M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Laurent Wauquiez, ministre. Je vais répondre à la faim du sénateur Fauchon...

Lors de son intervention, M. Badré n’a pas plaidé en faveur des euro-obligations, mais a mis en évidence la nécessité de soutenir l’euro et, plus largement, de renforcer l’intégration communautaire. Je souhaite rendre justice à la précision de son raisonnement.

Je maintiens mon point de vue, monsieur Fauchon. Vous le savez parfaitement, nous en avons parlé en commission, les observateurs étrangers, en cette période, testent l’Union européenne, qui est une zone géopolitique subtile, pas forcément facile à comprendre pour ces derniers.

Il y a un temps pour des propositions constructives et innovantes et un temps pour l’action. La période actuelle est à l’action. Des propositions désordonnées nuisent à la lisibilité de cette action.

Tout le monde doit se rendre compte que l’ensemble des forces est concentré sur un objectif : faire face aux crises de l’euro qui menacent les différents États membres.

De ce point de vue, il convient de ne pas se disperser. La question des Eurobonds n’est pas d’actualité pour l’instant. Nous avons à notre disposition un outil correctement doté, le fonds de soutien européen, et qui fonctionne efficacement, comme l’a mis en évidence la crise irlandaise.

J’ai beaucoup d’estime pour M. Juncker. Il me semble seulement que le temps ne se prête pas à ce débat.

Nous sommes au milieu du gué. Construisons le pont, nous penserons ensuite à d’autres territoires à explorer.

M. Pierre Fauchon. Rendez-vous dans un an !

M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia.

M. Robert del Picchia. Voilà un peu plus d’un an, le 1er décembre 2009, après quelques années très difficiles de réformes institutionnelles, est entré en vigueur le traité de Lisbonne.

La crise économique est survenue, avec des effets dévastateurs sur la zone euro, rappelés par les différents orateurs. Plusieurs pays ont été lourdement touchés, d’abord la Grèce, soutenue par l’Union européenne et le FMI, puis l’Irlande. Sans être alarmiste, demain, d’autres pays pourraient être affectés.

Le traité de Lisbonne, dans son état actuel, ne permet pas aux États membres de la zone euro de secourir l’un d’entre eux confronté à de graves difficultés budgétaires.

Le mécanisme européen de stabilisation, mis en place par le Conseil, pourrait évidemment n’être que temporaire. Néanmoins, le risque de contagion de la crise existe et d’autres États pourraient bientôt demander à bénéficier de ce dispositif.

Pour créer le futur fonds de soutien permanent aux pays en crise après 2013, d’aucuns, entre autres en Allemagne, soutiennent que le traité doit être réformé.

Vous l’avez dit, monsieur le ministre, la capacité d’action de l’Union européenne est actuellement mise à l’épreuve. Ce n’est pas vraiment d’actualité, mais certains avancent toujours l’idée de la mise en place d’une agence européenne de la dette, capable d’émettre des euro-obligations. L’Allemagne y est fermement opposée. Or ce système rendrait nécessaire la modification du traité de Lisbonne.

À la fin de votre intervention, monsieur le ministre, vous avez souligné que l’Union européenne était une question de bon sens. À cet égard, réviser le traité de Lisbonne n’est-ce pas prendre le risque d’ouvrir la boîte de Pandore ? Les réclamations de tous les frustrés de Lisbonne, les non français, irlandais, néerlandais, ainsi que les valses et hésitations tchèques et polonaises restent très présentes dans nos esprits.

Monsieur le ministre, je vous pose donc une question de bons sens : qu’en est-il exactement ? La fin de la crise financière en Europe doit-elle passer par un nouveau chapitre de la révision des traités ? Si tel était le cas, quel en serait le calendrier ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Laurent Wauquiez, ministre. Je vous remercie, monsieur le sénateur, de cette question de bon sens et d’actualité, à laquelle je vais essayer de répondre très précisément.

La mise en place du mécanisme pérenne à partir de 2013 nécessite une révision du traité de Lisbonne pour un certain nombre d’États membres, dont l’Allemagne.

Mais, vous avez raison, le principal défi auquel nous sommes confrontés est de ne pas ouvrir la boîte de Pandore et la machine à fantasmes, qui nous entraîneraient dans un mécanisme de transposition aléatoire. Je garde le même cap : priorité, dans cette période, à notre crédibilité et à notre rapidité.

La France milite pour une révision la plus simple et la plus circonscrite possible, pour éviter d’ouvrir le champ et de multiplier les modifications du traité. Il s’agit seulement de procéder à une frappe chirurgicale.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. J’aborde ma question avec prudence, parce que je voulais participer à la foire aux idées, qui, je l’ai compris, n’est pas à l’ordre du jour. Le présent débat ne doit pas être l’occasion de se disperser.

M. Richard Yung. M. Juncker a tout de même indiqué qu’il a fallu cinq ans pour que l’idée qu’il avait lancée soit ratifiée. Il y a donc bien un temps pour le débat et la réflexion, auquel nous, parlementaires, adhérons. Pour votre part, vous semblez vous situer dans celui de l’action.

Ma question porte sur la politique industrielle. Je sais qu’elle fait partie, comme la politique sociale, des vaches sacrées auxquelles il est régulièrement rendu hommage. Pourtant, rien ne se passe, rien ne bouge.

Je constate un grand refroidissement à l’échelon européen des relations industrielles de la France avec l’Allemagne, malgré le débat sur des participations croisées entre Areva et Siemens, celui, un peu faussé d’ailleurs, entre Alsthom et la SNCF sur la fourniture des Eurostar, et le retrait d’EDF du Bade-Wurtemberg.

Au-delà de ces cas, peu de choses sont faites pour développer les bases d’une politique industrielle européenne et créer les « champions », dont nous avons besoin en matière d’innovation.

Dans le domaine de l’énergie, l’Allemagne mène une politique complètement indépendante du point de vue de l’approvisionnement, établissant des contrats spécifiques avec les Russes, leurs propres pipelines, etc.

Lors de mon séjour au Brésil, j’ai malheureusement appris le report de l’achat de Rafale par ce pays, dont tout le monde a compris la signification. Mais est-ce étonnant ? Les Brésiliens, afin de moderniser leur armée de l’air, ont fait jouer la concurrence entre le Gripen suédois, l’Eurofighter développé conjointement par les Anglais, les Italiens, les Allemands et les Espagnols, et le Rafale.

Ma question, peut-être anticipée, monsieur le ministre, est donc la suivante : quelles sont vos réflexions et vos intentions dans ce domaine ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Laurent Wauquiez, ministre. Je tiens tout d’abord à souligner que le Parlement est évidemment une enceinte de débat et de production d’idées. Néanmoins, une initiative gouvernementale ne doit pas suivre tout à fait le même tempo et n’est pas soumise aux mêmes exigences.

S’agissant de la politique industrielle, vous avez raison de rappeler qu’elle ne fait partie des sujets à l’agenda du Conseil européen. C’est la raison pour laquelle je ne l’ai pas évoquée dans le cadre du présent débat.

Je formulerai seulement quelques réflexions.

D’abord, le dernier conseil franco-allemand a mis l’accent sur les politiques industrielles et les intérêts communs de nos deux pays, portés notamment par le groupe d’Évian, l’un des groupes fondateurs de la relation franco-allemande et jouant un très grand rôle dans les relations croisées.

Ne nous racontons pas d’histoires : il existe bel et bien des affrontements et des confrontations stratégiques entre des groupes français et allemands. Néanmoins nous devons essayer de dégager des intérêts communs. Nos deux pays construisent des trains à grande vitesse et doivent dans le même temps éviter que les Chinois ne copient leur savoir-faire et ne leur taillent ensuite des croupières sur d’autres marchés.

Il est dans l’intérêt de nos deux pays de faire émerger des champions européens, en appliquant les règles de la réciprocité.

L’Europe d’avant-crise était le bras-armé de la dérégulation, et, dans une logique de concurrence pure et parfaite, prenait insuffisamment en compte ses intérêts industriels propres.

L’Europe d’après-crise devra essayer de mener une politique pragmatique, permettant de défendre et de conforter, par le biais de la réciprocité, nos champions industriels européens. Je suis fortement convaincu qu’elle devra changer en quelque sorte de logiciel.

Monsieur le sénateur, l’énergie est l’un des sujets majeurs ; les enjeux géostratégiques sont énormes. La possibilité d’assurer une sécurité d’approvisionnement pour la zone européenne et une diversification de ces approvisionnements est fondamentale. Il s’agira de l’une des priorités de la présidence hongroise, comme me l’a confirmé mon homologue.

De ce point de vue, la France a la chance d’avoir l’énergie nucléaire, ce qui lui permet d’avoir une indépendance énergétique beaucoup plus grande.

M. le président. La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Monsieur le ministre, je voudrais revenir sur la question de la responsabilisation des banques dans le cadre de la crise que l’Europe traverse.

Vous nous avez indiqué que les banques irlandaises avaient été sanctionnées, notamment par la nationalisation. Toutefois, permettez-moi d’objecter que nationaliser une banque en faillite, c’est tout simplement socialiser les pertes. Peut-être aurait-il été utile de nationaliser les établissements bancaires irlandais bien avant pour éviter ce genre de dérive…

Néanmoins, qu’en est-il des sanctions adoptées à l’égard des banques européennes, qui ont largement contribué à encourager les banques irlandaises à prendre des risques excessifs ?

À cet égard, permettez-moi de rappeler quelques chiffres qui figurent dans le rapport de notre collègue Jean-François Humbert : les banques allemandes possèdent 150 milliards d'euros de dettes en Irlande, les banques du Royaume-Uni 162 milliards d'euros et les banques françaises, plus modestement tout de même, 63 milliards d'euros, qui sont notamment détenus par le Crédit Agricole.

Monsieur le ministre, ne pensez-vous pas que ces établissements bancaires auraient également dû contribuer au règlement de la crise irlandaise ? Est-il suffisant de renvoyer cette question à 2013 ?

Par ailleurs, les banques nationales qui ont une activité sur le plan européen extrêmement importante sont supervisées par des autorités nationales disposant de pouvoirs limités. Ne serait-il pas utile de créer une autorité européenne en la matière ? De la même manière, ne serait-il pas urgent d’instaurer une agence publique européenne de notation de crédit pour surmonter les conflits d’intérêts largement entretenus par les agences privées ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Laurent Wauquiez, ministre. Tout d’abord, je souhaite insister sur un point : les actionnaires ont bien payé puisque, à travers la nationalisation, ils ont perdu des montants considérables. Celle-ci a eu lieu à un moment qui, incontestablement, n’était pas le bon pour eux.

Ensuite, on ne peut pas dire que les banques des autres pays ont encouragé la surexposition du secteur bancaire irlandais. Tous les secteurs bancaires nationaux ont rencontré leurs propres difficultés. Permettez-moi d’ailleurs à ce propos de souligner la solidité du système bancaire français qui, sur la scène européenne, s’est avéré le plus solide de tous, et de loin, même comparé au secteur bancaire allemand. Il a finalement très bien surmonté le choc de la crise et sans que cela coûte le moindre euro au contribuable français, et nous avions d’ailleurs eu un débat sur ce sujet ; le plan de sauvetage des banques a même profité au budget de l’État.

S’agissant du mécanisme pérenne pour l’après 2013, il rendra bien possible la participation des créanciers privés en cas de problème de solvabilité de la dette.

Qu’est-il prévu ? L’application du mécanisme des clauses d’action collective permettra tout d’abord d’éviter qu’une minorité de créanciers ne bloque une solution de restructuration de la dette. Voilà un point fondamental sans lequel il est impossible d’organiser la participation des créanciers.

Les principes de ce mécanisme sont calés sur ceux qui sont actuellement en œuvre au FMI : il s’agit d’une participation au cas par cas, en fonction de la situation du pays en difficulté.

Enfin, élément le plus important, que garantit ce mécanisme ? Les créanciers publics, parce que ce sont les contribuables qui alimentent ce type de créances, seront remboursés les premiers. Il s’agit en quelque sorte d’une primauté au remboursement.

J’y insiste clairement : un tel mécanisme sera instauré après 2013. S’il est comparable à celui qui existe au FMI aujourd'hui, il constitue toutefois une véritable avancée par rapport au fonctionnement actuel.

M. le président. La parole est à M. Simon Sutour.

M. Simon Sutour. Tout d’abord, je me félicite de la tenue de ce débat interactif ; c’est un élément positif pour la Haute Assemblée.

Par ailleurs, en tant qu’élu du département du Gard, je souhaite exprimer mon accord avec M. le ministre au sujet de l’énergie nucléaire, dont la maîtrise constitue une véritable chance pour la France.

M. Simon Sutour. Ce n’est pas assez affirmé.

M. Denis Badré. Tout à fait !

M. Simon Sutour. Par conséquent, quand on en a l’occasion, il faut le faire.

Ma question ne s’insère pas exactement dans le cadre du prochain Conseil européen. Cependant, puisque nous commençons l’examen des perspectives budgétaires pour la période 2014-2020, le sujet sera abordé de manière récurrente. Il concerne, monsieur le ministre, l’avenir de la politique de cohésion territoriale, politique désormais inscrite dans le traité de Lisbonne, dont la ratification était donc un acte positif.

À cet égard, une grande inquiétude monte au sein de nos territoires – communes, départements, régions – au sujet de l’avenir des fonds structurels européens et de leur reconduction pour la période 2014-2020.

Pours ce qui concerne la région dont je suis l’élu, le Languedoc-Roussillon, ces fonds représentent 800 millions d'euros pour la période 2007-2013. C’est donc une somme très importante à l’heure où l’État rencontre des difficultés d’ordre budgétaire et où les collectivités départementales et régionales se voient transférer toujours plus de nouvelles compétences sans forcément profiter du versement des ressources correspondantes.

Cette inquiétude est également palpable au sein des associations d’élus : l’Association des maires de France se mobilise, ainsi que le Conseil des communes et régions d’Europe.

Pourquoi sommes-nous inquiets ? Parce que nous savons que le budget européen sera constant et que, au sein de ce dernier, il faudra dégager des crédits pour mener à bien les objectifs de la stratégie de Lisbonne relatifs au développement durable et à l’innovation technologique – ce qui est positif – , alors que la politique agricole commune mobilise déjà une part importante des fonds.

Monsieur le ministre, quelles sont la position du Gouvernement sur ce sujet – je ne doute pas qu’elle soit favorable au maintien de la politique de cohésion territoriale –et votre détermination ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Laurent Wauquiez, ministre. Monsieur Sutour, je tiens tout d’abord à vous remercier de votre intervention sur l’énergie nucléaire : il me semble très important qu’une telle position soit partagée par l’ensemble de la représentation nationale.

Il est vrai que, dans la période de crise actuelle, nous mesurons bien ce que ce choix énergétique apporte au pays, à la fois sur le plan environnemental – on peut en débattre mais le nucléaire est ce qui permet à la France d’être un élève modèle s’agissant des émissions de CO2 – et en termes de sécurité des approvisionnements. En effet, quand je discute avec mes homologues européens qui, pour leur part, dépendent notamment de la Russie sur ce plan, je mesure à quel point la situation de la France est beaucoup plus avantageuse.

Le sujet de votre question, vous l’avez vous-même souligné, ne figure pas au programme du Conseil européen. Je vous répondrai néanmoins car il est très important pour nombre de nos collectivités territoriales. En tant que maire, je sais en effet le poids que peut représenter l’aide européenne pour de nombreux territoires.

Par ailleurs, ce thème compte parce qu’il correspond à l’Europe concrète, à celle qui est à côté de chez vous et qui permet de porter des projets aptes à innerver nos territoires.

Cependant, il faut bien l’avouer, les dossiers de demande de fonds européens sont lourds et bien trop compliqués à remplir ; les procédures d’instruction administrative sont pesantes et découragent soit les associations, soit les élus locaux. Ces derniers finissent en effet par passer tant de temps à ces formalités que la procédure coûte au final plus cher qu’elle ne rapporte.

Ce n’est pourtant pas une fatalité ! Et l’Europe n’est pas nécessairement synonyme de procédures administratives interminables. D’ailleurs, le Gouvernement français a parfois alourdi encore plus le procédé du point de vue de la technocratie, ainsi que les difficultés.

Voilà un sujet dont je veux faire l’une de mes priorités : simplifier l’Europe et simplifier de tels outils. Certes, il faut dépenser mieux, essayer d’éviter les dérives et bien « régler » l’augmentation du budget de l’Union européenne. Mais cet objectif ne doit pas nous empêcher d’avoir pour ambition d’instituer des outils plus réactifs et plus simples à utiliser.

C’est ce que nous ferons à propos des fonds structurels européens et de la politique de cohésion territoriale. Une telle simplification peut en outre porter sur d’autres outils, comme le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes, et M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Au terme de ce débat, je suis ravi de la réactivité des propos des différents intervenants.

Monsieur le ministre, je profiterai de votre présence dans cet hémicycle pour vous dire de nouveau – nous l’avions déjà fait lors de votre audition en commission – que nous nous réjouissons que vous soyez doté d’un ministère de plein exercice. Cela traduit la place que l’Europe doit désormais occuper aux yeux du Président de la République, du chef du Gouvernement et de l’ensemble de la représentation nationale.

Je voudrais revenir sur deux ou trois points.

Je rappellerai pour commencer les propos du président de la Banque centrale allemande, M. Axel Weber, qui, de passage à Paris voilà quelques semaines, soutenait que nous étions face à une crise non pas de l’euro, mais des finances publiques de certains États membres. Il faut y insister pour souligner précisément la justesse d’un tel propos.

Je retiendrai également les mots de M. Jean-Claude Trichet affirmant que l’euro était notre monnaie et devait rester notre destin. Voilà également des messages que nous devons adresser aux marchés.

Ensuite, vous avez bien souligné la capacité de l’Europe, crise après crise, à résoudre ses problèmes en construisant les outils nécessaires pour aboutir à une réelle gouvernance. Vous avez en outre insisté – à l’instar de tous les intervenants – sur l’importance d’avoir une très grande réactivité sur ce sujet, afin d’envoyer aux marchés autant de messages que nécessaire.

Vous avez très clairement répété que, au-delà de 2013, la participation du secteur privé au dispositif d’aide n’est pas exclue. Lorsqu’ils avaient été tenus pour la première fois par la Chancelière Angela Merkel, ces propos avaient suscité quelque émoi. Cette possibilité est désormais plutôt admise par tout le monde. Les gestionnaires doivent bien comprendre que, à partir de 2013, les fonds spéculatifs seront strictement encadrés et qu’il ne sera plus possible de faire n’importe quoi dans ce domaine.

Par ailleurs, parallèlement à la mise en place d’une gouvernance économique, l’approfondissement du marché unique est à mon avis indispensable ; le commissaire européen Michel Barnier, dont la tâche est énorme, doit bien comprendre que l’une et l’autre vont de pair.

Je rappellerai également – vous l’avez fait, monsieur le ministre – l’importance du montant du Fonds européen de stabilité financière : 750 milliards d'euros, ce n’est pas rien. Certes, ce chiffre est susceptible de varier, mais le signal envoyé aux marchés est loin d’être négligeable.

Monsieur le ministre, vous avez mentionné le principe de réciprocité. La commission des affaires européennes s’est penchée sur la notion de préférence communautaire depuis un certain nombre d’années. Il est vrai que nous étions assez mal à l’aise car, au fil du temps, depuis le traité de Rome, celle-ci n’était plus qu’une incantation politique ; disons-le clairement !

Or cette notion a été clarifiée et je remercie le Gouvernement – et vous-même, monsieur le ministre – de l’avoir bien cadrée. Nos partenaires, les vingt-six autres États membres de l’Union européenne et, au-delà, les pays tiers, comprennent désormais parfaitement à quoi ce principe de réciprocité fait référence. Il ne faut d’ailleurs pas être naïf : ce dernier doit animer toutes nos actions parce que nous ne pouvons pas agir comme bon nous semble.

Permettez-moi de conclure par une citation dont j’ai oublié l’auteur…

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Nietzsche, peut-être ?

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Ce n’est pas de Nietzsche…

M. Denis Badré. Jean Bizet ! (Sourires.)

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Non, ce n’est pas du tout de moi !

Selon cet auteur, l’Europe se dissout quand on la pense claire et rationnelle, alors qu’il faut la concevoir dans sa pleine et complexe réalité.

J’avoue que ces propos m’avaient autrefois séduit ; mais ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui. En tout état de cause, ils ne séduisent pas les marchés, qui désirent au contraire clarté et rationalité.

Ainsi que vous l’avez appelé de vos vœux, monsieur le ministre, il faut que l’Europe parle d’une seule voix et que, très rapidement, nous soyons dotés d’une gouvernance économique. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Je ne reviendrai pas sur ce que le président de la commission des affaires européennes a excellemment exposé.

Monsieur le ministre, j’émettrai simplement le vœu que, à l’occasion du Conseil européen, les chefs d’État et de gouvernement discutent de la situation en Côte d’Ivoire. En effet, j’espère que l’Union européenne parlera d’une seule voix pour condamner le coup de force qui s’y est produit…

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. … et demander que M. Ouattara, qui a été élu par son peuple, puisse exercer ses fonctions. Si l’Union européenne se taisait, elle commettrait un grave manquement. (M. le président de la commission des affaires européennes et MM. Robert del Picchia et Denis Badré applaudissent.)

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat préalable au Conseil européen des 16 et 17 décembre 2010.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.