M. Alain Gournac. Cela ne se voit pas !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je demande que les miennes soient respectées aussi, c’est tout ! Je le fais avec la personnalité qui est la mienne, avec mon ton, mais n’en déduisez pas plus qu’il n’en faut.

M. Bruno Sido. Dont acte !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je ne pensais pas que nous devions traiter de la protection de l’enfance, en général ! Si tel était le cas, il nous faudrait effectivement parler des travailleurs sociaux et nous interroger sur l’application de la loi de 2007 de Philippe Bas, adoptée à l’unanimité, et sur les améliorations que nous pourrions y apporter.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis tout à fait disposée, si vous le souhaitez, à aborder l’ensemble de ces sujets, mais je n’ai pas le sentiment que cette proposition de loi porte directement sur la protection de l’enfance et le rôle des travailleurs sociaux.

À la fin de mon intervention, je vous proposais d'ailleurs de vous associer à la réforme de la protection de l’enfance que nous entendons engager. Toutes vos propositions et suggestions seront les bienvenues.

Enfin, si j’ai cité des associations très diverses, ma référence est celle du discours que le Premier ministre a tenu à l’occasion de la clôture des travaux de la Conférence nationale de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, ni plus ni moins ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – Mme Michelle Meunier applaudit également.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 119 :

Nombre de votants 347
Nombre de suffrages exprimés 346
Majorité absolue des suffrages exprimés 174
Pour l’adoption 330
Contre 16

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi relative au versement des allocations familiales et de l'allocation de rentrée scolaire au service d'aide à l'enfance lorsque l'enfant a été confié à ce service par décision du juge
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 2

Après le deuxième alinéa de l’article L. 543-1 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’un enfant est confié au service d’aide sociale à l’enfance, l’allocation de rentrée scolaire due à la famille pour cet enfant est versée à ce service. »

M. le président. Je mets aux voix l'article 2.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 120 :

Nombre de votants 347
Nombre de suffrages exprimés 346
Majorité absolue des suffrages exprimés 174
Pour l’adoption 330
Contre 16

Le Sénat a adopté.

Mme Catherine Troendle. Très bien !

Vote sur l'ensemble

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi relative au versement des allocations familiales et de l'allocation de rentrée scolaire au service d'aide à l'enfance lorsque l'enfant a été confié à ce service par décision du juge
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Mes chers collègues, je ne suis pas très compétente en matière sociale. (Dénégations amusées sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.) En revanche, je suis très attentive aux dépenses de mon département, lequel est très bien géré par notre ancien collègue Alain Lambert, qui me communique un certain nombre d’éléments.

Ainsi, dans l’Orne, les mesures prises en matière d’aide sociale à l’enfance sont particulièrement importantes ; elles sont caractérisées par un taux sensiblement supérieur à la moyenne nationale, soit 2,7 %, contre 1,8 % dans le reste de la France métropolitaine. Le nombre de placements y a extrêmement augmenté cette année : 725 jeunes font l’objet d’un placement, alors qu’ils étaient 646 l’an dernier, et la situation ne cesse de se dégrader. Le coût supplémentaire s’élève, pour mon département, à plus d’un million d’euros.

Or chacun connaît la situation de nos départements, en particulier de ceux qui sont situés en milieu rural, et vous aurez tous en mémoire, mes chers collègues, l’intervention de Gérard Roche et sa proposition de loi adoptée à l’unanimité par notre assemblée.

Pour ma part, je pense qu’il est absolument indispensable que le Sénat défende les départements. C’est d’ailleurs le seul intérêt du cumul des mandats de président de conseil général – les collègues occupant de telles fonctions ne sont d’ailleurs pas très nombreux aujourd’hui – et de sénateur.

Quoi qu’il en soit, mon groupe votera la présente proposition de loi, dont je ne peux pas qualifier de « moindre » son impact financier. Eu égard au nombre de départements et de personnes concernés, c’est un texte important. En l’adoptant, nous enverrons un signal positif à nos concitoyens, en montrant que le Sénat veille à limiter la dégradation des finances publiques de nos départements. (M. François Zocchetto applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon.

M. Ronan Kerdraon. Après avoir participé aux réunions de la commission des affaires sociales, j’ai écouté avec beaucoup d’attention les débats que nous avons eus cet après-midi. La question dont nous traitons transcende les tendances politiques de notre assemblée, et j’en suis très heureux.

Mme Isabelle Debré. Ce n’est pas la première fois !

M. Ronan Kerdraon. Je le reconnais, ma chère collègue, mais permettez-moi tout de même de m’en féliciter ! Il est toujours bon de s’en réjouir, sans tomber pour autant dans l’autosatisfaction !

M. Jean-Pierre Raffarin. C’est vrai, surtout en ce moment !

M. Ronan Kerdraon. De quoi s’agit-il ? Je ne suis ni président de conseil général ni conseiller général.

M. Bruno Sido. Cela viendra ! (Sourires.)

M. Ronan Kerdraon. Non, mon cher collègue, rassurez-vous !

La présente proposition de loi, présentée à la fois par M. Béchu et Mme Deroche, a pour origine celle qu’avait déposée Yves Daudigny au mois d’octobre dernier. C’est pourquoi je disais que cette question nous transcende en quelque sorte. Je me félicite donc que l’idée émise par Yves Daudigny soit reprise, au-delà des clivages politiques, par nos collègues de l’UMP.

Je souscris aux propos tenus par Alain Richard. C’est en effet l’intérêt général qui est au cœur même de la présente proposition de loi, et non le simple intérêt immédiat des médias, si je puis dire. Et cela reflète toute la noblesse du rôle des législateurs que nous sommes. En votant ce texte, nous ferons honneur au mandat que nous ont confié nos électeurs.

Pour reprendre les propos d’Yves Daudigny, je ne me sens pas du tout culpabilisé par ce vote. Au contraire ! Je suis d’ailleurs fier que mon collègue ait employé tout à l'heure à la tribune le verbe « oser ». Effectivement, nous pouvons oser adopter les dispositions qui nous sont soumises tout simplement parce qu’elles relèvent du bon sens, dont nous avons parfois besoin. Ainsi, nous mettrons en cohérence nos idées et nos actes et placerons l’équité au cœur des politiques que nous menons.

M. Alain Gournac. Absolument !

M. Ronan Kerdraon. Je suis fier de voter ce texte, tout comme la majorité des membres du groupe socialiste. (Très bien ! et applaudissements sur la plupart des travées du groupe socialiste, ainsi que sur les travées du RDSE, de l’UDI-UC et de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. André Reichardt.

M. André Reichardt. Je voterai avec enthousiasme la présente proposition de loi, et cela pour trois raisons.

La première raison va de soi : j’ai cosigné ce texte, qui est de bon sens.

La deuxième tient au caractère très équilibré de cette proposition de loi à l’issue des travaux au sein de la commission et en séance publique cet après-midi. L’amendement n° 2 rectifié, que nous avons voté à une très large majorité tout à l’heure, contribue à cet équilibre.

La troisième raison, c’est l’incompréhension, pour ne pas dire plus, que m’inspire la position du Gouvernement. Madame la ministre, vous avez déclaré que vous vouliez éviter de plonger encore davantage dans la précarité des familles déjà fragiles. À mon sens, cette position accrédite l’idée que les allocations familiales et l’allocation de rentrée scolaire, l’ARS, ne sont versées que pour des raisons économiques, sans lien avec les charges associées à l’éducation des enfants. Je ne puis accepter cette idée, et ce vote me permet de réaffirmer ma position. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Vergoz.

M. Michel Vergoz. Je souhaite revenir sur trois points : l’enjeu financier, l’importance des placements judiciaires et l’accusation de « stigmatisation des familles », qui m’a quelque peu heurté. Il me serait difficile de quitter cet hémicycle sans en dire deux mots, car je n’ai pas le sentiment – loin s’en faut – de stigmatiser les familles.

Je félicite et je remercie les sénateurs de l’UMP de nous avoir suivis, en reprenant la proposition de loi déposée en octobre 2012 par Yves Daudigny. Chers collègues, cela prouve que l’on peut encore vous faire un peu confiance ! (Sourires.)

Je commencerai par l’enjeu financier. J’ai rarement entendu cet argument lors des auditions. Et quand il a été développé, je me suis fait préciser par des spécialistes – des présidents de conseil général – que les allocations familiales et l’ARS ne représentaient que peanuts. Par conséquent, cet argument, auquel j’étais très sensible, n’a pas emporté mon adhésion. S’il ne s’agissait que d’une question financière, les réflexions auraient été différentes.

En ce qui concerne l’appréciation du nombre des placements judiciaires par rapport à celui des placements administratifs, il faudra que l’on nous indique les chiffres à l’échelon national.

La présente proposition de loi ne concerne que les placements judiciaires. Nous aurions pu nous assurer que le nombre des placements judiciaires est nettement inférieur à celui des placements administratifs. Nous aurions pu ainsi – je reprends l’argument de l’un de nos collègues communistes – louer l’excellent travail réalisé par les travailleurs sociaux.

En effet, ce travail permet souvent de ne pas atteindre la dernière étape, c'est-à-dire le recours judiciaire. Je pense que cet éclairage est nécessaire. Je rappelle que le placement judiciaire représente la contrainte extrême, à laquelle on ne recourt que lorsque les services des conseils généraux perçoivent un danger absolu et imminent, et si le dialogue et la concertation ont échoué. Je le souligne afin que nous votions sereinement cette proposition de loi.

S'agissant enfin de l’accusation de « stigmatisation des familles », je préfère, sans entrer dans la polémique, que nous nous interrogions sur la place primordiale que nous devons garantir à l’enfant. C’est ce dernier qui doit être au centre de notre questionnement. Notre devoir est de sécuriser les allocations familiales au profit de l’enfant, et le versement de l’ARS aux services sociaux auxquels est confié l’enfant est donc une décision juste. Les allocations familiales constituent un moyen de faciliter l’éducation de l’enfant. Lorsqu’elles ne sont plus utilisées à cette fin, c’est l’enfant qui est pénalisé. On ne peut accepter une telle situation.

Je voterai cette proposition de loi, parce qu’il s’agit d’un texte de bon sens, d’un texte cohérent avec les engagements que nous avons pris il y a encore quelques semaines en tant que socialistes, d’un texte juste, équitable et responsable. (Applaudissements sur la plupart des travées du groupe socialiste, ainsi que sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier.

Mme Michelle Meunier. Je me contenterai de quelques mots pour expliquer mon vote négatif.

Les raisons de mon choix tiennent tant à la forme qu’au fond. Je maintiens que les propos tenus ici ou là ne constituent pas un bon signal pour les familles en difficulté et pour les professionnels de l’enfance, ni même pour les familles françaises dans leur ensemble. J’espère que nous aurons l’occasion de discuter plus globalement des prestations familiales en faveur de l’ensemble des familles et que des propos de justice et d’équité seront tenus aussi à l’égard des familles plus aisées.

S'agissant des finances des conseils généraux, l’enjeu n’est certes pas anecdotique, mais on ne peut pas porter de jugement systématique, dans la mesure où la situation n’est pas la même dans tous les départements.

Enfin, j’apporte mon soutien à la politique familiale cohérente du Gouvernement. Quand on crée des missions d’évaluation des prestations familiales, il faut attendre leurs résultats si l’on veut être en mesure de prendre des mesures pertinentes.

Pour toutes ces raisons, je voterai contre cette proposition de loi.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin.

M. Jean-Pierre Raffarin. Il y a des jours où l’on est fier du Sénat ! Il est réconfortant de voir que, indépendamment de leurs engagements, les politiques qui sont au plus près de l’action sociale et des travailleurs sociaux sur le terrain partagent le même sentiment et la même approche. C’est un bon signal pour la vie publique. On parle souvent des mauvais côtés de la vie politique, mais aujourd'hui, et ce n’est pas si courant, nous pouvons être fiers de ce que nous faisons tous ensemble. J’en remercie donc les uns et les autres.

J’ajoute que Michel Vergoz a complètement raison. Oui, cher collègue, pour la première fois je dis que vous avez raison, et c’est parce que c’est le cas ! (Rires.) Il est vrai que la proposition de loi de Christophe Béchu et Catherine Deroche reprend la proposition de loi déposée par Yves Daudigny en octobre 2012. Et savez-vous pourquoi nous avons repris cette proposition de loi ?

Mme Isabelle Debré. Parce que c’était une bonne proposition de loi !

M. Jean-Pierre Raffarin. Parce qu’elle-même reprenait la proposition de loi déposée par Christophe Béchu et Catherine Deroche en juillet 2012 ! (Rires.)

C'est la raison pour laquelle nous pouvons être fiers de voter aujourd'hui la proposition Béchu-Deroche amendée par Yves Daudigny ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 121 :

Nombre de votants 347
Nombre de suffrages exprimés 346
Majorité absolue des suffrages exprimés 174
Pour l’adoption 330
Contre 16

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UDI-UC et du RDSE, ainsi que sur la plupart des travées du groupe socialiste.)

Mes chers collègues, l’ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à vingt et une heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative au versement des allocations familiales et de l'allocation de rentrée scolaire au service d'aide à l'enfance lorsque l'enfant a été confié à ce service par décision du juge
 

5

Débat sur le droit de semer et la propriété intellectuelle

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur le droit de semer et la propriété intellectuelle, organisé à la demande du groupe CRC.

La parole est à M. Gérard Le Cam, pour le groupe CRC.

M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les sénateurs du groupe communiste, républicain et citoyen ont souhaité que soit mené dans notre assemblée un débat sur le droit de semer et la propriété intellectuelle.

Le droit de semer, c’est non seulement le droit de ressemer sa récolte, mais également celui de pouvoir choisir librement des semences, de procéder à des échanges et de faire de la sélection et de la recherche librement.

Il s’agit aussi de savoir comment il est possible, notamment dans le domaine agricole et, donc, dans celui du vivant, de concilier les droits de propriété au regard de la recherche et les droits que l’ensemble des hommes détiennent sur ce patrimoine naturel commun.

La propriété intellectuelle dans le secteur agricole voit s’opposer deux systèmes : le certificat d’obtention végétale, le COV, et le brevet.

Pourquoi souhaitions-nous organiser ce débat aujourd’hui ?

Tout d’abord, la réglementation européenne, tant dans le domaine agricole qu’en matière de propriété intellectuelle, est en train d’évoluer avec la mise en place d’un brevet européen unitaire et les réformes de la politique agricole commune et du certificat d’obtention végétale.

Le projet de la Commission européenne, dit « better regulation », qui est censé simplifier, comme on a coutume de le dire, les réglementations, pourrait également avoir un impact sur ce secteur.

Au-delà du cadre européen, d’autres accords tentent d’imposer une vision ultralibérale de l’agriculture en faisant de la recherche dans ce domaine une véritable bulle spéculative.

Comme vous le savez, une société qui possède cent brevets a plus de valeur sur le marché financier qu’une société qui n’en a que dix, et cela indépendamment de la réalité et de l’importance de la découverte.

Parallèlement, on assiste à une montée en puissance de la protection juridique de ces opérations commerciales. Je pense ici au projet ACTA, ou accord de commerce anti-contrefaçon, sur la contrefaçon et les droits d’auteur, heureusement rejeté par le Parlement européen, ou aux accords de libre-échange, notamment l’accord commercial entre le Canada et l’Union européenne.

Face à cette offensive des puissances financières et juridiques, telles que Monsanto, Pioneer Hi-Bred ou Syngenta, c’est l’ensemble de notre filière semencière qui risque d’être accaparée.

Si l’Europe veut préserver sa souveraineté alimentaire, si elle veut maîtriser son progrès génétique, alors elle doit être ferme et résolue pour défendre les droits des agriculteurs, des obtenteurs et le certificat d’obtention végétale, outil de base ancré dans nos territoires.

Dans ce contexte, il importe de ne pas se tromper d’adversaire. Le législateur français, en 2011, a ouvert un conflit entre les obtenteurs et les paysans qui font des semences de ferme ou des semences paysannes, au prétexte de protéger le COV. Or la véritable menace pour la filière semencière vient non pas de nos campagnes, mais bien des marchés et des dérives du brevetage.

La loi de 2011 a fait des semences de ferme, au nom de la recherche, une pratique interdite ou soumise à paiement, et des agriculteurs de potentiels contrefacteurs. Pourtant, des années cinquante jusqu’à l’an 2000, le progrès génétique, sur la seule base du rendement des variétés, est constant. Les semences de ferme ne sont donc pas un obstacle à la recherche. Le secteur semencier a d’ailleurs beaucoup investi dans cette dernière, l’INRA, l’Institut national de la recherche agronomique, participant lui aussi largement à ce progrès, aux côtés des semenciers.

Le système du COV et le principe de l’exception du sélectionneur ont suscité, contrairement au brevet, un véritable dynamisme dans la recherche, qu’elle soit publique ou privée.

Mes chers collègues, vous connaissez sans doute la phrase attribuée à Newton, qui pose cette absolue nécessité de défendre les droits des inventeurs et que nous ne saurions contester : « J’ai vu plus loin que les autres parce que je me suis juché sur les épaules de géants ». Le savoir se nourrit des connaissances passées et partagées ; une nouvelle technologie est liée aux innovations qui l’ont précédée.

Cependant, au nom du progrès technologique et de la recherche, les limites entre l’invention et la découverte ont peu à peu été effacées. Comment pouvons-nous accepter, par exemple, qu’un gène natif puisse faire l’objet d’un brevet ? Il ne s’agit pourtant que de la preuve expérimentale d’une réalité existante !

En outre, de plus en plus de brevets sont déposés, y compris par des organismes publics, sans que la découverte avancée soit vérifiée dans ses effets. C’est le cas avec le dépôt de brevets sur des fonctions de gènes qui sont souvent présumées, et non pas réellement prouvées. Or de tels brevets peuvent contraindre les organismes de recherche à abandonner leurs travaux en raison des droits de propriété très élevés revendiqués par de grandes firmes semencières.

Nous assistons à une privatisation du patrimoine génétique mondial et à l’appropriation illégitime, par des intérêts mercantiles, de l’héritage que nous ont légué depuis des milliers d’années les paysans, les agriculteurs et la nature elle-même.

Cette tendance a des conséquences très graves, en particulier dans le domaine agricole. Par exemple, il faut savoir que les droits versés au titre des brevets par Limagrain à Monsanto sont équivalents aux bénéfices réalisés par cette société en vendant ses semences sur le marché américain. Elle y travaille donc uniquement pour occuper le terrain.

Face à cette appropriation capitalistique des végétaux au détriment des besoins alimentaires en termes de quantité et de qualité des variétés, ainsi que de diversité génétique, la France a su mettre sur pied le système des COV.

À la différence de ce qui se passe avec le brevet, qui donne à l’inventeur des droits sur tous les produits développés à partir de son invention, mêmes s’ils sont différents, avec le certificat d’obtention végétale un autre obtenteur peut utiliser la variété protégée pour mettre au point une nouvelle variété, sans pour autant payer le détenteur du certificat d’obtention végétale. Cet élément de différence fondamental est appelé « l’exception du sélectionneur ». En bref, avec le COV, la recherche reste accessible à tous.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, entre les deux systèmes, brevet ou COV, notre préférence va sans aucune réserve au second !

Cependant, il est important de souligner, tout d'abord, que le COV n’interdit pas le brevet et ne saurait protéger les obtenteurs ni les agriculteurs contre ses effets dévastateurs. Aux États-Unis, les agriculteurs achètent des semences brevetées pour ne pas se faire attaquer pour contrefaçon, en cas de contamination de leur récolte !

Par ailleurs, le COV présente des défauts majeurs qui, loin d’avoir été corrigés par la loi du 8 décembre 2011 relative aux certificats d’obtention végétale, portent une atteinte disproportionnée aux droits des agriculteurs et, en particulier, à la pratique des semences fermières.

Revenons un instant sur quelques étapes de l’histoire du COV, afin de mieux cerner les termes du débat et les exigences que nous défendons.

Depuis 1961, l’ensemble des conventions de l’Union pour la protection des obtentions végétales, l’UPOV, donnent une définition de l’obtention et excluent les variétés paysannes population de la protection du COV.

Cependant, les deux premières conventions de 1961 et de 1978 n’interdisent pas de développer une variété « découverte » dans le champ d’un paysan pour décrire ensuite ses caractères morphologiques et déposer un COV. À son début, le COV valide donc une appropriation gratuite des semences paysannes qui s’accompagne, comme en contrepartie, d’une tolérance des semences de ferme, c’est-à-dire du droit, pour l’agriculteur, de ressemer une partie de sa récolte.

En France, cet état du droit est remis en cause dès 1970, époque à laquelle les semences de ferme sont interdites. Cependant, la difficulté d’apporter la preuve de la contrefaçon consécutive à la pratique des semences de ferme a pour conséquence que cette pratique perdure. Dans les années 1980, n’ayant toujours pas les moyens d’empêcher les paysans d’utiliser leurs semences de ferme, les semenciers essaient d’agir sur les trieurs à façon. Un accord interprofessionnel tentera même d’interdire le triage à façon.

Toutefois, c’est en 1991, avec l’entrée en scène des organismes génétiquement modifiés, que l’UPOV va connaître d’importantes transformations.

Émergent alors des contentieux entre les obtenteurs et les sociétés qui viennent de la chimie (M. Daniel Raoul le conteste.) pour investir dans le domaine génétique. Ces dernières revendiquent des droits au titre des transgènes intégrés dans les plantes sous COV. C’est alors que la convention de l’UPOV de 1991 et le droit communautaire ont étendu les droits du titulaire d’un COV aux variétés essentiellement dérivées de sa variété.

Une erreur a été commise à cette époque, car on a affaibli le COV en cherchant à le protéger. À ce moment-là, face au système du brevet sur le végétal, nous avons perdu, et je pèse mes mots, la guerre et l’honneur !

M. Rémy Pointereau. Pas du tout ! C’est faux.

M. Gérard Le Cam. Au lieu de rejeter les brevets sur les plantes, on a recouru à la notion, très contestable scientifiquement et très fragile juridiquement, de « variété essentiellement dérivée », afin d’interdire le dépôt d’un COV sur une variété dite « nouvelle » dans laquelle on aurait seulement modifié un gène.

Ce faisant, on a changé d’approche. Jusque-là, la variété nouvelle, pour être couverte par un COV, était établie en fonction de la façon dont elle poussait, des caractères qu’elle développait. Avec la « variété essentiellement dérivée », on a pris en compte ce que la variété contenait génétiquement pour déclarer si elle était nouvelle, ou non.

On se souvient de l’affaire du gène de résistance de la laitue au puceron, qui illustre à merveille les dangers de cette approche. Ce caractère de résistance, devenu incontournable, concerne près de 90 % des variétés de laitues commercialisées. Une entreprise hollandaise, Rijk Zwaan, avait mis au point, par un procédé de sélection assistée par marqueurs, des salades résistant au puceron Nasanovia. Le trait conférant cette résistance avait été identifié dans une espèce sauvage, Lactusa Virosa. L’entreprise néerlandaise avait ensuite obtenu un brevet protégeant la manière d’obtenir ce caractère par une méthode originale, qui permet de casser la liaison génétique entre le caractère de résistance et le caractère de nanisme qui, selon le brevet, lui était systématiquement attaché.

Or, bien avant, une entreprise française, Gautier Semences, avait sélectionné avec l’appui de l’INRA d’Avignon des lignées de laitues contenant ce même trait, sans problème lié au nanisme des salades. Elle n’avait déposé aucun brevet.

Forte de son brevet, la société hollandaise a demandé aux sélectionneurs de semences potagères d’acquitter des redevances pour continuer à utiliser ce trait. Au départ, les obtenteurs sont restés solidaires et ont décidé de saisir la justice pour contester et faire annuler le brevet. Finalement, il semble que la société ait trouvé des accords financiers avec l’ensemble des semenciers, sauf Gautier Semences qui, en raison de sa taille, ne pouvait ni payer les droits sur le brevet ni financer un procès.

À la lumière de cette expérience, il nous apparaît fondamental non seulement de ne pas accepter de tels brevets, mais également de créer les forces juridiques nécessaires, de mutualiser les efforts pour que les agriculteurs et les semenciers ne soient pas isolés face à de telles agressions commerciales.

Au début des années 1990, la protection du COV a été également étendue au-delà de la « production à des fins d’écoulement commercial » des semences ou des plants, à leur reproduction, qu’elle soit destinée à la vente, comme dans le passé, ou à l’utilisation à la ferme.

Le règlement communautaire de 1994, précise les contours et le contenu du nouveau statut des semences de ferme : celles-ci deviennent des dérogations facultatives et limitées aux droits de l’obtenteur.

Le règlement interdit les semences de ferme pour la plupart des espèces cultivées et les autorise pour vingt et une espèces – plantes fourragères, céréales, oléagineux, lin ou pommes de terre –, sous réserve du paiement d’une rémunération équitable à l’obtenteur, dont sont exonérés les petits agriculteurs – au sens de la PAC, il s’agit de ceux produisant l’équivalent de 92 tonnes de céréales au maximum.

En bref, les semences de ferme sont soit interdites, soit autorisées en contrepartie du paiement de royalties. De plus, au regard de la loi de 2011, cet usage est strictement limité à l’exploitation de l’agriculteur : est exclue toute possibilité d’échange de semences de ferme protégées par un COV appartenant à un tiers.

En dépit de cette réglementation, mes chers collègues, comme vous le savez, peut-être même par expérience personnelle, la majorité des agriculteurs européens a continué à utiliser des semences de ferme sans verser de rémunération aux obtenteurs. Seul le blé tendre a fait l’objet d’une réglementation.