Sommaire

Présidence de M. Guy Fischer

Secrétaires :

Mmes Christiane Demontès, Sylvie Desmarescaux.

1. Procès-verbal

2. Dépôt de rapports du Gouvernement

3. Conventions internationales. – Adoption de cinq projets de loi en procédure d'examen simplifié (Textes de la commission)

Protocole additionnel à la convention révisée pour la navigation du Rhin. – Adoption du projet de loi

Protocole sur les privilèges et immunités de l’Autorité internationale des fonds marins. – Adoption du projet de loi

Protocole additionnel à la convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale. – Adoption du projet de loi

Accord sur les privilèges et immunités du Tribunal international du droit de la mer. – Adoption définitive du projet de loi

Accord-cadre avec l’Inde relatif à l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques. – Adoption définitive du projet de loi

4. Défenseur des droits. – Adoption des conclusions du rapport de deux commissions mixtes paritaire

Discussion générale commune : MM. Patrice Gélard, rapporteur pour le Sénat des deux commissions mixtes paritaires ; Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

MM. Jean-Pierre Sueur, Jacques Mézard, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Antoine Lefèvre.

MM. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; le garde des sceaux.

Clôture de la discussion générale commune.

Texte élaboré par la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique

Vote sur l’ensemble

M. Alain Anziani.

Adoption, par scrutin public, de l’ensemble du projet de loi organique.

Texte élaboré par la commission mixte paritaire sur le projet de loi

Adoption de l’ensemble du projet de loi.

5. Mise au point au sujet d'un vote

MM. Yves Détraigne, le président.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

6. Questions d’actualité au Gouvernement

débat sur la laïcité

MM. Jacques Mézard, le président, Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

éligibilité des syndicats intercommunaux à vocation scolaire à la dotation d’équipement des territoires ruraux

MM. Hervé Maurey, Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales.

apprentissage

M. François Patriat, Mme Nadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle.

impôt sur la fortune

MM. Bernard Vera, François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État.

taxis low cost

MM. Michel Houel, Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

politique des territoires

MM. Jean-Louis Carrère, Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

rapatriement des français installés dans les régions à risques

MM. Jean-Pierre Cantegrit, Henri de Raincourt, ministre chargé de la coopération.

gaz de schiste

M. Simon Sutour, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

bilan de la première année du service civique

M. Christian Demuynck, Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative.

contrôle des fraudes aux allocations sociales

Mme Catherine Deroche, M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

7. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Guy Fischer

vice-président

Secrétaires :

Mme Christiane Demontès,

Mme Sylvie Desmarescaux.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Dépôt de rapports du Gouvernement

M. le président. M. le Premier ministre a communiqué au Sénat :

- en application de l’article 8 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, le rapport d’information trimestriel sur la situation et les mouvements des comptes des organismes gestionnaires sur lesquels sont déposés les fonds versés au titre des programmes d’investissement créés par cette loi ;

- en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi n° 2010-238 du 9 mars 2010 visant à rendre obligatoire l’installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d’habitation ;

- en application de l’article 7 du décret n° 2009-1102 du 8 septembre 2009 relatif à la création du comité des usagers du réseau routier national et de l’article L. 19-8 du code de la voirie routière, le rapport sur la gestion du réseau autoroutier concédé.

Acte est donné du dépôt de ces rapports.

Le premier a été transmis à la commission des finances ; les deux autres à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Ils sont disponibles au bureau de la distribution.

3

Conventions internationales

Adoption de cinq projets de loi en procédure d'examen simplifié

(Textes de la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen de cinq projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.

Pour ces cinq projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.

Je vais donc les mettre successivement aux voix.

protocole additionnel à la convention révisée pour la navigation du rhin

Article unique

Est autorisée la ratification du protocole additionnel n° 6 à la convention révisée pour la navigation du Rhin signé à Strasbourg le 21 octobre 1999.

M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant la ratification du protocole additionnel n° 6 à la convention révisée pour la navigation du Rhin (projet de loi n° 356 [2009-2010], texte de la commission n° 280, rapport n° 279).

(Le projet de loi est adopté.)

protocole sur les privilèges et immunités de l’autorité internationale des fonds marins

Article unique

Est autorisée l'adhésion au protocole sur les privilèges et immunités de l'Autorité internationale des fonds marins, adopté le 27 mars 1998 à Kingston.

M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’adhésion au protocole sur les privilèges et immunités de l’Autorité internationale des fonds marins (projet de loi n° 357 [2009-2010], texte de la commission n° 282, rapport n° 281).

(Le projet de loi est adopté.)

protocole additionnel à la convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale

Article unique

Est autorisée la ratification du deuxième protocole additionnel à la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale, signé à Strasbourg le 8 novembre 2001, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’adhésion la ratification du deuxième protocole additionnel à la convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale (projet de loi n° 444 [2009-2010], texte de la commission n° 242, rapport n° 241).

(Le projet de loi est adopté.)

accord sur les privilèges et immunités du tribunal international du droit de la mer

Article unique

Est autorisée l'adhésion à l'accord sur les privilèges et immunités du Tribunal international du droit de la mer, adopté à New York le 23 mai 1997.

M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’adhésion à l’accord sur les privilèges et immunités du Tribunal international du droit de la mer (projet de loi n° 200 [2009-2010], texte de la commission n° 244, rapport n° 243).

(Le projet de loi est définitivement adopté.)

accord-cadre avec l’inde relatif à l’utilisation de l’expace extra-atmosphérique à des fins pacifiques

Article unique

Est autorisée l'approbation de l'accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l'Inde relatif à la coopération dans le domaine de l'utilisation de l'espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques (ensemble une annexe), signé à Paris le 30 septembre 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord-cadre entre le Gouvernement de la République de l’Inde relatif à la coopération dans le domaine de l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques (projet de loi n° 197, texte de la commission n° 326, rapport n° 325).

(Le projet de loi est définitivement adopté.)

4

Défenseur des droits

Adoption des conclusions du rapport de deux commissions mixtes paritaire

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions des commissions mixtes paritaires chargées d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique et du projet de loi ordinaire relatifs au Défenseur des droits (textes de la commission nos 337 et 338, rapport n° 336).

Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le rapporteur.

M. Patrice Gélard, rapporteur pour le Sénat des deux commissions mixtes paritaires. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, après deux lectures, il appartient aujourd'hui au Sénat d’examiner les conclusions des deux commissions mixtes paritaires portant sur les projets de loi organique et ordinaire relatifs au Défenseur des droits.

S’agissant d’abord du projet de loi organique, le garde des sceaux doit, à mon avis, se féliciter du travail tout à fait remarquable accompli par le Sénat. (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. Une fois de plus !

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Je me félicite toujours du travail du Sénat ! (Nouveaux sourires.)

M. Patrice Gélard, rapporteur. En effet, le texte initial que nous avions reçu du Gouvernement était incomplet, insatisfaisant, et il aurait été difficile à mettre en œuvre faute de précisions suffisantes.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. C’est peut-être un peu excessif !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Nous avions ainsi été amenés à compléter ce texte en y incluant la HALDE, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, et en développant les dispositions relatives à divers mécanismes internes du futur Défenseur des droits, concernant notamment les adjoints et les collèges, qui n’étaient pas prévus dans le texte initial.

Lors de la première lecture, nous étions animés par deux préoccupations.

D’une part, le Défenseur des droits ne devait pas avoir des attributions moindres que celles des autorités administratives indépendantes auxquelles il se substituait.

D’autre part, le Défenseur des droits ne devait pas devenir un « dictateur des droits » : il ne fallait pas qu’il soit seul à décider et, en tout état de cause, la multiplicité des fonctions qu’il aurait à remplir imposait qu’il soit assisté, d’où la création des adjoints et des collèges.

Cette attitude fut très largement reprise par l’Assemblée nationale lorsqu’elle examinât à son tour le projet de loi organique en première lecture.

Néanmoins, un certain nombre de difficultés subsistaient, qui ont pu être gommées, ou résolues, lors de la deuxième lecture, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.

Plusieurs choix que nous avions faits dès le départ ont été maintenus.

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté reste ainsi en dehors des institutions fusionnées dans le Défenseur des droits.

S’agissant ensuite du champ des compétences du Défenseur des droits, l’Assemblée nationale nous a suivis concernant la HALDE, comme elle l’a également fait en ne retenant pas, du moins en deuxième lecture, les actions collectives et en excluant des compétences les conflits qui pourraient surgir entre personnes morales de droit public.

Il restait cependant quelques points de désaccord à l’issue des deux lectures dans nos assemblées.

Le premier portait sur la composition des collèges.

L’Assemblée nationale avait prévu que deux des membres des collèges seraient nommés par le Défenseur des droits. Cette procédure de nomination revenait en définitive à « cloner » le Défenseur des droits puisqu’elle avait pour effet de donner à ce dernier, au lieu d’une seule voix, trois voix au sein des collèges, qui, je le rappelle, comptent neuf membres.

C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité – et l’Assemblée nationale s’est ralliée à notre position – que les personnalités qualifiées soient nommées non pas par le Défenseur des droits, mais, d’une part, par le président de l’Assemblée nationale, d’autre part, par le président du Sénat, qui nommeront chacun trois personnes dans deux des collèges et deux personnes dans le troisième.

Le deuxième point de désaccord qui demeurait entre nos collègues députés et nous avait trait à la consultation des collèges.

Notre position était claire : il s’agissait de faire en sorte que les nouveaux collèges n’aient pas moins de pouvoirs que ceux que détenaient auparavant, lorsqu’ils existaient, les collèges, s’agissant du moins de la CNDS, la commission nationale de déontologie de la sécurité, et de la HALDE, puisqu’il n’y avait pas de collège pour le Défenseur des enfants : le collège que nous avons institué ne pouvait donc pas être calqué sur un précédent.

En droit, le présent de l’indicatif, je le rappelle, vaut impératif et, dans le texte que nous avions adopté, le Défenseur des droits « consulte ». Or l’Assemblée nationale avait remplacé ce verbe au présent de l’indicatif par la formule : « peut consulter ».

La commission mixte paritaire s’est finalement ralliée à la position du Sénat, avec toutefois une nuance puisque, après le verbe « consulte », ont été ajoutés les mots : « sur toute question nouvelle ». Nous avons accepté cette rédaction, qui répond en fait à la nécessité d’éviter que le collège ne soit submergé par une multitude de requêtes et de recours divers de caractère répétitif ou de nature annexe.

Dès lors, nous avions réglé l’essentiel de nos désaccords.

Pour ce qui est des quelques précisions d’ordre plus ou moins contraignant qui pouvaient rester en discussion, je fais pour ma part confiance à l’institution du Défenseur des droits pour assurer elle-même son bon fonctionnement et pour développer des pratiques, à l’instar du Médiateur qui, alors que les textes ne le prévoyaient pas, s’est lui-même imposé de motiver ses actes.

Nos deux assemblées ayant donc trouvé un terrain d’entente, je vous invite, mes chers collègues, à adopter les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique.

S’agissant ensuite du projet de loi ordinaire, j’ai peu de choses à ajouter car l’accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat s’est fait pratiquement dès la première lecture.

Il y a juste eu le problème, qui a d’ailleurs fait l’objet d’une discussion parmi nous lors de la deuxième lecture, ayant pour origine l’ensemble des amendements relatifs à la CNIL, la commission nationale de l’informatique et des libertés, adoptés par l’Assemblée nationale au cours de sa première lecture.

Ces amendements étaient nécessaires du fait du risque de voir toute une série de décisions de la CNIL devenir inopérantes, et, partant, de voir l’action de la CNIL paralysée. Même si le lien entre la CNIL et le Défenseur des droits est très ténu, le Sénat avait accepté, en deuxième lecture, d’adopter l’ensemble de ces amendements. À ces derniers se sont ajoutés deux amendements, acceptés par la commission mixte paritaire. Même si je ne suis pas convaincu que leur rédaction soit parfaite, je pense que nous devons nous rallier à la proposition de la commission mixte paritaire afin de permettre à la CNIL de fonctionner correctement, au moins jusqu’au renouvellement – à l’automne – de son président.

Je me permets donc, mes chers collègues, de vous demander de suivre, ici encore, les conclusions de la commission mixte paritaire.

Enfin, monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je souhaite bonne chance au futur Défenseur des droits. Je souhaite surtout que l’on choisisse l’oiseau rare…

M. Patrice Gélard, rapporteur. … qui redonnera pleinement valeur à cette nouvelle institution ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, comme vient de le rappeler excellemment le doyen Gélard, nous arrivons au terme de la procédure parlementaire. Dans quelques instants, vous donnerez au Défenseur des droits, créé par la dernière révision constitutionnelle, les moyens de fonctionner. Avant d’entrer dans les détails – je serai bref, car le doyen Gélard a fort bien résumé les choses –, je voudrais insister sur le fait que les textes aujourd’hui soumis à l’examen du Sénat feront probablement du Défenseur des droits français l’ombudsman le plus puissant d’Europe. Il faut le savoir, et le dire !

Il faut replacer la création du Défenseur des droits dans un mouvement d’adoption, par l’actuelle majorité, de nombreux textes ayant eu pour objectif d’étendre la protection des libertés publiques. On ne le dit pas assez. Peu de gouvernements auront en effet porté aussi haut et aussi largement la protection des libertés publiques. Je tiens ainsi à rappeler quelques-uns des textes adoptés dans ce domaine par l’actuelle majorité : il s’agit d’abord de la question prioritaire de constitutionnalité, innovation dont nous constatons tous les jours l’efficacité – n’est-ce pas, monsieur Mézard ?...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est une mesure à géométrie variable !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Madame Borvo Cohen-Seat, je comprends que mon affirmation vous gêne quelque peu. Elle vous rappelle en effet toutes les occasions que vous avez eues d’apporter une pierre à cette construction en faveur des libertés publiques, et que vous avez manquées !

À la question prioritaire de constitutionnalité, il faut ajouter la loi pénitentiaire, qui marque de vrais progrès, l’institution du contrôleur général des lieux de privation de liberté, ainsi que le projet de loi relatif à la garde à vue, adoptée par le Sénat voilà quelques jours. Ces textes vont dans le même sens, et le Défenseur des droits s’inscrit parfaitement dans cet ensemble.

Ainsi que cela a été dit, la commission mixte paritaire est parvenue à un accord. Le Gouvernement accepte l’exercice souverain par les parlementaires de leurs attributions, au sein de la commission mixte paritaire. Monsieur le doyen Gélard, peut-être le texte d’origine n’était-il pas aussi imparfait que vous l’avez dit ?…

M. Patrice Gélard, rapporteur. Ah si !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Mais non !

Si vous voulez dire que le Gouvernement, comme le Sénat, croit aux mérites et aux vertus du débat parlementaire, vous avez eu raison de l’indiquer. En effet, à l’instar du Gouvernement dans son ensemble, je suis très attaché au débat parlementaire.

Nous sommes parvenus à un bon texte, qui donnera au Défenseur des droits tous les moyens de fonctionner.

Vous avez insisté à juste raison sur le rôle du Sénat, monsieur le rapporteur. Ainsi, dès la première lecture, le Sénat a étendu le périmètre de l’institution en y introduisant les missions de la HALDE et fixé les contours de l’organisation interne de la nouvelle autorité constitutionnelle. Il a prévu des adjoints spécialisés dans les principaux domaines d’intervention du Défenseur des droits, notamment un nommément désigné « Défenseur des enfants », ce qui assurera la visibilité de la mission de défense et de promotion des droits de l’enfant, domaine extrêmement sensible auquel nous sommes tous très attachés. Le Sénat a également considérablement développé les collèges placés auprès du Défenseur des droits, pour l’éclairer. Le Défenseur des droits disposera ainsi de tous les moyens propres à garantir l’efficacité de son action.

La commission mixte paritaire est parvenue à un accord. Par rapport au texte issu de l’Assemblée nationale, elle a souhaité modifier deux points majeurs, qu’a rappelés M. le rapporteur et sur lesquels je voudrais à mon tour insister.

Premièrement, grâce aux travaux de la commission mixte paritaire, le Défenseur des droits devra obligatoirement consulter les collèges placés auprès de lui lorsqu’il sera saisi d’une question nouvelle. Je me permets de rappeler à M. le rapporteur, éminent constitutionnaliste, que la Constitution, si elle prévoit l’existence des collèges, limite aussi leur rôle. Elle précise en effet que le Défenseur des droits « peut être assisté par un collège », ni plus ni moins.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Tout à fait !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Les collèges ne disposent donc, selon la Constitution, d’aucun pouvoir de décision. Il leur appartient d’assister et d’éclairer le Défenseur des droits. La formule à laquelle s’est ralliée la commission mixte paritaire est bonne. En effet, le dispositif retenu permettra d’assurer la participation des collèges à l’élaboration de la pratique institutionnelle du Défenseur des droits, sans que ces derniers soient submergés par des milliers d’affaires ne présentant pas de difficulté particulière.

Le fonctionnement de la HALDE est d’ailleurs similaire, puisque la plus grande partie des affaires qu’elle traite ne sont pas examinées par des collèges. Le contraire serait impossible. Le Défenseur des enfants n’était assisté d’aucun collège, et les conditions d’exercice de ses fonctions étaient néanmoins excellentes. Comme cela nous a été maintes fois répété, notamment par le Sénat. Sans collège ni adjoint, le système fonctionnait bien.

M. Patrice Gélard, rapporteur. C’est vrai !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le Défenseur des droits sera assisté d’adjoints et de collèges ! Cela sera par conséquent bien mieux qu’auparavant ! Le Défenseur des droits aura plus de pouvoirs que le Défenseur des enfants, ne l’oublions pas.

Deuxièmement, la commission mixte paritaire a introduit l’obligation faite au Défenseur des droits d’expliciter les motifs pour lesquels il décide de ne pas donner suite à une réclamation dont il est saisi. Le Gouvernement n’était pas favorable à cette mesure pour des raisons de cohérence. Cette obligation demeurera sans sanction puisque les actes du Défenseur des droits ne feront pas grief et ne pourront par conséquent pas être déférés devant le juge. Il n’en reste pas moins vrai qu’il est normal qu’une institution au service de la protection des droits et libertés des personnes fasse connaître les raisons qui, très légitimement, peuvent la conduire à ne pas répondre favorablement à une demande. Le Gouvernement se range par conséquent sagement (Sourires.) à la position du Parlement.

Les dispositions du projet de loi ordinaire relatives à la Commission nationale de l’informatique et des libertés ont été introduites par le Gouvernement à l’Assemblée nationale afin de permettre à cette commission de continuer à fonctionner. Tenons-nous-en à ce terme large. J’attire ici votre attention sur un point qui ne me paraît pas excellent. Toutefois, comme M. le rapporteur l’a dit, je pense que la CNIL aura la sagesse de ne pas utiliser les dispositions du texte qui ne sont pas excellentes.

Je souhaite enfin attirer l’attention du Sénat sur le dispositif choisi pour l’entrée en vigueur du Défenseur des droits. Celle-ci se fera en deux temps, afin de pallier la fin du mandat du Médiateur de la République, le 31 mars prochain.

Ainsi, dès la promulgation de la loi, un Défenseur des droits sera nommé et remplira les missions actuellement dévolues au Médiateur de la République. Deux mois plus tard, le Défenseur des droits remplira la totalité des missions qui lui sont confiées. La commission mixte paritaire a précisé que les deux textes entreraient en vigueur de façon concomitante, notamment dans le cas où le Conseil Constitutionnel ne serait pas saisi des deux textes.

Telles étaient les observations que je souhaitais faire, tout en rappelant l’accord du Gouvernement sur les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Yves Détraigne applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’institution d’un Défenseur des droits pourrait être une bonne idée s’il s’agissait de plus de droits, de plus de libertés, et de plus d’indépendance à l’égard de tous les pouvoirs, notamment le pouvoir exécutif.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. C’est le cas !

M. Jean-Pierre Sueur. J’insiste sur ce dernier point, monsieur le ministre, car vous savez qu’il n’en est rien.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Cela n’est pas vrai.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous avons déjà dit quelle était la réalité.

La Défenseure des enfants a fait preuve de beaucoup d’indépendance d’esprit.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Surtout pour préserver son poste !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes féroce !

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président de la commission des lois, vos paroles n’engagent que vous. N’oublions toutefois pas qu’elles vous engagent !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui, cela me regarde.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je suis d’accord avec M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Pierre Sueur. M. le rapporteur est donc solidaire de M. le président de la commission des lois.

La Défenseure des enfants s’est rendue dans les centres de rétention pour voir comment les enfants y étaient traités.

La HALDE s’est intéressée, en un temps, aux tests ADN, si chers au pouvoir exécutif. Mais cela ne vous concerne pas, monsieur le ministre, puisque, au moment où les mesures auxquelles je fais référence ont été prises, vous étiez sénateur et non pas membre du Gouvernement.

La Commission nationale de déontologie de la sécurité, la CNDS, a fait un travail absolument remarquable, en toute indépendance, sur les questions très difficiles de la déontologie des forces de sécurité – police et gendarmerie. Cette Commission, qui a beaucoup travaillé, a fait preuve d’une grande indépendance et d’un grand sérieux.

Nous avons dit, et sommes contraints de répéter, que la nouvelle construction qui sera adoptée par la majorité parlementaire reprend les choses en main dans une logique de centralisation. Nous sommes face à un nouvel avatar de ce que notre ami Robert Badinter appelle la monocratie.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Il y a participé !

M. Jean-Pierre Sueur. Vous contestez toujours ce terme, monsieur le ministre !

Il est pourtant patent que le Défenseur des droits est nommé par le Président de la République après des consultations qui resteront sans effet.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Vous dites cela gratuitement !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous n’en savons rien, c’est vrai…

M. Jean-Pierre Sueur. Il est patent que les adjoints sont proposés par le Défenseur des droits, nommé par le Président de la République, et qu’ils sont nommés par le Premier ministre ! J’ai déjà dit en seconde lecture que le pouvoir exécutif plus le pouvoir exécutif plus le pouvoir exécutif égalent le pouvoir exécutif !

Monsieur le ministre, quel progrès vers l’indépendance ! Mais vous savez bien que cette construction ne préserve pas l’indépendance des entités qui, bien qu’elles aient été nommées par le Président de la République,…

M. Patrice Gélard, rapporteur. Justement, pourquoi ne le seraient-elles pas ?

M. Jean-Pierre Sueur. … avaient conquis respect, autorité et indépendance.

Mais là, de quoi s’agit-il ? De tout mettre sous la même autorité. Les adjoints, dont nous avons longuement parlé, seront, disons-le, des « collaborateurs », terme cher en un temps à M. le Président de la République. Vous le savez très bien, ils n’auront pas d’autonomie, et les décisions prises par la commission mixte paritaire ne nous rassurent pas sur ce point.

Notre position, qui sera identique à celle que nous avons adoptée lors des première et deuxième lectures, eût été très différente si vous aviez accepté certaines des propositions que nous avions formulées, notamment le fait que les adjoints – Défenseur des enfants, HALDE, CNDS – fussent désignés par le Parlement,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Comme aujourd’hui !

M. Jean-Pierre Sueur. … comme cela se pratique dans certains pays, voire – pourquoi pas ? – à une large majorité, ce qui supposerait un accord entre la majorité et l’opposition.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Cela consiste à nommer les plus bêtes !

M. Jean-Pierre Sueur. Je sais que vous ne voulez pas d’un tel mode de désignation, mais nous persistons à le proposer, parce qu’il garantirait assurément la totale indépendance des instances et autorités en cause.

Si des arguments complémentaires étaient nécessaires, il suffirait de lire le compte rendu des travaux de la commission mixte paritaire. Certes – je veux vous en donner acte, monsieur le rapporteur –, le texte du Sénat, comme souvent, présentait des avantages par rapport à celui de l’Assemblée nationale.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela n’a pas duré !

M. Jean-Pierre Sueur. De cette réalité résultent quelques avancées ou plutôt de moindres reculs dus au Sénat.

En tout cas, quatre points sont très significatifs.

Premièrement, au terme de la commission mixte paritaire, le Défenseur des droits est la seule personne qui puisse juridiquement être saisie.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Cela résulte de la Constitution !

M. Jean-Pierre Sueur. Quel chef-d’œuvre de la centralisation ! Ainsi, on ne peut pas envoyer une lettre au Défenseur des enfants auquel on fait l’honneur de maintenir son titre, contrairement aux autres « collaborateurs ».

M. Patrice Gélard, rapporteur. On peut lui envoyer un courrier qu’il transmettra.

M. Jean-Pierre Sueur. Si quelqu’un lui écrit et si le facteur ne mentionne pas : « inconnu à l’adresse indiquée » sur l’enveloppe, il devra transmettre le courrier au Défenseur des droits. Celui-ci, s’il le veut bien, lui fera connaître le contenu de la lettre. En réalité, une seule personne reçoit tout ! Et je ne parle pas des courriers qui sont transmis au Médiateur de la République…

Le Défenseur des droits est donc une sorte d’autorité suprême désignée souverainement et dont les pouvoirs sont souverains. On est vraiment loin de la logique des autorités indépendantes !

Deuxièmement, alors que le Sénat l’aurait souhaité, il est impossible, au terme de la commission mixte paritaire, de demander une seconde délibération aux collèges.

Troisièmement, pour ce qui est de l’obtention de l’avis des collèges par le Défenseur des droits, le Sénat avait retenu ce verbe simple conjugué à l’indicatif valant impératif, selon la juste leçon de grammaire de M. Gélard : « consulte » ; mais l’Assemblée nationale ne voulait pas que l’on consultât simplement ; seule toute question nouvelle fera donc l’objet d’une consultation…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est le cas aujourd’hui ! C’est vous qui l’avez voulu…

M. Jean-Pierre Sueur. Certes, monsieur le président de la commission, et cette rédaction est meilleure que celle de l’Assemblée nationale. Il existe des degrés dans le jugement !

Mais qu’est-ce qu’une « question nouvelle » ? Je m’interroge en particulier par rapport aux attributions de la CNDS.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Chaque cas est nouveau !

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le doyen Gélard, votre remarque est importante. Elle figurera au procès-verbal et aidera à interpréter le texte qui résultera de nos travaux. « Chaque cas est nouveau », avez-vous dit. Autrement dit, pour vous, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire, le collège de la CNDS devra être saisi pour consultation de chaque cas.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur Gélard, je vous remercie de cette avancée. En effet, sans votre intervention en cet instant, lourde de signification, une grande ambiguïté aurait subsisté, car on peut toujours considérer que les cas de déficience en matière de déontologie de la police ou de la gendarmerie ont déjà été traités.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce sont toujours les mêmes !

M. Jean-Pierre Sueur. Mais, vous le savez bien – et nous devons rendre hommage au travail et aux rapports extrêmement éclairants pour nous, parlementaires, de M. Beauvois et de tous les membres de la CNDS –, il est important de regarder à chaque fois les circonstances de l’espèce. Que s’est-il passé à ce moment-là, à cet endroit-là, dans ces circonstances-là ? C’est ce qui amène la CNDS à enquêter, à étudier les témoignages. Autrement dit, il s’agit d’examiner non pas des déficiences ou des manquements en quelque sorte normés, stéréotypés, mais des situations concrètes, toujours nouvelles, comme vient de l’indiquer M. Gélard.

Monsieur le garde des sceaux, nous pensons qu’il aurait été bon qu’il en soit de même pour l’ensemble des collèges.

Qui décidera si la question est « nouvelle » ? Pas le collège, mais le Défenseur des droits, dans sa souveraineté.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Sueur. S’il considère que telle affaire n’est pas nouvelle, aucun recours ne pourra être présenté et aucune discussion ne pourra être engagée. Le collège ne sera pas saisi. Circulez, il n’y a rien à voir ! Telle est l’une des dispositions du texte que vous vous apprêtez à voter, mes chers collègues de la majorité.

Nous pensons, quant à nous, que cette « question nouvelle » sera lourde d’ambiguïtés. Le verbe « consulte » avait à notre avis le mérite de la clarté, de la force et de la sincérité.

Quatrièmement, le Défenseur des droits, s’il ne suit pas l’avis d’un des quatre collèges, n’est pas tenu de motiver sa décision. J’avais cru comprendre le contraire mais, malheureusement, la réalité est ce qu’elle est. Vous qui êtes un grand juriste, monsieur le garde des sceaux, trouvez-vous une telle disposition fondée ? Dans le cas où un collège constitué de spécialistes éminents désignés par les présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale donne, après examen, un avis que le Défenseur des droits ne suit pas, celui-ci devrait pour le moins expliquer, motiver sa décision. Vous, en votre qualité de garde des sceaux, vous voilà contraint de soutenir que l’absence de motivation est une chose magnifique !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, je vous répondrai parce que je préfère vous faire part de mon point de vue plutôt que de vous laisser extrapoler !

M. Jean-Pierre Sueur. Fort bien, monsieur le garde des sceaux, mais vous me permettrez de dire ce que j’en pense…

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Cela fait déjà douze minutes quarante-cinq que vous nous le dites…

M. Jean-Pierre Sueur. Mais mon groupe disposait d’un temps de parole de trente-cinq minutes, que je n’utiliserai pas.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. J’ai tout mon temps !

M. Jean-Pierre Sueur. Par conséquent, je vous invite à réfléchir à ce à quoi vous avez échappé. (Rires.)

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je n’ai pas de crainte !

M. Jean-Pierre Sueur. Si vous cessez les obstructions, monsieur le garde des sceaux (Sourires.), je conclurai en formulant, après avoir exposé ces différents points, une petite remarque, qui ne plaira peut-être pas à tout le monde.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Il ne faut pas se priver !

M. Jean-Pierre Sueur. Comme nous, monsieur le garde des sceaux, je pense que vous avez lu la presse, y compris ce matin.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Pas encore !

M. Jean-Pierre Sueur. Nous avons pu prendre connaissance d’un certain nombre d’hypothèses. Si le Défenseur des droits était une personne choisie, certes pour ses grandes qualités – je n’en discute pas –, mais aussi pour régler le problème particulier posé dans une assez grande ville de France par le redécoupage des circonscriptions qui aurait pour effet de supprimer une circonscription ou de faire figurer dans la même circonscription deux personnes du même parti, ce serait assez pitoyable.

M. Jean-Pierre Sueur. Ce serait en tout cas – je laisse à M. Michel le choix du qualificatif qui lui convient le mieux – tout à fait incompréhensible !

Nous sommes en désaccord – c’est clair ! – avec votre conception du Défenseur des droits. Mais si, en plus, cette nouvelle institution était utilisée non pour mettre en place une personnalité qui aurait toute l’autorité, la compétence et l’indépendance nécessaires, mais pour régler un problème lié au redécoupage des circonscriptions, cela susciterait de vives critiques dans notre pays.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et sûrement au-delà !

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le garde des sceaux, vous l’aurez compris, les membres du groupe socialiste voteront contre le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, avant de choisir l’oiseau rare, qui aura certainement un certain nombre d’heures de vol (Sourires.), tout en évitant, je n’en doute pas, les rapaces et les autruches (Nouveaux sourires.), et avant de lui faire prendre son envol, il fallait évidemment construire son nid, et ce tout simplement pour appliquer la Constitution, que l’on ait adopté ou non la modification de cette dernière.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !

M. Jacques Mézard. Regrouper les autorités administratives indépendantes, faire cesser leur multiplication, voilà qui nous paraît positif, car, de leur nombre trop important résulte leur dilution. Nous sommes favorables à ce que ces autorités aient plus de pouvoirs, plus d’indépendance pour faire respecter les droits, un point c’est tout.

La nouvelle autorité publique indépendante dont nous parlons ce matin ne doit se substituer ni à la justice ni au pouvoir exécutif.

Sa création aurait pu constituer une avancée.

Pour le comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, dit « comité Balladur », le Défenseur des droits avait vocation à être « substitué à l’ensemble des autorités administratives indépendantes qui œuvrent dans le champ de la protection des libertés et recevant autorité sur ceux de leurs services qui seraient appelés à substituer. »

Mais les débats sur l’application du nouvel article 71-1 de la Constitution auguraient assez mal de la naissance de cette autorité, puisque le garde des sceaux de l’époque, Mme Dati, avait soigneusement entretenu le flou sur les contours exacts des missions du Défenseur des droits.

Je tiens cependant à le réaffirmer, le Sénat, en particulier son rapporteur le doyen Gélard, a beaucoup et bien travaillé.

C’est justement l’imprécision susvisée que nous avions dénoncée tout au long de la navette ; le périmètre du Défenseur des droits n’a en effet cessé d’enfler, de rétrécir au gré des lectures. Ce manque de clarté a surtout mis en lumière le fait que le Gouvernement, qui souhaitait, si j’ai bien compris, faire du Défenseur un médiateur de la République aux pouvoirs élargis, avait décidément bien du mal à définir ce qu’il en attendait.

Pour autant, le paysage institutionnel de notre pays est aujourd’hui marqué par la multiplication des autorités administratives dites « indépendantes », dont le champ d’action est souvent démultiplié de manière illisible pour nombre de nos concitoyens perdus dans les subtilités des arcanes de l’administration.

En application de l’article 71-1 de la Constitution, le Défenseur des droits est chargé d’exercer une compétence générale en matière de protection des droits et libertés. Cet objectif sera-t-il atteint avec ces textes ? Je n’en suis pas convaincu.

Pour notre part, nous nous sommes prononcés dès la première lecture de ces textes – je réaffirme cette position aujourd'hui – en faveur du regroupement de certaines de ces autorités administratives, lorsque leur domaine de compétence présente une cohérence en matière de protection des droits fondamentaux.

C’est dans cet esprit que nous avions accepté, dès la première lecture, que les compétences de la HALDE et du Défenseur des enfants soient fondues dans celles du Défenseur des droits, au nom d’une nécessaire rationalisation des périmètres d’intervention. D’autres autorités auraient sans doute pu être intégrées elles aussi, selon nous, mais ce dispositif, en l’état, nous paraissait justifié.

L’Assemblée nationale a suivi le vote du Sénat sur un certain nombre de points, comme le champ de la compétence de règlement des différends pouvant surgir entre personnes morales, ou encore la suppression de la possibilité qui était offerte au Défenseur d’introduire une procédure d’action collective devant la juridiction administrative. Sur ce dernier point, il nous paraissait plus sage et plus raisonnable de poursuivre encore longuement la réflexion. (M. le président de la commission des lois acquiesce.)

Nous nous réjouissons en particulier que l’Assemblée nationale ait finalement entendu la voix du Sénat, en renonçant à supprimer le Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Nous avions défendu l’idée de la nature tout à fait spécifique de la mission du Contrôleur, lequel est amené à intervenir directement, de son propre fait et de façon inopinée, pour contrôler le respect de droits fondamentaux en tous lieux de privation de liberté. Cette mission est essentielle pour les libertés dans notre pays. Il est donc heureux que le Contrôleur puisse continuer à travailler indépendamment, avec les remarquables compétences que tout le monde lui reconnaît aujourd'hui.

Bien moins heureux, selon nous, est le vote conforme de l’Assemblée nationale et du Sénat relatif à la suppression de la CNDS intégrée au Défenseur des droits. Nos collègues députés ont considéré, de façon très contestable nous semble-t-il, que les compétences de la CNDS pouvaient être intégrées à celles du Défenseur des droits, en procédant avec la même logique que pour le Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Nous ne comprenons toujours pas pour quelles raisons on a refusé la disparition du Contrôleur pour accepter celle de la CNDS, alors même que ces autorités exercent des missions assez proches tant dans leurs modalités que dans leurs finalités. On peut donc s’inquiéter de l’effectivité du contrôle des forces de l’ordre – ce contrôle est en effet justifié dans certains cas –, surtout compte tenu du climat politique particulier que nous connaissons actuellement.

De façon générale, la commission mixte paritaire n’a pas levé certains des doutes que nous avions déjà exprimés sur l’ensemble de ces deux textes. Le Défenseur des droits constitue peut-être une ambition pour la République. Nous verrons ce qu’il en sera en fonction des choix qui seront opérés et du fonctionnement de cette institution, mais nous ne pouvons que déplorer de voir cette ambition altérée par de nombreuses zones d’ombre, dont certaines demeurent.

En effet, le Défenseur des droits concentrera bel et bien des missions qui relèvent de deux logiques différentes, à savoir le contrôle et la médiation, au détriment sans doute de l’impératif d’effectivité des droits, comme le relevait la Commission nationale consultative des droits de l’homme.

L’étude d’impact le reconnaissait d’ailleurs : le regroupement de l’ensemble des autorités chargées de la protection des droits et libertés « conduirait à conjuguer les missions actuelles de médiation avec des missions de contrôle, de décision ou de sanction, qui sont différentes, [...] et pourrait s’avérer contre-productif ». Sur ce point, nous ne sommes toujours pas convaincus, car l’une des missions sera vraisemblablement privilégiée.

Toutefois, l’interrogation la plus fondamentale, inhérente à l’essence du Défenseur des droits, concerne naturellement le mode de désignation tant de celui-ci que de ses adjoints. Pour nous, l’indépendance constitue un élément fondamental de l’efficacité et de la crédibilité de l’action du Défenseur des droits. Le choix qui sera fait de cet oiseau rare sera donc essentiel à la fois pour mettre en place cette institution et pour installer son image dans l’opinion.

Il est vrai que le mode de nomination du Médiateur de la République n’a jamais empêché les différents titulaires de la fonction d’exercer leurs attributions en toute indépendance,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !

M. Jacques Mézard. … il faut le reconnaître.

Pour autant, il eût été à l’honneur du Parlement de renforcer encore les garanties d’indépendance. Nous avons ainsi déploré que le projet de loi organique appliquant l’article 13 de la Constitution prévoie la nomination du Défenseur des droits par décret en conseil des ministres, sous réserve de la majorité négative des trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des commissions permanentes compétentes de chaque assemblée. Il en va de même pour la nomination des adjoints, qui seront désignés par le Premier ministre sans que le Parlement ait la possibilité de donner son avis.

Sur la question des trois collèges chargés d’assister le Défenseur, nous sommes satisfaits que la commission mixte paritaire ait finalement retenu les articles 11, 12 et 12 bis dans la rédaction votée par le Sénat. En effet, il nous paraît plus conforme à l’esprit non partisan de cette institution que les membres du collège comprennent, outre des personnalités qualifiées nommées par le président de chaque assemblée, des membres issus de la Cour de cassation et du Conseil d’État.

Dans la même logique, nous nous réjouissons également que la consultation de chacun de ces collèges ait été rendue obligatoire, comme le souhaitait le Sénat. En effet, si cette dernière n’avait été que facultative, on aurait pu s’interroger sur l’utilité même de ces collèges.

S’agissant des autres points de désaccord entre nos deux assemblées, les divergences étaient finalement assez mineures au regard de l’accord trouvé sur le périmètre du Défenseur, sous réserve des critiques que nous avons formulées et que j’ai rappelées. Nous voulons pour notre part qu’il soit fait obligation au Défenseur des droits de motiver ses décisions de ne pas donner suite à une saisine.

C’est également à ce titre que nous pouvons souscrire à l’obligation qui est instaurée d’établir un rapport spécial, qui sera publié, en cas d’injonction non suivie d’effet.

Même si nous partageons les objectifs de la CNIL, nous remarquons tout de même que les articles 1er bis à 1er octies du projet de loi ordinaire présentent un lien plus que ténu avec le reste du texte, malgré les explications de M. le garde des sceaux. Il est des cavaliers, voire des escadrons, qui ont le droit de se lancer dans le champ de courses législatif, et d’autres non. (Sourires.) Je fais là un simple constat.

Les dispositions relatives à l’entrée en vigueur des deux textes ont également donné lieu à des divergences entre nos deux chambres. Toutefois, il faut remarquer que nous nous serions facilement passés de ce débat si le Gouvernement n’avait pas accumulé les retards dans le dépôt et la discussion de ces deux projets de loi.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Quels retards ?

M. Jacques Mézard. Il est vrai aussi que notre ordre du jour est monopolisé par des textes considérés comme plus importants que la préservation des droits fondamentaux de nos concitoyens. Là encore, c’est une simple constatation.

Le Défenseur des droits verra donc le jour plus de deux ans et demi après la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Pour le Gouvernement, apparemment, il y a des textes très urgents et d’autres qui peuvent attendre ; nous en comprenons les raisons, même si nous les contestons fortement.

Au final, et malgré le travail de la CMP, nous continuons à considérer que ces deux textes pèchent par un problème de principe, qui découle de l’application de l’article 13 de la Constitution. Nous regrettons, je le répète, que la CNDS n’ait pu être sauvée, même si nous saluons le maintien du Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Au terme de ce bilan, et parce que ces textes ne contiennent pas que des avancées, notre groupe, très majoritairement, s’abstiendra.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le garde des sceaux, puisque vous m’avez interpellée, permettez-moi de vous indiquer que je n’ai aucunement honte de ne pas partager l’autosatisfaction dont vous faites preuve s'agissant des droits et libertés, et cela pour deux raisons très simples au moins.

Premièrement, les textes que vous avez cités – la loi pénitentiaire ou le projet de loi relatif à la garde à vue – ont été décidés par le Gouvernement sous la contrainte,…

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Pas du tout !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … parce que la France avait été condamnée à de multiples reprises à l'échelon européen, précisément pour des manquements en matière de détention, qu’il s'agisse de la prison ou de la garde à vue.

Contraint et forcé, vous avez donc mené des réformes a minima.

Par ailleurs, la question prioritaire de constitutionnalité est à double tranchant – je l’ai déjà souligné, mais le contexte actuel me permet de le répéter. En effet, compte tenu de la composition du Conseil constitutionnel, nous sommes totalement opposés à ce que celui-ci devienne une cour suprême.

Deuxièmement, le gouvernement actuel, comme les gouvernements qui l’ont précédé, a mené des politiques qui ont eu pour conséquence une réduction considérable des droits et libertés. De manière incessante, nous sommes amenés à examiner – et vous, chers collègues de la majorité, à voter – des textes qui constituent de véritables régressions pour les droits fondamentaux. C’est le cas, pour ne citer que les plus récents, de la LOPPSI 2 et de la loi dite « Besson » – je n’évoquerai même pas le sort réservé aux droits économiques et sociaux qui, comme vous le savez, monsieur le garde des sceaux, font pourtant partie intégrante des droits fondamentaux depuis que la constitution de 1946 les a proclamés dans son préambule !

En revanche, je crois pour ma part participer à la défense de la liberté de nombreuses personnes, et je continuerai à œuvrer en ce sens.

En matière d’affichage, évidemment, le pouvoir n’est pas avare. En 2008, était annoncée la création d’un « grand Défenseur », doté d’une forte autorité morale et haut placé dans la hiérarchie des normes.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. C’est fait !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’annonce était fantastique ! Inscrire l’existence de cette institution dans la Constitution était sans doute une condition nécessaire, mais, à l’évidence, celle-ci était loin d’être suffisante.

Dès le début, nous avons souligné un certain nombre de problèmes, liés notamment à la nomination, au périmètre des fonctions et aux modes d’intervention, qui restent flous, du futur Défenseur. Il a fallu d'ailleurs un certain temps pour en décider.

Ensuite, comme le soulignait à l’instant M. Mézard, dont je partage ici le point de vue, il régnait une confusion entre le contrôle et la médiation, et, à l’évidence, c’est surtout de cette dernière qu’il était question.

La nomination du Défenseur par le Président de la République, je le répète, sonnait comme une reprise en mains des autorités administratives indépendantes qui, de fait, devaient être supprimées, même si vos prédécesseurs ont pendant un certain temps laissé planer des doutes à ce sujet.

Depuis lors, nos inquiétudes et notre opposition n’ont pas diminué. Au contraire, elles n’ont fait que croître.

À l’évidence, l’ensemble du processus législatif avait un seul fil conducteur : faire du Défenseur des droits une autorité unique, dotée de pouvoirs discrétionnaires et habilitée directement par le Président de la République.

Chers collègues de la majorité, vous avez décidé la suppression du Défenseur des enfants. C’est une première en Europe, où, à l’inverse, des défenseurs des enfants sont de plus en plus souvent établis – j’insiste sur ce terme, car les modes de nomination sont divers – alors même qu’il existe déjà d’autres institutions protégeant les droits. En effet, la spécificité des enfants est de plus en plus reconnue.

De même, vous avez décidé la suppression de la CNDS, ce que son président, M. Beauvois, qui n’est pourtant pas suspect d’extrémisme, a dénoncé comme une « régression ». Il a raison bien sûr, puisque l’on va s’efforcer de mettre des freins à l’action de la CNDS.

Or vous n’avez pas même requis l’avis des responsables de ces autorités, ni celui de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, qui était pourtant directement concernée. A fortiori, vous ne les avez pas entendus. Et comme si cela ne suffisait pas, sans prendre le temps du débat, notre rapporteur a fait voter la disparition de la HALDE, avec l’approbation du Gouvernement.

Cette décision a suscité l’opposition de collectifs antiracistes, de syndicats, d’associations de handicapés. Monsieur le garde des sceaux, vous venez comme moi de recevoir un courrier de la présidente du comité consultatif de la HALDE, Mme Marie-Thérèse Lanquetin. Elle souligne, et je partage ce point de vue, que le projet de loi, en l’état, « ne peut que jeter la suspicion sur ce qui est présenté comme une avancée dans la lutte contre les discriminations ».

Voilà deux jours, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes du 8 mars, la HALDE, qui, jusqu’à présent, existe encore, formulait des recommandations pour lutter contre les discriminations envers les femmes. Avec sa suppression, ces préconisations auront-elles un avenir ? On peut en douter ! En effet, ceux qui se préoccupent des libertés se battent depuis longtemps contre les discriminations à l’égard des femmes, et, à l’évidence, ce phénomène semble difficile à endiguer.

En revanche, la suppression de la HALDE a trouvé un « supporter » en la personne de M. Éric Zemmour, condamné pour provocation à la haine raciale et pourtant reçu avec bienveillance à l’Assemblée nationale par les députés de l’UMP. Il vous a même donné un conseil : « Vous avez supprimé la HALDE. Continuez, et supprimez l’action pénale pour les associations antiracistes, et même leurs subventions ! »

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez donc des soutiens, mais vous allez les chercher dans des cercles quelque peu suspects ! Jusqu’où irez-vous dans cette voie, sachant qu’une députée de la majorité, rapporteure générale de l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, Mme Chantal Brunel, reprend la proposition de Mme Le Pen de renvoyer sur leurs bateaux les immigrés venant de la rive sud de la Méditerranée ! (M. Jean-Pierre Michel s’exclame.)

Les députés de la majorité ont voulu ajouter aux missions du Défenseur des droits celles du Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Leur tentative a fort heureusement avorté, avec l’aide, que nous saluons, de M. le rapporteur.

La mission du Contrôleur général des lieux de privation de liberté demeurera de la plus grande importance au vu de la proposition phare émise par le député Éric Ciotti, secrétaire national de l’UMP chargé de la sécurité, lors d’une convention qui se tenait ce mardi 8 mars, et visant la construction de 20 000 places supplémentaires de prison à l’horizon 2017, au lieu des 14 000 prévues ! Continuons à ouvrir des prisons ! Cela donnera du travail au Contrôleur général des lieux de privation de liberté, d’autant que la loi pénitentiaire est loin d’être appliquée !

Les autorités administratives indépendantes qui vont disparaître ont su faire preuve d’efficacité, mais aussi, comme l’a montré leur action sur le terrain, d’indépendance, bien qu’elles aient été nommées par l’exécutif, ce que nous avions critiqué à l’époque de leur création. Il n’en ira pas de même avec le Défenseur des droits !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ah bon ? Pourquoi ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Oui, pourquoi ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Apparemment, certaines prises de position de ces autorités dérangent. Ainsi, la Défenseure des enfants a émis des critiques sur les conséquences de vos politiques sociale et d’immigration sur les enfants, la Commission nationale de déontologie de la sécurité a souvent mis au jour le comportement de certains policiers,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Par définition ! C’était son rôle !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … la HALDE a dénoncé l’existence de discriminations dans de grandes entreprises : discriminations à l’embauche chez Airbus en raison de l’origine, discrimination salariale à la BNP Paribas, liée au genre, à l’état de grossesse ou à la situation familiale. Voilà qui ne plaît pas aux amis du Président !

Vous avez décidé la fusion de ces autorités sans égard, ou presque, pour les spécificités de chacune d’entre elles, qu’il s’agisse de leur mode de saisine ou d’intervention ou de leur composition. Nous avons pu croire un instant que la Défenseure des enfants était sauvée ; c’était sans compter avec les fréquentes volte-face de la majorité devant les exigences du Gouvernement.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous n’avez eu de cesse d’invoquer l’article 71-1 de la Constitution pour faire pièce aux amendements de l’opposition. Vous nous avez dit, en quelque sorte, que la loi organique ne pouvait pas grand-chose, puisque la Constitution elle-même n’offrait guère de marge de manœuvre. C’est pourtant bien la Constitution qui renvoie à la loi organique la définition des modalités de mise en œuvre du Défenseur des droits !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Oui, les modalités !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La loi organique est faite pour cela ! Il s’agit de définir les modalités !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il existait donc bien une marge de manœuvre, et vous le savez parfaitement. Disons-le clairement : l’article 71-1 de la Constitution avait vocation à concentrer pouvoirs et missions sur le seul Défenseur des droits, nommé par le seul Président de la République. Et vous entendiez bien en rester là !

Lors de la révision constitutionnelle, ce qui nous a été dit, et surtout ce qui n’a pas été dit, nous faisait craindre un recul en matière de protection des droits et des libertés. Ce recul se profile désormais de manière évidente.

Dans la nomination du Défenseur des droits, le Parlement n’aura que le rôle que lui confère l’article 13 de la Constitution : celui de « figurant », si vous me permettez ce mot. Avant même d’avoir été désigné, le Défenseur des droits a déjà perdu une partie de sa légitimité, de cette « autorité morale » que vantait en 2008 Mme Dati, alors garde des sceaux. Sa nomination suscite en effet de nombreux doutes et oppositions.

Vous avez rappelé à plusieurs reprises, monsieur le rapporteur, que toutes les autorités auxquelles va se substituer « cette grosse machine » – j’emploie ces termes à dessein, ce sont les vôtres – étaient déjà nommées par l’exécutif seul.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, nous sommes, pour notre part, favorables à leur nomination par le Parlement. Je le réaffirme au nom d’un groupe opposé depuis fort longtemps au présidentialisme,…

M. Michel Mercier, garde des sceaux. C’est vrai !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est exact !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … a fortiori lorsqu’il prend un tour monarchique, et favorable à un régime parlementaire.

Conscients des contradictions à venir, vous avez proposé que le Défenseur des droits ait des adjoints. Soit, mais ils seront nommés par le Premier ministre, sur proposition du Défenseur des droits, lui-même nommé par le Chef de l’État…

Monsieur le rapporteur, vous avez défendu par deux fois un amendement visant à prévoir que leur nomination serait soumise à l’avis des commissions permanentes du Parlement. Puis, lors de la seconde lecture, vous vous êtes subitement aligné sur la position du Gouvernement, au prétexte que la Constitution serait muette sur un tel avis s’agissant des nominations par le Premier ministre. En pratique, vous faites dire à l’article 71-1 de la Constitution qu’il interdit de recueillir l’avis des commissions sur ces nominations.

Quant au Défenseur des enfants, il devra se contenter de conserver sa dénomination, et sera un adjoint « parmi les autres », placé sous l’autorité, lui aussi, du Défenseur des droits. Je doute que cela soit conforme à la Convention internationale des droits de l’enfant ou à la Convention européenne sur l’exercice des droits des enfants.

De fait, les adjoints n’auront pratiquement aucun pouvoir et devront se contenter, comme vous l’avez indiqué, d’un rôle de « collaborateur », ou plutôt de « subordonné », terme qui me paraît plus approprié. En effet, vous avez dit explicitement, monsieur le rapporteur, que « s’ils manifestent leur opposition, ils seront virés ». Voilà qui est clair ! Nous avons pu un instant avoir l’impression que la commission des lois du Sénat, après les avoir créés, voulait conforter leur position. Nous étions trop confiants !

Quant aux collèges, vous avez invoqué, là encore, monsieur le ministre, l’article 71-1 de la Constitution pour affirmer qu’ils ne pourraient avoir un quelconque pouvoir,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ils n’en avaient pas plus avant !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … cet article leur donnant seulement mission d’assister le Défenseur des droits.

Le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire prévoit finalement qu’ils seront consultés, mais sur les « questions nouvelles ». De quoi s’agira-t-il ? La pratique le montrera. De toute façon, leurs avis n’auront aucun caractère contraignant.

La commission mixte paritaire a modifié le mode de désignation des personnalités qualifiées : trois seront nommées par le président de l’Assemblée nationale et trois par le président du Sénat, mais vous avez refusé que les membres des collèges désignent eux-mêmes des personnalités qualifiées, comme c’est le cas, par exemple, à la CNDS.

La logique suivie est claire : le Défenseur des droits aura tous les pouvoirs, sauf, significativement, celui d’effectuer des visites inopinées.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Si, il aura ce pouvoir !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Oui !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le Défenseur des droits aura toute latitude pour désigner d’autres adjoints pour d’autres missions. Lesquelles ? S’agira-t-il de celles qui sont aujourd’hui assurées par la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, ou par la Commission d'accès aux documents administratifs, la CADA, de celles du Contrôleur général des lieux de privation de liberté ? La porte est ouverte…

Dès le début, vous avez voulu nous convaincre que vous preniez modèle sur les ombudsmans de certains pays d’Europe, tout particulièrement sur le Défenseur du peuple espagnol. Or je note qu’ils sont désignés par le parlement…

Le Défenseur du peuple espagnol est d’ailleurs le haut-commissaire du Parlement. Son champ de saisine par les citoyens couvre, comme celui de notre Médiateur de la République, les relations avec les administrations et les entreprises publiques, l’accomplissement des missions de service public. En outre, les communautés autonomes ont leurs propres défenseurs des enfants.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai ! C’est un système fédéral !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. N’oublions pas que le Défenseur du peuple espagnol a été mis en place dans la période de l’après-franquisme, après des décennies de négation totale des droits.

Il y a donc tout de même beaucoup de différences avec ce que vous proposez pour le Défenseur des droits en France.

Ce que vous voulez imposer, c’est bien la création d’une institution placée sous la tutelle du Président de la République et soumise à ses desiderata,…

M. Patrice Gélard, rapporteur. Mais non !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … l’objectif étant à l’évidence, dans ce domaine comme dans d’autres, de concentrer tous les pouvoirs.

L’idée avait même été émise, lors du débat de 2008 au Sénat, que le Défenseur des droits aurait à arbitrer entre l’exercice du droit de grève et la continuité des services publics ! Cela au nom de son indépendance, je présume !

Le projet de loi de finances était silencieux sur les moyens qui lui seront dévolus ; nous n’en avons pas appris davantage depuis lors. Nul doute que votre choix de réduire les dépenses publiques n’est pas étranger au regroupement des autorités administratives indépendantes. Il s’agit cependant d’un choix à géométrie variable, puisqu’il semble que le Gouvernement envisage la création d’une nouvelle haute autorité administrative indépendante destinée à prévenir les conflits d’intérêts. Comprenne qui pourra !

Nous regrettons que la majorité de la commission des lois du Sénat se soit finalement totalement ralliée à la position du Gouvernement. Mais il est vrai que la décision avait été prise en haut lieu…

Après la justice et les médias, le Président de la République veut exercer sa tutelle sur ce domaine très sensible qu’est la protection des droits et des libertés. Eu égard aux attaques permanentes que subit l’institution judiciaire parce qu’elle dérange les affichages sécuritaires de l’exécutif, il y a tout lieu de s’inquiéter pour l’avenir du Défenseur des droits, surtout quand on entend le député et responsable de l’UMP Éric Ciotti s’élever contre les pouvoirs du juge d’application des peines et proposer de confier au parquet la coordination de l’exécution des peines ! Dans ce contexte, vos affirmations sur l’indépendance du Défenseur des droits paraissent tout de même assez suspectes.

Pour toutes ces raisons, nous voterons aujourd'hui encore contre le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire relatifs au Défenseur des droits. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.

M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les propos que je tiendrai au nom de mon groupe s’inscriront dans le sillage des conclusions de notre rapporteur, qui nous a invités à adopter ce texte.

Il a beaucoup été question d’oiseau ce matin ; pour autant, je n’essaierai pas de me parer des plumes du paon ! (Sourires.) Toutefois, je tiens à souligner que la création du Défenseur des droits constitue une étape importante dans le renforcement de la protection des droits et des libertés dans notre pays, comme vous l’avez d’ailleurs souligné à juste titre, monsieur le ministre.

« Le Défenseur des droits veille au respect des droits et libertés par les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d’une mission de service public. » : tel est l’énoncé de l’article 71-1 de la Constitution, qui crée le Défenseur des droits, autorité constitutionnelle et uninominale.

Il s’agit donc de renforcer substantiellement les possibilités de recours non juridictionnel dont disposent les citoyens pour assurer la défense de leurs droits et libertés.

Cette nouvelle institution assumera, cela a été rappelé, les tâches qui incombaient jusqu’à présent au Médiateur de la République, au Défenseur des enfants, à la Commission nationale de déontologie de la sécurité et à la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité.

L’intégration des missions du Contrôleur général des lieux de privation de liberté dans le champ de compétence du Défenseur des droits a été discutée et finalement rejetée. Cela nous satisfait pleinement, car cette institution, encore récente, a un domaine d’action véritablement spécifique.

En effet, la mission du Contrôleur général des lieux de privation de liberté est triple. Il doit s’assurer que les droits intangibles inhérents à la dignité humaine sont respectés, vérifier qu’un juste équilibre entre le respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté et les considérations d’ordre public et de sécurité est établi, mais aussi et surtout prévenir toute violation des droits fondamentaux de ces personnes.

Par ailleurs, des inquiétudes se sont exprimées en ce qui concerne l’intégration des fonctions du Défenseur des enfants. Cette disposition a été maintenue, et cela était nécessaire, car il est important de rappeler que le Défenseur des droits disposera d’absolument tous les pouvoirs de l’actuel Défenseur des enfants : il pourra alerter sur des cas individuels ou collectifs, proposer des modifications de la réglementation et sensibiliser l’opinion. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous avons eu à cœur de préserver l’intérêt supérieur de l’enfant.

Concernant la saisine du Défenseur des droits, elle pourra être directement mise en œuvre par toute personne, physique ou morale, qui s’estimera lésée dans ses droits et libertés par le fonctionnement d’une administration.

Afin qu’il puisse accomplir au mieux sa mission, le Défenseur des droits sera assisté d’adjoints, dont la désignation ne sera pas soumise à l’approbation des commissions parlementaires, puisqu’ils seront les collaborateurs privilégiés du Défenseur des droits, et non des contre-pouvoirs.

Des collèges, compétents en matière de déontologie de la sécurité, de défense et de promotion des droits de l’enfant, ainsi que de lutte contre les discriminations et pour la promotion de l’égalité, seront institués.

La consultation de ces collèges par le Défenseur des droits revêtira un caractère obligatoire. Assortie de modalités définies dans le règlement intérieur, elle constituera une garantie supplémentaire quant au bien-fondé des décisions que prendra le Défenseur des droits dans ces matières si spécifiques.

La composition de ces trois collèges a suscité de nombreux débats. Nous nous satisfaisons de l’équilibre trouvé par les rapporteurs quant à la place de chacune des personnalités qualifiées.

Je terminerai en évoquant les modalités d’intervention du Défenseur des droits, auquel nous conférons aujourd’hui un rôle historique.

Le Défenseur des droits aura l’obligation de motiver toute décision de ne pas donner suite à une saisine. Il s’agit d’un principe important pour nos concitoyens.

Enfin, le Défenseur des droits ne pourra déposer de requête constituant une action collective devant le juge administratif. Une telle innovation représente certes une idée intéressante, mais elle devra faire l’objet d’une réflexion approfondie du Parlement avant d’être éventuellement inscrite dans notre droit.

Je tiens à remercier une nouvelle fois notre rapporteur de la qualité de son travail, ainsi que les membres de la commission des lois, qui ont su, sous la houlette de leur président, trouver un juste équilibre.

Mes chers collègues, ces textes constituant une étape importante dans le renforcement de la protection des droits et libertés dans notre pays, le groupe UMP les votera avec conviction ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je tiens à souligner que le Sénat s’est beaucoup investi dans la création du Défenseur des droits. Pour s’en convaincre, il n’est qu’à rappeler les étapes qui ont permis cette avancée. Ainsi, dans le projet de révision, l'article 71-1 de la Constitution prévoyait initialement un « Défenseur des citoyens ». Or les enfants et les étrangers qui se trouvent sur notre territoire, s’ils ne sont pas des citoyens, ont des droits. C'est la raison pour laquelle nous avons proposé la dénomination de « Défenseur des droits ».

Je trouve paradoxal qu’un certain nombre de nos collègues reconnaissent aujourd'hui toutes les vertus aux institutions existantes, alors que les personnalités qui les présidaient étaient nommées par un pouvoir exécutif que souvent ils combattaient, et sans que le Parlement soit consulté. Or toutes ces autorités administratives indépendantes ont affirmé une grande autonomie. Je remercie d’ailleurs Jacques Mézard d’avoir rappelé que ce sont les Médiateurs de la République successifs – MM. Jacques Pelletier, Bernard Stasi et Jean-Paul Delevoye – qui ont renforcé cette institution et lui ont donné toute son ampleur.

Je pointerai un autre paradoxe : certains opposent médiation et contrôle des droits. Pourtant, le Défenseur des enfants et la HALDE font de la médiation. C’est l’une des missions qui leur ont été confiées.

En revanche, et c’est fondamental, dans la mesure où le Défenseur des droits est doté de pouvoirs exceptionnels, il n’est plus le Médiateur de la République. Il est faux d’affirmer que la création de cette nouvelle instance revient à avoir fusionné le Médiateur de la République avec les autres autorités administratives indépendantes. Puisqu’une nouvelle institution chargée de défendre les droits était créée, il était naturel qu’elle regroupe tout ce qui relève de ce domaine. Jacques Mézard l’a souligné à juste titre : il est impossible de créer une nouvelle autorité chargée de défendre les droits tout en conservant des institutions qui lui feraient concurrence.

Enfin, je ne doute pas que la pratique renforcera les pouvoirs de cette nouvelle institution.

Nous le savons bien, certaines instances ont été critiquées au moment de leur création. Je ne crois pas, d’ailleurs, que celle du Médiateur de la République, pourtant voulue par le Sénat, ait été accueillie avec satisfaction.

Les réticences s’expliquent par le fait que le Défenseur des droits pourra être saisi directement par nos concitoyens, alors qu’aujourd'hui, en théorie, le Médiateur de la République, comme la CNDS du reste, ne peut l’être que par l’intermédiaire de parlementaires. Cette avancée, comme la question prioritaire de constitutionnalité, contribue à renforcer sensiblement les droits des citoyens et fera évoluer notre société.

M. Antoine Lefèvre. C’est exact !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je conclurai de manière plus anecdotique.

Je ne cesse de le répéter : l’important, ce n’est pas que « le Président de la République ne puisse procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés », ainsi que le prévoit l'article 13 de la Constitution ; c’est surtout que la procédure ne doive pas exiger un consensus tel que seraient finalement nommées des personnalités n’ayant pas forcément l’autorité requise pour exercer les missions qui leur seront confiées.

Pour ma part, je considère qu’en fait une majorité simple d’avis négatifs suffira pour empêcher la nomination de personnalités qui ne conviendraient pas. Cet effet préventif du dispositif sera largement suffisant.

Nous ne pouvons que nous féliciter de ce que M. Jean-Marie Delarue ait été nommé Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Si, demain, une personnalité de cette qualité devient Défenseur des droits, cette institution sera pleinement au service de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je remercie M. Lefèvre de son excellente et exhaustive analyse.

Je remercie également M. Mézard d’avoir proposé une définition du Défenseur des droits qui est probablement la meilleure de toutes. Bien entendu, pour le reste, je suis moins d’accord avec lui… (Sourires.)

Mme Borvo Cohen-Seat et M. Sueur ont émis des critiques qui ne me paraissent pas fondées.

Tout d’abord, le mode de nomination du Défenseur des droits constituerait selon eux une sorte de péché originel. Dans ces conditions, vous et vos amis en avez commis un certain nombre dans le passé, puisque les personnalités dirigeant les autorités administratives indépendantes ont toujours été nommées par le Président de la République !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Sans consultation du Parlement !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Dans la mesure où vous n’avez pas voté la révision constitutionnelle, je comprends que vous soyez quelque peu gênés sur cette question ! La consultation du Parlement constitue une limitation importante à l’exercice de son pouvoir de nomination par le Président de la République, quel qu’il soit. En effet, le Président de la République devra proposer au Parlement la nomination d’une personnalité susceptible de recueillir une majorité d’avis favorables. Il faudra obtenir un vote positif.

Du reste, ce qui fonde l’indépendance dans notre droit public républicain, ce ne sont pas les conditions de nomination, c’est le fait que le mandat ne soit pas reconductible. Cela vaut pour les membres du Conseil constitutionnel comme pour les dirigeants des autorités administratives indépendantes. Le Défenseur des droits exercera un mandat unique. Une fois nommé, il lui reviendra d’exprimer ses compétences et de faire vivre l’institution.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Voilà !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. M. Sueur a par ailleurs déploré que le Défenseur des droits ne soit pas tenu d’expliquer pour quelles raisons il ne suit pas, le cas échéant, l’avis du collège. Honnêtement, je ne vois pas comment l’institution pourrait fonctionner dans ces conditions. Dans le même ordre d’idées, on ne saurait exiger du Gouvernement qu’il motive son refus de suivre un avis du Conseil d’État ! L’important est que, aux termes de la rédaction de l'article 20 du projet de loi organique telle qu’elle est issue des travaux de la commission mixte paritaire, le Défenseur des droits devra indiquer les motifs pour lesquels il décide de ne pas donner suite à une saisine.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. En outre, Mme Borvo Cohen-Seat a affirmé que le Défenseur des droits aura moins de pouvoir que les autorités administratives qu’il remplace. C’est complètement faux, et un seul exemple suffira à le montrer.

L’article 18 du projet de loi organique prévoit expressément que « le Défenseur des droits peut procéder à des vérifications sur place dans les locaux administratifs ou privés des personnes mises en cause ; des vérifications sur place dans les lieux, locaux, moyens de transport accessibles au public et dans les locaux professionnels exclusivement consacrés à cet usage ».

C’est un changement radical par rapport à l'article 8 de la loi portant création de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, aux termes duquel « la haute autorité peut, après avis adressé aux personnes intéressées et avec leur accord, charger un ou plusieurs de ses membres ou de ses agents de procéder à des vérifications sur place […] ».

Le Défenseur des droits, lui, n’aura besoin d’aucune autorisation et pourra proprio motu procéder à des visites sur place. C’est là un véritable progrès.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Enfin, tout citoyen pourra saisir directement le Défenseur des droits. Ce point est fondamental.

Je tiens à le souligner, car on l’oublie trop souvent, cette majorité a ouvert aux citoyens la possibilité de saisir directement le Conseil constitutionnel, au travers de la question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil supérieur de la magistrature et, maintenant, le Défenseur des droits. La possibilité de saisine directe des autorités administratives indépendantes par le citoyen constitue aussi un véritable progrès.

Mme Borvo Cohen-Seat a porté un jugement négatif sur la question prioritaire de constitutionnalité, au motif qu’elle peut déboucher sur des résultats différents de ceux que l’on souhaiterait. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat proteste.) Or c’est le propre de toute mesure visant à défendre les droits et les libertés ! Elle a été instituée non pas pour plaire à ceux qui exercent le pouvoir, exécutif ou législatif, mais pour assurer la prééminence du droit dans notre pays. Je n’hésite pas à affirmer que l’adoption des deux textes dont nous débattons contribuera à conforter cette prééminence ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?…

La discussion générale commune est close.

projet de loi organique

M. le président. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif au Défenseur des droits.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement. Le Sénat étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, il statue par un seul vote sur l’ensemble du texte.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :

projet de loi organique relatif au défenseur des droits

TITRE IER

DISPOSITIONS GÉNÉRALES

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TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES AUX COMPÉTENCES ET À LA SAISINE DU DÉFENSEUR DES DROITS

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Article 5

Le Défenseur des droits peut être saisi :

1° Par toute personne physique ou morale qui s’estime lésée dans ses droits et libertés par le fonctionnement d’une administration de l’État, d’une collectivité territoriale, d’un établissement public ou d’un organisme investi d’une mission de service public ;

2° Par un enfant qui invoque la protection de ses droits ou une situation mettant en cause son intérêt, par ses représentants légaux, les membres de sa famille, les services médicaux ou sociaux ou toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits et se proposant par ses statuts de défendre les droits de l’enfant ;

3° Par toute personne qui s’estime victime d’une discrimination, directe ou indirecte, prohibée par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, ou par toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant par ses statuts de combattre les discriminations ou d’assister les victimes de discriminations, conjointement avec la personne s’estimant victime de discrimination ou avec son accord ;

4° Par toute personne qui a été victime ou témoin de faits dont elle estime qu’ils constituent un manquement aux règles de déontologie dans le domaine de la sécurité.

5° (Supprimé)

Le Défenseur des droits peut être saisi des agissements de personnes publiques ou privées.

Il peut en outre se saisir d’office ou être saisi par les ayants droit de la personne dont les droits et libertés sont en cause.

Il est saisi des réclamations qui sont adressées à ses adjoints.

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Article 9

Lorsque le Défenseur des droits transmet une réclamation à une autre autorité indépendante investie d’une mission de protection des droits et libertés, il peut accompagner cette transmission de ses observations et demander à être informé des suites données à celles-ci.

Le Défenseur des droits est associé, à sa demande, aux travaux de la Commission nationale de l’informatique et des libertés et de la Commission d’accès aux documents administratifs.

Article 10

Le Défenseur des droits ne peut être saisi ni ne peut se saisir des différends susceptibles de s’élever entre les personnes publiques et organismes mentionnés au 1° de l’article 4.

Il ne peut être saisi ni ne peut se saisir, sauf au titre de ses compétences mentionnées au 3° du même article 4, des différends susceptibles de s’élever entre, d’une part, ces personnes publiques et organismes et, d’autre part, leurs agents, à raison de l’exercice de leurs fonctions.

TITRE III

DISPOSITIONS RELATIVES À L’INTERVENTION DU DÉFENSEUR DES DROITS

Chapitre Ier

Dispositions relatives aux collèges

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Article 11

Lorsqu’il intervient en matière de déontologie de la sécurité, le Défenseur des droits consulte, sur toute question nouvelle, un collège qu’il préside et qui comprend, outre son adjoint, vice-président :

– trois personnalités qualifiées désignées par le Président du Sénat ;

– trois personnalités qualifiées désignées par le Président de l’Assemblée nationale ;

– un membre ou ancien membre du Conseil d’État désigné par le vice-président du Conseil d’État ;

– un membre ou ancien membre de la Cour de cassation désigné conjointement par le premier président de la Cour de cassation et par le procureur général près ladite cour.

Les membres du collège sont désignés en raison de leurs connaissances ou de leur expérience dans le domaine de la déontologie de la sécurité.

Les désignations du Président du Sénat et du Président de l’Assemblée nationale concourent à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes.

Lorsque le Défenseur des droits préside les réunions du collège, son adjoint ne prend pas part au vote.

En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante.

Article 12

Lorsqu’il intervient en matière de défense et de promotion des droits de l’enfant, le Défenseur des droits consulte, sur toute question nouvelle, un collège qu’il préside et qui comprend, outre son adjoint, vice-président :

– deux personnalités qualifiées désignées par le Président du Sénat ;

– deux personnalités qualifiées désignées par le Président de l’Assemblée nationale ;

– une personnalité qualifiée désignée par le Président du Conseil économique, social et environnemental ;

– un membre ou ancien membre de la Cour de cassation désigné conjointement par le premier président de la Cour de cassation et par le procureur général près ladite cour.

Les membres du collège sont désignés en raison de leurs connaissances ou de leur expérience en matière de défense et de promotion des droits de l’enfant.

Les désignations du Président du Sénat et du Président de l’Assemblée nationale concourent, dans chaque cas, à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes.

Lorsque le Défenseur des droits préside les réunions du collège, son adjoint ne prend pas part au vote.

En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante.

Article 12 bis

Lorsqu’il intervient en matière de lutte contre les discriminations et de promotion de l’égalité, le Défenseur des droits consulte, sur toute question nouvelle, un collège qu’il préside et qui comprend, outre son adjoint, vice-président :

– trois personnalités qualifiées désignées par le Président du Sénat ;

– trois personnalités qualifiées désignées par le Président de l’Assemblée nationale ;

– une personnalité qualifiée désignée par le vice-président du Conseil d’État ;

– une personnalité qualifiée désignée par le premier président de la Cour de cassation.

Les membres du collège sont désignés en raison de leurs connaissances ou de leur expérience dans le domaine de la lutte contre les discriminations et de la promotion de l’égalité.

Les désignations du Président du Sénat et du Président de l’Assemblée nationale concourent à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes.

Lorsque le Défenseur des droits préside les réunions du collège, son adjoint ne prend pas part au vote.

En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante.

Article 13

Le mandat des adjoints du Défenseur des droits et celui des membres des collèges mentionnés aux articles 11, 12 et 12 bis cessent avec le mandat du Défenseur des droits. Celui des adjoints du Défenseur des droits n’est pas renouvelable.

Les adjoints du Défenseur des droits et le membre d’un collège qui cessent d’exercer leurs fonctions sont remplacés pour la durée de mandat restant à courir. Si cette durée est inférieure à deux ans, le mandat d’un adjoint du Défenseur des droits est alors renouvelable.

La qualité de membre du collège mentionné à l’article 11 est incompatible avec l’exercice, à titre principal, d’activités dans le domaine de la sécurité.

Il ne peut être mis fin aux fonctions des membres des collèges avant l’expiration de leur mandat qu’en cas de démission ou d’empêchement. Toutefois, tout membre d’un collège nommé dans les conditions prévues aux articles 11, 12 et 12 bis qui, sans justification, n’a pas assisté à trois séances consécutives peut être déclaré démissionnaire d’office par le collège statuant à la majorité des deux tiers de ses membres, après avoir été mis en mesure de présenter des observations. Le Défenseur des droits en informe l’autorité de nomination.

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Chapitre II

Dispositions relatives aux moyens d’information du Défenseur des droits

Article 15

Le Défenseur des droits peut demander des explications à toute personne physique ou morale mise en cause devant lui. À cet effet, il peut entendre toute personne dont le concours lui paraît utile.

Les personnes physiques ou morales mises en cause doivent faciliter l’accomplissement de sa mission.

Elles sont tenues d’autoriser leurs agents et préposés à répondre à ses demandes. Ceux-ci sont tenus de répondre aux demandes d’explications qu’il leur adresse et de déférer à ses convocations. Les convocations doivent mentionner l’objet de l’audition.

Lorsque le Défenseur des droits est saisi, les personnes auxquelles il demande des explications peuvent se faire assister du conseil de leur choix. Un procès-verbal contradictoire de l’audition est dressé et remis à la personne entendue.

Si le Défenseur des droits en fait la demande, les ministres donnent instruction aux corps de contrôle d’accomplir, dans le cadre de leur compétence, toutes vérifications ou enquêtes. Ils l’informent des suites données à ces demandes.

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Chapitre III

Dispositions relatives aux pouvoirs du Défenseur des droits

Article 20

Le Défenseur des droits apprécie si les faits qui font l’objet d’une réclamation ou qui lui sont signalés appellent une intervention de sa part.

Il indique les motifs pour lesquels il décide de ne pas donner suite à une saisine.

Article 21

Le Défenseur des droits peut faire toute recommandation qui lui apparaît de nature à garantir le respect des droits et libertés de la personne lésée et à régler les difficultés soulevées devant lui ou à en prévenir le renouvellement.

Il peut recommander de régler en équité la situation de la personne dont il est saisi.

Les autorités ou personnes intéressées informent le Défenseur des droits, dans le délai qu’il fixe, des suites données à ses recommandations.

À défaut d’information dans ce délai ou s’il estime, au vu des informations reçues, qu’une recommandation n’a pas été suivie d’effet, le Défenseur des droits peut enjoindre à la personne mise en cause de prendre, dans un délai déterminé, les mesures nécessaires.

Lorsqu’il n’a pas été donné suite à son injonction, le Défenseur des droits établit un rapport spécial, qui est communiqué à la personne mise en cause. Le Défenseur des droits rend publics ce rapport et, le cas échéant, la réponse de la personne mise en cause, selon des modalités qu’il détermine.

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Article 27

I. – Le Défenseur des droits peut, après en avoir informé la personne mise en cause, décider de rendre publics ses avis, recommandations ou décisions avec, le cas échéant, la réponse faite par la personne mise en cause, selon des modalités qu’il détermine.

II. – Il présente chaque année au Président de la République, au Président de l’Assemblée nationale et au Président du Sénat :

1° Un rapport qui rend compte de son activité générale et comprend une annexe thématique relative à chacun de ses domaines de compétences énumérés à l’article 4 ;

2° Un rapport consacré aux droits de l’enfant à l’occasion de la journée internationale des droits de l’enfant.

Les rapports visés aux 1° et 2° sont publiés et peuvent faire l’objet d’une communication du Défenseur des droits devant chacune des deux assemblées.

III. – Le Défenseur des droits peut également présenter tout autre rapport au Président de la République, au Président de l’Assemblée nationale et au Président du Sénat. Ce rapport est publié.

TITRE IV

DISPOSITIONS RELATIVES À L’ORGANISATION ET AU FONCTIONNEMENT DU DÉFENSEUR DES DROITS

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TITRE V

DISPOSITIONS FINALES

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Article 31

Le code électoral est ainsi modifié :

1° L’article L.O. 130 est ainsi rédigé :

« Art. L.O. 130. – Sont inéligibles pendant la durée de leurs fonctions :

« 1° Le Défenseur des droits et ses adjoints ;

« 2° Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté. » ;

2° Après l’article L. 194-1, il est inséré un article L.O. 194-2 ainsi rédigé :

« Art. L.O. 194-2. – Pendant la durée de ses fonctions, le Défenseur des droits ne peut être candidat à un mandat de conseiller général. » ;

3° Après l’article L.O. 230-2, il est inséré un article L.O. 230-3 ainsi rédigé :

« Art. L.O. 230-3. – Pendant la durée de ses fonctions, le Défenseur des droits ne peut être candidat à un mandat de conseiller municipal. » ;

4° Après l’article L. 340, il est inséré un article L.O. 340-1 ainsi rédigé :

« Art. L.O. 340-1. – Pendant la durée de ses fonctions, le Défenseur des droits ne peut être candidat à un mandat de conseiller régional. » ;

5° Au premier alinéa des articles L.O. 176 et L.O. 319, après le mot : « constitutionnel », sont insérés les mots : « ou de Défenseur des droits » ;

6° Le 6° du I des articles L.O. 489, L.O. 516 et L.O. 544 est ainsi rédigé :

« 6° Le Défenseur des droits. »

Article 32

I. – Les mentions de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, du Défenseur des enfants, de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité et du Médiateur de la République figurant en annexe à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution sont supprimées.

II. – La loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française est ainsi modifiée :

1° Au 1° de l’article 7, les mots : « du Médiateur de la République, du Défenseur des enfants, de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, » sont supprimés ;

2° À la fin du 2° de l’article 14, les mots : « attributions du Médiateur de la République et du Défenseur des enfants dans les relations entre les citoyens, les collectivités publiques et les services publics » sont supprimés ;

3° Le 5° du I de l’article 109 est ainsi rédigé :

« 5° Le Défenseur des droits. »

III. – La loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie est ainsi modifiée :

1° Au 1° de l’article 6-2, les mots : « du Médiateur de la République, du Défenseur des enfants, de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, » sont supprimés ;

2° Le I de l’article 195 est complété par un 5° ainsi rédigé :

« 5° Le Défenseur des droits. »

IV. – Pour l’application de la présente loi en Nouvelle-Calédonie, les mots : « collectivités territoriales » s’entendent de la Nouvelle-Calédonie, des provinces et des communes.

V. – Après l’article 13-1-1 de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d’outre-mer, il est rétabli un article 13-2 ainsi rédigé :

« Art. 13-2. – Le Défenseur des droits est inéligible à l’assemblée territoriale. »

Article 33

I. – La présente loi organique entre en vigueur le lendemain de sa publication. À compter de cette date, le Défenseur des droits exerce les missions visées au 1° de l’article 4 et succède au Médiateur de la République dans ses droits et obligations.

II. – Toutefois, entrent en vigueur au premier jour du deuxième mois suivant la date de promulgation de la présente loi organique, en tant qu’ils concernent les missions visées aux 2° à 4° de l’article 4 :

– au second alinéa de l’article 2, les mots : « et ses adjoints » ;

– aux premier et avant-dernier alinéas de l’article 3, les mots : « et celles de ses adjoints » ;

– au deuxième alinéa de l’article 3, les mots : « ou adjoint » ;

– à la première phrase du dernier alinéa de l’article 3, les mots : « ou comme un de ses adjoints » ;

– les 2° à 4° des articles 4 et 5 ;

– le dernier alinéa de l’article 5 ;

– à la fin du deuxième alinéa de l’article 6, les mots : «, sauf lorsqu’elle est présentée au titre des compétences mentionnées aux 2° à 4° de l’article 4 » ;

– à la dernière phrase de l’article 8, les mots : « des cas lui paraissant mettre en cause l’intérêt supérieur d’un enfant et » ;

– au second alinéa de l’article 10, les mots : «, sauf au titre de ses compétences mentionnées au 3° du même article 4, » ;

– les articles 11 A à 14 ;

– au premier alinéa du II de l’article 18, la référence : « à 3° » ;

– la dernière phrase du premier alinéa et les deux derniers alinéas de l’article 19 ;

– l’article 21 ter, les II à V de l’article 22 et l’article 23 bis ;

– le dernier alinéa de l’article 26 ;

– les deux dernières phrases du second alinéa de l’article 26 bis ;

– l’article 26 ter ;

– le 2° du II de l’article 27 et, au dernier alinéa du même II, la référence : « et 2° » ;

– l’avant-dernier alinéa de l’article 28 et, au dernier alinéa du même article, les mots : « et quatrième » ;

– au premier alinéa de l’article 29, les mots : « ses adjoints, les autres membres des collèges, » ;

– à l’article 29 bis, les mots : « ses adjoints, aux autres membres des collèges, à » ;

– au troisième alinéa du 1° de l’article 31, les mots : « et ses adjoints » ;

– le 6° de l’article 31, en tant qu’il supprime, aux articles L.O. 489, L.O. 516 et L.O. 544 du code électoral, la référence au Défenseur des enfants ;

– au I de l’article 32, les mots : « de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, du Défenseur des enfants, de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité » ;

– au 1° du II du même article 32, les mots : « du Défenseur des enfants, de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, » ;

– au 2° du même II, les mots : « et du Défenseur des enfants » ;

– le 3° du même II en tant qu’il supprime la référence au Défenseur des enfants au 5° de l’article 109 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française ;

– au 1° du III du même article 32, les mots : «, du Défenseur des enfants, de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, ».

À compter du premier jour du deuxième mois suivant la promulgation de la présente loi organique, le Défenseur des droits succède au Défenseur des enfants, à la Commission nationale de déontologie de la sécurité et à la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité dans leurs droits et obligations au titre de leurs activités respectives.

III. – Les détachements, les mises à disposition en cours et les contrats des agents contractuels de droit public auprès des autorités auxquelles succède le Défenseur des droits se poursuivent auprès de lui.

Les procédures ouvertes par le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, la Commission nationale de déontologie de la sécurité et la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité et non clôturées aux dates d’entrée en vigueur mentionnées au I et au premier alinéa du II se poursuivent devant le Défenseur des droits. À cette fin, les actes valablement accomplis par le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, la Commission nationale de déontologie de la sécurité et la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité sont réputés avoir été valablement accomplis par le Défenseur des droits.

M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...

Le vote est réservé.

Vote sur l'ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi organique dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

M. Alain Anziani. Nous espérions que le débat nous apporterait quelques lumières, mais nous ne percevons toujours pas le véritable motif de la création du Défenseur des droits…

Les autorités administratives indépendantes qu’il est appelé à remplacer ne fonctionnaient-elles pas de façon satisfaisante ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas cela !

M. Alain Anziani. Aucun élément en ce sens n’a été versé au débat. Bien au contraire, il a été dit et répété qu’elles remplissaient bien leurs missions, et même que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, seule institution à avoir, presque par miracle, échappé à la fusion, joue un rôle admirable, avec à sa tête un homme remarquable.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai !

M. Alain Anziani. Dans le même ordre d’idées, cette semaine encore, au cours de l’examen du projet de loi relatif à la garde à vue, de multiples témoignages ont mis en exergue l’importance de l’action de la CNDS, dont nous risquons de déplorer la disparition dans les années à venir.

S’agit-il de faire des économies ? Plus personne ne soutient que la création du Défenseur des droits le permettra. On ne voit pas, en effet, comment une structure complexe et polymorphe pourrait travailler à moindre coût que les institutions existantes, plus souples et beaucoup plus réactives.

M. le garde des sceaux a affirmé avec beaucoup de force que la France disposerait, avec le Défenseur des droits, de l’ombudsman le plus puissant d’Europe. Mais pourra-t-il être puissant alors qu’il dépendra de l’exécutif, étant nommé par le Président de la République ? C’est un vaste débat, que vous avez éludé !

M. le rapporteur a dit tout à l’heure qu’il faudrait trouver l’oiseau rare. La tâche s’annonce difficile ! L’indépendance de la nouvelle institution sera plus limitée si Mme de Panafieu est nommée par le pouvoir exécutif, qui lui offrirait ainsi une sorte de lot de consolation, que si elle est dirigée par M. Delarue… Tout dépend donc de la personne qui sera nommée, et par suite de la personne qui la nomme ! Le pouvoir exécutif va désigner son propre contrôleur…

M. le président de la commission des lois nous a dit que ce n’était pas mieux avant. Certes, mais si rien ne change, à quoi tout cela sert-il ?

Je terminerai en rappelant la maxime de Montesquieu selon laquelle il ne faut toucher aux lois que d’une main tremblante.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je ne vois pas ce que Montesquieu vient faire dans ce débat !

M. Alain Anziani. Pour votre part, monsieur le garde des sceaux, vous les bousculez d’un revers de la main ! Nous voterons contre ces deux textes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble du projet de loi organique dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 173 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 323
Majorité absolue des suffrages exprimés 162
Pour l’adoption 185
Contre 138

Le Sénat a adopté.

PROJET DE LOI ORDINAIRE

M. le président. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ordinaire relatif au Défenseur des droits.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement. Le Sénat étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, il statue sur les amendements puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :

PROJET DE LOI RELATIF AU DEFENSEUR DES DROITS

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Article 1er octies

La loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés est ainsi modifiée :

1° À l’intitulé du chapitre VII, après le mot : « par », sont insérés les mots : « la formation restreinte de » ;

2° Les I et II de l’article 45 sont ainsi rédigés :

« I. – La formation restreinte de la Commission nationale de l’informatique et des libertés peut prononcer, après une procédure contradictoire, un avertissement à l’égard du responsable d’un traitement qui ne respecte pas les obligations découlant de la présente loi. Cet avertissement a le caractère d’une sanction.

« Le président de la commission peut également mettre en demeure ce responsable de faire cesser le manquement constaté dans un délai qu’il fixe. En cas d’urgence, ce délai peut être ramené à cinq jours.

« Si le responsable du traitement se conforme à la mise en demeure qui lui est adressée, le président de la commission prononce la clôture de la procédure.

« Dans le cas contraire, la formation restreinte peut prononcer à son encontre, après une procédure contradictoire, les sanctions suivantes :

« 1° Une sanction pécuniaire, dans les conditions prévues par l’article 47, à l’exception des cas où le traitement est mis en œuvre par l’État ;

« 2° Une injonction de cesser le traitement, lorsque celui-ci relève des dispositions de l’article 22, ou un retrait de l’autorisation accordée en application de l’article 25.

« II. – Lorsque la mise en œuvre d’un traitement ou l’exploitation des données traitées entraîne une violation des droits et libertés mentionnés à l’article 1er, la formation restreinte peut, après une procédure contradictoire, engager une procédure d’urgence, définie par décret en Conseil d’État, pour :

« 1° Décider l’interruption de la mise en œuvre du traitement, pour une durée maximale de trois mois, si le traitement n’est pas au nombre de ceux qui sont mentionnés aux I et II de l’article 26 ou de ceux mentionnés à l’article 27 mis en œuvre par l’État ;

« 2° Prononcer un avertissement visé au premier alinéa du I ;

« 3° Décider le verrouillage de certaines des données à caractère personnel traitées, pour une durée maximale de trois mois, si le traitement n’est pas au nombre de ceux qui sont mentionnés aux I et II de l’article 26 ;

« 4° Informer le Premier ministre pour qu’il prenne, le cas échéant, les mesures permettant de faire cesser la violation constatée, si le traitement en cause est au nombre de ceux qui sont mentionnés aux mêmes I et II de l’article 26 ; le Premier ministre fait alors connaître à la formation restreinte les suites qu’il a données à cette information au plus tard quinze jours après l’avoir reçue. » ;

3° L’article 46 est ainsi modifié :

a) La deuxième phrase du premier alinéa est ainsi rédigée :

« Ce rapport est notifié au responsable du traitement, qui peut déposer des observations et se faire représenter ou assister. » ;

b) Aux deux dernières phrases du premier alinéa, le mot : « commission » est remplacé par les mots : « formation restreinte » ;

b bis) La dernière phrase du premier alinéa est complétée par les mots : «, y compris, à la demande du secrétaire général, les agents des services » ;

c) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« La formation restreinte peut rendre publiques les sanctions qu’elle prononce. Elle peut également ordonner leur insertion dans des publications, journaux et supports qu’elle désigne aux frais des personnes sanctionnées. Le président de la commission peut demander au bureau de rendre publique la mise en demeure prévue au deuxième alinéa du I de l’article 45. Lorsque le président de la commission prononce la clôture de la procédure dans les conditions définies au troisième alinéa du I de l’article 45, la clôture fait l’objet de la même mesure de publicité que celle, le cas échéant, de la mise en demeure. » ;

d) À la première phrase du dernier alinéa, le mot : « commission » est remplacé par les mots : « formation restreinte » ;

4° À l’avant-dernier alinéa de l’article 47, les mots : « Commission nationale de l’informatique et des libertés » sont remplacés par les mots : « formation restreinte » ;

5° Le début de l’article 48 est ainsi rédigé :

« Art. 48. – Les pouvoirs prévus à l’article 44 ainsi qu’au I, au 1° du II et au III de l’article 45 peuvent être exercés à l’égard… (le reste sans changement). » ;

6° Le premier alinéa de l’article 49 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« La commission peut, à la demande d’une autorité exerçant des compétences analogues aux siennes dans un autre État membre de l’Union européenne, procéder à des vérifications dans les mêmes conditions que celles prévues à l’article 44, sauf s’il s’agit d’un traitement mentionné aux I ou II de l’article 26.

« Le président de la commission ou la formation restreinte peuvent, à la demande d’une autorité exerçant des compétences analogues aux leurs dans un autre État membre de l’Union européenne, prendre les décisions mentionnées aux articles 45 à 47 et dans les conditions prévues par ces mêmes articles, sauf s’il s’agit d’un traitement mentionné aux I ou II de l’article 26. »

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Article 14 bis

(Suppression maintenue)

Article 15

La présente loi entre en vigueur à la date prévue au I de l’article 33 de la loi organique n° … du … relative au Défenseur des droits.

Toutefois, entrent en vigueur à la date prévue au premier alinéa du II du même article :

– les mots : «, du Défenseur des enfants, ainsi que de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité » de l’article 10 ;

– l’article 11 en tant qu’il supprime, à l’article 6 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté, les références au Défenseur des enfants, au Président de la Commission nationale de déontologie de la sécurité et au Président de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité ;

– les mots : « de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, du Défenseur des enfants, de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité et » de l’article 12 ;

– les troisième, sixième et dernier alinéas de l’article 13, en tant qu’ils suppriment la référence au Défenseur des enfants aux articles L. 194-1, L. 230-1 et L. 340 du code électoral ;

– les 2° à 4° de l’article 14.

M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...

Quelqu’un demande-t-il la parole pour explication de vote sur l’ensemble du projet de loi ?...

Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

M. Jacques Mézard. Le groupe du RDSE s’abstient !

(Le projet de loi est adopté.)

5

Mise au point au sujet d'un vote

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Lors du scrutin n° 172 du 9 mars 2011 portant sur l’ensemble de la proposition de loi modifiant certaines dispositions de la loi n° 2009-79 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, M. Jean Arthuis souhaitait voter pour.

Notre collègue souhaite que cette rectification soit consignée dans le compte rendu de nos travaux.

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures dix, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

6

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question de même que la ou le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes trente.

débat sur la laïcité

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE.)

M. Jacques Mézard. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

M. Guy Fischer. Il n’est pas là !

M. Jacques Mézard. Il est des textes qui sont fondateurs de la République. Viendrait-il l’idée à quiconque de remettre en cause la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, sous prétexte que la société évolue ? La marque d’une politique, d’un président de la République, passe-t-elle par la remise en cause constante de nos principes fondamentaux ?

Le combat des radicaux pour mettre au cœur de la République française la laïcité, qui est non pas une opinion mais la liberté d’en avoir une, a abouti à la loi du 9 décembre 1905. L’article 1er de la Constitution a consacré ce principe. La République n’est donc concernée ni par les encycliques ni par les fatwas.

Le Premier ministre, lui-même, a déclaré que la laïcité était une « déclinaison du principe même de la liberté ». Il a pourtant ajouté récemment qu’il convenait de réévaluer ce principe et son application pour tenir compte des évolutions de la société française.

M. Guy Fischer. Il y a de quoi se faire du souci !

M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre de l’intérieur, pour nous, il ne convient pas de réévaluer la loi de 1905 ; il convient de l’appliquer, de garantir l’indépendance de l’État et de ses services publics à l’égard des institutions et des pouvoirs religieux quels qu’ils soient.

M. Louis Mermaz. Très bien !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui, quels qu’ils soient !

M. Jacques Mézard. La République ne connaît que des citoyennes et des citoyens ayant les mêmes droits et les mêmes devoirs, dans les cités, les rues, les écoles et les entreprises.

Aux termes de l’article 2 de la loi de 1905, « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». Le lancement d’un débat sur « la laïcité et l’islam » procède-t-il de la même réévaluation de la laïcité ? (Oui ! sur les travées de l’UMP.)

Personne n’est dupe de ce qu’un tel débat sous-entend, de son caractère inopportun et peu responsable.

M. Didier Boulaud. Absolument !

M. Jacques Mézard. Le fiasco du précédent débat sur l’identité nationale n’est-il pas suffisant ?

M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue.

M. Alain Gournac. Tous les débats sont bons !

M. Jacques Mézard. Effectivement, mon cher collègue...

Le Président de la République a placé son quinquennat sous le signe de la rupture, et il a atteint ses objectifs : la France est de plus en plus divisée, le populisme et les extrêmes prospèrent.

Monsieur le ministre de l’intérieur, il est des sujets qui font naître très légitimement des divergences profondes entre majorité et opposition.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Mézard !

M. Jacques Mézard. Mais, sur la question de la laïcité, la nation n’a pas besoin de rupture, elle a besoin de rassemblement.

Pour y parvenir, allez-vous renoncer au débat annoncé ? Allez-vous renoncer à modifier la loi de 1905 ? (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Monsieur le ministre de l’intérieur, alors que vous allez intervenir pour la première fois dans l’hémicycle du Sénat, je tiens à vous adresser mes vœux de plein succès dans vos nouvelles fonctions ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Monsieur le ministre, vous avez la parole.

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Je vous remercie, monsieur le président, de vos encouragements. Permettez-moi de vous dire, ainsi qu’à vous tous, mesdames, messieurs les sénateurs, combien je suis conscient de l’honneur qui m’est fait et de la responsabilité qui m’incombe.

Monsieur Mézard, le principe de laïcité, consacré par la loi de 1905, est effectivement un principe fondateur et majeur de nos institutions républicaines. Du reste, il est inscrit dans notre Constitution.

Le Gouvernement, je vous le dis d’emblée, est parfaitement en phase avec ce que vous venez de déclarer. Il n’est pas question, en tout état de cause, de toucher à la loi de 1905.

M. Jean Bizet. Très bien !

M. Claude Guéant, ministre. Alors, me direz-vous, pourquoi un tel débat ? La raison en est toute simple : nous avons vu apparaître un certain nombre de comportements non conformes au principe de laïcité que nous partageons.

M. Claude Guéant, ministre. Des personnes ont transporté sur l’espace public des pratiques cultuelles.

M. Jean-Louis Carrère. Comme les pèlerinages à Lourdes...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ou les processions au Sacré-Cœur !

M. Claude Guéant, ministre. Sous le prétexte de pratiquer une religion, certaines personnes développent le communautarisme, une forme de vie en société que nous n’acceptons pas.

Par conséquent, il nous est apparu important de rappeler le principe de laïcité, comme vous venez de le faire à l’instant, monsieur le sénateur. Par ailleurs, le Parlement a récemment voulu confirmer ce principe,...

M. Guy Fischer. Pour le transgresser !

M. Claude Guéant, ministre. ... de même que celui de l’égalité entre l’homme et la femme, en interdisant le port du voile sur la voie publique.

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Claude Guéant, ministre. Ce débat sera l’occasion de confirmer que le principe de laïcité s’applique dans notre pays.

J’ajoute que la laïcité ne s’oppose pas à aux religions. Il s’agit simplement d’affirmer le principe selon lequel l’État ne prend pas parti dans ce domaine ni ne soutient aucune religion.

Ceux qui vivent leur foi dans la discrétion seront donc rassurés par ce débat, qui permettra de réaffirmer le principe de laïcité ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Didier Boulaud. Tout le monde n’applaudit pas à droite : il y a une cassure à ce sujet !

éligibilité des syndicats intercommunaux à vocation scolaire à la dotation d’équipement des territoires ruraux

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’élaboration des schémas de coopération intercommunale en cours de préparation suscite l’inquiétude des élus locaux, qui s’interrogent sur le devenir des différentes structures intercommunales auxquelles ils appartiennent.

C’est dans ce contexte déjà anxiogène qu’ils découvrent une disposition de la loi de finances pour 2011, passée totalement inaperçue et qui risque d’avoir de lourdes conséquences. En effet, l’article 179 de ladite loi de finances a créé la dotation d’équipement des territoires ruraux destinée à remplacer, en milieu rural, la dotation globale d’équipement et la dotation de développement rural. Or il s’avère que cette nouvelle dotation est réservée aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, ce qui exclut tous les autres EPCI et les syndicats mixtes.

La disposition s’appliquera pleinement en 2013, puisqu’un régime dérogatoire a été mis en place pour 2011 et 2012. Une telle exclusion est extrêmement grave, car elle implique que ces structures ne pourront plus investir, dans la mesure où leurs investissements ne seront plus subventionnés.

Mme Annie David. Il n’y aura plus de syndicats !

M. Hervé Maurey. Cette discrimination touche de très nombreux syndicats de communes, et notamment les SIVOS, syndicats intercommunaux à vocation scolaire, qui ne pourront plus ni construire ni même effectuer des travaux dans les écoles dont ils ont la charge. Elle concerne également d’autres syndicats, tels que les syndicats d’eau ou d’ordures ménagères en milieu rural.

Je souhaite savoir, monsieur le ministre chargé des collectivités territoriales, si cette disposition résulte d’une erreur rédactionnelle, ce qui arrive parfois, auquel cas il faudra la corriger. En revanche, si elle est volontaire, je tiens à vous dire que je la trouve extrêmement choquante, sur la forme et sur le fond : sur la forme, parce qu’elle a été introduite subrepticement, sans transparence ni débat sur l’opportunité d’une telle mesure dans le cadre d’une loi de finances ; sur le fond, parce qu’elle engendrerait, si elle était appliquée, de lourdes conséquences pour de nombreux syndicats, qu’elle condamnerait purement et simplement à la disparition à brève échéance.

C’est peut-être l’objectif recherché. Mais alors, il faut avoir le courage de le dire, d’autant que cette disparition n’a jamais été programmée ni même évoquée dans le cadre de la récente réforme des collectivités locales.

M. Didier Boulaud. Il ne fallait pas la voter !

M. Hervé Maurey. Monsieur le ministre, quelle est la position du Gouvernement sur ce sujet qui préoccupe, je peux vous l’assurer, de très nombreux élus locaux ? (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste. – M. Philippe Darniche applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des collectivités territoriales.

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, votre question est à la fois précise et technique.

M. Jean-Pierre Michel. Si elle est technique, elle est forcément précise !

M. Philippe Richert, ministre. Les dispositions que vous évoquez ont été discutées et votées ici, au Sénat, en ma présence, lors du débat consacré aux collectivités territoriales dans le cadre de l’examen de la loi de finances pour 2011.

Permettez-moi de répondre en deux points à votre question.

M. Jean-Pierre Michel. Répondez techniquement ! (Sourires ironiques sur les travées du groupe socialiste.)

M. Philippe Richert, ministre. D’une part, en quoi consiste la dotation d’équipement des territoires ruraux ? Elle résulte, comme vous l’avez rappelé, de la fusion de deux dotations, la DGE et la DDR.

Cette dotation, dont le montant total s’élève à 615 millions d’euros, doit bénéficier aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et aux communes de moins de 20 000 habitants, puisque sa vocation est d’aider les collectivités, notamment en milieu rural.

D’autre part, quelles sont les structures intercommunales susceptibles d’en bénéficier ? En réalité, le choix a été fait de raisonner en fonction non pas du type de travaux réalisés, mais de la structure support de ces travaux. Peu importe que ces regroupements communaux soient des syndicats intercommunaux à vocation scolaire ou ceux qui gèrent les déchets, l’eau ou l’assainissement ; seule est prise en compte la forme de la structure.

M. Jean-Pierre Michel. Cela va intéresser les téléspectateurs, c’est sûr !

M. Philippe Richert, ministre. Sont donc effectivement concernés les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.

Monsieur le sénateur, pour répondre à votre question de façon très précise,…

M. Philippe Richert, ministre. … si votre SIVOS est un EPCI à fiscalité propre, il n’y aura pas de difficulté. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. David Assouline. Les téléspectateurs ne vont rien comprendre !

M. Simon Sutour. Il faut avoir fait l’ENA pour vous suivre !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Personne ne va s’y retrouver !

M. Philippe Richert, ministre. En revanche, si ce SIVOS est un syndicat mixte, il ne pourra pas bénéficier de la dotation au-delà de 2013.

M. Philippe Richert, ministre. D’ici là, néanmoins, toutes les structures qui en bénéficiaient jusqu’à présent pourront continuer à la recevoir sans restriction. Voilà la réponse précise et technique que je souhaitais apporter à une question de même nature. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. François Patriat.

M. François Patriat. Ma question s’adresse à Mme la ministre chargée de l’apprentissage et de la formation professionnelle.

Madame la ministre, je vous ai entendue, ici même, voilà trois semaines, répondre à une question sur l’apprentissage en mettant largement en cause les régions. À défaut de faire noble, vous avez fait court. En effet, si l’apprentissage représente bien l’une des voies de la formation initiale et continue des jeunes, ce n’est pas la seule, ni même la solution miracle.

Or nous nous interrogeons, dans les régions, sur les déclarations et les actes contradictoires du Gouvernement.

Le jour même où le chef de l’État annonçait sa décision de « faire » un million de chômeurs (Marques d’étonnement sur les travées de l’UMP),…

Mme Nadine Morano, ministre auprès du ministre du travail, de l’emploi et de la santé, chargée de l’apprentissage et de la formation professionnelle. Un million de chômeurs, dites-vous ?

M. Jean-Pierre Raffarin. Il s’agit de un million d’emplois, pas de chômeurs !

M. François Patriat. … le Gouvernement supprimait les aides aux employeurs d’apprentis, les exonérations de charges pour les entreprises de plus de douze salariés,...

M. Bernard Piras. Cela vous fait mal !

M. François Patriat. ... diminuait le nombre de filières de formation professionnelle dans les lycées et supprimait les contrats aidés. Voilà de quoi encourager l’apprentissage !

Les régions se sont fortement engagées en faveur de l’apprentissage. Le montant des crédits qu’elles y consacrent est largement supérieur à celui des contrats d’objectifs et de moyens que vous défendez et qui ne représente que 15 % de la dépense en ce domaine.

L’apprentissage ne se décrète pas. Il dépend des entreprises, des jeunes et des places disponibles dans les CFA.

Or, depuis la mise en place du baccalauréat professionnel en trois ans, les entreprises ne veulent plus prendre d’apprentis, car elles subissent lourdement la conjoncture et n’ont pas de visibilité.

De plus, leur statut n’ayant pas été revalorisé, il arrive souvent que les jeunes apprentis ne soient pas reconnus comme tels.

Enfin, nous sommes parfois dépourvus de moyens pour augmenter le nombre de places dans les CFA.

Madame la ministre, pour que nous soyons en mesure de réussir, vous devez répondre à quatre questions.

En premier lieu, êtes-vous prête à discuter demain avec les régions et les acteurs de la formation professionnelle et de l’emploi d’une nouvelle approche de l’apprentissage qui soit plus intelligible et plus compréhensible ?

En deuxième lieu, êtes-vous prête à discuter des contrats d’objectifs et de moyens avec une approche non pas quantitative, mais qualitative ?

En troisième lieu, êtes-vous prête à prendre en compte et à soutenir toutes les filières, y compris les filières professionnelles des lycées, que les régions ont déjà financées et dans lesquelles vous avez aujourd’hui supprimé des postes ?

M. le président. Posez votre question, mon cher collègue.

M. François Patriat. Enfin, en quatrième lieu, êtes-vous prête à réformer la taxe d’apprentissage pour qu’elle soit attribuée, comme ce serait normal, aux régions, qui, demain, auront la charge de la redistribution en la matière ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée de l’apprentissage et de la formation professionnelle.

Mme Nadine Morano, ministre auprès du ministre du travail, de l’emploi et de la santé, chargée de l’apprentissage et de la formation professionnelle. Monsieur Patriat, tout d’abord, permettez-moi simplement de vous reprendre au sujet d’un lapsus que vous venez de faire : le Président de la République a annoncé non pas un million de chômeurs, mais un million d’alternants.

Dans le tourbillon des sondages dont on nous abreuve tous les jours en ce moment sur l’élection présidentielle et qui n’ont strictement aucune utilité au regard du quotidien des Français, une étude d’opinion publiée ce matin montre que 66 % des Français jugent l’alternance efficace pour l’accès à l’emploi.

M. François Patriat. Ce n’est pas la question !

Mme Nadine Morano, ministre. D’après ce même sondage, 53 % des Français conseillent à leurs enfants une formation en alternance pour trouver un emploi.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais ils n’y arrivent pas, justement !

M. François Patriat. Pourquoi avez-vous supprimé les aides ?

Mme Nadine Morano, ministre. Voilà qui démontre à quel point, dans notre pays, il y a maintenant une prise de conscience sur la nécessité de permettre à 100 % des jeunes d’être formés plutôt que d’amener 80 % d’une classe d’âge au baccalauréat. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)

M. Jean-Pierre Bel. Cela ne répond pas à la question !

Mme Nadine Morano, ministre. Monsieur Patriat, je vous répondrai très clairement. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cherchez-les, les places d’apprentis ! Trouvez-les nous !

Mme Nadine Morano, ministre. L’emploi des jeunes est un objectif national partagé.

M. Guy Fischer. Paroles !

Mme Nadine Morano, ministre. Puisque nous devons développer les formations par apprentissage et par alternance, le Président de la République a annoncé à Bobigny l’ensemble des moyens que l’État y consacrera.

M. René-Pierre Signé. Vous les avez réduits !

M. Guy Fischer. On exonère tout le monde ! Les patrons ont touché 90 milliards d’euros de profits et ils ne paient plus rien !

Mme Nadine Morano, ministre. Ce sont tout d’abord 500 millions d’euros qui seront alloués au travers du Grand emprunt pour développer l’ensemble de l’outil de formation par alternance, en particulier les CFA, et pour financer cinquante projets. L’appel à projets a d’ores et déjà été lancé.

À cet égard, monsieur le président de la région Bourgogne, puisque ce domaine fait également partie de vos responsabilités, 15 000 places seront créées en hébergement pour les jeunes choisissant l’apprentissage.

Vous m’avez posé plusieurs questions, notamment sur les contrats d’objectifs et de moyens. J’ai étudié la situation dans votre région, et je ne peux que vous féliciter de la façon dont vous y avez traité le sujet de l’apprentissage : je constate que, en termes de financement, la région Bourgogne est quasiment à parité avec l’État.

L’État engagera 1,7 milliard d’euros sur les quatre prochaines années dans le cadre des contrats d’objectifs et de moyens. Nous attendons des régions qu’elles fassent le même effort. (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP.)

Mme Nadine Morano, ministre. Nous discuterons avec elles afin que, pour chaque euro versé par l’État, elles engagent également un euro. Aujourd’hui, en moyenne, elles n’engagent que vingt centimes d’euros.

M. Jean-Pierre Raffarin. Patriat, Premier secrétaire !

Mme Nadine Morano, ministre. À l’occasion de la dixième édition de la semaine nationale de l’artisanat, je me suis rendue avec Catherine Dumas dans un CFA ce matin et j’ai constaté à quel point les jeunes apprentis étaient épanouis. À nous de les aider ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oh là là ! On voit qu’ils n’ont jamais cherché une place d’apprenti !

M. Jean-Pierre Raffarin. Patriat au pouvoir ! Patriat en Poitou-Charentes !

impôt sur la fortune

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. Bernard Vera. Monsieur le ministre du budget, alors que nos concitoyens souffrent de l’explosion du prix des carburants, du gaz et des loyers, alors que la crise sociale frappe durement et que le chômage se maintient à un niveau jamais atteint dans notre pays, votre préoccupation prioritaire consiste à alléger, encore et toujours, les impôts des plus riches.

M. Guy Fischer. Voilà la vérité !

M. Bernard Vera. Contraint de supprimer le bouclier fiscal, devenu impopulaire et politiquement intenable, vous préparez en effet la suppression de l’impôt sur la fortune.

M. le Premier ministre vient d’annoncer que le bouclier fiscal était « un remède imparfait » aux « défauts de l’ISF ». Merci d’avouer, enfin, que le bouclier fiscal a bel et bien été conçu comme un dispositif de compensation de l’impôt sur la fortune, qui permet par exemple à Mme Bettencourt de recevoir un chèque de remboursement de 30 millions d’euros par an ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l’UMP.)

Mme Annie David et M. Guy Fischer. Voilà la vérité !

M. Bernard Vera. Le peuple a donc fini par avoir raison du bouclier fiscal, devenu une offense à la justice sociale et le symbole inacceptable d’une politique au service des privilégiés.

Mais Nicolas Sarkozy ne renonce pas.

M. Alain Gournac. Non, jamais !

M. Bernard Vera. Dès son élection, le Président du pouvoir d’achat a très vite fait place au Président des riches (Protestations sur les travées de l’UMP),…

M. Bernard Vera. … préférant alléger l’impôt sur le capital plutôt que l’imposition portant sur la consommation ou sur le travail.

Jusqu’au bout, sa priorité aura été de protéger et d’aider les plus fortunés, ceux qui, d’une manière très concrète, soutiennent l’UMP et la majorité.

M. Jean-Pierre Raffarin. Pas Pierre Bergé !

M. Bernard Vera. Depuis quelques jours, la valse des milliards d’euros a repris. Les quarante plus grands groupes français ont touché plus de 82 milliards de profits – 10 milliards pour Total, 5 milliards pour GDF – et rien n’est mis en œuvre pour faire participer les grandes fortunes à l’effort collectif de lutte contre une crise dont elles sont pourtant responsables.

Dans la France de Nicolas Sarkozy, plus les entreprises sont importantes, moins elles cotisent, et plus on est riche, moins on paie d’impôts.

M. le président. Pensez à votre question, mon cher collègue.

M. Bernard Vera. Monsieur le ministre, ma question sera simple : confirmez-vous aujourd’hui que la mesure phare de la grande réforme fiscale annoncée sera la suppression, ou du moins la forte réduction de l’impôt sur la fortune ? Comment allez-vous compenser cette perte de recettes pour l’État ? Allez-vous augmenter le taux de TVA,…

M. Guy Fischer. Le taux réduit de TVA !

M. Bernard Vera. … au risque de diminuer encore le pouvoir d’achat de tous, et surtout des plus défavorisés ?

Pour être tout à fait clair, confirmez-vous que le gouvernement de Nicolas Sarkozy aura été celui de l’injustice fiscale et sociale ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, permettez-moi de vous dire que vous mélangez tout et n’importe quoi. (Vives protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oh, voilà qui est assez ! Arrêtez de nous prendre pour des imbéciles ! Vous pensez que nous ne savons ni lire ni écrire ?

M. Jean-Pierre Sueur. Cessez d’être méprisant à l’égard des parlementaires !

M. François Baroin, ministre. Vous êtes dans la confusion et dans l’amalgame, donc dans la facilité.

Mme Annie David. Quel mépris !

M. René-Pierre Signé. C’est une injure !

M. François Baroin, ministre. Vous ne sortez pas de cette idée qui a trente ans d’âge et qui vous emprisonne : vous n’êtes pas assez ouvert sur la réalité, sur le besoin de compétitivité de notre pays, sur cette exigence de justice sociale dont vous n’êtes d’ailleurs pas le seul porte-parole, puisqu’elle irrigue la politique transversale de l’ensemble des ministères sous l’autorité du Premier ministre et sous l’impulsion du Président de la République.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quelle prétention !

M. Guy Fischer. C’est la tarte à la crème !

M. François Baroin, ministre. Vous confondez plusieurs choses, monsieur le sénateur.

Je me permets de rappeler que, malgré la crise, l’effort a porté sur la préservation de notre modèle social,…

Mme Annie David. C’est faux !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Complètement faux !

M. François Baroin, ministre. … qu’un bouclier social a été mis en place avec le RSA, que le budget de la sécurité sociale et de la solidarité vis-à-vis de nos aînés, des familles, des retraités et des chômeurs est une fois et demie supérieur au budget de l’État.

Le budget de la sécurité sociale s’élève à près de 500 milliards d’euros,…

Mme Annie David. À qui sont-ils destinés ?

M. François Baroin, ministre. … celui de l’État à 300 milliards d’euros. Vous faites une grave erreur d’analyse. C’est d’ailleurs ce qui sépare profondément une gauche conservatrice et une droite aux responsabilités aux côtés du centre et qui souhaite poursuivre la modernisation de notre modèle social. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. René-Pierre Signé. Quel mépris ! On verra en 2012 !

Mme Catherine Tasca. Les mensonges ne font pas la vérité, monsieur le ministre !

M. François Baroin, ministre. Second élément de confusion : vous restez fixé sur le dogme, dirais-je, de la vengeance sociale, hérité de votre arrivée au pouvoir en 1981. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. Guy Fischer. On en reparlera !

M. François Baroin, ministre. À l’époque, le taux marginal de l’impôt sur les grandes fortunes avait été fixé à 1,5 %, tandis que celui de l’emprunt Delors était de 16,75 %. Aujourd’hui, le taux marginal de l’impôt sur la fortune est de 1,8 % alors que celui des obligations d’État est de 3,5 %. Il y a tout de même une nette évolution ! (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.)

MM. Michel Houel et Bruno Sido. C’est exact !

M. François Baroin, ministre. Vous voyez bien que l’esprit de spoliation que nous avons dénoncé et que vous continuez de soutenir trouve de nos jours une certaine pertinence.

Par conséquent, corriger ces erreurs n’est rien d’autre qu’une bonne politique.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous n’avons pas besoin de leçon ! C’est vous qui allez en recevoir bientôt !

M. François Baroin, ministre. Cette correction passe, il est vrai, par la suppression du bouclier, assumé comme un outil au service de la compétitivité permettant d’éviter un impôt spoliateur et confiscatoire.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Au lieu de nous corriger, corrigez votre copie !

M. René-Pierre Signé. Pourquoi y a-t-il alors autant de mécontents ?

M. François Baroin, ministre. Par une politique cohérente, nous lions la suppression du bouclier fiscal à la réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune pour atteindre le double objectif de justice fiscale et de compétitivité économique.

Le Gouvernement envisage deux scénarios pour l’ISF : le premier table sur sa suppression et le passage d’une fiscalité sur le stock à une fiscalité sur les revenus du patrimoine ; le second porte sur une révision complète de son assiette.

Enfin, dernier argument, la réforme sera neutre pour les finances publiques et les classes moyennes ne paieront pas pour un allégement des plus riches ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. Alain Gournac. Tant mieux !

taxis low cost

M. le président. La parole est à M. Michel Houel.

M. Michel Houel. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration.

Monsieur le ministre, l’exercice de la profession de taxi est strictement réglementé en France.

M. Didier Boulaud. Un taxi pour Tobrouk ! Voilà qui serait plus approprié pour une question d’actualité au Gouvernement ! (Sourires ironiques sur les travées du groupe socialiste.)

M. Michel Houel. Le statut de cette profession est régi par la loi du 20 janvier 1995 : d’une part, pour avoir le droit de conduire un taxi, il faut être titulaire d’un certificat de capacité professionnelle ; d’autre part, pour exploiter un taxi, une autorisation administrative de stationner sur la voie publique doit avoir été délivrée pour le véhicule au nom du propriétaire artisan ou, en cas de conducteur salarié ou locataire, de l’exploitant.

M. René-Pierre Signé. Drôle de question d’actualité !

M. Jacques Mahéas. D’une actualité brûlante !

M. Michel Houel. La loi du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques est venue moderniser le régime juridique des voitures de tourisme avec chauffeur.

En autorisant des véhicules de tourisme avec chauffeur à exercer, sans avoir besoin de se munir de la coûteuse licence de taxi, cette nouvelle réglementation a favorisé la création de taxis low cost, pratiquant des prix défiant toute concurrence, notamment grâce à des annonces de publicité recouvrant leur carrosserie.

M. Didier Boulaud. Les téléspectateurs qui nous regardent en ce moment frémissent ! Certains doivent être partis boire une tisane pendant cette question passionnante !

M. Michel Houel. La réaction des artisans taxis ne s’est pas fait attendre, notamment dans le Sud-Est où l’attention a été attirée sur le low cost et les moindres contraintes dont il jouit. Cette nouvelle réglementation semble d’ailleurs donner des idées à nombre d’entrepreneurs potentiels sur tout le territoire, même à Paris et dans mon département de Seine-et-Marne.

Dans le Vaucluse, en l’espace d’une seule année, ce nouveau mode de transport a contribué à réduire de 30 % le chiffre d’affaires des chauffeurs de taxi artisanaux.

Mme Raymonde Le Texier. Que votent-ils, les chauffeurs de taxi ?

M. Michel Houel. Les sociétés de taxis traditionnels et les syndicats des artisans taxis ont tenté, en vain jusqu’à présent, de dénoncer devant les tribunaux la concurrence déloyale exercée par ces transporteurs low cost.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer ce que le Gouvernement compte faire pour remédier à la menace qui pèse actuellement sur la profession de taxi ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – MM. Claude Biwer et Yves Pozzo di Borgo applaudissent également.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes pour la concurrence généralisée ! Ne vous plaignez pas de celle qui prévaut entre les taxis !

M. Paul Raoult. Il y a des choses intéressantes dans le rapport Attali sur les chauffeurs de taxi !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration.

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Monsieur le sénateur, vous l’avez rappelé, la loi du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques – je pense que cet intitulé est important pour traiter le problème qui se présente – a inséré un nouveau chapitre dans le code du tourisme intitulé « Exploitation de voitures de tourisme avec chauffeur ».

Ces voitures doivent répondre à des conditions techniques et de confort particulières. En outre, elles n’ont la possibilité de stationner sur la voie publique dans l’attente d’un client que si elles ont été préalablement retenues. Le législateur avait donc pour intention de créer une nouvelle gamme de véhicules à des fins touristiques.

Il est apparu qu’un certain nombre d’entreprises nouvellement créées tiraient partie de cette loi pour mettre à disposition des véhicules ne répondant pas à la volonté du législateur.

Une étude attentive a été entreprise par le ministère de l’intérieur pour vérifier les caractéristiques des services proposés et des véhicules mis à disposition. Sachez d’emblée que, dans l’esprit du Gouvernement, il est tout à fait exclu que les taxis aient à souffrir d’une concurrence déloyale.

À cette fin, si des textes doivent être réformés, ils le seront et, bien entendu, tous les contrôles nécessaires seront conduits et toutes les procédures utiles mises en œuvre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)

politique des territoires

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère. (Ah ! sur les travées de l’UMP.)

M. Jean-Louis Carrère. Je voudrais tout d’abord dire à Mme Morano que, dans sa réponse à M. Patriat, à défaut de commettre un lapsus, elle a fait une imprécision que j’aimerais corriger : lorsque les régions versent un euro, l’État met non pas un euro, mais dix centimes d’euros.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est la vérité !

M. Jean-Louis Carrère. Vous avez commis une erreur et celle-ci devait être rectifiée, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Nadine Morano, ministre auprès du ministre du travail, de l’emploi et de la santé, chargée de l’apprentissage et de la formation professionnelle. Nous ne parlons pas de la même chose !

M. Jean-Louis Carrère. Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, tous les soirs, lorsque je parcours le territoire de mon département pour la campagne des élections cantonales, je suis interpellé au sujet de la disparition quasi permanente des services publics en milieu rural.

Je suis notamment atterré de ce qui arrive en matière d’éducation nationale : alors que, depuis 2007, la population d’élèves dans les lycées, les collèges et les écoles s’est accrue de 150 000 individus, on a supprimé dans le même temps 65 000 postes d’enseignants. Voilà qui est préoccupant dans un pays comme le nôtre pour la qualité même de l’enseignement.

M. Jean-Louis Carrère. Il est tout aussi préoccupant de voir disparaître des escadrons et des brigades de gendarmerie, au moment où l’on assiste à des transferts de population des zones urbaines vers les zones rurales, dans lesquelles la délinquance s’accroît.

Il convient aussi de souligner l’utilisation complètement inintelligente des forces de gendarmerie, accrochées à leurs jumelles pour verbaliser et faire du chiffre en matière de sécurité routière, alors qu’elles sont absentes des zones accidentogènes. Il n’y a d’ailleurs qu’à voir, hélas ! les chiffres de l’accidentologie pour en avoir la démonstration.

Ma question sera donc simple : quand allons-nous engager un moratoire face à la destruction de nos services publics ?

J’aurai une seconde interpellation à formuler, qui s’adresse à vous, mesdames, messieurs de l’UMP. Je ne vous vois pas beaucoup sur le terrain, au cours de cette campagne pour les élections cantonales. (Protestations sur les travées de l’UMP.) Auriez-vous renoncé, mes chers collègues, à vous appeler « Union pour un mouvement populaire » ? Feriez-vous l’impasse sur cette élection,…

M. Jean-Louis Carrère. … vous qui êtes si prompts à demander au parti socialiste de venir à la rescousse lorsque les sondages d’opinion vous laissent pantois !

Les élections sont dans dix jours : venez donc sur le terrain, vous serez à votre place !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce n’est pas une question d’actualité ! Qu’est-ce que cela signifie ?

M. Jean-Louis Carrère. Nous débattrons de grands sujets, ceux qui intéressent les Français, comme la dépendance.

M. le président. Mon cher collègue, je crois que ce n’est pas l’objet de la question.

M. Jean-Louis Carrère. Ma question est simple, monsieur le président.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce n’est pas une question !

M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas à M. Larcher que je m’adresse, c’est à l’Union pour un mouvement populaire : quand viendrez-vous rencontrer la moitié des citoyens français à l’occasion des élections cantonales ? C’est une question de démocratie ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Tenant à vous rassurer, monsieur Carrère, je vous donne rendez-vous demain soir dans les Yvelines !

La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il n’y a pas de question : il ne peut pas répondre !

M. Jean-Pierre Raffarin. On est comme vous : on attend Strauss-Kahn. Tant qu’il n’est pas là, ce n’est pas la peine ! Envoyez-le-nous !

M. Simon Sutour. On vous l’envoie !

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Monsieur Carrère, votre intervention comportait à la fois des questions et, dans sa deuxième partie, des observations.

Vous le savez aussi bien que moi, et même mieux que moi puisque vous êtes un élu, les élections cantonales obéissent à une logique qui n’est pas celle des élections nationales. (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Claude Guéant, ministre. Les rattachements aux partis politiques ne se font donc pas dans les mêmes conditions. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

Ainsi, sur 10 361 candidats inscrits pour les élections cantonales, 5 900 seulement sont rattachés à une formation politique. (Exclamations sur diverses travées.)

Si vous avez des doutes sur la vitalité des mouvements qui soutiennent le Président de la République et font partie de la majorité présidentielle, je vous informe que plus de 1 500 candidats y sont rattachés, soit 15 % de plus qu’en 2004. Dans votre département, on en compte même 14, alors qu’ils n’étaient que 12 en 2004. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. Paul Raoult. On ne voit jamais Sarkozy sur les affiches !

M. Didier Boulaud. Vous allez prendre une sévère raclée aux élections !

M. Claude Guéant, ministre. Quant à la gendarmerie, que vous avez évoquée, elle a le devoir, comme tous les services publics, de s’adapter, afin de répondre aux attentes de la population. C’est la raison pour laquelle elle est en perpétuelle mutation.

D’abord, ses effectifs ont été augmentés, puisqu’elle compte 2 500 gendarmes de plus qu’en 2000. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) C’est une vérité inscrite dans les budgets que vous avez votés !

M. Bernard Piras. Mensonges !

M. Claude Guéant, ministre. Ensuite, la gendarmerie a connu un certain nombre de mutations. Vous évoquiez, monsieur le sénateur, les escadrons de gendarmerie mobile, dont certains, il est vrai, ont été dissous, car la France, qui n’a plus à affronter la situation insurrectionnelle de 1946, bénéficie de rapports sociaux démocratiques et apaisés.

Dans ce cadre, la priorité a été accordée à la sécurité publique. (M. Didier Boulaud s’exclame. – M. René-Pierre Signé fait un signe de dénégation.) Les besoins en matière d’ordre public ne sont pas aussi importants. Les effectifs des escadrons ont donc été mis à la disposition des groupements de gendarmerie départementale, pour assurer la sécurité quotidienne des Français ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Jean-Louis Carrère. Et l'éducation nationale ?

rapatriement des français installés dans les régions à risques

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit.

M. Jean-Pierre Cantegrit. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nos compatriotes français de l’étranger installés en Tunisie, en Égypte, en Libye, au Yémen et à Bahreïn, sans parler de ceux de Côte d’Ivoire, viennent de traverser ou traversent des moments extrêmement difficiles mettant en jeu leur sécurité et celle de leurs biens.

Sont inscrits dans les consulats de ces pays 41 909 Français, dont 742 en Libye et 13 094 en Côte d’Ivoire. Ils sont en réalité beaucoup plus nombreux. Certes, les situations sont très différentes : en Tunisie et en Égypte, après des moments intenses, l’évolution démocratique nous permet de reprendre espoir pour ce qui concerne la vie quotidienne de nos compatriotes. Ce n’est pas le cas en Libye, au Yémen, à Bahreïn et en Côte d’Ivoire. Là, tous les dangers existent, et nous appréhendons avec gravité certaines situations au regard de la stabilité de la vie quotidienne des Français qui y résident.

Sénateur représentant les Français de l’étranger, je sais, monsieur le ministre chargé de la coopération, que la France a mis en place un dispositif pour accueillir nos compatriotes obligés de fuir leur pays de résidence et que la cellule de crise du Quai d’Orsay veille à leur sécurité.

Cela étant, alors que l’Assemblée des Français de l’étranger est actuellement réunie à Paris – vous y avez vous-même participé ce matin, monsieur le ministre, et votre venue a été appréciée –, vous conviendrez avec moi que je dois apporter à ses représentants, et surtout à ceux de nos compatriotes qui résident dans les pays que j’ai cités, des précisions concrètes sur le dispositif prévu.

Quelle appréciation portez-vous, pour les jours qui viennent, sur la sécurité de nos compatriotes installés dans certains des pays cités ? Pouvez-vous nous rappeler les mesures de rapatriement que vous avez prises ? Quelles dispositions concrètes ont été adoptées en faveur des rapatriés français lors de leur arrivée en France et de leur réinstallation en métropole ?

Je me permets de vous dire que je suis en liaison régulière avec le Comité d’entraide aux Français rapatriés, présidé par M. Ramon Casamitjana, qui joue un rôle important.

Je vous rappelle que la caisse de sécurité sociale des Français de l’étranger a pris des mesures exceptionnelles afin de ne pas radier nos compatriotes. Je vous redis, monsieur le ministre, que leurs représentants, actuellement réunis à Paris, attendent de vous des réponses précises. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de la coopération.

M. Henri de Raincourt, ministre auprès du ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération. Monsieur Cantegrit, vous l’avez rappelé vous-même, nos compatriotes traversent à l’évidence des moments très difficiles dans certains pays du monde arabe qui connaissent des bouleversements historiques, ainsi qu’en Côte d’Ivoire.

Je veux d’abord vous convaincre, si tant est que cela soit nécessaire, que la sécurité de nos compatriotes est, pour le Gouvernement, une préoccupation de tous les instants, qui nous est en permanence rappelée par le Président de la République et le Premier ministre.

M. René-Pierre Signé. Mais cela ne va pas plus loin !

M. Henri de Raincourt, ministre. Si, monsieur Signé, attendez la suite !

Nous savons que les actes de violences se sont, hélas ! multipliés en Côte d’Ivoire. Les forces demeurées fidèles à M. Gbagbo se sont, ces derniers jours, livrées à des actions, ou plutôt à des exactions (Marques d’approbation sur de nombreuses travées) intolérables sur les populations civiles. Des femmes ont ainsi été assassinées.

Dans le cadre du plan de sécurité, une information permanente de notre communauté est assurée par l’ambassade.

Si les circonstances l’exigent, le dispositif d’évacuation pourra être actionné à tout moment, sur décision du Président de la République. Je rappelle que l’opération Licorne se trouve sur le terrain et que nos forces ne sauraient rester inactives si la sécurité de nos compatriotes venait à être menacée.

Pour ce qui concerne notre réactivité, nous avons été parmi les premiers, en Libye, à procéder à un rapatriement. Grâce à des moyens aériens – 4 vols sont intervenus entre les 22 et le 26 février –, nous avons pu rapatrier 654 personnes, dont 498 Français et 156 étrangers.

S’agissant des mesures prises à l’arrivée de nos rapatriés, le dispositif d’accueil comprend une centaine de personnes : agents du ministère, personnels du Comité d’entraide aux Français rapatriés, SAMU, cellule médico-psychologique. Le comité d’entraide accomplit des prestations de suivi administratif et d’accompagnement social en faveur des Français rapatriés, et apporte, au besoin, un secours financier en dépannage.

Je puis donc vous assurer, monsieur le sénateur, que tous les services de l’État sont mobilisés. Le centre de crise, vous le savez vous-même, fonctionne 24 heures sur 24, 365 jours par an. Je profite d’ailleurs de votre question pour lui rendre hommage, car il constitue la première des sécurités offertes à nos compatriotes. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)

M. Alain Gournac. Très bien !

gaz de schiste

M. le président. La parole est à M. Simon Sutour.

M. Simon Sutour. Madame la ministre de l’écologie, je souhaite appeler votre attention sur les permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux et sur les conséquences désastreuses que pourrait avoir l’exploitation du gaz de schiste sur l’environnement.

En effet, en mars 2010, huit permis ont été accordés par votre prédécesseur, M. Borloo, dans la plus grande discrétion, à GDF-Suez et Total, associés pour l’occasion à des entreprises américaines afin de rechercher un gaz non conventionnel.

Est-ce compatible avec le Grenelle de l’environnement ? Est-ce compatible avec le classement des Grands Causses au patrimoine mondial de l’UNESCO,…

M. Simon Sutour. … pour lequel je vous remercie de votre aide précieuse.

De plus – ce n’est malheureusement pas un hasard –, une ordonnance portant modification du code minier – fait particulièrement rare –, prise en conseil des ministres le 19 janvier dernier, facilite ce type d’exploitation.

Cette situation suscite, et c’est bien justifié, une très vive émotion chez les habitants et les élus des zones concernées. Mais cette émotion est partagée bien au-delà puisque, chaque jour, des citoyens de l’ensemble de notre pays nous apportent leur soutien dans la lutte contre cette grave atteinte à notre environnement et, au-delà, à la santé publique.

En effet, comment ne pas être alertés lorsque nous examinons de près les conséquences de l’exploitation du gaz de schiste aux États-Unis, notamment en Pennsylvanie ? La pollution des nappes phréatiques y est irréversible, les paysages sont dévastés, et l’on s’inquiète de plus en plus des effets des procédés utilisés pour l’extraction sur la santé des populations vivant sur ces territoires.

Je le sais, vous avez précisé à de multiples reprises qu’il s’agit non pas de permis d’exploitation, mais de permis d’exploration. Il n’y a en réalité aucune différence ! En effet, d’après les documents remis par GDF-Suez aux maires des communes concernées, les strates de schiste doivent de facto subir une fracturation dans le cadre de l’exploration. Par conséquent, dès l’exploration, les conséquences sont irréversibles, et parler d’un simple carottage est erroné.

Avec M. Besson, vous avez confié à une mission interministérielle une réflexion sur les enjeux environnementaux, sociaux et économiques de l’exploitation des gaz et huiles de schiste.

Peut-être eût-il été préférable de la mettre en place avant que M. Borloo n’accorde ces permis d’exploration. Peut-être eût-il été également préférable, compte tenu de l’importance majeure de ce dossier, de saisir la Commission nationale du débat public. Cela aurait été de bonne gouvernance.

Sur nos territoires, madame la ministre, l’émotion est considérable.

M. le président. Posez votre question, mon cher collègue.

M. Simon Sutour. Les maires et les élus locaux n’acceptent pas de ne pas avoir été informés ni consultés au préalable. De nombreux parlementaires de tous bords se mobilisent.

Madame la ministre, ma question est simple : allez-vous enfin abroger ces permis d’exploration ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Jacqueline Gourault applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie.

M. Didier Boulaud. Il faut la féliciter de sa prise de position sur le Front national !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement. Monsieur Sutour, oui, les projets d’exploration de gaz de schiste suscitent une grande émotion et une vive inquiétude de la part de tous les élus.

Quelle est la situation ? Trois permis ont été accordés en mars 2010 : il s’agit bien de permis d’exploration, et non d’exploitation. S’il est vrai que la technique utilisée est la même, l’ampleur des deux opérations ne peut être comparée.

Néanmoins, il y a une grande inquiétude, fondée notamment sur les images du type d’exploitation qui a eu lieu aux États-Unis et sur ses conséquences sur le paysage et l’environnement, notamment sur les nappes phréatiques.

Par ailleurs, se pose la question de la compatibilité de ce projet avec celui de classement au patrimoine mondial de l’UNESCO des Grands Causses et des Cévennes, qui est porté par toute la France.

M. Jacques Blanc. Très bien !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. La concertation a-t-elle été insuffisante ? Accompagnée de nombreuses publications, elle s’est déroulée de manière régulière. Cela dit, le code minier est ancien et, à la vérité, il laisse relativement peu de place à la concertation pour ce qui concerne la phase d’exploration.

C’est la raison pour laquelle, à l’occasion de la loi de ratification de l’ordonnance de codification du code minier – elle s’est faite à droit constant et je m’inscris en faux contre ce que vous avez dit, monsieur le sénateur –, le Gouvernement pourrait proposer au Parlement d’adopter des modifications du code minier en vue de mieux associer les populations au stade de l’exploration.

Sur le fond, des interrogations subsistent sur l’exploration du gaz de schiste. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de suspendre l’ensemble des travaux qui y sont liés, qu’il s’agisse, j’y insiste, du forage par carottage ou par fracturation hydraulique.

M. Jacques Blanc. Très bien !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Jusqu’à quand ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Nous attendons, pour la fin du mois de mai ou le début du mois de juin, les résultats de la mission qui a été confiée conjointement aux ingénieurs du Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies et du Conseil général de l’environnement et du développement durable.

Mme Nicole Bricq. Il n’y a qu’à tout arrêter !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. C’est au vu des conclusions de cette mission qu’une décision sera prise.

Je le dis très clairement, les industriels nous affirment qu’ils recourent désormais à des technologies nouvelles, très différentes de celles qu’ils utilisaient autrefois aux États-Unis.

Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas vrai !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Nous leur répondons qu’il leur appartient d’apporter la preuve de ce qu’ils avancent. Pour notre part, nous n’accepterons pas, en France, des exploitations de cette nature compte tenu des conséquences qu’elles ont eues aux États-Unis. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)

M. Didier Boulaud. Ça, c’est une réponse ! On a entendu d’autres ministres qui, eux, n’ont guère brillé !

bilan de la première année du service civique

M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.

M. Christian Demuynck. Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État chargée de la jeunesse et de la vie associative.

Madame la secrétaire d’État, comme vous le savez, le Sénat s’est fortement mobilisé afin de mettre en place une politique ambitieuse en faveur des 16-25 ans, sous l’impulsion de son président, Gérard Larcher, et du président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, Jacques Legendre.

C’est dans cet esprit qu’a notamment été créée, en 2009, la mission commune d’information sur la politique en faveur des jeunes.

Le Président de la République, qui a présenté, voilà plus d’un an et demi, le plan « Agir pour la jeunesse », n’a d’ailleurs pas manqué de reprendre certaines de nos propositions.

Sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy, Luc Chatel, Valérie Pécresse et Nadine Morano ont mis en place un plan d’une ambition jamais vue précédemment.

M. Jacques Mahéas. Les emplois-jeunes, c’était tout de même autre chose !

M. Christian Demuynck. Son objectif : répondre aux espoirs et aux attentes des jeunes par des actes.

L’autonomie des universités, le renforcement de l’apprentissage, les contrats aidés, le développement des internats d’excellence, la lutte contre le décrochage scolaire et la construction de logements étudiants ne sont que quelques exemples des mesures engagées par le Gouvernement depuis 2007.

Le service civique s’inscrit parmi ces actions phares.

Il est original, car il permet aux jeunes de s’engager dans des projets citoyens.

Il est valorisant, car il est reconnu dans leur parcours professionnel.

Il est synonyme de succès, car il répond clairement aux attentes et espoirs des jeunes et de leurs familles.

En parcourant la France pour sensibiliser les associations et les jeunes au service civique, j’ai pu apprécier sa réussite. Ces dizaines de rencontres se sont toutes conclues sur un constat unanime : le service civique doit devenir une étape clé dans le parcours des 16-25 ans.

Madame la secrétaire d’État, vous avez également pu constater cette volonté forte lors de votre récente venue à Bobigny afin de lancer l’Année européenne du bénévolat et du volontariat.

Face à ce succès, et à la veille du premier anniversaire de la loi créant le service civique, pouvez-vous nous dresser un premier bilan chiffré de ce dispositif ? Pouvez-vous nous préciser ce que vous comptez faire pour assurer sa montée en charge et, ainsi, pérenniser ce dispositif ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – MM. Hervé Maurey et Jean-Jacques Pignard applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la jeunesse et de la vie associative.

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le sénateur, en effet, nous célébrons aujourd’hui un bel anniversaire : voilà un an qu’a été adoptée la loi relative au service civique, qui fut à l’origine une proposition de loi déposée par M. Collin et le groupe RDSE. Je profite de l’occasion pour remercier la Haute Assemblée du travail remarquable qu’elle a mené et qui a conduit au vote de ce texte. (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP. – M. Hervé Maurey applaudit également.)

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d’État. En particulier, monsieur Demuynck, je tiens à saluer votre implication personnelle pour défendre, à l’occasion des débats, cette loi sur le service civique et, aujourd’hui, pour la mettre en œuvre, au travers notamment des travaux de la mission d’information sur la politique en faveur des jeunes.

J’ai encore pu mesurer votre implication lors de notre entrevue à Bobigny à l’occasion du lancement de l’Année européenne du bénévolat et du volontariat.

M. Jacques Mahéas. En Seine-Saint-Denis, c’est la catastrophe !

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d’État. Par ailleurs, je sais que votre ville, Neuilly-Plaisance, est aujourd’hui agréée au titre du service civique et que vous accueillerez une dizaine de jeunes au cours des deux prochaines années.

Le service civique concrétise un engagement du chef de l’État à offrir à tous les jeunes de 16 à 25 ans l’occasion de s’impliquer dans des missions reconnues d’intérêt général et prioritaires. Il s’agit d’une contribution majeure de ce gouvernement en faveur de la jeunesse. Aujourd’hui, avec le service civique, nous nous sommes dotés d’un outil innovant, performant, moderne pour soutenir l’engagement de cette jeunesse qui est loin des clichés que l’on entend parfois à son propos.

Comme j’ai eu l’occasion de l’indiquer devant la commission de la culture, de l’éducation et de la communication et devant son président, Jacques Legendre, les débuts du service civique sont prometteurs. Grâce à la réactivité des services de l’État, du monde associatif et des collectivités locales, les premiers contrats de service civique ont pu être signés dès cet été.

Depuis le mois de septembre, la montée en puissance du service civique est réelle.

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d’État. En quelques mois, ce sont plus de mille structures qui ont été agréées, dont 85 % au niveau local, et, au 31 décembre dernier, 5 195 volontaires avaient signé un contrat sous le régime de la loi du 10 mars 2010.

Qu’il se matérialise dans l’aide aux populations haïtiennes, dans nos territoires ultramarins pour lutter contre l’épidémie de dengue, dans nos quartiers comme en Seine-Saint-Denis ou – je tiens à le souligner – en zone rurale,…

M. Jacques Mahéas. En Seine-Saint-Denis, il n’y a pas grand-chose !

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d’État. … cet engagement est réel. Sur le plan budgétaire, il s’est matérialisé par une augmentation de 140 % des moyens consacrés au service civique entre 2010 et 2011 ; celle-ci atteindra même 300 % entre 2010 et 2013. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Claude Bérit-Débat. Vous déshabillez Pierre pour habiller Paul !

contrôle des fraudes aux allocations sociales

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche.

Mme Catherine Deroche. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

Monsieur le ministre, notre système social, dont nous avons coutume de dire qu’il est l’un des plus généreux au monde, n’a plus les moyens de supporter les milliards d’euros qui s’envolent en raison de la fraude sociale. (Ah ! sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. Guy Fischer. C’est toujours la faute aux chômeurs !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les pauvres sont tous des fraudeurs !

M. David Assouline. Parlez des entreprises qui ne paient pas leurs impôts !

Mme Catherine Deroche. Par ces temps de crise économique, le montant important des prestations indues et des cotisations non perçues ainsi que le comportement scandaleux des fraudeurs sont d’autant plus exaspérants.

De plus, face au déficit colossal des comptes sociaux, la lutte contre la fraude devient, au-delà de son seul objectif moral, une nécessité pour la survie de notre système de protection.

M. Guy Fischer. Les patrons, eux, ne fraudent pas ?

Mme Catherine Deroche. Le phénomène n’est pourtant pas nouveau. En effet, le Gouvernement s’y est déjà confronté en mettant en place une délégation nationale à la lutte contre la fraude, chargée notamment de l’évaluation et du contrôle des fraudes sociales, et en renforçant l’arsenal juridique encadrant le système de sécurité sociale.

Cependant, ces mesures demeurent insuffisantes. La Cour des comptes, chargée de certifier les bilans des organismes sociaux, a dressé un constat alarmant et dénoncé notamment « des stratégies nationales aux cibles imprécises », « les actions des caisses locales limitées » et la « récupération insuffisante des indus ».

Certes, la régulation des comportements frauduleux relève d’une mission fort délicate. Les organismes sociaux, dont ce n’est ni la mission première ni la culture naturelle, ont fait preuve pendant longtemps d’un certain laxisme. Cela a évolué dans le bon sens, mais insuffisamment.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Précisez de quelle fraude vous parlez, ma chère collègue !

Mme Catherine Deroche. De ce fait, il revient au Gouvernement de prendre à bras-le-corps cette situation qui, d’après les sondages, énerve et inquiète les Français et conduit à un amalgame inacceptable entre les fraudeurs et nos concitoyens bénéficiant à juste titre d’une protection.

M. Guy Fischer. C’est vous qui faites l’amalgame !

Mme Catherine Deroche. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer les mesures que vous comptez prendre pour réinstaurer de la rigueur dans notre système de protection ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – MM. Hervé Maurey, Jean-Jacques Pignard et Bruno Retailleau applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé. Madame le sénateur, toutes les fraudes, qu’elles soient fiscales ou sociales, sont intolérables.

M. Guy Fischer. Même celles des patrons ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Aujourd’hui, nous ne pouvons absolument plus fermer les yeux sur leur réalité.

Toute fraude doit être traquée : aussi bien celle du chef d’entreprise qui recourt structurellement au travail clandestin – vous avez voté de nouvelles dispositions dans le cadre du projet de loi sur l’immigration (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG),…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tout de suite, l’immigration !

M. Xavier Bertrand, ministre. … pour permettre alors la fermeture administrative de l’entreprise – que celle qui porte sur les arrêts de travail abusifs.

Le fraudeur, quel qu’il soit, doit être poursuivi et contraint de rembourser. Les fraudeurs ou – c’est la même chose – ceux qui abusent, ce sont des voleurs : ils volent les Français, ils volent la protection sociale !

Aussi, nous avons besoin aussi d’adopter une nouvelle approche dans la lutte contre la fraude.

M. René-Pierre Signé. Et des moyens aussi !

M. Xavier Bertrand, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, voilà maintenant plusieurs années, en 2004, je vous avais présenté des dispositions que vous aviez alors acceptées. Éric Woerth puis François Baroin ont également poursuivi dans cette voie.

Toutefois, je trouve que notre action est trop concentrée au niveau des comités nationaux ou départementaux. C’est sur le terrain, là où il y a la fraude, que les contrôleurs doivent disposer de beaucoup plus de moyens.

Par ailleurs, je le dis très clairement, tous les indus feront l’objet de procédures de recouvrement. Outre les sanctions pénales, des sanctions administratives doivent aussi être prononcées. Le fraudeur doit être bien conscient qu’il sera tenu non seulement de rembourser l’indu, mais aussi de payer une somme complémentaire.

Ensuite, les moyens informatiques, grâce au croisement des informations, nous permettent de savoir qui touche quoi.

Ce débat, nous l’aurons également au niveau européen. Lundi dernier, lors du sommet européen, j’ai dit à l’ensemble de mes collègues que nous devions faire de la lutte contre la fraude un enjeu communautaire. Nous n’avons plus le droit de fermer les yeux sur les entreprises « boîte aux lettres » dont la seule activité consiste à recevoir un courrier avant de le faire suivre dans un autre pays, dans l’unique but de contourner les réglementations.

M. Xavier Bertrand, ministre. C’est aussi une mission de la Commission européenne. C’est pourquoi j’ai demandé qu’on s’engage dans cette voie.

Enfin, n’oublions pas que la fraude est l’ennemie de la valeur travail. Quand quelqu’un, grâce à la fraude, perçoit un revenu équivalent ou supérieur à celui qu’il toucherait en travaillant, ne comptez pas sur lui pour reprendre un emploi !

M. Bruno Sido. Absolument !

M. Xavier Bertrand, ministre. Voilà les raisons pour lesquelles nous sommes totalement déterminés. C’est une question de justice, et de justice sociale ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur plusieurs travées de l’Union centriste.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

7

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 29 mars 2011 :

À quatorze heures trente :

Élection d’un vice-président du Sénat, en remplacement de M. Jean-Claude Gaudin.

Ordre du jour fixé par le Sénat :

1. Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, de simplification et d’amélioration de la qualité du droit (n° 297, 2010-2011).

Rapport de M. Bernard Saugey, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 341, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 342, 2010-2011).

Avis de M. Hervé Maurey, fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (n° 334, 2010-2011).

De dix-sept heures à dix-sept heures quarante-cinq :

2. Questions cribles thématiques sur le « Grand Paris ».

À dix-huit heures :

3. Suite de la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit.

Le soir et, éventuellement, la nuit

4. Suite de l’ordre du jour de l’après-midi.

5. Deuxième lecture de la proposition de loi relative au prix du livre numérique (n° 309, 2010-2011).

Rapport de Mme Colette Mélot, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 339, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 340, 2010-2011).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à seize heures.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART