M. Maurice Leroy, ministre. C’est vrai !

Mme Catherine Tasca.  … il reste beaucoup à faire pour que le Grand Paris réponde véritablement aux attentes nombreuses des Franciliens et de leurs élus.

Nous devons en particulier rester très vigilants sur un point essentiel : l’élaboration des contrats de développement territorial. Il est indispensable que prévale le même esprit de concertation que pour l’élaboration du protocole État-région de janvier et la rédaction de la présente proposition de loi.

S’agissant des contrats de développement territorial, c’est évidemment avec les élus locaux concernés que doit être menée la concertation pilotée par le préfet de région. Puisque le contrat de développement territorial pourra s’imposer à toute modification des documents locaux d’urbanisme, il serait impensable de ne pas associer étroitement les élus locaux à sa conception. Nous avons besoin, monsieur le ministre, que vous nous donniez des assurances sur ce point.

Pour l’heure, en tout cas, le groupe socialiste votera avec fierté cette proposition de loi et souhaite qu’elle recueille une large approbation. (Applaudissements.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Le groupe CRC-SPG s’abstient.

M. Jean Desessard. Les sénateurs Verts également.

(La proposition de loi est adoptée.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Maurice Leroy, ministre. Je tiens à remercier Mme Bricq et le groupe socialiste d’avoir pris l’initiative de déposer ce texte. Étant personnellement très attaché à l’initiative parlementaire et à la revalorisation du rôle du Parlement, je suis très heureux que ce dossier puisse avancer par le biais d’une proposition de loi.

Je voudrais également féliciter M. le rapporteur, M. le président de la commission et M. Fourcade de l’excellent travail accompli tant en commission qu’en séance plénière, et remercier la majorité sénatoriale de son soutien toujours actif et vigilant au Gouvernement.

Comme vient de le dire Mme Tasca, s’il faut se réjouir du vote de cette proposition de loi, tout reste à faire. En tout cas, les avancées obtenues ces derniers mois témoignent qu’il est possible d’aller vite,…

M. Jean Desessard. On aurait pu gagner du temps !

M. Maurice Leroy, ministre.  … dans la concertation. Vous l’avez encore démontré aujourd’hui.

Dans cet esprit, je tiens à redire devant la Haute Assemblée que j’ai demandé au préfet de la région d’Île-de-France qu’une véritable concertation soit menée avec les élus locaux sur les contrats de développement territorial. C’est ainsi qu’il convient de travailler sur ce dossier, en lien étroit avec les maires et leurs équipes municipales. L’avis des élus compte beaucoup à mes yeux, monsieur Assouline, d’abord parce qu’ils sont l’émanation du suffrage universel.

Par ailleurs, je m’engage à ce que cette proposition de loi soit transmise dans les meilleurs délais à l’Assemblée nationale. Je m’en suis entretenu avec le ministre chargé des relations avec le Parlement, Patrick Ollier. Je souhaite qu’un accord puisse se dégager sur la base du travail très fructueux qui a été conduit par la Haute Assemblée. C’est donc le texte du Sénat que je défendrai devant l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Braye, rapporteur. Je voudrais moi aussi remercier tous ceux qui ont participé à l’élaboration de cette proposition de loi, en particulier l’auteur de celle-ci, Mme Bricq, le ministre et ses collaborateurs, les membres de la commission et M. Jean-Pierre Fourcade, qui a joué un grand rôle en tant que rapporteur du projet de loi relatif au Grand Paris. Je voudrais également me féliciter du soutien constant et résolu que m’a accordé M. le président de la commission.

Je crois avoir rempli la mission qui m’avait été confiée, puisque je m’étais engagé à m’en tenir au protocole d’accord.

M. Charles Pasqua. Très bien !

M. Dominique Braye, rapporteur. Je présentais ce soir mon dernier rapport devant la Haute Assemblée. En effet, j’ai décidé de ne pas me présenter aux élections sénatoriales de septembre prochain.

Mme Nicole Bricq. On va vous regretter !

M. Dominique Braye, rapporteur. En cette circonstance, je voudrais remercier particulièrement les fonctionnaires qui m’ont aidé, au sein de la commission, à accomplir ma tâche. Leur compétence et leur disponibilité m’ont été infiniment précieuses, et j’ai eu grand plaisir à travailler avec eux. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l’économie.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie. À cet instant, je voudrais redire combien le Bourguignon que je suis a eu plaisir à présider la commission spéciale sur le Grand Paris.

Je salue l’initiative des auteurs de cette proposition de loi. Dès le début, au sein de la commission, une volonté commune de la faire aboutir s’est dégagée ; ce n’est pas si fréquent s’agissant d’un texte émanant de l’opposition.

Mme Nicole Bricq. À la commission des finances, on n’en a pas l’habitude !

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie. Je remercie l’ensemble des participants à ce débat, qui a débouché sur un vote presque unanime, ce dont je me réjouis.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à dix-neuf heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter la mise en chantier des projets des collectivités locales d'Ile-de-France
 

7

 
Dossier législatif : proposition de loi  tendant à faciliter l'utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure
Discussion générale (suite)

Réserves militaires et civiles

Adoption d'une proposition de loi

(Texte de la commission)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi  tendant à faciliter l'utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, de la proposition de loi tendant à faciliter l’utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure, présentée par M. Michel Boutant et Mme Joëlle Garriaud-Maylam (proposition n° 194, texte de la commission n° 344, rapport n° 343).

Mes chers collègues, M. Boutant, auteur de cette proposition de loi, devant rejoindre ce soir son département de la Charente pour participer demain à l’élection du président du conseil général, j’invite tous les orateurs à la concision.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Boutant, auteur de la proposition de loi.

M. Michel Boutant, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que j’ai l’honneur de présenter avec ma collègue Mme Garriaud-Maylam, qui, retenue au Chili, vous prie d’excuser son absence, est le résultat d’une mission sur l’utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure qui nous a été confiée par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .

Au cours de cette mission, nous avons auditionné une cinquantaine de personnes. Ce travail de six mois a débouché sur un rapport qui dresse un tableau des différentes réserves, établit un diagnostic et émet des propositions concrètes pour améliorer l’efficacité des réserves. La présente proposition de loi reprend l’une des conclusions de ce rapport.

Nous sommes partis du constat que la France devait se préparer à faire face à des crises de toute nature, qu’elles soient d’ordre militaire, sécuritaire ou sanitaire, ou encore consécutives à une catastrophe naturelle ou à un désastre technologique, voire les deux à la fois, comme celle que connaît actuellement le Japon.

Le pire n’est jamais sûr, mais il est du devoir des pouvoirs publics de s’y préparer, tout en ayant conscience que le danger se présentera sous une forme que nous n’aurons sans doute pas prévue.

Dans le prolongement du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, nous nous sommes interrogés sur la capacité des pouvoirs publics à faire face à ces crises, en fonction de chaque type de scénario.

Nous avons donc étudié le recours aux réserves sous l’angle des situations de crise. Nous avons dressé un bilan de la montée en puissance des réserves militaires, bien sûr, qui forment plus de 90 % des effectifs, mais aussi de celle des réserves civiles, qui se sont constituées plus récemment : réserve de la police, réserve sanitaire ou réserve communale de sécurité civile.

Nous avons constaté que ces réserves remplissent aujourd’hui deux fonctions majeures.

Tout d’abord, elles constituent un renfort ponctuel dans le cadre d’activités programmées du quotidien. Les réserves servent alors d’appoint, de forces intérimaires. Le cas le plus emblématique est celui de la gendarmerie, qui utilise l’été plus de mille réservistes par jour, pour faire coïncider au mieux ses effectifs avec ses engagements. Cette activité programmée, qui mobilise les réservistes en moyenne vingt jours par an, permet d’entraîner et d’entretenir des réserves professionnelles. Elle est essentielle à la deuxième fonction des réserves, celle qui nous intéresse aujourd’hui, consistant à compléter les forces d’active en situation de crise.

Les crises majeures sont celles qui peuvent conduire à saturer, dans la durée, les capacités des forces d’active, des administrations et des services de secours.

Dans les premières heures d’une crise, ce sont évidemment les professionnels qui interviennent. En revanche, les réserves peuvent être très utiles, voire indispensables, pour tenir dans la durée et pour permettre une rotation des effectifs.

À petite échelle, c’est un système qui fonctionne déjà de façon assez remarquable dans les états-majors des zones de défense. Ces états-majors comptent 75 % de réservistes, comme nous l’avons constaté à Bordeaux, où une telle structure a dû gérer la crise consécutive à la tempête Xynthia, voilà maintenant un peu plus d’un an.

Dans le contexte structurel de diminution des effectifs des personnels de l’État, il nous paraît important que les pouvoirs publics puissent, en cas de crise majeure, faire appel à des renforts de professionnels entraînés. Les réserves militaires et civiles ont vocation à répondre à ce besoin.

Il faudrait, nous dit-on, évacuer plus de 800 000 personnes en cas de crue de la Seine, sécuriser des milliers de sites en cas de vague d’attaques terroristes. Il est donc important, sinon essentiel, que les pouvoirs publics puissent compter sur un renfort constitué de volontaires formés, intégrés aux forces d’active et pleinement opérationnels.

Or, lors de notre mission, nous avons constaté que les réserves, telles qu’elles sont organisées aujourd’hui, ne sauraient contribuer efficacement à la gestion de crises majeures, pour deux raisons principales, tenant au manque de disponibilité et de réactivité des réservistes.

Le premier constat est que la disponibilité réelle des réservistes n’est pas vérifiée.

Il y a, d’un côté, le problème de la multiplication des filières de réserve et de la possibilité, pour un réserviste, d’appartenir à plusieurs réserves. Ce problème est réel, mais relativement marginal.

Il y a, de l’autre côté, la question des réservistes ayant comme activité principale un emploi où ils sont fortement sollicités en période de crise. Cela concerne toutes les personnes qui travaillent dans des services de sécurité ou de secours, comme les policiers ou les pompiers, mais aussi les policiers municipaux, ainsi que tous les salariés qui sont intégrés dans des plans de continuité d’activité d’administrations ou d’entreprises essentielles au bon fonctionnement du pays. Je pense en particulier ici à France Télécom, à la SNCF, à EDF, bref à ce que le code de la défense appelle les opérateurs d’importance vitale.

S’il est nécessaire de pouvoir disposer des réservistes en cas de crise, il faut s’assurer que ces salariés-là ne soient pas mobilisés. Il est en effet dans l’intérêt collectif qu’ils participent dans leur poste de travail à la gestion de la crise. D’ailleurs, dans la plupart des cas, ils ne viendraient pas si on le leur demandait, mais encore faut-il le savoir, et déterminer sur qui les réserves peuvent réellement compter. Aujourd’hui, aucun dispositif d’identification ne permet de mesurer l’importance de ces doubles appartenances, ni d’organiser des priorités.

Le second constat est celui de l’absence de réactivité des réservistes en cas de crise.

Actuellement, le code de la défense prévoit, par exemple, que le réserviste militaire ayant signé un contrat d’engagement à servir dans la réserve, ou ESR, qui souhaite accomplir une mission pendant son temps de travail doit prévenir son employeur avec un préavis d’un mois. Si la durée de cette activité dépasse cinq jours, l’employeur a la possibilité de refuser le départ de son salarié. On comprend, dans ces conditions, que la réserve n’est pas conçue et pensée comme un outil de réponse aux situations de crise : un mois de préavis, cinq jours de disponibilité, ce n’est pas adapté !

Nous sommes donc partis de ce constat pour élaborer un mécanisme qui permette de mobiliser les réservistes plus rapidement, pour des durées plus longues, sans pour autant modifier les règles de gestion quotidienne des réserves.

En effet, il nous a paru important de ne pas alourdir les contraintes qui pèsent au quotidien sur les réservistes et sur les entreprises qui les emploient. Il y a là un équilibre fragile qu’il convient de préserver, si l’on ne veut pas tarir le recrutement de volontaires.

En conséquence, nous n’avons pas voulu modifier les règles de gestion des réserves pour les activités programmées des réservistes. En revanche, nous avons souhaité créer un instrument pour répondre à des besoins exceptionnels, dans des circonstances exceptionnelles.

Nous l’avons fait après avoir constaté que les régimes juridiques d’exception, comme l’état d’urgence ou la mobilisation générale, n’étaient pas adaptés. Certains d’entre eux ne visent pas les réservistes, les autres sont tellement attentatoires aux libertés publiques que l’on imagine mal qu’ils puissent être utilisés en cas de catastrophe naturelle, de pandémie ou de crise terroriste.

Accroître la réactivité, mieux cerner la disponibilité des réservistes, ne pas alourdir les contraintes des employeurs, voire faciliter l’emploi des réservistes au sein des entreprises par le biais d’une disposition fiscale : monsieur le ministre, mes chers collègues, telles furent nos motivations.

Partant de là, nous avons été amenés à élaborer un régime juridique d’exception temporaire, définissant, en cas de crise majeure, des règles de mobilisation des réserves contraignantes et dérogatoires au droit commun.

Le dispositif que nous vous présentons, dit « de réserve de sécurité nationale », est distinct des régimes juridiques d’exception, mais il s’insère lui aussi dans le chapitre du code de la défense dédié aux régimes d’application exceptionnelle. Nous contournons ainsi la question de la modernisation de ces régimes d’exception, pour nous concentrer sur celle des réserves. Cette modernisation reste néanmoins une nécessité.

Ce texte définit un régime spécifique aux cas de crise majeure, dont la mise en œuvre sera déclenchée par décret du Premier ministre. Ce régime d’exception temporaire ne concerne évidemment que les citoyens engagés dans les réserves militaires et civiles. Le décret définira la durée du préavis et celle de la mobilisation, dans la limite de trente jours renouvelables.

Ce texte offre aux forces armées et aux administrations disposant de réserves civiles un régime juridique qui leur permettra, si elles le souhaitent, de mobiliser, en plus des forces d’active immédiatement engagées dans la gestion de la crise, des forces de réserve, dans un délai plus rapide et pour une période plus longue que ce qui est prévu dans le cadre des activités programmées des réservistes.

Ce cadre juridique vise ainsi à fiabiliser l’engagement de réservistes dans la gestion d’une crise majeure. Il devrait permettre leur intégration dans les différentes planifications de crise.

À l’évidence, le recours à cette forme de contrainte qu’est la mobilisation doit être réservé à des événements majeurs qui, par leur ampleur ou leur durée, saturent les capacités des forces d’active des armées, des forces de protection civile et des services de secours.

Il ne s’agit pas de mobiliser les réservistes tous les quatre matins, et c’est pourquoi nous avons prévu que le dispositif ne puisse être utilisé qu’« en cas de survenance d’une crise majeure dont l’ampleur met en péril la continuité des services de l’État, la sécurité de la population ou la capacité de survie de la nation ». Dans ces circonstances, et dans ces circonstances seulement, le Premier ministre pourra recourir à cette forme de mobilisation. Les réservistes seront alors dans l’obligation de rejoindre leur affectation, sous peine d’amendes, lorsque l’autorité dont ils relèvent au titre de leur engagement les convoquera.

Ce n’est pas le Premier ministre qui les convoquera, mais bien les autorités gestionnaires des réserves. Le dispositif proposé prévoit que les prérogatives des ministères en matière de gestion de leurs réservistes seront strictement respectées. Les réservistes seront ainsi convoqués et employés par le ministère dont ils dépendent.

Sur ce point, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale suggérait une autre solution, en préconisant une gestion interministérielle des réserves militaires et civiles. Nous avons étudié cette hypothèse. Elle nous est apparue, à l’examen, contradictoire avec l’intégration de ces réserves aux forces d’active.

Dans les armées et la gendarmerie nationale, les réservistes sont gérés et entraînés parmi les autres militaires et avec eux. Dès lors, parler d’une gestion interministérielle des réserves militaires et civiles, mettre en place une sorte de « pot commun » des réserves n’a guère de sens. Les réservistes sont à la fois attirés par un engagement volontaire et par un métier spécifique au titre duquel ils ont choisi de servir. Modifier de façon importante le fonctionnement actuel des différentes réserves pourrait entraîner un effondrement des effectifs. Pour toutes ces raisons, nous avons souhaité préserver leur autonomie de gestion.

Il nous semblerait toutefois utile, monsieur le ministre, d’harmoniser certaines règles. Il est sans doute peu compréhensible, pour les employeurs, qu’un réserviste ait un droit non opposable à cinq jours d’activité par an quand il sert dans l’armée, mais à dix jours quand il relève de la police, et que la durée du préavis soit également différente.

Tout au long de notre travail, nous avons estimé que les entreprises, en tant qu’employeurs de réservistes, constituaient un élément central du dispositif. Nous avons la conviction que la qualité et les performances de nos réserves dépendront de la qualité des relations que les différentes réserves sauront nouer avec les employeurs.

C’est pourquoi nous avons proposé, dans le titre II de la proposition de loi, intitulé « Des entreprises employant des réservistes », l’extension aux réservistes des dispositions relatives au mécénat. Il s’agissait de permettre que les entreprises, qui maintiennent les salaires des réservistes pendant leur activité au titre de la réserve, puissent déclarer ces dépenses au titre du mécénat.

La commission a supprimé cette disposition. Je comprends les réticences de son rapporteur, mais je crois que des actions doivent être menées pour valoriser les entreprises qui emploient des réservistes. Tous les rapports sur les réserves soulignent cette nécessité, mais peu de choses ont été faites à cet égard.

Monsieur le ministre, nous n’avancerons pas sur ce dossier si nous n’impliquons pas davantage les employeurs des réservistes. Vous nous avez dit, en commission, que vous nous présenteriez des propositions visant à inciter les entreprises à contribuer au bon fonctionnement des réserves : sachez que ces propositions sont attendues.

Les entreprises sont également au cœur d’un des amendements de la commission concernant la rénovation du service de défense. Cette rénovation permettra, en cas de crise, aux opérateurs d’importance vitale de maintenir à leur poste les salariés participant aux plans de continuité d’activité et de les exempter de toute mobilisation. C’est une bonne chose. Comme nous l’avons vu après la tempête Xynthia, l’enjeu, une fois passé le pic de la crise, est le rétablissement de la distribution d’électricité et d’eau, des télécommunications, des liaisons routières et ferroviaires.

En conclusion, mes chers collègues, j’ai la conviction que ce texte peut être utile, mais j’ai aussi le sentiment qu’après son adoption il faudra aller plus loin, notamment dans deux directions.

En premier lieu, l’intervention des réserves en temps de crise sera d’autant plus performante que leur mode de fonctionnement en période normale sera efficace. C’est particulièrement vrai des réserves militaires. De ce point de vue, je crois que nous sommes tous d’accord sur la nécessité d’aborder une nouvelle étape dans la définition et la gestion d’une réserve militaire plus compacte, plus réactive et mieux formée.

Monsieur le ministre, je souhaiterais que vous saisissiez cette occasion pour nous indiquer vos intentions dans ce domaine. Vos prédécesseurs avaient lancé des chantiers sur la définition des besoins, sur le format et l’organisation territoriale des réserves, sur la gestion des ressources humaines. Après le temps de la réflexion, voici venu, nous semble-t-il, le temps de la décision. Les réserves et les réservistes ont besoin de savoir où ils vont, comment ils s’intègrent dans la transformation des armées qui est en cours.

En second lieu, il est nécessaire de renforcer les réserves civiles.

La tentation de recourir aux réserves militaires pour des missions civiles ou celle de fondre les réserves dans une réserve commune de citoyens volontaires résultent, dans une large mesure, de la faiblesse des réserves civiles, de création, il est vrai, beaucoup plus récente. Je pense ici à la réserve sanitaire, qui peine à atteindre les objectifs assignés, ainsi qu’aux réserves communales de sécurité, qu’il convient de relancer. Les retours d’expérience montrent qu’on ne dispose pas, en France, d’une réserve suffisante pour accompagner la montée en puissance d’un plan « pandémie », que ce soit sur le plan médical ou sur le plan administratif.

Notre pays ne dispose pas non plus, comme l’Allemagne, d’une réserve de protection civile susceptible de venir au secours des populations lors de ce que j’appellerai « l’après-après-crise ». Lorsque les secours sont déjà intervenus, les pompiers partis, les projecteurs des médias tournés vers de nouveaux événements, de nombreuses opérations de déblayage et de soutien aux personnes sont nécessaires.

Or, dans cette phase, les services publics sont débordés, les services de secours, qui ont donné toute leur mesure au moment de la crise, considèrent que la situation ne relève plus du secours ni de l’urgence. Dès lors, les victimes de ces catastrophes se trouvent démunies, sans assistance pour dégager les voies de circulation ou vider les maisons dévastées. Certes, les bonnes volontés s’organisent. Mais elles sont parfois peu nombreuses au regard des besoins. Elles sont naturellement peu structurées. Bien sûr, des leaders naturels s’imposent, soit par leur charisme, soit par leurs fonctions, notamment électives. Mais je regrette qu’il n’existe pas, pour cette phase-là, un mode d’organisation structuré qui permettrait de décupler les moyens des services publics en vue d’assurer le retour à la normale.

Or, une des pistes pour répondre à ce besoin est de renforcer les réserves de sécurité civile. C’est pourquoi cette proposition de loi devra, me semble-t-il, être complétée, dans un second temps, par un volet relatif au code général des collectivités territoriales.

Je voudrais, à travers vous, monsieur le ministre de la défense, interpeller votre collègue le ministre de l’intérieur sur la nécessité de réfléchir à l’opportunité de plusieurs mesures : l’instauration d’une obligation, pour les plans communaux de sauvegarde, de comporter un volet relatif aux réserves communales de sécurité civile ; la création de réserves départementales de sécurité civile, d’autant plus souhaitable depuis que les effectifs des directions départementales de l’équipement ont été transférées au département ; la possibilité de rémunérer les réservistes communaux au même titre que les autres réservistes.

Je suggère par ailleurs, au vu des retours d’expérience des tempêtes Martin, Klaus et Xynthia, d’engager une réflexion sur la mise en place d’une réserve de protection civile destinée à renforcer les moyens des préfectures. Ces dernières ont besoin de renforts pour le suivi et la gestion des crises, sur le modèle de ce qui est fait dans les états-majors militaires. Une piste serait d’ouvrir cette réserve aux pompiers professionnels retraités.

J’invite donc le ministère de l’intérieur à se saisir de ce dossier, au titre de ses compétences en matière de collectivités locales, mais également de conduite et de planification de la gestion des situations de crise sur le territoire national.

En attendant, je souhaite que ce texte apporte une modeste contribution, venant s’ajouter à l’ensemble des mesures prises à la suite de la parution du Livre blanc pour améliorer la capacité de la France à répondre à des crises tant sur la scène internationale que sur le territoire national. Je crois qu’il peut être utile pour accroître la capacité du pays et des pouvoirs publics à résister aux conséquences d’une agression ou d’une catastrophe majeure.

C’est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, en mon nom et en celui de Mme Garriaud-Maylam, de bien vouloir voter ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères, rapporteur.

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais, en préambule, remercier et féliciter très chaleureusement M. Boutant et Mme Garriaud-Maylam du remarquable travail qu’ils ont effectué. Ils sont allés au fond du sujet, et leur rapport est un document de référence, dont tous les destinataires disent, à juste titre, le plus grand bien.

En étudiant la question des réserves sous l’angle des situations de crise, ils ont, me semble-t-il, abordé le problème de la bonne manière.

En effet, les crises sont des moments de vérité, des circonstances où les forces d’active des armées, des services de police et de secours sont mises à l’épreuve, une épreuve où leurs capacités peuvent se trouver saturées en raison de la durée ou de l’intensité de la crise.

C’est dans ces instants-là que l’existence des forces d’appoint que constituent les réserves prend tout son sens. C’est dans ces moments-là que l’on voit si un dispositif comme celui des réserves fonctionne ou pas.

De ce point de vue, le travail remarquable de nos collègues n’a pas manqué, monsieur le ministre, de susciter certaines inquiétudes. À la vérité, nous ne sommes pas sûrs, comme l’a dit Michel Boutant, que si demain la France connaissait le même drame que le Japon, que si nous avions à revivre une vague d’attentats ou à intervenir, massivement et dans la durée, sur plusieurs théâtres d’opération, nous pourrions compter sur un dispositif de réserves pleinement opérationnel.

Cette proposition de loi est née de cette inquiétude. Ses auteurs, et c’est tout l’intérêt de leur démarche, sont partis de la question des besoins des forces d’active. Au-delà du dispositif juridique, que la commission – je le souligne – a adopté à l’unanimité, il faudra, me semble-t-il, monsieur le ministre, prolonger cette interrogation sur les besoins.

En matière de recrutement, d’entraînement et d’affectation, l’État doit savoir dans quel cadre, pour quel emploi, pour quels scénarios les pouvoirs publics auront besoin de recourir à des réservistes. C’est cette question-là qui doit guider la définition du format des réserves, de leur composition et de leur organisation.

Les réservistes doivent être utiles à leurs employeurs, et les besoins ont changé. Ils ont changé, parce que les menaces se sont diversifiées, parce que les armées se sont professionnalisées. La réserve de masse des journées de mobilisation des deux guerres mondiales ou même de la guerre d’Algérie n’a plus lieu d’être. Il nous faut une réserve de professionnels à temps partiel ; il nous faut oublier les schémas anciens de la mobilisation générale, de la nation en armes, pour mettre en place une réserve professionnalisée, entraînée et intégrée aux forces d’active.

Or, l’organisation actuelle des réserves conserve, à certains égards, les traces de cette réserve de conscription. La professionnalisation des armées est aujourd’hui achevée. Sans doute devons-nous franchir une étape dans la professionnalisation des réserves. Cette proposition de loi y contribuera, en renforçant la réactivité et la fiabilité du recours aux réservistes en cas de crise majeure.

Ce texte concerne les réserves militaires, bien sûr, mais également les réserves civiles naissantes. En cela aussi, il répond à l’évolution des besoins.

Les menaces qui pèsent sur notre territoire national sont aujourd’hui aussi bien militaires que civiles. Les risques potentiels, qu’ils soient d’origine naturelle, sanitaire, technologique ou terroriste, sont autant de puissants facteurs de déstabilisation pour la population et les pouvoirs publics. Les illustrations de ce fait ne manquent pas, hélas !

Le dispositif proposé, dit « de réserve de sécurité nationale », offre une réponse adaptée à ces menaces, qui sont au cœur du continuum sécurité-défense.

Cela ne signifie pas qu’il ne faille pas rester dans une logique de métier. Je suis de ceux qui pensent que les réserves militaires doivent demeurer affectées à des tâches militaires. Nous perdrions, me semble-t-il, en compétences à constituer un grand réservoir de bonnes volontés, composé de réservistes civils et militaires.

Les réserves militaires – faut-il le rappeler ? – doivent d’abord servir de complément aux forces militaires d’active, notamment en cas de projection massive des armées françaises à l’étranger. Il faut savoir que, en l’état de nos effectifs, une projection massive et simultanée de nos forces sur plusieurs théâtres d’opération ne pourrait durer plusieurs mois sans le recours aux réservistes, soit pour remplacer des hommes sur le territoire national, soit pour les envoyer eux-mêmes sur les théâtres d’opération. Je ne crois pas que l’environnement international soit suffisamment prévisible pour que l’on puisse totalement exclure cette seconde hypothèse. L’actualité témoigne tous les jours que ce qui était impensable hier peut devenir demain notre quotidien.

Cela ne veut pas dire que les armées ne doivent pas être mises à contribution lors de crises d’ordre civil, en particulier à l’occasion de catastrophes naturelles. Bien au contraire, chaque fois que leur savoir-faire et leurs matériels sont indispensables, les armées doivent, pour la gestion des crises, se mettre à la disposition des autorités civiles. On l’a vu lors de la tempête Xynthia : sans l’intervention des hélicoptères Super Puma, le nombre de morts aurait été autrement plus important. Les Français doivent pouvoir compter sur le savoir-faire des armées pour assurer leur sécurité.

En ce sens, cette proposition de loi va contribuer à renforcer la résilience de la nation. C’est une réforme peut-être modeste dans sa formulation, mais utile pour accroître la capacité des pouvoirs publics à assurer la continuité de l’État. Car on le voit, dans un Japon meurtri par le séisme et le tsunami, ce qui est au cœur de la demande des citoyens à l’égard de l’État, c’est le rétablissement du fonctionnement régulier des services publics de base. Or, les réserves militaires et civiles ont vocation, lorsque les forces d’active sont débordées, à contribuer à ce rétablissement. L’objet même de cette proposition de loi est de rendre cette contribution opérationnelle.

En ce qui concerne le dispositif lui-même, le texte proposé par nos collègues nous a semblé à la fois pragmatique et utile. Je voudrais en souligner un aspect important, à savoir la souplesse de l’instrument. En effet, il s’agit non pas d’une mobilisation générale des réservistes, mais de la possibilité, pour le Premier ministre, de permettre aux administrations qui gèrent les réserves de mobiliser, selon leurs besoins, des réservistes de leur choix.

Paradoxalement, on aboutit, il est vrai, à l’introduction d’une forme de contrainte dans un régime de volontariat, par la réquisition de volontaires.

Au quotidien, le réserviste est, à chaque instant, en mesure d’accorder ou non son temps à son corps de rattachement. Ce dernier a, de son côté, le choix d’utiliser ou non ce réserviste. La mise en œuvre du dispositif de la proposition de loi viendra rompre temporairement cet équilibre, en permettant de contraindre le réserviste à répondre présent. Il restera un volontaire, librement engagé dans la réserve, mais il sera, en cas de circonstances exceptionnelles, requis d’accepter la mission qu’on lui confiera au nom de l’intérêt général d’une nation en crise.

La commission que j’ai l’honneur de présider a adopté ce dispositif à l’unanimité. Elle a, en revanche, supprimé le volet fiscal de la proposition de loi ; je voudrais m’en expliquer.

Sur le fond, nous estimons justifié d’aider les entreprises qui emploient des réservistes. Il est normal d’aider des employeurs qui acceptent de se séparer de leurs salariés vingt jours par an : c’est une forme de civisme qu’il convient d’encourager.

Cependant, la solution trouvée nous a laissés sceptiques. Une telle disposition fiscale risquait d’être assez complexe à mettre en œuvre. Le dernier dispositif de ce genre a été rendu d’ailleurs tellement complexe par les services fiscaux que pratiquement aucune entreprise n’a cherché à en bénéficier. De plus, symboliquement, il était difficile d’expliquer que lorsqu’une entreprise laisse partir ses réservistes pour qu’ils aillent porter secours aux victimes d’une catastrophe, elle puisse être rétribuée au titre du mécénat.

Au-delà de ces objections, nous considérons que cette mesure de nature fiscale devait être discutée lors de l’examen du projet de loi de finances. À un moment où le Gouvernement souhaite inscrire dans la Constitution un monopole des lois de finances pour l’ensemble des mesures fiscales, il ne paraissait pas opportun de déroger à cette règle de bonne gestion qui s’impose déjà à l’exécutif.

Il reste que la motivation de fond demeure. Je crois, avec Michel Boutant et Joëlle Garriaud-Maylam, que la qualité de nos réserves dépendra de la qualité des relations que l’État saura entretenir avec les entreprises employant des réservistes. Dès lors, monsieur le ministre, qu’entendez-vous faire pour inciter les entreprises à employer des réservistes ?

La commission a par ailleurs adopté, sur mon initiative, un nouvel article, afin d’adjoindre à la proposition de loi un toilettage du dispositif dit « du service de défense ».

Le texte de nos collègues prévoit, lorsque le dispositif de réserve de sécurité nationale sera déclenché, que les réservistes seront dans l’obligation de rejoindre leur affectation. Toutefois, ceux qui sont employés au sein d’une entreprise ou d’une administration essentielle au bon fonctionnement du pays pourront déroger à cette obligation.

Les personnes indispensables au fonctionnement de leur administration ou de leur entreprise, notamment dans les domaines des télécommunications, des transports ou de l’énergie, ne doivent évidemment pas être réquisitionnées. Elles doivent contribuer, dans leur poste, à la gestion de la crise et au rétablissement de la situation au sein de leur entreprise. C’est de bonne gestion, et cela a été prévu.

Mais cette préoccupation liée à la continuité de l’action des services de l’État et des opérateurs est également au cœur du dispositif dit « de service de défense ». Or, la proposition de loi ne modifie pas ce dispositif, qu’il est pourtant nécessaire de rénover.

Ce système, créé à la fin des années cinquante, souffre en effet, sous sa forme actuelle, d’insuffisances importantes. Bien qu’il ait été adapté en 1999, il n’est pas mis en œuvre. Son dispositif juridique le lie étroitement à des situations, telle la mobilisation, devenues aujourd’hui improbables.

Rénover ce dispositif présente l’intérêt de bien coordonner les obligations qui résultent du service de défense avec celles qui sont liées à la proposition de loi. Mais cela permet surtout de rendre opérationnel un mécanisme essentiel à la capacité des opérateurs d’importance vitale à résister aux conséquences d’une agression ou d’une catastrophe majeure, puis à rétablir rapidement leur fonctionnement normal. Nous retrouvons cette préoccupation d’assurer, en toute circonstance, la continuité de l’État et des services publics de base.

En conclusion, je voudrais souligner plusieurs points.

Je dirai d’abord quelques mots sur la méthode.

On a parfois douté de la capacité d’initiative du Parlement. Certains jugent que la qualité des propositions de loi ne peut pas rivaliser avec celle des projets de loi, qui font l’objet d’une longue préparation, fruit d’un diagnostic approfondi que seules les administrations prennent le temps d’établir. Le travail de nos collègues apporte un démenti à cette idée. Partant des travaux du Livre blanc, les auteurs de la proposition de loi ont mené, depuis près d’un an, un travail de réflexion méthodique, qui débouche aujourd’hui sur ce texte, lequel a fait l’objet, au cours de la mission, d’un dialogue fourni au sein d’un groupe de travail animé par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale. Celui-ci a bien voulu assurer, avec les services du Sénat, une coordination interministérielle, afin que ce texte puisse être analysé, commenté et enrichi par l’ensemble des administrations concernées.

Cette proposition de loi est donc le fruit d’un dialogue construit entre le législatif et l’exécutif, selon une démarche qui nous semble être de bonne méthode et à l’honneur du travail parlementaire.

Ce travail est une première étape. Je crois que ce texte doit être accompagné d’une remise à plat de la politique des réserves, qui permette, dans un premier temps, de préciser les besoins, les emplois et le format des réserves dont les pouvoirs publics ont besoin.

Avons-nous besoin d’un million de jours d’activité de réservistes pas an ? Les armées savent-elles former, entraîner et employer 40 000 réservistes hors gendarmerie ? Ne faut-il pas réduire le format et augmenter la durée moyenne d’activité ?

Rien ne sert de faire du chiffre, d’afficher des formats qui reflètent la nostalgie des armées de conscription. Je ne citerai à cet égard qu’un chiffre, que je vous laisse méditer : 60 % des réservistes qui ne renouvellent pas leur contrat ont effectué moins de cinq jours d’activité dans l’année qui précède leur départ. Des réservistes quittent la réserve faute de se sentir utiles : doit-on les en blâmer ?

Dans un second temps, il faut, me semble-t-il, améliorer la gestion quotidienne des réserves. On ne peut que s’étonner des délais de paiement des soldes des réservistes ou de la lourdeur des procédures, sujets dont on parlait déjà voilà dix ans et qui demeurent d’actualité…

On s’interroge souvent sur ce que l’on pourrait faire pour valoriser l’engagement des réservistes. Je crois qu’il n’est pas nécessaire de chercher bien loin : il faut bien les gérer, c’est-à-dire les payer en temps utile et avoir une gestion du personnel adaptée à leur condition ; il faut bien les utiliser, c’est-à-dire dans des emplois utiles et si possible en rapport avec leur qualification. Je rejoins ce qui a été dit : la meilleure valorisation du réserviste, c’est sa satisfaction. C’est en l’assurant que nous attirerons des jeunes.

Enfin, il faut à mon sens réfléchir à une refonte du contrat d’engagement des réservistes.

On ne peut que constater le caractère ambigu du contrat passé entre le réserviste et les armées : ambiguïté quant aux obligations réciproques des deux parties, ambiguïté quant au statut de l’employeur, qui, sans être partie au contrat, se trouve de fait engagé.

Les auteurs de la proposition de loi s’étaient inquiétés à juste titre, au cours de leur mission, de voir tant de volontaires taire leur appartenance à la réserve. Ils devraient, au contraire, pouvoir en être ouvertement fiers. Il est pour le moins anormal qu’il faille se cacher pour servir son pays ! Cette situation de clandestinité jette un doute sur l’efficacité du dispositif en cas de crise : peut-on vraiment compter sur un dispositif composé en majorité de clandestins ?

On comprend que les réservistes accomplissent l’essentiel de leurs jours d’activité pendant les week-ends et les vacances, mais le jour où les pouvoirs publics auront vraiment besoin d’eux ne tombera pas forcément un dimanche. Le chef d’entreprise ne doit pas découvrir ce jour-là l’appartenance de son salarié à la réserve ; il doit en avoir connaissance bien avant et pouvoir en anticiper les conséquences : c’est l’intérêt des entreprises, c’est aussi l’intérêt des armées que de disposer de réserves fiables.

C’est pourquoi la commission se demande si les armées n’auraient pas intérêt à sortir de l’ambiguïté du contrat actuel, pour consacrer le réserviste comme un militaire à temps partagé, et s’il ne faut pas aller vers un contrat tripartite de temps partiel adapté à la situation des réservistes.

Cette réflexion vaut pour l’ensemble des réserves, car, à n’en pas douter, il faudra, à terme, harmoniser les caractéristiques des contrats des réserves militaires et civiles. Michel Boutant l’a dit tout à l’heure, il n’est pas compréhensible, pour un employeur, que les règles soient différentes selon que le salarié est réserviste dans la police ou dans la gendarmerie. Tout n’a pas à être identique, mais il faut au minimum harmoniser les règles de préavis et de durée d’activité opposable.

Avec un contrat tripartite de temps partiel adapté à la situation des réservistes, il y aura peut-être de la « perte en ligne », mais ce que vous perdriez en termes d’effectifs, vous le gagneriez sans doute en fiabilité. C’est pourquoi nous vous demandons, monsieur le ministre, de bien vouloir réfléchir, dans un cadre interministériel, à l’opportunité d’instaurer un contrat tripartite de temps partiel fondé sur la polyactivité, équilibré au regard des responsabilités des deux employeurs, civil et militaire, cohérent avec les dispositifs fiscaux et sociaux.

La commission s’interroge également sur le statut des disponibles, c’est-à-dire des anciens militaires d’active soumis à une obligation de disponibilité pendant cinq années après leur départ des armées, qui forment la réserve opérationnelle de deuxième niveau.

Il convient, là encore, de sortir de l’ambiguïté, de bien peser les avantages et les inconvénients de l’abandon ou du maintien des disponibles et d’en tirer les conséquences. Les termes du débat sont aujourd’hui connus. Il faudra trancher et nous doter d’une véritable politique de réserves crédible, cohérente et opérationnelle, répondant aux besoins véritables de la nation.

En attendant, je vous invite, mes chers collègues à adopter ce texte, que la commission a voté à l’unanimité.

À cet instant, permettez-moi d’avoir une pensée pour nos soldats actuellement en opération en Afghanistan ou en Libye, mais aussi de saluer les réservistes qui participent aux opérations extérieures menées par notre pays et qui font preuve d’un très grand civisme.

Dans une société qui valorise plus que jamais la sphère privée, l’engagement dans les réserves suppose des arbitrages délicats avec son métier et sa vie de famille. Je salue cet engagement au service de la collectivité. Un réserviste, disait Churchill, c’est quelqu’un qui est deux fois citoyen : Churchill avait raison ! (Applaudissements.)