédits d’État et des recettes escomptées à terme de l’écotaxe poids lourds – je prends, en disant cela, mes responsabilités –, une participation accrue des sociétés concessionnaires d’autoroutes doit être envisagée.

En effet, selon le rapport de 2013 de la Cour des comptes sur les relations entre l’État et les sociétés concessionnaires d’autoroutes, la « profitabilité est plus marquée et constante que celle de l’ensemble de l’économie française (hors secteur financier) ». La question peut donc être posée d’une contribution financière plus importante des sociétés concessionnaires à l’effort national de développement des infrastructures de transport.

Certes, la taxe d’aménagement du territoire est contractuellement liée au tarif des péages, donc à la participation des usagers. Si l’État décide d’augmenter cette taxe, le risque est grand que ce soient les usagers qui supportent l’augmentation. Dès lors, pourquoi ne pas imaginer une fiscalité nouvelle pesant moins sur l’usager et plus sur les dividendes des sociétés concessionnaires ?

M. Louis Nègre. Des impôts !

M. Michel Teston. Faut-il aussi relever de nouveau la fiscalité domaniale applicable aux sociétés concessionnaires ? La question est posée.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Tout à fait.

M. Michel Teston. Les subventions européennes constituent la troisième source principale de financement pour les infrastructures nouvelles ou les infrastructures classiques complètement réaménagées. Cette source de financement est très importante, dans la mesure où, pour certains projets jugés essentiels par l’Union européenne, les financements peuvent atteindre 40 %. Tel est le cas du tunnel de base de la ligne ferroviaire Lyon-Turin ou encore du canal Seine-Nord, si j’ai bien compris ce qui nous a été dit récemment.

En l’état actuel du débat, voilà les quelques suggestions qui peuvent être faites pour assurer le financement des infrastructures de transports. Cela suffira-t-il à répondre aux besoins de mobilité, avec une répartition équilibrée du coût entre l’usager et le contribuable ?

En tout cas, j’espère que ce débat constituera le point de départ d’une réflexion parlementaire sur le financement des infrastructures de transport et d’une prise de conscience de la nécessité de disposer de recettes pérennes et de bon niveau pour des infrastructures de transport de qualité, répondant au large besoin de mobilité exprimé non seulement dans notre nation, mais aussi au sein de l’Union européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, enjeu essentiel de la transition écologique, question fondamentale d’aménagement du territoire, auquel notre groupe est très attaché, outil de développement économique indispensable, la qualité et la densité de nos infrastructures de transport sont déterminantes pour l’avenir du pays. Aussi, celles-ci doivent s’inscrire dans le contexte de la constitution du réseau de transport européen, qui participera à la construction d’une Europe plus intégrée, plus forte, reposant sur un meilleur maillage territorial.

Toutefois, aujourd’hui, monsieur le ministre, mes chers collègues, quelle est l’urgence ? Nous le savons tous ici, c’est le financement des infrastructures de transport. (M. Roger Karoutchi s’exclame.)

Je répondrai d’ailleurs à notre excellent collègue Louis Nègre que c’est très bien de vouloir faire du covoiturage ou mettre les passagers du train dans les bus, mais encore faut-il pour cela avoir des routes !

M. Louis Nègre. Nous sommes d’accord !

M. Roger Karoutchi. Et des bus ! (Sourires.)

M. Jacques Mézard. Alors que certaines grandes agglomérations souffrent d’une forte saturation de leur réseau de transport due à la hausse continue de leur fréquentation, il y a encore, et vous le savez, monsieur le ministre, nombre de territoires de la République qui vivent dans l’éloignement, l’isolement, en l’absence d’infrastructures routières, ferroviaires, aériennes dignes de ce nom.

M. Louis Nègre. Ce sont des déserts ? (Nouveaux sourires.)

M. Jacques Mézard. En tout cas, il n’y a pas 6 000 passages de camions par jour !

Ce constat ne relève certes pas de la nouveauté, mais il est une réalité pour nos concitoyens. Nous le savons, les infrastructures ferroviaires secondaires et les réseaux routiers de proximité ont longtemps été délaissés par les différentes politiques publiques et autres programmes d’investissement.

En outre, en ce qui concerne les transports ferroviaires, de nombreux rapports ont fait état de leur vétusté et d’un sous-investissement avéré pour leur maintenance. Je vous renvoie aux travaux du professeur Robert Rivier, actualisés en 2012, ou au rapport de la Cour des comptes sur l’entretien du réseau ferroviaire national publié en juillet 2012. Le diagnostic est connu ; il n’est pas sévère, il est réaliste.

La politique menée ces trente dernières années n’a pas été glorieuse. Elle n’a pas permis de répondre aux besoins des zones exclues des grands projets ferroviaires, et des territoires ont tout simplement été mis de côté.

Alors que les collectivités territoriales intervenaient pour rénover les réseaux sans percevoir de compensations à la hauteur des enjeux, l’État n’a cessé de se désengager de ceux qu’il jugeait peu rentables, en s’abstenant de prendre le moindre engagement pour l’avenir.

Or il y a urgence depuis plus de dix ans, et je constate qu’aucune réponse efficace n’a été apportée par les gouvernements successifs pour rattraper ces retards. C’est d'ailleurs une caractéristique de la Ve République !

M. Roger Karoutchi. Allons !...

M. Jacques Mézard. Monsieur Karoutchi, je salue votre présence ! Le schéma national des infrastructures de transport, qui nécessitait 245 milliards d’euros d’investissements sur vingt à trente ans, constituait un projet particulièrement ambitieux. Nous le savons, il était irréalisable, irréaliste, et ce d’autant plus dans le contexte budgétaire et financier actuel, ce qui a conduit à sa révision.

Les conclusions de la commission Mobilité 21 ont dégagé de nouvelles priorités centrées sur la modernisation des réseaux de transport existants pour un montant de 30 milliards d’euros à réaliser en vingt ans.

Si ce point n’est pas sérieusement contestable, nous regrettons que les scenarii envisagés aient éludé la préoccupation, pourtant centrale, du désenclavement des territoires inscrit à l’article L. 1111-3 du code des transports, selon lequel la programmation des transports doit y concourir. Cet article précise en effet : « Cette programmation permet, à partir des grands réseaux de transport, la desserte des territoires à faible densité démographique par au moins un service de transport remplissant une mission de service public. » Ce n’est pas un vœu pieux, c’est dans la loi !

Il ne me semble pas que la fracture territoriale puisse être colmatée avec de telles priorités, ce qui est, monsieur le ministre, en totale contradiction avec l’engagement n° 28 – que vous devez connaître par cœur, comme les cinquante-neuf autres – du candidat François Hollande sur la politique des transports. Comment, dès lors, inciter nos concitoyens au report modal ?

J’avais prévu de dire que l’on ne trouvait aucune traduction concrète des engagements financiers qui avaient été annoncés en matière d’infrastructures de transports, tels que le renouvellement du matériel roulant des trains d’équilibre du territoire, dans le budget de l’AFITF. Néanmoins, compte tenu de l’excellente nouvelle que vient de nous annoncer notre collègue Louis Nègre, ce n’est plus le cas.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Le renouvellement de ce matériel est engagé !

M. Jacques Mézard. Cette traduction faisait d'ailleurs tellement défaut que ce budget avait été qualifié de budget « en suspens » par les différents rapporteurs du projet de loi de finances pour 2014. Il a en effet été construit en tenant compte des recettes suscitées par le produit de la fameuse écotaxe poids lourds, qui devait représenter au moins 40 % du budget de l’AFITF.

Cependant, l’écotaxe a été suspendue. La signification du mot « suspension » peut d'ailleurs donner lieu à un certain nombre d’interrogations. Monsieur le ministre, qu’en est-il ? Avez-vous un plan B ? Vous le savez – et je suis sûr que nous partageons le même sentiment sur cette question ! –, le report à durée indéterminée de la taxe compromet gravement les missions de l’AFITF, car le financement de l’agence ne peut reposer indéfiniment sur des subventions d’équilibre, qui sont par nature instables.

Le recul, ou la reculade, sur ce sujet risque de paralyser et de mettre en péril toute notre politique en matière d’infrastructures de transport. S’il suffisait de manifester pour faire obstacle aux projets du Gouvernement, nous ne l’avons pas suffisamment fait pour le projet de loi sur le non-cumul des mandats ! (Sourires.) Et je sais que vous partagez notre sentiment aussi sur ce point, monsieur le ministre.

Cet immobilisme est d’autant plus préoccupant que la dette ferroviaire dépasse aujourd'hui les 40 milliards d’euros. Les projets recentrés sur quelques priorités par la commission Mobilité 21, le financement des contrats de plan État-région et des programmes de modernisation des itinéraires routiers, les PDMI, seraient de nouveau reportés, ce qui serait catastrophique pour un certain nombre de territoires. D’ailleurs, pour ce qui concerne ces programmes, force est de constater que les retards s’accumulent, puisque le taux d’avancement est seulement de 42 % en moyenne à la fin de l’année 2013.

Peut-être allons-nous obtenir, monsieur le ministre, des clarifications du Gouvernement sur les pistes qu’il envisage de suivre pour résoudre ce problème crucial du financement ? C’est ce que nous attendons de vous aujourd’hui, et c’est en grande partie pour cette raison que nous sommes là !

Soit on applique l’écotaxe poids lourds votée par le Parlement sous deux majorités successives, soit on propose d’autres solutions. Nous craignons cependant que, au lieu de rechercher de nouveaux financements pérennes, qui seraient affectés à la politique des transports, le Gouvernement ne choisisse plutôt de revoir ses ambitions à la baisse.

Monsieur le ministre, j’en veux pour preuve les déclarations de votre collègue du budget à l’Assemblée nationale : « L’abandon de la taxe poids lourds nécessiterait de revoir un certain nombre de priorités, de faire des choix pour redessiner notre politique des transports. » Où en sommes-nous ?

Si l’écotaxe poids lourds venait à s’appliquer, il conviendrait alors d’adopter une nouvelle politique visant à relancer le fret ferroviaire pour créer une alternative réelle et ne pas entraver la compétitivité de nos entreprises.

Pourquoi ne pas renégocier les contrats avec les sociétés concessionnaires d’autoroutes, comme le recommandait la Cour des comptes en juillet dernier, en vue de réduire l’effet d’aubaine que leur procurerait le report prévu du trafic sur le réseau concédé ?

Pour conclure, monsieur le ministre, l’attentisme et l’instabilité ne jouent jamais en faveur des projets de long terme, et à plus forte raison concernant les infrastructures de réseaux, qui s’accommodent mal du court-termisme. Nous en faisons les frais aujourd’hui, et ce sera encore le cas demain si une réponse n’est pas rapidement apportée. La fonction première du politique est de prendre des décisions courageuses dans l’intérêt général et dans celui de tous les territoires de la République.

Notre groupe est très investi sur cette question et il souhaite que vous clarifiiez votre stratégie, ainsi que la politique que vous entendez mener pour garantir un avenir à nos infrastructures de transport. Car il y a urgence !

Monsieur le ministre, « Gouverner, c’est prévoir », disait Pierre Mendès-France. En tout cas, gouverner, ce ne peut être renoncer ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, aujourd’hui plus qu’hier, l’avenir des infrastructures doit être avant toute chose replacé dans son contexte financier, à savoir la disette budgétaire, pour ne pas dire davantage, que nous connaissons. Si l’on veut débattre de l’avenir des infrastructures, il faut donc évoquer non seulement leur multiplication ou leur intérêt, mais surtout leur financement, ce qui rend nécessaire un effort particulier de hiérarchisation.

La suspension de l’écotaxe poids lourds est un élément clef de ce débat. Sur ce point – je tenais à le souligner, car ce n’est pas très souvent le cas –, je suis d’accord avec M. Mézard !

M. Jacques Mézard. Je suis inquiet ! (Sourires.)

M. Ronan Dantec. Si nous ne créons pas de nouveaux flux financiers, nous ne pouvons plus engager les projets annoncés. Ceux qui soutiennent aujourd’hui la suppression de l’écotaxe devraient probablement mieux mesurer les conséquences en cascade de cette suspension, voire de cette suppression, sur l’activité économique et la modernisation durable de notre pays.

Je ne détaillerai pas ici les propositions que j’ai pu formuler dans mon rapport sur le budget des transports routiers pour sortir de cette situation de blocage.

Je me contenterai simplement de les rappeler brièvement : supprimer les différences de traitement entre petites et grandes entreprises de transport routier pour l’application de la taxe – c’est un point important – ; envisager, bien sûr, des exonérations sectorielles pour le monde agricole ; trouver les moyens de contraindre la grande distribution à assumer le coût de l’écotaxe, au lieu de tenter de reporter celui-ci sur les producteurs et les transporteurs ; surtaxer les 44 tonnes à 5 essieux, qui sont responsables de la dégradation accélérée des chaussées ; enfin, mesurer le report de trafic sur les autoroutes à compter de l’entrée en vigueur de l’écotaxe, afin de récupérer pour le budget de l’État la majeure partie des nouveaux bénéfices des sociétés privées, lesquelles n’ont guère à se plaindre des conditions de privatisation, comme Michel Teston l’a souligné dans son intervention.

Je voudrais tout de même redire que chaque mois qui passe sans écotaxe laisse échapper près de 80 millions d’euros de financement des infrastructures. Pour répondre à cet imprévu, l’AFITF a déjà puisé 430 millions d’euros dans son fonds de roulement et baissé les budgets de certains projets, notamment ceux qui figurent dans les PDMI ou les contrats de plan État-région – ce sont donc plutôt des projets de proximité qui sont concernés –, sans compter le retard pris dans l’entretien du réseau, ce qui pourrait nous coûter bien plus cher demain.

Parallèlement, l’absence de taxe sur les poids lourds maintient une situation de concurrence déloyale au détriment des modes de transport non routiers, lesquels devraient pourtant être aujourd’hui avantagés, car ils sont moins polluants. Ce sont les seuls à payer leurs infrastructures, alors que nous payons tous pour la route !

Cinq organisations professionnelles du transport non routier de marchandises – ferroviaire, fluvial, maritime et transport combiné –, qui emploient plus de 300 000 salariés en France et génèrent un chiffre d’affaires annuel de plus de 40 milliards d’euros, ont d'ailleurs attiré l’attention, à la fin du mois de janvier dernier, sur la menace que fait peser la suspension de l’écotaxe sur leurs secteurs.

Selon elles, « les perspectives d’investissement pour le rail sont lourdement pénalisées par l’annulation du versement à RFF de 135 millions d’euros de compensation dû par l’État au titre des péages fret. » De plus, les « Voies navigables de France ne peuvent plus financer le programme de régénération et de développement du réseau, et n’ont pu ni fixer ni voter leur budget 2014, puisque l’AFITF ne sera pas en mesure de verser en année pleine à VNF les 60 millions d’euros annoncés ».

Cette situation nous amène à nous interroger sur le choix du Gouvernement en faveur du plus ambitieux des deux scénarios proposés par la commission Mobilité 21, dite aussi « commission Duron », qui prévoit entre 28 et 30 milliards d’euros d’investissements nouveaux moyennant une hausse des sources de financement de 400 millions d’euros par an.

Si j’en crois le rapport d’information de MM. Mézard et Pointereau du 30 mai 2013 sur l’avenir des infrastructures de transport, il existe de réelles convergences, pour ne pas dire un consensus, entre nous sur cette question : il faut « donner la priorité aux investissements portant sur la modernisation des infrastructures existantes, qu’elles soient routières, ferroviaires ou fluviales ». Les écologistes ne pourraient dire mieux ! (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Toutefois, nous ne sommes pas certains que cela soit le cas du second scénario du rapport Duron, qui inclut de nombreux projets routiers nouveaux, aux premiers rangs desquels le contournement de Rouen par l’est ou l’A45. Nous sommes également réservés sur la seule ligne à grande vitesse retenue dans les premières priorités du second scénario, à savoir Bordeaux-Toulouse. Une modernisation de la ligne existante apporterait quasiment le même gain en temps de parcours, pour une empreinte écologique bien moindre et un coût inférieur de 6 milliards d’euros.

En revanche, nous soutenons pleinement le premier scénario, qui remet, enfin, de l’ordre dans les priorités et se fonde sur les besoins essentiels des territoires, là où le SNIT établi par la droite était irréaliste, car impossible à financer.

La question du transport nécessite aujourd'hui une approche globale de la part de l’État en matière d’infrastructures et de flux financiers. Une planification des transports à l’échelle nationale, affirmée par la démarche du Gouvernement, qui a mis en place la commission Mobilité 21, nous semble être la seule solution permettant de rationaliser les transports et d’infléchir leurs impacts environnementaux.

Néanmoins, nous n’avons pas les moyens de tout faire et devons donc avoir une idée très claire de nos priorités. Je voudrais notamment insister sur la concurrence entre les offres de grande vitesse.

Certes, autant que faire se peut, une offre de transport à grande vitesse doit être garantie sur l’ensemble du territoire. Il y va de l’égalité des territoires. Cependant, tous les territoires ne doivent pas obligatoirement bénéficier de toutes les grandes vitesses : entre autoroute, LGV et aéroport,…

M. Jacques Mézard. Et les diligences ? (Sourires.)

M. Ronan Dantec. … il faut savoir choisir, en intégrant dans nos choix la question des émissions de CO2, pour favoriser les modes de transport les moins émetteurs.

Dans ce contexte de contrainte budgétaire et d’urgences environnementales, il paraît donc évident, aujourd’hui plus encore qu’hier, que les projets pour lesquels des solutions de substitution crédibles et moins chères existent ne doivent plus être poursuivis. C’est le cas de la ligne Lyon-Turin et, évidemment, du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes (Exclamations sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.), d’autant que le trafic de mouvements d’avions de l’aéroport de Nantes-Atlantique a baissé cette année.

M. Jacques Mézard. Évidemment !

M. Ronan Dantec. Je regrette que l’État ait mis fin au processus de dialogue engagé au début de 2013 en refusant de répondre de manière étayée aux objections techniques pourtant extrêmement précises des opposants. Ceux-ci avaient joué le jeu de la commission du dialogue et avaient mis sur la table des propositions de rechange s’appuyant sur la modélisation du développement de l’aéroport actuel et la réalité du plan d’exposition au bruit.

Nous sommes donc malheureusement revenus à la case départ et aux mobilisations de terrain, avec la manifestation prévue à Nantes le 22 février prochain.

Toutefois, je n’en doute pas, le Gouvernement, si sensible aux voix de la rue, comme l’ont fait remarquer d’autres orateurs avant moi, ne s’engagera pas dans un affrontement particulièrement injustifié au vu de l’absurdité de ce projet, qui n’apporte strictement aucun bénéfice nouveau en termes de mobilité. Voilà déjà au moins, monsieur le ministre, quelques centaines de millions d’euros que l’État pourra réinvestir plus utilement !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Non, le contrat est signé ! Il faudrait indemniser Vinci.

Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi.

M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, je souhaite utiliser le bref laps de temps dont je dispose pour évoquer la situation de l’Île-de-France, car je sentais bien que cela vous manquait !

L’accident de Brétigny-sur-Orge a mis en évidence – c’est le moins que l’on puisse dire – l’état des infrastructures franciliennes, sur lequel je vous avais déjà interrogé, comme je l’avais fait d'ailleurs avec les ministres précédents.

Voilà une région qui représente 60 % du trafic ferroviaire et qui compte quotidiennement de 6 à 7 millions d’usagers des transports publics. Or, tous les jours, c’est la galère, avec des problèmes dans le métro, dans le RER, dans les trains de banlieue…

Pourtant, nous avons le sentiment de mettre beaucoup d’argent dans les transports franciliens. Certes, ce n’est pas vraiment le cas de l’État.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Tout de même !

M. Roger Karoutchi. En tout cas, il n’en met pas assez ! La région y consacre beaucoup d’argent, ainsi que le STIF, les collectivités et les entreprises. Je rappelle d'ailleurs que, pour les transports publics d’Île-de-France, le versement transport représente 38 % du budget du STIF.

Monsieur le ministre, j’irai à l’essentiel : il a été demandé à la région de fournir un effort supplémentaire en 2014. Nous avons débloqué 900 millions d’euros. Toutefois, sur cette somme, 300 millions d’euros sont conditionnés au fait que l’État indique les leviers de recettes nouvelles pour la région, conformément à la convention signée avec le Premier ministre.

S’agissant de la piste qui consiste à accroître encore le versement transport, je pense sincèrement que l’état économique de nos entreprises en Île-de-France ne nous permet pas de l’envisager, d’autant que cette contribution a déjà été augmentée il y a quelques mois. Franchement, il faut trouver une autre ressource !

Monsieur le ministre, je ne sais pas si le Gouvernement a déjà réfléchi aux recettes que vous transférerez à la région d’Île-de-France pour qu’elle puisse moderniser ses transports publics. Ce que les orateurs précédents ont dit pour la province vaut aussi pour la région francilienne : si l’on ne modernise pas le réseau, non seulement il sera usé et dangereux, mais il deviendra une entrave au développement économique.

Comment trouver des recettes pérennes ? Monsieur le ministre, je le répète, avez-vous déjà réfléchi à celle que vous alliez transférer ?

Par ailleurs, le président de la région s’est enfin décidé à taper du poing sur la table face au président de la SNCF et à celui de la RATP. Il était temps, et je ne dis pas cela parce que M. Huchon est socialiste : nous sommes capables de discuter, au-delà de nos divergences politiques. Toutefois, par moments, l’exaspération est tangible : les collectivités locales comme les usagers en ont plus qu’assez de voir la RATP et la SNCF en concurrence dans la région d’Île-de-France : chacune d’entre elles paie des études et finance des projets, mais elles sont incapables de se mettre d’accord vite sur des projets communs.

Monsieur le ministre, peut-on continuer à avoir deux grandes entreprises de transport public qui convergent peu dans la région d’Île-de-France ? Nous avions envisagé une gestion unifiée des RER : le moins que l’on puisse dire, c’est que cette gestion est très partielle ! Pour ma part, j’ai toujours demandé – pardon de le répéter même si je suis seul de cet avis – que soit créée une société unifiée de transport public en Île-de-France, issue des deux grandes entreprises. En effet, il faudra bien à un moment faire des économies d’échelle ! On ne peut pas continuer de demander aux collectivités et aux usagers d’Île-de-France de payer de plus en plus sans leur offrir un service meilleur.

Aujourd'hui, on a le sentiment que la région fait ce qu’elle peut, qu’elle n’en peut plus de payer et qu’elle n’arrive à rien. Pendant ce temps, les usagers voient les tarifs augmenter et les entreprises disent ne pas pouvoir contribuer davantage au versement transport. Dans ces conditions, qui va payer ? Il faut bien que l’on trouve à la fois des économies d’échelle et des recettes pérennes.

Par ailleurs, monsieur le ministre, puis-je me permettre de vous faire savoir que nous comptons beaucoup sur vous et sur vos collègues pour intervenir auprès de Bruxelles sur la question de la TVA ? Nous avons eu un long débat sur ce point lors de l’examen du projet de loi de finances. Je répète que la TVA à 10 % sur les transports publics est insensée, pour ne pas dire indigne ! Comment les transports publics peuvent-ils ne pas être considérés comme un produit de première nécessité pour les travailleurs qui les empruntent ? Nul ne prend le métro à huit heures du matin par plaisir ni pour aller se promener – ou alors, il faut me dire qui, afin que je voie à quoi il ressemble !

Des mesures doivent être prises. Revenons à une TVA à 7 % sur les transports publics. Efforçons-nous de pousser la RATP et la SNCF à regrouper leurs activités ou, à tout le moins, à trouver des convergences.

Monsieur le ministre, quelles ressources pérennes ou quels leviers comptez-vous confier à la région d’Île-de-France pour lui permettre de consacrer davantage de moyens aux transports publics ? La réponse à cette question conditionne 300 millions d’euros d’investissements dans le budget pour 2014 de la région d’Île-de-France. Des décisions doivent être prises !

Tout à l'heure, notre excellent collègue Louis Nègre déclarait qu’il ne suffit pas de parler de rénovation des transports : le problème, c’est la ressource !

La collectivité régionale d’Île-de-France a la volonté de consentir des efforts supplémentaires sur les transports. On nous demande beaucoup et, de fait, les choses commencent à bouger : par exemple, la construction de la ligne 15 du Grand Paris Express devrait démarrer l’année prochaine. Toutefois, à notre goût, elles ne bougent pas assez : je critique souvent l’exécutif régional actuel, pour lui demander de consacrer un peu plus de moyens aux transports publics !

Cela dit, nous avons besoin de partenaires. À défaut de se regrouper, les entreprises publiques doivent au moins se rapprocher pour avoir des projets communs et de moindres frais de fonctionnement. Quant à l’État, il doit être un partenaire régulier dans le financement.

Monsieur le ministre, le temps qui m’était imparti est écoulé, mais je veux le répéter : la galère des transports en Île-de-France est une réalité quotidienne pour des millions de Franciliens. Et, pendant ce temps, la province connaît elle aussi de graves problèmes.

Dès lors, nous avons besoin que l’État assure ses engagements, assume les conséquences de ses décisions et rompe avec la politique de désengagement total menée ces vingt-cinq dernières années par les gouvernements, de droite comme de gauche. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)