Mme Gisèle Printz. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 1 est retiré.

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi dans le texte de la commission.

(La proposition de loi est adoptée.)

Intitulé de la proposition de loi (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à l'indemnisation des personnes victimes de prise d'otages
 

9

Engagement de la procédure accélérée pour l'examen d'un projet de loi

M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 2 août 2013.

10

Nomination d'un membre d'une commission

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste et apparentés a présenté une candidature pour la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique.

Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame Mme Marie-Françoise Gaouyer membre de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique, en remplacement de M. Alain Le Vern, démissionnaire de son mandat de sénateur.

11

Communication du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le mercredi 9 octobre 2013, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation avait adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 87 de l’ordonnance n° 45-2441 du 19 octobre 1945 et l’article 9 de l’ordonnance n° 45-2441 du 19 octobre 1945 issu de la loi n° 54-395 du 9 avril 1954 (perte de la nationalité) (2013 360 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la Séance.

Acte est donné de cette communication.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

12

 
Dossier législatif : proposition de loi organique relative à la nomination du président de l'Autorité de régulation des jeux en ligne
Discussion générale (suite)

Nomination du président de l'Autorité de régulation des jeux en ligne

Adoption d'une proposition de loi organique dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi organique relative à la nomination du président de l'Autorité de régulation des jeux en ligne
Article unique (début)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande de la commission des finances, de la proposition de loi organique relative à la nomination du président de l’Autorité de régulation des jeux en ligne, présentée par M. François Marc et Mme Michèle André (proposition n° 812 [2012-2013], texte de la commission n° 10, rapport n° 9).

Dans la discussion générale, la parole est à M. François Marc, auteur de la proposition de loi organique et rapporteur.

M. François Marc, auteur de la proposition de loi organique et rapporteur de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des finances propose au Sénat d’adopter sans modification la présente proposition de loi organique, que j’ai rédigée en compagnie de notre collègue Michèle André.

Si un tel dispositif devait entrer en vigueur, la prochaine nomination du président de l'Autorité de régulation des jeux en ligne, l’ARJEL, serait alors effectuée par le Président de la République, selon la procédure prévue par le cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.

Les commissions compétentes du Parlement émettraient ainsi un avis public, le chef de l’État ne pouvant pas procéder à la nomination lorsque l’addition des votes négatifs dans ces deux commissions représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés.

Pourquoi une telle procédure ? Nous le savons tous, en France, l’État considère que les jeux sont son affaire. Cela vient de loin : ce sont deux lois du XIXe siècle qui ont établi les grands principes sur lesquels repose aujourd’hui encore notre droit en la matière.

Pour les loteries, il s'agit d'une loi de la Monarchie de Juillet, la loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries, complétée en 1983 et abrogée seulement l’année dernière, afin d’être codifiée.

Pour les courses hippiques, il s'agit d'une loi de la Troisième République, la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l’autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux. La distinction entre Pari mutuel sur les hippodromes et Pari mutuel urbain, ou PMU, a été établie par une loi du 16 avril 1930.

Les jeux et paris ont été organisés et exploités par deux monopoles, l'un, sur les paris hippiques et, l'autre, sur les loteries, jeux de grattage et paris sportifs. Le groupement d’intérêt économique Pari mutuel urbain a ainsi été constitué en 1983 par les sociétés de courses, et la Française des jeux a succédé à France Loto en 1990, sous la forme d’une société anonyme publique détenue à 72 % par l’État.

C’est dire si la loi du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne a bousculé des principes plus que séculaires s’agissant des jeux d’argent et de hasard en ligne en posant le principe de l’ouverture à la concurrence du secteur.

Pour autant, chacun le sait, les jeux se trouvent au carrefour de préoccupations multiples de grande importance pour l’État, en particulier la lutte contre le blanchiment d’argent, la prévention de l’addiction, la préservation de l’intégrité des compétitions, ainsi que la préservation des recettes publiques et du financement de certaines filières, notamment le sport amateur, à travers le Centre national pour le développement du sport.

J’attire votre attention sur le montant total de ces prélèvements, qui est de l’ordre de 5,6 milliards d’euros en 2012.

Les jeux en ligne ne sont pas épargnés a priori par les risques associés aux jeux, bien au contraire. Le fait de pouvoir jouer chez soi sur des supports dématérialisés peut même accentuer certains de ces risques.

Le législateur de 2010 a donc dû pallier l’absence de contrôle direct des opérateurs par l’État en établissant des règles strictes en matière de conflits d’intérêts, de limitation de la publicité, de conditions d’enregistrement des joueurs, etc.

Un régulateur sectoriel a été créé afin de veiller à la bonne application de ces règles par chacun ; il s'agit de l’Autorité de régulation des jeux en ligne, que j'ai déjà mentionnée.

Le rôle de l’ARJEL est évidemment d’une grande importance. Il lui revient de définir les catégories de compétition et les phases de jeu pouvant faire l’objet de paris sportifs en ligne, d’octroyer les agréments aux opérateurs, puis de contrôler le respect de leurs obligations, voire, le cas échéant, d’enclencher le processus de sanction, d’évaluer les résultats des actions menées par les opérateurs agréés en matière de prévention du jeu excessif ou pathologique, d’effectuer les contrôles nécessaires en matière de lutte contre les conflits d’intérêts, de lutter contre les sites illégaux et, enfin, de proposer aux pouvoirs publics les évolutions législatives et réglementaires qui lui semblent nécessaires.

Au regard de ces éléments, la commission des finances a estimé utile que le Parlement, via ses commissions compétentes, soit associé à la nomination du président de cette Autorité, conformément aux dispositions du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.

Pour mémoire, un grand nombre de présidents d’autorité de régulation relèvent déjà de ce régime. Je pourrais évoquer, entre autres, les présidents de l'Autorité de la concurrence, de l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires, de l'Autorité des marchés financiers ou de l'Autorité des normes comptable.

Ce texte, si le Sénat l’adopte, ce que je souhaite, suivra un parcours parallèle avec le projet de loi relatif à la consommation, que nous avons examiné ici voilà quelques jours et dans lequel notre assemblée a déjà introduit une disposition attribuant la compétence pour une telle nomination aux commissions des finances, sur l’initiative de notre collègue Michèle André, rapporteur pour avis sur ce texte.

Tel est l'objet de la présente proposition de loi organique, que j'invite le Sénat à adopter. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le modèle français de régulation des jeux d’argent s’est construit depuis près de deux siècles sur un encadrement strict par l’État, justifié par les risques que de telles pratiques font peser sur l’organisation sociale.

Il incombe à la puissance publique de prévenir les effets négatifs des jeux d’argent : addiction, blanchiment, manipulation des courses ou des compétitions sportives. Pour ce faire, l’État agit selon deux axes complémentaires : la régulation des jeux autorisés et la lutte contre les jeux illégaux.

La loi du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne visait à prendre en compte l’émergence d’une offre importante de jeux d’argent sur Internet, en mettant en œuvre un encadrement spécifique pour ce média moderne. Face à une offre illégale, qui s’était considérablement développée, un cadre législatif et réglementaire de régulation des jeux en ligne a ainsi été établi, afin de faire entrer dans le champ de la régulation et de la légalité une offre qui préexistait et qui exposait la société et les consommateurs français à des risques d’ordre public et d’ordre social importants.

Plus de trois ans après l’adoption de cette loi, un premier bilan se dessine.

Ce texte a eu le mérite d’inscrire explicitement dans notre droit positif les objectifs de la politique des jeux : lutter contre le jeu des mineurs, prévenir le jeu excessif, réduire les risques de blanchiment et préserver l’intégrité des compétitions sportives.

L’offre illégale s’est considérablement réduite : elle représente désormais moins de 10 % de l’offre en concurrence, comme l’a mis en lumière l’Observatoire des jeux, organe institué par la loi de 2010 et entièrement dédié à l’étude de ce secteur, dans son enquête récente sur les jeux d’argent et de hasard sur Internet en France.

De même, si le jeu sur Internet comporte des risques potentiellement plus importants que le jeu en réseau physique, compte tenu notamment de sa disponibilité immédiate et permanente, les modérateurs imposés aux joueurs en ligne ont cependant permis de favoriser une pratique de jeu responsable. La proportion de joueurs excessifs sur Internet a ainsi reculé entre 2010 et 2012, passant de 8,3 % à 6,6 % du total des joueurs en ligne.

M. Jean Desessard. C'est encore pas mal !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ces résultats ont notamment pu être obtenus grâce à l’action de l’Autorité de régulation des jeux en ligne, autorité administrative indépendante instaurée par l’État au moment de l’ouverture du marché concurrentiel.

Cette autorité exerce des missions essentielles de contrôle des opérateurs de jeux en ligne agréés, mais également de lutte contre les sites illégaux, sites qui exposent sans contrôle les consommateurs à des manipulations de toute nature.

Dès sa création, l’ARJEL a eu pour mission de construire une régulation efficace, dans un secteur d’activité nouveau. La prévention du jeu des mineurs et de l’addiction, la lutte contre le blanchiment et le maintien de l’intégrité des compétitions sportives sont autant de missions d’intérêt général auxquelles l’ARJEL participe pleinement dans son champ de compétence.

L’expérience des quelques années qui nous séparent de l’ouverture du marché démontre néanmoins que le dispositif de régulation et de contrôle méritait d’être ajusté et renforcé sur plusieurs aspects. C’est la raison pour laquelle un volet portant sur les jeux, accordant à l’ARJEL des moyens juridiques supplémentaires, est intégré au projet de loi relatif à la consommation, dont nous avons pu débattre ensemble voilà quelques semaines lors de la première lecture du texte.

Ainsi, pour mieux lutter contre les jeux illégaux, la notion de loterie sera précisée, et la capacité contentieuse de l’ARJEL confirmée. L’Autorité sera confortée dans son action de lutte contre le jeu illégal, notamment pour les jeux dits « d’adresse » ou faussement gratuits, qui peuvent être détournés de leur vocation ludique et récréative et constituer dès lors une porte d’entrée vers les jeux d’argent.

La saisine de la commission des sanctions de l’Autorité sera simplifiée, afin de renforcer le caractère dissuasif de ses procédures.

La protection des consommateurs est également confortée : les opérateurs en ligne seront désormais tenus de s’abstenir d’envoyer toute publicité par courriel aux joueurs interdits de jeu ou faisant l’objet d’une mesure d’auto-exclusion. Enfin, la protection des sommes déposées par les joueurs sera désormais assurée sur tous les sites agréés.

On le constate au travers de ces mesures nouvelles : l’ARJEL joue déjà, et jouera plus encore à l’avenir un rôle essentiel dans la protection des joueurs, dans le contrôle des activités en ligne et dans la construction d’une offre de jeu équilibrée et sécurisée.

Elle contribue par ailleurs à la réflexion sur l’évolution économique et le développement d’un secteur.

En somme, le rôle de l’ARJEL est au cœur de la régulation économique et juridique du secteur des jeux d’argent ouverts à la concurrence, et de la prévention du jeu illégal, autant d’activités essentielles au regard des risques potentiels d’atteinte à l’ordre public et à l’ordre social.

La loi du 12 mai 2010 a prévu que la nomination du président de l’ARJEL intervienne par décret. À ce jour, le Parlement n’est donc pas consulté pour les fonctions relevant de la garantie des droits et libertés, comme l’article 13 de la Constitution le prévoit pourtant.

C’est pour combler une telle lacune que vous proposez de renforcer les prérogatives du Parlement en la matière, en permettant aux assemblées, et spécifiquement à leurs commissions des finances, de se prononcer publiquement avant la nomination du président de l’Autorité. Cette proposition de loi organique constitue le pendant d’une disposition législative d’ores et déjà intégrée par votre assemblée, avec l’avis favorable du Gouvernement, au projet de loi relatif à la consommation.

Au regard des missions et de l’action de l’ARJEL, une telle initiative me semble tout à fait pertinente. Elle est d’autant plus justifiée que la nomination du PDG de la Française des jeux ou celle du président de plusieurs hautes autorités indépendantes, comme l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ou le Conseil supérieur de l’audiovisuel, relèvent d’ores et déjà de cette procédure.

Cet avis du Parlement, qui renforcera la transparence du processus de nomination, reflète l’importance de cette fonction et des enjeux liés à la régulation du secteur des jeux en ligne.

Le Gouvernement souscrit donc pleinement à la proposition de loi organique qui vous est présentée. (Applaudissements.)

M. François Trucy. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet.

M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aux termes du cinquième alinéa de l’article 13 de notre Constitution, d’ailleurs issu de la révision constitutionnelle de 2008, une loi organique « détermine les emplois ou fonctions […] pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s’exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée ».

À l’instar des auteurs de la présente proposition de loi organique, nous estimons que l’Autorité de régulation des jeux en ligne mérite tout à fait d’entrer dans la liste des emplois et fonctions mentionnés par la loi organique du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, qui détermine cette procédure de nomination.

Avec l’ARJEL, l’intérêt économique et social de la Nation est clairement en jeu. Faut-il rappeler les missions extrêmement larges et importantes de cette autorité ? L’Autorité est chargée, à propos des paris hippiques, sportifs et des jeux de type poker en ligne, de délivrer des agréments et de s’assurer du respect des obligations par les opérateurs, de protéger les populations vulnérables – il en est ! – et de lutter contre l’addiction, de s’assurer de la sécurité et de la sincérité des opérations et, enfin, de lutter contre les sites illégaux, la fraude et le blanchiment d’argent.

Au vu des enjeux majeurs que représente la régulation des jeux en ligne, il est donc tout à fait légitime que nos commissions des finances puissent se prononcer sur la nomination du président de l’ARJEL. Notre collègue Michèle André a d’ailleurs fait adopter un amendement au projet de loi relatif à la consommation visant à préciser que les commissions des finances sont les commissions compétentes, au sens de l’article 13, pour connaître de telles nominations.

Nous sommes d’autant plus favorables à l’extension de la liste des personnes nommées selon la procédure associant le Parlement que nous avons, nous, les radicaux, toujours défendu une telle position. Elle constitue à nos yeux une avancée incontestable par rapport à l’opacité qui régnait auparavant sur ces mêmes nominations.

Toutefois, comme nous l’avions déjà souligné lors de la révision constitutionnelle – nous l’avons votée –, et plus encore au cours de la discussion du projet de loi organique qui avait suivi, si le nouveau mode de nomination est une avancée réelle par rapport aux pratiques antérieures, nous regrettons que le constituant ne soit pas allé au bout de la logique qu’il a lui-même engagée.

En effet, la procédure serait beaucoup plus légitime et démocratique sans la règle qui lui est associée prévoyant que seul un vote négatif des trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des commissions compétentes peut remettre en cause une nomination. Dans la pratique, il est évidemment très difficile, voire impossible d’atteindre un tel seuil ; d’ailleurs, cela ne s’est d’ailleurs jamais produit depuis l’entrée en vigueur du dispositif.

Donner aux commissions compétentes un véritable droit d’approbation de la personne pressentie serait donc beaucoup plus démocratique. Cela renforcerait la légitimité de la personne ainsi nommée dans ses nouvelles fonctions et à l’égard de nos concitoyens, levant la suspicion qui entache immanquablement ce type de nominations dans notre belle et bonne République.

D’ailleurs, si, dans un souci d’harmonisation des différentes procédures, nous plaidions lors de la discussion du projet de loi organique pour que les mêmes règles s’appliquent aux personnes désignées par le Président de la République et par les présidents des deux assemblées, nous nous réjouissons aujourd’hui qu’il n’en aille pas ainsi. Car c’est ce qui a permis au Gouvernement, dans le cadre du projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public, examiné par notre Haute Assemblée la semaine dernière, de proposer une innovation majeure en termes de nomination. Je le rappelle, le projet de loi prévoit que la nomination des membres du Conseil supérieur de l’audiovisuel désignés par le président du Sénat et par celui de l’Assemblée nationale sera soumise à un vote positif à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des commissions des affaires culturelles. Si cette majorité n’est pas atteinte, la nomination ne pourra pas avoir lieu.

Un tel mode de nomination renforcera incontestablement la légitimité et l’indépendance des personnes ainsi désignées. C’est donc une proposition démocratique, constructive, et nous la soutenons depuis des années. Je formule ici le souhait de tous les radicaux et, plus largement du groupe RDSE, qu’une réforme constitutionnelle soit envisagée sur la base de cette avancée, malheureusement limitée pour l’instant à une seule institution.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans l’attente d’une telle révision constitutionnelle, nous voterons pour cette proposition de loi organique, présentée par nos excellents collègues du groupe socialiste, car elle va dans le bon sens ! (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les jeux d’argent et de hasard en ligne posent de nombreuses questions en termes de santé et d’ordre public. Ils s’accompagnent d’ailleurs bien souvent d’un risque important de dépendance aux jeux et aux écrans, comme l’a souligné mon collègue André Gattolin sur un sujet voisin dans son rapport d’information intitulé Jeux vidéo : une industrie culturelle innovante pour nos territoires.

La loi du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, en mettant fin au quasi-monopole de la Française des jeux et du PMU, a ouvert à la concurrence les jeux d’argent et de hasard en ligne. Du fait des risques inhérents à la libéralisation du secteur, il était essentiel d’encadrer et de réguler ces activités. C’est la raison pour laquelle l’Autorité de régulation des jeux en ligne a été mise en place ; les écologistes s’en réjouissent. (Exclamations amusées sur plusieurs travées de l'UMP.)

L’ouverture à la concurrence des jeux d’argent et de hasard en ligne n’est pas sans présenter des risques, de différentes natures. D’une part, on observe des risques particuliers liés à la dématérialisation et à l’utilisation d’Internet qui participent au pouvoir addictif des jeux en ligne et peuvent conduire à la rupture du lien social.

M. Jean-Michel Baylet. Supprimez Internet, monsieur Desessard !

M. Jean Desessard. D’autre part, on peut noter les risques de blanchiment d’argent sale ou encore de corruption sportive.

Le président de l’Autorité a ainsi pour rôle de veiller à faire en sorte que l’institution mène à bien ses responsabilités, comme l’octroi d’agrément aux opérateurs qui le sollicitent, le contrôle du respect de leurs obligations par ces opérateurs agréés, l’évaluation des résultats des opérations de prévention du jeu excessif ou pathologique par ces opérateurs ou encore la lutte contre les sites illégaux et les conflits d’intérêts.

Néanmoins, la gouvernance de l’institution ne peut pas être reléguée au second plan. En 2010, à l’époque de la création de l’ARJEL, François Marc, notre actuel rapporteur général de la commission des finances, proposait déjà à cette même tribune le renforcement et l’extension des missions de l’Autorité, malgré les réticences de la majorité sénatoriale d’alors.

C’est pourquoi la proposition de loi organique que nous examinons aujourd’hui est d’une grande importance. Rappelons qu’elle a pour unique objet de soumettre la nomination du président de l’ARJEL à l’avis public des commissions des finances des deux chambres. Je remercie M. Marc et Mme André d’avoir pris cette excellente initiative.

À l’heure actuelle, soit trois ans après la création de l’ARJEL et l’ouverture à la concurrence du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, les études commandées par l’Autorité rapportent que, parmi les 1,7 million de joueurs actifs, 6,6 % – c’est tout de même assez important – ont des comportements excessifs, et 10,4 % sont considérés comme « à risque modéré ». Ces chiffres nous interpellent d’autant plus que les paris sportifs sont en pleine croissance. On observe ainsi une augmentation de 19 % en 2012. Le nombre de joueurs à risque menace donc d’augmenter.

La mission de régulateur de l’ARJEL est essentielle aux yeux du Parlement, d’où cette volonté de participer à la nomination du président de l’Autorité. La légitimité de l’institution ne saurait être entachée par le manque de transparence de sa gouvernance.

Comme l’ont souligné M. Baylet et M. le ministre, le cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution consacre l’intervention du Parlement, et cette prérogative est affirmée pour la nomination de la présidence de nombreuses autorités administratives indépendantes, comme l’Autorité de la concurrence, la Haute Autorité de santé ou encore le Conseil supérieur de l’audiovisuel.

Il est parfaitement légitime que le Parlement exerce ainsi son contrôle démocratique, l’une de ses fonctions premières. Il convient donc de pallier les anomalies qui demeurent. Au vu des enjeux démocratiques et éthiques, le groupe écologiste votera naturellement pour cette proposition de loi organique. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. François Trucy.

M. François Trucy. Monsieur le rapporteur général du budget et auteur, avec Mme André, de cette proposition de loi organique, je vous le dis d’entrée de jeu, je trouve votre initiative et ce texte particulièrement opportuns.

Pour être examinée au Sénat, votre proposition de loi organique survient quelques semaines à peine après que l’idée de soumettre la nomination du président de l’Autorité de régulation des jeux en ligne à la même procédure que celle qui intéresse les présidents de nombre d’institutions importantes a été discutée, votée et inscrite dans le tout récent projet de loi sur la consommation. Il est rare de vivre dans notre assemblée des enchaînements aussi rapides et, surtout, aussi intéressants. Profitons-en !

Je me saisis de l’occasion qui m’est offerte pour évoquer l’ensemble des problèmes liés aux jeux.

L’ARJEL a été créée par la loi du 2 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne. Quelle était la situation des jeux d’argent et de hasard avant que le gouvernement de l’époque ne nous propose un tel texte ? J’espère que ce que je vais dire dans la suite de mon intervention ne vous semblera pas hors de propos et que vous partagerez mon point de vue : pour expliquer l’existence de quelque chose, il faut tout savoir de ce qui a procédé à sa création.

En 2010, et depuis longtemps, le marché historique des jeux en France était cantonné par les pouvoirs publics entre deux secteurs.

Le premier, monopolistique, réservé et très protégé par un État jaloux de ses recettes, intéressait la Française des jeux et le PMU ; M. François Marc en a rapporté les grandes données.

La Française des jeux, ce sont des loteries de tirage et des jeux de grattages, mais également des paris sportifs en ligne, car elle anticipait en étant présente sur Internet, couverte en cela par l’État à l’époque. Cela ne manquait pas de scandaliser la Commission européenne, qui combattait la France sur ce point.

Quant au Pari mutuel urbain, fondation tout aussi ancienne et respectable, tout aussi monopolistique, et qui régnait en maître sur les courses hippiques et ses paris, il était totalement inféodé à un État qui le soutenait massivement, y compris dans les mauvais passages financiers. Le PMU, tout comme la Française des jeux, avait anticipé en étant présent sur Internet.

À côté de ces deux institutions s’était également développé au fil du temps un secteur industriel libre, celui des casinos et des cercles de jeux. Toutefois, une législation et une réglementation draconiennes avaient posé sur ces établissements et leurs propriétaires des verrous puissants et des contrôles majeurs, justifiés par les graves et nombreux incidents qui avaient émaillé la vie du secteur par le passé.

Si l’État a vraiment réussi son contrôle et sa gestion des casinos dits « en dur », il a également longtemps tenté de réguler également le secteur des cercles de jeux, dont la quasi-totalité est à Paris, en utilisant les mêmes moyens.

Cependant, force est de constater en 2013 que les résultats de la « régulation » des cercles sont catastrophiques et que les incidents majeurs de ces dernières années ont abouti à la fermeture autoritaire de plusieurs cercles et à des dizaines de mises en examen pour des faits criminels.

Il est donc urgent que le ministère de l’intérieur accouche de la réforme de ces cercles, une réforme qu’il a annoncée depuis plus d’un an mais qui semble avancer à l’allure d’un escargot paraplégique.