M. Henri Tandonnet. Je regrette, d’une part, que le travail de la Haute Assemblée disparaisse durant la navette parlementaire et, d’autre part, qu’un grand nombre des amendements que notre groupe avait fait adopter en première lecture n’aient pas recueilli un avis favorable du Gouvernement. En effet, nous sommes dans une démarche constructive sur un texte que nous soutenons dans son ensemble.

Monsieur le ministre, je vous demande donc de faire preuve d’ouverture et de témoigner de la considération aux positions qui seront soutenues par les sénateurs dans cet hémicycle. D’ailleurs, si votre collègue François Lamy a obtenu ici même un large consensus sur son projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, c’est bien parce qu’il a accepté de nombreux amendements du Sénat… J’espère qu’il en ira ainsi pour le présent projet de loi.

Je tiens d’abord à revenir sur la mesure phare du texte, l’action de groupe.

Ne créant pas de nouveaux droits mais facilitant l’accès au juge pour de nombreuses victimes, par une nouvelle manière d’agir faisant intervenir le procureur, l’action de groupe doit s’inscrire le plus possible dans le droit commun, qu’elle ne modifie pas.

Les majorités successives ont souhaité créer cette nouvelle procédure. Saluons donc une telle création ! Ce n’est naturellement qu’un début : il faudra l’étendre au plus vite aux domaines de la santé et de l’environnement, secteurs où les préjudices subis sont importants, ainsi que l’actualité nous le prouve sans cesse.

Je souhaite plus particulièrement évoquer deux points : l’action de groupe simplifiée et les tribunaux de grande instance spécialisés.

Premièrement, le dispositif de l’action de groupe dite « simplifiée », introduit sur l’initiative du rapporteur de l’Assemblée nationale, ne se justifie pas.

En effet, cette procédure demeure mal encadrée, malgré le travail de notre rapporteur, et risque de dénaturer la procédure normale, laquelle laisse suffisamment de latitude pour faciliter, par exemple, la constitution du groupe de consommateurs lésés.

Il est évident que le juge saura s’adapter à chaque réalité par des mesures de réparation appropriées ! Laissons-le donc décider de la manière dont il traitera l’action de groupe.

Le fond du droit est celui du droit contractuel de la réparation. Dès lors, nul besoin d’innover ou de créer des particularismes ! Avec le code de procédure civile, par le jeu de la mise en état, le juge du tribunal de grande instance dispose de tous les outils lui permettant de s’adapter à la particularité de chaque action : il peut choisir entre une procédure accélérée et une procédure plus longue selon la nature des actions engagées et des investigations à mener, et son champ d’action est très large.

Deuxièmement, je veux insister sur la réintroduction de huit tribunaux de grande instance spécialisés pour traiter les litiges nés d’une action de groupe. Cette mesure, les sénateurs l’avaient supprimée à une très large majorité en première lecture : ils avaient considéré que cette spécialisation était totalement inadaptée.

En effet, les contentieux locaux seront délocalisés au niveau des métropoles régionales, dans des tribunaux déjà surchargés. Cela n’a pas de sens : c’est encore une manière d’éloigner la justice de nos concitoyens et une nouvelle atteinte à l’égalité des territoires.

De plus, je ne vois aucune raison valable à une telle spécialisation puisque tous les TGI sont aujourd’hui capables de traiter des affaires du droit de la consommation ; je dirais même que c’est leur quotidien. En outre, comme je l’ai déjà dit, l’action de groupe ne crée pas de droits nouveaux : elle modifie juste une façon d’agir, de saisir le tribunal.

Pour notre part, nous souhaitons défendre nos territoires et nos magistrats de proximité. Notre groupe a donc déposé de nouveaux amendements sur les deux aspects de l’action de groupe que je viens de développer.

J’en viens maintenant au sujet du crédit à la consommation.

Comme nous l’avions déjà exprimé en première lecture, par la voix de ma collègue Valérie Létard, nous nous félicitons de la création du registre national des crédits aux particuliers.

Initiative soutenue depuis dix ans par notre famille politique, le « fichier positif » constitue un outil précieux pour lutter contre le surendettement et les octrois abusifs de crédits excessifs.

Même s’il n’a pas vocation à résoudre tous les problèmes de « malendettement », il doit remplir une fonction préventive. C’est pourquoi, dans un souci d’efficacité, il est essentiel que ce fichier recense également toutes les opérations de rachat de crédits. Notre groupe présentera de nouveau un amendement en ce sens, l’Assemblée nationale ayant supprimé la mesure que le Sénat avait votée.

Dans le même esprit, nous souhaitons également que soit pris en compte le montant de tous les crédits renouvelables, y compris les réserves non utilisées. En effet, il est important de ne pas laisser de niches où s’engouffreraient des consommateurs malheureux ou des commerçants mal intentionnés. Le fichier positif doit être le plus exhaustif possible, pour être le plus efficace possible.

Il faut aussi qu’il entre en vigueur le plus rapidement possible. À cet égard, nous souhaitons, monsieur le ministre, que les décrets d’application soient vite publiés. C'est la raison pour laquelle nous proposerons un amendement tendant à supprimer les huit décrets en Conseil d’État prévus, désormais redondants avec les dispositions de l’article 22 septies.

Notre vision de la question des crédits doit être globale et cohérente. Pourquoi, en effet, créer un registre national des crédits si nous n’essayons pas simultanément de nous attaquer aux racines du problème, c’est-à-dire à l’entrée dans le crédit ?

Ma collègue Muguette Dini avait largement insisté, en première lecture, sur l’encadrement de l’entrée dans le crédit, rappelant notamment les dangers des sollicitations commerciales auprès de clients financièrement fragilisés. Ainsi, l’interdiction du démarchage commercial pour un crédit renouvelable ou encore la prohibition de toute rémunération du vendeur en fonction des modalités de paiement de l’acheteur devraient être intégrées dans le projet de loi.

Ce texte offre également l’occasion de modifier certaines dispositions concernant des questions plus particulières, pour y réintroduire de la souplesse.

Néanmoins, nous avons là des désaccords avec le rapporteur.

À titre d’exemple, je pense au délai de paiement spécifiquement applicable à l’achat de produits et de matériaux destinés à la construction : nous sommes nombreux à avoir signé les différents amendements tendant à rétablir un délai de 60 jours – au lieu de 45 –, afin de ne pas créer de défaillance financière des artisans et des entreprises du bâtiment. J’espère que cet amendement sera adopté, ainsi que l’avait fait l’Assemblée nationale en première lecture : le bâtiment est un secteur encore trop fragile, en cette période de crise, pour qu’on lui inflige de nouvelles mesures contraignantes.

En conclusion, le texte qui sortira de cette deuxième lecture nous indiquera si nous avons atteint l’objectif de conciliation de réels progrès pour les consommateurs avec le maintien de la compétitivité de nos entreprises. En effet, le but n’est ni de donner plus de travail à la justice et aux avocats ni de compliquer la vie de l’ensemble des acteurs : il s’agit bien de contribuer à un environnement réglementaire simplifié et sécurisant.

Mes chers collègues, le vote de mon groupe dépendra du sort réservé à nos amendements. Nous souhaitons vivement être entendus, car nous abordons ce texte avec un esprit constructif. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne pouvons que souhaiter l’augmentation du pouvoir d’achat de nos concitoyens et la réduction de leurs dépenses contraintes. Aussi, monsieur le ministre, partageons-nous votre volonté d'y parvenir.

Comme vous, nous souhaitons renforcer l’information du consommateur, assurer la sécurité et la qualité des produits, encadrer les relations commerciales et donner les moyens à la police économique d’exercer ses missions, comme nous l’avons montré au travers de nos amendements.

Cependant, nous constatons que la volonté qui est la vôtre, et qui s’exprime par ce projet de loi, se heurte à deux principales difficultés.

D’une part, le chômage, la précarité et la pauvreté continuent de progresser dans notre pays. Alors que les patrons demandent aux salariés de baisser leurs salaires pour ne pas licencier, que le traitement des fonctionnaires est gelé depuis plusieurs années, que le régime des retraites va entraîner une diminution des pensions et que les jeunes peinent à financer leurs études, à se loger et à trouver un travail, un nouveau cadeau est fait aux entreprises avec le pacte de responsabilité. Là encore, le MEDEF dit qu’il ne peut pas prendre d’engagements. Autrement dit, il refuse le principe même des contreparties et du contrat de responsabilité…

D’autre part, une seconde difficulté réside dans l’insuffisance des mesures du projet de loi pour réduire les principales dépenses contraintes, qu’il s’agisse du logement, de l’énergie ou des biens courants de consommation. Ainsi, l’augmentation des prix de l’immobilier rend l’accès à la propriété de plus en plus difficile pour les personnes disposant de revenus moyens. Le taux d’endettement des ménages atteint des niveaux record et les prix du marché excluent une grande partie des acquéreurs potentiels.

Les loyers, beaucoup trop élevés, ne permettent pas de garantir un toit à tous. Les dépenses énergétiques sont également en augmentation et pèsent de plus en plus lourd dans le budget des ménages. La commission de régulation de l’énergie a annoncé une hausse de 30 % d’ici à 2017. La CSPE, la contribution au service public de l’énergie, va augmenter de 22 % entre 2013 et 2014. Enfin, la TVA est passée à 20 % depuis le début de l’année, ce qui représente une diminution supplémentaire du pouvoir d’achat.

Dans ce contexte, même si nous portons un regard globalement positif sur ce projet de loi, nous craignons qu’il ne réponde pas aux objectifs annoncés.

S’agissant des dispositions du texte qui nous paraissent aller dans le bon sens, je voudrais revenir en premier lieu sur l’action de groupe, qui constitue un point très positif.

En première lecture, nous avions proposé d’élargir cette procédure aux litiges environnementaux, financiers ou touchant la santé. Cependant, nous n’avons pas déposé de tels amendements en seconde lecture. Non que nous y ayons renoncé, mais parce que nous avons pris acte de votre engagement, monsieur le ministre, d'aller dans ce sens. Les évolutions qui viendront de la pratique juridictionnelle et de la jurisprudence seront sans aucun doute utiles à notre réflexion sur l’élargissement de cette procédure.

Ensuite, nous approuvons les articles relatifs à la durabilité et la réparabilité des produits. À ce propos, je voudrais dire un mot de l’importance de développer une consommation économe dans le cadre d’une « économie circulaire », territorialisée par des circuits courts, qui recycle, répare et valorise la matière et les objets.

Concernant la lutte contre le démarchage téléphonique abusif, nous pensons qu’il faudrait aller beaucoup plus loin que le projet de loi et interdire tout simplement l’ensemble des démarchages commerciaux par téléphone, en particulier en direction des personnes vulnérables. Il se pose, les concernant, une vraie question de protection, en particulier pour les personnes âgées, harcelées et mises en difficulté par de telles pratiques.

À propos du chapitre V relatif à la modernisation des moyens de contrôle de l’autorité administrative chargée de la protection des consommateurs, les sénatrices et les sénateurs du groupe CRC sont particulièrement convaincus de la nécessité d’avoir une police économique forte.

Auteur, il y a quelque temps, d’un rapport pour avis sur la DGCCRF – la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes –, j’ai pu constater que le manque chronique de moyens financiers et humains a été préjudiciable aux missions de contrôle de ses agents. Cette année, vous avez tenu à ne pas baisser le budget de cette administration. C’est tout à fait appréciable, certes… mais sans doute cela ne suffira-t-il pas.

Au-delà de la DGCCRF, nous sommes inquiets des conséquences du projet stratégique de la direction générale des douanes et droits indirects pour 2018. En effet, ce service central dans la lutte contre la fraude verrait, de source syndicale, disparaître plusieurs milliers de ses emplois et évoluer ses missions. La lutte contre la fraude commerciale, sociale et environnementale s'en trouverait reléguée au rang d’accessoire.

Par ailleurs, concernant les dispositions financières du projet de loi, nous souscrivons à l'idée qu’un crédit amortissable doive être obligatoirement proposé au-delà d’un certain montant.

Nous saluons également l’obligation de proposer un programme de fidélité non lié à un crédit. Et nous approuvons particulièrement l’inopposabilité au conjoint ou au partenaire lié par un pacte civil de solidarité d’un crédit à la consommation d’un montant excessif. Ces mesures vont dans le bon sens.

Mais nous regrettons que nos propositions visant à interdire le crédit revolving ou à réformer le taux de l’usure, pourtant portées unanimement par la gauche lors de la précédente législature, n’aient pas été retenues.

Nous regrettons également que ce projet de loi soit un rendez-vous manqué pour l’identification de l’origine des produits agricoles et alimentaires. La proposition, actée par l’adoption d’un amendement à l’article 4, de soumettre le pouvoir législatif à la décision de la Commission européenne se voit aujourd'hui rejetée par Bruxelles. Pourtant, les citoyens attendent une information réelle sur ce qu’ils mangent… Notre regret est donc double : pas d’information sur l’origine des produits agricoles, et une pratique institutionnelle non conforme à notre Constitution.

Enfin, deux dispositions du projet de loi cristallisent, je le crains, une opposition de fond.

D’une part, la création du registre national des crédits aux particuliers, dont beaucoup vantent les mérites, mais que nous rejetons, revient à faire porter la responsabilité du surendettement aux seules familles et non aux établissements financiers pourvoyeurs de crédit.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. C'est le contraire !

Mme Évelyne Didier. Cela nous semble inefficace et dangereux. Inefficace, car ce registre n’empêchera pas des personnes en difficulté financière de s’endetter. Dangereux, car il peut conduire à des dérives, comme nous l’avions déjà dénoncé. Nous développerons cette question dans le cadre de la discussion des amendements.

D'autre part, l’article 11 bis, qui supprime de manière progressive l’accès aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel pour les consommateurs non domestiques dont le niveau de consommation est supérieur à 30 000 kilowattheures par an, instaure un régime de transition en vue de la suppression des tarifs réglementés de gaz et d'électricité.

Vous aurez compris, monsieur le ministre, ce que nous souhaitons réaffirmer au début de cette deuxième lecture, sans préjuger de l’évolution de ce texte, qui peut encore être amendé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Bataille.

Mme Delphine Bataille. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons en deuxième lecture est une réponse à la fois forte, ambitieuse, équilibrée et adaptée aux mutations de notre société.

En modernisant notre droit et en rééquilibrant les pouvoirs entre consommateurs et professionnels, il améliorera la vie quotidienne de nos concitoyens.

Cette loi permettra, tout d’abord, de mettre en cohérence notre droit avec les besoins des ménages, les comportements de consommateurs ayant fortement évolué, notamment sous l'influence de la crise, des scandales alimentaires, des avancées technologiques, des aspirations environnementales et éthiques et, plus globalement, des transformations profondes de nos modes de vie.

Le CREDOC, le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, souligne par exemple que les consommateurs sont passés d’une logique de possession à une logique d’accès.

Ces profonds changements se sont produits dans beaucoup d’autres pays qui ont fait évoluer leur législation bien avant nous. Ce texte vient donc aussi combler un retard de la France.

Il permettra également, en agissant sur les dépenses contraintes et en redonnant confiance aux consommateurs, d’augmenter le pouvoir d’achat des ménages et de relancer la consommation, qui demeure l’un des moteurs de notre croissance.

C’est donc une loi attendue et une avancée importante pour nos concitoyens. Elle fait l’objet d’un certain consensus, car elle contient de nombreuses mesures apportant une meilleure protection des consommateurs et permettant de restaurer leur confiance.

Toutefois, c’est un texte dense. Seuls 64 articles sur 171 restent en débat, mais certains d'entre eux suscitent encore de nombreuses discussions.

C’est le cas des articles 1 et 2 du projet de loi, qui définissent le champ d’application et les conditions d’exercice de la procédure d’action de groupe, permettant aux consommateurs de s’organiser pour agir contre les abus.

En présentant cette innovation, attendue depuis longtemps, le Gouvernement fait preuve de détermination et ouvre une nouvelle page dans les relations entre consommateurs et professionnels.

Nous soutenons bien entendu le mécanisme que vous proposez, monsieur le ministre, d’autant qu’il est très proche de celui envisagé par notre groupe sous l’impulsion, notamment, de Richard Yung et Nicole Bonnefoy.

Lors des débats au Sénat, ces articles ont encore été enrichis ; plusieurs mesures ont été reprises par les députés, mais certaines, comme la nouvelle rédaction du dispositif d’action de groupe simplifiée, ont été supprimées.

Nous défendrons donc la version du Sénat, plus précise et plus claire, qui a été réintroduite par la commission des affaires économiques.

Les débats sont aussi particulièrement intenses sur la mention « fait maison », qui permet de mieux informer les consommateurs sur le mode de fabrication des plats qui leur sont proposés. Mais c’est surtout au sein même de notre assemblée que ce label continue à diviser.

Ce logo, qui permet de savoir si les plats proposés dans les restaurants ont été élaborés sur place à partir de produits bruts, a été étendu par les sénateurs aux activités des traiteurs.

Toutefois, notre groupe, qui défend – là aussi, pour plus de clarté – l’aspect obligatoire de cette mention, n’a pas été suivi par la majorité de la commission, qui a rétabli le caractère facultatif de l’indication « fait maison », s'opposant ainsi au choix des députés.

Il me semble essentiel, afin de garantir une meilleure information aux clients et une plus grande justice entre restaurateurs, de revenir à la rédaction de l’Assemblée nationale et donc de voter l’amendement que nous proposerons, lequel vise à rendre obligatoire la mention « fait maison » pour les personnes ou les entreprises qui transforment ou distribuent des produits alimentaires dans le cadre d’une activité de restauration.

Je crois également important de revenir sur l’article, voté en première lecture au Sénat et supprimé par l’Assemblée nationale, qui prévoyait pour les fournisseurs d’électricité, de gaz naturel, de téléphonie et d’accès à internet, ainsi que pour les délégataires du service public de distribution d’eau et d’assainissement, l’obligation de proposer à leurs clients un certain nombre de moyens de paiement tels que le chèque, les espèces et le mandat compte pour régler leurs factures.

Dans ce cadre, nous soutiendrons la proposition de notre collègue Joël Labbé, adoptée par la commission des affaires économiques, de rétablir l’article 9 bis, tout en le restreignant pour tenir compte des critiques de nos collègues députés, qui estiment que la mise en œuvre de cette mesure, dans sa première version, pourrait s’avérer extrêmement compliquée.

D’autres modifications, adoptées par le Sénat après de longs débats en première lecture, ont été finalement entérinées par les députés.

C’est le cas de la lutte contre l’obsolescence programmée, à propos de laquelle notre assemblée a apporté d’importantes précisions.

Ainsi, le fabricant des produits devra informer le vendeur professionnel de la période durant laquelle les pièces détachées sont disponibles ou de la date jusqu’à laquelle elles seront disponibles.

De plus, l’information du consommateur par le vendeur sur la disponibilité de ces pièces détachées est rendue obligatoire avant la conclusion du contrat. La date est confirmée par écrit lors de l’achat du bien et il appartient au professionnel de prouver qu’il a exécuté ses obligations. Ensuite, dès lors que la date ou la période de disponibilité sera indiquée, le fabricant sera tenu de fournir les pièces aux vendeurs et réparateurs agréés dans un délai de deux mois.

Ces mesures renforcent les obligations d’information des consommateurs, et nous estimons que l’équilibre ainsi trouvé doit être préservé.

Il en va de même pour l’augmentation de la durée de présomption de défaut de conformité proposée par le Sénat et finalement votée par l’Assemblée nationale.

Parmi les articles que nous avons introduits et qui ont été définitivement adoptés par l’Assemblée nationale, nous pouvons nous réjouir de l'autorisation de la vente des tests de grossesse en grande surface. La mise à disposition hors pharmacie facilitera en effet l'accès à ces produits et contribuera également à en réduire le coût. De même, l’Assemblée nationale a confirmé la série de mesures adoptées par le Sénat pour lutter contre les spams, les SMS et les numéros surtaxés.

Je dois également relever la confirmation d’avancées sénatoriales comme l’extension aux artisans et aux très petites entreprises des dispositions protectrices en matière de démarchage ou l'impossibilité pour les fournisseurs de communications électroniques, d’énergie et d’eau potable d'imputer des frais de rejet de paiement aux personnes en situation de fragilité – eu égard notamment à leurs ressources – ou, encore, le recadrage de la réglementation des ventes aux enchères par voie électronique, afin d’éviter que des sites pratiquent le courtage à seule fin de s’affranchir de la réglementation applicable aux ventes aux enchères publiques.

L’Assemblée nationale a également confirmé l’adoption par le Sénat de l’obligation d’étiquetage relatif à l’indication du pays d’origine pour toutes les viandes et tous les produits agricoles et alimentaires à base de viande. La France sera ainsi le premier pays à inscrire ce principe dans la loi.

Outre le fait qu’elle est une bonne nouvelle pour la sécurité des consommateurs, cette disposition importante est de nature à les rassurer après les derniers scandales concernant la viande de cheval que vous avez évoqués, monsieur le ministre. C’est aussi une mesure favorable aux industriels qui cherchent à retrouver la confiance de leurs clients.

La contribution de notre assemblée a ainsi été constructive sur de nombreux points. Nous aimerions cependant aller plus loin sur quelques mesures restant en discussion. Je ne doute pas que nos débats enrichissent encore le projet de loi.

Permettez-moi, pour conclure, de saluer le travail important effectué sur ce texte par le Parlement, notamment par les rapporteurs, André Fauconnier et Martial Bourquin, dans le cadre d’une excellente collaboration avec les services ministériels.

Je tiens à souligner, monsieur le ministre, votre engagement pour faire aboutir ce texte essentiel. Porteur d’avancées, il s’inscrit dans un cadre équilibré, de nature à relancer notre économie. Surtout, ce projet de loi parle aux Français, car il concerne leur quotidien, leur restitue du pouvoir d’achat et contribuera ainsi à changer leur vie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.

M. Yannick Vaugrenard. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je tiens, tout d’abord, à remercier à mon tour nos deux rapporteurs, Alain Fauconnier et Martial Bourquin, pour l’excellence du travail qu’ils ont fourni.

Nous revoici donc avec vous, monsieur le ministre, pour examiner ce texte, qui revêt une importance toute particulière pour la vie quotidienne de nos concitoyens. Je pense en premier lieu à l’action de groupe, que beaucoup ont rêvé de mettre en place... Nous allons le faire avec vous, monsieur le ministre, nous apprêtant ainsi à rejoindre les nombreux pays de l’Union européenne – près de la moitié – qui l’ont déjà adoptée.

L’action de groupe à la française, que nous avons simplifiée, est un excellent compromis : ouverte à un nombre restreint de seize associations, elle permettra d’éviter les dérives que nous avons observées à l’étranger, particulièrement aux États-Unis.

Je voudrais dire quelques mots au sujet du registre national du crédit aux particuliers, avant d’en venir à ce qui est au cœur des préoccupations de beaucoup d’entre nous, les délais de paiement, qui concernent les relations entre sous-traitants et donneurs d’ordre.

Le registre national des crédits aux particuliers est une précieuse avancée pour la protection du consommateur. Il a été introduit sur votre initiative, monsieur le ministre, lors de la première lecture. Cet instrument de lutte contre le surendettement a démontré son utilité dans tous les pays qui l’ont adopté. Pour mémoire, rappelons qu’un « Registre du crédit » avait déjà été créé, dès 1928, en Allemagne.

Dans ce projet de loi, des garde-fous ont été mis en place afin de lutter contre d’éventuelles dérives. Ainsi, la consultation de ce fichier à des fins commerciales sera durement sanctionnée. C’était nécessaire !

Un autre effet pervers doit faire l’objet d’une grande vigilance. L’existence du fichier ne saurait en effet être utilisée par les établissements prêteurs pour se soustraire à leurs propres responsabilités. Sa consultation ne doit pas dispenser ces derniers du travail de conseil qu’ils doivent logiquement effectuer auprès de leur clientèle. Il est anormal que les démarches nécessaires à la fourniture des services proposés par les établissements de crédit soient si notoirement et si fréquemment insuffisantes !

J’en viens à présent aux mesures concernant la sous-traitance et les délais de paiement. Dans une logique « gagnant-gagnant », ce texte prend en compte l’intérêt des entreprises. Elles ont besoin de voir la consommation progresser pour garantir leur croissance, mais aussi de proposer des produits de meilleure qualité pour gagner en compétitivité.

Cependant, de nombreux scandales ont fragilisé ce pilier de notre système économique qu’est la confiance du consommateur à l’égard des produits qu’il achète. Je pense ici, entre autres exemples, à l’« affaire Spanghero », ou aux escroqueries dans le domaine de la vente en ligne de voyages. Or, sans une confiance renouvelée de nos concitoyens envers les produits qui leur sont destinés et à l’égard des acteurs qui les commercialisent, la reprise de la consommation sera plus difficile.

Il est aussi de notre responsabilité de législateur d’œuvrer à la reprise économique de notre pays. Il était donc temps de remédier à cette situation de défiance. Votre projet de loi, dont je salue, monsieur le ministre, le caractère équilibré, vise à mettre en place des dispositifs qui permettront d’y contribuer. L’un de nos deux éminents rapporteurs, Martial Bourquin, a réintroduit, lors de la réunion de la commission des affaires économiques, la suppression du régime dérogatoire en matière de délais de paiement. En effet, ce régime visait à affranchir de la contrainte du délai maximum de règlement les entreprises de négoce spécialisées dans la grande exportation hors de l’Union européenne.

Une telle disposition contredisait l’objectif de réduction globale des délais de paiement et de respect de la loi de modernisation de l’économie, la LME. Ses conséquences risquaient de se révéler dévastatrices pour un certain nombre de nos petites et moyennes entreprises. Cela a été rappelé tout à l’heure, ce ne sont pas moins de onze milliards d’euros qui sont dus par les grands donneurs d’ordres aux PME, au titre des retards de paiement.

Nous nous devions donc de rétablir une égalité nécessaire à des relations commerciales plus saines. L’argument évoqué de conditions particulières du fait d’entreprises à l’export ne tient pas lorsqu’on sait qu’en Allemagne, pays fréquemment montré en exemple pour ses qualités de puissance exportatrice, les délais de paiement sont en moyenne de vingt-quatre jours, à comparer donc avec ce que nous proposons, à savoir quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours à compter de la date d’émission de la facture.

Concernant le renforcement des sanctions en matière de délais de paiement, le Sénat avait supprimé le régime dérogatoire introduit par les députés en faveur des factures récapitulatives, en particulier pour l’achat de matériaux de construction. Nous avions estimé qu’une telle mesure pénaliserait les fournisseurs au profit des promoteurs immobiliers. Or ces fournisseurs sont souvent des petites et moyennes entreprises, qui doivent trouver des financements complémentaires pour faire face à des besoins accrus de trésorerie. Je pense, là encore, que notre position ne doit pas varier.

En matière de régulation des relations de sous-traitance, notre rapporteur a permis la réintroduction de la disposition que nous avions adoptée en première lecture. En effet, la nécessité d’imposer la conclusion de conventions dans les relations de sous-traitance doit être réaffirmée, car l’amélioration et l’encadrement de ces relations sont fondamentaux pour la compétitivité de notre économie.

Dans le prolongement des préconisations du rapport Gallois, il est essentiel de contribuer, sans plus attendre, à pacifier les relations de sous-traitance, ce qui passe par un dispositif de contrats ou de conventions types. Là encore, l’amendement adopté par notre commission en précise le dispositif, pour répondre aux objections qui ont été formulées.

S’agissant des relations entre fournisseurs et distributeurs, il nous faut préserver les principaux équilibres de la LME, qui garantissent les intérêts de toutes les parties. Pour autant, nous avons constaté qu’en pratique la mise en œuvre de la LME pouvait poser problème, de même que le contrôle des mesures qu’elle a instauré. Il convenait donc d’y revenir. Le présent texte constitue une bonne opportunité pour le faire.

Nous avons voulu renforcer le formalisme contractuel, sur lequel la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, exerce sa vigilance.

L’Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements visant à préciser la notion de convention unique, ainsi que son contenu, et c’est une bonne chose.

Enfin, je voudrais évoquer la question des stations-service. Revenant à leur texte de première lecture, les députés ont ramené de 2020 à 2016 la date butoir de mise aux normes des stations-service et ont restreint le champ d’application de la mesure aux équipements de moins de 500 mètres cubes, au lieu de 3 500 mètres cubes. C’est une erreur ! Je me félicite de la position adoptée par notre rapporteur, Alain Fauconnier, et soutenue par la commission des affaires économiques : en revenant au seuil de 3 500 mètres cubes, nous prenons effectivement en compte la spécificité du monde rural. La véritable plus-value sénatoriale est là.

En complément des différents sujets évoqués, je souhaite que se mettent en place un suivi et une évaluation de l’application du texte. Comme je l’avais déjà indiqué en première lecture, la commission des affaires économiques pourrait s’en charger, en partenariat avec la commission pour le contrôle de l’application des lois.

Pour conclure, je voudrais rappeler ici que nous avons une responsabilité importante dans le cadre de l’examen de ce texte. Par ses nombreux et riches apports, il contribuera à relancer une consommation qui reste la clef de voûte de notre croissance économique. Il peut aussi aider à rétablir la confiance dans une société circonspecte et souvent en proie au doute.

Gardons à l’esprit ces objectifs de redressement du pays, de la protection du consommateur et du rôle positif qu’il peut avoir lorsque ses nouvelles exigences rencontreront la volonté de produits de meilleure qualité et, donc, plus compétitifs.

Ainsi, c’est un rapport « gagnant-gagnant » qui, j’en suis convaincu, pourra conclure la mise en œuvre de cette loi tant espérée, laquelle arrive au bon moment et dont la colonne vertébrale n’est absolument pas à justifier. C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à soutenir les avancées qui avaient été permises par le Sénat en première lecture, pour arriver un texte de réel équilibre, offrant à la fois plus de droits aux consommateurs et établissant des relations commerciales plus saines entre les entreprises. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE.)