Rappel au règlement (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'abrogation du conseiller territorial
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Article unique

I. – Les articles 1er, 3, 5, 6, 81 et 82 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales sont abrogés.

II. – Les articles L. 210-1 et L. 221 du code électoral sont rétablis dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Afin de ne pas faire perdre plus de temps à notre assemblée, je serai brève, d’autant que nous avons déjà expliqué les raisons pour lesquelles nous réclamons la suppression du conseiller territorial.

À certains d’entre nous qui se sont exprimés dans la discussion générale ou lors du débat sur les motions de procédure, je dirai que, effectivement, le conseiller territorial est la pierre angulaire de la réforme des collectivités territoriales.

Mais je leur demanderai aussi de ne pas oublier que sa création a été fortement critiquée par tous les élus, de quelque bord qu’ils soient. Ceux-ci reprochent en effet au conseiller territorial d’avoir des fonctions mal définies ; ils craignent une emprise croissante de la technocratie, une augmentation des dépenses ; ils dénoncent une atteinte à l’autonomie des collectivités territoriales et le coup d’arrêt qui est porté à la parité telle qu’elle existait dans les conseils régionaux.

Pour toutes ces raisons, il n’y a pas d’autre solution que d’abroger les articles de la loi de réforme des collectivités territoriales portant création des conseillers territoriaux. C’est seulement après que nous pourrons discuter de quelle manière nous pouvons donner un nouvel élan à la démocratie locale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle, sur l'article.

Mme Catherine Troendle. La création du conseiller territorial n’a laissé aucun de nous indifférent, car son institution bouleverse la physionomie du monde territorial tel que nous le connaissons depuis 1982.

C’est une innovation qui méritait un véritable débat de principe au sein de la Haute Assemblée, représentante des collectivités locales.

Je voudrais, à ce titre, remercier le Gouvernement et l’excellent rapporteur de la loi de réforme des collectivités territoriales, Jean-Patrick Courtois. En effet, mes chers collègues, sous son impulsion et celle de Jean-Jacques Hyest, nous avons pu débattre, faire part de nos doutes, de nos incertitudes, de nos expériences personnelles, demander des éclaircissements afin de pouvoir nous forger une opinion personnelle sur l’instauration de ce nouvel élu, qui va bien au-delà des clivages partisans.

Je tiens à rappeler que le vote du texte sur la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux n’était pas un blanc-seing donné au pouvoir exécutif. Le Parlement a conservé durant les débats sur la création du conseiller territorial une entière souveraineté et s’est prononcé librement sur cette question.

Nous avons souhaité la mise en place des conseillers territoriaux, car nous avions fait plusieurs constats.

Le premier était que notre architecture territoriale n’était plus lisible pour nos concitoyens.

Le second était que notre architecture territoriale n’était plus satisfaisante pour les acteurs locaux.

Qui peut affirmer dans cet hémicycle que chacun des concitoyens de sa circonscription connaît son conseiller régional ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Qui connaît son sénateur ou sa sénatrice ?

Mme Catherine Troendle. On connaît son maire, son conseiller général, en tout cas en milieu rural. Mais qui peut affirmer que le niveau régional ne souffre pas aujourd’hui, auprès de nos concitoyens, d’un manque de visibilité et donc de légitimité ?

Mes chers collègues, la démocratie est affaiblie quand le citoyen ne comprend plus qui est qui et qui fait quoi, quand il se perd dans les responsabilités. Et alors, la réforme est nécessaire.

Qui peut affirmer dans cet hémicycle que les départements et les régions ne se marchent pas sur les pieds ?

Qui n’a jamais vu d’actions concurrentes ou redondantes sur un même territoire, qui nuisent inutilement à l’équilibre de nos finances publiques ?

Mes chers collègues, les financements concurrents ayant un objectif similaire nuisent au développement de nos territoires. Ce sont autant de ressources qui ne seront pas utilisées pour des actions culturelles, sociales ou entrepreneuriales qui permettraient un plus fort dynamisme de nos territoires.

En créant le conseiller territorial, nous avons fait le pari de l’intelligence des territoires. Nous avons fait le choix de la réactivité. Le conseiller territorial, en étant l’interlocuteur unique des différents acteurs territoriaux, contribuera à garantir une meilleure réactivité et permettra d’accélérer le montage des projets.

Nous, nous avons fait le choix d’améliorer nos finances publiques. Le conseiller territorial permettra d’améliorer la coordination entre les départements et les régions. En simplifiant la gouvernance, nous pourrons mieux gérer nos finances publiques et ainsi mener des politiques plus dynamiques sur nos territoires.

Nous avons engagé, pour nos collectivités, un véritable processus de modernisation. Les collectivités ne peuvent pas éternellement rester à l’écart de la modernisation du pays, elles doivent également contribuer à la réduction des déficits.

Nous, nous avons fait le choix de faire confiance à nos élus locaux. Les conseillers territoriaux bénéficieront de missions plus étendues et de responsabilités plus larges que les actuels conseillers généraux et conseillers régionaux.

Nous, nous avons fait le choix de la responsabilisation de nos élus locaux. Avec le conseiller territorial, nous dotons les élus de proximité de la capacité d’accéder à la réflexion globale. Ils pourront ainsi défendre les intérêts de leurs territoires et les volontés de leurs électeurs au niveau régional.

Mes chers collègues, pour l’ensemble de ces raisons, nous ne pouvons vous laisser dire que cette réforme n’a été faite que pour réduire le nombre d’élus locaux. Sur l’ensemble de ces bancs, nous savons que les élus locaux donnent de leur temps et de leur talent pour être en première ligne de notre démocratie locale. Nous saluons chaque jour, au sein de cette assemblée, le travail essentiel qu’ils réalisent pour animer nos territoires.

Réduire le nombre d’élus n’est pas le cœur de cette réforme. La diminution du nombre d’élus locaux n’est qu’une des conséquences de la réforme, pas un préalable. La diminution du nombre d’élus est le résultat d’une réforme qui vise à une meilleure organisation de la décentralisation.

Mes chers collègues, comme la démocratie, la décentralisation est devenue un bien commun. La réforme des collectivités territoriales que nous avons votée ne vise qu’un seul objectif : un fonctionnement efficace de la décentralisation pour les années à venir. Pour cela, elle s’appuie, à travers la création du conseiller territorial, sur les élus locaux, en leur donnant plus de responsabilités et donc plus de légitimité.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le temps de parole !

Mme Catherine Troendle. Mes chers collègues, ma position, comme celle de mon groupe d’ailleurs, est claire ; nous soutenons l’innovation de la loi de 2010 dans la création de ce nouvel élu : le conseiller territorial. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, sur l'article.

M. Dominique de Legge. Au moment où nous abordons cet article unique, permettez-moi de vous livrer deux réflexions.

La première porte sur la méthode et sur la forme. J’ai, je l’avoue, beaucoup de mal à comprendre que l’on puisse discuter, voilà huit jours, d’une proposition de loi sur l’intercommunalité, et aujourd’hui, d’une autre proposition de loi sur le conseiller territorial. Que je sache, il s’agit d’un dispositif d’ensemble. Si vous prenez les articles séparément, en leur faisant dire des choses qu’ils ne disent pas, parce qu’ils n’ont de sens que placés dans leur contexte, je comprends que l’on arrive aux caricatures que vous avez faites. Et je considère que de telles caricatures ne peuvent que cacher de mauvaises intentions.

Comme l’a rappelé tout à l’heure M. Maurey, le président du Sénat nous dit qu’il veut réunir des états généraux. Dans ces conditions, pourquoi prendre ces articles les uns après les autres ?

J’ai cherché une réponse et je n’ai trouvé qu’une seule explication : vous ne parvenez pas à vendre à nos collègues élus la vérité de votre pensée, qui est exprimée dans un excellent rapport de Terra Nova, qui explique tout…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Encore !

M. Dominique de Legge. Le problème, en France, tient non pas à l’empilement des échelons, mais au trop grand nombre de communes. Et le rapport précise que, pour régler ce problème, il faut donner la compétence générale aux intercommunalités, sous-entendu supprimer les communes.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est du Balladur !

M. Dominique de Legge. Et ce même rapport indique que le danger tient au fait qu’avec le conseiller territorial on va cantonaliser les conseillers régionaux et les régions : quel mépris, mes chers collègues, pour les conseillers généraux, pour les départements ! Quel aveu !

Mais, dans la mesure où personne ne veut d’une telle réforme, vous préférez détricoter la loi article par article plutôt que d’aborder le problème de fond, car vous n’en avez pas le courage. Et peut-être même n’êtes-vous pas convaincus ; vous savez que nos collègues élus ne le sont pas davantage.

Ma seconde réflexion porte sur le fond. Il faut regarder les choses en face. À partir du moment où l’on n’a pas le courage d’aborder la question des compétences – et vous avez refusé le débat –, où l’on soutient que toutes les collectivités territoriales ont la compétence générale, il devient évident qu’il y a trop d’échelons. Mais comme vous ne voulez pas supprimer d’échelon, il vous fallait trouver une solution pour essayer d’harmoniser les politiques, notamment entre le département et la région.

Ne me dites pas que tout se passe pour le mieux dans le meilleur des mondes ! Dans un souci pratique – je ne fais pas de théorie – je prendrai deux exemples.

Dans le département du Finistère, le conseil général réhabilite, au titre de sa compétence de transport terrestre, la liaison routière entre Quimper et Brest. Dans le même temps, au titre de sa compétence ferroviaire, le conseil régional rénove la ligne ferroviaire entre Brest et Quimper. Or ces deux liaisons sont en concurrence. Je me dis que, si la même personne avait siégé dans les deux assemblées, peut-être aurait-on évité cette situation.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il faut qu’ils se parlent.

M. Dominique de Legge. Second exemple : le conseil régional de Bretagne mène une politique touristique à laquelle ne souhaite pas s’associer le conseil général de mon département, l’Ille-et-Vilaine. Résultat : voilà trois ans, nous avons vu une campagne de promotion de la région Bretagne portant sur trois départements, alors qu’elle en revendique cinq, et, parallèlement, une campagne de promotion du tourisme en Ille-et-Vilaine. J’avoue avoir quelques difficultés à comprendre la logique qui sous-tend ces politiques.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il faut qu’ils se rencontrent !

M. Dominique de Legge. La vérité est très simple. Elle nous a été révélée tout à l’heure par Didier Guillaume, qui sait parfaitement que ce texte n’a aucune chance de prospérer. Il a clairement déclaré qu’il s’agissait d’un symbole. Et c’est un symbole alors que nous sommes à huit jours du congrès des maires…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le temps de parole !

M. Dominique de Legge. Je considère pour ma part, et je ne suis pas le seul, que le Sénat ne sortira pas grandi de cette affaire. Je crois que les Français sont aujourd’hui plus préoccupés par la crise et par la dette. Mieux vaut entamer rapidement la discussion du projet de loi de finances plutôt que de perdre notre temps à faire prospérer un texte qui, vous le reconnaissez vous-mêmes, mes chers collègues, n’a aucune chance d’aboutir.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je n’ai pas pris la parole sur cet article, mon cher collègue.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comment ne pas s’inscrire en faux contre les arguments développés dans l’exposé des motifs de la proposition de loi de Mme Borvo Cohen-Seat ?

Non, je ne laisserai pas dire que la réforme territoriale et la mise en place des conseillers territoriaux constituent une régression politique majeure pour le développement des territoires et la démocratie locale. Il n’est pas responsable de véhiculer de tels propos mensongers.

La création du conseiller territorial est, contrairement à ce que vous affirmez, une innovation majeure, et la réforme territoriale, dans son ensemble, revêt un caractère fondamental. Les maires – et j’en suis un – en seront les premiers bénéficiaires, puisque nous avons choisi de maintenir la clause de compétence générale au profit des communes.

C’est donc une réforme qui passe par le respect des communes – vous oubliez de le dire –, qui restent la cellule de base de la démocratie territoriale. Je constate d’ailleurs que ce n’est pas ce que vous souhaitiez, puisque vous vouliez faire élire au suffrage universel les conseillers communautaires. Nous y étions opposés et nous avons fait de la commune une cellule de base.

Il s’agit aussi d’une réforme pragmatique, d’une réforme historique de l’organisation territoriale, qui tend à tirer les leçons d’une expérience décentralisatrice vieille de près de trente ans, sans remettre en cause les principes fondamentaux des réformes qui l’ont précédée.

Ce grand rendez-vous institutionnel, voulu par le Président de la République, nous donne l’occasion de renouer avec l’ambition qui fut celle, il y a trente ans, des lois Defferre, lois que vous voudriez voir figées dans le temps, madame Borvo Cohen-Seat, et cela s’appelle de l’immobilisme !

La décentralisation et l’intercommunalité ne sont ni de gauche ni de droite.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Heureusement qu’il y a eu la gauche !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Elles sont devenues le patrimoine commun de notre pays. Personne aujourd’hui n’envisage sérieusement de revenir sur cette avancée. Pour autant, notre organisation territoriale comporte encore quelques faiblesses, soulignées par de nombreux travaux et rapports, et qui demandent des adaptations.

Madame Borvo Cohen-Seat, c’est en réformant notre organisation territoriale que nous conforterons les libertés locales. En ne faisant rien, nous les affaiblirons. Le pire service que nous pourrions rendre aujourd’hui à la décentralisation, serait précisément de ne rien entreprendre.

L’État se modernise, et cette modernisation, c’est déjà 15 milliards d’euros d’économies depuis quatre ans. Les collectivités territoriales ne pouvaient échapper à ce formidable mouvement de rationalisation.

Il faut cesser d’opposer l’État et les collectivités territoriales.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Bien sûr ! Et ce n’est pas ce que nous faisons !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est terriblement dépassé.

Cette réforme est tout simplement la première de l’histoire institutionnelle française à simplifier les niveaux d’administration sans créer de structures nouvelles. Elle doit donner davantage de lisibilité à l’organisation locale, ainsi qu’une nouvelle impulsion aux initiatives locales en faisant progresser la solidarité territoriale. Elle doit améliorer la coordination entre les départements et les régions, sans remettre bien entendu en cause les spécificités de chacune de ces collectivités, qui resteront administrées par des assemblées délibérantes distinctes.

Quant aux conseillers territoriaux, il s’agira de super-conseillers et non pas, comme je l’ai entendu, de conseillers hors sol. C’est le contraire : ils auront un canton, un territoire, on les connaîtra. Aujourd’hui, lorsque je vois un maire et que je lui demande qui est son conseiller régional, neuf fois sur dix, il est incapable de répondre. Or le conseiller général, lui, on le connaît.

Avec cette réforme, nous allons faire de super-conseillers…

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. … qui vont répondre à une véritable attente de nos concitoyens. Ils seront élus au suffrage universel direct, ce qui leur donnera une force considérable.

D’ailleurs, le Conseil constitutionnel n’a-t-il pas validé la création du conseiller territorial ? Je voudrais bien vous l’entendre dire.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Mais nous l’avons dit tout à l’heure. Ne vous énervez pas ainsi !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Oui, le Conseil constitutionnel a validé le conseiller territorial. Les aléas de la vie politique et parlementaire, qui ont toujours existé, ne doivent pas nous faire perdre le sens de l’essentiel : le conseiller territorial sera, que vous le vouliez ou non, un élu légitime de la République, plus efficace, car il mettra en cohérence les politiques du conseil général et celles du conseil régional. Il sera l’interlocuteur unique des particuliers, des associations, des entreprises, des collectivités territoriales, et ce sur un territoire homogénéisé.

Dans mon département, des conseillers généraux sont élus dans des cantons de 2 000 habitants et d’autres dans des cantons de 40 000 ou 50 000 habitants. Ce n’est pas raisonnable. On ne peut pas continuer ainsi.

La création du conseiller territorial entraîne une diminution substantielle du nombre des élus…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le temps de parole !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je reprendrai la parole en explication de vote, ma chère collègue. Nous avons été à bonne école avec vous lorsque vous étiez dans l’opposition sénatoriale. Vous pouvez manifester, faire ce que vous voulez, cela ne nous empêchera pas de nous exprimer, car il s’agit là d’une affaire d’une extrême gravité. Vous voulez nous entraîner dans n’importe quoi.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez épuisé votre temps de parole.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous voulez que je me taise ? Eh bien, je me tais, mais je reprendrai la parole ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Que dira-t-elle lorsque la République sera en danger ?

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour un rappel au règlement.

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M. Philippe Bas. Monsieur le président, permettez-moi d’insister, par un rappel au règlement, sur l’application des articles 45 et 24 de notre règlement. Mon intention est non pas de vous demander de revenir immédiatement sur votre décision, mais d’alerter notre assemblée – dans l’hypothèse, dont je ne souhaite pas voir la réalisation, où ce texte serait adopté non seulement par le Sénat, mais aussi par l’Assemblée nationale –, sur les risques constitutionnels que fait courir la procédure retenue pour apprécier l’irrecevabilité financière.

Les principes d’interprétation de textes clairs sont eux-mêmes clairs.

Quand l’article 45 de notre règlement dispose que la recevabilité des amendements est appréciée d’une certaine façon, il s’agit seulement de la recevabilité des amendements. Et, à la différence de ce qui peut se passer en matière constitutionnelle, le règlement d’une assemblée parlementaire ne peut être modifié par la coutume, la tradition, la pratique constante. Il ne peut être remanié que par un vote de notre assemblée.

Par conséquent, la seule procédure applicable en matière d’examen de la recevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution d’une proposition de loi est bien celle de l’article 24 de notre règlement. Il n’y en a pas d’autre ! À partir du moment où la recevabilité de la proposition de loi a été appréciée selon la procédure de l’article 45 du règlement, c’est tout le processus législatif qui a présidé à l’examen de cette proposition de loi qui risque d’être vicié.

J’entends bien qu’il ne s’agit que d’un risque. Mais je le crois très fort, pour ma part. Dans l’intérêt même des auteurs de cette proposition et de ceux qui la soutiennent, il serait à mon avis prudent de ne pas le prendre. (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées de lUMP.)

M. le président. Mon cher collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement.

La parole est à M. Philippe Dominati, pour un rappel au règlement.

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M. Philippe Dominati. Monsieur le président, je souhaiterais compléter ce que vient de dire Philippe Bas.

En effet, nous n’avons pas eu d’explication sur la procédure qui a été appliquée pour statuer sur la recevabilité de la proposition de loi au titre de l’article 40 de la Constitution. Est-ce la coutume qui détermine le membre de la commission des finances qui s’exprime le premier ?…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Le vice-président !

M. Philippe Dominati. En fonction de quelle délégation notre collègue Gérard Miquel s’est-il exprimé au nom de la commission des finances, alors que d’autres vice-présidents de la commission des finances étaient présents ? Est-ce le premier membre de la commission des finances ou le premier vice-président qui lève le doigt et à qui l’on donne la parole qui définit la position de la commission des finances ?

M. Bernard Fournier. C’est la coutume depuis une heure !

M. Philippe Dominati. Monsieur Miquel, en vertu de quels pouvoirs avez-vous pu donner l’appréciation de la commission des finances ? Normalement, il y a une procédure à suivre. Or, ce soir, elle n’est pas respectée.

Je le répète, pourquoi demander à tel vice-président plutôt qu’à tel autre de se prononcer ? Nous sommes confrontés à un véritable problème de procédure et j’aimerais que la commission des finances nous apporte des éclaircissements sur ce point.

M. le président. Mon cher collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement.

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M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, sur l’article.

Mme Catherine Deroche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous vous en doutez, je ne voterai pas cette proposition de loi de suppression du conseiller territorial.

En effet, je fais partie de ces élus qui approuvent fondamentalement le conseiller territorial. Ma démarche est dictée par des convictions profondes.

Je comprends parfaitement les interrogations qui se sont exprimées sur ces travées, lors de la discussion de la réforme territoriale, quant au mode de scrutin ou quant aux diverses compétences des collectivités... Je partage ces préoccupations, mais je voudrais dénoncer le faux procès qui est intenté ici aujourd’hui.

Je ne vois pas l’incompatibilité qui pourrait exister entre l’enracinement dans un territoire et le souci de la prospective. À entendre certains d’entre vous, aujourd’hui, il y aurait deux types d’assemblées et deux types d’élus : des conseils généraux qui n’auraient que le souci du local, voire du subalterne, et des conseils régionaux qui auraient le souci de la noblesse et de la prospective. Certains élus auraient les pieds dans la glaise et d’autres la tête dans les étoiles !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il faut les deux !

Mme Catherine Deroche. On a entendu parler de tellement de caricatures, de la « République des giratoires », de la « cantonisation des régions », à croire que seuls les conseillers régionaux pouvaient penser globalement !

Comme l’a rappelé Jean-Patrick Courtois dans son intervention, il n’a jamais été question de supprimer les départements.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si, cette semaine !

Mme Catherine Deroche. Il n’a pas non plus été question de regrouper d’autorité les régions.

Alors, fallait-il choisir ? Département ou région ? Région ou département ? Cette opposition devait cesser !

Nous sommes tous ici, pour la plupart, à la fois parlementaires et élus locaux. C’est une tradition démocratique, républicaine et française. Le fait de siéger à Paris nous empêche-t-il de faire un travail de proximité, de parcourir des dizaines de kilomètres dans notre département pour aller voir des électeurs, des concitoyens, des maires ? Bien sûr que non ! Le fait d’être un élu local et un parlementaire « cantonalise »-t-il, pour reprendre le terme employé par M. Sueur à l’époque, le Parlement ? Eh bien non !

J’ai pour ma part un profond respect pour les élus locaux, et ce toutes tendances politiques confondues. Je sais que l’on peut retrouver chez un même élu le souci du territoire, de la proximité et le souci de la prospective.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Absolument !

Mme Catherine Deroche. Étant moi-même conseillère régionale des pays de la Loire, je le vois au travers d’élus de la minorité et de la majorité, qui cumulent à la fois le mandat de conseiller général et de conseiller régional.

Le Parlement a fait un choix simple, pragmatique, ambitieux et innovant, le choix de la confiance en un élu local, le conseiller territorial, pour engager le chantier de la clarification et de la simplification.

Voilà qui permettra d’éviter les actions concurrentes ou redondantes sur un même territoire que connaissent la plupart des maires et dont on a tellement entendu parler lors de la campagne électorale. Le conseiller territorial sera l’interlocuteur unique des différents acteurs territoriaux, ce qui contribuera à la réactivité, à la cohérence dans le choix des financements.

Enfin, il sera parfaitement connu et reconnu des citoyens.

Par la création du conseiller territorial, régions et départements ont tout à gagner !

Comme mes collègues de l’UMP, je ne soutiendrai pas la proposition de loi, qui, je le rappelle, comportait une lacune majeure avant d’être rectifiée en commission, puisque, dans sa rédaction initiale, elle supprimait purement et simplement le conseiller territorial, mais sans dire qui allait administrer les collectivités départementales et régionales. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, sur l’article.

Mme Marie-Thérèse Bruguière. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre collègue Jean-Patrick Courtois, ancien rapporteur du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, a été clair, me semble-t-il : « N’était-il pas responsable de vouloir rationnaliser une multitude de structures, pour un meilleur fonctionnement de notre démocratie locale et pour une plus grande visibilité de nos concitoyens ? »

Comme il l’a rappelé, « l’organisation territoriale de la France puise ses racines dans une histoire forgée au cours des siècles. Au fil du temps, notre pays a su dégager un modèle original d’administration locale ».

Nous devions donc rester fidèles à cet héritage tout en adaptant notre organisation territoriale aux défis du temps.

Nous avons tous fait l’expérience un jour ou l’autre, en tant qu’élus locaux, de la complexité de certaines démarches. Tous les rapports successifs, de droite comme de gauche, ont d’ailleurs pointé du doigt la fragmentation excessive de notre paysage institutionnel, l’enchevêtrement des compétences et les excès de la pratique des financements croisés.

Le conseiller territorial est la réponse que le Gouvernement a souhaité apporter à la simplification de notre paysage institutionnel et au renforcement de la complémentarité de l’action des départements et des régions.

Il n’a jamais été question de supprimer l’une ou l’autre de ces deux structures,…