Sommaire

Présidence de M. Charles Guené

Secrétaire :

M. Gérard Le Cam.

1. Procès-verbal

2. Communication d'un avis sur un projet de nomination

3. Communication relative à une commission mixte paritaire

4. Modification de l'ordre du jour

5. Communication du Conseil constitutionnel

6. Conventions internationales. – Adoption définitive en procédure d'examen simplifié de trois projets de loi dans les textes de la commission

Traité instituant un partenariat en matière de coopération militaire avec le Sénégal. – Adoption définitive de l’article unique du projet de loi.

Traité de coopération en matière de défense avec Djibouti. – Adoption définitive de l’article unique du projet de loi.

Traité instituant un partenariat de défense avec la Côte d’Ivoire. – Adoption définitive de l’article unique du projet de loi.

7. Loi de finances rectificative pour 2013. – Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture

Discussion générale : Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur ; M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.

MM. Yvon Collin, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Richard Yung.

Mme Nicole Bricq, ministre.

Clôture de la discussion générale.

Suspension et reprise de la séance

Question préalable

Motion n° 1 de Mme Marie-France Beaufils. – MM. Éric Bocquet, Richard Yung, François Marc, rapporteur général ; Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation ; Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. François Zocchetto, Philippe Adnot, François Fortassin. – Adoption, par scrutin public, de la motion entraînant le rejet de l’ensemble du projet de loi.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget.

8. Modification de l’ordre du jour

9. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Charles Guené

vice-président

Secrétaire :

M. Gérard Le Cam.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Communication d'un avis sur un projet de nomination

M. le président. Conformément aux dispositions de l’article 19 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, la commission des lois, lors de sa réunion du 18 décembre 2013, a émis, à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés, un avis conforme – trente-cinq voix pour, un bulletin blanc – sur le projet de nomination par M. le président du Sénat de M. Alain Delcamp aux fonctions de membre de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique.

Acte est donné de cette communication.

3

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

4

Modification de l'ordre du jour

M. le président. Par courrier en date du mardi 17 décembre dernier, M. Jean-Claude Gaudin, président du groupe UMP, a demandé la modification de l’ordre du jour réservé à son groupe le mardi 21 janvier 2014.

En conséquence, l’ordre du jour de l’espace réservé au groupe UMP du mardi 21 janvier 2014, de 18 heures 30 à 19 heures 30 et de 21 heures 30 à minuit trente s’établit comme suit :

1°) Proposition de loi visant à affirmer la liberté de choix des maires quant à l’organisation des rythmes scolaires dans l’enseignement du premier degré ;

2°) Suite de la proposition de loi visant à renforcer les sanctions prévues dans le cadre de la mise en œuvre de la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et l’habitat des gens du voyage ;

3°) Proposition de loi tendant à autoriser le vote par Internet pour les Français établis hors de France pour l’élection des représentants au Parlement européen.

Acte est donné de cette demande.

5

Communication du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 18 décembre 2013, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 233-14 du code de commerce (Notifications et informations concernant les sociétés ; 2013-369 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

6

CONVENTIONS INTERNATIONALES

Adoption définitive en procédure d'examen simplifié de trois projets de loi dans les textes de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen de trois projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.

Pour ces trois projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.

Je vais donc les mettre successivement aux voix.

traité instituant un partenariat en matière de coopération militaire avec le sénégal

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du traité instituant un partenariat en matière de coopération militaire entre la République française et la République du Sénégal
Article unique (fin)

Article unique

Est autorisée la ratification du traité instituant un partenariat en matière de coopération militaire entre la République française et la République du Sénégal (ensemble trois annexes), signé à Paris, le 18 avril 2012, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité instituant un partenariat en matière de coopération militaire entre la République française et la République du Sénégal (projet n° 700, texte de la commission n° 222, rapport n° 221).

M. Éric Bocquet. Le groupe CRC s’abstient !

Mme Nathalie Goulet. Je m’abstiens également !

(Le projet de loi est adopté définitivement.)

Article unique (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du traité instituant un partenariat en matière de coopération militaire entre la République française et la République du Sénégal
 

traité de coopération en matière de défense avec djibouti

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République de Djibouti
Article unique (fin)

Article unique

Est autorisée la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République de Djibouti (ensemble trois annexes), signé à Paris, le 21 décembre 2011, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République de Djibouti (n° 697, texte de la commission n° 220, rapport n° 219).

M. Éric Bocquet. Le groupe CRC vote contre !

Mme Leila Aïchi. Le groupe écologiste s’abstient !

(Le projet de loi est adopté définitivement.)

Article unique (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République de Djibouti
 

traité instituant un partenariat de défense avec la côte d’ivoire

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du traité instituant un partenariat de défense entre la République française et la République de Côte d'Ivoire
Article unique (fin)

Article unique

Est autorisée la ratification du traité instituant un partenariat de défense entre la République française et la République de Côte d'Ivoire (ensemble une annexe), signé à Paris, le 26 janvier 2012, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité instituant un partenariat de défense entre la République française et la République de Côte d’Ivoire (n° 703, texte de la commission n° 224, rapport n° 223).

M. Éric Bocquet. Le groupe CRC vote contre !

(Le projet de loi est adopté définitivement.)

Article unique (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du traité instituant un partenariat de défense entre la République française et la République de Côte d'Ivoire
 

7

Explications de vote sur l'ensemble (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2013
Discussion générale (suite)

Loi de finances rectificative pour 2013

Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, de finances rectificative pour 2013 (projet n° 241, rapport n° 242).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2013
Question préalable (début)

Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, le collectif de fin d’année, pour lequel nous nous retrouvons dans le cadre de cette nouvelle lecture, est un exercice classique.

Pour le Gouvernement, qui s’est engagé sur ce point, ce texte traduit le strict respect en exécution budgétaire des dépenses initialement autorisées par le Parlement.

C’est un objectif central de notre politique budgétaire : nous avons la volonté de faire en sorte que le redressement des comptes soit une réalité, et pour cela nous nous attachons inlassablement à maîtriser la dépense publique. C’est ce qui nous permet de réduire de manière significative et régulière le déficit public depuis notre prise de fonctions. Semaine après semaine, nous accomplissons ce travail, contrairement à ce que certains avaient prédit.

Je souhaite ainsi, en introduction à nos débats, souligner deux points : le respect strict de l’autorisation de dépense votée par le Parlement et, plus généralement, la maîtrise de la dépense, avec son corollaire, la réduction continue des déficits.

Le volet budgétaire montre que la dépense est tenue. Ce projet de loi de finances rectificative permet de confirmer et de documenter le strict respect de la dépense de l’État. L’ensemble des mouvements de crédits que nous vous présentons à travers le projet de loi de finances rectificative et le décret d’avance permettent un strict respect de la norme de dépense.

Les bons résultats en matière de réduction des déficits publics qu’il m’appartient de vous présenter aujourd’hui sont permis par une stricte maîtrise des dépenses publiques, comme nous l’avions déjà indiqué au moment de la présentation du projet de loi de finances pour 2014.

Tel est bien l’objet de ce projet de loi de finances rectificative : opérer les mouvements de crédits nécessaires pour financer les besoins impératifs, tout en veillant au strict respect du total des dépenses autorisées par le Parlement.

Les ouvertures de crédits n’affectent en rien l’équilibre budgétaire, car elles sont entièrement compensées, au sein de l’enveloppe « zéro valeur », par des annulations équivalentes portant à hauteur de 90 % sur des crédits mis en réserve.

Le Gouvernement réalise 3,2 milliards d’euros d’annulations de crédits pour couvrir les ouvertures de crédits auxquelles il procède : les surcoûts liés au prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne à hauteur de 1,1 milliard d’euros ; le surcoût des OPEX, les opérations extérieures, à hauteur de 0,6 milliard d’euros ; les priorités que constituent pour nous l’emploi et la lutte contre la pauvreté, avec l’hébergement d’urgence, pour un total de 0,3 milliard d’euros ; plusieurs dépassements à hauteur de 0,8 milliard d’euros – une moitié sur la masse salariale et l’autre sur les aides personnelles au logement, compte tenu d’une conjoncture moins bonne que prévu ; enfin, l’aide médicale d’État.

Ces annulations conduisent à revoir à la baisse les dépenses des ministères de 1,1 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale de 2013.

Pour faire face à ces dépassements – au surcoût du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne, mais également aux annonces nouvelles en matière de lutte contre la pauvreté de janvier 2013 –, nous avions pris, dès le début de l’année, des mesures de précaution.

Nous avons mis en place un surgel de crédits de 2 milliards d’euros, portant ainsi la réserve initiale hors masse salariale de près de 6 milliards d’euros à près de 8 milliards d’euros.

À la différence des années passées, mais comme l’année dernière à compter du mois de mai, aucun « dégel » de crédits n’a été autorisé durant l’année avant que nous n’ayons stabilisé notre fin de gestion : c’est là une gestion exemplaire qui a été mise en place. Seuls les crédits strictement nécessaires et urgents ont été dégelés. Ainsi, au 31 octobre dernier, la réserve s’élevait à 7,4 milliards d’euros, en baisse de 0,5 milliard d’euros uniquement par rapport à la réserve initiale.

La mise en place de cette réserve supplémentaire et l’absence de dégel sur la réserve initiale ont été un signal déterminant auprès de tous les gestionnaires, afin d’assurer un pilotage exemplaire de leurs crédits, permettant de programmer ab initio leurs dépenses sur la seule enveloppe dont ils étaient certains de disposer, tout en réservant les crédits permettant le financement en gestion des aléas et des priorités sur leur programme budgétaire et, le cas échéant, au-delà.

C’est ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, grâce à une gestion exemplaire que nous sommes en mesure de vous présenter un projet de loi de finances rectificative qui permet le respect de la norme de dépense.

Sur le reste de la dépense que nous pilotons, les résultats sont, là aussi, au rendez-vous. En effet, nous avions revu à la baisse, de 0,5 milliard d’euros, au moment du dépôt du projet de loi de financement de la sécurité sociale, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM 2013. Au fil des débats, nous avons durci cet objectif de 0,15 milliard d’euros : c’est, au total, près de 0,7 milliard d’euros de moins que l’objectif initialement voté.

Il est vrai que nous allons aussi vers une réduction continue des déficits. Cette maîtrise stricte et rigoureuse de la dépense participe de la réduction des déficits.

Le projet de loi de finances rectificative pour 2013 confirme en effet les prévisions déjà présentées dans le cadre de la nouvelle prévision pour 2013 associée au projet de loi de finances pour 2014 : une croissance de 0,1 % et un déficit public pour 2013 de 4,1 % du produit intérieur brut, en réduction de 0,7 point de PIB par rapport à 2012.

J’ajoute que le Haut Conseil des finances publiques, saisi sur le projet de loi de finances rectificative, a de nouveau indiqué que la prévision de croissance retenue pour 2013 était réaliste et la prévision de déficit public, plausible.

Je tiens à rappeler que, n’en déplaise à l’opposition, il n’y a pas de dégradation des déficits publics, mais, au contraire, une réduction continue de ces derniers depuis que le Gouvernement est en place. Je rappelle la progression, dates à l’appui : 5,3 % de déficit public en 2011, 4,8 % en 2012, lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités ; 4,1 % en 2013. Et le budget que nous vous avons présenté pour 2014 doit nous permettre d’atteindre un objectif de déficit nominal de 3,6 %.

S’agissant de 2013, la réduction du déficit nominal à hauteur de 0,7 point de PIB est le résultat d’un effort structurel historique – 1,7 point de PIB –, alors que l’activité économique, encore peu dynamique, affecte le déficit à hauteur de 1 point de PIB.

La prévision de croissance pour 2013 étant très inférieure au potentiel de croissance de notre économie, le solde conjoncturel se dégrade mécaniquement de 0,6 point en 2013 par rapport à 2012.

En outre, les élasticités très inférieures à l’unité affectent le rendement des recettes publiques de 0,4 point de PIB supplémentaire, soit une dégradation totale d’un point de PIB liée à la conjoncture.

Je pourrais évoquer aussi le déficit structurel : en 2011, il était de 5,1 % ; il sera en 2013 de 2,6 % et de 1,7 % en 2014.

La prévision de solde budgétaire de 2013 est également maintenue au niveau prévu pour 2013 dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014, à moins 71,9 milliards d’euros, soit une amélioration de plus de 15 milliards par rapport à l’exécution 2012, compte tenu de l’important ajustement opéré en 2013.

Face à la dégradation de l’activité économique en Europe, nous avons pris le parti, et nous l’assumons, de ne pas présenter de collectif budgétaire anticipé, comme l’opposition nous l’exhortait à le faire, de durcir le rythme des efforts – c’est incontestable – et d’accomplir un ajustement à marche forcée, avec des effets récessifs majeurs.

La position adoptée par l’opposition n’était d’ailleurs ni très réaliste ni compatible avec les discours que l’on peut entendre çà et là...

Permettez-moi de m’arrêter un instant sur les prévisions de recettes. Je souhaite insister sur un point : les recettes fiscales sont globalement stables par rapport aux chiffres qui vous ont été présentés en septembre dernier.

Si des mouvements de très faible ampleur ont été opérés, ils sont sans impact sur le niveau total des recettes. Celles-ci sont donc, comme indiqué lors du projet de loi de finances pour 2014, en baisse de 11 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale de 2013.

Certains représentants de l’opposition cherchent à susciter l’inquiétude sur ce résultat, mais celui-ci n’est rien d’autre que le corollaire d’une croissance moins élevée que prévu au moment de la loi de finances initiale de 2013 : nous avions prévu une croissance de 0,8 %, elle s’élèvera à 0,1 % ; c’est mécanique, voilà tout. Et il n’y a pas lieu de revoir davantage les recettes, comme l’ont suggéré certains membres de l’opposition.

La commission des finances, par la voix de son président, a saisi le Gouvernement d’une demande de transmission d’un rapport concernant l’exit tax. Vous connaissez la conception que se fait le ministre du budget des rapports entre le Gouvernement et le Parlement : la transparence sur l’action de l’exécutif, l’évolution des départs à l’étranger et les retours en France des contribuables français doit être totale.

C’est la raison pour laquelle le ministre du budget, qui est retenu en ce moment même devant vos collègues députés et que je remplace, a adressé hier, à destination des présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat, un rapport sur l’évolution des départs pour l’étranger, des retours en France des contribuables, et sur celle du nombre de résidents fiscaux, qui fait la synthèse des travaux conduits par les services fiscaux de l’État.

L’étude de ce rapport, notamment des données fiscales et non fiscales, qui ont fait l’objet d’une attention méticuleuse, ne permet absolument pas d’accréditer la thèse d’un exil fiscal massif. À titre d’exemple, le nombre de nos compatriotes inscrits au registre mondial des Français établis hors de France a augmenté de 1,1 % en 2012, soit une augmentation bien inférieure à celle de 2011, qui s’élevait à 6 %, et à l’accroissement naturel de la communauté française à l’étranger, qui a été de 4 %. Voyageant souvent hors de notre pays, je puis en attester.

Inversement, l’évolution du nombre de résidents et de non-résidents fiscaux en France, connue jusqu’en 2011, permet de vérifier que le nombre de non-résidents est stable depuis 2007 et représente environ 0,5 % de la population totale des redevables de l’impôt sur le revenu.

En matière fiscale, le rapport dresse le bilan des départs pour l’étranger et des retours en France des redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, qui ont eu lieu en 2011.

Ce bilan confirme la stabilité du nombre de départs entre 2007 et 2011, de l’ordre de 500 par an, durant toute la période, sur le périmètre comparable des redevables dont le patrimoine est supérieur à 1,3 milliard d’euros. Les retours de contribuables, essentiellement en provenance du Royaume-Uni, des États-Unis, de Belgique et de Suisse, concernent 109 redevables, un chiffre comparable à celui de 2010, qui était de 129.

Naturellement, ces données doivent être observées avec discernement : aucune statistique ne fonde une politique. Toutefois, force est de constater qu’elles portent tout de même un coup sérieux, sinon fatal, aux discours alarmistes, outranciers et pour tout dire idéologiques que l’on entend sur cette question. Et ils ne sont pas tenus d’un seul côté de l’hémicycle ! Il n’y a donc pas lieu de s’émouvoir des chiffres que je viens d’énoncer et qui permettent de mieux comprendre cette question.

Pour ce qui concerne le financement de l’économie, outre la clôture de l’exercice budgétaire de 2013, ce projet de loi de finances rectificative poursuit les réformes qui consistent à moderniser les outils de financement de l’économie et à rendre notre État plus véloce dans la mondialisation – il en a besoin !

Je pense, notamment, à la réforme de l’assurance vie, qui repose sur deux piliers. Il s’agit, tout d’abord, de la création d’un nouveau produit « euro-croissance ».

Ces « fonds euro-croissance » permettront à un assuré de bénéficier d’une garantie du capital s’il reste investi au moins huit ans, et pourront être souscrits dans des contrats multi-supports offrant beaucoup de souplesse. Ils constitueront, à moyen terme, un outil puissant de réallocation des actifs de l’assurance vie vers les investissements les plus utiles à notre économie.

Le second pilier est une réforme du régime fiscal de la transmission des contrats d’assurance vie, pour inciter les plus gros patrimoines à contribuer davantage au financement de certains pans de l’économie. La fiscalité applicable à la transmission des plus gros patrimoines sera augmentée, et le taux du barème applicable aux grosses successions revu à la hausse, passant de 25 % à 31,25 % pour la tranche supérieure à 700 000 euros par bénéficiaire. Néanmoins, dans le même temps, les contrats respectant certains critères d’investissement bénéficieront d’un abattement d’assiette permettant de compenser cette hausse. Il s’agit donc bien d’une incitation à modifier les comportements.

Les investissements visés sont le placement dans des actions de PME et d’entreprises intermédiaires, lesquelles sont, je le rappelle en tant que ministre du commerce extérieur, très territorialisées et productrices d’emploi ; en outre, ces PME développent des compétences à l’international à une hauteur de plus de 70 %. Ces investissements concernent également le logement social et intermédiaire, ainsi que les entreprises de l’économie sociale et solidaire, qui est pour nous, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, une priorité.

Ce projet de loi de finances rectificative contribue pleinement à l’effort de simplification, qui mobilise l’ensemble de l’appareil d’État et des ministres et qui, à cet effet, a toute sa place dans les textes financiers. L’enjeu est connu : il s’agit de simplifier les règles, et surtout les relations avec l’administration, pour les entreprises comme pour les particuliers.

Il est ainsi prévu de simplifier les obligations déclaratives à l’impôt sur le revenu en généralisant les cas de dispense de justificatifs, d’étendre le recours obligatoire au télépaiement de la taxe sur les salaires ou de légaliser le principe de gratuité des prélèvements opérés sur l’initiative de l’administration fiscale pour le paiement des impôts.

Cette simplification des relations entre l’administration et les administrés contribuables et la création d’une relation de confiance entre l’administration et les entreprises sont décisives pour l’attractivité du pays et font partie des priorités du ministre de l’économie et des finances, Pierre Moscovici, avec lequel, pour ma part, je travaille avec la casquette « attractivité du territoire ». À ce titre, du reste, je remercie le Sénat d’avoir simplifié les procédures diverses et variées prévues par le droit des douanes en adoptant la proposition de loi présentée par M. Richard Yung.

Enfin, ce projet de loi de finances rectificative poursuit la réforme de nos financements à l’exportation, à laquelle je tiens et qui avait été commencée dans la loi de finances rectificative pour 2012. C’était un engagement du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi présenté, pris par le Premier ministre en novembre de l’année dernière.

Ainsi, nous poursuivons la diminution du coût des crédits exports en améliorant la garantie de refinancement octroyée par la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur, la COFACE. Un dispositif d’intervention publique est également créé pour pallier les carences des marchés de la part des assureurs privés pour les exportations de court terme. Cette mesure sera au bénéfice du commerce courant, donc de nos PME et de nos entreprises intermédiaires. Comme vous l’avez souhaité, monsieur le rapporteur général, le Parlement sera destinataire de l’évaluation annuelle de ce dispositif.

Par ailleurs, et c’est très important, nous renforçons notre accompagnement du secteur naval, et pas seulement à l’ouest de la France.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !

Mme Nicole Bricq, ministre. En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi de finances rectificative illustre la détermination du Gouvernement à maîtriser la dépense publique.

Cette détermination se manifeste par un schéma de fin de gestion qui prévoit un effort substantiel sur les budgets des ministères. Leurs dépenses sont revues à la baisse de 1,1 milliard d’euros par rapport à la budgétisation initiale. Ce moment de présentation du collectif budgétaire me permet donc de faire valoir devant la représentation nationale la bonne tenue des finances publiques.

Durant des semaines, l’opposition a martelé son exigence d’un collectif anticipé, sous prétexte que nous avions revu nos objectifs de déficit au terme de l’année 2013 en raison de la conjoncture et maintenu notre rythme d’ajustement, indépendamment de l’évolution de la dégradation économique qui frappait l’Europe. À l’heure de la présentation de ce collectif, force est de constater que les économies ont été tenues, comme l’effort structurel. Le ministre du budget s’y était engagé devant la représentation nationale. Il a tenu ces engagements.

Nous poursuivrons dans les années qui viennent notre ajustement, exclusivement par des économies en dépenses, comme nous nous y sommes engagés devant les Français. Ce collectif budgétaire plaide en notre faveur et montre que nous sommes en capacité de tenir cet objectif. Cela nous a d’ailleurs encore été rappelé, ce matin, par le Président de la République et par le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre – chère Nicole Bricq, nous sommes heureux de vous compter parmi nous aujourd'hui –, mes chers collègues, nous nous livrons aujourd’hui à un exercice de même nature que celui qui nous a réunis hier à l’occasion de la nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2014.

Je ne reprendrai pas de manière détaillée les considérations juridiques que j’ai exposées à cette occasion : je me contenterai de rappeler que l’Assemblée nationale ne pourrait reprendre aucun amendement voté par le Sénat si nous devions ensuite rejeter le texte, ce qui est à cet instant l’hypothèse la plus vraisemblable.

C’est donc sur la base de son texte de première lecture, comportant 93 articles, que l’Assemblée nationale a statué en nouvelle lecture cette nuit. Elle a adopté 69 amendements modifiant son texte, sur 35 articles.

J’ajoute que 13 amendements adoptés par le Sénat ont été repris. Malheureusement, les articles additionnels que nous avions insérés devront attendre un prochain véhicule législatif, puisqu’il n’y a pas la « séance de rattrapage » que pouvait constituer le collectif pour les articles additionnels du projet de loi de finances.

Je vais vous présenter brièvement les principales modifications apportées par l’Assemblée nationale, en vous précisant d’emblée que celles-ci n’ont pas la même ampleur que celles auxquelles elle avait procédé à l’occasion de la nouvelle lecture du projet de loi de finances, compte tenu notamment de la nature, souvent technique, des articles du collectif.

J’évoquerai tout d’abord les principaux amendements visant à reprendre des dispositions adoptées par le Sénat en première lecture.

À l’article 7 bis, relatif au renforcement des obligations de déclaration aux services fiscaux en matière d’assurance vie, l’Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à exclure du champ des obligations annuelles de déclaration des assureurs les contrats dont la valeur est inférieure à 7 500 euros ; près de 50 % des contrats n’auront donc pas à figurer dans ce document déclaratif. Il s’agit d’une disposition que le Sénat avait adoptée sur l’initiative de sa commission des finances.

À l’article 7 quinquies, portant sur des aménagements du régime juridique et du régime fiscal des PEA, les plans d’épargne en actions, l’Assemblée nationale a adopté un amendement visant à supprimer le plafonnement des plus-values afférentes à des titres non cotés réalisées sur un PEA lorsqu’ils sont détenus moins de cinq ans. Sans être parfaitement identique, cette disposition reprend un amendement adopté sur l’initiative de notre collègue Michèle André et du groupe socialiste.

À l’article 12 ter, concernant l’évolution du régime fiscal des paris hippiques, l’Assemblée nationale a adopté un amendement visant à fixer les modalités, notamment le régime fiscal, selon lesquelles les opérations de pari mutuel urbain sont autorisées en Nouvelle-Calédonie. Le Sénat avait adopté cette disposition présentée par notre collègue Michèle André et les membres du groupe socialiste.

Enfin, à l’article 17, relatif à la mise en œuvre des mesures fiscales du « plan bois », l’Assemblée nationale a adopté deux amendements identiques visant à étendre aux groupements forestiers le régime de défiscalisation qui accompagne la détention d’un compte d’investissement forestier et d’assurance. Cette disposition avait été adoptée par le Sénat en première lecture, sur l’initiative des groupes socialiste et UMP. On notera que, dans un souci d’équité, l’Assemblée nationale a élargi ce régime aux sociétés d’épargne forestière.

J’en viens maintenant aux principales autres modifications du texte adoptées par l’Assemblée nationale, qui ne correspondent pas à des initiatives du Sénat.

À l’article 7 quater, modifiant les conditions permettant l’ouverture ou la conservation d’un LEP, un livret d’épargne populaire, l’Assemblée a retenu, pour le droit à l’ouverture d’un tel livret, un seuil de revenu fiscal de référence correspondant aux plafonds d’exonération de la taxe d’habitation, affectés d’un coefficient multiplicateur de 1,8.

Elle a également prévu une phase de transition jusqu’en 2017, au cours de laquelle les épargnants qui détiennent un livret d’épargne populaire à la fin de 2013 peuvent le conserver, même s’ils n’en remplissent plus les conditions d’éligibilité. Il s’agit ainsi d’une solution de compromis entre le dispositif adopté par l’Assemblée nationale en première lecture et celui que nous avions privilégié au cours de nos délibérations.

À l’article 18 quinquies, aménageant le dispositif de plafonnement de la déductibilité des charges financières pour la gestion de stocks, qui répond tout particulièrement à la situation des maisons de champagne – chacun s’en souviendra, car nous en avions longuement débattu en première lecture (Sourires.) –, l’Assemblée nationale a adopté un amendement visant à mieux encadrer le bénéfice du dispositif, sur lequel nous étions d’accord. L’exemption serait ainsi limitée aux seules charges financières afférentes au financement de stockage de produits, lorsque ces derniers font l’objet d’une obligation réglementaire de conservation avant commercialisation.

À l’article 21 bis, qui crée une taxe sur la revente de fréquences hertziennes obtenues gratuitement, reprenant ainsi un amendement voté par le Sénat dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2014, sur l’initiative de David Assouline, l’Assemblée nationale a adopté deux ajustements : d’une part, elle a substitué à la réduction d’un million d’euros du montant de la taxe due une exonération de taxe lorsque le montant des cessions, apports ou échanges de titre est inférieur à 10 millions d’euros ; d’autre part, elle a prévu que les échanges ou cessions issus des sociétés d’un même groupe au sens de l’intégration fiscale ne seront pas assujettis à cette taxe.

À l’article 26, portant sur l’évolution de la contribution au service public de l’électricité, la CSPE, l’Assemblée nationale a adopté un amendement visant à limiter à 5 % par an l’indexation sur la hausse de la contribution unitaire pour l’évolution du plafond de la CSPE par site de consommation. Là encore, il s’agit d’une solution de compromis entre la proposition initiale de l’Assemblée nationale, consistant à faire évoluer ces plafonds en fonction de l’évolution de la CSPE, et celle que le Sénat avait retenue en première lecture, à l’instigation de plusieurs groupes, qui maintenait une évolution de ce plafond en fonction de l’inflation.

À l’article 27, concernant la réforme de la taxe d’apprentissage, l’Assemblée nationale a inséré une clause de garantie pour les régions, afin de leur assurer un produit plancher correspondant à celui qu’elles auraient perçu en 2015 avec les ressources actuelles. Elle a, par ailleurs, demandé au Gouvernement la remise au Parlement, avant la discussion du projet de loi de finances pour 2017, d’un rapport sur la qualité et la fiabilité des circuits de collecte de la taxe d’apprentissage.

Au total, la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale a permis de rééquilibrer un certain nombre de dispositions adoptées en première lecture, en tenant compte, notamment, des positions exprimées au Sénat, et de compléter ou de préciser d’autres sujets. Il en ressort un projet de loi de finances rectificative amélioré par rapport à la version déposée par le Gouvernement et qui comporte, à nos yeux, un grand nombre de dispositions utiles, en particulier pour le financement de l’économie et la simplification de certaines procédures.

Compte tenu du stade de la navette auquel nous sommes parvenus et du point d’arrivée satisfaisant trouvé par l’Assemblée nationale, la commission des finances du Sénat, réunie ce matin, a décidé de proposer au Sénat d’adopter sans le modifier le projet de loi de finances rectificative pour 2013.

En conclusion, m’appuyant sur les propos tenus à l’instant par Mme la ministre, qui nous a bien précisé dans quelles conditions les finances publiques avaient été en 2013 tenues,…

M. Richard Yung. Soutenues !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … je veux me féliciter de ce travail, qui a été considérable et qui a permis de maintenir les dépenses de façon très rigoureuse dans la perspective qui avait été annoncée, tout en apportant un certain nombre d’ajustements nécessaires. Le projet de loi de finances rectificative pour 2013 complète utilement les dispositions que nous avions examinées dans le projet de loi de finances pour 2014.

Mes chers collègues, prenant appui sur les positions que j’ai exprimées pour l’adoption du PLF, je veux vous rappeler que la situation actuelle des finances publiques de notre pays est extrêmement difficile et inquiétante pour l’avenir, puisque, comme nous avons souligné, en ce qui concerne les finances de l’exercice 2013 sur lesquelles nous adoptons les derniers ajustements, les dépenses de notre pays atteignent un total de 370 milliards d’euros, et 21 % d’entre elles ne sont pas financées.

En 2013, après dix années d’une gestion que je qualifierai d’hasardeuse (M. Philippe Dallier s’exclame.)

M. Richard Yung. D’erratique !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … pour ne pas dire de calamiteuse, avec laquelle le déficit de la France n’a pas été maîtrisé comme il aurait dû l’être (Protestations sur les travées de l'UMP.), nous nous retrouvons dans la situation suivante : 21 % des dépenses du budget de l’État ne sont pas financées, nous obligeant à nous endetter pour le financement de notre quotidien !

C’est inquiétant, cela ne peut durer et cela nécessite des efforts de correction. Je me félicite donc des propos qui ont été tenus à plusieurs reprises par M. Bernard Cazeneuve dans cet hémicycle sur les engagements de l’État en la matière, et qui viennent d'ailleurs d’être rappelés par Mme Nicole Bricq.

Dans ces conditions, je ne puis que regretter les positions exprimées ces derniers jours par l’opposition, qui ne conduisent en rien à améliorer la situation puisque, au travers des amendements votés à son instigation, nous avons eu à déplorer, en plus du dérapage de 10 milliards résultant de ses choix pour le projet de loi de finances pour 2014, un dérapage supplémentaire de 5 milliards d’euros au titre de ce projet de loi de finances rectificative pour 2013, qui serait d'ailleurs très certainement confirmé si nous devions poursuivre la discussion sur ce texte.

C’est la raison pour laquelle j’estime préférable de nous en tenir au projet tel qu’il revient de l’Assemblée nationale. Il traduit bien le sérieux, la rigueur, la volonté et l’ambition du Gouvernement quant au redressement de nos finances publiques. Mes chers collègues, je vous demande donc d’adopter le projet de loi de finances rectificative, tel qu’il nous est présenté aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous apercevons enfin, si je puis dire, la ligne d’arrivée du « marathon » budgétaire annuel, qui comprend la discussion du projet de loi de finances pour l’année à venir et du projet de loi de finances rectificative pour l’année en cours. Ce dernier texte prend en compte les dernières informations économiques et financières disponibles et procède aux ajustements budgétaires nécessaires.

Je regrette pour ma part que, pour la seconde année consécutive, la Haute Assemblée ne se trouve pas en mesure d’adopter ces textes financiers. Certes, nos collègues députés ont repris treize des cinquante amendements adoptés au Sénat avant le rejet de l’ensemble du texte. Tout n’est donc pas perdu, notamment pour notre rapporteur général dont les amendements pertinents ont éclairé utilement l’Assemblée nationale. Toutefois, vous conviendrez, mes chers collègues, que cette situation reste extrêmement insatisfaisante.

De plus, le calendrier et les délais d’examen ne nous permettent pas, de toute façon, d’aborder ces textes dans de bonnes conditions. Je rappelle que le projet de loi de finances rectificative pour 2013, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, nous a été transmis à l’aube.

En outre, comme l’a souligné excellemment mon collègue François Fortassin la semaine dernière, entre son dépôt et sa sortie de l’Assemblée en première lecture, le nombre d’articles de ce collectif budgétaire avait triplé du fait du dépôt par le Gouvernement de nombreux amendements, et le temps qui nous était imparti pour les examiner n’a pas permis une analyse véritablement approfondie et sereine, malgré les qualités reconnues et le travail acharné de notre rapporteur général.

Quelles sont finalement les principales dispositions de ce projet de loi de finances rectificative pour 2013 ? Faut-il rappeler, comme le faisait à l’instant notre rapporteur général, que l’un des principaux objectifs qu’il vise est l’amélioration du financement de l’économie ?

Ainsi, l’article 7 crée deux nouveaux contrats d’assurance vie, afin d’orienter davantage l’épargne des ménages vers le financement des entreprises, en particulier des plus risquées d’entre elles.

Certes, nous avons entendu ces dernières semaines quelques réserves quant à l’efficacité de ce dispositif, notamment de la part de l’excellent Louis Gallois, qui considère que les incitations prévues sont probablement insuffisantes pour résoudre la très forte « aversion au risque » des épargnants français. J’espère, madame la ministre, que ses craintes ne seront pas avérées et que cette réforme de l’assurance vie sera un véritable outil au service de la croissance.

L’article 8 met en place un régime d’amortissement exceptionnel pour les participations des entreprises au capital des PME innovantes. Les membres du groupe RDSE soutiennent l’ensemble de ces dispositions, qui doivent permettre le retour de la croissance et de l’emploi, mais nous sommes persuadés que les efforts pour relancer la compétitivité des entreprises doivent être poursuivis et renforcés.

Ensuite, plusieurs mesures de ce collectif budgétaire visent à simplifier les obligations déclaratives des particuliers, ainsi que les démarches des entreprises, ce qui nous semble tout à fait utile et sans doute nécessaire.

Enfin, ce texte amorce la réforme attendue de la formation professionnelle, en fusionnant la taxe d’apprentissage et la contribution au développement de l’apprentissage, et en attribuant 55 % du produit de cette nouvelle taxe aux régions.

Je souligne que, au moment où nous discutions de l’article 27, qui porte sur cette question, dans la nuit de vendredi à samedi, me semble-t-il, les partenaires sociaux sont justement parvenus à un accord sur cette réforme de la formation professionnelle, ce qui mérite d’être salué.

Mme Nicole Bricq, ministre. Tout à fait, c’est important.

M. Yvon Collin. L’Assemblée nationale a apporté quelques modifications à cet article, d’une part, pour garantir aux régions que cette réforme ne se traduirait pas par des pertes de recettes, en leur accordant un produit « plancher » de la taxe, et, d’autre part, pour demander la remise d’un rapport sur la fiabilité et la qualité des circuits de collecte.

Au final, la réforme proposée devrait rendre la collecte de la taxe d’apprentissage plus simple, plus transparente et plus efficace, ce dont nous nous réjouissons, madame la ministre.

Pour conclure, comme en première lecture, la majorité des membres du groupe RDSE votera en faveur de ce projet de loi de finances rectificative pour 2013. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier.

M. Philippe Dallier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vendredi dernier, après de longues heures de discussion, le Sénat a émis un vote négatif sur le premier et unique collectif budgétaire pour l’année 2013.

Ce vote n’aurait dû étonner personne, puisque le même scénario s’était déjà produit lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 et du projet de loi de finances pour 2014.... Les mêmes causes produisant généralement les mêmes effets, il était plus que probable que le collectif connaîtrait un sort identique.

D’ailleurs, l’adoption de nombreux amendements, contre l’avis du Gouvernement et de M. le rapporteur général, mais aussi, j’en conviens tout à fait, grâce à des majorités de rencontre, a une fois de plus démontré qu’il n’y a plus au Sénat de majorité pour soutenir la politique économique et budgétaire du Gouvernement.

Pourtant, le ministre n’a pas ménagé ses efforts. Seconde délibération, vote bloqué, appel à la raison : tout a été tenté, mais rien n’y a fait et, après une longue interruption de séance demandée par le groupe socialiste, nous avons eu droit à une dramatisation de la situation, fort excessive aux yeux de beaucoup, mettant en cause la prétendue irresponsabilité de ceux qui avaient l’outrecuidance de ne pas obtempérer aux injonctions du Gouvernement.

Nous ne vous en tiendrons pas rigueur, monsieur le rapporteur général. Il était très tard et nous savons que votre charge est lourde, en particulier en cette période de l’année. En outre, vous êtes sympathique. Permettez-moi cependant de vous conseiller de trouver à l’avenir un autre bouc émissaire que l’opposition pour passer votre courroux.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Il n’y a que la vérité qui fait mal !

M. Philippe Dallier. Qu’y pouvons-nous, nous, l’opposition, si la courte majorité dont vous bénéficiez théoriquement au Sénat vous fait maintenant régulièrement défaut ? Car enfin, à qui la faute ?

À nous ou à un contrat de majorité qui n’existe pas ?

À nous ou à une sous-estimation de la gravité de la crise qui vous a conduits à prendre des engagements devant les Français que vous ne pouvez pas tenir ?

À nous ou à une politique fiscale illisible, qui fait dire, au mois de janvier 2013, à Jérôme Cahuzac que la réforme fiscale est faite et à Pierre Moscovici, au mois de septembre suivant, qu’il comprend le ras-le-bol fiscal des Français ?

À nous ou au Premier ministre, qui annonce la remise à plat de notre fiscalité et se fait recadrer par le Président de la République, dont on a cru comprendre – ce n’est pas rien ! – qu’il avait été placé devant le fait accompli ?

À qui la faute, monsieur le rapporteur général ? Rendre l’opposition responsable de cette situation, en la taxant de surcroît d’irresponsabilité, c’est manifestement aller trop loin et la ficelle est un peu grosse. En effet, chacun voit bien que vous trouvez là une excuse facile à un problème politique que ce Gouvernement ne sait pas résoudre.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Vous n’avez rien fait pendant dix ans !

M. Philippe Dallier. Voilà bien le parti socialiste pris au piège de ses promesses et de ses contradictions.

M. Claude Haut. Vous n’en avez pas, vous, des contradictions ?

M. Philippe Dallier. Pour gagner les élections, à gauche toute ! On annonce que les riches paieront, que la finance sera mise au pas, que Berlin cessera de nous dicter notre politique et devra consentir à l’infléchissement de la politique monétaire de la BCE, et bien d’autres choses encore, agréables à l’oreille de l’électeur de gauche et permettant surtout de ratisser large, jusqu’aux électeurs de Jean-Luc Mélenchon, pour lesquels a été imaginée et concoctée la très fameuse taxe à 75 %, dont on sait ce qu’il advint.

Toutefois, une fois au pouvoir, les brumes de la campagne électorale dissipées, la dure réalité refait surface. Heureusement, pour ne pas effrayer nos partenaires et nos créanciers, dont nous avons tant besoin, mais aussi – j’en suis certain – par conviction, on confie aux plus orthodoxes les rênes de Bercy. L’aile gauche du PS est priée de se taire et les parlementaires du Front de gauche, priés de voter.

Hélas, cela ne se passe pas toujours comme ça.

M. Claude Haut. Vous en savez, des choses ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Philippe Dallier. Oui, cher collègue, parce que cela saute aux yeux !

Voilà pourquoi vous en êtes là, monsieur le rapporteur général. Le parti socialiste est encore et toujours tiraillé en son sein entre les réalistes, sociaux-démocrates à l’allemande – il y en a, et c’est heureux – et ceux qui pensent que l’on pourrait laisser filer le déficit et la dette pour relancer la croissance.

Non, l’opposition n’est pas responsable de cette situation.

M. Claude Haut. Mais du passif, oui !

M. Philippe Dallier. Je ne vois vraiment qu’une solution à votre problème : que vous organisiez le prochain congrès du PS, non pas à Reims ou à Rennes, mais à Bad Godesberg. En effet, tant que vous n’aurez pas fait votre aggiornamento et que vous ne serez pas allés devant les électeurs avec un programme clair, vous êtes condamnés à revivre ce genre de situation et à connaître les tréfonds en matière de sondages.

Quant à nous, faute de majorité, nous sommes évidemment dans l’incapacité de présenter un contre-budget qui respecterait les engagements européens de la France, car nous partageons bien cet objectif, est-il vraiment nécessaire de le rappeler pour que vous en soyez persuadés ?

Nous en sommes donc réduits à contester les dispositions que vous nous proposez, lorsqu’elles nous semblent ne pas aller dans la bonne direction. C’est bien là, en tant qu’opposition, notre droit le plus strict, comme celui de voter contre un collectif qui traduit une politique que nous désapprouvons.

Certes, tout cela peut paraître dommageable pour l’image du Sénat. Certains, d’ailleurs, ne manquent pas l’occasion de remettre en cause le rôle et l’existence même de la Haute Assemblée ; la presse de ces derniers jours est remplie de commentaires allant en ce sens.

Est-ce que, pour éviter cela, il nous faudrait nous abstenir, alors que vous avez alourdi, comme jamais encore, la fiscalité sur les entreprises et les particuliers, au risque de voir les impôts ne plus rentrer comme vous l’espériez et de retarder le retour de la croissance ?

Est-ce que nous devrions nous abstenir, alors que vous ne réduisez pas suffisamment les dépenses,...

M. Claude Haut. Il est vrai que, vous, vous les avez réduites ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Philippe Dallier. ... que vous n’engagez pas de véritables réformes structurelles et que la modernisation de l’action publique laisse sceptique, y compris dans votre propre camp ? Faut-il rappeler les derniers commentaires de Terra Nova ?

Pouvons-nous nous abstenir, alors qu’il ne se passe pas de mois sans que l’on nous annonce de nouvelles dépenses pour tenir des engagements de campagne électorale, comme le RSA jeune, pour brosser dans le sens du poil telle ou telle catégorie, comme les fonctionnaires avec la suppression du jour de carence, ou pour tenter d’éteindre les incendies à Marseille, en Bretagne ou ailleurs ?

Hier, à cette même tribune, j’ai dressé la liste de toutes ces dépenses nouvelles. Elle est déjà très longue. Elle se chiffre surtout à plusieurs dizaines de milliards d’euros sur le quinquennat. Ces milliards d’euros, à l’évidence, vous ne les avez pas. Ces décisions se traduiront donc par du déficit et de la dette supplémentaire.

Mme Nicole Bricq, ministre. Elles sont financées par des économies !

M. Philippe Dallier. Malheureusement, ce n’est pas fini, nous en reparlerons au Sénat au mois de janvier prochain. Ainsi, Mme Duflot, empêtrée dans son projet, mal ficelé, de garantie universelle des loyers, vient d’annoncer qu’elle renonçait à l’idée d’une nouvelle taxe sur les propriétaires et sur les locataires, ce qui est plutôt une bonne nouvelle, mais au profit d’une garantie donnée par l’État, qui, selon elle, ne devrait coûter, si j’ose dire, que 500 millions d'euros à 600 millions d’euros par an. Rien que cela !

Comment pourrions-nous donner l’impression de cautionner une telle politique en nous abstenant ? Les Français ne le comprendraient pas et nous donnerions du grain à moudre à ceux qui, aux extrêmes, cherchent déjà à les convaincre que l’UMP et le PS, c’est la même chose, que l’on a tout essayé et qu’il est temps de s’en remettre à ceux qui veulent fermer les frontières, sortir de l’euro, remettre en cause la PAC, faire fonctionner la planche à billets pour rembourser notre dette et autres balivernes qui nous conduiraient assurément à la catastrophe.

Non, l’UMP et le PS, ce n’est pas la même chose !

M. Claude Haut. L’UMP, c’est pire ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Philippe Dallier. Vos choix économiques et budgétaires ne sont pas les nôtres. Il faut que les Français le sachent et le constatent au travers de nos votes, fût-ce au prix d’une certaine incompréhension de ce qui se passe ici.

Mes chers collègues, la fin de cette situation est peut-être proche. Les élections municipales auront lieu au mois de mars prochain. Les Français vont pouvoir s’exprimer. Que l’opposition retrouve au Sénat une majorité claire, et nous vous démontrerons ici même, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2015, que nous défendons un projet différent, cohérent, responsable et réaliste qui permettra d’atteindre les objectifs assignés à la France.

M. Jean-Claude Frécon, vice-président de la commission des finances. Projet que vous n’avez pas pu avoir pendant dix ans !

M. Philippe Dallier. J’en reviens au texte que nous examinons. La commission mixte paritaire a logiquement échoué et cette nouvelle lecture n’a pas plus de chance d’aboutir que la précédente. Nous allons le vérifier d’ici peu.

Cette nouvelle mouture a été peu modifiée par l’Assemblée nationale, je ne peux donc que reformuler les critiques qui nous conduiront au même vote. Nous l’avons affirmé maintes et maintes fois au cours du débat : ce collectif budgétaire est marqué par deux aspects essentiels.

En premier lieu, les recettes fiscales sont en retrait de 11 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale. Il s’agit là d’un signe inquiétant, souligné par tous les observateurs, qui pointent là les limites de votre politique, essentiellement fondée sur l’augmentation de la pression fiscale pour réduire le déficit.

Madame la ministre, vous nous dites que c’est mathématique.

Mme Nicole Bricq, ministre. Arithmétique !

M. Philippe Dallier. Comme la croissance n’est pas au rendez-vous, les recettes fiscales sont en baisse. Vous devriez néanmoins vous demander si la pression fiscale n’a pas atteint un niveau tel qu’elle a un impact sur la croissance. À notre sens, c’est là que le bât blesse : « Trop d’impôt tue l’impôt et trop d’impôt tue la croissance ». C’est la grande leçon de cet exercice budgétaire de 2013.

En second lieu, conséquence du premier, le déficit se réduit par rapport à l’année dernière – c’est la moindre des choses avec une telle augmentation de la pression fiscale ! –, mais beaucoup moins que vous ne l’aviez annoncé : il atteint 61,5 milliards d'euros au lieu de 71,9 milliards d'euros. Ce résultat est obtenu grâce à la très utile réserve de précaution, même s’il faut toujours déplorer de voir amputer, en fin d’année, des budgets aussi importants que ceux de la défense ou de l’enseignement supérieur. La promesse a été tenue : vous compensez cette perte de recettes de 11 milliards d'euros en limitant les dépenses.

Parmi les diverses mesures d’ordre fiscal, certaines concernant l’assurance vie et sa réorientation vers les PME nous semblaient intéressantes, mais d’autres, comme celle qui vise à affecter aux régions une plus grande partie des fonds collectés pour l’apprentissage, ne manquent pas de nous inquiéter, à l’instar des chambres consulaires et des écoles aujourd’hui financées par ce biais.

Sur ce point, nous sommes assez surpris de constater que, en nouvelle lecture, nos collègues députés ont cru bon d’ajouter, à l’article 27, une précision indiquant que la part du produit de la nouvelle taxe destinée aux régions ne saurait être inférieure au produit antérieurement perçu.

Ainsi, et c’est assez étonnant, on met en place un dispositif pour donner plus d’argent aux régions et, comme on se demande s’il aura le résultat escompté, on prévoit cette disposition. Nous nous demandons donc si ce mécanisme est correctement calibré...

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Et la taxe professionnelle ? Vous avez des leçons à donner ?

M. Philippe Dallier. Le cycle budgétaire de 2013 se termine donc par l’examen de ce collectif budgétaire que le PS salue, alors même qu’il traduit une réalité très différente de celle que vous escomptiez. Vendredi dernier, Pierre Moscovici, préférant nous parler de l’avenir plutôt que de ces chiffres, n’a pas hésité à nous dépeindre un horizon qui s’éclaircirait déjà : retour de la croissance et baisse du chômage d’ici à la fin de l’année.

L’avenir nous dira s’il a raison, mais une chose est certaine : en 2014, l’excuse de l’héritage, dont vous avez largement usé depuis dix-huit mois, ne pourra plus être utilisée.

Chers collègues de la majorité, vous êtes au pouvoir depuis maintenant plus de dix-huit mois. Vous avez utilisé la boîte à outils du Président de la République, et les Français vous jugeront sur vos résultats. Ceux de 2013, tels qu’ils transparaissent dans ce collectif budgétaire, ne sont pas suffisamment bons. C’est pourquoi le groupe UMP ne peut, une nouvelle fois, qu’émettre un vote négatif. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye.

M. Vincent Delahaye. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici donc réunis pour une nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2013.

Tout à l’heure, madame la ministre, vous avez dit que l’opposition réclamait à cor et à cri des lois de finances rectificatives. Vous pensiez sans doute penser au groupe UMP, car, pour ce qui est du groupe UDI-UC, nous ne nous sommes jamais prononcés sur l’opportunité de présenter des collectifs budgétaires en cours d’année. À titre personnel, je n’y suis pas très favorable. Je pense qu’une loi de finances rectificative de fin d’année est suffisante. C’est d’ailleurs ce qui nous permet, aujourd’hui de constater que le déficit a dérapé de 10 milliards d’euros par rapport à ce que vous nous aviez indiqué voilà un an. La croissance que vous aviez annoncée n’est pas au rendez-vous ; les recettes non plus !

Ce collectif budgétaire affiche en effet une perte de 11 milliards d’euros de recettes par rapport aux prévisions, une erreur à propos de laquelle nous n’avons toujours pas obtenu d’explications convaincantes. S’agissant de l’impôt sur les sociétés, de l’impôt sur le revenu et de la TVA, l’erreur par rapport aux produits estimés initialement va de 4 % à 7 %, ce qui n’est tout de même pas négligeable.

Comme je l’ai dit voilà quelques jours au ministre du budget, je souhaiterais que les fonctionnaires de Bercy travaillent activement pour nous fournir des explications pertinentes quant à ces erreurs de prévision. Je souhaiterais également que l’on soit, à l’avenir, un peu plus prudent dans l’évaluation des recettes budgétaires, dont la surévaluation systématique est regrettable.

Le ministre de l’économie a parlé de « ras-le-bol fiscal »; le Président de la République, d’une « pause fiscale » et le Premier ministre, d’une « remise à plat fiscale »… Pourtant, nous sommes régulièrement déçus et nous aimerions y voir plus clair. La prétendue pause fiscale s’est traduite par une augmentation des prélèvements de 9 milliards d’euros au moins dans le budget pour 2014. Nous ne voyons rien venir de concret, ce qui nous semble très dangereux dans la situation actuelle.

Pour votre part, madame la ministre, vous avez parlé de « maîtrise des dépenses ». Je sens poindre là une évolution dans le vocabulaire qui ne manque pas de m’inquiéter. Jusqu’à présent, nous entendions parler d’« économies ». Il est vrai que nous n’étions pas nécessairement d’accord sur le sens de ce terme : pour vous, faire des économies, cela signifie freiner la croissance des dépenses, alors que nous voulons franchement les réduire. Aujourd’hui, il nous semble que la maîtrise des dépenses ne suffit plus ; nous avons besoin d’une vraie réduction.

Certes, les dépenses ne dérapent pas, je vous l’accorde. Mais les suppressions de crédits auxquelles vous procédez portent généralement sur des dépenses d’intervention, tandis que les ouvertures correspondent le plus souvent à des dépenses de guichet. Les dépenses d’intervention sont assez faciles à réaliser. En revanche, en ce qui concerne les dépenses de guichet, on ne réfléchit pas aux réformes qu’il conviendrait de mener pour éviter qu’elles dérapent. Je ne pense pas que l’on puisse continuer très longtemps à les laisser ainsi déraper, tout en se disant que l’on ne peut rien y faire. Je pense notamment à l’aide médicale d’État, dont les crédits progressent cette année de 15 % en tenant compte de la suppression du droit de timbre ; on ne comprend d’ailleurs pas vraiment pourquoi… Et tant pis si, l’année prochaine, le surcoût s’élève à 1 milliard d’euros !

Ce n’est pas ainsi que l’on parviendra à réduire nos dépenses.

Mme Nicole Bricq, ministre. Lesquelles ?

M. Vincent Delahaye. Or c’est absolument indispensable.

La politique du Gouvernement nous réserve aussi quelques surprises. La réforme des rythmes scolaires ou la garantie universelle des loyers, laquelle est encore en cours de discussion, engendrent autant de dépenses qui auraient dû être évitées dans la situation budgétaire actuelle.

Je ne parle pas des quelques cadeaux distribués dans ce collectif et dont on aurait pu se passer. Je pense notamment à celui consenti au profit du journal L’Humanité, pour 4 millions d’euros… Mais j’imagine qu’il doit s’agir d’accords passés entre partis. (M. Philippe Dallier s’exclame.)

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Nous n’avons pas vraiment été remerciés ! (Sourires.)

M. Vincent Delahaye. Vous évoquez ensuite la réduction continue des déficits, madame la ministre.

Nous pensons, pour notre part, qu’il ne faut pas confondre prévisions et réalisation. En effet, si l’on suit votre courbe de réduction des déficits, en valeur relative, nous sommes aujourd’hui à 4,1 %, et nous serons à 3,6 % l’an prochain. Mais vous nous disiez l’an dernier que nous serions à 3 % en 2013. J’attends donc de voir vos prévisions se réaliser. Serons-nous effectivement à 3,6 % de déficit à la fin de 2014 ? Je vous donne rendez-vous à ce moment-là.

Ce que j’observe simplement aujourd'hui, c’est que notre niveau de déficit reste extrêmement élevé.

Certes, comme M. le rapporteur général l’a souligné, ce n’est pas uniquement de votre fait. Mais vous êtes tout de même aux affaires depuis maintenant dix-huit mois : nous aimerions donc constater un infléchissement majeur dans l’évolution des déficits…

M. Claude Haut. Il est là !

M. Vincent Delahaye. … et de la dette, la progression de cette dernière étant très inquiétante.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ça bouge !

M. Vincent Delahaye. Quand allons-nous assister à un véritable infléchissement de notre dette ? La situation actuelle ne peut perdurer.

Nous avons des recettes en moins, des dépenses qui sont globalement maîtrisées, mais avec des dépenses de guichet qui flambent et des dépenses d’intervention qui sont supprimées, et une modernisation de l’action publique dont beaucoup critiquent la teneur et dénoncent surtout l’absence de résultats : la MAP ne fait en effet rien ressortir de très significatif pour le moment. Nous pensons qu’il faut aller beaucoup plus loin.

Je reprendrai quelques perspectives parmi celles qui ont été tracées, notamment, par notre collègue Jean Arthuis (Ah ! sur les travées de l'UMP.), telles la création de la TVA sociale ou la suppression des trente-cinq heures, deux mesures qui nous semblent indispensables.

Nous pouvons également nous interroger sur la garantie apportée chaque année par l’État à l’UNEDIC, institution gérée par les partenaires sociaux, comme chacun sait. Le présent collectif budgétaire fait croître cette garantie de 8 milliards d’euros. Va-t-on continuer à laisser les partenaires sociaux décider de ce que l’État, donc la collectivité nationale, doit dépenser ? Si je suis favorable à ce que les partenaires sociaux soient associés à la gestion, en revanche, je considère que ce n’est pas à eux de décider du montant de dette que l’État doit in fine garantir. C’est, en l’espèce, une très mauvaise direction qui est prise.

J’aimerais enfin insister une nouvelle fois sur cette idée que nous défendons depuis longtemps : celle d’avoir une seule et unique loi de finances, regroupant le budget de l’État et celui de la sécurité sociale, c’est-à-dire la totalité des dépenses et des recettes publiques.

M. Roland du Luart. Ça, ce serait bien !

M. Vincent Delahaye. Sauf impossibilités techniques, que je pourrais comprendre,…

M. Jean-Claude Lenoir. Il faudrait seulement modifier la Constitution…

M. Vincent Delahaye. … ce serait beaucoup plus clair, pour les parlementaires comme pour l’ensemble des citoyens, car on aurait ainsi une vision d’ensemble de notre déficit. En effet, lorsqu’on cumule le déficit de l’État, celui de la sécurité sociale, les investissements d’avenir et le CICE, on arrive à 110 milliards d’euros, voire 120 milliards d’euros, ce qui n’est plus supportable aujourd’hui. On ne peut pas continuer à dépenser ainsi 20 % de plus que ce que l’on gagne ! Aucun Français ni aucune entreprise n’y parviendrait.

Il est temps de mettre les actes en accord avec le discours. Nous vous suivons sur l’idée d’une réduction forte des dépenses et du déficit, mais nous attendons des actes. Pour la France, nous espérons vivement qu’ils interviendront rapidement, si possible dès 2014.

En attendant, nous voterons, bien sûr, contre ce collectif budgétaire. (On feint de s’en étonner sur les travées du groupe socialiste.)

M. Richard Yung. C’est bien dommage !

M. Vincent Delahaye. Nous espérons que les prochains seront plus satisfaisants.

C’est d’ailleurs ce qui nous conduira, d’abord, à voter la question préalable qui sera présentée tout à l'heure, même si nous ne sommes pas nécessairement d’accord avec l’argumentation qui la sous-tend. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons longuement débattu de ce projet de loi de finances rectificative la semaine dernière, avant qu’il ne soit finalement rejeté, par 188 voix contre, dans la nuit de vendredi à samedi.

Sur plusieurs points importants du texte, le Sénat avait adopté les propositions du Gouvernement. Je pense notamment au dispositif de réforme de l’assurance vie, qui vise à drainer l’épargne populaire vers les PME, ou aux différentes mesures destinées à soutenir l’exportation.

Nous avions aussi voté la reprise de la dette de l’établissement public de financement et de restructuration par l’État – EPFR –, pour des raisons de bonne gestion, notamment au regard du niveau très bas des taux d’intérêt.

Enfin, parce que nous soutenons la liberté de la presse, nous avions même voté un abandon de 4 millions d’euros de dettes pour le journal L’Humanité, ce qui représente tout de même un geste fort. Je crois que, avec le Gouvernement, nous pouvons en être fiers, et nous devrions tous nous en réjouir ! (M. Roland Courteau opine.)

M. Joël Bourdin. C’est plutôt une raison de plus de voter la question préalable ! (Sourires.)

M. Richard Yung. De nombreux autres amendements avaient été adoptés par des majorités, sinon de circonstance – le terme serait désagréable –, à tout le moins composites, voire contradictoires dans leur essence, amendements qui avaient eu pour résultat de dénaturer la politique proposée par le Gouvernement, laquelle se caractérise notamment par une réduction significative des déficits de l’État et des actions fortes en faveur de l’emploi.

Avaient notamment été votés un ensemble d’amendements portant sur la TVA qui auraient eu pour résultat de creuser le déficit de 5 milliards d’euros, le faisant passer de 82 milliards d’euros à 87 milliards d’euros.

Monsieur Dallier, vous nous dites de cesser d’invoquer l’héritage.

M. Richard Yung. En dix-huit mois, tout aurait dû changer, bien sûr… La politique économique répond au coup de sifflet, comme dans la marine, c’est bien connu ! (Nouveaux sourires.)

Vous-mêmes, d’ailleurs, en moins de dix-huit mois, vous avez su modifier significativement les choses, comme tout le monde a pu le constater !

Vous nous dites que c’est le « trop-d’impôt » qui tue la croissance. Or il m’avait pourtant semblé que, au cours des trois dernières années du mandat de votre majorité, la croissance avait suivi une courbe déclinante…

M. Philippe Dallier. Et la crise, ça vous dit quelque chose ?

M. Richard Yung. Pourtant, vous n’êtes pas un avocat du « trop-d’impôt » ! Il ne me semble donc pas que cette explication puisse être retenue.

Est-ce que, dans les autres pays européens, on observe que la réduction des impôts a des effets positifs sur la croissance ? Non ! Ce qui fait que l’Europe est malheureusement, dans le monde, une zone de croissance faible, c’est la mauvaise politique qui a été menée et imposée par l’Union européenne.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est facile ! Attendez-vous à un Grand Soir aux élections européennes !

M. Richard Yung. Pourquoi croyez-vous que les États-Unis ont un taux de croissance beaucoup plus élevé que l’Europe ? Parce qu’ils n’ont pas suivi cette politique ultralibérale qui a fait de l’Europe une zone de non-croissance, avec tout son cortège de difficultés, en Grèce, en Espagne ou en Italie.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !

M. Richard Yung. Je vous remercie aussi de nous avoir livré quelques explications sur la vie interne du parti socialiste, monsieur Dallier. Un certain nombre de ces éléments m’avaient en effet échappé ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

Je me réjouis qu’il n’en soit pas de même à l’UMP, un parti entièrement uni derrière son chef, comme chacun sait, et qui, de surcroît, promeut un programme de politique économique et fiscale parfaitement clair.

D’ailleurs, aujourd’hui même, je lisais une déclaration de M. Copé comme quoi il nous fallait absolument réduire le nombre de fonctionnaires d’environ 1 million. Enfin, me suis-je dit, une solution qui permettra de résoudre certains de nos problèmes ! (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.) Mais voilà que, dans le même temps, M. Juppé déclare : « Soyons sérieux, 1 million de moins de fonctionnaires, ça ne veut rien dire. Où va-t-on les prendre ? » (Nouveaux sourires.)

Il faut donc croire que le problème n’est pas si simple. On peut toujours railler l’action du Gouvernement, mais on s’aperçoit que, finalement, monsieur Dallier, vous n’avez pas plus de solution à proposer que les autres.

M. Jean-Claude Lenoir. C’est vous qui êtes au pouvoir !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Occupez-vous de la France plutôt que de l’UMP !

M. Richard Yung. Il me semble que vous avez exercé le pouvoir pendant une dizaine d’années, avec le résultat que l’on sait ! (Vives protestations sur les travées de l'UMP.)

Je vois avec plaisir que mes propos vous font réagir et que vous n’aimez pas que l’on vous mette le nez devant certaines réalités.

Nous, sénateurs du groupe socialiste, n’avons pas voté le texte issu des débats du Sénat en première lecture parce qu’il nous paraissait dépourvu d’orientations et, à certains égards, contradictoire.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est la commission qui a fait cela !

M. Richard Yung. En revanche, nous approuvons le texte désormais issu des travaux de l’Assemblée nationale.

M. Jean-Claude Lenoir. Vous parlez au nom de la majorité ?

M. Richard Yung. Je parle de ce qui a été voté ce matin par la commission des finances, au Sénat. Il me semble que, dans le cadre du fonctionnement démocratique normal, la commission se prononce.

M. Jean-Claude Frécon, vice-président de la commission des finances. Et elle s’est prononcée !

M. Richard Yung. Dès lors, chacun prendra ses responsabilités.

M. Jean-Claude Lenoir. Nous avons pris les nôtres !

M. Richard Yung. Le rapporteur ayant rappelé l’ensemble des modifications apportées, je n’y reviens pas. Treize amendements sont d’origine sénatoriale ; je m’en réjouis. Ils concernent notamment les modalités de l’assurance vie, le pari mutuel urbain en Nouvelle-Calédonie,…

M. Philippe Dallier. Ça, c’est important ! (Sourires.)

M. Richard Yung. N’est-ce pas ?

… des dispositions relatives à la fiscalité de la taxe foncière ainsi que le rapport sur la garantie de la COFACE.

D’autres amendements venant de l’Assemblée nationale ont été retenus, qui concernent : les maisons de champagne – j’espère que le vin de Vouvray bénéficiera également de cette avancée –, les mesures relatives aux fréquences hertziennes, la limitation de l’indexation de la contribution au service public de l’électricité, la taxe d’apprentissage garantie pour les régions.

Parce que notre groupe soutient la politique gouvernementale et que nous sommes en accord avec ces amendements, nous voterons en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Nicole Bricq, ministre. Je veux tout d’abord remercier le rapporteur général du soutien qu’il apporte à ce projet de loi de finances rectificative. Outre les précisions qu’il a données sur le contenu de ce texte en son état actuel, il nous a appelés à une gestion sérieuse des finances publiques compte tenu d’une situation dégradée. Nous saurons l’entendre.

Je remercie également Yvon Collin et le groupe RDSE de soutenir ce texte. Monsieur le sénateur, au cours de votre intervention, vous avez évoqué la réforme de la taxe d’apprentissage. Effectivement, je crois que l’on ne mesure pas suffisamment le travail du Gouvernement en la matière. Grâce à la négociation, pas moins de trois réformes essentielles ont abouti en dix-huit mois.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

Mme Nicole Bricq, ministre. En matière de formation professionnelle, les résultats issus soit de la négociation, soit de la concertation avec les organisations syndicales et patronales portent tout de même sur plus de 25 milliards d’euros.

La collecte de la taxe d’apprentissage se caractérisait par une certaine confusion. Le nombre de collecteurs sera ramené de 150 à 40. Le produit de cette taxe servira, n’en doutons pas, à ceux qui sont directement touchés par le chômage et qui ont tout particulièrement besoin de formation. Sachant que nous accusons un retard en ce domaine, il est heureux que la réforme voulue par les syndicats de salariés et les organisations patronales permette de le combler. Cela est aussi, me semble-t-il, à mettre au crédit de la méthode du Gouvernement, qui privilégie la négociation.

Je remercie également M. Yung, qui, je le constate pour m’en réjouir, n’a rien perdu de sa vigueur, suscitant même quelques remous sur les travées de l’opposition. Cela dit, M. Dallier non plus n’a rien perdu de sa vigueur, et je l’en félicite ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Permettez-moi néanmoins de vous dire, monsieur Dallier, que nous réduisons les déficits là où un gouvernement que vous souteniez les avait fait exploser. Si vous le voulez, je peux rappeler l’évolution des chiffres année après année.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Le problème, c’est l’aggravation des déficits en 2013 !

Mme Nicole Bricq, ministre. Par ailleurs, nous tenons la dépense, contrairement à ce que vous avez fait naguère. Je rappelle qu’entre 2007 et 2011 elle a augmenté de 5,5 milliards d’euros en moyenne chaque année. Ces chiffres sont peut-être difficiles à entendre, mais ils sont indiscutables.

M. Delahaye a souligné que les recettes étaient inférieures aux prévisions. Pour ma part, je me suis bien gardée de dire que le niveau des recettes découlait mathématiquement de la conjoncture, car la mathématique fait appel à l’esprit spéculatif. Je me suis contentée de l’arithmétique, soutenant que le niveau des recettes dépendait mécaniquement de l’activité. Dès lors que la croissance est moins forte, les recettes en pâtissent ; c’est ce qui s’est passé pour la TVA et pour l’impôt sur les sociétés. Cela n’a rien de surprenant.

M. Delahaye a aussi critiqué la modernisation de l’action publique. Je tiens à signaler le changement de méthode qu’on peut observer à cet égard : auparavant, avec la RGPP, c’était la méthode du rabot qui prévalait ; aujourd'hui, la MAP suppose une évaluation préalable. Ce matin encore, nous avons lancé douze chantiers d’évaluation en vue de simplifier – en simplifiant, on peut faire beaucoup d’économies – et de procéder à des réformes.

En 2013, la MAP représente ainsi 10 milliards d’euros d’économies. Pour 2014, nous prévoyons 15 milliards d’euros d’économies. Cela fera un total de 25 milliards d’euros en deux ans.

De plus, l’année prochaine, au moment de l’examen de la loi de finances initiale pour 2015, vous aurez à débattre du plan triennal. Nous le savons, des économies sont encore à réaliser : ce sont, en effet, 50 milliards d’euros qu’il nous faudra trouver.

Je souligne en outre que les nouvelles dépenses qui ont été citées tout à l’heure ont toutes été financées par des économies.

Je remercie donc les uns de leur soutien, mais aussi les autres, qui font leur travail d’opposition, dans la clarté et la transparence, pas toujours avec de bons arguments. Quoi qu'il en soit, nous ne pouvons pas nous cantonner à une bataille de chiffres : la bataille porte aussi sur les objectifs. En ce qui nous concerne, nous nous battons pour plus de justice dans les prélèvements fiscaux et pour plus d’efficacité dans la dépense publique. C’est le sens de notre action depuis dix-huit mois, et nous allons la poursuivre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La discussion générale est close.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants, afin que la commission des finances puisse se réunir et examiner la motion tendant à opposer la question préalable.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous passons à la discussion de la motion tendant à poser la question préalable.

Question préalable

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2013
Question préalable (fin)

M. le président. Je suis saisi, par Mme Beaufils, MM. Bocquet, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, en nouvelle lecture, de finances rectificative pour 2013 (n° 241, 2013-2014).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Éric Bocquet, pour la motion.

M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme de ce marathon budgétaire de 2013. Le collectif de fin d’année que nous examinons aujourd'hui a suivi, sur bien des aspects, le même cheminement que le projet de la loi de finances pour 2014, dont nous avons achevé l’examen hier après-midi. Soixante-neuf amendements, dont treize reprennent des propositions du Sénat, ont été adoptés sans que soit modifiée la philosophie générale du texte, que, vous le savez, nous ne partageons pas.

Ce collectif opère d'abord une nouvelle ponction sur les dépenses publiques. À peine votés par le Parlement, les crédits budgétaires sont en partie mis en réserve, avant que la solidarité interministérielle ne joue pour accorder quelques subsides aux priorités du moment, tandis que l’essentiel des crédits gelés sont purement et simplement annulés.

C’est d’ailleurs ainsi que, cette année, les crédits nécessaires à nos interventions militaires extérieures sont gagés sur la réduction des crédits d’équipement de nos forces armées, mais aussi sur plus de quatre-vingts programmes divers et variés, qui concernent notamment la réhabilitation de l’habitat, la réalisation de modes de transport collectifs urbains, notre présence diplomatique et culturelle à l’étranger, le service public territorial, la préservation du patrimoine, sans oublier les ajustements habituels des dépenses de personnel liés aux vacances de postes budgétaires…

Abstraction faite de l’allégement de la charge de la dette, que nous pourrions du reste faire baisser bien davantage si notre pays était autorisé à se refinancer auprès de la Banque centrale européenne, dont la mission aurait pu être redéfinie, et de l’atténuation des charges de remboursement et de dégrèvement des impôts et taxes, ce ne sont pas moins de 3,2 milliards d’euros qui sont annulés par ce collectif. La démarche ne peut manquer de susciter des interrogations puisqu’elle représente plus de 1 % des dépenses prévues par la loi de finances initiale.

Sur le plan de la méthode, force est de constater que cette manière de faire n’est pas acceptable et qu’elle finit par instrumentaliser la représentation nationale, contrainte de débattre d’un texte quasiment virtuel dont la véritable exécution est confiée, in fine, aux directeurs de missions et programmes. Que la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la LOLF, ait fini par conduire à cette dérive technique ne nous surprend guère, car c’est précisément ce que nous avions craint lors de son adoption.

Le collectif budgétaire n’est pas seulement un texte relatif à l’ajustement des crédits votés en loi de finances initiale. Il comporte suffisamment d’articles pour que certaines de ses dispositions appellent une réflexion de notre part. Je pense notamment à l’élément le plus important du présent texte, à savoir le nouveau traitement fiscal de l’assurance vie. Voilà en effet un beau sujet, entrant parfaitement dans le cadre de la réflexion que nous devons mener sur notre régime de prélèvements sociaux et fiscaux. Cependant, la réponse qui est temporairement apportée sur ce point ne peut nous satisfaire.

Depuis trente ans, l’assurance vie est devenue l’un des placements les plus utilisés par nos compatriotes. Son encours atteint désormais 1 450 milliards d’euros, soit 70 % du PIB marchand : autant que la capitalisation boursière de la place de Paris et les trois quarts de la dette du pays. L’envolée récente de l’encours de l’assurance vie doit beaucoup, chacun le sait, à la baisse du taux de rémunération des livrets défiscalisés organisée par le ministère de l'économie et des finances, mais aussi et surtout aux choix d’investissement des principaux souscripteurs.

En effet, l’assurance vie, qui sert en quelque sorte de « poire pour la soif » aux contribuables les plus modestes – et les plus nombreux – est devenue au fil du temps un produit de pure optimisation fiscale pour ceux qui effectuent les placements les plus significatifs. Il est évident que l’exclusion des revenus des contrats d’assurance vie de l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune – ISF – jusqu’à l’âge de soixante-dix ans constitue une puissante incitation à choisir ce type d’investissement.

Les inégalités de patrimoine, qui n’ont souvent, quoi qu’on en dise et en pense, qu’un lointain rapport avec les talents et mérites personnels des uns et des autres, se sont beaucoup accrues depuis dix ans. Différents facteurs ont joué dans ce sens : baisses successives du taux marginal de l’impôt sur le revenu, qui se sont traduites par une réduction continue du taux de prélèvement apparent sur les plus hauts revenus ; mitage de la fiscalité de l’épargne, très largement favorable aux personnes disposant d’importants portefeuilles d’actions et d’obligations ou de placements immobiliers et fonciers ; multiplication des incitations fiscales à l’investissement immobilier ; larges exonérations en matière d’ISF ; taux d’imposition privilégiés et prélèvements libératoires. Toutes ces mesures et autres niches fiscales rentables ont constitué un puissant vecteur d’aggravation des inégalités.

Plutôt que de créer une nouvelle niche fiscale pour les placements en assurance vie, assortie d’un abattement de 700 000 euros qui se rapproche tout de même dangereusement du plancher d’imposition de l’ISF, un collectif budgétaire de gauche aurait mis en question une bonne partie de cette fiscalité des capitaux et du patrimoine dont nous avons hérité. Nos amendements exprimaient cette exigence puisqu’ils visaient notamment à revenir sur des mesures incitatives comme les dispositifs Dutreil-Seillière et ISF-PME, ainsi que sur l’exonération des biens professionnels et de l’assurance vie. Aucun de nos amendements n’a trouvé grâce aux yeux du Gouvernement. Pourtant, ils ne relevaient pas d’une simple posture, contrairement à ce qui a été dit ici hier, mais représentaient un appel à l’examen d’une alternative constructive à gauche.

Cette exigence de justice fiscale ne transparaît évidemment pas dans le choix crucial de ce projet de loi de finances rectificative : l’essentiel de ses ressources provient une fois encore de la fiscalité indirecte. C’est une réforme fiscale de grande envergure que nos compatriotes attendent et espèrent. Le choix historique de la fiscalité indirecte comme vecteur principal des recettes publiques nous semble mis en question. La TVA connaît depuis quelque temps une certaine forme de stagnation, et l’état de la fraude, tel que mesuré par Eurostat, atteint des niveaux particulièrement élevés. Il est donc grand temps que la fiscalité dans notre pays prenne d’autres chemins que ceux qui ont été empruntés jusqu’ici.

La politique d’austérité actuelle, confirmée malgré l’alternance politique, sème le trouble, voire l’incompréhension chez bon nombre de nos concitoyens.

Mes chers collègues de la majorité sénatoriale, les Françaises et les Français n’ont pas plus voté pour la retraite à soixante-six ans, rendue possible par la réforme présentée au Parlement, que pour une hausse de la TVA destinée à financer un nouvel allégement des cotisations sociales des entreprises, qui n’en ont, pour l’essentiel, nullement besoin. Dans un tel système, le salarié-consommateur est parfois mis deux fois à l’amende.

Non, les Françaises et les Français ont voté pour le changement, un changement radical et profond qui s’attaquerait aux privilèges de la fortune et aux entreprises tirant parti des niches fiscales et sociales afin de s’enrichir, pour le plus grand bonheur de leurs mandants et actionnaires.

Avant de remercier à mon tour l’ensemble de nos collègues qui ont participé au débat sur ce collectif budgétaire, dans des conditions pour le moins inhabituelles et, pour tout dire, assez peu respectueuses des droits du Parlement, et d’adresser mes sincères félicitations à tous les fonctionnaires du Sénat pour leur patience, leur disponibilité, leur compétence et leur attachement à un service public de qualité, je vous lirai quelques mots récemment écrits par un intellectuel latino-américain au sujet du mouvement du monde. Il me semble en effet que ces mots devraient guider nos choix fiscaux et politiques dans les mois et les années à venir.

« Alors que les gains d’un petit nombre s’accroissent exponentiellement, ceux de la majorité se situent d’une façon toujours plus éloignée du bien-être de cette heureuse minorité. Ce déséquilibre procède d’idéologies qui défendent l’autonomie absolue des marchés et la spéculation financière. Par conséquent, ils nient le droit de contrôle des États chargés de veiller à la préservation du bien commun. Une nouvelle tyrannie invisible s’instaure, parfois virtuelle, qui impose ses lois et ses règles, de façon unilatérale et implacable. De plus, la dette et ses intérêts éloignent les pays des possibilités praticables par leur économie et les citoyens de leur pouvoir d’achat réel. S’ajoutent à tout cela une corruption ramifiée et une évasion fiscale égoïste qui ont atteint des dimensions mondiales. L’appétit du pouvoir et de l’avoir ne connaît pas de limites. Dans ce système, qui tend à tout phagocyter dans le but d’accroître les bénéfices, tout ce qui est fragile, comme l’environnement, reste sans défense par rapport aux intérêts du marché divinisé, transformés en règle absolue. »

L’auteur de ces lignes est, chacun l’aura sans doute reconnu, un certain Jorge Bergoglio, devenu au début de l’année le pape François. (Rires et exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Éric Bocquet. Même si l’on ne partage pas la vision du monde que le pape exprime par ailleurs dans ce texte, je crois que nous devrions tout de même nous inspirer des préoccupations dont il fait part dans ce passage, en particulier en cette période de l’avent. (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.) Hélas ! nous n’en retrouvons aucune trace dans ce projet de loi de finances rectificative pour 2013. Par conséquent, nous ne pouvons que le rejeter, et nous invitons le Sénat à faire de même en adoptant cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, contre la motion.

M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous trouvons dans la même situation qu’hier après-midi. Rien de nouveau sous le soleil !

M. Philippe Dallier. Les jours se suivent et se ressemblent !

M. Richard Yung. À l’évidence, il n’y aura pas de majorité pour voter le projet de loi de finances rectificative pour 2013, ce qui signifie que la présente motion va être adoptée.

Cependant, il n’y a pas non plus de majorité alternative. J’espère que nous ne sommes pas revenus à la IVRépublique ! (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)

J’espère surtout que ce constat ne va pas conduire certains à vouloir modifier la Constitution,…

M. Éric Bocquet. La question peut se poser !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nous n’en avons pas les moyens !

M. Richard Yung. … soit pour rendre possible la dissolution du Sénat, soit pour le supprimer !

D’aucuns, en effet, en viennent à se demander à quoi il sert, puisqu’il ne vote plus les lois de finances !

M. Richard Yung. Madame Des Esgaulx, regardez-vous dans une glace et vous aurez la réponse !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. La faute à votre majorité, qui n’est pas là !

M. Richard Yung. Pour ma part, je considère qu’il est normal que l’opposition,…

M. Bruno Sido. S’oppose !

M. Richard Yung. … même plurielle, même composite, s’oppose. Vous êtes dans votre rôle et nous n’allons pas vous critiquer pour cela !

Simplement, nous sommes en face de groupes aux orientations politiques sensiblement différentes,…

M. Bruno Sido. Et dont certaines sont censées faire partie de la majorité !

M. Richard Yung. … qui s’apprêtent néanmoins à voter la même question préalable, qui plus est bénie par le pape !

M. Bruno Sido. Laissez tomber, ce n’est pas pour vous !

M. Richard Yung. Je dois d’ailleurs noter une évolution dans les objets des questions préalables, mais pas forcément dans un sens positif.

Hier, sur le projet de loi de finances pour 2014, il s’agissait, en deuxième argument, « de mettre en question des choix fiscaux et budgétaires erronés, marqués du sceau de l’austérité ». Aujourd’hui, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2013, il est question de « rejeter les choix politiques de ce collectif, marqué par la hausse de la TVA et la mise en place du CICE ».

M. Bruno Sido. Ce n’est pas nous qu’il faut regarder !

M. Richard Yung. Et pourquoi non ? Hier, l’UMP a bien voté la motion ! J’en ai d’ailleurs été d’autant plus surpris qu’il s’agissait aussi, selon un troisième argument, de « marquer le refus d’une option générale de réduction de la dépense publique, inefficace et contreproductive ». Vous rendez-vous compte de ce que vous avez voté ?

M. Philippe Dallier. Vous ne m’avez pas bien écouté !

M. Richard Yung. Quoi qu'il en soit, il ne s’agit plus aujourd’hui que de « marquer la nécessité d’une profonde réorientation des finances publiques ». Il me semble que nous pouvons quand même nous retrouver sur ce dernier point, car c’est vraiment un minimum ! Pour un peu, nous pourrions presque voter la motion ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Richard Yung. Rassurez-vous, nous n’allons pas le faire !

Je disais donc que des groupes aux orientations très différentes se retrouvent pour voter cette question préalable qui n’est au fond qu’un misérable cache-sexe destiné à dissimuler un profond hiatus entre des options politiques.

Certains trouvent que la réduction de 15 milliards d’euros des dépenses…

M. Bruno Sido. C’est insuffisant !

M. Richard Yung. … est largement insuffisante. Il en faudrait 20, 30, que dis-je, 40 milliards !

M. Bruno Sido. Ou 100 !

M. Richard Yung. Les mêmes réclament une réduction d’un million du nombre de fonctionnaires, cela a été dit tout à l’heure.

Il faudrait aussi réduire fortement les impôts. Pourtant, il me semble que d’autres ont essayé de le faire avec pour seul résultat la croissance exponentielle de la dette publique… Peut-être voulez-vous continuer dans cette voie !

M. Bruno Sido. Vous avez eu l’explosion du chômage, ce qui n’est pas mieux !

M. Richard Yung. D’autres, au contraire, veulent plus d’impôts et sont contre l’Europe – ils sont aussi hostiles, je l’ai entendu hier, à la grande coalition en Allemagne –, s’opposent au CICE et à l’allégement du coût du travail, refusent la diminution des dépenses publiques, etc.

Et l’on retrouve tout cela dans le même paquet, ce qui me fait dire que la question préalable est plutôt une « macédoine préalable » ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

Malgré les apparences, l’alliance CRC-UMP-UDI est encore fragile ! (Rires sur les travées du groupe UMP et du groupe UDI-UC.)

M. Alain Gournac. Et la majorité, elle n’est pas fragile ?

M. Richard Yung. Vous avez encore des progrès à faire !

Pour ces raisons, nous suivrons la position de la commission des finances et voterons contre la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Bruno Sido. Vous êtes des godillots !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je me réjouis que la séance ait pu se dérouler cet après-midi dans une ambiance détendue. J’en profite pour remercier tous nos collègues de leur assiduité au cours des semaines passées. Nous avons eu de nombreuses séances de discussions sur tous les sujets budgétaires. C’est un exercice contraignant et je salue tous ceux qui y ont pris part.

Je souhaite également rendre hommage à tous les collaborateurs de la commission des finances et de la séance, ainsi que ceux des groupes politiques, qui n’ont pas ménagé leur peine pour nous accompagner dans ce travail exigeant, parfois fastidieux. Il s’agit en effet d’un exercice de réflexion, de comparaison de chiffres, d’évaluation.

Alors que nous allons clore cette période avec cette dernière séance de l’année sur les questions budgétaires, je voulais donc tous vous remercier de cette contribution active pour que le Sénat donne une image constructive de son rôle et montre tout ce qu’il peut apporter au débat public et au travail parlementaire, même si l’aboutissement n’est pas celui que les uns ou les autres auraient souhaité. Personnellement, j’aurais préféré que ce collectif soit adopté. Mais les choses sont ainsi !

Pour conclure, sachez que la commission des finances a suivi ma proposition de ne pas donner un avis favorable sur cette question préalable, dont l’adoption entraînerait de facto le rejet de l’ensemble du projet de loi de finances rectificative.

Je préconise le rejet de cette motion parce que je considère que le Gouvernement a fait un bon travail dans la gestion de l’exercice 2013 et que notre situation financière est relativement satisfaisante au regard des inquiétudes que nous pouvions nourrir au vu de la dégradation de la conjoncture économique et financière. Un travail très sérieux a été fait tant sur les recettes que sur les dépenses.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation.

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Je me permettrai de prolonger ce qui a été dit par M. Richard Yung. Il est en effet assez cocasse de voir se rassembler, d’un côté, ceux qui, aujourd’hui encore, à l’occasion d’un séminaire, proposent de relancer l’activité en réalisant 100 milliards d’euros d’économies essentiellement fondées sur la réduction du nombre de fonctionnaires, le passage de l’âge légal de la retraite à soixante-cinq ans, la remise en cause du SMIC, la suppression des 35 heures – ce qu’ils n’ont su faire pendant les dix ans où ils ont été au pouvoir, malgré leurs nombreuses déclarations d’intention –…

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Parlez-nous plutôt du PFLR de 2013 !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. … et, de l’autre côté, ceux qui sont attachés à la dépense publique, souhaitant qu’elle soit un instrument de la relance de l’économie dans une perspective keynésienne.

Le soutien à l’investissement des entreprises relève non pas d’une politique de l’offre, mais d’une politique de la demande puisque, je le rappelle, en économie, la demande se décompose en deux éléments : la consommation des ménages et l’investissement des entreprises. À cet égard, le soutien que nous apportons aujourd’hui aux capacités d’investissement des entreprises relève d’une politique d’inspiration keynésienne.

Ce rassemblement autour de la présente question préalable nous déçoit parce que nous avions là l’opportunité d’une belle discussion sur la manière de rendre plus efficace la dépense publique et de faire en sorte qu’elle concoure à des objectifs de justice sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la motion tendant à opposer la question préalable présentée par le groupe CRC est justifiée, dans son objet, par trois arguments : faire respecter les droits du Parlement, remis en question lors de la première lecture ; rejeter les choix politiques de ce collectif, marqué par la hausse de la TVA et la mise en place du CICE ; montrer la nécessité d’une profonde réorientation des finances publiques.

Il se trouve que le groupe UMP partage pleinement ces trois raisons de ne pas discuter de nouveau ce collectif budgétaire, quelques jours à peine après un long débat qui nous a entraînés tard dans la nuit de vendredi à samedi derniers.

Tout d’abord, il s’agit, dans l’esprit de nos collègues du groupe CRC, de faire respecter les droits du Parlement, remis en question lors de la première lecture : mon collègue Philippe Dallier l’a rappelé dans la discussion générale, la façon dont s’est achevée la première lecture le week-end dernier a été assez chaotique. Si l’utilisation par le Gouvernement du vote bloqué dans le cadre d’une seconde délibération est tout à fait constitutionnelle, elle apparaît toutefois abusive quand elle devient systématique.

En ne prenant que trop rarement en considération les remarques que font ressortir les travaux du Sénat, le Gouvernement fait preuve d’un certain mépris à l’égard de la Haute Assemblée. Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2014, l’ensemble de nos travaux avait été balayé par un vote bloqué en seconde délibération portant sur pas moins de vingt-huit articles ! Dans ce collectif budgétaire, le vote bloqué en seconde délibération portait, cette fois, sur treize articles.

C’est la raison pour laquelle la majorité du Sénat a refusé le principe de cette seconde délibération. Ce vote a ulcéré M. le rapporteur général et le groupe socialiste, qui nous a fait attendre en pleine nuit son retour dans l’hémicycle pendant une heure de suspension de séance.

L’adoption de cette motion vous évitera donc, chers collègues, de nous rejouer cette commedia dell’arte, car nous pouvons présumer que la seconde délibération aurait encore été de mise en nouvelle lecture.

En outre, par le vote de cette motion, le groupe CRC souhaite manifester son rejet des choix politiques de ce collectif, marqué par la hausse de la TVA et la mise en place du CICE.

Là encore, nous nous retrouvons, même si nos raisons de nous opposer à la hausse de la TVA et au CICE sont évidemment très différentes de celles de nos collègues du groupe CRC !

Nous étions, pour notre part, je le rappelle, opposés à la hausse du taux intermédiaire de 7 % à 10 %, mais favorables à une hausse du taux normal de TVA de 19,6 %, dans le cadre de la mise en place de la « TVA compétitivité », dont les effets sur le coût du travail auraient été directs et efficients dès le 1er octobre 2012.

Le CICE, quant à lui, a des effets bien plus tardifs et n’est pleinement efficace que pour les grandes entreprises et la grande distribution, le dispositif étant bien trop complexe pour les petites entreprises.

Enfin, les auteurs de la motion souhaitent signifier qu’il est nécessaire de procéder à une profonde réorientation des finances publiques. Nous sommes également convaincus de cette nécessité, même si la réorientation que nous souhaiterions est bien différente.

Pour notre part, nous sommes favorables à une véritable pause fiscale pour les ménages et à une baisse massive des charges sociales pesant sur les entreprises de nature à provoquer un choc de compétitivité plus massif.

Nous penchons également pour une diminution bien plus importante des dépenses publiques. À cet égard, nous reviendrions sur un certain nombre de hausses de dépenses engagées par le Gouvernement depuis un an et demi : Philippe Dallier en a dressé la liste hier, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2014 en nouvelle lecture.

Pour les trois raisons que je viens d’évoquer, le groupe UMP votera en faveur de cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.

M. François Zocchetto. Nous arrivons au terme du cycle budgétaire de l’automne 2013. Au regard du vote qui est intervenu hier au Sénat, il y a en effet peu de doute sur la suite de nos débats de ce soir.

Cette explication de vote est donc l’occasion de dresser un bilan très synthétique de la politique budgétaire du Gouvernement, après le neuvième texte législatif en dix-huit mois sur ces questions.

Le premier point notable est l’absence perceptible de cap du Gouvernement en matière budgétaire. Ainsi, pour ne citer qu’un exemple significatif, vous avez supprimé en juillet 2012 la « TVA compétitivité » pour la remplacer, moins de six mois plus tard et en contradiction avec toutes les promesses de campagne de François Hollande, par un crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi complexe, trop ciblé et dont le financement est incertain. Plus largement, tous nos débats de cette année ont été obérés par la promesse du Premier ministre d’une possible réforme fiscale dont on a compris qu’elle avait été enterrée dimanche dernier par le Président de la République.

En cette fin d’année 2013, nous ne savons plus quel est votre projet.

MM. Alain Gournac et Charles Revet. Il n’y en a pas !

M. François Zocchetto. Nous ne savons plus où vous nous conduisez, et nos concitoyens en souffrent. Voyez la décollecte de l’épargne et du Livret A, voyez la baisse de l’investissement, voyez les jeunes qui s’expatrient. La confiance ne règne plus dans notre pays, et vos indécisions ne font qu’alimenter le front du refus de votre politique.

Le second point qui nous intéresse tout particulièrement est le traitement que vous réservez à notre assemblée.

M. François Zocchetto. Le Gouvernement n’a eu de cesse, et cela depuis le début de la discussion de la première partie du projet de loi de finances, de décrédibiliser le travail des sénateurs, de l’opposition comme de la majorité. Certains ont été taxés d’irresponsables, de démagogues, de cyniques. En outre, comme cela vient d’être rappelé, le recours au vote bloqué de façon répétée est inadmissible.

Vos prédécesseurs n’étaient certes pas parfaits, mais ils manifestaient, nous semble-t-il, par une approche différente, plus en amont de la relation entre le Sénat et le Gouvernement, du respect envers le Parlement et le Sénat, en particulier.

Le vote qui va intervenir n’est que la conséquence de ces deux phénomènes. Le Sénat ne peut voter un texte qui signe l’incohérence d’une loi de finances initiale que vous avez laissé déraper de plus de 9 milliards d’euros. Le Sénat ne peut voter un texte qui signe le reniement de nos engagements européens en matière d’assainissement des finances publiques.

Aussi, même si nous ne partageons pas totalement – c’est peu de le dire ! – l’analyse de nos collègues communistes, nous nous associons à leur démarche afin de mettre un terme à ce débat par avance vicié. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.

M. Philippe Adnot. Contrairement à la majorité des non-inscrits, je ne voterai pas cette motion tendant à opposer la question préalable.

En effet, j’ai déposé des amendements sur ce projet de loi de finances rectificative : il y aurait, dès lors, une certaine incohérence de ma part à voter une telle motion.

Je souhaite en outre avoir la possibilité d’expliquer à M. le ministre qu’il se trompe dans la réponse qu’il a faite récemment à propos d’un amendement qui avait déjà été présenté.

En vérité, je n’aime pas ces motions de procédure, car leur adoption revient à empêcher le débat. Si l’on n’est pas d’accord avec le projet de loi de finances rectificative, éventuellement modifié par des amendements, il suffit de voter contre, mais après que la discussion a pu avoir lieu. Chacun, ensuite, garde sa liberté de vote.

La question préalable, c’est la négation de la démocratie et de l’échange.

M. Richard Yung. Très bien !

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.

M. François Fortassin. Mon collègue Yvon Collin a expliqué la position du groupe RDSE, qui est très claire : elle est identique à celle du groupe socialiste et nous ne voterons pas la question préalable.

D’abord, nous considérons que la discussion doit pouvoir se poursuivre.

Ensuite, je note que ceux qui souhaitent voter la motion invoquent la cohérence. Or la cohérence du CRC n’est pas la même que celle de l’UMP. À moins qu’il ne s’agisse d’une cohérence d’opportunité : dans ce cas, chacun comprendra que ce ne soit pas la nôtre. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

En vertu de l’article 59, alinéa 3, du règlement, je vais appeler le Sénat à se prononcer sur cette motion par scrutin public.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 1 :

Nombre de votants 347
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l’adoption 187
Contre 157

Le Sénat a adopté.

En conséquence, le projet de loi de finances rectificative pour 2013 est rejeté.

La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, au moment où s’achève au Sénat l’examen des textes financiers, je voudrais tout d’abord remercier les membres de tous les groupes pour leur contribution aux débats.

Je tiens à remercier tout particulièrement, et très chaleureusement, M. le rapporteur général ainsi que M. le président de la commission des finances des amendements qu’ils ont déposés et de leurs interventions, qui ont contribué, sur de nombreux sujets, à faire avancer notre réflexion commune.

Je souhaite en outre redire l’attachement profond du Gouvernement au Sénat, quoi que certains propos prononcés ici aient pu laisser entendre. En témoigne d’ailleurs l’intégration d’un grand nombre d’amendements sénatoriaux dans le texte définitif, sur des sujets très stratégiques.

Dans le même temps, je vous demande d’accéder à l’idée selon laquelle, lorsque le texte qui résulte des travaux du Sénat est, sur le plan financier, très déséquilibré et remet en cause notre objectif de rétablissement des comptes publics, nous devons évidemment, nous aussi, prendre nos responsabilités. Ce n’est en aucun cas un signe de distance ou de désintérêt à l’égard du Sénat : simplement, dans l’équilibre institutionnel qui est le nôtre, chacun exerce les missions qui lui incombent en essayant d’agir au mieux. Pour ma part, je me suis efforcé d’être le plus présent possible au cours de ces débats.

M. Jean-Claude Lenoir. C’est vrai !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. L’exercice a parfois été difficile, car il m’est impossible d’être à la fois à l’Assemblée nationale et au Sénat lorsque les discussions de fin d’année se déroulent simultanément sur des textes, certes différents, mais qui sont tous de nature financière.

Mesdames, messieurs les sénateurs, sachez que j’ai apprécié nos échanges. Même lorsque nous ne sommes pas d’accord, il y a toujours, dans cette assemblée, une volonté de faire prévaloir les meilleurs arguments. C’est particulièrement important s’agissant de matières aussi techniques, aussi complexes, et sur des enjeux aussi lourds que celui du redressement des comptes publics.

Au terme de ces débats, je vous renouvelle mes très sincères remerciements. (Applaudissements.)

Question préalable (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2013
 

8

Modification de l’ordre du jour

M. le président. Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement a retiré de l’ordre du jour de la séance de demain la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises.

En conséquence, l’ordre du jour du jeudi 19 décembre 2013 sera le suivant :

À 9 heures 30 et, éventuellement, à 14 heures 30 :

Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.

9

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 19 décembre 2013 à neuf heures trente et, éventuellement, à quatorze heures trente :

Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (n° 240, 2013-2014) ;

Rapport de M. René Vandierendonck, rapporteur pour le Sénat (n° 239, 2013-2014).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à seize heures quarante.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART