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Dossier législatif : proposition de résolution présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution, relative au séjour des étudiants étrangers diplômés
Discussion générale (suite)

Séjour des étudiants étrangers diplômés

Adoption d'une proposition de résolution

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen de la proposition de résolution relative au séjour des étudiants étrangers diplômés, présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par Mme Bariza Khiari et plusieurs de ses collègues (proposition n° 95).

La parole est à Mme Bariza Khiari, auteur de la proposition de résolution.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de résolution présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution, relative au séjour des étudiants étrangers diplômés
Article unique (début)

Mme Bariza Khiari, auteur de la proposition de résolution. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, la France a une très longue tradition d’accueil des étudiants étrangers. C’est pour elle une tradition ancienne, ce fut un pilier de sa diplomatie, c’est aujourd’hui un enjeu qui concerne aussi bien la francophonie, la vitalité universitaire que le développement de ses entreprises.

Le gouvernement de Lionel Jospin, bien conscient des intérêts multiples portés par les étudiants étrangers, avait mis en place une agence Edufrance, devenue depuis CampusFrance, pour améliorer l’attractivité de notre formation supérieure. Cette politique a été poursuivie par votre gouvernement, monsieur Raffarin.

L’actuel Président de la République semblait valider cette analyse, lui qui soulignait dans la lettre de mission adressée le 27 août 2007 au ministre des affaires étrangères : « Nous accordons la plus grande importance au développement de notre influence culturelle à l’étranger. Ce sont tout autant notre rôle dans le monde, l’avenir de nos industries culturelles et la diversité culturelle qui en dépendent ».

Dans cet hémicycle, nous sommes tous convaincus de la nécessité de maintenir une voix de la France dans un monde que la globalisation rend chaque jour plus complexe. Cela passe notamment par une politique d’influence et de rayonnement dont les étudiants étrangers sont un vecteur essentiel.

C’est dans cette perspective, et avec le souci de défendre notre rang dans la compétition universitaire internationale que nos collègues Monique Cerisier-ben Guiga et Jacques Blanc avaient, en 2005, présenté un rapport d’information insistant sur la nécessité d’une politique d’attractivité des étudiants internationaux et appelant à de multiples améliorations, pour la plupart réalisées depuis.

Les universités ont depuis mis en place un réel programme d’accueil, de formation et d’échange des étudiants étrangers.

Surtout, en 2006, un nouveau dispositif législatif, taillé sur mesure pour les étudiants étrangers, a été voté : l’article L.311-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA. Il s’agissait de permettre aux étudiants diplômés d’obtenir une première expérience professionnelle post-formation en France, sans que la situation de l’emploi puisse leur être opposée. Le ministre de l’intérieur de l’époque, M. Sarkozy, présentait ce dispositif comme une illustration de sa politique d’immigration choisie.

Or, dans le droit fil du discours de Grenoble, voilà une circulaire qui réduit à néant des années d’efforts d’internationalisation de notre formation supérieure. Subitement, le slogan de l’immigration choisie a cédé la place à l’immigration zéro.

Voilà une circulaire dont les seules conséquences sont qualifiées de « stupides », d’« aberrantes » et d’« infamantes » par tous les acteurs concernés. Tous dénoncent les ravages causés à nos écoles, à nos universités, à la francophonie et à notre économie.

Monsieur le ministre, je constate que personne dans vos rangs – personne, je le souligne – n’a pris la défense de votre circulaire. Au contraire, un partage des rôles assez classique, avec M. Wauquiez dans le rôle du « gentil », vous a permis, pendant des mois, d’accréditer l’idée que cette circulaire relevait soit d’un malentendu, soit d’un zèle préfectoral spontané.

En réalité, cette volonté de détourner les étudiants de la destination « France » s’inscrit dans votre objectif de réduction des visas étudiants, comme vous l’avez publiquement rappelé le 1er septembre dernier, lors de la dix-neuvième conférence des ambassadeurs.

En premier lieu, je souhaite revenir sur trois arguments que vous avez soulevés pour justifier cette atteinte portée à notre attractivité. Ces arguments sont évidemment contestables de notre point de vue. Ils sont également contradictoires entre eux, affaiblissant par là même la validité de votre démonstration.

Le premier argument – celui des chiffres – est déroutant. En effet, il vise à établir que la mobilisation des étudiants est sans fondement puisque le nombre d’étudiants ayant obtenu leur changement de statut aurait augmenté. Le 17 novembre dernier, sur la chaîne de télévision LCI, vous évoquiez une augmentation de 35 % ; à présent, vous citez le chiffre de 17 % !

Toutefois, quoi de plus normal, de plus logique et de plus cohérent que le nombre des changements de statut d’étudiant à salarié progresse quand le nombre d’étudiants accueillis en master et en doctorat augmente, conformément aux objectifs que la France s’était fixés ? Cet argument est déroutant car il heurte de plein fouet votre autosatisfecit de la semaine dernière, concernant la baisse de l’immigration liée au travail.

Vous vous félicitiez d’avoir diminué l’immigration professionnelle de 26 % et vous maintenez que le nombre de changements de statut d’étudiant à salarié a augmenté. Qu’en est-il en réalité ? Qu’est devenu le discours de M. Sarkozy, qui souhaitait augmenter fortement l’immigration professionnelle, qu’il définissait, d’ailleurs à juste titre, comme un « rempart contre le racisme » ?

M. François Patriat. Très bien !

Mme Bariza Khiari. Cette volonté de limiter l’immigration professionnelle doit-elle dès lors se lire comme une capitulation devant le racisme ?

Le deuxième argument que vous invoquez est celui de la situation de l’emploi en France. Selon vous, la crise, le taux de chômage doivent nous inciter à réserver l’emploi aux Français et aux résidents réguliers.

M. François Patriat. Vision très droitière !

Mme Bariza Khiari. Les étudiants concernés par la circulaire Guéant seraient donc une menace pour l’emploi. Là encore, cet argument ne résiste pas à l’examen des cas concernés.

La France compte aujourd’hui 285 000 étudiants internationaux, ce qui correspond à un flux annuel de 60 000 nouveaux étudiants étrangers. Parmi eux, 35 000 sont des extracommunautaires. La grande majorité d’entre eux – les deux tiers – partent à l’issue de leur diplôme. Sur les 10 000 qui restent, 6 000 environ obtiennent le changement de statut d’étudiant à salarié. Sur ces quelque 6 000 étudiants, seul un tiers est encore présent sur notre territoire dix années après leur année d’arrivée, soit 2 000 par an.

Ces chiffres parlent d’eux-mêmes : l’immigration choisie via des filières étudiantes d’excellence ne concerne au total que très peu de cas, quelque 2 000 par an, sur les 35 000 étudiants extracommunautaires accueillis chaque année. Il est par conséquent inexact de dire et de penser que les restrictions visant ces étudiants peuvent contribuer à faire baisser le chômage.

Par ailleurs, monsieur le ministre, avant même que vous ne contestiez ces chiffres, je souhaiterais connaître précisément le nombre d’autorisations provisoires de séjour, les APS, demandées et délivrées, ainsi que les données relatives aux demandes de cartes de séjour, ces informations ne nous ayant pas été communiquées.

Le troisième argument s’apparente à un argument d’autorité infondé et dépassé : celui du « pillage des cerveaux ».

Ce raisonnement que vous avez mis en avant dans la tribune d’un grand quotidien revient à faire passer ces étudiants pour des traîtres à leur pays, et ceux qui les soutiennent pour des pilleurs de matière grise, donc des escrocs. (M. le ministre manifeste son exaspération.)

M. François Patriat. M. le ministre ne dit pas ce qu’il en pense !

Mme Bariza Khiari. Or ces étudiants ont été formés en France, et pour beaucoup – pas pour tous – tout ou partie de leurs études ont été financées par la collectivité nationale. Plutôt que de juger leur retour au pays natal au plus vite comme un impératif moral, il est de notre intérêt de considérer leur participation à notre dynamisme économique comme un juste retour sur investissement.

Non seulement l’argument du « pillage des cerveaux » ne devrait pas s’appliquer à des étudiants formés par nous mais, en outre, il s’agit d’un raisonnement en partie obsolète, né dans les années 1950.

Depuis lors, la mondialisation des échanges et notamment l’accélération des mobilités ont sensiblement modifié la thèse initiale. Aujourd’hui, les migrants les plus qualifiés se déplacent fréquemment, séjournant parfois dans plusieurs pays. En d’autres termes, ils n’ont pas nécessairement vocation à demeurer durablement en France, ni même ailleurs, car ils sont très mobiles.

Enfin, cet argument est démenti par les faits : de plus en plus d’études soulignent en effet que les pays en voie de développement ne perdent pas mais gagnent à cette circulation de leurs migrants. De fait, pour reprendre l’expression d’un économiste indo-américain, Jagdish Bhagwati, spécialiste des problèmes du commerce international et du développement, « le cerveau peut fuir plus vite en restant assis au mauvais endroit ».

Mme Bariza Khiari. Dans le cas présent, ce n’est pas le pillage des cerveaux qu’il nous faut redouter, mais leur gaspillage.

Pour démontrer la faiblesse de cet argument, je souhaite également souligner qu’il est à géométrie variable. De fait, la semaine prochaine, comme M. le président vient de nous le confirmer, nous allons examiner la situation des médecins titulaires de diplômes extracommunautaires.

Mme Françoise Laborde. Voilà ! On légifère comme cela nous arrange !

Mme Bariza Khiari. Ceux-là n’ont pas obtenu leur diplôme en France, mais ils exercent dans nos hôpitaux. Parlera-t-on du pillage des cerveaux à cette occasion ? Ou bien admettra-t-on que ces médecins présentent un double intérêt : premièrement, qu’ils sont indispensables à notre système de santé,…

Mme Bariza Khiari. .… et, deuxièmement, qu’en tant que variable d’ajustement du budget de nos hôpitaux ils nous sont très utiles, et qu’il est donc préférable de les garder tout en les maintenant malgré tout – et on ne peut que le regretter – dans une grande précarité administrative ?

Dès lors, votre argument du pillage des cerveaux, destiné à nous faire taire, se révèle bien opportuniste.

Vos arguments sont faibles, monsieur le ministre, tandis que les conséquences de la circulaire du 31 mai sont dévastatrices pour notre économie, nos écoles et nos universités, mais aussi pour des milliers d’étudiants.

Cette fameuse circulaire du 31 mai visait à préciser l’application de la loi CESEDA, adoptée par le Parlement en 2006.

En enjoignant les préfets d’instruire avec rigueur les demandes de changement de statut, vous leur demandiez en réalité d’appliquer une politique du chiffre aboutissant à chasser du territoire des polytechniciens, des diplômés d’HEC, des centraliens et beaucoup d’ingénieurs : vous ne pouvez pas affirmer le contraire ! (M. François Patriat acquiesce.)

Il fallait que les faits soient particulièrement accablants pour qu’une poignée d’étudiants, à l’aide des réseaux sociaux, parviennent à susciter une telle mobilisation : leur pétition a été signée par des milliers d’artistes, d’intellectuels, de scientifiques, d’universitaires qui sont choqués qu’on renvoie, et c’est leur expression, « des Marie Curie à la frontière ». C’est l’image qu’ils ont en tête.

Mes collègues de la majorité reviendront plus longuement sur les conséquences catastrophiques qu’engendrera cette circulaire pour la recherche, les universités, les écoles d’ingénieurs, les grandes écoles, mais aussi pour la grandeur de la France.

Mme Bariza Khiari. Des années de progrès en matière d’attractivité ont été réduites à néant alors même que la France recule du troisième au quatrième rang concernant le nombre d’étudiants étrangers accueillis. Les trois premières places sont désormais occupées par des pays anglophones : cette dégradation est un coup dur porté à la francophonie.

Mme Bariza Khiari. De plus, pour les étudiants étrangers concernés, ces derniers mois furent un véritable cauchemar administratif. Certains ont été contraints à un retour anticipé et précipité dans leur État d’origine, certains ont choisi d’accepter des offres dans d’autres pays – nous sommes, en effet, dans un système concurrentiel – d’autres, enfin, ont malheureusement été conduits à entrer dans la clandestinité. Quel que soit le cas de figure, le mal est fait, et je souhaite ici me faire l’écho d’une des grandes indignités de notre République : le traitement des étrangers dans les préfectures.

Monsieur le ministre, dans un pays comme le nôtre, il est indigne que des hommes et des femmes soient obligés de se lever au milieu de la nuit pour aller faire la queue devant une préfecture ou une sous-préfecture sans même avoir la certitude d’être reçus par le fonctionnaire en charge des dossiers de titres de séjour.

M. Éric Bocquet. Très bien !

M. François Patriat. À Dijon, on le voit tous les jours !

Mme Bariza Khiari. Il est anormal que les horaires d’ouverture et de fermeture de ces services puissent changer fréquemment, dans le seul but de perturber les démarches.

Il est anormal que des décisions administratives auxquelles des vies sont suspendues soient aussi inconséquentes dans leurs motivations.

Au sein des préfectures, le service des étrangers est une zone de tensions permanentes. Les fonctionnaires préfectoraux sont transformés, bien malgré eux, en agents d’administration de l’arbitraire, de l’humiliation et du contournement du droit. C’est inacceptable, aussi bien pour ces agents de la fonction publique que pour le public accueilli. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Bariza Khiari. Monsieur le ministre, ce qui nous distingue, ce n’est pas le fait de savoir si on accueille ou non tout le monde : le parti socialiste n’a aucune peur à dire que la France ne peut être un pays d’immigration dérégulée.

Non, ce qui nous sépare, c’est le traitement indigne des migrants. Il ne s’agit pas d’ouvrir grand les portes mais d’établir et de respecter des critères durables, lisibles par tous, des critères justes et pertinents, à l’opposé de cette politique de roulette russe qu’implique la logique du chiffre : faut-il ou non refuser 50 % des dossiers ? Et que se passe-t-il quand 70 % d’entre eux devraient, en toute logique, être acceptés au regard de leur qualité ? C’est alors le règne de l’arbitraire et de l’injustice.

Monsieur le ministre, voyons ensemble si la nouvelle circulaire constitue ou non une avancée. Est-elle en mesure de restaurer l’attractivité de la France, de rendre aux universités et grandes écoles françaises des arguments à l’attention de leurs partenaires des universités étrangères, de sécuriser les entreprises qui ont besoin de ces profils et compétences particuliers ?

Vous demandez aux préfets de passer de la rigueur au discernement, mais les ambigüités ne sont pas levées.

Très sincèrement, la nouvelle circulaire n’est à la hauteur ni des enjeux, ni des attentes. Le mal est fait et cette situation ne laisse rien augurer de bon pour l’avenir : déjà, les étudiants de la nouvelle promotion, ceux qui doivent obtenir leur diplôme à la fin de cette année universitaire, peinent à trouver leurs stages de fin d’études tant les entreprises sont échaudées par l’instabilité et l’insécurité juridique. (Mme Corinne Bouchoux acquiesce.)

Non, mes chers collègues, ce n’est pas l’avancée que nous attendions. La nouvelle circulaire a certes un mérite, je vous le concède, monsieur le ministre : celui de répondre, et encore provisoirement, à la situation des centaines d’étudiants diplômés faisant l’objet d’une « obligation de quitter le territoire ». Toutefois, ce texte ne permet pas de répondre aux critiques que les étudiants étrangers adressent à l’article L. 311-11 du CESEDA, relatif à l’autorisation provisoire de séjour.

Au sujet de cet article, il faut dire qu’il est tout de même curieux, et à première vue incompréhensible, que les étudiants étrangers aient si peu recours à ce dispositif, pourtant censé leur être favorable.

Le diable étant dans les détails, c’est en étudiant les aspects réglementaires et procéduraux se rattachant à cette mesure que l’on se met à douter : l’autorisation provisoire de séjour est-elle réellement conçue pour fonctionner ? Pour l’obtenir, il faut en formuler la demande quatre mois avant l’expiration du titre de séjour étudiant, ce qui pose un problème de taille : à cette date, l’étudiant n’est pas encore titulaire de son diplôme. Or, pour demander l’APS, il faut présenter son diplôme... (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Gisèle Printz. C’est un scandale !

Mme Bariza Khiari. Par ailleurs, l’intérêt premier de l’APS est d’accorder six mois de séjour aux jeunes diplômés pour leur permettre de trouver du travail. Or, jusqu’à présent, ces étudiants recevaient des offres d’emploi avant même d’avoir leur diplôme !

Enfin, à aucun moment la notion de « première expérience professionnelle » n’est définie. Le fait de changer d’intitulé de poste dans la même entreprise marque-t-il, par exemple, la fin d’une première expérience ? Peut-on affirmer, comme M. Wauquiez, qu’une première expérience professionnelle se caractérise par une durée de dix-huit mois maximum ?

La nouvelle circulaire ne précise pas ces points et fixe même une condition supplémentaire : l’attestation conjointe employeur-établissement de formation, laquelle sera facilement attribuée aux élèves des grandes écoles, mais plus difficile à obtenir pour les étudiants d’université.

C’est pourquoi les conditions ne sont toujours pas réunies pour inciter les étudiants à privilégier cette option. De toute évidence, la réglementation relative à l’application de l’article L. 311-11 dénature la volonté du législateur et s’apparente à un contournement du droit. C’est pourquoi les étudiants diplômés continueront, pour 95 % d’entre eux, à demander un changement de statut plutôt que l’APS.

Concernant le changement de statut, on déplore encore trop d’ambigüités, d’autant plus que, jusqu’au 31 mai dernier, il était rare que la demande d’un étudiant étranger diplômé à un niveau bac+5 – polytechnicien, diplômé d’HEC, ingénieur, titulaire d’un contrat ou d’une promesse d’embauche – soit refusée dans les conditions ubuesques qui nous ont été rapportées. L’application d’une politique du chiffre à l’examen de ces dossiers a engendré une situation aberrante.

En vérité, mes chers collègues, la circulaire « Guéant 1 » n’était pas le fruit d’un malentendu. Elle ne résultait ni d’un manque de perspicacité ni d’un manque de clairvoyance, mais probablement d’un simple calcul électoral. Ce dernier ne vous a manifestement pas profité et a eu pour effet collatéral de saborder les intérêts de la France. C’est pourquoi certains ont pu qualifier ce texte de faute économique. La nouvelle circulaire, pour sa part, entretient des ambiguïtés qu’il aurait fallu dissiper.

Vous me permettrez donc, monsieur le ministre, de vous poser quelques questions, afin que vous puissiez clarifier vos intentions.

En ce qui concerne l’application de l’article L. 311-11 du CESEDA, comptez-vous modifier le calendrier pour la procédure de demande d’APS ?

Comment définissez-vous une première expérience professionnelle ?

Surtout, pouvez-vous confirmer que la situation de l’emploi ne pourra être opposée aux demandes de renouvellement des titres de séjour ?

Pour ce qui concerne l’examen des demandes de changement de statut d’étudiants à salariés, pouvez-vous confirmer que des critères tels que l’intérêt stratégique de l’entreprise, la mobilité encadrée, l’excellence du parcours du candidat prévaudront sur la situation de l’emploi ? Autrement dit, les dossiers seront-ils examinés au regard de l’attractivité de nos universités et de nos entreprises, ou simplement au regard de la situation de l’emploi ?

Quelle est l’articulation entre les deux circulaires ? Puisque vous ne faites pas mention d’un remplacement de la première par la seconde, les préfectures pourront-elles toujours faire référence à la première ?

Pourquoi faire de Pôle emploi le référent en matière de situation de l’emploi alors même que cet organisme n’a plus de monopole dans ce domaine et que les entreprises concernées par ces profils spécifiques n’y ont pas recours ?

Enfin, qu’adviendra-t-il des quelque 700 étudiants qui ont déposé leur dossier ? À ce jour, soit ils n’ont pas encore eu de réponse, soit ils ont obtenu une réponse négative, souvent sans fondement. Leur dossier sera-t-il examiné d’office ou devront-ils recommencer l’ensemble de la procédure et s’acquitter une fois de plus des frais de dossier ? À qui doivent-ils s’adresser dans ce dernier cas ? Enfin, quel est le sort des étudiants qui avaient une promesse d’embauche, mais qui n’en disposent plus ?

Les étudiants et leurs employeurs attendent des réponses précises sur ces questions.

De toute évidence, la nouvelle circulaire ne résout ni les difficultés de mise en œuvre de l’autorisation provisoire de séjour ni les incertitudes entourant les critères recevables lors d’une demande de changement de statut. C’est pourquoi nous appelons non seulement à un retrait des deux circulaires, mais aussi à une nouvelle rédaction, moins restrictive, de l’article L. 311-11 du CESEDA relative à l’APS.

À regrets, la France constate depuis quelques mois que sa destinée est en partie entre les mains des agences de notation internationales. Nous le voyons tous : la mondialisation, réduite à sa seule dimension économique et financière, constitue, en l’absence de régulation, un facteur de désordre planétaire.

Pour le groupe socialiste, il est urgent de transformer la mondialisation en civilisation. C’est à cette seule condition que nous parviendrons à lutter contre le « choc des ignorances » qui gangrène notre avenir commun. L’accueil et la formation des étudiants étrangers, mais aussi la mise en œuvre d’une nouvelle politique des migrations, et non plus d’une politique d’immigration, fondée sur des critères justes, pertinents, lisibles et durables, répondent à cet impératif d’une mondialisation humanisée. Cela participe de notre ambition d’une France plus forte, contrairement à une politique du chiffre, qui, je le répète, est une défaite de la pensée.

M. Claude Domeizel. Très bien !

Mme Bariza Khiari. Notre politique migratoire doit prendre en compte le rayonnement international de la France, la vitalité de la recherche, l’attractivité de nos grandes écoles et de nos universités, la compétitivité de nos entreprises ainsi que la dignité de la personne humaine.

À cet égard, les étudiants étrangers sont une richesse, et non un fardeau.

En votant cette proposition de résolution, mes chers collègues, vous réaffirmerez votre attachement au rayonnement de la France et de la francophonie et votre fidélité aux valeurs de notre République.

En plus d’être les meilleurs ambassadeurs et prescripteurs de nos produits, les étudiants que nous formons chez nous deviennent aussi les meilleurs vecteurs de nos valeurs dans le monde. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France a une longue tradition d’accueil, qui contribue à attirer les étudiants étrangers.

Ils sont environ 260 000 à choisir notre pays, car ils en apprécient l’histoire, la culture, les valeurs, mais aussi la qualité de l’enseignement, et cela même si nous ne nous classons plus qu’au quatrième rang mondial pour l’accueil des étudiants étrangers.

Cette politique a des conséquences très positives non seulement pour la France, mais également pour le pays d’origine de l’étudiant. Elle participe notamment au développement économique et culturel, dans les deux sens. Les étudiants étrangers formés en France acquièrent une double culture, qui facilite les échanges internationaux.

D’un point de vue économique, si l’on se place dans une logique mercantile, cela favorise la compétitivité de la France sur le marché intérieur des pays dont les étudiants sont originaires. Pour en mesurer les effets, il faut cependant raisonner à long terme, et pas seulement par le petit bout de la lorgnette.

D’un point de vue culturel, cela contribue à la compréhension mutuelle entre les nations et à la connaissance entre les peuples – à la paix, en quelque sorte. Vous me direz que ces données ne se mesurent pas en euros sonnants et trébuchants. En effet, il est question du rayonnement de la France et de la communauté francophone, des artistes, des intellectuels, des chercheurs, mais aussi, tout simplement, des familles.

Dans cette logique, il est absolument nécessaire de conserver, mais aussi de développer davantage encore les partenariats avec les universités étrangères, qui permettent aux jeunes étudiants étrangers ou français d’acquérir un esprit d’ouverture et d’instituer un partage des connaissances à double sens. Or, pour ce faire, il faut continuer à accueillir en France ces jeunes dotés d’un fort potentiel.

Leur interdire de poursuivre une première expérience professionnelle en France a déjà une conséquence négative sur ces partenariats et sur le choix des futurs étudiants, qui préféreront se tourner à l’avenir vers les États-Unis, le Canada, l’Australie ou d’autres États européens.

Depuis le 31 mai 2011, dans notre pays, de nombreux étudiants étrangers perdent leur travail en raison d’une simple circulaire. Contraints de quitter leur emploi et parfois la France, ces étudiants bénéficiaient pourtant de contrats de travail ou de promesses d’embauche. Les entreprises prêtes à les recruter subissent un manque à gagner ; elles perdent une main-d’œuvre hautement qualifiée et connaissent une période d’incertitude. Peuvent-elles recruter des jeunes diplômés étrangers ? Ces derniers risquent-ils de se voir opposer un refus d’autorisation de séjour par l’administration ?

La présente proposition de résolution a pour objet d’inviter le Gouvernement au respect de la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration, qui offre aux diplômés étrangers la possibilité d’effectuer une première expérience professionnelle en France à la suite de leurs études. Elle ne concerne que les titulaires d’un diplôme de niveau bac+5 ou supérieur. En vertu de la loi, ces jeunes diplômés disposent de six mois non renouvelables pour conclure un contrat de travail ou obtenir une promesse d’embauche.

Il s’agit en fait d’un changement du contenu même de la loi. Je rappelle, mes chers collègues, que la situation de l’emploi n’est pas opposable aux diplômés étrangers lorsque leur salaire est supérieur à une fois et demie le SMIC.

Il n’est pas acceptable de demander aux préfectures d’appliquer des instructions qui méconnaissent la loi. L’application de la loi, telle qu’elle a été adoptée, est suffisante. Je rappelle au Gouvernement que la circulaire est un instrument qui doit éclairer l’application de la loi et non pas la dénaturer. En la matière, cette circulaire apporte plus de confusions que d’éclaircissements.

Le Gouvernement a dû réaliser son erreur, ce qui l’a conduit à adopter une nouvelle circulaire, désignée comme « circulaire complémentaire », en date du 12 janvier 2012. Si le réexamen prioritaire des dossiers déposés depuis le 1er juin 2011 est positif, il n’en demeure pas moins que la circulaire ne mentionne pas le cas de diplômés étrangers qui sont déjà rentrés chez eux. Qu’en est-il de ceux qui ont perdu leur emploi ? Ces conséquences dommageables ne sont pas réparables.

Compléter une circulaire incohérente par une autre circulaire ambiguë ne résout rien. Cela ne fait que compliquer le travail des préfectures et accroître l’incertitude des diplômés, des universités et des entreprises. Ce changement de position ne fait que rendre opaque les conditions de la délivrance des autorisations provisoires de séjour et des cartes de séjour mention « salarié » pour les jeunes diplômés étrangers. Pendant cinq ans, les préfectures n’ont pas eu besoin de circulaires pour appliquer la loi, qui est très claire.

L’article L. 311-11 du CESEDA dispose en effet que, « à l’issue de cette période de six mois [correspondant à la durée de l’autorisation provisoire de séjour], l’intéressé pourvu d’un emploi ou titulaire d’une promesse d’embauche, satisfaisant aux conditions énoncées ci-dessus, est autorisé à séjourner en France pour l’exercice de l’activité professionnelle correspondant à l’emploi considéré ». Cet article précise en outre qu’il est autorisé à séjourner en France « sans que lui soit opposable la situation de l’emploi ».

Tout est dit ! Le Gouvernement a tenté, par sa première circulaire, d’opposer à ces ressortissants étrangers la situation de l’emploi, là où elle ne pouvait l’être en vertu du CESEDA.

Si la volonté du Gouvernement est de modifier l’état du droit, il lui suffit de présenter un énième projet de loi en ce sens... Mais encore faut-il que le Parlement l’adopte !

Ces circulaires contredisent donc l’esprit de la loi de 2006, dont je vous rappelle pourtant, mes chers collègues, qu’elle a été prise sur l’initiative du Président de la République actuel, alors ministre de l’intérieur.

Pour combler cette amnésie persistante, je reprends les termes du rapport de la commission des lois du Sénat sur ce texte, lequel qualifiait d’« absurde » le principe du retour de l’étudiant étranger dans son pays d’origine à la fin de ses études. Il ajoutait que les diplômés étrangers représentent un potentiel de croissance inexploité qui profiterait à l’ensemble de l’économie française.

Votre circulaire, monsieur le ministre, va à contresens de l’histoire de notre pays et de l’héritage des Lumières dont nous sommes si fiers. Elle n’est malheureusement pas un dispositif isolé ; je pense notamment au relèvement du plafond de ressources exigées des étudiants étrangers dans le décret du 6 septembre 2011 ou à l’augmentation de la taxe de renouvellement des titres de séjour étudiant dans la loi de finances pour 2012.

Ces coups de boutoir contribuent inexorablement à fragiliser et stigmatiser les populations concernées, au lieu de les considérer comme une ressource et un atout pour notre pays. Avec cette politique, vous contribuez à mettre fin, purement et simplement, au rayonnement culturel de la France.

Pire, vous invitez les autres pays à faire œuvre de réciprocité. Je ne serais pas surprise que les étudiants français à l’étranger en pâtissent à l’avenir. Certains pays ne tarderont pas à les accueillir avec aussi peu d’enthousiasme et de considération que le fait notre pays.

C’est pourquoi, dans le respect des principes humanistes et universels auxquels nous sommes profondément attachés, la majorité du groupe RDSE adoptera la présente proposition de résolution de notre collègue Bariza Khiari en faveur des diplômés étrangers qui ont choisi la France. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC. – Mme Sylvie Goy-Chavent applaudit également.)